contes tantôt émouvants, tantôttout à fait amusants. On en connais-sait certains, ainsi celui du petitlièvre qui croyait la fin du mondearrivée (cf. « le poussin qui reçutun gland sur la tête »). Ignorance etsottise sont, dans la plupart des cas,spécialement visées. Une lectureagréable qui nous initie à une cer-taine philosophie.
POUR CEUX QUI RACONTEI^T
I Chez Flies Fronce, dans la collec-tion Aux origines du monde, choixde textes, préface et notes parMarcel Van den Berg, t rad. du
néerlandais par Daniel Cunin :Contes et légendes de Flandre(140 F). 206 contes d'origine, pourrenouer totalement avec le proposde la collection. Un vrai feu d'artifi-ce : « comment la haine et l'enviesont venues au monde », « l'originedu bâton », « pourquoi le bouleauest maudit », « l'origine de l'œil-de-Christ », « l'origine des Français »,« pourquoi les avocats ne montent-ils plus au ciel », « l'origine descouilles », « pourquoi les bœufs sedéplacent lentement »... Il y en apour tout le monde.Pour les plus grands, les bons lec-teurs et, en premier heu, pour ceuxqui racontent.
E.C.
La Barbe bkw, ill. É. Battut, Bilboquet
ROMANS
I Chez Actes Sud Junior, dans lacollection Les Couleurs de l'Histoire,de Nicole Vidal : Nam de la guerre(65 F). Reprise d'un titre initiale-ment publié aux éditions de l'Amitiéen 1975, revu pour cette nouvelleédition. Un des rares textes pour lajeunesse qui ait pour sujet la guerredu Vietnam : le lecteur y découvre, àtravers les épreuves de Nam, jeunevillageois Sud vietnamien, la manièredont souffrent et survivent lespaysans. Ceux-ci apparaissent dansle roman comme les victimes plutôtque comme les acteurs du conflit : sicertains choisissent clairement des'engager dans l'un ou l'autre camp,la plupart sont contraints à subirl'intimidation et la violence desforces gouvernementales, des Améri-cains et des Vietcongs, ballottésd'une autorité à l'autre au gré del'évolution et des retournements desopérations militaires.
I Chez Bayard, de Martine Laffon :Fou du vent (66 F). Pendant unséjour professionnel de ses parentsen Afrique, Julien vit chez sesgrands-parents, propriétaires d'unharas. Il y est très malheureux, seheurtant sans cesse à la sévérité,voire à l'hostilité incompréhensiblede son grand-père. Sa seule consola-tion est son attachement à uncheval, un splendide étalon qu'ilnomme Fou du vent. Lorsqu'un soircelui-ci s'échappe, Julien se lance àsa recherche. Cette longue poursuitenocturne conduit l'enfant dans uncamp de Gitans où se succèdent ren-contres et découvertes. C'est làaussi qu'il comprendra le secret deson grand-père, marqué par unpassé douloureux. Un roman facile
22 / LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS
Qu'est-ce-quipasse ici si tard ?, ill. Merlin, Castennan
à l i re mais maladroi tementconstruit, comme si l'auteur n'avaitpas réussi à choisir parmi tous lesthèmes successivement évoqués.
I Chez Coslermon, Romans Dix &plus, Aventures, d'Anne Silvestre,ill. Christophe Merlin : Qu'est-cequi passe ici si tard ? (42 F). Parisen 1602, la vie du roi Henri IV estmenacée. François, le poète espiègleet qui tient plus que tout à sa libertéde pensée, est au courant d'uncomplot, mais il est retenu prison-nier. Ses amis - un gamin, un librai-re, des enseignants - veillent et agis-sent. Un roman d'aventures surfond historique, vivant et bienmené, qui rend bien l'atmosphère
de l'époque et montre un Paris dif-férent de celui d'aujourd'hui mêmesi on s'y retrouve parfaitement. Ony découvre aussi les idées révolu-tionnaires qui germent à une époqueoù le latin est pratique courante etla médecine loin des techniques ac-tuelles.
En Romans Dix & plus, Mystère,d'Yves Pinguilly, ai. Nadine Van derStraeter : Ma poupée chérie (42 F).Nouvelle édition d'un texte publiéchez le même éditeur en 1993.L'illustratrice n'a pas changé, maiscertaines illustrations sont diffé-rentes, Victor et Véronique, deux po-liciers parisiens en vacances auBénin se trouvent involontairementmêlés à un vol de statues (poupées)
utilisées pour des rites religieux.Aidés par deux sympathiques jeunesbéninois ils viendront à bout de cetteénigme. Si la trame est assez conven-tionnelle, l'atmosphère africaine dé-paysante, les personnages rencontrésbien campés et amusants contribuentà une lecture plaisante et plus origi-nale que d'autres titres de la sériedes enquêtes de l'inspecteur Frolot.
I Chez Gallimard, de Roald Dahl :Mauvaises intentions : neuf his-toires à faire frémir (59 F). Nou-velle édition de neuf nouvelles deRoald Dahl tirées de Kus, Kiss et deBizarre, Bizarre .'. Pour savourerles plaisirs de l'humour dans toutesles nuances du noir.
• Chez Gallimard Jeunesse, deMichael Morpurgo, trad. DianeMénard, ill. François Place : LeRoyaume de Kensuké (98 F). Voirrubrique « Chapeau ! », p. 14.
