Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, n° 3, pp. 93-95© Masson, Paris, 1987
NOTE DE TECHNIQUE
Technique d'adaptation aux troubles de l'équilibreM. BARBESANT
Moniteur cadre de kinésithérapie, 22, rue Soleau, 06300 Nice.
L'observation de la marche d'enfants cérébelleux met en évidence unepartie des troublesqui les handicapent. Les moyens de défensequ'ils emploient sont souvent inadaptés pourrésoudre leurs problèmes d'équilibre.
En supprimant ces défenses, la techniqueproposée utilise les circuits encore intacts. Lebut est d'obtenir ainsi une plus grandeautonomie.
Introduction
Les pathologies comportant dans leur sémiologie des troubles de l'équilibre sont fortnombreuses. En effet, les centres physiologiquesdu contrôle musculaire ont chacun une part bienprécise dans l'harmonie du geste (4).
- le cervelet régule l'ajustement spatial ettemporel ;
- le labyrinthe informe le système nerveuxdes déplacements et positions de la tête permettant l'ajustement statique et dynamique ducorps;
- la sensibilité profonde inconsciente contrôlele tonus musculaire;
- la vue peut prendre le relais du contrôledu mouvement;
- le cortex adapte le geste volontaire etautomatique à sa finalité par l'apprentissage.
Tirés à part: M. BARBESANT, à l'adresse ci-dessus.
Interprétation de la clinique
Les sujets souffrant d'une ataxie cérébelleuseprésentent une « altération du réflexe myotatique ».
Cette altération va nous permettre de mieuxcomprendre le pourquoi de leurs troubles et lafaçon d'y remédier.
Il faut garder en permanence à l'esprit quel'ajustement des mouvements est inadéquat entemps, en intensité et en amplitude.
Cette association maligne de réponses inadaptées aux situations d'équilibre se traduit parl'image d'un tremblement.
L'activité myotatique persiste donc, maisd'une façon désordonnée.
A côté de ces signes purement pathologiques,le sujet automatise par l'apprentissage un système de défense pour vivre avec ses désordres.
Les plus visibles sont:a) le blocage des articulations par contraction
volontaire,b) l'élargissement du polygone de sustenta
tion.
Ce système est majoré en situation de danger(perte d'équilibre imprévue). Ces défenses sontainsi intimement liées dans le conscient moteurdu cérébelleux.
Le système de défense ainsi en place, s'ilprotège temporairement des signes cliniques,diminue considérablement les possibilités dusujet, et, d'une façon générale, son autonomie.En effet, l'altération du réflexe myotatique setraduit par:
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1) le retard de mise en jeu des musclesantagonistes,
2) l'impossibilité de maintenir longtemps unecontraction,
3) l'inadaptation de l'intensité de la contraction,
4) la lenteur de la contraction et durelâchement.
Les deux composantes du système de défensene pallient pas les conséquences de cettealtération:
a) le blocage des articulations, notammentdes intermédiaires des membres (genou etcoude), empêche le sujet de compenser, par ceréflexe myotatique altéré mais existant, lesajustements inadaptés du fait des centresatteints.
b) l'élargissement du polygone de sustentation, s'il facilite la station debout « immobile »(relative à cause des tremblements), devient unfrein à la marche car le déplacement du centrede gravité croît en parallèle avec la taille de cepolygone.
Présentation de la technique
Pour contrer ce système de défense néfaste,on peut dégager deux principes d'interventionpour le rééducateur :
- débloquer les articulations afin de permettreau sujet d'utiliser le réflexe myotatique« restant».
Donc ne pas lutter contre les tremblementscar ils ne sont pas source de chute: « on peutmarcher avec ».
- diminuer son polygone de sustentation dansla marche.
On lutte contre les troubles du réflexemyotatique par l'apprentissage, en modulant lesexercices gymniques suivant les critères:
- la plus grande amplitude possible pour quele sujet puisse adapter contraction et décontraction musculaire dans la course articulaire;
. - jouer sur la vitesse de déplacement:1) freiner d'abord,2) puis régulariser le rythme afin d'ajuster
le temps de réponse au temps de déplacement,
3) enfin, moduler des variations de vitessedans le même exercice.
L'exercice contre résistance (1) est préconisépour supprimer l'action des antagonistes. Cesexercices sont intéressants au début de larééducation comme prise de conscience de lacontraction musculaire.
Mais, supprimant la mise en jeu du réflexemyotatique perturbé, ils ont leur limite. En effet,ils empêchent ensuite la possibilité de déclenchercet élément perturbé.
