18/10/11
Sociologie des religions I Approches classiques et théories contemporaines
Cours d’introduction à la sociologie des religions (UNIL/UNIGE) Semestre d’automne 2011
Dr. Laurent Amiotte-Suchet Prof. rempl. (UNIL, FTSR-ISSRC)
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Auteurs « classiques » (suite)
Sociologie des religions UNIL/UNIGE, cours BA, semestre automne 2011
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Auteurs classiques (suite)
• Karl Marx (1818-1883)
• Auguste Comte (1798-1857)
• Alexis de Tocqueville (1805-1859)
• Edward Tylor (1832-1917)
• Georg Simmel (1858-1918)
• Henri Bergson (1859-1941)
• Robertson Smith (1864-1894)
• James Frazer (1854-1941)
• Bronislaw Malinowski (1884-1942)
• Marcel Mauss (1872-1950)
• Maurice Halbwachs (1877-1945)
Sociologie des religions : approches classiques
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Source : Roberto Cipriani, 2004. Manuel de sociologie de la religion. Paris. L’Harmattan, p. 370.
Sociologie des religions : approches classiques
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Alexis de TOCQUEVILLE �(1805-1859)
Religions et démocraties
Sociologie des religions UNIL/UNIGE, cours BA, semestre automne 2011
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Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859)
• Penseur du changement social, T. affirme la permanence du religieux et
s’intéresse à sa recomposition dans les démocraties.
• Il oppose société aristocratique et société démocratique et cherche à montrer que
les Eglises doivent évoluer vers un régime constitutionnel.
• Pour T., le christianisme est le terreau de la morale moderne mais les Eglises
demeurent trop conservatrices et autoritaires et doivent intégrer l’esprit de liberté
démocratique (émergence d’un sujet autonome utilisant sa raison).
• L’égalité des conditions (démocratie) et l’affirmation du primat de l’individu
tendent à dissoudre le lien social et ces nouveaux systèmes politiques doivent
savoir refonder ce lien (risque de tyrannie de l’opinion majoritaire dans l’Etat
providence).
Sociologie des religions : approches classiques
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Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859)
• T. va s’inspirer fortement du modèle américain qui n’a pas d’héritage
aristocratique (tradition de liberté locale) et où la religion fonctionne comme une
matrice culturelle du consensus social.
• Sécularisation = émancipation des individus vis-à-vis des pouvoirs religieux et
des autorités magistérielles (autonomie, critique, raison,…).
• Mais les sociétés démocratiques portent en elles les germes de leur dissolution
(relativisation généralisée ne permettant plus de trouver un consensus social).
• La religion a donc une utilité sociale au sens où elle permet ce consensus social
indispensable au lien social (établissement d’idées générales non discutées
agissant par leur effet modérateur).
Sociologie des religions : approches classiques
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Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859)
• T. prône donc la désacralisation nécessaire du politique tout en estimant qu’une culture
religieuse commune est nécessaire au fondement de la vie collective.
• L’exemple américain pousse T. à penser qu’aux EU, contrairement à l’Europe, esprit de
liberté et esprit de religion se renforcent l’un et l’autre (ex. du 2ème Grand Réveil de 1800 à
1830).
• Chez T., la modernité c’est donc l’avènement d’un religieux autrement. La séparation
Eglise/Etat est indispensable mais la religion doit rester présente pour encourager la liberté
et l’épanouissement personnel (religion = production de l’espérance) tout en limitant
l’initiative personnelle par le souci du bien collectif (religion = matrice culturelle, éthique
civile).
« Ainsi donc, en même temps que la loi permet au peuple américain de tout faire,
la religion l’empêche de tout concevoir et lui défend de tout oser »
(Tocqueville, De la démocratire en Amérique, p. 398).
Sociologie des religions : approches classiques
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Bibliographie d’Alexis de TOCQUEVILLE
1988 (1856). L’Ancien Régime et la révolution. Paris. GF-Flammarion.
1981 (1835). De la démocratie en Amérique (vol. I). Paris. GF-Flammarion.
1981 (1840). De la démocratie en Amérique (vol. II). Paris. GF-Flammarion.
Sociologie des religions : approches classiques
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Georg SIMMEL �(1858-1918)
Le religieux comme mise en forme du monde
Sociologie des religions UNIL/UNIGE, cours BA, semestre automne 2011
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Georg SIMMEL (1858-1918)
- Sensible à l’émotion religieuse et aux mystiques qu’il oppose aux constructions
dogmatiques de l’histoire.
- Religieux = point de vue parmi d’autres sur la réalité du monde (mise en forme
d’un sentiment de « totalité ») = fonction de subjectivisation du monde objectif.
- Les différents langages (religieux, scientifiques, artistiques,…) sont en
concurrence et cherchent à s’englober mais ne sont pas incompatibles.