En Folio J u n i o r , de MelvinBurgess : Une Promesse pour May(30 F). Tarn se réfugie souvent dansles ruines d'une ferme isolée sur lalande ; il y rencontre une vieillemendiante assez répugnante accom-pagnée de son chien. Un jour,entrant dans la cheminée de laruine, il se retrouvera à l'époque dela Deuxième Guerre mondiale et yrencontrera le même chien et Maydont il devient l'ami. C'est uneétrange petite fille muette que lefermier a recueillie. Il apprendrapourquoi May n'est pas une enfantcomme les autres et l'horrible façondont elle a vécu jusqu'alors. Reve-nant à l'époque contemporaine,Tam rencontre à nouveau la vieillemendiante et son chien, diversindices lui permettront de recon-naître May. Sur le thème classiquedu voyage dans le temps, se greffent
N° 198 AVRIL 2001/23
N O u V A U T
des thèmes chers à l'auteur : enfantsdifférents, amitié, description d'uneépoque passée. Ce texte de 1992,n'est pas sans charme, ni intérêt,mais semble moins abouti que sesromans plus récents.
L'Épopée fantastique (32,50 F), deKatherine A. Applegate, trad.Claude Marie, est le sixième volumede la toujours excellente série Ever-world, cette saga de quatre lycéensoscillant selon leurs réveils entremonde réel et monde merveilleux oùsont rassemblés tous les dieux,ogres, animaux fantastiques de nosmythologies et imaginaires. Outre laconfrontation toujours mystérieusedes deux univers, la quête fantas-tique des quatre « héros » pour sur-vivre et la mise en scène de tant defigures habituellement figées dansleurs statuts divins ou féeriques,l'intérêt de l'œuvre réside dans lemélange d'humour et d'angoisse quiressort de la narration, répartieselon les livres entre les quatre ados,et la confrontation psychologique deleurs attitudes de personnages-types : le héros intrépide et pleind'abnégation, conscient de sonstatut à défendre ; le savant quianalyse l'univers pour se diriger ; leplaisantin faire-valoir ; la fille quijoue les utilités et sème la zizanie,
mais sauve régulièrement tout lemonde par son intuition. Outre unexcellent récit, très bien mené dansun univers aussi cohérent que cré-dible dans sa démesure, cette sagaest donc aussi une réflexion sur lestatut des personnages et des genresdans la littérature de jeunesse. C'estprécisément par l'utilisation de caté-gories stéréotypées et d'effets atten-dus, confrontés entre eux et poussésdans leurs limites de fonctionne-ment, que l'auteur crée une œuvreoriginale et entraînante, d'une fan-taisie et d'une exubérance qui n'ex-cluent pas l'émotion.
Réédition de Petits miracles en Ar-kansas (30 F), de Bette Greene,trad. Sylvie Simon, ill. NicolasThers et Yan Nascimbene, un petitbijou d'humour faussement naïf,plein de joie de vivre et de dyna-misme, quelque part entre TomSawyer et Steinbeck. Beth, fille defermiers noirs, anime de son intelli-gence et de ses sentiments exacerbésune série de saynètes traditionnellesde la vie campagnarde : le pique-nique, les voleurs de bétail, les mé-chants commerçants, le concoursagricole... sur un ton toujours léger,posant nombre de graves questionssans en avoir l'air. Une narratriceaussi humaine qu'attachante.
Les Contrebandiers (32,50 F), deIain Lawrence, trad. Henri Robillotet ill. François Place, est le deu-xième tome des aventures de JohnSpencer. C'est aussi un merveilleuxroman d'aventures maritimes, situédans ces Cornouailles terres decontrebande si souvent décrites parAlexander Kent dans la série« Captain Bolitho » (introduite enFrance en Bibliothèque Verte, ac-tuellement rééditée chez Phébus).Les références à Pendennis Castlene semblent d'ailleurs pas fortuites,et on peut lire le roman comme unhommage direct et revendiqué à Ste-venson et son Ik au trésor (le vieuxcapitaine pira te à l ' auberge ,l'aveugle qui s'appelle Pye, Johnqui s'empare du bateau comme JimHawkins, le père qui recrute l'an-cien équipage pirate...) et d'autrepart à J.M. Falkner et Moonfleet,qui décrit la lutte des dragonsroyaux contre les contrebandiers.Le jeune héros, avatar du lecteur,navigue ainsi dans une galerie depersonnages et situations connus etfacilement décryptables autant quedélectables. Sa compréhension in-tuitive se heurte à son imagination« romanesque » et brouille tempo-rairement les pistes, pour le plaisirde la lecture. L'auteur ne rechigne
Petits mirachs enArkansas, ill. N. Thers, Gallimard Jeunesse
24 / LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS
pas à tendre vers le fantastique, en-
richissant ainsi le registre classique
de l'aventure maritime.
Dans la collection Frontières, d'Aziz
Chouaki : Aigle (44 F). Les errances
à Paris d'un jeune Algérien fou de
littérature qui vient en France à la
fois pour essayer de trouver un
éditeur, mais aussi pour quitter l'Al-
gérie où le climat politique devient
tendu, car nous sommes à la veille de
la guerre du Golfe et l'intégrisme du
FIS commence à se faire pesant. Il
décide de participer à un concours
de nouvelles et, magie de la fiction,
rencontre un à un les personnages
qu'il a créés. Les rapports qu'ils
tisse avec eux, teintés d'érotisme et
de violence, les milieux glauques
décrits, réservent ce texte à des
adultes ou de grands ados.
