INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
CENTRE URBANISATION CULTURE ET SOCIEacuteTEacute
TRANSFORMATION DU LIEN SOCIAL EN MILIEU URBAIN
UN EXAMEN DES PRA TIQUES DE SOCIABILITEacute ET DU RAPPORT AU
QUARTIER CHEZ LES JEUNES ADULTES QUI HABITENT SEULS DANS LES
QUARTIERS CENTRAUX MONTREacuteALAIS
MEacuteMOIRE
PREacuteSENTEacute
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAIcircTRISE EN EacuteTUDES URBAINES
PAR
MIREILLE VEacuteZINA
2007
11
111
AVANT PROPOS
Ce meacutemoire constitue mon premier travail de grande denvergure en sciences sociales mais aussi mon plus grand accomplissement sur le plan personnel La recherche est avant tout un travail en solo Cette reacutealisation requiert une discipline et la construction dun mode de vie typique agrave la recherche Il reste que ce travail naurait eacuteteacute possible sans laide et lappui de diverses personnes
Je tiens dabord agrave remercier tous les reacutepondants de lenquecircte qui ont accepteacute de me rencontrer et de mavoir consacreacute geacuteneacutereusement de leur temps Cest particuliegraverement gracircce agrave ces personnes quil est possible de reacutealiser de tels projets
Je remercie aussi tout particuliegraverement ma directrice Johanne Charbonneau de mavoir fait confiance et de mavoir inteacutegreacute dans le projet Habiter seul Cette expeacuterience a eacuteteacute pour moi lune des plus enrichissantes sur le terrain puisque le deacutefi eacutetait de taille Mon expeacuterience au sein du projet Habiter seul ma non seulement initieacute au milieu de la recherche mais ma aussi permis de deacutevelopper une grande autonomie et une certaine maturiteacute scientifique Sans cette expeacuterience ce travail ne serait pas ce quil est Un grand merci agrave Annick Germain qui a eacuteteacute aussi mon professeur de mecircme quagrave Ceacutecile et Martin pour le travail que nous avons reacutealiseacute ensemble Je dois aussi beaucoup agrave Marc Molgat pour mavoir pris sous son aile dans lanalyse et la diffusion des reacutesultats du projet Les discussions sur les analyses les publications et la participation aux congregraves sont des expeacuteriences exceptionnelles pour un eacutetudiant agrave la maicirctrise
Aussi je dois beaucoup agrave ma famille pour mavoir depuis plusieurs anneacutees toujours encourageacute agrave poursuivre cette voie et supporter dans cette aventure Merci agrave mon pegravere Serge pour avoir toujours cru en moi et mavoir motiveacutee agrave poursuivre des eacutetudes en sociologie Merci agrave ma megravere Anne pour son soutien moral et son estime pour mon travail Merci agrave mon fregravere Sylvain pour mavoir endureacute et partager le territoire de travail
Merci agrave Edith Alix et Marie-Reneacutee pour mavoir supporteacute en suivant les hauts et les bas du projet et agreacutementeacute laventure avec les soupers defilles Votre amitieacute est preacutecieuse etfait partie des plaisirs et des joies qui ont marqueacute mes anneacutees INRS
Enfin merci agrave mon Mathieu pour mavoir encourageacute conseiller et supporter dans ce projet au quotidien Ta bonne humeur et ton optimisme inneacute mont fourni leacutenergie neacutecessaire pour surmonter les peacuteriodes les plus ardues et mettre ce travail agrave terme
IV
REacuteSUMEacute
Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les
quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de
lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les
jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un
visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute
agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts
interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute
chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et
les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu
avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave
ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans
leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux
sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos
analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de
sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier
leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de
conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la
moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain
v
TABLE DES MATIEgraveRES
AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x
INTRODUCTION 1
PREMIEgraveRE PARTIE 6
CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6
11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11
13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25
Conclusion du chapitre 1 26
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28
21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29
22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40
Vl
23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45
Conclusion du chapitre Il 47
CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54
Conclusion du chapitre III 55
CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66
42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79
vu
CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81
51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81
52 HyPOTHEgraveSES 82
DEUXIEgraveME PARTIE 84
CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES
Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84
DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86
Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92
62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99
CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0
75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112
ix
APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206
LISTE DES FIGURES
Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56
Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la
75
population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93
Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116
Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117
Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131
x
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71
Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132
Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153
Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154
xi
Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166
Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168
Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174
Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183
INTRODUCTION
Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne
cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette
maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des
formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la
proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001
(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de
lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la
prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de
personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais
aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du
nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain
en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains
La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se
retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le
fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou
laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux
multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la
quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs
ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations
speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-
eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent
difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un
logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs
ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont
une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement
mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002
Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)
2
Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute
linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce
mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans
notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc
Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les
modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage
urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance
soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie
quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et
la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative
et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux
questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu
urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans
un contexte meacutetropolitain
Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de
cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de
plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le
cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers
centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle
mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur
quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu
urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des
modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles
et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a
conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils
habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces
trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux
sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier
3
Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la
transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute
des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux
questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux
chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et
l interpreacutetati on des reacutesultats
Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La
question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie
et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la
sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le
chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la
transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de
leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De
plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des
travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin
nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux
lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la
sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune
socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande
ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine
alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec
nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente
eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement
et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet
4
Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous
indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique
de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des
jeunes adultes qui habitent seuls
Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception
du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde
moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des
grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui
caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres
anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui
habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des
personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la
socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus
dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave
diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le
contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une
transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes
sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les
jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi
au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux
Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport
entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave
leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le
choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des
territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que
les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre
VII
5
Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les
trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et
geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire
reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type
de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et
ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au
rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de
sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps
libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur
reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres
dans lespace
Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une
reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees
sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons
rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte
Habiter seul vivre isoleacute
6
PREMIEgraveRE PARTIE
CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE
La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec
La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres
fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des
relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme
coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus
durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une
perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport
au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme
Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social
dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables
et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute
LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le
peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique
des relations sociales
Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir
duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social
lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social
de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain
7
11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu
La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des
conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute
1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre
autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet
selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont
traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une
demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et
deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des
transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour
la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole
et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans
lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces
bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent
en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont
favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du
travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural
(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans
1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de
survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)
Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement
devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute
dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans
une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le
village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail
pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des
uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux
agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la
sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui
le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques
8
ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes
nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la
population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social
La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les
contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures
eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la
reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles
des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective
eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque
les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes
industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens
communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de
laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas
1995)
Ferdinand Tonnies
Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg
et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute
tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories
rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de
sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief
1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie
dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la
logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans
la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute
Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus
importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution
industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux
ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees
9
Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola
communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type
communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation
communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave
linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang
ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la
petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une
logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec
lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit
Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de
compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette
perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la
grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait
mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide
comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais
psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon
Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes
traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le
calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la
transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute
porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme
10
Eacutemile Durkheim
Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la
sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave
Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce
moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition
positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de
faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De
la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du
contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail
Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon
concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente
lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et
lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du
travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les
socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un
type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute
meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave
1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une
absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte
conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de
1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement
de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien
social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des
personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette
solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande
autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les
individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la
typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens
11
laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui
correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette
classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et
linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil
occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des
liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une
association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull
Max Weber
Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville
europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est
un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a
enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute
la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et
a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs
contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de
sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales
industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La
Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas
1995 Weber 1982 (1947))
Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien
social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon
Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les
liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute
urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)
1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)
12
Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non
urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent
neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et
de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la
ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de
sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave
part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest
pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et
leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci
tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau
mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute
Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de
diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre
autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se
traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle
liberteacute
En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux
eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se
retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu
dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de
codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des
contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en
milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu
creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))
Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la
ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des
relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du
lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi
13
par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des
situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)
13 La sociologie urbaine
Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger
Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la
ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la
moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs
laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave
saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995
Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux
conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la
communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples
sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie
agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus
complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une
deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques
de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des
rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))
Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave
une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903
(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee
que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se
trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au
cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes
et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)
Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes
conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve
et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus
14
dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo
speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de
lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques
des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus
dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des
biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit
En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature
eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein
duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la
relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo
Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de
laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus
calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux
et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour
la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un
mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux
formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute
personnelle
Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus
des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de
lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli
sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la
deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les
conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain
15
La figure de lEacutetranger
La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation
de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur
qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il
sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas
avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans
la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais
compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport
agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la
forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo
(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations
sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave
la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de
deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain
et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes
urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui
sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports
entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La
dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des
caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en
quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains
imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses
eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de
reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses
distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)
16
Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de
Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls
dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger
qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de
lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les
pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine
lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)
Leacutecole de Chicago
Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur
lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs
qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979
Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago
qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique
Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au
sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la
sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie
une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac
1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des
plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette
peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte
particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance
deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants
ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants
en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de
personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation
denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la
ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la
cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le
nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus
17
dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua
agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les
conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto
La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social
pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago
furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population
avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes
Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago
furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers
constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute
1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la
laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une
organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974
Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den
expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories
relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus
fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute
1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux
au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement
inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute
urbaine
Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de
Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation
sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes
comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de
lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute
sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo
constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au
monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)
18
Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de
Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste
et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park
Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain
(Grafmeyer et Isaac 1979)
Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les
inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral
absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy
et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de
choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et
laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif
typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les
figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park
comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago
dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des
liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde
non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des
fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac
1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de
parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on
creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts
interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la
reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)
Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park
et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils
ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et
linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations
sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle
19
Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres
deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese
de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la
question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en
situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes
sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de
communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la
communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee
La thegravese de la communauteacute perdue
Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de
lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de
Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte
en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation
Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et
relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les
liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par
rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton
1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux
ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce
quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des
situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances
(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain
comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez
Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants
et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail
la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce
qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte
urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)
20
La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les
anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les
villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la
communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la
communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement
refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune
certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais
surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques
dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le
quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de
voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le
voisinage jouent un rocircle coheacutesif
Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes
quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se
penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les
thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou
communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au
deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute
La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)
Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux
tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)
Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des
deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et
politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient
entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen
plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative
21
et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du
Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau
2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont
plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les
Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites
politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des
terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et
agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers
les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation
linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on
proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient
aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre
le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau
2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur
lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie
relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le
Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par
ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee
tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves
New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)
Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales
et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies
et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau
2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes
migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de
famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se
fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies
reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres
de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les
logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo
22
(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les
reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours
contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987
Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)
Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas
seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants
vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)
Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)
Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le
XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs
dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou
de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une
contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements
interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des
va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)
les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le
mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme
paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute
Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo
(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle
fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin
1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de
leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique
reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute
(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette
1992)
23
Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute
Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la
premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux
dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur
le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux
urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute
posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue
(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)
En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu
diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand
et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et
tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des
reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour
une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins
dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce
contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute
important pour les loisirs et lentraide
Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et
de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et
lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et
les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires
montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde
familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse
et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute
industrielle montreacutealaise
24
Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)
Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs
lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de
Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus
tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les
modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace
Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et
supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus
laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin
1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et
les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par
lintermeacutediaire des enfants
La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre
la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce
entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des
lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et
reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus
(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)
Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales
dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui
distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la
25
capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des
occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes
neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton
(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon
laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du
quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de
premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le
quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain
Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport
comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a
favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix
reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat
2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de
lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de
reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique
des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom
lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo
spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus
agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne
constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux
qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de
nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les
individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)
26
Conclusion du chapitre 1
Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de
lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la
dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est
dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations
sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le
salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles
lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations
non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la
transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle
acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de
lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous
avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des
aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation
Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de
leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les
migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils
quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une
aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi
dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de
dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent
toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des
jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le
salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la
moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels
Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle
des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des
formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales
27
comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance
des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui
caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque
Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi
inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le
contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux
et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le
vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription
territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques
enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions
28
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL
Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier
Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous
verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux
sociaux disolement et de quartier
21 La sociabiliteacute
La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)
La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance
de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange
et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre
les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou
dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des
personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se
traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre
ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes
des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la
distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les
individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont
faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis
damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens
forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien
(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de
la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager
diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus
entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande
29
La sociabiliteacute publique urbaine et marchande
La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus
laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la
reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre
ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La
sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace
commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou
une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les
autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics
sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain
1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le
caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain
peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de
Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles
dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins
La sociabiliteacute intime
Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes
que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le
mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance
des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute
relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes
qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas
pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et
laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La
3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute
30
)
sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la
proximiteacute relationnelle quelle implique
Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la
reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave
linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail
leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les
connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les
personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute
intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes
Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on
peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social
22 La notion de reacuteseau
Lorigine de la notion
Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et
de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la
monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix
Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons
dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des
caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu
plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement
geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau
renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la
communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les
frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux
liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un
contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La
communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans
31
lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de
Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des
relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins
importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme
Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans
lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte
moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son
reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces
Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une
thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave
partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu
compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute
avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-
selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des
liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one
person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le
reacuteseau change avec le temps et les contextes
Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription
territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations
intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050
personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des
anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain
seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer
1982)
Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par
Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le
mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des
reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne
32
sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par
les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient
une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)
et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality
and preferences determine with whom - that is with people from what social context -
individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est
responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de
plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de
la personnaliteacute de lindividu
Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en
France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les
reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent
que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du
voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de
laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus
nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la
famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens
Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des
relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace
de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au
caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de
proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des
relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture
autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace
geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les
liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves
du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que
ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits
dans lespace de proximiteacute
33
Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition
des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un
contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par
ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des
lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse
sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les
individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart
lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes
sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)
laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des
groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des
reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions
des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux
plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et
Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des
cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations
structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du
principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure
dinteraction entre les personnes
Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux
personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des
entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette
approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les
individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre
les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude
34
Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions
Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la
famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave
partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se
construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de
leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne
maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de
plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu
eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante
laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)
Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI
constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le
caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave
un soutien social
Le noyau et la taille du reacuteseau social
Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en
relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus
significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu
juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses
importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son
centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image
le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui
35
creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998
119)
Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave
des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles
(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations
superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon
peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de
quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et
lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les
deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent
deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes
diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter
(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte
meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon
demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des
sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens
faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou
les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens
forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis
La densiteacute
La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister
entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et
Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la
densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee
36
La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social
Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un
certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des
biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de
relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne
des individus comme le travail et le logement
On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)
Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut
reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas
garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau
car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide
sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui
existent
Le caractegravere mouvant du reacuteseau social
Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle
de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann
1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une
nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle
de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer
(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982
Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres
disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard
4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)
37
Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les
adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge
adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux
chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit
avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non
seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus
grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et
moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de
Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau
que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le
mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas
neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)
L homophilicirce des reacuteseaux
Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des
caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se
ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes
semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982
Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette
tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes
plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes
et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux
plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents
Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les
1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave
quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990
dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un
eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982
dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus
38
jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les
contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en
lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux
mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire
Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)
(Bidart 1997)
Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables
soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte
2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement
des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des
ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute
des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles
centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge
Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des
liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple
constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et
la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute
ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en
couple (Bidart 1997)
laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)
39
De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules
a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de
maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son
groupe damis
laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)
Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le
maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas
des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de
vie
Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses
ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux
personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute
du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui
faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de
voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des
individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales
que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et
freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute
de couples de familles et que lon a peu de liens
bull
40
La question de lisolement social
Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes
qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social
correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et
Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment
subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet
comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute
par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis
quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le
souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes
comprises dans leur reacuteseau
En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de
solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes
attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de
pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter
seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes
plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement
(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute
eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut
occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de
certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une
certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute
relationnelle (Martin 1993)
Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui
portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et
Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par
leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)
41
En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat
(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du
quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des
membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les
reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous
lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en
acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en
emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des
reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des
facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial
lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait
dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la
perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes
Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux
tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en
situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation
socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas
preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils
sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur
les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos
reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de
quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux
saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi
consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute
42
23 Lespace de proximiteacute et le quartier
Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des
theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion
municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention
publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des
populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La
diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et
les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles
traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est
unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres
et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il
repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le
logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon
la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave
laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus
pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace
domestique au profit de la ville
Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)
Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du
domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee
par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous
renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de
proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans
lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on
pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations
43
sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une
enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes
Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace
urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du
centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains
en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire
de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des
pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en
transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous
renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce
territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales
Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche
nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous
envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs
dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en
fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le
quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres
cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville
(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un
espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme
eacutetant un
Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)
44
Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes
facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain
1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la
notion de quartier
laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo
Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un
espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la
construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique
Un espace dintervention politique et daction collective
Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour
deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son
ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une
eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui
a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)
Un espace fonctionnel
La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des
modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave
lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et
services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique
(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent
un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa
4S
sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel
faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit
Un espace symbolique
Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut
correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison
uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et
Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave
laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique
contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants
sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se
situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et
St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo
Un espace de sociabiliteacute
Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut
eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou
lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux
publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique
proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique
et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social
Les enquecirctes sur le quartier
Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de
la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par
Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les
quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels
de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et
un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes
46
et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les
bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par
ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences
reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des
laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un
quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)
En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur
deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des
deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de
travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social
influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les
relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de
40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute
Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute
deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute
du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement
commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le
rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux
lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence
damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne
constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des
personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain
attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain
Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier
Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et
de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu
de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et
fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont
47
aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en
ce qui concerne les sorties
Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes
queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les
jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce
qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur
parcours
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au
quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France
semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes
Conclusion du chapitre II
Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de
proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave
lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de
sociabiliteacute Il sagit dun produit social
Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de
Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un
rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des
adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous
preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions
de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se
concentrer dans les quartiers centraux des villes
48
CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE
Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes
Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister
entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le
rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement
elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel
deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle
examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du
deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce
que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition
geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes
adultes qui habitent seuls
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse
La concentration des jeunes adultes en milieu urbain
La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la
nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat
(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une
localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de
la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun
quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232
de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de
ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements
centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent
respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette
concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal
49
Les migrations la ville et le cycle de vie
Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge
reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations
symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004
Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du
sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours
de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des
grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les
mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003
Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le
travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de
liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez
les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent
2004)
Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort
chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les
moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme
eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans
qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus
scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon
nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont
plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les
quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens
de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois
professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la
preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non
seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties
et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et
Rose 1998)
50
Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls
constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle
de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-
Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix
qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple
ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes
et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere
des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en
meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les
plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat
2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de
ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une
augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent
seuls (Molgat 2000)
Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de
grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc
Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans
les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de
repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure
renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au
moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui
pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la
tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent
2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la
creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi
vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et
de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne
51
La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu
daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave
une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes
Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement
associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas
particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et
didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou
beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo
Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou
simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en
ville agrave un moment de leur parcours biographique
53
La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent
que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle
la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un
mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse
totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les
relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls
sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et
consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup
(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain
lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une
dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les
jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur
permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les
eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les
jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee
tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain
Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les
premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont
caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull
lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon
eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en
preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le
processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux
et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux
liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent
seuls
54
Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier
En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que
le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de
personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le
cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans
leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)
assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des
personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint
celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier
ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux
habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace
laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le
qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la
disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite
et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute
structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la
classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort
aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui
seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est
tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme
dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)
Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et
les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave
linteacuterieur de la figure 31 de la page 52
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter
comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par
ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute
publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des
55
Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave
Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les
secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes
soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie
Conclusion du chapitre III
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo
Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee
et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre
des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas
sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles
maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin
de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du
nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain
56
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non
Thegraveme de comparaison
Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos
Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine
- S y installent pour les eacutetudes ou le travail
Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire
Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial
1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue
2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte
3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels
Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois
Oui selon leacutetude de Xavier Leloup
Agrave voir
Le rapport agrave lespace Urbains
Locataires
Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties
Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)
Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)
Voisinent peu (Leloup)
Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)
Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)
La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace
et moins deacutependant de lespace de proximiteacute
Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude
Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul
57
CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE
Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales
Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la
moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que
plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et
Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute
constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que
les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien
Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands
changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute
sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs
classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct
reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et
culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de
vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute
des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont
plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest
plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus
grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures
sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le
processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance
socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses
sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire
supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes
Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls
modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de
parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi
connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de
58
certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance
de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes
villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont
connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des
transformations des modes de peuplement urbain
Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de
personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des
solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les
contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation
comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons
jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale
et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des
structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style
de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de
ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo
Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut
de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun
mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)
Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des
religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les
prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes
et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et
familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest
laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer
seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann
1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au
statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou
moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et
59
Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps
(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)
De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et
particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme
au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de
lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique
Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des
meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du
monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de
leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus
dindividualisation des modes de vie
Les concepts de moderniteacute
On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois
moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-
neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette
peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes
sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des
identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck
2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de
lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des
conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de
mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la
raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient
individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les
aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale
placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les
familles agrave sentraider
60
Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80
Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute
eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations
vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et
soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille
Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des
conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une
indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont
contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet
au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la
santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection
aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin
1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise
comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales
comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et
aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)
Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole
publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et
lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes
proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus
leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux
quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes
Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts
qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave
vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre
de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de
possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre
61
Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions
neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de
vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait
mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau
tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des
anneacutees 1980
La moderniteacute avanceacutee
Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques
sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis
bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de
demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme
Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou
postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous
une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-
