SAMEDI 22 JUIN 2013 - 20H
Première partie :
Mory Djely Kouyaté, chant
Jean-Philippe Rykiel, piano
Deuxième partie :
Oumou Sangaré, chant
Alioune Wade, basse
Brehima Diakite, kamele n’goni
Hervé Sambe, guitare électrique
Cheick Oumar Diabate, djembé
Dandio Sidibe, voix
Sonny Troupé, batterie
Fin du concert vers 22h30.
2
Mory Djely Kouyaté - Jean-Philippe Rykiel
À l’origine de la création de l’empire mandingue au XIIIe siècle, il y a une guerre que se livrent
deux souverains ambitieux : Soumaoro Kanté qui commande aux destinées du royaume
Sosso et Soundiata Keita qui, bientôt, unifiera la région en donnant au futur Mali ses contours
géographiques ainsi que ses fondations administratives. Le motif officiel du conflit, tel que
D. T. Niane le relate dans son ouvrage Sundiata An Epic of Old Mali (Longman African Writers),
ne peut qu’interpeller tout amateur de musique, africaine ou non : Soumaoro a volé le griot
de Soundiata, Balla Fasséké Kouyaté, dont il juge la voix si exceptionnelle qu’il refuse d’en
écouter une autre chanter ses louanges. Voilà qui éclaire sur la valeur accordée à cette caste
dans cette partie du monde. Près de huit siècles plus tard, la dynastie griotique des Kouyaté,
première du nom, poursuit son œuvre d’excellence à travers une vaste région de l’Afrique
de l’Ouest s’étendant de la boucle du fleuve Niger aux côtes de la Guinée et du Sénégal,
charriant dans son sang l’histoire d’une civilisation et un art musical équivalent, sur ce
continent, à notre musique classique. On désigne d’ailleurs les gens relevant du griotisme
par Djeli, « sang » en mandingue.
Originaire du cercle de Kankan, en Guinée, Mory Djely Kouyaté, descendant direct de Ballaké
Fasséké, n’a eu d’autres ambitions que de servir cet héritage multiséculaire reçu dès le plus
jeune âge avec le respect qu’il se doit, tout en s’aménageant un espace de liberté qui lui évite
l’assèchement. Dans les années 1980, sa rencontre avec le pianiste français non-voyant Jean
Philippe Rykiel, fils de la styliste Sonia Rykiel, donne du sel à une carrière d’interprète du
répertoire traditionnel quelque peu ronronnante. Rykiel, l’un des premiers instrumentistes
européens à avoir édifié un pont en direction de la musique africaine, connaît parfaitement
les chemins de rencontre entre les deux mondes pour avoir collaboré aussi bien avec Lokua
Kanza, Salif Keita et Youssou N’Dour qu’avec Leonard Cohen, Jacques Higelin ou Vangelis.
S’ils se sont beaucoup croisés sur scène, notamment dans le cadre du Festival Africolor,
Kouyaté et Rykiel n’ont définitivement scellé leur entente qu’en 2010 avec l’album Tinkiso,
projet atypique où la voix du « ténor mandingue », que l’on appelle aussi « le Pavarotti
guinéen » au pays, s’exprime avec pour seul accompagnement le piano de Rykiel, parfois
associée à des nappes de synthétiseurs, plus rarement soumise aux caresses d’un combo
afro-caribéen, produisant sur un répertoire composé de traditionnels un remarquable effet
de recontextualisation. Diaraby, l’une des chansons d’amour les plus populaires du répertoire
mandingue aux multiples versions, de Balla & ses Balladins à Ali Farka Touré, se voit ainsi
habillée pour la première fois d’une robe réversible propre à la légitimer dans un théâtre
d’opéra comme dans un club de jazz. Cet exercice unique qui porte la marque d’une amitié
et d’une affinité esthétique, parfait contre-exemple aux habituels bidouillages mélangistes
que s’autorise la « world music », permet depuis bientôt trois ans à ces deux virtuoses de
se produire dans des lieux de prestige comme la Salle Pleyel.
3
Oumou Sangaré
C’est une image que le temps a vieilli dans nos mémoires, presque une séquence mythique :
Oumou Sangaré, au seuil d’une carrière de diva internationale, prépare le déjeuner à deux
envoyés spéciaux d’un hebdomadaire culturel français dans la cour de sa maison près de
la gare routière de Bamako. C’est une femme en colère que rencontrent ce jour-là les deux
journalistes, une épouse furibarde prête à régler ses problèmes conjugaux avec la médiation
de l’oncle de son mari, ainsi que le veut la coutume au Mali, prête à en découdre. Loin de
brouiller son aura, cette colère la magnifie. Et tandis qu’elle lave carottes et courgettes dans
une grande calebasse avec des gestes amples, d’une grâce infinie, d’une féminité insoumise,
ses nombreux bracelets en or remontés haut sur ses bras immenses, elle apparaît, lionne
nourricière, farouche et splendide.