Dan» le miroir (32,50 F), de Chris-
tine Féret-Fleury est un très beau
texte, extrêmement littéraire dans
sa construction comme dans sa
langue ciselée et maniérée, jouant de
la dilution dans les approches et de
l'ellipse brutale dans les actes. Une
série de courts chapitres qui pour-
raient être des nouvelles nous montre
des moments de la vie de Louise et
Jeanne, de leur enfance complice à la
vieillesse solitaire et amère. Sous
l'élégance des tournures se dissimu-
lent des moments d'une grande vio-
lence psychologique voire physique
(un meurtre , un matricide, un
divorce) et d'une franchise sans
détour sinon crue dans l'approche
de la sexualité, notamment homo-
sexuelle ou solitaire. Un reflet sans
doute de la dureté et de l'amertume
de deux destins brisés, un pessimisme
acerbe se jouant de la beauté des
mots et de phrases souvent musicales.
Comme toujours dans cette collec-
tion, un livre qui n'est pas spéciale-
ment pour la jeunesse.
Sucker, ill. M. Daniau, Hachette
I Chez Hachette, dans la collection
Côté court, Récits : Sucker suivi de
Comme ça, de Carson McCullers,
trad. Jacques Tournier (10 F). Deux
brèves nouvelles écrites dans sa jeu-
nesse par un écrivain passé maître
dans l'analyse de l'âme adolescente.
Remarquable.
Dans la collection Vertige Policier,
de Paul Shipton, trad. Marianne
Costa : Un Privé chez les insectes
(29 F) . Où l 'on re t rouve Bug
Maldoon, le scarabée-détective privé
déjà rencontré dans Tirez pas sur fc
scarabée. Nouvelle enquête et nou-
velle série d'exploits dans le monde
des insectes. Un petit polar aimable-
ment parodique, dans un amusant
rétrécissement du point de vue.
En Livre de poche Jeunesse Junior,
Le Dernier des templiers (27 F),
d'Arthur Ténor, ill. Vincent Dutrait,
est un rapide roman historique qui
ne craint pas de couvrir en 120 pages
la fin des Templiers, l'énigme de leur
trésor et l'« auto-adoubement » d'un
jeune chevalier. Un gamin voleur de
Paris et une petite mi-tronne accom-
pagnent cette ultime pousse de
l'ordre déchu dans une improbable
quête. La fraîcheur et l'enthousiasme
du trio compensent les facilités de
l'intrigue. Un roman d'atmosphère
qui séduira les 10-12 ans.
En livre de poche Jeunesse Senior,
de Jean-François Chabas : Aurélien
Malte (28 F). Aurélien a 36 ans, il
purge une peine de 14 années de
prison. On le rencontre au cours de
sa dernière année de détention, au
moment où, à sa demande, il bénéfi-
cie de l'aide d'une visiteuse de
prison. Ces visites et la proximité de
sa libération le troublent. Il n'arrive
pas à parler avec Anne, sa visiteuse,
et pourtant que de choses elle dé-
clenche en lui. Aurélien lui écrit des
lettres qu'il n'envoie pas, mais que
le lecteur découvre. Des lettres
intimes qui montrent le chemine-
ment et l'angoisse, l'espoir fou et la
découverte d'un amour auquel il
n'ose pas croire, la peur et l'appré-
hension. Mais aussi le bouleverse-
ment que provoque sa découverte de
l'art. Et par petites touches Auré-
lien se livre. Il raconte sa vie : son
grand-père adoré, la mort, un beau-
père violent, sa mère brisée, la vio-
lence comme seule issue. Un roman
touchant et fort à la fois.
De Jacqueline Wilson, trad. Shaïne
Cassim : Trois filles (et 9 bonnes ré-
solutions) ou Ce qu'il me faudrait...
(28 F). Un roman bâti autour du
chiffre 9 : une liste des 9 choses sou-
haitées, préférées ou détestées qui
encadrent les aventures de trois
amies de 13 ans qui souhaitent, ont
ou croient ne pas avoir de petit
copain. Ou comment des adoles-
centes arrivent à se gâcher la vie et à
mettre en danger leur amitié par
désir d'être amoureuses. Un roman
dans lequel les filles d'aujourd'hui se
reconnaîtront, mais qui est un peu
décevant si l'on se réfère aux autres
romans déjà parus de cet auteur.
N-198AVHIL2001/25
N O U V u T
I L'Harmattan Jeunesse, un peucomme sa maison mère, publie destextes d'auteurs ou d'univers « exo-tiques » (le tiers-monde essentielle-ment). C'est ici une fresque histo-rique et un roman initiatique fortintéressant que nous livre MarianaCojan Negulesco dans Au temps deDracula (80 F). Mettant en scène lesaventures d'une famille de paysanslibres, et tout particulièrement d'unadolescent, dans les guerres entreTurcs ottomans et principautés da-nubiennes, l'auteur réussit à resti-tuer paysage et civilisation, sanslourdeur documentaire, et à dresserun portrait ambigu de Vlad Tepes,souverain qui inspira la création deBram Stoker. Certaines pages évo-quent Kadaré par leur ambiancefantastique ou par les thèmesabordés. La construction n'est passans maladresse, le déroulementparfois sans surprise, mais l'en-semble retient le lecteur jusqu'à ladernière ligne.
I Chez J'ai Lu, Katherine Apple-gate, au teur d'Animorphs etâ'EverwoM, publie une série senti-mentale plutôt agitée, « PrénomZoé ». Douche froide (29 F),sixième opus, traduit par IsabelleTollila, tourne autour du thème dela fidélité dans les couples, àtravers un groupe de grands adoles-cents plutôt instables dans leursamours et amitiés. Violence,confiance, figures fragiles et men-songes des parents sont en jeu dansun coin perdu d'Amérique, petiteîle rurale enneigée de la côte nord-est. La construction romanesquetourne plus au second degré qu'à lacaricature, dans une parodie cin-glante de sitcom et de romansd'amour. On retrouve l'habileté del'auteur à gérer des intrigues et per-
sonnages multiples pour en rassem-bler les fils soudainement et enser-rer le lecteur dans la toile du hvre.