- Religiosité = sentiment émotionnel universel dont le potentiel peut (ou pas)
s’objectiver dans une religion organisée.
- L’Homme a besoin de la religion pour atténuer la distance entre ses besoins et
leurs satisfaction (unité de sens nécessaire face à l’insupportabilité de l’existence).
Sociologie des religions : approches classiques
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Georg SIMMEL (suite)
- Il y a crise du pouvoir social des religions mais pas du « croire » lui-même.
- Ce sont d’abord les changements quantitatifs qui comptent : les chrétiens
primitifs deviennent nombreux et dominants et ceci entraîne l’objectivation des
contenus et l’impersonnalisation des leaders (rationalisation).
- Le conflit avec des acteurs extérieurs est nécessaire à la cohésion sociale du
groupe religieux.
- Si elle doit se visibiliser, l’Eglise se veut aspatiale (contrairement à la secte). Elle
doit donc décontextualiser ses contenus.
- Simmel ne parle pas de sécularisation mais d’autonomisation des sphères et du
développement d’une religion individualiste.
Sociologie des religions : approches classiques
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Bibliographie de Georg SIMMEL
1998 (1906). La religion. Paris. Circé.
1999 (1908). Sociologie. Etudes sur les formes de la socialisation. Paris. PUF.
1997. Essays on Religion (edited and translated by Horts Jürgen Helle). New Haven
and London. Yale University Press.
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Maurice HALBWACHS �(1877-1945)
Religion et mémoire
Sociologie des religions UNIL/UNIGE, cours BA, semestre automne 2011
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Maurice HALBWACHS (1877-1945)
• Maurice Halbwachs s’intéresse aux liens entre la mémoire individuelle (d’un
individu) et les mémoires collectives (des groupes).
• Dans sa théorie de la mémoire collective, un groupe (comme une classe sociale
par exemple), choisit de mémoriser ce qui lui apporte quelque chose ou d’oublier
ce qui ne lui sert à rien (construction de l’identité collective).
• La mémoire collective est donc un travail de construction et de structuration
sociale constant correspondant aux références présentes du groupe.
• La mémoire individuelle est donc cadrée par les mémoires collectives des groupes
ou sous-groupes sociaux auxquels l’individu se rattache.
Sociologie des religions : approches classiques
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Maurice HALBWACHS (1877-1945)
• Pour H., les traditions religieuses tirent leur force du fait qu’elles s’organisent en
système en y intégrant les éléments du passé pour assurer une continuité de la
tradition et dans le même temps la recréer en réactivant certains éléments
(innovation religieuse).
• La réactivation de certains éléments auparavant oubliés par la mémoire collective
d’un groupe religieux s’inscrit dans une logique de protestation sociale et
culturelle du présent (une nouvelle religion est toujours construite à partir de la
réélaboration d’une mémoire collective conçue à la fois comme continuité et
rupture de la tradition car il s’agit d’incorporer le passé à la nouveauté pour
affirmer la vérité intemporelle et universelle préservée dans la mémoire
collective).
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Maurice HALBWACHS (1877-1945)
• Pour H., si nos sociétés opèrent une distinction entre religieux et profane, c’est
parce qu’elles ont distingué deux régimes de temporalité : celui de la tradition et
celui de l’histoire.
• Le monopole cléricale, qui s’impose après le IV° - V° siècle, cherche à fixer des
normes instituées qui ne nécessitent plus pour les fidèles d’entretenir un lien entre
l’histoire et le dogme (perte de mémoire).
• Les mouvements contestataires, généralement issus de mystiques qui sont en fait
les porte-paroles de lignée de témoins porteur de mémoire, réagissent donc à la
sècheresse de la pensée théologique officielle (mémoire affective, recherche d’une
expérience directe de la présence).
Sociologie des religions : approches classiques
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Maurice HALBWACHS (1877-1945)
• L’institution doit donc parvenir à intégrer ces contestations en manipulant le
dogme (réinventer la mémoire autorisée, attestation paradoxale de la permanence
par le changement).
• Chez H., les mystiques jouent donc un rôle car leur contestation est ce qui permet
à l’Eglise d’évoluer (recharge mémorielle, nouvelle organisation collective) pour
continuer de fournir des significations pour le présent.
• La religion est donc une mémoire incessamment disputée (lutte pour le
monopole) et donc source de conflit (et pas seulement génératrice de lien social).
Sociologie des religions : approches classiques
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Bibliographie de Maurice HALBWACHS
1925. Les cadres sociaux de la mémoire. Paris. Alcan.
1941. La topographie légendaire des évangiles en Terre sainte. Etude de mémoire
collective. Paris. PUF.
1950. La mémoire collective. Paris. PUF.
Sociologie des religions : approches classiques