Avant les bilans, trois volets sont à mémoriser:
- les troubles de la station debout traduisentune ataxie statique ou posturale;
- les troubles de la marche, l'ataxielocomotrice;
- les troubles de la coordination d'un mouvement adapté à un but, l'ataxie cinétique.
La quantification des tests n'a pas forcémentde conséquence directe sur le choix des buts dela rééducation.
En effet, dans les épreuves, il ne faut pas « sefaire piéger » par le système de défense du sujet,car avec l'accroissement des difficultés, ressurgissent les blocages articulaires masquant, soitdes possibilités motrices, soit au contraire, uneabsence de contrôle et «un tremblement».
En parallèle avec les niveaux d'évolutionmotrice, la rééducation classique propose unschéma d'apprentissage de l'équilibre en suivantla progression de la quadrupédie vers la stationdebout et la marche.
Cette idée est d'autant plus séduisante qu'elleajoute une progression de l'élévation du centrede gravité.
Cependant, la pratique montre que, danschaque position nouvelle, l'intégration de l'équilibre est différente et les apprentissages précédents de peu de secours.
La motivation de l'adulte pour cette rééducation n'existe que si elle débouche sur un gainen autonomie.
La position clef est la station debout qu'ellequ'en soit la qualité. Si elle n'existe pas, lacoopération sera beaucoup plus aléatoire.
L'apprentissage de la station debout sansblocage articulaire actif passe :
. d'abord par un entraînement en actif aidédu contrôle postural,
. puis par des déplacements du centre degravité par translation du poids d'un appui surl'autre.
Les difficultés viennent de la contradictionapparente entre la tenue posturale et le blocagearticulaire par une réponse en contraction dumuscle trop intense, d'où la nécessité de fairepercevoir au sujet, à la fois l'intensité et lalocalisation de la contraction par le toucher.
• Dans un premier temps, il faut exercer:- la station debout en éliminant les compen
sations avec les membres supérieurs, libérer lesarticulations, surtout les genoux en plaçant lesujet en légère flexion.
- la marche: en supprimant l'extension dugenou, on adopte un polygone de sustentationintermédiaire (l'écartement des pieds égal àl'écartement des épaules) qui est satisfaisantdans la plupart des cas.
En effet, plus un polygone de sustentation estlarge, plus il facilite la station debout immobile,plus il augmente l'amplitude du déplacement ducentre de gravité et plus le déséquilibre estimportant.
• Dans un deuxième temps, diminuer le polygone de sustentation à l'extrême pour arriver àl'unipodal (marche en pas de fourmi ou talonpointe).
Les exercices de saut pieds joints, de course,puis d'unipodal sont réservés aux évolutions lesplus favorables.
Dans chaque exercice, la coordination estexercée par la symétrie de l'amplitude et de lavitesse des déplacements des deux membres. Lemétronome peut être un auxilliaire précieux.
Les blocages se manifestent eux aussi auniveau des ceintures pelviennes et se combattent
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par les exercices de marche guidée au niveaudu bassin ou des épaules.
En progression, on peut proposer « la marcheaccordéon» dans laquelle le polygone desustentation est modulé en taille d'un extrêmeà l'autre dans la même séquence.
Les résultats sont, comme les troubles, variables en temps et en intensité.
S'ils existent, ils se traduisent dans l'autonomie par une augmentation du périmètre demarche et de la vitesse de déplacement utilisable.
Le confort du patient est transformé par uneamélioration de sa stabilité et une diminutiondu nombre de chutes.
Conclusion
Il semble que si l'altération du réflexemyotatique persiste avec ses quatre composantes, le sujet connaît mieux les réponsespathologiques et contrôle leurs conséquences.Même si la motivation du patient est sous ladépendance de son niveau de compréhension,il a toujours en lui la faculté dè's'adapter à sestroubles de l'équilibre.
Références
1. AERENS Ch. - La rééducation de l'ataxie. Annales dekinésithérapie, 6, 279-284, 1984.
2. DE DONKER E. - Réflexion d'un chirurgien sur la remiseà la marche d'un opéré de hanche. Annales de kinésithérapie,1-2, 25-28, 1984.
3. DE SOUTTER P. - Le bilan de rééducation concernant lessyndromes cérébelleux. Annales de kinésithérapie, 1-2, 15-19,1985.
4. SCHMITT J. - Troubles de la coordination. Encyc1. Med.Chir., Paris, Neurologie, 11-1978, 17006 A10.
5. SULTANA R. - La rééducation fonctionnelle d'un sujetprésentant un syndrome cérébelleux. Annales de kinésithérapie, 7, 213-221, 1980.