I Chez Magnard Jeunesse, dans lacollection Les Policiers, de Fran-cisco Arcis, ill. Bart : Le Canon dudiable (43 F). Juste avant unconcert, un musicien est assassiné.Peu après, a heu un autre meurtrede musicien, puis encore un autre.Les crimes se succèdent à un rythmeet dans des circonstances qui n'ontrien d'aléatoire. Au contraire, c'estréglé. . . comme du papier àmusique ! Du moins c'est l'hypo-thèse de deux gamins à qui on ne lachante pas et qui sauront éclaircir lemystère d'une étrange partition an-cienne et d'un solfège diabolique.Un scénario « malin » mené à la ba-guette. Invraisemblable et amusant.
I Chez Nathan, dans la collectionPleine lune, Science-fiction, d'AlainGrousset, ill. Vincent Dutrait : LesNaufragés de l'arbre-pont (44 F).Dans l'immensité aride du désertpousse un arbre gigantesque. Deshommes y sont réfugiés, peuplerescapé, on ne sait depuis quand,d'une lointaine catastrophe. Sansjamais mettre pied à terre (dangermortel !), ils ont colonisé brancheset tronc, s'organisant en société eten clans, soumis à des rituels, entreinterprétation du passé, mythesd'origine et rêves d'avenir. Tous lesvingt-cinq ans, une fleur éclôt, quel'enfant désigné comme « élu » doitapporter en offrande aux « dieux duVaisseau ». Cette année-là, c'est lejeune Ethan qui doit accomplir lamission sacrée. Mais rien ne sepassera comme prévu... Un romanséduisant par la cohérence et lapoésie étrange de l'univers mis enplace, malheureusement desservi
par une écriture maladroite et platequi casse le mystère.
Dans la collection Pleine lune,Amitié, d'Evelyne Brisou-Pellen, ill.Marc Iizano : Un Cheval de rêve(44 F). Dans la campagne bretonne,au début du siècle dernier, la vien 'é ta i t pas facile, ni pour lespaysans, ni pour les enfants, etencore moins pour les filles dési-reuses d'aller à l'école. Marie, seulefille de sa classe, doit lutter contreson père, contre sa peur de traver-ser la forêt la nuit, contre lesmauvais génies qui rôdent, contre lefroid, contre les moqueries et persé-cutions de ses camarades de classe.Seul le maître l'encourage, et laperspective de voir chaque jour leschevaux du voisin lui donne la forcede persévérer. Et puis la Guerre de1914 arrive, les hommes partis aucombat sont remplacés par desfemmes, Marie trouvera sa placedans le village et pourra enfin réali-ser son rêve : avoir un chevalpresque à elle. Une héroïne très at-tachante et un roman qui montre lavie tellement différente des enfants,il y a de cela tout juste 100 ans.
I Chez D'Orbestkr, dans la collec-tion Azymut, de Henri Dumoulin :Le Mousse du bout du monde(45 F). Nantes, 1926. Depuis lamort de sa mère, Ronan vit seulavec son père, un ouvrier misé-rable, rescapé de la Guerre de 14.Un soir d'ivresse, le père met sonfils à la porte. Ronan décide alorsde prendre son sort en main et deréaliser un vieux rêve en embar-quant comme mousse sur l'un desbateaux qu'il admire au port. Atravers le récit de ses aventures àbord et de l'évolution de son père,le roman restitue sans complaisancel'atmosphère d'une époque : la fin
26 / U REVUE DES LIVRES POUR ENTANTS
N O u V A U T
de la marine à voiles, le commerce
avec les colonies, la vie ouvrière, les
séquelles de la guerre.
I Au Père Castor-Flammarion,Castor poche, Suspense Junior, deFreddy Woets : La Bande des 4.(19,50 F chaque). La bande des 4c'est trois garçons et une petite fille(accompagnée de son ours enpeluche). Dans Les Dents de lamine les enfants explorent unevieille mine abandonnée. La petiteAïssé, surnommée Castor se perd,les lampes de poche s'éteignent,l'eau monte, et des trafiquants dedrogue inquiétants menacent la viedes enfants... Suspense soutenupour jeunes lecteurs. Dans On akidnappé Aïssé Binante c'est unefois encore la petite fille qui est aucœur de l'aventure. Ses copainsmènent l'enquête, mais c'est elle quis'en sortira toute seule. Des aven-tures sans prétention dans la lignéedu Club des cinq.
Dans la collection Castor poche,Suspense Senior : Les Araignéesd 'Arcanie , sixième volume deLumina, de Dan Alpac, confirme lesqualités et les défauts de cette série :un univers médiéval-fantastique co-hérent, des intrigues bien menéesmais trop courtes, des personnagesattachants quoique peu fouillés, unmanque global de créativité et d'ori-ginalité. On est particulièrementfrappé, voire gêné ici par le dé-calque du combat de Sam contreShelob du Seigneur des anneaux.Reste une lecture distrayante.
D'Amélie Cantin : Le Secret dufétiche (29,50 F). Jérémie, furieux,claque la porte de la maison, et toutabsorbé par sa colère se heurte dansla rue à Léa. A cet instant sa vie
bascule, d'abord dans un rêve- Léa, pleine de charme et de fantai-sie l'enchante -, puis dans un cau-chemar... Les enfants découvrentun trafic de bijoux autour dumagasin d'antiquités de la tante deLéa, trafic dans lequel le père deJérémie est lui aussi impliqué. Unelecture plaisante et distrayante,avec des héros sympathiques et biencampés, malgré des aventures peucrédibles.