La colère l’a longtemps nourrie, elle, la petite Sangaré qui devait vendre allumettes et sachets
d’eau dans les rues de la capitale pour aider sa mère à élever ses quatre frères et sœurs
abandonnés par son père, Dari Sangaré, quand elle avait deux ans. Dans cette blessure,
elle a puisé un tempérament de guerrière, une vitalité enragée qui se consume au gré d’un
répertoire où sont ciblés les travers de la société traditionnelle, polygamie, mariages forcés,
excision. Elle qu’on a longtemps appelée « n’kono » (l’oiseau) a dû rugir pour se faire une
place dans le petit monde de la musique malienne où les griottes mandingues occupent le
devant de la scène. Peul originaire de la province sudiste du Wassoulou, elle a su tirer de
son héritage culturel, le seul auquel elle n’ait jamais eu droit, un profit inespéré. Pourtant
cette voix dont l’intensité et la pureté forçaient l’admiration des adultes dès qu’elle se mit
à l’étrenner dans les « soumous » (dîners galas) où, jeune cantatrice des rues, on l’invitait,
et qui, soprano véhément, fait d’elle une descendante subsaharienne d’Aretha Franklin,
elle a conquis le monde, chanté à Central Park, sur la scène de l’Opéra de Sidney, du Queen
Elisabeth Hall, enregistré des disques parmi les plus décisifs de la musique africaine de
ces trente dernières années. Le plus récent, Seya (« joie » en bambara), produit par Cheikh
Tidiane Seck, incontournable passeur de sons entre Mali et Occident, propose le raccourci
d’un itinéraire qui traverse rythmes et modes dont elle s’est faite tantôt l’ambassadrice,
tantôt l’initiatrice. Qu’il s’agisse de la musique des chasseurs, dont le luth – le donso n’goni,
emblématique du Wassoulou – virevolte avec une intenable agilité prédatrice, ou d’une
hybridation pop ou jazzy de la musique traditionnelle, elle pratique son art avec une maîtrise
qui doit autant à l’instinct qu’au travail. Que son obstination se teinte d’esprit revanchard,
c’est bien normal. Sa réussite artistique se double aujourd’hui d’une autre, plus matérielle,
avec le lancement de sa marque de 4X4 fabriqué en Chine, Oumsang, et la commercialisation
des produits de sa ferme pilote de Baguinéda, où elle cultive dix hectares de bonne terre.
Seule l’enseigne en néon de son hôtel à Bamako, le Wassoulou, semble clignoter de détresse
en ces temps de guerre au Mali où le touriste se fait rare et la recette modique. Est-ce pour
cette raison que la grande dame a repris la route et prodigue à nouveau à son public
non-africain son chant magnifique ? Ce serait bien là le seul dommage collatéral bénéfique
de cette guerre.
Francis Dordor
Salle Pleyel | et aussi…
DIMANCHE 10 NOVEMBRE 2013, 20H
Orquesta Buena Vista Social Club
Omara Portuondo, chantEliades Ochoa, guitare, chant
DIMANCHE 2 FÉVRIER 2014, 16H ET 20H
L’Enlèvement de SitaLe Ramayana balinais
Troupe d’acteurs, danseurs et gamelan de Telepud (Bali)Gde Adhi, direction
DIMANCHE 27 AVRIL 2014, 16H
Leylâ et Majnûn ou L’Amour mystique
Oratorio mundi d’Armand AmarLivret de Leili Anvar
Nacer Khemir, conteurDidier Benetti, directionGombodorj Byambajargal, Enkhajargal Dandarvaanchig « Epi », Salar Aghili, Ariana Vafadari, Raza Hussain Khan, Marianne Meftah, Annas Habib, Bruno Le Levreur, chantLevon Minassian, doudoukIbrahim Maalouf, trompetteHenri Tournier, flûtesSaeidreza Dolatzare, neyDriss El Maloumi, oudSarah Nemtanu, violonJasser Haj Youssef, violon, violeShanghai Percussion Ensemble
CITÉ DE LA MUSIQUE
Dans le cadre du cycle African Remix
MERCREDI 15 AVRIL 2014, 20H
Kinshasa(République démocratique du Congo)
Ensemble Basokin
JEUDI 17 AVRIL, 20H
Lagos(Nigéria)
Groupes proposés par le ShrineFemi Kuti, chant, direction artistique
MERCREDI 23 AVRIL, 20H
Ouagadougou(Burkina Faso)
Première partieDebademba
Seconde partieVictor Démé
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