De Dorothy et Thomas Hoobler,trad. Agnès Sigagnol : La Ven-geance du samouraï (35 F). Dansle Japon du XVIIIe siècle, le jeuneSeikei, fils de marchand, rêve dedevenir samouraï. Un rêve quisemble impossible, tant la sociétéde l'époque est figée. Mêlé au coursd'un voyage à une étrange affairede vol, Seikei découvrira néan-moins, outre la violence, les faillesde cette société en menant uneenquête pleine d'aventures et desurprises. Une intrigue construiteavec rigueur permet de plongeravec plaisir dans un univers dé-paysant, bien présenté.
De Claire Mazard : Rue des vau-tours (19,50 F). Un bref récit (précé-demment paru dans « Je bouqui-ne ») met en scène les tourments d'unjeune garçon victime de racket.Même si l'intention didactique restetrès perceptible, avec un dénouementattendu insistant sur la nécessité deparler, la situation est évoquée avecsensibilité, sur un ton sobre.
De Jacqueline Mirande : L'Affairedu rubis (24 F). Dans le genre duroman policier historique dont elles'est fait une spécialité, JacquelineMirande offre cette fois une décou-verte originale et mouvementée duPremier Empire : en cette année1802 les blessures et les haines de la
Révolution sont encore fraîches,même si beaucoup s'efforcent de lestenir secrètes. Témoin Maître Eloi,cet artisan joaillier à qui l'« on »passe commande en secret de lacopie d'un bijou précieux et quin'accepte de la réaliser que parcequ'il a fort bien reconnu un rubisdont l'histoire ne lui est pas étran-gère... pas plus que le mystérieuxcommanditaire. Suit une enquêteaux multiples rebondissements oùs'illustreront le jeune apprenti et lapetite bonne du bijoutier. Divertis-sant et bien mené.
Dans la collection Castor poche,Roman Senior, de Roland Smith,trad. Dominique Piat : Le Dernierloup (35 F). Où l'on retrouve Jack,l'intrépide héros de La Caverne deséléphants et de Jaguars. Parti cettefois à la rencontre de son grand-père dans une réserve d'Indienshopis au cœur de l'Arizona, il dé-couvre tous les occupants mis enémoi par la présence sur leurs terresd'un mystérieux prédateur qui tuele bétail. Serait-ce un loup ? Pour-tant l'espèce a disparu de la régiondepuis bien longtemps... Un récitbien mené qui entrecroise habile-ment les éléments de l'intrigue :aventures, passé familial, écologie,mode de vie actuel des Indiens.
• Chez Pocket Jeunesse, PocketJunior, de Pascal Garnier : LeChemin de sable. 2 : La Neige aucœur (32 F). Après J'irai te voir...voici le deuxième volume où l'on re-trouve Vincent en rade sur lechemin dans lequel il s'est engagé lelong des côtes françaises. L'adoles-cent est à bout, sans le sou, quandsurgissent Monsieur Le Person et safille en fauteuil roulant. Vincent estembarqué dans cette curieuse
N° 198 AVRIL 2001/27
N O u V A U
famille sans avoir le temps de réali-
ser ce qui lui arrive. Une étape salu-
taire dans son errance, où il ren-
contre des êtres forts et faibles à la
fois, qui ont eux aussi des vies diffi-
ciles. Un roman original, où l'hu-
mour côtoie le désespoir, dans
lequel la vie n'est « pas un long
fleuve tranquille » mais mérite
pourtant pleinement d'être vécue.
De Danielle Martinigol : Toi + Moi =
cœur. Le Fils de l 'astronaute
(28 F). Dans cette histoire Roméo et
Juliette s'appellent Pierre-Côme,
fils d'un astronaute célèbre, et
Viv[iana] dont le père est ornitho-
logue et en conflit avec l'astronaute.
Es se rencontrent dans l'avion entre
Paris et les États-Unis, se cha-
maillent et s'aiment. Un roman
d'amour classique et pas déplaisant,
sur fond d'écologie.
Pocket Jeunesse poursuit sa poli-
tique de traductions américaines,
notamment de séries. « Haute
tension » de Chris Archer suscite
tour à tour surprise, incrédulité,
lassitude, intérêt et finalement
attente, à travers les sept volumes
parus : La Puissance est en moi ;
Un Double inquiétant ; Mes pou-
voirs en alerte ; Mon sixième sens
en action ; Un Démon dans ma
peau ; Le Courant dans mon corps
et Planète en péril (28 F chaque),
traduits par Natacha Godeau (les
titres sont très mal traduits). Se
situant délibérément dans une
science-fiction « quotidienne » à la
« Retour vers le futur » croisé
d'« X-Files », les premiers titres
mettent en scène des adolescents
identiques à ceux de Katherine Ap-
plegate dans Animorphs, qui décou-
vrent simultanément leurs super-
pouvoirs (on est là dans l'univers
des Comics) et leur double nature
d'extra-terrestres et de cibles
d'aliens polymorphes. La psycholo-
gie et les réactions des héros face à
ce bouleversement de leurs repères
(à l'âge de la puberté, comme dans
les contes de fées !) sont d'autant
plus intéressantes que l'intrigue
génère un flot de possibles et d'in-
certitudes sur la suite des événe-
ments. Les six premiers volumes
mettent en place l'histoire, de six
points de vue différents, dans un
retour des personnages et une relec-
ture des points de vue selon les
volumes qui fonctionne assez bien.
Cependant une lassitude s'installe
devant la répétition du schéma,
malgré une utilisation intelligente de
thèmes classiques de science-fiction
(l'alien, en fait, est le narrateur ; le
narrateur a les souvenirs d'un clone
mort ; etc.). Heureusement le sep-
tième volume fait basculer l'en-
semble des personnages dans la
deuxième partie, justifiant o poste-
riori les défauts antérieurs : un
voyage spatiotemporel qui doit
beaucoup à La Planète des singes et
surtout à Mad Max III pour l'uni-
vers, avec suspense et rebondisse-
ments bien calculés. Un recyclage
intelh'gent de la science-fiction amé-
ricaine, à travers toutes ses facettes,
dans un univers d'ados pleins d'hu-
mour et d'acné, une écriture habile
et cohérente, oscillant perpétuelle-
ment entre premier et second degré.
Mémoires d'un sauvage (35 F), de
William Camus Ka-Re-Mub-Re est la
réédition d'un magnifique livre paru
dans la collection Les Uns, les autres
en 1994, autobiographie enfantine
de ce franco-canadien témoin et
chantre des cultures des Indiens
d'Amérique. De la naissance à l'ini-
tiation des premières chasses, on suit
l'éveil d'un jeune Chip-pe-way. Un
texte plein d'humour et de sagesse,
témoignage d'une culture et d'un
peuple, versant caché du WM ro-
mantique et sauvage de London et
Curwood. Comme dans ses contes et
romans, Camus s'appuie sur une
très belle langue, support de rêves
et d'émotion.
I Chez Rageot, dans la collection
Cascade Contes, de Sarah Cohen-
Scali, ill. Alain Gauthier : Bleu de
peur (42 F). Bref recueil de huit
nouvelles sur le thème de la peur,
pour une première découverte du
plaisir des frissons. Pour retrouver
aussi un écho - parfois réaliste,
parfois plus décalé - des grandes in-
quiétudes de l'enfance : peur du
noir, angoisse de la rentrée, etc.
Simplicité et efficacité caractérisent
ces petites histoires bien construites,
illustrées avec élégance.
De Michel Honaker : Les Larmes
de la mandragore et Péril, ange
noir (46 F chaque). Respectivement
6e et 10e titres de la série Le Com-
mandeur où l'on retrouve Hebene-
zer Grayne alias le Commandeur
des Abîmes, et les policiers chargés
d'enquêter dans des sectes sata-
niques qui tentent de prendre le
pouvoir et éliminent ceux qui les
gênent. Polars fantastico-gothiques
bien écrits pour les amateurs du
genre.
I Chez Syros Jeunesse, Souris
Noire, d'Olivier Mau : Temps de
chien (32 F). Rencontre imprévue
et imprévisible à la montagne entre
le narrateur, jeune sportif accom-
pli - il fait partie de l'équipe de
France de ski -, couvé par ses
parents qui ne s'entendent pas, mal
dans sa peau et renfermé sur lui-
même, et deux banlieusards, Tintin
et Miloud, des adolescents qui
jouent aux caïds et n'hésitent pas à
28 / LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS
N O utruander et à menacer. Très vite unengrenage infernal s'installe : vol,fuite, poursui tes . . . auxquelss'ajoute une tempête de neige.Beaucoup d'action dans ce romanoù chacun court après quelquechose : un exploit sportif, une viefacile, l'argent, l'amour... On n'ycroit pas vraiment, mais on selaisse prendre par le rythme trépi-dant.
La Cavale des petits Poucets(32 F), de Marc Villard, ill. JacquesFerrandez, met en scène une impro-bable bande de voyous squattant leForum des Halles. Ce remake deiubway ne vaut vraiment que par lepersonnage du policier et de sa fillerisque-tout, et ne fait paradoxale-ment qu'effleurer l'ambiance de celieu glauque.
Dans la collection Les Uns l lesautres, de Yaël Hassan : Ni d'Eve,ni d'avant (49 F). Trois destinsqui a priori n'étaient pas faitspour se rencontrer se croisent unsoir sur les quais de la Seine. Ben,l'enfant maltraité par son beau-père, mal aimé par sa mère, Franck,le jeune homme qui se souvient de sasouffrance d'adolescent, et Mar-quise, vieille dame excentrique et ri-chissime. Les deux adultes vontprendre l'enfant sous leur protec-tion et l'histoire finira bien. Marqui-se apprendra à jouer le rôle degrand-mère qu'elle n'a pu être (l'en-fant qu'elle attendait est mort et sonpère, Stern a été tué dans les campsoù une dénonciation familiale l'aenvoyé). Deux thématiques sous-tendent ce texte de façon peut-êtretrop apparente, et ce roman de YaëlHassan paraît moins convaincantque les précédents.
F.B.,A.E.,E.M.,0.P.
V E
BANDESDESSINÉES
U
I Nous signalions lors de la dernièrelivraison le changement radical deligne éditoriale de la maison Caster-man. Revenons-y pour évoquerdeux nouvelles séries. Mac Namarad ' abo rd , du très productifTaymans, sur scénario de Delper-dange. Comme son titre le laissedeviner, Gloire à Satan (54 F) apour sujet une secte sataniste à la-quelle l'énergique héroïne qui donneson nom à la série s'intéresse deprès. Construit en référence à denombreux faits divers qui ont nourril'actualité de ces dernières années,le scénario plein de rebondissementsde Delperdange est efficacementservi par le trait néo-hergéen deTaymans. Rien de révolutionnaire,mais rien d'indigne non plus.
On sera en revanche plus réservésur La Chance tourne (54 F),premier tome de la série Les Jeuxsont faits. Ce recueil de gags en uneplanche sur le thème du jeu dehasard et des ravages qu'il peutprovoquer dans une famille complè-tement accro s'avère rapidementdécevant : mécaniques et sans inspi-ration, les gags se suivent, se res-semblent et échouent à arrachermême un sourire. On est franche-ment désolé de découvrir que cesont deux professionnels aguerris,Saive et Dugomier, qui ont commiscet insipide brouet.
Après avoir raconté son adolescencede fils d'ouvrier dans une citéminière de l'Est de la France dansles années 60 (l'excellente série pouradultes Quéquette blues chezDargaud), Baru remonte plus loinencore dans le temps avec Les
Années Spoutnik, et raconte sonenfance bagarreuse dans le mêmedécor. Le second tome, C'est moi lechef (54 F), vient de paraître. H esttout aussi goûteux que le premier.La narration linéaire devrait conve-nir aux jeunes lecteurs à partir dedix ans, mais les souvenirs mis enscène rappelleront de bons (etparfois moins bons) souvenirs auxlecteurs adultes qui s'autoriseront ày jeter un œil.
I Après avoir parcouru avechumour les épisodes dramatiques del'histoire européenne du XXe siècledans la série Aleksis Strogonoff,Emile Bravo s'est résolument tournévers le futur avec Jules, nouvellesérie dont le second épisode, La Ré-plique inattendue (52 F) vient desortir chez Dargaud. Sur une trameplutôt classique de voyage temporelet des paradoxes qu'il peut entraî-ner une fois le voyageur revenu surTerre, Bravo tricote un récit d'hu-mour hystérique qui fonctionne parintermittence. Parfois franchementdrôle, le scénario patine de temps àautre dans des péripéties un peugratuites qui gâchent le plaisir. Onle regrette d'autant plus que l'en-semble ne manque pas de potentiel.
Toujours chez Dargaud, on signale-ra en passant le dernier opus desDéblok, Fines conserves Déblokfaçon boute-en-train (52 F), de Flo-rence Cestac qui, pour filer la méta-phore gastronomique, mérite tou-jours ses trois étoiles.
I Chez De/court, nous avions omisde chroniquer Baker Street, deBarrai et Veys, dont le secondtome : Le Club des sports dange-reux (59 F) vient de paraître.Comme le suggère le titre, il s'agit
N° 198 AVRIL 2001/29
d'une vigoureuse parodie de ConanDoyle dont le célèbre héros détectiveest présenté comme un personnagemaladroit et plutôt fat qui résout lesénigmes qu'on lui soumet plutôt parhasard que par déduction logique.La narration est un peu touffue,mais les lecteurs préadolescents de-vraient s'y plonger avec délices.
Les mêmes préadolescents et leursaînés seront emballés par Mondernier jour au Viet Nam (69 F),dernier en date des albums dugrand Will Eisner. À 85 ans passés,le père du Spirit revient sur son ex-périence de dessinateur-reporterpour l'armée américaine en rassem-blant quelques anecdotes glanées augré de missions en Corée et au VietNam. Mises en scène avec une stupé-fiante économie de moyens, cescourtes nouvelles suscitent le rire etl'émotion sans qu'on puisse décelerpar quel moyen Eisner a réussi à lesprovoquer. Du grand art, et l'unedes franches réussites de ce tri-mestre.
I L'autre bonne surprise s'appelleOscar, volume 1 : Boule de gnome(51 F) vient de chez Dupuis, et estsignée Durieux et Lapière. D'un ar-gument o priori plutôt improbable(un jeune orphelin échappé d'une
Boule de gnome, ill. Durieux-Lapière, Dupuis
institution spécialisée survit dans larue et recueille une petite fille deriches parents égoïstes qui préfère labohème à une prison dorée),Durieux et Lapière ont fait unehistoire au ton juste, bourrée derebondissements amusants et inat-tendus, d'un humour constammentallègre, avec ce qu'il faut d'ironie etde distance pour que les bons senti-ments ne tournent pas au sirupeux.En bref, c'est une petite merveillequ'il ne faut rater sous aucun pré-texte, d'autant qu'Oscar est untchatcheur impénitent qui embobineson monde en inventant les histoiresles plus abracadabrantes. Ces pas-sages-là sont particulièrement délec-tables.
On restera sur la même envolée en-thousiaste avec le dernier Jojo, LaChance de Sébastien (51 F), deGeerts, comme toujours poétique etmalicieux. Contrairement à cequ'indique le titre, Sébastien,nouveau venu dans la classe deJojo, est poursuivi par la déveine.D'ailleurs, il s'appelle Poissou...Après bien des avanies, il profiteracependant d'un coup du destin vrai-ment providentiel... On retrouveavec plaisir le petit monde de Jojo,concentré d'enfance rêvée, douce,nostalgique tout en étant vraimentdrôle.
Le ton est nettement plus sombreavec, Message d'outre-temps(55 F), neuvième tranche des aven-tures de Charly, de Magda etLapière, dont la palette scénaris-tique est décidément variée. Aprèsune enfance marquée par des événe-ments aussi dramatiques que para-normaux, Charly devenu adoles-cent, découvre à l'occasion d'unvoyage à Cracovie l'usage qu'il peutfaire de ses pouvoirs médiumniques.Moins spectaculaire que les précé-dentes, cette dernière aventuresemble suggérer que, quels quesoient le contexte et les handicaps, ilest possible, avec la maturité, detrouver une forme d'équilibre émo-tionnel et psychologique. Les adoles-cents devraient apprécier.
I Chez Glénat, de HayaoMiyazaki : Nausicaa de la Valléedu Vent, 3 volumes parus(69 F chaque). Voir rubrique« Chapeau ! », p. 15.
I Après avoir signalé aux Huma-noïdes Associés la réédition couleurdu tome 3 du Journal d'Henriette(64 F) de Dupuy et Berbérian (à nepas confondre avec Henriette toutcourt, avatar de la même héroïnequi vit depuis 1995 de nouvellesaventures dans les pages de Je Bou-quine), autrefois paru chez Fluide
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N O U V A U T
H O M M A G E À M I C H E L C R E S P I N
C îest avec tristesse que nous avons appris la brutale disparition de Michel Crespin à l'âge de 45 ans. Cet auteurcomplet et inclassable occupait une place aussi discrète qu'originale dans la bande dessinée française, ayant
obtenu la reconnaissance de ses pairs et de la critique pour ses séries « Armalite 16 » (1979-1987, Les Humanoïdes Asso-ciés) et « Troubadour » (1991-1993, Vents d'Ouest). Après des études à Nice, il avait intégré en 1977 l'équipe de Métalhurlant, alors journal pour adultes. En 1979, il y propose sa première histoire complète, Marseil, qui impose son styleprofondément original : dialogues réduits à l'extrême, narration elliptique et épistolaire, découpage de larges casesplutôt statiques, instants figés, personnages perdus dans une nature immense, saisis dans leur vérité, et couleurs àl'aquarelle. Cousins du « Simon du fleuve » d'Auclair par leur thème et leur sobriété, ces cinq albums s'en démarquentpar la peinture d'un monde rural et montagnard, fragile oasis à l'abri des violences et source de rédemption. Les teintesbrunes et automnales d'un monde souillé cèdent la place à une symphonie de couleurs très travaillées dans « Trouba-dour », série médiévale explorant le thème de l'enfance et de la fraternité, toujours dans une montagne sauvage, paradisoù l'homme n'est que toléré. La narration se fait plus poétique encore, isolant les actions en de courtes et denses sé-quences. Michel Crespin avait été un des très rares auteurs français à être invité à publier une histoire au Japon : ce futElk, récit tendre et pudique mettant en scène les rêves et l'attente d'un enfant, séparé de son père, réalisé en lavis pourle journal Morning, et publié chez Casterman en 1996 dans la collection Manga. Michel Crespin avait réalisé l'affiche dufestival Quai des bulles en 1997, illustré de nombreux livres de jeunesse (la série « Arkandias » chez Magnard notam-ment), collaboré à des œuvres musicales. Il avait été récompensé par le Grand Prix du festival de Blois en 1999. Il tra-vaillait à une nouvelle série sur les Indiens, avec Laurence Harlé, la scénariste de Michel Blanc-Dumont.
1 À lire : Bédésup n°28, Cahiers de la BD n°76, Animland ; alhums disponibles chez Casterman et Vents d'Ouest. O.P.
Glacial, on conclura cette rubriqueen saluant la sortie française d'unclassique venu du Japon.
I Les éditions Tonkam continuent àœuvrer pour la publication d'OsamuTezuka et entament la publication dePhénix l'oiseau de feu (55 F), amplesaga flamboyante dont le héros est lemythique personnage qui renaît pé-riodiquement de ses cendres. Mobili-sant des dizaines de protagonistesdont les destins se croisent au gréd'un scénario d'une formidable géné-rosité, mêlant drame et farce en uncocktail inimitable, Tezuka nous em-barque dans une vaste fresque histo-rico-fantastique qui suscite le ravis-sement au sens premier du terme. Onest littéralement emporté par cettesaga dont le récit devrait durer plu-sieurs centaines de pages. On attendla suite avec grande impatience.
J.P.M.,O.P.
ART
I Chez Albin Michel Éducation, UnEnfant, un artiste, nouvelle collec-tion d'éducation artistique à desti-nation des enfants de maternelle(35 F chaque). A partir de conceptsde base, un artiste propose uncahier d'activité.Claude Closky dans Lettres etchiffres reprend sa propre réflexionsur les signes pour jouer à observer,comparer, réaliser des lettres à partirde leurs formes, graphie, couleur.Vera Molnar : Rythmes et logique.Jouer à faire bouger, assembler, «déranger » traits, lignes, cercles,demi-cercles : c'est ce que l'artisteinvite l'enfant à faire en proposantdes activités qui font appel à lalogique.Claire-Jeanne Jézéquel : Formes etespaces. À partir de photographiesde gratte-ciel, de pont, l'artisteinvite l'enfant à « redresser » les
images, modifiant ainsi dans l'espaceles formes et leur traduction gra-phique.Tania Mouraud : Traits et points.Photographies de lieux (magasin,métro, chantier, aéroport) serventde base à l'observation des formes,et à leur « reproduction » sur lapage d'en face.La collection est certes intéressantemais manque sans doute « d'inven-tion », de liberté, de vrai dialogueavec l 'enfant. Il suffit d'avoirouvert un livre de Tana Hoban pourcomprendre que Traits et points estbien sage et ne sera pas forcémentun stimulant durable. Ces exercicespeut-être trop « cadrés » sont unpeu décevants étant donné que lacollection est justement conçue avecdes artistes qui dans leur travailfont preuve de plus de force d'émo-tion ou de remise en cause. Pluscahiers d'exercices ou de vacances,ces 4 fascicules ne sont pas des livressur lesquels on aime revenir, à juste
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