1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et
dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il
eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees
Le processus dindividuation
La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres
favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et
des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993
Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel
qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire
(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute
de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme
groupe social (Jenson et de Singly 2005)
62
Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly
le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des
laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly
1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet
dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre
linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute
industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque
[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)
Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon
laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de
la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le
cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des
individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le
projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la
structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et
donc individualiseacutes
Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus
preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur
2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des
eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement
lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on
entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne
naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger
2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant
63
un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule
poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer
et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte
peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements
inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003
Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)
La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave
diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir
daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met
en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)
Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements
eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont
typiques de notre eacutepoque
Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres
deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles
exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003
Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger
2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu
dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute
professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette
conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les
conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus
jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003
Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans
la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre
preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte
dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de
peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme
si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas
64
25
20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5
0
neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement
accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme
lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres
anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec
(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la
speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur
combinaison avec des eacutetudes postsecondaires
Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec
~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~
Anneacutee
Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca
Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de
lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans
lacircge adulte
laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt
65
Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent
plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le
registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le
Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les
femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus
la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus
reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans
ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une
diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes
moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee
chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)
Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles
et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez
diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990
Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)
Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire
Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu
seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la
suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses
les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en
plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan
et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes
adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre
20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)
Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est
plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20
derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des
66
tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent
mener agrave cette situation
Les maniegraveres de vivre seul
Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les
personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que
certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes
circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann
1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous
renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees
La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de
solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une
double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent
associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes
laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont
souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le
cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez
soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo
laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans
certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie
en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive
(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et
comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau
Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes
vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous
examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet
5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo
67
Ceux qui subissent
Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui
quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas
de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des
difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui
vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993
Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de
faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui
requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et
temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux
valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et
appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise
Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative
puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont
souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a
Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale
rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne
semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du
mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la
vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive
Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur
mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur
indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent
1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans
un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu
de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993
157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec
son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur
situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de
certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de
68
jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent
1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee
dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme
carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de
Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de
figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme
les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les
jeunes adultes
42 Caracteacuteristiques des solos
Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du
Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a
Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991
agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains
auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave
partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont
laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent
beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann
1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et
particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup
2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes
beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et
reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite
nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes
adultes
69
Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques
Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui
habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees
de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51
demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle
seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave
34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees
ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland
1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des
personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon
Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema
deacutevolution qui suit trois seacutequences
[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)
Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la
page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de
Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34
ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada
donneacutees extraites du recensement 2001)
6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
70
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001
65+
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001
Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de
femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande
majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit
24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui
est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un
emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent
pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des
revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de
pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page
suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave
Montreacuteal
71
Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques
de la population
Sexe Femme Homme
Acircge
20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans
Statut Familial
Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve
Immigrants
Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel
Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi
Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus
sous le seuil de la pauvreteacute
Meacutenages composeacutes dune personne
38
49 51
29 36 35
24 1 7
63 5
17
87 6 7
86 14 30
16 16 21 18 12 13 4
38
Total (RMR de Montreacuteal)
100
51 49
33 40 28
12 43 3
41 2
22
86 8 6
84 16 26
18 19 19 16 11 12 5
20
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
72
Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute
Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des
logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont
locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de
la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de
Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)
Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent
entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $
Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux
(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le
recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus
nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu
de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela
sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux
73
Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)
de la population 38 100
Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58
Condominium 7 4
Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38
Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10
Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48
Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
74
1
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul
Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais
elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des
centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049
506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal
comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de
Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les
plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien
cette concentration
Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)
75
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total
bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)
moins de 20 (520)
_ pes de donnagravees
Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada
76
Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS
importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un
grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie
plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval
et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9
Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles
diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes
villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et
Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992
Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)
Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces
Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux
espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities
are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo
Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal
situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers
centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement
relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont
contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur
repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une
population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour
young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also
blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with
their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was
limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies
9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes
77
as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin
1998 831)
Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet
depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des
Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo
investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes
intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil
du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et
caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee
Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social
Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement
mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus
de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de
gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de
nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)
La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des
couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis
elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit
dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques
mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie
(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans
leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen
1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et
tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils
socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des
quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave
faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette
78
eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002
Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff
in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were
interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with
gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les
laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe
homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux
professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge
des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules
(Leloup 2005 Dansereau 1985)
Moderniteacute quartiers centraux et lien social
La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte
actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du
lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y
demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des
reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus
occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau
1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27
Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation
importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees
La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux
deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en
matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a
trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave
cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans
le contexte de la moderniteacute avanceacutee
79
Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux
Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus
dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et
les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de
consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le
processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au
sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave
leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher
1995)
En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre
de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa
personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont
construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes
plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille
Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait
speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)
Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut
comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les
mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements
offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles
personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave
nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la
moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de
proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de
contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les
technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la
distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de
la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1
80
Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations
sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des
processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a
contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en
redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent
seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut
se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement
pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se
retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on
peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et
diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille
les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches
habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en
changement ougrave ils sont fortement concentreacutes
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce
meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers
lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes
81
CHAPITRE V
QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE
Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une
tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter
seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent
urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois
mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble
entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous
sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui
preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations
symboliques
51 QUESTIONS DE RECHERCHE
1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier
11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)
2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social
22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)
23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees
24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau
25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier
3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute
31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo
83
Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et
biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur
mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de
lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des
quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de
leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui
preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les
territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix
84
DEUXIEgraveME PARTIE
CHAPITRE VI
JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE
Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie
Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de
recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute
pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-
ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune
eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de
solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a
seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal
qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules
Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur
le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage
administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les
besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de
reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute
dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des
arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui
habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de
recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-
Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il
sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement
constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le
centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements
de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le
plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)
85
De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des
profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies
par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave
temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR
presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP
ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi
diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui
reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le
loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans
larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux
arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des
Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent
aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes
qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des
cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les
rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs
comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale
deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme
le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi
Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des
reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants
reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas
confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous
nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude
Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales
et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le
fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers
86
DESCRIPTION DES TERRITOIRES
61 Le Plateau Mont-Royal
Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave
lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la
rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que
plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de
lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du
XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements
construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)
Description historique
Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord
une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs
laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon
des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard
Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du
Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues
dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui
explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une
tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le
boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du
tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le
deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave
lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des
forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les
populations anglophones et francophones
87
La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages
francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des
familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des
industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard
Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise
eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun
quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave
chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan
1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de
Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui
travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo
pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il
sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou
trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation
est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une
augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de
laugmentation de la population (Marsan 1994)
Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux
magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et
superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de
proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et
environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite
taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent
des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non
seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale
(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des
artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial
de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En
effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement
88
des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et
acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment
Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee
agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On
retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le
boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans
les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des
commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que
lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe
etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues
commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier
renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de
coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions
compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de
centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements
collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs
et centres de loisirs
Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les
repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche
entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette
œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la
marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce
territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)
laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)
89
laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo
Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et
dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des
reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de
fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les
habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger
(Rocheleau 1995 51) raquo
Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la
proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du
Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la
communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales
notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie
Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de
peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes
moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant
au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels
notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent
90
Dimension symbolique
Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des
Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi
principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels
Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de
larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une
population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de
Montreacuteal 2006 2)
Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides
touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et
RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et
dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des
derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit
le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo
laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et
les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de
lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur
Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-
Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec
2003 2) raquo
Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le
Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en
Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le
laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est
Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej
91
Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En
Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au
Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le
magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du
quotidien Le Devoir
laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo
(Le Devoir2005)
laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux
de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et
boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne
rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la
flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs
y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar
celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)
Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune
laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image
qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique
des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes
Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population
reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave
cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de
personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements
deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous
deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute
agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de
sociabiliteacute agrave ce quartier
10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml
92
Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a
suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore
aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet
arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que
lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche
dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis
1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans
repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest
stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee
de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la
proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on
constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de
la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de
Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153
Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une
baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal
que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est
passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion
de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63
Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au
Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins
importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait
32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001
93
Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par
rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des
immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts
(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil
du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les
personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient
28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53
en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi
dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette
croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la
figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de
lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001
f QI
1000 -j-------------W_------ ~ lt=
0 = c ~
bull ~
= 1 lt=8f 0600 +------------------------------
1971 1981 1991 2001
Anneacutees
Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada
94
Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des
loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci
jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation
sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que
le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute
la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que
la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour
lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-
Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des
Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de
Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus
de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus
scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui
a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee
2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la
Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de
locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la
proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si
on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de
proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les
revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la
demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le
jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En
effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal
loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non
seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de
la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements
dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de
27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal
95
Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de
larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave
redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa
repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des
rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des
nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et
remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas
propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo
Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves
eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal
deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces
eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs
Montreacutealais
62 Rosemont Petite-Patrie
Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier
populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs
(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle
du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie
situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops
Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian
Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues
Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier
Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-
Leacuteonard (voir carte en Annexe)
96
Tissu urbain et social
Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu
social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande
surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de
larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec
des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de
lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la
rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel
de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien
quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal
avec comme rue principale la rue Masson
Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-
Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun
espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation
dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres
le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave
valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus
agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute
agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave
lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de
lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand
territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre
Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en
voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le
Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons
97
diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau
Rosemont
Dimension symbolique
En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa
trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de
larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et
le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le
secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du
Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a
connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une
population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-
Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par
les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon
dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des
meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs
lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le
quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des
kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des
produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les
guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente
comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de
quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de
laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature
laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous
tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute
[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter
avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux
dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec
La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo
98
laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct
(Global Reacuteservation site internet) raquo
laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie
agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune
population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les
cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de
partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la
fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec
vacancecom) raquo
laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de
victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie
Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou
seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo
Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme
le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable
institution raquo
Description historique
Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le
deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du
tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement
la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait
selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes
(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du
Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des
zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce
aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui
accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les
99
Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au
deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie
municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-
Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute
principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis
Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu
aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet
arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal
Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971
Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de
Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique
de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de
Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi
importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent
en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis
1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave
RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des
proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que
pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important
de 134 645 agrave 157 606 $
Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers
des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de
la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau
de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a
100
diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque
tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37
Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI
laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent
infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les
revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave
4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre
1991 et 2001
Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit
eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971
on comptait 91 de locataires
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux
Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune
Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18
suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de
larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus
constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que
les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette
mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen
1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans
repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de
plus en plus vieillissante
Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus
heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil
diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de
larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-
101
Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique
commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la
Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute
qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le
Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc
Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des
touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse
Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des
deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon
laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie
Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en
culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et
ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles
dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo
En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee
par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas
typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous
laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet
arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus
speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette
partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique
diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie
dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on
peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui
font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification
102
CHAPITRE VII
MEacuteTHODE DENQUEcircTE
Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse
Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute
avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours
geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et
examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent
Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de
recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick
Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et
les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent
seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de
sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous
preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie
meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave
nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans
la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls
103
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)
Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave
documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de
personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs
eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres
de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et
collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements
laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain
ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de
transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel
1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description
du projet)
Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour
lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner
sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe
sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude
afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent
seulesll
11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire
104
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE
La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et
transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des
jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie
meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss
(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique
Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La
diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees
essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types
de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes
rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour
stratifier notre eacutechantillon
La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur
ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un
geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et
quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de
proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et
lintensiteacute des liens entretenus
Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi
dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et
aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier
Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-
eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de
logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau
social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode
quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee
105
par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere
mixte de notre strateacutegie meacutethodologique
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES
Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos
jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de
faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons
compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui
suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par
notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire
Le calendrier reacutesidentiel
Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne
rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille
composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de
logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil
a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier
reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave
habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations
recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette
faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire
correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les
eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave
habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes
correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie
quils envisagent dadopter agrave lavenir
106
Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte
Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl
habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par
contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne
agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines
relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot
du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)
dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain
Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre
et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes
de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une
premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)
qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses
importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils
entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie
actuels et passeacutes (Franke 2005)
Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille
les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de
rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la
personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees
Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave
deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence
des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont
permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social
Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de
107
lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme
arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi
eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees
dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des
membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions
nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme
que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement
quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes
avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes
auxquels elles sont associeacutees
Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du
reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement
concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et
linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain
Lentretien
Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le
deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs
du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la
vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les
questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la
distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont
eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie
concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de
situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent
freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes
du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une
ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de
son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de
voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes
108
adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur
quartier
Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de
compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter
seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES
Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien
social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement
du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant
dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux
principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au
minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode
significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave
la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le
deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal
Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais
nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir
effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues
Le recrutement
Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les
situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les
meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus
fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter
des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre
freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux
3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof
109
1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire
des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements
Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de
reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode
laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte
Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de
commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux
Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc
trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de
leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature
qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis
comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules
ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques
diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest
dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant
leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques
De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de
produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des
personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces
personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par
exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines
personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit
nombre de personnes
12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux
110
Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales
Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous
avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui
ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents
commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de
connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires
Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu
un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent
dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-
Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de
notre eacutechantillon
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre
Quartier Genre N Femme 8
Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11
Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6
Total Femme 11 Homme 5 Total 16
La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de
Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre
province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est
finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave
la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des
emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans
le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute
111
universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient
entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs
agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des
solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que
certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible
ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques
Quartier Personne rencontreacutee
Lieu dorigine Occupation et domaine emploi
Cateacutegorie de revenu
Niveau de scolariteacute atteint
Plateau Mont-Royal
PF01 PF02 PF03
France Montreacuteal France
Travail de bureau Eacutetudiante Communication
30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise
PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11
PF14
Ontario
Montreacuteal
Transport et services Finissante
30 000$ agrave 39 000$
20 000$ agrave 29 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise PF15
PH01 PH02
PH04
Montreacuteal
Queacutebec
Montreacuteal
France
Organisation communautaire Professionnel Communication
Gestionnaire
20 000$ agrave 29 000$
30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$
Plus de 49 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat
Rosemont-Petite-Patrie
RF01 RF07
RF11 RH01 RH06
Montreacuteal
Montreacuteal
Outaouais France France
Eacutetudiante Eacuteducatrice
Communication Eacutetudiant Eacutetudiant
Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$
Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat
13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat
112
La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont
pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil
des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet
arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi
qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des
revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus
scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants
interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes
il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui
concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus
haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations
diffeacuterentes
75 ANALYSE DES DONNEacuteES
Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel
SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave
habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les
donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au
moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire
avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen
dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues
plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi
collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la
reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge
Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin
de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous
preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune
part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient
dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre
113
question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types
se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)
En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des
reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une
enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre
eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre
eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et
enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement
spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le
quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande
quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la
sociabiliteacute des jeunes adultes
114
CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS
Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux
Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La
premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera
question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune
bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a
conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La
seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions
symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir
des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la
troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur
linscription reacutesidentielle des membres dans lespace
81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES
Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et
des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels
doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui
les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans
ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que
tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules
dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils
entretiennent avec leur logement
115
Caracteacuteristiques reacutesidentielles
Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles
comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis
le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un
deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus
eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial
Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35
ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29
Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin
Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie
de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge
moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer
familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats
geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des
trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le
seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute
reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux
personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)
116
En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit
nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En
geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il
apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois
habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le
nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du
Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de
piegraveces de 45 et 47
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes
Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)
moment de lentrevue Mode doccupation du logement
Locataire 13 Proprieacutetaire 3
Mobiliteacute reacutesidentielle
Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres
z 212 312 412 512 anneacutees
25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne
des deacutemeacutenagements en anneacutee
Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu
Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du
logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge
rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee
2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de
logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82
14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules
III
l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o
118
Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de
lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le
deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets
observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir
plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial
des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier
Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle
communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du
centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en
cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal
(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus
communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont
quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou
moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du
temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un
quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires
de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire
laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger
Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme
PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre
Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et
Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du
centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-
Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux
ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes
migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1
119
Le cas de PHOl
PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge
de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le
centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave
Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute
deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-
Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave
Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme
eacutedifice
Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes
rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller
dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe
dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la
plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-
Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et
Rosemont Petite-Patrie
Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave
quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une
mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils
sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute
urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus
importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma
collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute
seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent
aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)
120
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees
Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes
rencontreacutees
Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans
Urbaine 14 8 10 32
Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion
Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1
Total 16 14 20 50
bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme
speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de
jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes
tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge
agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat
2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait
d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de
la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de
personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude
121
Pourquoi habiter seul
Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour
lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces
endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des
tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons
dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les
autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute
celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les
motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont
elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue
Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees
Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne
est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six
anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent
seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres
groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie
en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques
Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin
122
Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des
seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules
sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie
en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire
Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)
Colocation (N) 12 9 13 34
Vie conjugale (N)
7 9 15 31
Retour familial (N) 2 3 2 7
Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par
diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de
cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave
veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes
dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos
reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des
deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de
Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les
trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes
adultes
Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants
PF01
PF02
PF03
PF09
PF10
PF11
- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l
C 1 PH01IV c -CI) C l
C PH02 CI)
-CI) c ccs
PH04
RF01
RFO
RH01
RH06
123
Leacutegende
bull Seul
o Couple
o Colocation
~ Famille
Pension ou lIIll reacutesidence
D 1 an
3 0 3 CD l-c CD
CD W
l -CD ltc CD
Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)
124
Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les
trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires
35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total
Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )
Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)
Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)
Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour
au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et
sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours
familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins
lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier
(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)
Leur histoire
On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes
dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour
la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme
lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants
plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins
diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de
cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de
vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte
125
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo
Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants
Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2
Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006
Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas
lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter
seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux
eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees
habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet
nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en
solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point
de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles
occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation
Les eacutevegravenements deacuteclencheurs
La rupture
Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la
rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines
personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie
conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune
seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte
un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO
126
qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon
indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de
chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les
extraits suivants illustrent ce type de parcours
Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)
Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)
Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)
Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet
conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter
seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance
Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)
Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)
127
Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a
preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste
que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et
biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture
amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et
nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat
(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo
chez les jeunes adultes
Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits
Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements
comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son
proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute
leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau
logement seul
Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)
Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail
Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal
Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme
Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)
128
Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des
individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes
adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes
ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes
Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires
dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont
provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun
emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme
peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces
premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour
plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes
de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain
apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les
femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet
aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre
difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants
dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)
Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus
nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans
mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun
meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou
interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-
Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet
ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour
la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on
donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue
129
Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur
vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et
dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances
Choisir ou subir
Le refus et limpossibiliteacute de la colocation
Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun
projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou
deacutevegravenements particuliers
Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)
Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le
passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement
soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans
un logement agrave soi
Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)
Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi
comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie
indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie
Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)
130
Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de
consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient
dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une
opportuniteacute inteacuteressante
Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5
Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation
Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude
fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut
de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement
associeacutee au cycle de vie
Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04
Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait
envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul
constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils
occupaient au moment de lentrevue
laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)
131
Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves
eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de
laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des
personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre
seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes
eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres
encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez
les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi
de soi
Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne
partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du
Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des
qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les
principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur
leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de
lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport
entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier
812 LE LOGEMENT
Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne
correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement
quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute
11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun
an Ancienneteacute reacutesidentielle
132
Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave
lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante
chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant
51-65 ans
Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)
Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees
habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la
page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois
suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees
(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un
immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees
n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne
est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par
lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue
pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel
Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants
51-65 ans
CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$
133
Trouver et choisir son logement
Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons
deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une
personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont
effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation
Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de
location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du
Plateau
Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire
dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour
eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
(PF15 PF02 PF09)
Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se
promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les
journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce
quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)
Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)
Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)
134
Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident
Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI
Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)
Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie
comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la
meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave
lexception dune personne (RR06)
Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)
Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)
ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment
135
mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)
Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux
qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de
location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de
Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout
du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez
lensemble des solos
Rapport au logement
En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable
et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour
certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui
habitent des logements de 2 piegraveces
Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)
Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)
136
Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour
les filles qui habitent sur le Plateau
Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)
[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)
Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou
des contraintes financiegraveres
Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)
Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et
ressources disponibles pour se sentir bien
Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un
137
peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1
Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas
dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02
ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07
rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)
Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)
Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi
ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos
reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes
mais qui remplissent leur fonction de base
138
Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement
En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de
cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees
Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans
leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4
nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque
deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent
comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre
Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les
peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon
passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee
qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties
organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux
cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo
La girouette ou le pied-agrave-terre
Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons
aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules
en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere
faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl
de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui
est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave
lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement
spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere
et du mode de vie en geacuteneacuteral
Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)
139
Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales
organiseacutees
Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)
Le type casanier
Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se
demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme
PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la
lecture ou du bricolage
Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))
Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier
restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si
le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se
retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film
140
De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans
le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques
propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence
dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus
pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme
sils le souhaitent
Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)
Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)
141
Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une
peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y
travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez
lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez
les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave
inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des
logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux
lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les
rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que
la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux
habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas
ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous
Conclusion sur les parcours
Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel
majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble
des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont
aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999
1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)
Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont
pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures
amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les
eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu
et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul
Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous
les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres
groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees
142
Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la
freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle
semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec
lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de
mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres
urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont
proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la
jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul
Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur
logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle
mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours
geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute
entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous
examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et
engagement politique et associatif)
82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER
Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont
Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les
rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique
Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve
principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de
vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de
transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de
larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation
relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont
le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que
nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera
question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les
143
Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons
dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services
quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent
dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales
Un espace symbolique
Le Plateau Mont-Royal
Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit
pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils
nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou
du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul
Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ
Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui
le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs
services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)
La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui
ressortent beaucoup dans la description du quartier
Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4
Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII
144
Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des
interlocuteurs
Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ
Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un
quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les
statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes
solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en
raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml
Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente
Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de
Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants
nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )
proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants
parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une
ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous
les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour
deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne
se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave
trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour
laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain
et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau
demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des
quartiers de Rosemont Petite-Patrie
145
Rosemont Petite-Patrie
Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus
nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de
Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable
principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na
parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le
freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme
lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le
comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo
tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par
reconnaicirctre les gens
Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)
Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)
Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11
Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une
destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)
Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas
146
non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)
Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)
Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais
la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux
minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des
immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du
quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique
speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier
Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal
renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en
termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se
rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis
de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves
Un espace central et fonctionnel
Plateau Mont-Royal
La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau
Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en
banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection
dans le choix du logement
Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)
147
La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute
de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la
proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de
marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre
eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour
habiter leur quartier
Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)
Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)
Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation
speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs
Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage
on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville
Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)
148
Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)
Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de
proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension
agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire
compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais
aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait
Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)
Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes
laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines
laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08
Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute
comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui
ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain
et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la
population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance
149
Rosemont Petite-Patrie
Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits
commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes
pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les
parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau
Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de
services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave
pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect
nest tregraves eacutevident dans tous les discours
Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)
[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)
Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans
leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits
et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave
freacutequenter ces lieux
laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur
150
Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07
laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)
Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement
Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal
pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute
dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu
de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie
une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes
les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier
Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)
laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04
151
Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur
quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le
plan financier et social
Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va
au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine
laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage
non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats
marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de
Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute
pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et
laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats
vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en
quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et
services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui
eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs
deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les
lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que
des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence
Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un
caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du
quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute
comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services
Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du
quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les
jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de
proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont
jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)
Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les
personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que
dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les
152
caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des
services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent
certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes
et appartenant agrave des professions intellectuelles
Espace de sociabiliteacute
Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant
leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles
ils participent et des relations de voisinage
Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier
Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes
solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute
faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et
discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire
des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier
Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees
depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude
On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les
reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du
Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur
arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en
matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus
haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties
et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes
non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de
la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de
153
lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus
enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des
personnes rencontreacutees
Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois
Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement
PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37
Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34
Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47
Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20
Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50
Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes
pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les
jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus
les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des
sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur
154
Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois
Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans
leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32
Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18
Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46
Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25
Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6
Total (N) 11 5 16 26 24 50
A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier
qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de
Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs
Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal
freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des
restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les
bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les
rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent
Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)
155
Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent
certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits
Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)
Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii
Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO
Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un
degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute
danonymat variable
Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants
concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les
boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils
freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs
On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance
Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles
et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un
autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal
156
Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07
Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06
(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI
Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur
quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont
en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau
Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue
un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui
comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement
lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement
pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens
reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI
[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)
Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-
Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines
commoditeacutes offertes
157
Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07
Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les
dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens
forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la
laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements
influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo
La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations
sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier
central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes
plus en peacuteripheacuterie de la ville
[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ
Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ
158
Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se
limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir
des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier
Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales
selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute
et de la distance au sens de Simmel
Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs
majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les
groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs
comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui
linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des
reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa
disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-
Royal
Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils
laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des
commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils
laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux
cas de figure selon larrondissement habiteacute
J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)
[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)
159
Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que
chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent
davantage les personnes quils croisent
Espace politique et associatif
Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun
travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu
concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance
dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point
aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer
sur la scegravene locale
Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)
Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute
une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus
speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements
et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de
faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart
dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le
dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune
importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction
Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)
160
Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les
jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une
laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont
pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais
portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local
ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo
Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous
pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la
proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude
Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la
distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques
fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves
positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme
un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de
plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues
commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage
dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des
trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par
le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le
Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants
repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut
progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des
emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans
liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le
mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le
161
dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport
entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents
Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins
important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des
quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est
deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un
prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne
retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est
ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et
des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils
reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars
des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la
rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants
sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces
espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite
Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des
caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre
il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes
ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter
Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les
processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement
gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave
lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le
sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise
dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace
de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute
162
En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes
dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)
Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui
seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La
sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire
superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace
commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple
plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement
personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations
sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette
figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos
reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent
une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les
jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de
lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en
quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls
Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes
diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et
politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont
Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau
les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et
sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le
rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute
et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par
ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir
une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus
jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux
163
locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti
politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier
Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun
comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie
des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui
habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que
le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des
processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge
des individus
83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX
Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous
attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de
preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui
composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants
Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous
examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations
sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral
La taille
Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que
nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de
personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre
19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39
Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que
lautre moitieacute en a moins
164
Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes
adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge
adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf
reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux
cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge
Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine
dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il
passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport
sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la
jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs
reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de
jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes
outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304
personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-
agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez
les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et
dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35
et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants
provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du
Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de
la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs
caracteacuteristiques
15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte
165
Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt
Arrondissement Provenance habiteacute
Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et
Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano
Jeunes adultes
Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)
Total eacutechantillon
Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)
En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du
Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent
les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants
qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de
Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes
mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires
agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites
dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont
meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on
remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que
celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est
possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif
166
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul
la provenance et la taille des reacuteseaux
Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20
Les intimes
Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs
reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens
de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes
correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent
de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du
Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les
jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les
reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que
pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas
de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page
suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques
167
Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1
Personnes rencontreacutees
Jeunes adultes
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne Meacutediane
(N) Total eacutechantillon
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Arrondissement Provenance Total habiteacute
Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens
Montreacutealais reacutegion Cano
8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6
20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)
7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15
24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)
7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12
22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)
Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes
que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes
originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de
proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau
Caracteacuteristiques sociales des membres
Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans
lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34
ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre
dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont
168
acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute
atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent
en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des
jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total
Alters des jeunes
adultes
N= 656
6 34
192 189
77 44 31 29 14 20 20
63 536 21 6 24
N=650
1 48 91 431
N=571
184 252 o
108 89
633
Personnes rencontreacutees
N=16
o 1 6 7 2 o o o o o o
3 12
N=16
1 15
N=16
16
16
169
Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales
des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant
lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur
groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des
reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de
324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les
proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par
rapport agrave ceux des jeunes adultes
170
Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus
Total
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total
Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans
Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)
88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)
301 (100)
19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)
3 (10) 2 (43)
10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)
292 (100) 14 (100)
4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)
187 (680) 9 (643)
272 (1000) 14 (100)
96 (324) 100 85 (287)
92 (311)
22 (74)
1 (03) 296 (1000)
Alters (N=673)
99 (147) 201 (299) 309 (460)
63 (94)
672 (100)
30 (46) 468 (723)
96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)
646 (100)
10 (19) 92 (171) 83 (154)
354 (657)
539 (1000)
242 (37) 197 (301)
178 (272)
36 (55)
1 (02) 654 (1000)
Altersmiddot Egos 51middot65 ans
Eacutegos (N= 20)
100
1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)
0(00)
20 (1000)
0(00) 2 (100) 3 (150)
15 (750)
20 (1000)
20 (100)
171
Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes
solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et
scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme
nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans
les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de
Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient
tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les
classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous
navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave
l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et
semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode
dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des
reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela
sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons
que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave
1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer
1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes
marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des
divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples
sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur
des familles ayant des enfants du mecircme acircge
La composition des reacuteseaux
Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont
majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous
les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus
de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des
liens
En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les
connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs
172
liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille
repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus
importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )
par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez
les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des
liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes
Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus
acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et
vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817
et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute
Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656
N= 528
Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96
Conjoint 08 02 03
Ami 773 468 527
Travail 16 123 102
Voisinage 00 34 27
Connaissance 00 216 174
Autre 00 13 11
Total 1000 1000 1000
173
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans
Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671
N= 209 N= 525
Famille 177 215 204 157 209 198
Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116
Conjoint 22 05 10 14 00 03
Ami 700 459 532 801 486 554
Travail 33 124 97 21 97 80
Voisinage 00 81 57 07 95 76
Connaissance 00 100 70 00 107 83
Autre 67 14 30 00 06 04
Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000
Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la
provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie
possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et
dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui
concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont
une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de
leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent
une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-
Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que
dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des
reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance
174
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion
Liens des alters jeunes adultes
des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188
Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138
Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161
Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus
de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout
de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les
groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute
et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute
plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville
que Montreacuteal et de lEurope
Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux
Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville
de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace
de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche
Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui
habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace
joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la
reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur
175
le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la
freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur
lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode
dhabiter
Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls
Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des
alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre
reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo
La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de
Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux
qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui
habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La
cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent
dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement
distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le
Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des
reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence
des personnes rencontreacutees
La reacutepartition spatiale des alters
Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir
que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion
Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de
Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal
(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur
Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans
laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses
enquecircteacutes
176
En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des
membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins
de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de
Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la
personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour
Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6
Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens
Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters
Intimes Autres Total Liens
N =127 N=510 N=637
RMR 630 516 682
Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88
tle de Montreacuteal 567 422 580
Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69
Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220
16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes
177
Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que
25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui
concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on
compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart
(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants
Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la
provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters
qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le
mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des
reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux
reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants
europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville
canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais
dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des
reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute
de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342
178
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179
RMR 682 669 685 813 495 486
Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100
Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386
Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61
Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06
Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39
Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475
Chi2 0675 0000
V de Cramer 079 0342
Les intimes et les non-intimes
En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes
adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles
deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion
meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux
est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre
arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement
voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation
dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du
Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on
compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que
179
chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les
Montreacutealais
Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon
larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de
distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil
nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux
sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en
ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont
sont significatives
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41
RMR 80 64 16 54 8 18
Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4
Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14
Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4
Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1
Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23
Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444
180
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138
RMR 434 241 58 237 42 69
Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14
lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55
Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7
Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg
Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7
Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62
Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324
Les adultes mucircrs et vieillissants
Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence
des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la
majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690
pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees
dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de
proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le
mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans
181
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans
Moins de 35 ans
Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens
N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639
RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720
Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128
Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592
Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64
Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122
En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes
sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement
concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le
mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus
petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement
international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les
reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de
la province de reacutesidence est eacuteleveacutee
182
Liens et espaces de proximiteacute
Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de
leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues
Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego
sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins
citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes
de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec
un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees
parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes
mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois
plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego
Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice
(N= 149) N=11 ) (160)
Famille ~roche 0
Famille eacutelargie 3 0 3
Ami 92 4 96
Travail 13 0 13
Voisin 10 7 17
Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4
183
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull
36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total
Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)
Famille proche 0 0 0 7 2 9
Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4
Ami 31 2 33 72 14 86
Travail 4 0 4 10 0 10
Voisinage 3 11 14 20 28 48
Connaissance 8 0 8 12 0 12
Autre 4 0 4 0 0 0
Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme
arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un
membre de la famille proche et un collegravegue de travail
Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement
larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes
damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes
Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que
le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit
principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de
travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial
international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille
184
Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos
reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun
reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations
sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de
sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux
des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les
modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes
Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations
sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute
de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de
vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de
nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur
quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral
Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de
travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et
des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de
Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent
avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un
rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux
publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent
dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la
freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs
amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour
dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte
pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un
eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien
185
laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22
Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans
lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs
laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01
laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10
186
Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent
plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute
constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien
Le mode de la sociabiliteacute publique
Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de
second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais
celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations
de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En
effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une
place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la
proximiteacute des membres de leur reacuteseau
Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son
quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde
pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de
son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui
Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les
pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral
[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)
Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi
187
que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)
Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute
relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute
spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation
situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal
Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)
188
Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui
habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme
facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie
entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin
(1987)
Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement
leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral
Lurbain mobile
Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne
constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute
en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur
arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le
mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports
de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation
de lieux publics
En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas
neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la
taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique
relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de
vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur
quartier
189
CHAPITRE IX
INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS
Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge
Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de
reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes
effectueacutees sur le sujet
91 Synthegravese des reacutesultats
Les caracteacuteristiques
Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux
arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils
sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos
bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de
mecircme que celle de Kaufmann (1994a)
Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute
laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours
biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie
conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants
dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment
de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres
sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils
ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter
seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme
et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les
constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut
190
Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la
girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de
lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au
logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur
logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied
agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le
rapport entretenu au logement
Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de
solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave
la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus
de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes
Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur
quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition
spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs
reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le
mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres
de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos
reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et
local des reacuteseaux des immigrants
Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois
dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens
191
Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas
un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement
leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela
sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un
lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au
quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de
thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et
Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous
avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches
Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-
Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la
relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela
sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute
de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de
vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la
proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est
surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et
fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de
femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela
rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes
avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie
quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait
surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations
seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces
192
Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres
formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au
quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le
faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique
ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux
situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le
rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de
proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la
Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute
spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute
Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de
sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement
queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous
avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la
distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude
Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-
Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute
publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations
diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les
jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier
ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis
que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour
habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel
tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire
rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports
symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs
caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un
logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines
193
sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement
et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave
sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du
temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des
repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des
Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous
avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences
avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du
Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien
contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes
En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au
quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais
aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les
territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci
explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres
caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social
chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le
processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations
sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la
surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus
diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de
diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des
parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de
reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les
pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de
proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en
loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes
194
Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de
rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre
eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui
habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue
une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute
de diffeacuterences majeures entre les genres
92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo
En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus
acircgeacutes
Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que
leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire
reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la
trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes
De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos
plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes
cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes
En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et
de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des
adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier
ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les
rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez
les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs
homologues plus acircgeacutes
195
Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi
un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois
mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le
Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle
et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par
laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont
appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite
Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute
publique que leurs homologues plus jeunes
En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que
celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions
dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays
appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes
solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un
cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des
reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux
sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits
reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce
quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes
quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements
Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes
ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs
alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint
un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et
semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes
adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les
connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes
de solos plus jeunes
196
On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes
adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute
chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien
ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents
du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les
reacutesidents du Plateau
Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent
diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se
rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents
La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une
particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des
speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de
vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes
dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation
symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de
support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain
repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de
lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur
mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain
197
CONCLUSION
Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement
Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en
milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la
sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux
nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens
sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes
sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont
deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans
une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et
non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les
migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est
deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet
individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une
individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se
traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique
entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat
providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes
qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de
lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en
milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais
aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre
inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont
connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville
fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de
reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave
la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment
198
disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville
comme porteur disolement et de dissolution des liens
En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces
quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de
deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de
diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace
de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la
communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un
facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu
que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de
proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il
reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens
forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes
Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas
neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les
cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques
de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos
interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute
une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent
seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie
Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison
entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont
fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la
dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien
Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue
speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et
la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les
personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie
199
Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes
transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les
relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux
publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la
proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu
que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr
et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les
rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces
reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous
pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine
que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute
En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-
ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les
comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique
semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de
vie en solo
Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une
veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales
et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute
reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites
dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et
de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu
urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie
qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes
eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que
le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de
vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute
200
Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le
reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances
inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes
rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait
lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie
Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode
de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres
de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la
transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave
la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent
davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune
transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi
sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les
plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il
nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina
(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de
repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A
transitional period et Solo living for the long term
Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)
envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle
deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de
vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres
reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls
Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce
type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par
ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes
adultes rencontreacutes
201
La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une
perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre
de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie
reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine
personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces
personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave
un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres
Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme
repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)
ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la
moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur
mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement
Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos
reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les
caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de
lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes
que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation
eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur
les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont
lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de
logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude
Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans
Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se
sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur
condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est
relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes
adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment
de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les
202
reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus
susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre
eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces
quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres
de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain
En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute
constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de
voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en
peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement
deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers
peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la
voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules
moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-
Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-
eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue
un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces
contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements
sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques
tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul
est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus
petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus
importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-
Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La
compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas
passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent
203
APPENDICE A
Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes
Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes
Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700
204
APPENDICEB
Villeray
Outremont ~ -
Rosemont
~ e _ pire
_ commerce
centre-ville
PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie
205
APPENDICEC
Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie
206
REacuteFEacuteRENCES
AS CHER Franccedilois (1995) laquo La meacutetapole comme mode de vie raquo Chapitre 4 p118-151 dans Meacutetapolis ou lavenir des villes Odile Jacob Paris 345p
AUTHIER Jean-Yves (2001) Du domicile agrave la ville vivre en quartier ancien Anthropo Paris 214p
AUTHIER Jean-Yves (2002) laquoHabiter son quartier et vivre en ville les rapports reacutesidentiels des habitants des centres anciensraquo Espaces et Socieacuteteacutes (108-109)89-110
AUHTIER Jean-Yves (2005) laquo Le quartier un espace de proximiteacute raquo dans BOUDIN A LEFEUVRE M-P et GERMAIN A La proximiteacute Construction politique et expeacuterience sociale LHarmattan Villes et Entreprises p207-220
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AVANT PROPOS
Ce meacutemoire constitue mon premier travail de grande denvergure en sciences sociales mais aussi mon plus grand accomplissement sur le plan personnel La recherche est avant tout un travail en solo Cette reacutealisation requiert une discipline et la construction dun mode de vie typique agrave la recherche Il reste que ce travail naurait eacuteteacute possible sans laide et lappui de diverses personnes
Je tiens dabord agrave remercier tous les reacutepondants de lenquecircte qui ont accepteacute de me rencontrer et de mavoir consacreacute geacuteneacutereusement de leur temps Cest particuliegraverement gracircce agrave ces personnes quil est possible de reacutealiser de tels projets
Je remercie aussi tout particuliegraverement ma directrice Johanne Charbonneau de mavoir fait confiance et de mavoir inteacutegreacute dans le projet Habiter seul Cette expeacuterience a eacuteteacute pour moi lune des plus enrichissantes sur le terrain puisque le deacutefi eacutetait de taille Mon expeacuterience au sein du projet Habiter seul ma non seulement initieacute au milieu de la recherche mais ma aussi permis de deacutevelopper une grande autonomie et une certaine maturiteacute scientifique Sans cette expeacuterience ce travail ne serait pas ce quil est Un grand merci agrave Annick Germain qui a eacuteteacute aussi mon professeur de mecircme quagrave Ceacutecile et Martin pour le travail que nous avons reacutealiseacute ensemble Je dois aussi beaucoup agrave Marc Molgat pour mavoir pris sous son aile dans lanalyse et la diffusion des reacutesultats du projet Les discussions sur les analyses les publications et la participation aux congregraves sont des expeacuteriences exceptionnelles pour un eacutetudiant agrave la maicirctrise
Aussi je dois beaucoup agrave ma famille pour mavoir depuis plusieurs anneacutees toujours encourageacute agrave poursuivre cette voie et supporter dans cette aventure Merci agrave mon pegravere Serge pour avoir toujours cru en moi et mavoir motiveacutee agrave poursuivre des eacutetudes en sociologie Merci agrave ma megravere Anne pour son soutien moral et son estime pour mon travail Merci agrave mon fregravere Sylvain pour mavoir endureacute et partager le territoire de travail
Merci agrave Edith Alix et Marie-Reneacutee pour mavoir supporteacute en suivant les hauts et les bas du projet et agreacutementeacute laventure avec les soupers defilles Votre amitieacute est preacutecieuse etfait partie des plaisirs et des joies qui ont marqueacute mes anneacutees INRS
Enfin merci agrave mon Mathieu pour mavoir encourageacute conseiller et supporter dans ce projet au quotidien Ta bonne humeur et ton optimisme inneacute mont fourni leacutenergie neacutecessaire pour surmonter les peacuteriodes les plus ardues et mettre ce travail agrave terme
IV
REacuteSUMEacute
Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les
quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de
lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les
jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un
visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute
agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts
interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute
chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et
les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu
avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave
ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans
leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux
sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos
analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de
sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier
leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de
conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la
moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain
v
TABLE DES MATIEgraveRES
AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x
INTRODUCTION 1
PREMIEgraveRE PARTIE 6
CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6
11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11
13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25
Conclusion du chapitre 1 26
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28
21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29
22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40
Vl
23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45
Conclusion du chapitre Il 47
CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54
Conclusion du chapitre III 55
CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66
42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79
vu
CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81
51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81
52 HyPOTHEgraveSES 82
DEUXIEgraveME PARTIE 84
CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES
Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84
DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86
Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92
62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99
CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0
75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112
ix
APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206
LISTE DES FIGURES
Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56
Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la
75
population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93
Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116
Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117
Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131
x
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71
Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132
Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153
Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154
xi
Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166
Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168
Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174
Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183
INTRODUCTION
Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne
cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette
maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des
formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la
proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001
(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de
lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la
prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de
personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais
aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du
nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain
en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains
La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se
retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le
fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou
laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux
multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la
quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs
ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations
speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-
eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent
difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un
logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs
ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont
une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement
mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002
Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)
2
Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute
linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce
mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans
notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc
Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les
modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage
urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance
soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie
quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et
la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative
et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux
questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu
urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans
un contexte meacutetropolitain
Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de
cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de
plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le
cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers
centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle
mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur
quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu
urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des
modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles
et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a
conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils
habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces
trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux
sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier
3
Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la
transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute
des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux
questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux
chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et
l interpreacutetati on des reacutesultats
Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La
question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie
et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la
sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le
chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la
transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de
leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De
plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des
travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin
nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux
lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la
sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune
socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande
ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine
alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec
nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente
eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement
et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet
4
Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous
indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique
de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des
jeunes adultes qui habitent seuls
Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception
du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde
moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des
grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui
caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres
anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui
habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des
personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la
socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus
dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave
diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le
contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une
transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes
sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les
jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi
au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux
Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport
entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave
leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le
choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des
territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que
les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre
VII
5
Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les
trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et
geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire
reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type
de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et
ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au
rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de
sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps
libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur
reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres
dans lespace
Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une
reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees
sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons
rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte
Habiter seul vivre isoleacute
6
PREMIEgraveRE PARTIE
CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE
La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec
La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres
fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des
relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme
coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus
durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une
perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport
au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme
Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social
dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables
et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute
LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le
peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique
des relations sociales
Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir
duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social
lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social
de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain
7
11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu
La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des
conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute
1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre
autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet
selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont
traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une
demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et
deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des
transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour
la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole
et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans
lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces
bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent
en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont
favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du
travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural
(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans
1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de
survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)
Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement
devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute
dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans
une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le
village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail
pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des
uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux
agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la
sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui
le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques
8
ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes
nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la
population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social
La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les
contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures
eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la
reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles
des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective
eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque
les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes
industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens
communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de
laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas
1995)
Ferdinand Tonnies
Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg
et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute
tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories
rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de
sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief
1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie
dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la
logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans
la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute
Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus
importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution
industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux
ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees
9
Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola
communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type
communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation
communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave
linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang
ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la
petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une
logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec
lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit
Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de
compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette
perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la
grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait
mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide
comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais
psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon
Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes
traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le
calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la
transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute
porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme
10
Eacutemile Durkheim
Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la
sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave
Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce
moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition
positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de
faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De
la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du
contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail
Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon
concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente
lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et
lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du
travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les
socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un
type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute
meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave
1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une
absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte
conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de
1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement
de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien
social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des
personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette
solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande
autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les
individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la
typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens
11
laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui
correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette
classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et
linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil
occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des
liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une
association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull
Max Weber
Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville
europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est
un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a
enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute
la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et
a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs
contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de
sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales
industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La
Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas
1995 Weber 1982 (1947))
Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien
social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon
Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les
liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute
urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)
1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)
12
Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non
urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent
neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et
de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la
ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de
sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave
part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest
pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et
leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci
tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau
mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute
Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de
diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre
autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se
traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle
liberteacute
En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux
eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se
retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu
dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de
codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des
contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en
milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu
creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))
Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la
ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des
relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du
lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi
13
par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des
situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)
13 La sociologie urbaine
Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger
Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la
ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la
moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs
laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave
saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995
Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux
conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la
communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples
sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie
agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus
complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une
deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques
de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des
rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))
Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave
une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903
(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee
que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se
trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au
cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes
et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)
Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes
conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve
et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus
14
dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo
speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de
lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques
des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus
dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des
biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit
En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature
eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein
duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la
relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo
Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de
laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus
calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux
et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour
la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un
mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux
formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute
personnelle
Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus
des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de
lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli
sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la
deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les
conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain
15
La figure de lEacutetranger
La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation
de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur
qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il
sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas
avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans
la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais
compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport
agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la
forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo
(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations
sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave
la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de
deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain
et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes
urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui
sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports
entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La
dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des
caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en
quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains
imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses
eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de
reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses
distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)
16
Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de
Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls
dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger
qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de
lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les
pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine
lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)
Leacutecole de Chicago
Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur
lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs
qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979
Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago
qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique
Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au
sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la
sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie
une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac
1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des
plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette
peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte
particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance
deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants
ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants
en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de
personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation
denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la
ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la
cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le
nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus
17
dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua
agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les
conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto
La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social
pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago
furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population
avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes
Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago
furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers
constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute
1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la
laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une
organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974
Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den
expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories
relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus
fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute
1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux
au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement
inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute
urbaine
Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de
Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation
sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes
comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de
lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute
sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo
constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au
monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)
18
Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de
Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste
et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park
Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain
(Grafmeyer et Isaac 1979)
Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les
inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral
absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy
et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de
choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et
laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif
typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les
figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park
comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago
dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des
liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde
non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des
fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac
1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de
parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on
creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts
interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la
reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)
Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park
et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils
ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et
linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations
sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle
19
Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres
deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese
de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la
question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en
situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes
sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de
communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la
communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee
La thegravese de la communauteacute perdue
Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de
lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de
Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte
en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation
Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et
relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les
liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par
rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton
1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux
ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce
quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des
situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances
(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain
comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez
Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants
et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail
la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce
qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte
urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)
20
La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les
anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les
villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la
communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la
communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement
refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune
certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais
surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques
dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le
quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de
voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le
voisinage jouent un rocircle coheacutesif
Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes
quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se
penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les
thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou
communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au
deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute
La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)
Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux
tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)
Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des
deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et
politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient
entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen
plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative
21
et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du
Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau
2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont
plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les
Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites
politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des
terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et
agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers
les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation
linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on
proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient
aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre
le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau
2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur
lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie
relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le
Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par
ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee
tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves
New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)
Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales
et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies
et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau
2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes
migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de
famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se
fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies
reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres
de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les
logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo
22
(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les
reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours
contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987
Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)
Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas
seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants
vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)
Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)
Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le
XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs
dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou
de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une
contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements
interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des
va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)
les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le
mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme
paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute
Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo
(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle
fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin
1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de
leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique
reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute
(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette
1992)
23
Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute
Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la
premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux
dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur
le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux
urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute
posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue
(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)
En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu
diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand
et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et
tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des
reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour
une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins
dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce
contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute
important pour les loisirs et lentraide
Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et
de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et
lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et
les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires
montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde
familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse
et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute
industrielle montreacutealaise
24
Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)
Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs
lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de
Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus
tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les
modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace
Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et
supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus
laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin
1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et
les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par
lintermeacutediaire des enfants
La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre
la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce
entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des
lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et
reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus
(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)
Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales
dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui
distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la
25
capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des
occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes
neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton
(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon
laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du
quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de
premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le
quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain
Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport
comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a
favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix
reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat
2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de
lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de
reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique
des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom
lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo
spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus
agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne
constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux
qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de
nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les
individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)
26
Conclusion du chapitre 1
Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de
lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la
dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est
dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations
sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le
salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles
lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations
non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la
transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle
acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de
lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous
avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des
aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation
Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de
leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les
migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils
quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une
aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi
dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de
dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent
toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des
jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le
salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la
moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels
Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle
des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des
formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales
27
comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance
des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui
caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque
Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi
inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le
contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux
et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le
vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription
territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques
enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions
28
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL
Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier
Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous
verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux
sociaux disolement et de quartier
21 La sociabiliteacute
La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)
La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance
de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange
et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre
les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou
dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des
personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se
traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre
ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes
des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la
distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les
individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont
faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis
damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens
forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien
(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de
la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager
diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus
entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande
29
La sociabiliteacute publique urbaine et marchande
La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus
laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la
reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre
ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La
sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace
commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou
une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les
autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics
sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain
1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le
caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain
peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de
Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles
dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins
La sociabiliteacute intime
Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes
que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le
mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance
des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute
relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes
qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas
pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et
laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La
3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute
30
)
sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la
proximiteacute relationnelle quelle implique
Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la
reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave
linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail
leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les
connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les
personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute
intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes
Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on
peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social
22 La notion de reacuteseau
Lorigine de la notion
Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et
de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la
monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix
Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons
dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des
caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu
plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement
geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau
renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la
communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les
frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux
liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un
contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La
communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans
31
lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de
Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des
relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins
importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme
Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans
lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte
moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son
reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces
Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une
thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave
partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu
compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute
avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-
selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des
liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one
person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le
reacuteseau change avec le temps et les contextes
Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription
territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations
intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050
personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des
anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain
seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer
1982)
Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par
Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le
mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des
reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne
32
sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par
les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient
une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)
et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality
and preferences determine with whom - that is with people from what social context -
individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est
responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de
plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de
la personnaliteacute de lindividu
Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en
France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les
reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent
que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du
voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de
laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus
nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la
famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens
Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des
relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace
de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au
caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de
proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des
relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture
autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace
geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les
liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves
du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que
ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits
dans lespace de proximiteacute
33
Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition
des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un
contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par
ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des
lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse
sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les
individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart
lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes
sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)
laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des
groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des
reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions
des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux
plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et
Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des
cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations
structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du
principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure
dinteraction entre les personnes
Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux
personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des
entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette
approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les
individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre
les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude
34
Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions
Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la
famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave
partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se
construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de
leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne
maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de
plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu
eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante
laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)
Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI
constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le
caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave
un soutien social
Le noyau et la taille du reacuteseau social
Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en
relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus
significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu
juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses
importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son
centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image
le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui
35
creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998
119)
Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave
des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles
(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations
superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon
peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de
quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et
lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les
deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent
deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes
diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter
(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte
meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon
demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des
sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens
faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou
les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens
forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis
La densiteacute
La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister
entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et
Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la
densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee
36
La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social
Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un
certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des
biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de
relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne
des individus comme le travail et le logement
On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)
Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut
reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas
garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau
car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide
sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui
existent
Le caractegravere mouvant du reacuteseau social
Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle
de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann
1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une
nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle
de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer
(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982
Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres
disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard
4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)
37
Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les
adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge
adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux
chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit
avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non
seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus
grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et
moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de
Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau
que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le
mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas
neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)
L homophilicirce des reacuteseaux
Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des
caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se
ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes
semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982
Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette
tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes
plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes
et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux
plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents
Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les
1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave
quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990
dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un
eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982
dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus
38
jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les
contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en
lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux
mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire
Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)
(Bidart 1997)
Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables
soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte
2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement
des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des
ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute
des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles
centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge
Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des
liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple
constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et
la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute
ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en
couple (Bidart 1997)
laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)
39
De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules
a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de
maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son
groupe damis
laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)
Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le
maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas
des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de
vie
Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses
ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux
personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute
du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui
faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de
voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des
individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales
que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et
freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute
de couples de familles et que lon a peu de liens
bull
40
La question de lisolement social
Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes
qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social
correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et
Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment
subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet
comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute
par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis
quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le
souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes
comprises dans leur reacuteseau
En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de
solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes
attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de
pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter
seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes
plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement
(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute
eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut
occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de
certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une
certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute
relationnelle (Martin 1993)
Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui
portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et
Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par
leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)
41
En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat
(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du
quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des
membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les
reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous
lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en
acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en
emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des
reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des
facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial
lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait
dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la
perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes
Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux
tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en
situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation
socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas
preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils
sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur
les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos
reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de
quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux
saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi
consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute
42
23 Lespace de proximiteacute et le quartier
Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des
theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion
municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention
publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des
populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La
diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et
les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles
traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est
unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres
et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il
repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le
logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon
la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave
laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus
pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace
domestique au profit de la ville
Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)
Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du
domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee
par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous
renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de
proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans
lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on
pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations
43
sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une
enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes
Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace
urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du
centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains
en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire
de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des
pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en
transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous
renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce
territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales
Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche
nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous
envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs
dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en
fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le
quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres
cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville
(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un
espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme
eacutetant un
Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)
44
Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes
facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain
1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la
notion de quartier
laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo
Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un
espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la
construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique
Un espace dintervention politique et daction collective
Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour
deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son
ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une
eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui
a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)
Un espace fonctionnel
La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des
modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave
lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et
services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique
(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent
un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa
4S
sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel
faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit
Un espace symbolique
Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut
correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison
uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et
Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave
laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique
contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants
sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se
situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et
St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo
Un espace de sociabiliteacute
Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut
eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou
lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux
publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique
proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique
et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social
Les enquecirctes sur le quartier
Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de
la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par
Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les
quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels
de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et
un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes
46
et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les
bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par
ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences
reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des
laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un
quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)
En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur
deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des
deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de
travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social
influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les
relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de
40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute
Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute
deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute
du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement
commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le
rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux
lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence
damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne
constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des
personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain
attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain
Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier
Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et
de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu
de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et
fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont
47
aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en
ce qui concerne les sorties
Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes
queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les
jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce
qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur
parcours
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au
quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France
semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes
Conclusion du chapitre II
Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de
proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave
lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de
sociabiliteacute Il sagit dun produit social
Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de
Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un
rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des
adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous
preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions
de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se
concentrer dans les quartiers centraux des villes
48
CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE
Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes
Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister
entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le
rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement
elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel
deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle
examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du
deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce
que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition
geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes
adultes qui habitent seuls
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse
La concentration des jeunes adultes en milieu urbain
La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la
nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat
(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une
localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de
la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun
quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232
de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de
ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements
centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent
respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette
concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal
49
Les migrations la ville et le cycle de vie
Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge
reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations
symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004
Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du
sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours
de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des
grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les
mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003
Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le
travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de
liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez
les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent
2004)
Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort
chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les
moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme
eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans
qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus
scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon
nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont
plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les
quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens
de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois
professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la
preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non
seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties
et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et
Rose 1998)
50
Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls
constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle
de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-
Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix
qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple
ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes
et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere
des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en
meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les
plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat
2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de
ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une
augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent
seuls (Molgat 2000)
Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de
grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc
Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans
les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de
repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure
renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au
moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui
pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la
tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent
2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la
creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi
vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et
de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne
51
La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu
daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave
une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes
Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement
associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas
particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et
didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou
beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo
Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou
simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en
ville agrave un moment de leur parcours biographique
53
La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent
que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle
la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un
mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse
totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les
relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls
sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et
consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup
(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain
lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une
dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les
jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur
permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les
eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les
jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee
tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain
Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les
premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont
caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull
lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon
eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en
preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le
processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux
et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux
liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent
seuls
54
Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier
En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que
le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de
personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le
cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans
leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)
assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des
personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint
celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier
ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux
habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace
laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le
qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la
disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite
et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute
structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la
classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort
aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui
seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est
tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme
dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)
Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et
les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave
linteacuterieur de la figure 31 de la page 52
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter
comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par
ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute
publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des
55
Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave
Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les
secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes
soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie
Conclusion du chapitre III
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo
Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee
et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre
des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas
sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles
maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin
de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du
nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain
56
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non
Thegraveme de comparaison
Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos
Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine
- S y installent pour les eacutetudes ou le travail
Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire
Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial
1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue
2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte
3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels
Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois
Oui selon leacutetude de Xavier Leloup
Agrave voir
Le rapport agrave lespace Urbains
Locataires
Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties
Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)
Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)
Voisinent peu (Leloup)
Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)
Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)
La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace
et moins deacutependant de lespace de proximiteacute
Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude
Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul
57
CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE
Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales
Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la
moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que
plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et
Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute
constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que
les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien
Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands
changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute
sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs
classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct
reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et
culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de
vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute
des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont
plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest
plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus
grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures
sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le
processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance
socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses
sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire
supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes
Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls
modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de
parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi
connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de
58
certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance
de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes
villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont
connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des
transformations des modes de peuplement urbain
Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de
personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des
solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les
contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation
comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons
jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale
et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des
structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style
de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de
ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo
Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut
de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun
mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)
Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des
religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les
prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes
et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et
familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest
laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer
seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann
1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au
statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou
moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et
59
Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps
(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)
De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et
particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme
au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de
lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique
Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des
meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du
monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de
leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus
dindividualisation des modes de vie
Les concepts de moderniteacute
On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois
moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-
neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette
peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes
sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des
identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck
2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de
lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des
conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de
mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la
raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient
individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les
aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale
placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les
familles agrave sentraider
60
Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80
Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute
eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations
vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et
soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille
Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des
conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une
indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont
contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet
au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la
santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection
aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin
1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise
comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales
comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et
aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)
Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole
publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et
lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes
proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus
leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux
quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes
Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts
qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave
vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre
de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de
possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre
61
Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions
neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de
vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait
mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau
tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des
anneacutees 1980
La moderniteacute avanceacutee
Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques
sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis
bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de
demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme
Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou
postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous
une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-
1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et
dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il
eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees
Le processus dindividuation
La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres
favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et
des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993
Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel
qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire
(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute
de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme
groupe social (Jenson et de Singly 2005)
62
Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly
le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des
laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly
1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet
dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre
linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute
industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque
[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)
Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon
laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de
la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le
cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des
individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le
projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la
structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et
donc individualiseacutes
Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus
preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur
2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des
eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement
lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on
entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne
naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger
2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant
63
un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule
poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer
et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte
peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements
inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003
Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)
La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave
diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir
daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met
en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)
Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements
eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont
typiques de notre eacutepoque
Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres
deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles
exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003
Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger
2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu
dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute
professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette
conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les
conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus
jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003
Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans
la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre
preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte
dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de
peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme
si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas
64
25
20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5
0
neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement
accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme
lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres
anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec
(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la
speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur
combinaison avec des eacutetudes postsecondaires
Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec
~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~
Anneacutee
Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca
Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de
lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans
lacircge adulte
laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt
65
Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent
plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le
registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le
Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les
femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus
la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus
reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans
ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une
diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes
moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee
chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)
Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles
et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez
diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990
Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)
Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire
Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu
seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la
suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses
les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en
plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan
et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes
adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre
20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)
Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est
plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20
derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des
66
tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent
mener agrave cette situation
Les maniegraveres de vivre seul
Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les
personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que
certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes
circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann
1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous
renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees
La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de
solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une
double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent
associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes
laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont
souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le
cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez
soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo
laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans
certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie
en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive
(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et
comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau
Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes
vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous
examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet
5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo
67
Ceux qui subissent
Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui
quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas
de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des
difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui
vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993
Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de
faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui
requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et
temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux
valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et
appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise
Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative
puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont
souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a
Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale
rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne
semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du
mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la
vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive
Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur
mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur
indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent
1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans
un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu
de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993
157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec
son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur
situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de
certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de
68
jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent
1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee
dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme
carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de
Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de
figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme
les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les
jeunes adultes
42 Caracteacuteristiques des solos
Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du
Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a
Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991
agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains
auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave
partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont
laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent
beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann
1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et
particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup
2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes
beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et
reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite
nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes
adultes
69
Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques
Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui
habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees
de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51
demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle
seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave
34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees
ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland
1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des
personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon
Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema
deacutevolution qui suit trois seacutequences
[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)
Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la
page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de
Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34
ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada
donneacutees extraites du recensement 2001)
6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
70
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001
65+
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001
Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de
femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande
majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit
24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui
est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un
emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent
pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des
revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de
pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page
suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave
Montreacuteal
71
Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques
de la population
Sexe Femme Homme
Acircge
20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans
Statut Familial
Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve
Immigrants
Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel
Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi
Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus
sous le seuil de la pauvreteacute
Meacutenages composeacutes dune personne
38
49 51
29 36 35
24 1 7
63 5
17
87 6 7
86 14 30
16 16 21 18 12 13 4
38
Total (RMR de Montreacuteal)
100
51 49
33 40 28
12 43 3
41 2
22
86 8 6
84 16 26
18 19 19 16 11 12 5
20
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
72
Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute
Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des
logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont
locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de
la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de
Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)
Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent
entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $
Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux
(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le
recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus
nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu
de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela
sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux
73
Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)
de la population 38 100
Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58
Condominium 7 4
Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38
Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10
Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48
Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
74
1
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul
Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais
elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des
centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049
506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal
comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de
Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les
plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien
cette concentration
Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)
75
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total
bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)
moins de 20 (520)
_ pes de donnagravees
Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada
76
Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS
importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un
grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie
plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval
et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9
Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles
diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes
villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et
Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992
Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)
Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces
Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux
espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities
are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo
Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal
situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers
centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement
relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont
contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur
repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une
population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour
young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also
blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with
their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was
limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies
9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes
77
as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin
1998 831)
Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet
depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des
Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo
investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes
intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil
du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et
caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee
Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social
Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement
mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus
de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de
gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de
nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)
La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des
couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis
elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit
dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques
mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie
(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans
leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen
1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et
tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils
socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des
quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave
faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette
78
eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002
Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff
in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were
interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with
gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les
laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe
homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux
professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge
des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules
(Leloup 2005 Dansereau 1985)
Moderniteacute quartiers centraux et lien social
La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte
actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du
lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y
demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des
reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus
occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau
1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27
Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation
importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees
La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux
deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en
matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a
trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave
cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans
le contexte de la moderniteacute avanceacutee
79
Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux
Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus
dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et
les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de
consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le
processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au
sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave
leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher
1995)
En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre
de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa
personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont
construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes
plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille
Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait
speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)
Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut
comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les
mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements
offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles
personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave
nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la
moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de
proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de
contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les
technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la
distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de
la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1
80
Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations
sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des
processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a
contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en
redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent
seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut
se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement
pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se
retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on
peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et
diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille
les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches
habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en
changement ougrave ils sont fortement concentreacutes
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce
meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers
lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes
81
CHAPITRE V
QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE
Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une
tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter
seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent
urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois
mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble
entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous
sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui
preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations
symboliques
51 QUESTIONS DE RECHERCHE
1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier
11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)
2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social
22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)
23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees
24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau
25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier
3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute
31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo
83
Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et
biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur
mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de
lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des
quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de
leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui
preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les
territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix
84
DEUXIEgraveME PARTIE
CHAPITRE VI
JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE
Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie
Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de
recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute
pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-
ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune
eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de
solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a
seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal
qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules
Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur
le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage
administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les
besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de
reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute
dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des
arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui
habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de
recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-
Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il
sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement
constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le
centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements
de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le
plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)
85
De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des
profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies
par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave
temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR
presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP
ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi
diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui
reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le
loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans
larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux
arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des
Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent
aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes
qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des
cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les
rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs
comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale
deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme
le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi
Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des
reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants
reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas
confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous
nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude
Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales
et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le
fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers
86
DESCRIPTION DES TERRITOIRES
61 Le Plateau Mont-Royal
Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave
lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la
rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que
plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de
lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du
XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements
construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)
Description historique
Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord
une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs
laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon
des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard
Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du
Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues
dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui
explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une
tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le
boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du
tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le
deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave
lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des
forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les
populations anglophones et francophones
87
La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages
francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des
familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des
industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard
Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise
eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun
quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave
chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan
1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de
Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui
travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo
pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il
sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou
trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation
est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une
augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de
laugmentation de la population (Marsan 1994)
Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux
magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et
superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de
proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et
environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite
taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent
des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non
seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale
(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des
artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial
de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En
effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement
88
des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et
acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment
Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee
agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On
retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le
boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans
les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des
commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que
lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe
etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues
commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier
renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de
coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions
compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de
centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements
collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs
et centres de loisirs
Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les
repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche
entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette
œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la
marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce
territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)
laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)
89
laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo
Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et
dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des
reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de
fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les
habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger
(Rocheleau 1995 51) raquo
Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la
proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du
Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la
communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales
notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie
Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de
peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes
moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant
au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels
notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent
90
Dimension symbolique
Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des
Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi
principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels
Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de
larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une
population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de
Montreacuteal 2006 2)
Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides
touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et
RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et
dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des
derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit
le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo
laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et
les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de
lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur
Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-
Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec
2003 2) raquo
Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le
Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en
Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le
laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est
Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej
91
Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En
Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au
Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le
magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du
quotidien Le Devoir
laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo
(Le Devoir2005)
laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux
de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et
boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne
rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la
flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs
y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar
celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)
Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune
laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image
qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique
des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes
Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population
reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave
cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de
personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements
deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous
deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute
agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de
sociabiliteacute agrave ce quartier
10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml
92
Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a
suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore
aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet
arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que
lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche
dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis
1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans
repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest
stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee
de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la
proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on
constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de
la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de
Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153
Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une
baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal
que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est
passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion
de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63
Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au
Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins
importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait
32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001
93
Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par
rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des
immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts
(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil
du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les
personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient
28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53
en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi
dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette
croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la
figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de
lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001
f QI
1000 -j-------------W_------ ~ lt=
0 = c ~
bull ~
= 1 lt=8f 0600 +------------------------------
1971 1981 1991 2001
Anneacutees
Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada
94
Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des
loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci
jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation
sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que
le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute
la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que
la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour
lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-
Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des
Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de
Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus
de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus
scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui
a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee
2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la
Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de
locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la
proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si
on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de
proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les
revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la
demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le
jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En
effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal
loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non
seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de
la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements
dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de
27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal
95
Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de
larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave
redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa
repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des
rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des
nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et
remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas
propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo
Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves
eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal
deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces
eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs
Montreacutealais
62 Rosemont Petite-Patrie
Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier
populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs
(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle
du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie
situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops
Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian
Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues
Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier
Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-
Leacuteonard (voir carte en Annexe)
96
Tissu urbain et social
Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu
social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande
surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de
larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec
des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de
lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la
rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel
de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien
quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal
avec comme rue principale la rue Masson
Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-
Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun
espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation
dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres
le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave
valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus
agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute
agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave
lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de
lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand
territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre
Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en
voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le
Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons
97
diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau
Rosemont
Dimension symbolique
En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa
trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de
larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et
le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le
secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du
Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a
connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une
population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-
Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par
les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon
dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des
meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs
lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le
quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des
kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des
produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les
guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente
comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de
quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de
laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature
laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous
tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute
[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter
avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux
dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec
La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo
98
laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct
(Global Reacuteservation site internet) raquo
laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie
agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune
population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les
cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de
partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la
fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec
vacancecom) raquo
laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de
victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie
Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou
seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo
Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme
le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable
institution raquo
Description historique
Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le
deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du
tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement
la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait
selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes
(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du
Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des
zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce
aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui
accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les
99
Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au
deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie
municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-
Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute
principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis
Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu
aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet
arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal
Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971
Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de
Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique
de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de
Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi
importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent
en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis
1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave
RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des
proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que
pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important
de 134 645 agrave 157 606 $
Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers
des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de
la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau
de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a
100
diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque
tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37
Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI
laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent
infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les
revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave
4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre
1991 et 2001
Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit
eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971
on comptait 91 de locataires
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux
Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune
Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18
suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de
larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus
constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que
les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette
mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen
1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans
repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de
plus en plus vieillissante
Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus
heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil
diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de
larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-
101
Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique
commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la
Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute
qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le
Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc
Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des
touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse
Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des
deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon
laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie
Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en
culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et
ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles
dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo
En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee
par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas
typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous
laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet
arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus
speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette
partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique
diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie
dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on
peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui
font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification
102
CHAPITRE VII
MEacuteTHODE DENQUEcircTE
Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse
Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute
avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours
geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et
examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent
Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de
recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick
Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et
les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent
seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de
sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous
preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie
meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave
nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans
la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls
103
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)
Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave
documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de
personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs
eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres
de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et
collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements
laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain
ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de
transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel
1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description
du projet)
Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour
lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner
sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe
sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude
afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent
seulesll
11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire
104
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE
La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et
transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des
jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie
meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss
(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique
Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La
diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees
essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types
de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes
rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour
stratifier notre eacutechantillon
La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur
ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un
geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et
quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de
proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et
lintensiteacute des liens entretenus
Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi
dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et
aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier
Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-
eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de
logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau
social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode
quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee
105
par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere
mixte de notre strateacutegie meacutethodologique
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES
Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos
jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de
faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons
compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui
suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par
notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire
Le calendrier reacutesidentiel
Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne
rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille
composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de
logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil
a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier
reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave
habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations
recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette
faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire
correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les
eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave
habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes
correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie
quils envisagent dadopter agrave lavenir
106
Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte
Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl
habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par
contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne
agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines
relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot
du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)
dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain
Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre
et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes
de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une
premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)
qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses
importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils
entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie
actuels et passeacutes (Franke 2005)
Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille
les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de
rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la
personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees
Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave
deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence
des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont
permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social
Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de
107
lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme
arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi
eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees
dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des
membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions
nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme
que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement
quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes
avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes
auxquels elles sont associeacutees
Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du
reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement
concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et
linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain
Lentretien
Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le
deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs
du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la
vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les
questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la
distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont
eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie
concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de
situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent
freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes
du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une
ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de
son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de
voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes
108
adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur
quartier
Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de
compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter
seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES
Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien
social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement
du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant
dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux
principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au
minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode
significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave
la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le
deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal
Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais
nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir
effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues
Le recrutement
Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les
situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les
meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus
fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter
des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre
freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux
3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof
109
1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire
des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements
Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de
reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode
laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte
Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de
commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux
Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc
trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de
leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature
qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis
comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules
ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques
diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest
dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant
leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques
De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de
produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des
personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces
personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par
exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines
personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit
nombre de personnes
12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux
110
Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales
Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous
avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui
ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents
commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de
connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires
Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu
un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent
dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-
Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de
notre eacutechantillon
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre
Quartier Genre N Femme 8
Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11
Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6
Total Femme 11 Homme 5 Total 16
La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de
Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre
province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est
finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave
la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des
emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans
le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute
111
universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient
entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs
agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des
solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que
certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible
ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques
Quartier Personne rencontreacutee
Lieu dorigine Occupation et domaine emploi
Cateacutegorie de revenu
Niveau de scolariteacute atteint
Plateau Mont-Royal
PF01 PF02 PF03
France Montreacuteal France
Travail de bureau Eacutetudiante Communication
30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise
PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11
PF14
Ontario
Montreacuteal
Transport et services Finissante
30 000$ agrave 39 000$
20 000$ agrave 29 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise PF15
PH01 PH02
PH04
Montreacuteal
Queacutebec
Montreacuteal
France
Organisation communautaire Professionnel Communication
Gestionnaire
20 000$ agrave 29 000$
30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$
Plus de 49 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat
Rosemont-Petite-Patrie
RF01 RF07
RF11 RH01 RH06
Montreacuteal
Montreacuteal
Outaouais France France
Eacutetudiante Eacuteducatrice
Communication Eacutetudiant Eacutetudiant
Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$
Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat
13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat
112
La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont
pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil
des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet
arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi
qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des
revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus
scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants
interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes
il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui
concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus
haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations
diffeacuterentes
75 ANALYSE DES DONNEacuteES
Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel
SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave
habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les
donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au
moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire
avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen
dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues
plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi
collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la
reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge
Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin
de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous
preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune
part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient
dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre
113
question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types
se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)
En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des
reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une
enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre
eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre
eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et
enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement
spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le
quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande
quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la
sociabiliteacute des jeunes adultes
114
CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS
Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux
Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La
premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera
question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune
bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a
conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La
seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions
symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir
des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la
troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur
linscription reacutesidentielle des membres dans lespace
81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES
Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et
des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels
doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui
les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans
ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que
tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules
dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils
entretiennent avec leur logement
115
Caracteacuteristiques reacutesidentielles
Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles
comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis
le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un
deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus
eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial
Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35
ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29
Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin
Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie
de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge
moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer
familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats
geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des
trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le
seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute
reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux
personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)
116
En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit
nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En
geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il
apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois
habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le
nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du
Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de
piegraveces de 45 et 47
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes
Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)
moment de lentrevue Mode doccupation du logement
Locataire 13 Proprieacutetaire 3
Mobiliteacute reacutesidentielle
Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres
z 212 312 412 512 anneacutees
25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne
des deacutemeacutenagements en anneacutee
Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu
Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du
logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge
rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee
2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de
logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82
14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules
III
l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o
118
Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de
lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le
deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets
observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir
plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial
des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier
Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle
communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du
centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en
cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal
(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus
communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont
quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou
moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du
temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un
quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires
de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire
laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger
Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme
PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre
Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et
Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du
centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-
Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux
ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes
migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1
119
Le cas de PHOl
PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge
de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le
centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave
Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute
deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-
Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave
Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme
eacutedifice
Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes
rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller
dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe
dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la
plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-
Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et
Rosemont Petite-Patrie
Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave
quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une
mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils
sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute
urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus
importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma
collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute
seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent
aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)
120
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees
Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes
rencontreacutees
Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans
Urbaine 14 8 10 32
Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion
Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1
Total 16 14 20 50
bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme
speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de
jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes
tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge
agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat
2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait
d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de
la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de
personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude
121
Pourquoi habiter seul
Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour
lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces
endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des
tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons
dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les
autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute
celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les
motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont
elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue
Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees
Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne
est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six
anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent
seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres
groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie
en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques
Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin
122
Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des
seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules
sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie
en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire
Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)
Colocation (N) 12 9 13 34
Vie conjugale (N)
7 9 15 31
Retour familial (N) 2 3 2 7
Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par
diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de
cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave
veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes
dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos
reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des
deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de
Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les
trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes
adultes
Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants
PF01
PF02
PF03
PF09
PF10
PF11
- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l
C 1 PH01IV c -CI) C l
C PH02 CI)
-CI) c ccs
PH04
RF01
RFO
RH01
RH06
123
Leacutegende
bull Seul
o Couple
o Colocation
~ Famille
Pension ou lIIll reacutesidence
D 1 an
3 0 3 CD l-c CD
CD W
l -CD ltc CD
Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)
124
Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les
trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires
35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total
Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )
Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)
Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)
Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour
au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et
sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours
familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins
lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier
(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)
Leur histoire
On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes
dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour
la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme
lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants
plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins
diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de
cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de
vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte
125
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo
Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants
Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2
Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006
Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas
lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter
seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux
eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees
habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet
nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en
solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point
de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles
occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation
Les eacutevegravenements deacuteclencheurs
La rupture
Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la
rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines
personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie
conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune
seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte
un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO
126
qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon
indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de
chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les
extraits suivants illustrent ce type de parcours
Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)
Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)
Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)
Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet
conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter
seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance
Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)
Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)
127
Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a
preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste
que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et
biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture
amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et
nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat
(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo
chez les jeunes adultes
Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits
Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements
comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son
proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute
leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau
logement seul
Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)
Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail
Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal
Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme
Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)
128
Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des
individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes
adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes
ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes
Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires
dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont
provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun
emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme
peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces
premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour
plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes
de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain
apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les
femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet
aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre
difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants
dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)
Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus
nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans
mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun
meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou
interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-
Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet
ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour
la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on
donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue
129
Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur
vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et
dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances
Choisir ou subir
Le refus et limpossibiliteacute de la colocation
Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun
projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou
deacutevegravenements particuliers
Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)
Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le
passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement
soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans
un logement agrave soi
Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)
Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi
comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie
indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie
Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)
130
Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de
consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient
dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une
opportuniteacute inteacuteressante
Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5
Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation
Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude
fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut
de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement
associeacutee au cycle de vie
Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04
Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait
envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul
constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils
occupaient au moment de lentrevue
laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)
131
Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves
eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de
laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des
personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre
seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes
eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres
encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez
les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi
de soi
Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne
partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du
Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des
qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les
principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur
leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de
lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport
entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier
812 LE LOGEMENT
Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne
correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement
quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute
11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun
an Ancienneteacute reacutesidentielle
132
Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave
lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante
chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant
51-65 ans
Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)
Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees
habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la
page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois
suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees
(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un
immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees
n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne
est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par
lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue
pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel
Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants
51-65 ans
CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$
133
Trouver et choisir son logement
Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons
deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une
personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont
effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation
Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de
location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du
Plateau
Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire
dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour
eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
(PF15 PF02 PF09)
Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se
promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les
journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce
quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)
Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)
Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)
134
Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident
Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI
Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)
Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie
comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la
meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave
lexception dune personne (RR06)
Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)
Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)
ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment
135
mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)
Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux
qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de
location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de
Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout
du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez
lensemble des solos
Rapport au logement
En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable
et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour
certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui
habitent des logements de 2 piegraveces
Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)
Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)
136
Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour
les filles qui habitent sur le Plateau
Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)
[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)
Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou
des contraintes financiegraveres
Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)
Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et
ressources disponibles pour se sentir bien
Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un
137
peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1
Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas
dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02
ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07
rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)
Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)
Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi
ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos
reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes
mais qui remplissent leur fonction de base
138
Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement
En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de
cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees
Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans
leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4
nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque
deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent
comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre
Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les
peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon
passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee
qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties
organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux
cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo
La girouette ou le pied-agrave-terre
Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons
aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules
en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere
faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl
de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui
est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave
lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement
spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere
et du mode de vie en geacuteneacuteral
Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)
139
Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales
organiseacutees
Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)
Le type casanier
Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se
demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme
PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la
lecture ou du bricolage
Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))
Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier
restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si
le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se
retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film
140
De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans
le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques
propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence
dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus
pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme
sils le souhaitent
Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)
Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)
141
Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une
peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y
travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez
lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez
les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave
inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des
logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux
lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les
rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que
la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux
habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas
ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous
Conclusion sur les parcours
Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel
majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble
des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont
aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999
1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)
Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont
pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures
amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les
eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu
et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul
Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous
les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres
groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees
142
Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la
freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle
semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec
lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de
mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres
urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont
proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la
jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul
Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur
logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle
mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours
geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute
entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous
examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et
engagement politique et associatif)
82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER
Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont
Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les
rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique
Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve
principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de
vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de
transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de
larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation
relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont
le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que
nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera
question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les
143
Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons
dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services
quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent
dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales
Un espace symbolique
Le Plateau Mont-Royal
Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit
pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils
nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou
du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul
Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ
Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui
le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs
services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)
La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui
ressortent beaucoup dans la description du quartier
Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4
Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII
144
Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des
interlocuteurs
Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ
Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un
quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les
statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes
solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en
raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml
Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente
Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de
Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants
nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )
proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants
parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une
ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous
les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour
deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne
se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave
trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour
laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain
et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau
demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des
quartiers de Rosemont Petite-Patrie
145
Rosemont Petite-Patrie
Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus
nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de
Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable
principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na
parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le
freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme
lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le
comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo
tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par
reconnaicirctre les gens
Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)
Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)
Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11
Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une
destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)
Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas
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non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)
Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)
Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais
la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux
minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des
immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du
quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique
speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier
Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal
renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en
termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se
rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis
de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves
Un espace central et fonctionnel
Plateau Mont-Royal
La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau
Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en
banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection
dans le choix du logement
Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)
147
La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute
de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la
proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de
marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre
eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour
habiter leur quartier
Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)
Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)
Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation
speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs
Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage
on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville
Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)
148
Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)
Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de
proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension
agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire
compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais
aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait
Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)
Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes
laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines
laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08
Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute
comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui
ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain
et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la
population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance
149
Rosemont Petite-Patrie
Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits
commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes
pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les
parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau
Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de
services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave
pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect
nest tregraves eacutevident dans tous les discours
Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)
[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)
Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans
leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits
et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave
freacutequenter ces lieux
laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur
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Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07
laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)
Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement
Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal
pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute
dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu
de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie
une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes
les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier
Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)
laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04
151
Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur
quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le
plan financier et social
Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va
au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine
laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage
non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats
marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de
Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute
pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et
laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats
vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en
quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et
services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui
eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs
deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les
lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que
des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence
Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un
caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du
quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute
comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services
Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du
quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les
jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de
proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont
jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)
Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les
personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que
dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les
152
caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des
services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent
certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes
et appartenant agrave des professions intellectuelles
Espace de sociabiliteacute
Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant
leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles
ils participent et des relations de voisinage
Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier
Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes
solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute
faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et
discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire
des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier
Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees
depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude
On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les
reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du
Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur
arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en
matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus
haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties
et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes
non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de
la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de
153
lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus
enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des
personnes rencontreacutees
Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois
Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement
PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37
Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34
Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47
Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20
Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50
Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes
pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les
jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus
les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des
sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur
154
Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois
Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans
leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32
Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18
Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46
Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25
Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6
Total (N) 11 5 16 26 24 50
A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier
qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de
Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs
Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal
freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des
restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les
bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les
rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent
Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)
155
Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent
certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits
Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)
Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii
Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO
Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un
degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute
danonymat variable
Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants
concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les
boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils
freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs
On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance
Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles
et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un
autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal
156
Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07
Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06
(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI
Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur
quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont
en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau
Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue
un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui
comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement
lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement
pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens
reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI
[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)
Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-
Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines
commoditeacutes offertes
157
Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07
Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les
dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens
forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la
laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements
influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo
La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations
sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier
central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes
plus en peacuteripheacuterie de la ville
[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ
Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ
158
Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se
limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir
des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier
Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales
selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute
et de la distance au sens de Simmel
Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs
majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les
groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs
comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui
linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des
reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa
disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-
Royal
Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils
laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des
commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils
laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux
cas de figure selon larrondissement habiteacute
J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)
[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)
159
Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que
chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent
davantage les personnes quils croisent
Espace politique et associatif
Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun
travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu
concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance
dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point
aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer
sur la scegravene locale
Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)
Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute
une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus
speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements
et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de
faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart
dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le
dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune
importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction
Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)
160
Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les
jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une
laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont
pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais
portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local
ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo
Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous
pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la
proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude
Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la
distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques
fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves
positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme
un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de
plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues
commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage
dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des
trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par
le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le
Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants
repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut
progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des
emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans
liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le
mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le
161
dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport
entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents
Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins
important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des
quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est
deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un
prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne
retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est
ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et
des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils
reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars
des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la
rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants
sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces
espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite
Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des
caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre
il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes
ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter
Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les
processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement
gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave
lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le
sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise
dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace
de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute
162
En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes
dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)
Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui
seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La
sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire
superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace
commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple
plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement
personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations
sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette
figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos
reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent
une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les
jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de
lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en
quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls
Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes
diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et
politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont
Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau
les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et
sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le
rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute
et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par
ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir
une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus
jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux
163
locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti
politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier
Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun
comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie
des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui
habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que
le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des
processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge
des individus
83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX
Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous
attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de
preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui
composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants
Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous
examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations
sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral
La taille
Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que
nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de
personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre
19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39
Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que
lautre moitieacute en a moins
164
Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes
adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge
adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf
reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux
cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge
Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine
dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il
passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport
sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la
jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs
reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de
jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes
outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304
personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-
agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez
les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et
dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35
et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants
provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du
Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de
la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs
caracteacuteristiques
15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte
165
Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt
Arrondissement Provenance habiteacute
Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et
Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano
Jeunes adultes
Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)
Total eacutechantillon
Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)
En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du
Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent
les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants
qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de
Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes
mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires
agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites
dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont
meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on
remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que
celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est
possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif
166
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul
la provenance et la taille des reacuteseaux
Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20
Les intimes
Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs
reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens
de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes
correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent
de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du
Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les
jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les
reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que
pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas
de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page
suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques
167
Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1
Personnes rencontreacutees
Jeunes adultes
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne Meacutediane
(N) Total eacutechantillon
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Arrondissement Provenance Total habiteacute
Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens
Montreacutealais reacutegion Cano
8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6
20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)
7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15
24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)
7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12
22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)
Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes
que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes
originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de
proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau
Caracteacuteristiques sociales des membres
Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans
lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34
ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre
dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont
168
acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute
atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent
en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des
jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total
Alters des jeunes
adultes
N= 656
6 34
192 189
77 44 31 29 14 20 20
63 536 21 6 24
N=650
1 48 91 431
N=571
184 252 o
108 89
633
Personnes rencontreacutees
N=16
o 1 6 7 2 o o o o o o
3 12
N=16
1 15
N=16
16
16
169
Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales
des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant
lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur
groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des
reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de
324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les
proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par
rapport agrave ceux des jeunes adultes
170
Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus
Total
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total
Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans
Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)
88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)
301 (100)
19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)
3 (10) 2 (43)
10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)
292 (100) 14 (100)
4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)
187 (680) 9 (643)
272 (1000) 14 (100)
96 (324) 100 85 (287)
92 (311)
22 (74)
1 (03) 296 (1000)
Alters (N=673)
99 (147) 201 (299) 309 (460)
63 (94)
672 (100)
30 (46) 468 (723)
96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)
646 (100)
10 (19) 92 (171) 83 (154)
354 (657)
539 (1000)
242 (37) 197 (301)
178 (272)
36 (55)
1 (02) 654 (1000)
Altersmiddot Egos 51middot65 ans
Eacutegos (N= 20)
100
1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)
0(00)
20 (1000)
0(00) 2 (100) 3 (150)
15 (750)
20 (1000)
20 (100)
171
Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes
solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et
scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme
nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans
les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de
Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient
tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les
classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous
navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave
l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et
semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode
dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des
reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela
sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons
que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave
1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer
1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes
marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des
divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples
sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur
des familles ayant des enfants du mecircme acircge
La composition des reacuteseaux
Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont
majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous
les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus
de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des
liens
En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les
connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs
172
liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille
repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus
importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )
par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez
les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des
liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes
Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus
acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et
vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817
et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute
Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656
N= 528
Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96
Conjoint 08 02 03
Ami 773 468 527
Travail 16 123 102
Voisinage 00 34 27
Connaissance 00 216 174
Autre 00 13 11
Total 1000 1000 1000
173
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans
Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671
N= 209 N= 525
Famille 177 215 204 157 209 198
Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116
Conjoint 22 05 10 14 00 03
Ami 700 459 532 801 486 554
Travail 33 124 97 21 97 80
Voisinage 00 81 57 07 95 76
Connaissance 00 100 70 00 107 83
Autre 67 14 30 00 06 04
Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000
Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la
provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie
possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et
dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui
concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont
une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de
leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent
une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-
Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que
dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des
reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance
174
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion
Liens des alters jeunes adultes
des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188
Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138
Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161
Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus
de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout
de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les
groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute
et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute
plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville
que Montreacuteal et de lEurope
Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux
Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville
de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace
de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche
Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui
habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace
joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la
reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur
175
le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la
freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur
lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode
dhabiter
Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls
Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des
alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre
reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo
La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de
Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux
qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui
habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La
cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent
dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement
distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le
Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des
reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence
des personnes rencontreacutees
La reacutepartition spatiale des alters
Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir
que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion
Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de
Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal
(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur
Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans
laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses
enquecircteacutes
176
En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des
membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins
de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de
Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la
personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour
Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6
Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens
Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters
Intimes Autres Total Liens
N =127 N=510 N=637
RMR 630 516 682
Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88
tle de Montreacuteal 567 422 580
Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69
Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220
16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes
177
Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que
25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui
concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on
compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart
(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants
Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la
provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters
qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le
mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des
reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux
reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants
europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville
canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais
dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des
reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute
de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342
178
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179
RMR 682 669 685 813 495 486
Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100
Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386
Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61
Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06
Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39
Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475
Chi2 0675 0000
V de Cramer 079 0342
Les intimes et les non-intimes
En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes
adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles
deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion
meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux
est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre
arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement
voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation
dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du
Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on
compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que
179
chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les
Montreacutealais
Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon
larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de
distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil
nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux
sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en
ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont
sont significatives
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41
RMR 80 64 16 54 8 18
Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4
Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14
Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4
Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1
Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23
Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444
180
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138
RMR 434 241 58 237 42 69
Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14
lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55
Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7
Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg
Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7
Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62
Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324
Les adultes mucircrs et vieillissants
Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence
des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la
majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690
pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees
dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de
proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le
mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans
181
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans
Moins de 35 ans
Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens
N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639
RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720
Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128
Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592
Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64
Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122
En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes
sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement
concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le
mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus
petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement
international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les
reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de
la province de reacutesidence est eacuteleveacutee
182
Liens et espaces de proximiteacute
Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de
leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues
Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego
sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins
citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes
de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec
un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees
parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes
mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois
plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego
Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice
(N= 149) N=11 ) (160)
Famille ~roche 0
Famille eacutelargie 3 0 3
Ami 92 4 96
Travail 13 0 13
Voisin 10 7 17
Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4
183
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull
36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total
Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)
Famille proche 0 0 0 7 2 9
Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4
Ami 31 2 33 72 14 86
Travail 4 0 4 10 0 10
Voisinage 3 11 14 20 28 48
Connaissance 8 0 8 12 0 12
Autre 4 0 4 0 0 0
Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme
arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un
membre de la famille proche et un collegravegue de travail
Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement
larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes
damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes
Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que
le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit
principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de
travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial
international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille
184
Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos
reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun
reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations
sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de
sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux
des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les
modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes
Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations
sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute
de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de
vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de
nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur
quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral
Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de
travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et
des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de
Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent
avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un
rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux
publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent
dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la
freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs
amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour
dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte
pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un
eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien
185
laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22
Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans
lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs
laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01
laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10
186
Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent
plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute
constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien
Le mode de la sociabiliteacute publique
Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de
second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais
celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations
de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En
effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une
place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la
proximiteacute des membres de leur reacuteseau
Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son
quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde
pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de
son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui
Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les
pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral
[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)
Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi
187
que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)
Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute
relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute
spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation
situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal
Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)
188
Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui
habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme
facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie
entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin
(1987)
Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement
leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral
Lurbain mobile
Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne
constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute
en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur
arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le
mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports
de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation
de lieux publics
En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas
neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la
taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique
relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de
vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur
quartier
189
CHAPITRE IX
INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS
Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge
Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de
reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes
effectueacutees sur le sujet
91 Synthegravese des reacutesultats
Les caracteacuteristiques
Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux
arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils
sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos
bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de
mecircme que celle de Kaufmann (1994a)
Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute
laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours
biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie
conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants
dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment
de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres
sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils
ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter
seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme
et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les
constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut
190
Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la
girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de
lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au
logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur
logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied
agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le
rapport entretenu au logement
Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de
solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave
la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus
de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes
Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur
quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition
spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs
reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le
mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres
de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos
reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et
local des reacuteseaux des immigrants
Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois
dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens
191
Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas
un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement
leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela
sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un
lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au
quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de
thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et
Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous
avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches
Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-
Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la
relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela
sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute
de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de
vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la
proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est
surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et
fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de
femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela
rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes
avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie
quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait
surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations
seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces
192
Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres
formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au
quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le
faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique
ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux
situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le
rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de
proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la
Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute
spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute
Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de
sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement
queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous
avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la
distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude
Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-
Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute
publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations
diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les
jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier
ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis
que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour
habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel
tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire
rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports
symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs
caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un
logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines
193
sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement
et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave
sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du
temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des
repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des
Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous
avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences
avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du
Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien
contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes
En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au
quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais
aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les
territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci
explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres
caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social
chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le
processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations
sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la
surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus
diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de
diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des
parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de
reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les
pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de
proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en
loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes
194
Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de
rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre
eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui
habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue
une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute
de diffeacuterences majeures entre les genres
92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo
En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus
acircgeacutes
Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que
leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire
reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la
trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes
De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos
plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes
cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes
En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et
de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des
adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier
ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les
rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez
les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs
homologues plus acircgeacutes
195
Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi
un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois
mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le
Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle
et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par
laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont
appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite
Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute
publique que leurs homologues plus jeunes
En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que
celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions
dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays
appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes
solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un
cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des
reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux
sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits
reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce
quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes
quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements
Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes
ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs
alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint
un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et
semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes
adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les
connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes
de solos plus jeunes
196
On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes
adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute
chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien
ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents
du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les
reacutesidents du Plateau
Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent
diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se
rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents
La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une
particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des
speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de
vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes
dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation
symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de
support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain
repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de
lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur
mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain
197
CONCLUSION
Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement
Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en
milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la
sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux
nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens
sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes
sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont
deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans
une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et
non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les
migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est
deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet
individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une
individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se
traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique
entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat
providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes
qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de
lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en
milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais
aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre
inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont
connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville
fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de
reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave
la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment
198
disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville
comme porteur disolement et de dissolution des liens
En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces
quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de
deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de
diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace
de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la
communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un
facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu
que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de
proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il
reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens
forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes
Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas
neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les
cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques
de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos
interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute
une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent
seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie
Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison
entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont
fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la
dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien
Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue
speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et
la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les
personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie
199
Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes
transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les
relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux
publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la
proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu
que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr
et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les
rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces
reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous
pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine
que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute
En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-
ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les
comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique
semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de
vie en solo
Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une
veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales
et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute
reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites
dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et
de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu
urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie
qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes
eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que
le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de
vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute
200
Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le
reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances
inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes
rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait
lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie
Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode
de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres
de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la
transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave
la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent
davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune
transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi
sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les
plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il
nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina
(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de
repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A
transitional period et Solo living for the long term
Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)
envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle
deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de
vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres
reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls
Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce
type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par
ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes
adultes rencontreacutes
201
La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une
perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre
de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie
reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine
personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces
personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave
un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres
Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme
repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)
ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la
moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur
mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement
Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos
reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les
caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de
lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes
que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation
eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur
les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont
lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de
logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude
Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans
Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se
sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur
condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est
relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes
adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment
de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les
202
reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus
susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre
eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces
quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres
de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain
En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute
constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de
voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en
peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement
deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers
peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la
voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules
moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-
Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-
eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue
un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces
contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements
sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques
tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul
est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus
petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus
importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-
Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La
compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas
passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent
203
APPENDICE A
Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes
Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes
Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700
204
APPENDICEB
Villeray
Outremont ~ -
Rosemont
~ e _ pire
_ commerce
centre-ville
PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie
205
APPENDICEC
Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie
206
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AVANT PROPOS
Ce meacutemoire constitue mon premier travail de grande denvergure en sciences sociales mais aussi mon plus grand accomplissement sur le plan personnel La recherche est avant tout un travail en solo Cette reacutealisation requiert une discipline et la construction dun mode de vie typique agrave la recherche Il reste que ce travail naurait eacuteteacute possible sans laide et lappui de diverses personnes
Je tiens dabord agrave remercier tous les reacutepondants de lenquecircte qui ont accepteacute de me rencontrer et de mavoir consacreacute geacuteneacutereusement de leur temps Cest particuliegraverement gracircce agrave ces personnes quil est possible de reacutealiser de tels projets
Je remercie aussi tout particuliegraverement ma directrice Johanne Charbonneau de mavoir fait confiance et de mavoir inteacutegreacute dans le projet Habiter seul Cette expeacuterience a eacuteteacute pour moi lune des plus enrichissantes sur le terrain puisque le deacutefi eacutetait de taille Mon expeacuterience au sein du projet Habiter seul ma non seulement initieacute au milieu de la recherche mais ma aussi permis de deacutevelopper une grande autonomie et une certaine maturiteacute scientifique Sans cette expeacuterience ce travail ne serait pas ce quil est Un grand merci agrave Annick Germain qui a eacuteteacute aussi mon professeur de mecircme quagrave Ceacutecile et Martin pour le travail que nous avons reacutealiseacute ensemble Je dois aussi beaucoup agrave Marc Molgat pour mavoir pris sous son aile dans lanalyse et la diffusion des reacutesultats du projet Les discussions sur les analyses les publications et la participation aux congregraves sont des expeacuteriences exceptionnelles pour un eacutetudiant agrave la maicirctrise
Aussi je dois beaucoup agrave ma famille pour mavoir depuis plusieurs anneacutees toujours encourageacute agrave poursuivre cette voie et supporter dans cette aventure Merci agrave mon pegravere Serge pour avoir toujours cru en moi et mavoir motiveacutee agrave poursuivre des eacutetudes en sociologie Merci agrave ma megravere Anne pour son soutien moral et son estime pour mon travail Merci agrave mon fregravere Sylvain pour mavoir endureacute et partager le territoire de travail
Merci agrave Edith Alix et Marie-Reneacutee pour mavoir supporteacute en suivant les hauts et les bas du projet et agreacutementeacute laventure avec les soupers defilles Votre amitieacute est preacutecieuse etfait partie des plaisirs et des joies qui ont marqueacute mes anneacutees INRS
Enfin merci agrave mon Mathieu pour mavoir encourageacute conseiller et supporter dans ce projet au quotidien Ta bonne humeur et ton optimisme inneacute mont fourni leacutenergie neacutecessaire pour surmonter les peacuteriodes les plus ardues et mettre ce travail agrave terme
IV
REacuteSUMEacute
Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les
quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de
lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les
jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un
visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute
agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts
interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute
chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et
les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu
avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave
ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans
leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux
sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos
analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de
sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier
leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de
conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la
moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain
v
TABLE DES MATIEgraveRES
AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x
INTRODUCTION 1
PREMIEgraveRE PARTIE 6
CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6
11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11
13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25
Conclusion du chapitre 1 26
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28
21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29
22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40
Vl
23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45
Conclusion du chapitre Il 47
CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54
Conclusion du chapitre III 55
CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66
42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79
vu
CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81
51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81
52 HyPOTHEgraveSES 82
DEUXIEgraveME PARTIE 84
CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES
Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84
DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86
Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92
62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99
CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0
75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112
ix
APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206
LISTE DES FIGURES
Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56
Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la
75
population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93
Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116
Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117
Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131
x
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71
Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132
Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153
Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154
xi
Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166
Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168
Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174
Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183
INTRODUCTION
Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne
cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette
maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des
formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la
proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001
(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de
lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la
prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de
personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais
aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du
nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain
en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains
La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se
retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le
fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou
laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux
multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la
quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs
ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations
speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-
eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent
difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un
logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs
ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont
une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement
mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002
Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)
2
Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute
linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce
mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans
notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc
Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les
modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage
urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance
soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie
quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et
la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative
et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux
questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu
urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans
un contexte meacutetropolitain
Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de
cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de
plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le
cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers
centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle
mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur
quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu
urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des
modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles
et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a
conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils
habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces
trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux
sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier
3
Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la
transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute
des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux
questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux
chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et
l interpreacutetati on des reacutesultats
Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La
question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie
et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la
sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le
chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la
transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de
leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De
plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des
travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin
nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux
lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la
sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune
socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande
ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine
alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec
nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente
eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement
et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet
4
Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous
indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique
de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des
jeunes adultes qui habitent seuls
Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception
du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde
moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des
grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui
caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres
anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui
habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des
personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la
socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus
dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave
diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le
contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une
transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes
sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les
jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi
au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux
Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport
entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave
leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le
choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des
territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que
les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre
VII
5
Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les
trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et
geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire
reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type
de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et
ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au
rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de
sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps
libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur
reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres
dans lespace
Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une
reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees
sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons
rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte
Habiter seul vivre isoleacute
6
PREMIEgraveRE PARTIE
CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE
La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec
La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres
fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des
relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme
coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus
durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une
perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport
au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme
Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social
dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables
et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute
LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le
peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique
des relations sociales
Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir
duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social
lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social
de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain
7
11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu
La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des
conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute
1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre
autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet
selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont
traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une
demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et
deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des
transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour
la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole
et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans
lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces
bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent
en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont
favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du
travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural
(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans
1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de
survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)
Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement
devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute
dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans
une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le
village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail
pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des
uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux
agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la
sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui
le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques
8
ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes
nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la
population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social
La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les
contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures
eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la
reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles
des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective
eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque
les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes
industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens
communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de
laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas
1995)
Ferdinand Tonnies
Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg
et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute
tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories
rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de
sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief
1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie
dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la
logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans
la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute
Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus
importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution
industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux
ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees
9
Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola
communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type
communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation
communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave
linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang
ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la
petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une
logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec
lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit
Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de
compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette
perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la
grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait
mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide
comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais
psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon
Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes
traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le
calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la
transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute
porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme
10
Eacutemile Durkheim
Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la
sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave
Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce
moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition
positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de
faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De
la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du
contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail
Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon
concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente
lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et
lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du
travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les
socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un
type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute
meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave
1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une
absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte
conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de
1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement
de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien
social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des
personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette
solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande
autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les
individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la
typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens
11
laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui
correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette
classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et
linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil
occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des
liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une
association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull
Max Weber
Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville
europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est
un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a
enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute
la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et
a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs
contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de
sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales
industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La
Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas
1995 Weber 1982 (1947))
Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien
social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon
Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les
liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute
urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)
1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)
12
Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non
urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent
neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et
de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la
ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de
sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave
part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest
pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et
leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci
tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau
mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute
Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de
diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre
autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se
traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle
liberteacute
En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux
eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se
retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu
dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de
codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des
contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en
milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu
creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))
Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la
ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des
relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du
lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi
13
par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des
situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)
13 La sociologie urbaine
Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger
Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la
ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la
moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs
laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave
saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995
Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux
conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la
communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples
sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie
agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus
complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une
deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques
de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des
rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))
Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave
une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903
(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee
que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se
trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au
cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes
et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)
Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes
conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve
et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus
14
dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo
speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de
lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques
des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus
dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des
biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit
En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature
eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein
duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la
relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo
Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de
laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus
calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux
et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour
la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un
mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux
formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute
personnelle
Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus
des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de
lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli
sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la
deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les
conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain
15
La figure de lEacutetranger
La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation
de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur
qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il
sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas
avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans
la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais
compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport
agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la
forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo
(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations
sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave
la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de
deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain
et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes
urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui
sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports
entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La
dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des
caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en
quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains
imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses
eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de
reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses
distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)
16
Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de
Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls
dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger
qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de
lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les
pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine
lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)
Leacutecole de Chicago
Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur
lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs
qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979
Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago
qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique
Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au
sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la
sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie
une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac
1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des
plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette
peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte
particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance
deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants
ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants
en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de
personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation
denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la
ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la
cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le
nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus
17
dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua
agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les
conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto
La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social
pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago
furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population
avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes
Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago
furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers
constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute
1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la
laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une
organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974
Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den
expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories
relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus
fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute
1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux
au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement
inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute
urbaine
Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de
Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation
sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes
comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de
lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute
sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo
constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au
monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)
18
Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de
Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste
et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park
Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain
(Grafmeyer et Isaac 1979)
Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les
inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral
absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy
et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de
choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et
laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif
typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les
figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park
comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago
dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des
liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde
non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des
fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac
1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de
parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on
creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts
interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la
reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)
Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park
et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils
ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et
linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations
sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle
19
Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres
deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese
de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la
question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en
situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes
sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de
communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la
communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee
La thegravese de la communauteacute perdue
Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de
lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de
Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte
en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation
Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et
relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les
liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par
rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton
1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux
ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce
quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des
situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances
(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain
comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez
Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants
et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail
la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce
qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte
urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)
20
La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les
anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les
villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la
communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la
communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement
refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune
certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais
surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques
dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le
quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de
voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le
voisinage jouent un rocircle coheacutesif
Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes
quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se
penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les
thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou
communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au
deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute
La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)
Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux
tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)
Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des
deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et
politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient
entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen
plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative
21
et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du
Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau
2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont
plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les
Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites
politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des
terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et
agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers
les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation
linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on
proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient
aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre
le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau
2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur
lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie
relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le
Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par
ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee
tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves
New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)
Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales
et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies
et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau
2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes
migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de
famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se
fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies
reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres
de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les
logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo
22
(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les
reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours
contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987
Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)
Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas
seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants
vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)
Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)
Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le
XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs
dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou
de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une
contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements
interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des
va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)
les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le
mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme
paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute
Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo
(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle
fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin
1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de
leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique
reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute
(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette
1992)
23
Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute
Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la
premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux
dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur
le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux
urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute
posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue
(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)
En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu
diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand
et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et
tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des
reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour
une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins
dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce
contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute
important pour les loisirs et lentraide
Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et
de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et
lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et
les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires
montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde
familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse
et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute
industrielle montreacutealaise
24
Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)
Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs
lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de
Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus
tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les
modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace
Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et
supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus
laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin
1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et
les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par
lintermeacutediaire des enfants
La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre
la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce
entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des
lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et
reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus
(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)
Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales
dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui
distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la
25
capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des
occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes
neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton
(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon
laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du
quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de
premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le
quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain
Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport
comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a
favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix
reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat
2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de
lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de
reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique
des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom
lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo
spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus
agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne
constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux
qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de
nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les
individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)
26
Conclusion du chapitre 1
Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de
lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la
dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est
dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations
sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le
salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles
lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations
non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la
transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle
acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de
lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous
avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des
aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation
Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de
leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les
migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils
quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une
aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi
dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de
dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent
toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des
jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le
salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la
moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels
Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle
des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des
formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales
27
comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance
des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui
caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque
Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi
inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le
contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux
et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le
vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription
territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques
enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions
28
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL
Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier
Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous
verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux
sociaux disolement et de quartier
21 La sociabiliteacute
La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)
La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance
de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange
et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre
les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou
dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des
personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se
traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre
ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes
des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la
distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les
individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont
faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis
damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens
forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien
(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de
la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager
diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus
entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande
29
La sociabiliteacute publique urbaine et marchande
La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus
laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la
reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre
ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La
sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace
commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou
une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les
autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics
sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain
1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le
caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain
peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de
Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles
dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins
La sociabiliteacute intime
Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes
que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le
mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance
des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute
relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes
qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas
pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et
laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La
3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute
30
)
sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la
proximiteacute relationnelle quelle implique
Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la
reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave
linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail
leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les
connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les
personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute
intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes
Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on
peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social
22 La notion de reacuteseau
Lorigine de la notion
Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et
de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la
monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix
Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons
dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des
caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu
plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement
geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau
renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la
communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les
frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux
liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un
contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La
communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans
31
lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de
Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des
relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins
importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme
Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans
lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte
moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son
reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces
Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une
thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave
partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu
compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute
avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-
selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des
liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one
person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le
reacuteseau change avec le temps et les contextes
Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription
territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations
intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050
personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des
anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain
seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer
1982)
Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par
Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le
mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des
reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne
32
sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par
les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient
une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)
et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality
and preferences determine with whom - that is with people from what social context -
individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est
responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de
plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de
la personnaliteacute de lindividu
Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en
France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les
reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent
que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du
voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de
laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus
nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la
famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens
Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des
relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace
de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au
caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de
proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des
relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture
autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace
geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les
liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves
du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que
ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits
dans lespace de proximiteacute
33
Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition
des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un
contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par
ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des
lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse
sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les
individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart
lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes
sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)
laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des
groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des
reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions
des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux
plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et
Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des
cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations
structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du
principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure
dinteraction entre les personnes
Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux
personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des
entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette
approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les
individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre
les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude
34
Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions
Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la
famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave
partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se
construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de
leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne
maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de
plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu
eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante
laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)
Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI
constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le
caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave
un soutien social
Le noyau et la taille du reacuteseau social
Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en
relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus
significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu
juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses
importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son
centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image
le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui
35
creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998
119)
Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave
des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles
(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations
superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon
peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de
quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et
lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les
deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent
deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes
diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter
(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte
meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon
demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des
sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens
faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou
les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens
forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis
La densiteacute
La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister
entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et
Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la
densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee
36
La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social
Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un
certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des
biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de
relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne
des individus comme le travail et le logement
On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)
Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut
reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas
garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau
car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide
sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui
existent
Le caractegravere mouvant du reacuteseau social
Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle
de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann
1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une
nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle
de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer
(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982
Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres
disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard
4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)
37
Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les
adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge
adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux
chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit
avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non
seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus
grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et
moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de
Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau
que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le
mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas
neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)
L homophilicirce des reacuteseaux
Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des
caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se
ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes
semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982
Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette
tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes
plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes
et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux
plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents
Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les
1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave
quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990
dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un
eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982
dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus
38
jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les
contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en
lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux
mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire
Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)
(Bidart 1997)
Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables
soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte
2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement
des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des
ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute
des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles
centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge
Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des
liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple
constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et
la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute
ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en
couple (Bidart 1997)
laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)
39
De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules
a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de
maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son
groupe damis
laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)
Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le
maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas
des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de
vie
Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses
ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux
personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute
du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui
faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de
voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des
individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales
que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et
freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute
de couples de familles et que lon a peu de liens
bull
40
La question de lisolement social
Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes
qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social
correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et
Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment
subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet
comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute
par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis
quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le
souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes
comprises dans leur reacuteseau
En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de
solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes
attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de
pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter
seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes
plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement
(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute
eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut
occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de
certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une
certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute
relationnelle (Martin 1993)
Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui
portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et
Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par
leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)
41
En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat
(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du
quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des
membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les
reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous
lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en
acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en
emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des
reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des
facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial
lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait
dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la
perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes
Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux
tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en
situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation
socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas
preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils
sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur
les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos
reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de
quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux
saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi
consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute
42
23 Lespace de proximiteacute et le quartier
Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des
theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion
municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention
publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des
populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La
diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et
les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles
traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est
unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres
et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il
repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le
logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon
la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave
laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus
pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace
domestique au profit de la ville
Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)
Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du
domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee
par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous
renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de
proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans
lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on
pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations
43
sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une
enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes
Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace
urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du
centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains
en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire
de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des
pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en
transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous
renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce
territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales
Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche
nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous
envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs
dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en
fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le
quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres
cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville
(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un
espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme
eacutetant un
Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)
44
Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes
facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain
1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la
notion de quartier
laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo
Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un
espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la
construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique
Un espace dintervention politique et daction collective
Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour
deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son
ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une
eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui
a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)
Un espace fonctionnel
La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des
modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave
lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et
services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique
(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent
un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa
4S
sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel
faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit
Un espace symbolique
Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut
correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison
uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et
Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave
laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique
contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants
sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se
situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et
St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo
Un espace de sociabiliteacute
Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut
eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou
lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux
publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique
proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique
et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social
Les enquecirctes sur le quartier
Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de
la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par
Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les
quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels
de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et
un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes
46
et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les
bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par
ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences
reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des
laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un
quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)
En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur
deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des
deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de
travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social
influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les
relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de
40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute
Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute
deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute
du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement
commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le
rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux
lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence
damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne
constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des
personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain
attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain
Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier
Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et
de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu
de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et
fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont
47
aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en
ce qui concerne les sorties
Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes
queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les
jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce
qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur
parcours
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au
quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France
semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes
Conclusion du chapitre II
Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de
proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave
lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de
sociabiliteacute Il sagit dun produit social
Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de
Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un
rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des
adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous
preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions
de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se
concentrer dans les quartiers centraux des villes
48
CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE
Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes
Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister
entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le
rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement
elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel
deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle
examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du
deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce
que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition
geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes
adultes qui habitent seuls
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse
La concentration des jeunes adultes en milieu urbain
La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la
nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat
(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une
localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de
la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun
quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232
de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de
ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements
centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent
respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette
concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal
49
Les migrations la ville et le cycle de vie
Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge
reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations
symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004
Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du
sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours
de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des
grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les
mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003
Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le
travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de
liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez
les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent
2004)
Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort
chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les
moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme
eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans
qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus
scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon
nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont
plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les
quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens
de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois
professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la
preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non
seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties
et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et
Rose 1998)
50
Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls
constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle
de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-
Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix
qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple
ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes
et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere
des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en
meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les
plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat
2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de
ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une
augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent
seuls (Molgat 2000)
Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de
grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc
Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans
les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de
repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure
renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au
moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui
pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la
tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent
2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la
creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi
vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et
de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne
51
La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu
daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave
une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes
Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement
associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas
particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et
didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou
beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo
Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou
simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en
ville agrave un moment de leur parcours biographique
53
La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent
que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle
la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un
mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse
totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les
relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls
sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et
consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup
(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain
lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une
dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les
jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur
permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les
eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les
jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee
tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain
Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les
premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont
caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull
lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon
eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en
preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le
processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux
et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux
liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent
seuls
54
Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier
En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que
le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de
personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le
cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans
leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)
assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des
personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint
celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier
ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux
habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace
laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le
qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la
disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite
et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute
structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la
classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort
aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui
seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est
tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme
dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)
Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et
les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave
linteacuterieur de la figure 31 de la page 52
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter
comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par
ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute
publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des
55
Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave
Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les
secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes
soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie
Conclusion du chapitre III
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo
Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee
et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre
des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas
sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles
maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin
de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du
nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain
56
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non
Thegraveme de comparaison
Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos
Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine
- S y installent pour les eacutetudes ou le travail
Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire
Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial
1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue
2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte
3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels
Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois
Oui selon leacutetude de Xavier Leloup
Agrave voir
Le rapport agrave lespace Urbains
Locataires
Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties
Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)
Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)
Voisinent peu (Leloup)
Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)
Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)
La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace
et moins deacutependant de lespace de proximiteacute
Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude
Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul
57
CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE
Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales
Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la
moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que
plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et
Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute
constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que
les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien
Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands
changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute
sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs
classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct
reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et
culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de
vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute
des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont
plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest
plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus
grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures
sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le
processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance
socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses
sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire
supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes
Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls
modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de
parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi
connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de
58
certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance
de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes
villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont
connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des
transformations des modes de peuplement urbain
Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de
personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des
solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les
contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation
comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons
jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale
et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des
structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style
de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de
ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo
Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut
de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun
mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)
Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des
religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les
prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes
et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et
familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest
laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer
seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann
1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au
statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou
moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et
59
Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps
(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)
De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et
particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme
au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de
lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique
Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des
meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du
monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de
leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus
dindividualisation des modes de vie
Les concepts de moderniteacute
On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois
moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-
neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette
peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes
sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des
identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck
2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de
lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des
conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de
mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la
raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient
individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les
aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale
placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les
familles agrave sentraider
60
Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80
Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute
eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations
vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et
soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille
Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des
conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une
indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont
contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet
au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la
santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection
aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin
1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise
comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales
comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et
aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)
Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole
publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et
lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes
proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus
leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux
quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes
Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts
qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave
vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre
de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de
possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre
61
Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions
neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de
vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait
mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau
tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des
anneacutees 1980
La moderniteacute avanceacutee
Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques
sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis
bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de
demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme
Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou
postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous
une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-
1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et
dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il
eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees
Le processus dindividuation
La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres
favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et
des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993
Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel
qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire
(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute
de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme
groupe social (Jenson et de Singly 2005)
62
Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly
le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des
laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly
1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet
dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre
linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute
industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque
[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)
Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon
laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de
la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le
cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des
individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le
projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la
structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et
donc individualiseacutes
Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus
preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur
2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des
eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement
lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on
entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne
naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger
2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant
63
un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule
poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer
et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte
peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements
inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003
Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)
La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave
diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir
daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met
en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)
Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements
eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont
typiques de notre eacutepoque
Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres
deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles
exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003
Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger
2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu
dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute
professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette
conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les
conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus
jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003
Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans
la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre
preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte
dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de
peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme
si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas
64
25
20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5
0
neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement
accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme
lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres
anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec
(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la
speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur
combinaison avec des eacutetudes postsecondaires
Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec
~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~
Anneacutee
Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca
Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de
lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans
lacircge adulte
laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt
65
Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent
plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le
registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le
Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les
femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus
la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus
reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans
ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une
diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes
moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee
chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)
Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles
et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez
diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990
Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)
Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire
Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu
seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la
suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses
les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en
plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan
et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes
adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre
20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)
Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est
plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20
derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des
66
tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent
mener agrave cette situation
Les maniegraveres de vivre seul
Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les
personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que
certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes
circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann
1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous
renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees
La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de
solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une
double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent
associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes
laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont
souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le
cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez
soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo
laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans
certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie
en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive
(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et
comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau
Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes
vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous
examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet
5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo
67
Ceux qui subissent
Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui
quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas
de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des
difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui
vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993
Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de
faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui
requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et
temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux
valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et
appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise
Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative
puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont
souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a
Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale
rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne
semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du
mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la
vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive
Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur
mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur
indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent
1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans
un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu
de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993
157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec
son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur
situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de
certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de
68
jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent
1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee
dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme
carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de
Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de
figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme
les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les
jeunes adultes
42 Caracteacuteristiques des solos
Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du
Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a
Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991
agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains
auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave
partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont
laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent
beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann
1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et
particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup
2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes
beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et
reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite
nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes
adultes
69
Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques
Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui
habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees
de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51
demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle
seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave
34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees
ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland
1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des
personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon
Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema
deacutevolution qui suit trois seacutequences
[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)
Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la
page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de
Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34
ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada
donneacutees extraites du recensement 2001)
6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
70
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001
65+
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001
Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de
femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande
majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit
24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui
est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un
emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent
pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des
revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de
pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page
suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave
Montreacuteal
71
Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques
de la population
Sexe Femme Homme
Acircge
20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans
Statut Familial
Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve
Immigrants
Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel
Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi
Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus
sous le seuil de la pauvreteacute
Meacutenages composeacutes dune personne
38
49 51
29 36 35
24 1 7
63 5
17
87 6 7
86 14 30
16 16 21 18 12 13 4
38
Total (RMR de Montreacuteal)
100
51 49
33 40 28
12 43 3
41 2
22
86 8 6
84 16 26
18 19 19 16 11 12 5
20
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
72
Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute
Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des
logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont
locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de
la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de
Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)
Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent
entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $
Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux
(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le
recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus
nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu
de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela
sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux
73
Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)
de la population 38 100
Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58
Condominium 7 4
Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38
Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10
Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48
Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
74
1
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul
Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais
elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des
centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049
506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal
comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de
Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les
plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien
cette concentration
Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)
75
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total
bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)
moins de 20 (520)
_ pes de donnagravees
Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada
76
Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS
importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un
grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie
plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval
et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9
Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles
diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes
villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et
Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992
Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)
Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces
Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux
espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities
are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo
Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal
situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers
centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement
relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont
contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur
repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une
population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour
young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also
blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with
their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was
limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies
9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes
77
as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin
1998 831)
Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet
depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des
Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo
investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes
intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil
du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et
caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee
Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social
Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement
mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus
de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de
gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de
nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)
La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des
couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis
elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit
dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques
mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie
(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans
leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen
1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et
tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils
socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des
quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave
faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette
78
eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002
Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff
in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were
interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with
gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les
laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe
homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux
professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge
des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules
(Leloup 2005 Dansereau 1985)
Moderniteacute quartiers centraux et lien social
La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte
actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du
lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y
demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des
reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus
occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau
1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27
Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation
importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees
La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux
deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en
matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a
trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave
cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans
le contexte de la moderniteacute avanceacutee
79
Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux
Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus
dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et
les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de
consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le
processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au
sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave
leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher
1995)
En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre
de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa
personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont
construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes
plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille
Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait
speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)
Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut
comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les
mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements
offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles
personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave
nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la
moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de
proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de
contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les
technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la
distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de
la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1
80
Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations
sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des
processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a
contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en
redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent
seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut
se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement
pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se
retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on
peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et
diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille
les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches
habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en
changement ougrave ils sont fortement concentreacutes
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce
meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers
lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes
81
CHAPITRE V
QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE
Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une
tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter
seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent
urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois
mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble
entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous
sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui
preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations
symboliques
51 QUESTIONS DE RECHERCHE
1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier
11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)
2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social
22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)
23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees
24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau
25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier
3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute
31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo
83
Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et
biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur
mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de
lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des
quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de
leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui
preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les
territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix
84
DEUXIEgraveME PARTIE
CHAPITRE VI
JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE
Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie
Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de
recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute
pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-
ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune
eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de
solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a
seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal
qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules
Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur
le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage
administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les
besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de
reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute
dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des
arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui
habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de
recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-
Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il
sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement
constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le
centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements
de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le
plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)
85
De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des
profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies
par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave
temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR
presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP
ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi
diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui
reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le
loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans
larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux
arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des
Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent
aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes
qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des
cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les
rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs
comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale
deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme
le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi
Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des
reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants
reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas
confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous
nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude
Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales
et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le
fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers
86
DESCRIPTION DES TERRITOIRES
61 Le Plateau Mont-Royal
Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave
lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la
rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que
plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de
lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du
XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements
construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)
Description historique
Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord
une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs
laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon
des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard
Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du
Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues
dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui
explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une
tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le
boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du
tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le
deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave
lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des
forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les
populations anglophones et francophones
87
La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages
francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des
familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des
industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard
Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise
eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun
quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave
chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan
1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de
Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui
travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo
pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il
sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou
trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation
est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une
augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de
laugmentation de la population (Marsan 1994)
Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux
magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et
superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de
proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et
environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite
taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent
des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non
seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale
(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des
artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial
de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En
effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement
88
des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et
acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment
Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee
agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On
retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le
boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans
les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des
commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que
lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe
etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues
commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier
renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de
coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions
compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de
centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements
collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs
et centres de loisirs
Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les
repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche
entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette
œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la
marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce
territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)
laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)
89
laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo
Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et
dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des
reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de
fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les
habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger
(Rocheleau 1995 51) raquo
Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la
proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du
Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la
communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales
notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie
Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de
peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes
moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant
au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels
notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent
90
Dimension symbolique
Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des
Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi
principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels
Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de
larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une
population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de
Montreacuteal 2006 2)
Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides
touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et
RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et
dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des
derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit
le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo
laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et
les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de
lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur
Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-
Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec
2003 2) raquo
Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le
Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en
Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le
laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est
Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej
91
Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En
Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au
Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le
magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du
quotidien Le Devoir
laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo
(Le Devoir2005)
laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux
de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et
boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne
rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la
flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs
y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar
celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)
Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune
laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image
qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique
des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes
Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population
reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave
cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de
personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements
deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous
deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute
agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de
sociabiliteacute agrave ce quartier
10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml
92
Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a
suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore
aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet
arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que
lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche
dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis
1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans
repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest
stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee
de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la
proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on
constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de
la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de
Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153
Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une
baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal
que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est
passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion
de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63
Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au
Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins
importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait
32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001
93
Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par
rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des
immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts
(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil
du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les
personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient
28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53
en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi
dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette
croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la
figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de
lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001
f QI
1000 -j-------------W_------ ~ lt=
0 = c ~
bull ~
= 1 lt=8f 0600 +------------------------------
1971 1981 1991 2001
Anneacutees
Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada
94
Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des
loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci
jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation
sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que
le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute
la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que
la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour
lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-
Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des
Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de
Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus
de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus
scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui
a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee
2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la
Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de
locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la
proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si
on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de
proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les
revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la
demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le
jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En
effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal
loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non
seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de
la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements
dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de
27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal
95
Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de
larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave
redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa
repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des
rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des
nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et
remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas
propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo
Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves
eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal
deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces
eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs
Montreacutealais
62 Rosemont Petite-Patrie
Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier
populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs
(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle
du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie
situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops
Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian
Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues
Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier
Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-
Leacuteonard (voir carte en Annexe)
96
Tissu urbain et social
Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu
social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande
surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de
larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec
des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de
lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la
rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel
de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien
quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal
avec comme rue principale la rue Masson
Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-
Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun
espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation
dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres
le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave
valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus
agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute
agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave
lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de
lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand
territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre
Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en
voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le
Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons
97
diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau
Rosemont
Dimension symbolique
En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa
trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de
larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et
le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le
secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du
Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a
connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une
population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-
Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par
les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon
dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des
meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs
lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le
quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des
kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des
produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les
guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente
comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de
quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de
laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature
laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous
tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute
[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter
avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux
dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec
La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo
98
laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct
(Global Reacuteservation site internet) raquo
laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie
agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune
population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les
cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de
partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la
fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec
vacancecom) raquo
laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de
victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie
Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou
seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo
Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme
le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable
institution raquo
Description historique
Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le
deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du
tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement
la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait
selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes
(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du
Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des
zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce
aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui
accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les
99
Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au
deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie
municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-
Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute
principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis
Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu
aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet
arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal
Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971
Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de
Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique
de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de
Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi
importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent
en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis
1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave
RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des
proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que
pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important
de 134 645 agrave 157 606 $
Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers
des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de
la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau
de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a
100
diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque
tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37
Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI
laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent
infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les
revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave
4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre
1991 et 2001
Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit
eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971
on comptait 91 de locataires
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux
Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune
Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18
suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de
larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus
constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que
les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette
mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen
1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans
repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de
plus en plus vieillissante
Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus
heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil
diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de
larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-
101
Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique
commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la
Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute
qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le
Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc
Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des
touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse
Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des
deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon
laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie
Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en
culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et
ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles
dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo
En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee
par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas
typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous
laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet
arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus
speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette
partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique
diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie
dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on
peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui
font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification
102
CHAPITRE VII
MEacuteTHODE DENQUEcircTE
Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse
Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute
avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours
geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et
examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent
Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de
recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick
Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et
les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent
seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de
sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous
preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie
meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave
nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans
la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls
103
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)
Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave
documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de
personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs
eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres
de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et
collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements
laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain
ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de
transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel
1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description
du projet)
Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour
lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner
sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe
sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude
afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent
seulesll
11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire
104
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE
La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et
transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des
jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie
meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss
(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique
Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La
diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees
essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types
de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes
rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour
stratifier notre eacutechantillon
La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur
ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un
geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et
quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de
proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et
lintensiteacute des liens entretenus
Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi
dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et
aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier
Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-
eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de
logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau
social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode
quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee
105
par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere
mixte de notre strateacutegie meacutethodologique
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES
Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos
jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de
faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons
compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui
suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par
notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire
Le calendrier reacutesidentiel
Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne
rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille
composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de
logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil
a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier
reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave
habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations
recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette
faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire
correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les
eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave
habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes
correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie
quils envisagent dadopter agrave lavenir
106
Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte
Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl
habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par
contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne
agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines
relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot
du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)
dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain
Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre
et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes
de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une
premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)
qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses
importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils
entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie
actuels et passeacutes (Franke 2005)
Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille
les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de
rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la
personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees
Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave
deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence
des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont
permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social
Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de
107
lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme
arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi
eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees
dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des
membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions
nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme
que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement
quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes
avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes
auxquels elles sont associeacutees
Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du
reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement
concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et
linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain
Lentretien
Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le
deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs
du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la
vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les
questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la
distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont
eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie
concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de
situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent
freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes
du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une
ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de
son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de
voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes
108
adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur
quartier
Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de
compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter
seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES
Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien
social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement
du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant
dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux
principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au
minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode
significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave
la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le
deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal
Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais
nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir
effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues
Le recrutement
Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les
situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les
meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus
fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter
des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre
freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux
3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof
109
1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire
des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements
Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de
reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode
laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte
Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de
commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux
Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc
trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de
leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature
qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis
comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules
ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques
diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest
dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant
leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques
De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de
produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des
personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces
personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par
exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines
personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit
nombre de personnes
12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux
110
Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales
Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous
avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui
ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents
commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de
connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires
Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu
un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent
dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-
Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de
notre eacutechantillon
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre
Quartier Genre N Femme 8
Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11
Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6
Total Femme 11 Homme 5 Total 16
La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de
Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre
province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est
finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave
la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des
emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans
le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute
111
universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient
entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs
agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des
solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que
certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible
ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques
Quartier Personne rencontreacutee
Lieu dorigine Occupation et domaine emploi
Cateacutegorie de revenu
Niveau de scolariteacute atteint
Plateau Mont-Royal
PF01 PF02 PF03
France Montreacuteal France
Travail de bureau Eacutetudiante Communication
30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise
PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11
PF14
Ontario
Montreacuteal
Transport et services Finissante
30 000$ agrave 39 000$
20 000$ agrave 29 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise PF15
PH01 PH02
PH04
Montreacuteal
Queacutebec
Montreacuteal
France
Organisation communautaire Professionnel Communication
Gestionnaire
20 000$ agrave 29 000$
30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$
Plus de 49 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat
Rosemont-Petite-Patrie
RF01 RF07
RF11 RH01 RH06
Montreacuteal
Montreacuteal
Outaouais France France
Eacutetudiante Eacuteducatrice
Communication Eacutetudiant Eacutetudiant
Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$
Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat
13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat
112
La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont
pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil
des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet
arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi
qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des
revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus
scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants
interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes
il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui
concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus
haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations
diffeacuterentes
75 ANALYSE DES DONNEacuteES
Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel
SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave
habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les
donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au
moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire
avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen
dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues
plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi
collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la
reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge
Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin
de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous
preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune
part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient
dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre
113
question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types
se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)
En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des
reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une
enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre
eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre
eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et
enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement
spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le
quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande
quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la
sociabiliteacute des jeunes adultes
114
CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS
Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux
Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La
premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera
question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune
bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a
conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La
seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions
symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir
des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la
troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur
linscription reacutesidentielle des membres dans lespace
81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES
Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et
des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels
doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui
les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans
ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que
tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules
dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils
entretiennent avec leur logement
115
Caracteacuteristiques reacutesidentielles
Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles
comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis
le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un
deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus
eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial
Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35
ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29
Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin
Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie
de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge
moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer
familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats
geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des
trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le
seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute
reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux
personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)
116
En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit
nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En
geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il
apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois
habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le
nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du
Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de
piegraveces de 45 et 47
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes
Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)
moment de lentrevue Mode doccupation du logement
Locataire 13 Proprieacutetaire 3
Mobiliteacute reacutesidentielle
Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres
z 212 312 412 512 anneacutees
25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne
des deacutemeacutenagements en anneacutee
Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu
Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du
logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge
rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee
2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de
logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82
14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules
III
l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o
118
Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de
lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le
deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets
observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir
plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial
des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier
Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle
communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du
centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en
cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal
(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus
communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont
quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou
moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du
temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un
quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires
de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire
laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger
Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme
PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre
Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et
Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du
centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-
Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux
ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes
migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1
119
Le cas de PHOl
PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge
de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le
centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave
Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute
deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-
Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave
Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme
eacutedifice
Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes
rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller
dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe
dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la
plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-
Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et
Rosemont Petite-Patrie
Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave
quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une
mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils
sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute
urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus
importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma
collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute
seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent
aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)
120
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees
Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes
rencontreacutees
Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans
Urbaine 14 8 10 32
Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion
Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1
Total 16 14 20 50
bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme
speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de
jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes
tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge
agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat
2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait
d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de
la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de
personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude
121
Pourquoi habiter seul
Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour
lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces
endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des
tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons
dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les
autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute
celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les
motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont
elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue
Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees
Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne
est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six
anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent
seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres
groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie
en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques
Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin
122
Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des
seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules
sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie
en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire
Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)
Colocation (N) 12 9 13 34
Vie conjugale (N)
7 9 15 31
Retour familial (N) 2 3 2 7
Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par
diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de
cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave
veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes
dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos
reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des
deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de
Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les
trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes
adultes
Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants
PF01
PF02
PF03
PF09
PF10
PF11
- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l
C 1 PH01IV c -CI) C l
C PH02 CI)
-CI) c ccs
PH04
RF01
RFO
RH01
RH06
123
Leacutegende
bull Seul
o Couple
o Colocation
~ Famille
Pension ou lIIll reacutesidence
D 1 an
3 0 3 CD l-c CD
CD W
l -CD ltc CD
Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)
124
Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les
trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires
35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total
Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )
Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)
Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)
Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour
au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et
sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours
familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins
lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier
(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)
Leur histoire
On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes
dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour
la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme
lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants
plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins
diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de
cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de
vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte
125
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo
Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants
Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2
Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006
Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas
lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter
seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux
eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees
habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet
nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en
solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point
de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles
occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation
Les eacutevegravenements deacuteclencheurs
La rupture
Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la
rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines
personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie
conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune
seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte
un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO
126
qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon
indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de
chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les
extraits suivants illustrent ce type de parcours
Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)
Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)
Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)
Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet
conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter
seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance
Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)
Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)
127
Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a
preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste
que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et
biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture
amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et
nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat
(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo
chez les jeunes adultes
Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits
Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements
comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son
proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute
leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau
logement seul
Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)
Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail
Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal
Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme
Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)
128
Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des
individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes
adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes
ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes
Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires
dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont
provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun
emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme
peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces
premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour
plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes
de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain
apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les
femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet
aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre
difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants
dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)
Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus
nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans
mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun
meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou
interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-
Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet
ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour
la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on
donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue
129
Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur
vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et
dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances
Choisir ou subir
Le refus et limpossibiliteacute de la colocation
Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun
projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou
deacutevegravenements particuliers
Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)
Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le
passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement
soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans
un logement agrave soi
Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)
Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi
comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie
indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie
Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)
130
Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de
consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient
dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une
opportuniteacute inteacuteressante
Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5
Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation
Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude
fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut
de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement
associeacutee au cycle de vie
Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04
Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait
envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul
constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils
occupaient au moment de lentrevue
laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)
131
Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves
eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de
laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des
personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre
seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes
eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres
encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez
les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi
de soi
Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne
partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du
Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des
qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les
principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur
leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de
lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport
entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier
812 LE LOGEMENT
Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne
correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement
quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute
11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun
an Ancienneteacute reacutesidentielle
132
Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave
lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante
chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant
51-65 ans
Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)
Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees
habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la
page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois
suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees
(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un
immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees
n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne
est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par
lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue
pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel
Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants
51-65 ans
CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$
133
Trouver et choisir son logement
Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons
deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une
personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont
effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation
Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de
location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du
Plateau
Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire
dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour
eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
(PF15 PF02 PF09)
Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se
promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les
journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce
quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)
Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)
Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)
134
Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident
Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI
Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)
Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie
comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la
meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave
lexception dune personne (RR06)
Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)
Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)
ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment
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mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)
Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux
qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de
location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de
Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout
du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez
lensemble des solos
Rapport au logement
En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable
et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour
certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui
habitent des logements de 2 piegraveces
Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)
Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)
136
Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour
les filles qui habitent sur le Plateau
Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)
[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)
Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou
des contraintes financiegraveres
Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)
Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et
ressources disponibles pour se sentir bien
Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un
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peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1
Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas
dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02
ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07
rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)
Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)
Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi
ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos
reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes
mais qui remplissent leur fonction de base
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Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement
En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de
cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees
Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans
leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4
nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque
deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent
comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre
Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les
peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon
passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee
qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties
organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux
cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo
La girouette ou le pied-agrave-terre
Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons
aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules
en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere
faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl
de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui
est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave
lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement
spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere
et du mode de vie en geacuteneacuteral
Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)
139
Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales
organiseacutees
Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)
Le type casanier
Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se
demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme
PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la
lecture ou du bricolage
Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))
Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier
restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si
le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se
retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film
140
De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans
le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques
propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence
dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus
pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme
sils le souhaitent
Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)
Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)
141
Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une
peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y
travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez
lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez
les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave
inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des
logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux
lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les
rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que
la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux
habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas
ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous
Conclusion sur les parcours
Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel
majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble
des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont
aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999
1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)
Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont
pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures
amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les
eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu
et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul
Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous
les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres
groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees
142
Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la
freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle
semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec
lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de
mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres
urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont
proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la
jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul
Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur
logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle
mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours
geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute
entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous
examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et
engagement politique et associatif)
82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER
Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont
Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les
rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique
Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve
principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de
vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de
transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de
larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation
relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont
le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que
nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera
question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les
143
Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons
dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services
quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent
dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales
Un espace symbolique
Le Plateau Mont-Royal
Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit
pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils
nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou
du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul
Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ
Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui
le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs
services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)
La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui
ressortent beaucoup dans la description du quartier
Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4
Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII
144
Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des
interlocuteurs
Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ
Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un
quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les
statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes
solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en
raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml
Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente
Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de
Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants
nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )
proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants
parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une
ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous
les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour
deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne
se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave
trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour
laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain
et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau
demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des
quartiers de Rosemont Petite-Patrie
145
Rosemont Petite-Patrie
Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus
nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de
Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable
principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na
parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le
freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme
lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le
comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo
tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par
reconnaicirctre les gens
Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)
Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)
Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11
Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une
destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)
Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas
146
non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)
Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)
Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais
la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux
minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des
immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du
quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique
speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier
Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal
renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en
termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se
rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis
de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves
Un espace central et fonctionnel
Plateau Mont-Royal
La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau
Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en
banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection
dans le choix du logement
Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)
147
La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute
de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la
proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de
marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre
eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour
habiter leur quartier
Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)
Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)
Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation
speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs
Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage
on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville
Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)
148
Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)
Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de
proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension
agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire
compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais
aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait
Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)
Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes
laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines
laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08
Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute
comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui
ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain
et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la
population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance
149
Rosemont Petite-Patrie
Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits
commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes
pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les
parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau
Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de
services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave
pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect
nest tregraves eacutevident dans tous les discours
Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)
[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)
Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans
leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits
et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave
freacutequenter ces lieux
laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur
150
Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07
laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)
Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement
Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal
pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute
dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu
de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie
une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes
les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier
Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)
laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04
151
Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur
quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le
plan financier et social
Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va
au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine
laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage
non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats
marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de
Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute
pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et
laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats
vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en
quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et
services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui
eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs
deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les
lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que
des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence
Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un
caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du
quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute
comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services
Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du
quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les
jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de
proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont
jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)
Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les
personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que
dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les
152
caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des
services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent
certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes
et appartenant agrave des professions intellectuelles
Espace de sociabiliteacute
Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant
leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles
ils participent et des relations de voisinage
Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier
Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes
solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute
faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et
discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire
des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier
Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees
depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude
On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les
reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du
Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur
arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en
matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus
haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties
et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes
non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de
la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de
153
lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus
enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des
personnes rencontreacutees
Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois
Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement
PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37
Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34
Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47
Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20
Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50
Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes
pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les
jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus
les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des
sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur
154
Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois
Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans
leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32
Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18
Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46
Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25
Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6
Total (N) 11 5 16 26 24 50
A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier
qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de
Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs
Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal
freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des
restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les
bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les
rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent
Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)
155
Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent
certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits
Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)
Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii
Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO
Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un
degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute
danonymat variable
Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants
concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les
boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils
freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs
On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance
Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles
et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un
autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal
156
Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07
Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06
(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI
Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur
quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont
en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau
Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue
un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui
comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement
lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement
pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens
reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI
[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)
Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-
Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines
commoditeacutes offertes
157
Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07
Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les
dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens
forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la
laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements
influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo
La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations
sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier
central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes
plus en peacuteripheacuterie de la ville
[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ
Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ
158
Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se
limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir
des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier
Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales
selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute
et de la distance au sens de Simmel
Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs
majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les
groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs
comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui
linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des
reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa
disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-
Royal
Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils
laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des
commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils
laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux
cas de figure selon larrondissement habiteacute
J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)
[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)
159
Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que
chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent
davantage les personnes quils croisent
Espace politique et associatif
Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun
travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu
concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance
dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point
aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer
sur la scegravene locale
Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)
Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute
une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus
speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements
et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de
faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart
dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le
dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune
importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction
Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)
160
Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les
jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une
laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont
pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais
portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local
ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo
Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous
pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la
proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude
Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la
distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques
fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves
positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme
un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de
plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues
commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage
dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des
trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par
le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le
Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants
repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut
progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des
emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans
liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le
mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le
161
dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport
entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents
Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins
important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des
quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est
deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un
prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne
retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est
ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et
des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils
reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars
des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la
rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants
sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces
espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite
Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des
caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre
il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes
ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter
Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les
processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement
gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave
lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le
sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise
dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace
de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute
162
En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes
dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)
Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui
seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La
sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire
superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace
commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple
plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement
personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations
sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette
figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos
reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent
une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les
jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de
lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en
quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls
Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes
diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et
politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont
Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau
les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et
sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le
rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute
et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par
ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir
une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus
jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux
163
locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti
politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier
Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun
comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie
des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui
habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que
le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des
processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge
des individus
83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX
Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous
attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de
preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui
composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants
Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous
examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations
sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral
La taille
Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que
nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de
personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre
19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39
Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que
lautre moitieacute en a moins
164
Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes
adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge
adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf
reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux
cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge
Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine
dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il
passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport
sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la
jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs
reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de
jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes
outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304
personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-
agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez
les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et
dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35
et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants
provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du
Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de
la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs
caracteacuteristiques
15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte
165
Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt
Arrondissement Provenance habiteacute
Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et
Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano
Jeunes adultes
Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)
Total eacutechantillon
Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)
En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du
Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent
les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants
qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de
Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes
mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires
agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites
dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont
meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on
remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que
celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est
possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif
166
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul
la provenance et la taille des reacuteseaux
Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20
Les intimes
Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs
reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens
de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes
correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent
de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du
Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les
jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les
reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que
pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas
de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page
suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques
167
Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1
Personnes rencontreacutees
Jeunes adultes
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne Meacutediane
(N) Total eacutechantillon
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Arrondissement Provenance Total habiteacute
Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens
Montreacutealais reacutegion Cano
8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6
20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)
7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15
24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)
7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12
22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)
Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes
que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes
originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de
proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau
Caracteacuteristiques sociales des membres
Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans
lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34
ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre
dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont
168
acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute
atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent
en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des
jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total
Alters des jeunes
adultes
N= 656
6 34
192 189
77 44 31 29 14 20 20
63 536 21 6 24
N=650
1 48 91 431
N=571
184 252 o
108 89
633
Personnes rencontreacutees
N=16
o 1 6 7 2 o o o o o o
3 12
N=16
1 15
N=16
16
16
169
Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales
des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant
lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur
groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des
reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de
324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les
proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par
rapport agrave ceux des jeunes adultes
170
Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus
Total
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total
Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans
Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)
88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)
301 (100)
19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)
3 (10) 2 (43)
10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)
292 (100) 14 (100)
4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)
187 (680) 9 (643)
272 (1000) 14 (100)
96 (324) 100 85 (287)
92 (311)
22 (74)
1 (03) 296 (1000)
Alters (N=673)
99 (147) 201 (299) 309 (460)
63 (94)
672 (100)
30 (46) 468 (723)
96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)
646 (100)
10 (19) 92 (171) 83 (154)
354 (657)
539 (1000)
242 (37) 197 (301)
178 (272)
36 (55)
1 (02) 654 (1000)
Altersmiddot Egos 51middot65 ans
Eacutegos (N= 20)
100
1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)
0(00)
20 (1000)
0(00) 2 (100) 3 (150)
15 (750)
20 (1000)
20 (100)
171
Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes
solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et
scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme
nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans
les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de
Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient
tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les
classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous
navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave
l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et
semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode
dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des
reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela
sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons
que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave
1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer
1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes
marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des
divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples
sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur
des familles ayant des enfants du mecircme acircge
La composition des reacuteseaux
Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont
majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous
les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus
de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des
liens
En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les
connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs
172
liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille
repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus
importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )
par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez
les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des
liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes
Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus
acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et
vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817
et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute
Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656
N= 528
Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96
Conjoint 08 02 03
Ami 773 468 527
Travail 16 123 102
Voisinage 00 34 27
Connaissance 00 216 174
Autre 00 13 11
Total 1000 1000 1000
173
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans
Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671
N= 209 N= 525
Famille 177 215 204 157 209 198
Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116
Conjoint 22 05 10 14 00 03
Ami 700 459 532 801 486 554
Travail 33 124 97 21 97 80
Voisinage 00 81 57 07 95 76
Connaissance 00 100 70 00 107 83
Autre 67 14 30 00 06 04
Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000
Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la
provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie
possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et
dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui
concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont
une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de
leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent
une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-
Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que
dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des
reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance
174
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion
Liens des alters jeunes adultes
des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188
Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138
Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161
Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus
de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout
de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les
groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute
et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute
plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville
que Montreacuteal et de lEurope
Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux
Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville
de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace
de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche
Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui
habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace
joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la
reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur
175
le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la
freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur
lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode
dhabiter
Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls
Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des
alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre
reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo
La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de
Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux
qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui
habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La
cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent
dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement
distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le
Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des
reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence
des personnes rencontreacutees
La reacutepartition spatiale des alters
Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir
que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion
Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de
Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal
(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur
Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans
laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses
enquecircteacutes
176
En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des
membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins
de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de
Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la
personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour
Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6
Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens
Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters
Intimes Autres Total Liens
N =127 N=510 N=637
RMR 630 516 682
Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88
tle de Montreacuteal 567 422 580
Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69
Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220
16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes
177
Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que
25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui
concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on
compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart
(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants
Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la
provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters
qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le
mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des
reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux
reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants
europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville
canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais
dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des
reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute
de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342
178
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179
RMR 682 669 685 813 495 486
Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100
Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386
Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61
Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06
Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39
Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475
Chi2 0675 0000
V de Cramer 079 0342
Les intimes et les non-intimes
En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes
adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles
deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion
meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux
est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre
arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement
voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation
dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du
Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on
compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que
179
chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les
Montreacutealais
Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon
larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de
distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil
nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux
sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en
ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont
sont significatives
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41
RMR 80 64 16 54 8 18
Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4
Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14
Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4
Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1
Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23
Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444
180
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138
RMR 434 241 58 237 42 69
Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14
lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55
Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7
Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg
Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7
Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62
Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324
Les adultes mucircrs et vieillissants
Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence
des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la
majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690
pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees
dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de
proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le
mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans
181
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans
Moins de 35 ans
Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens
N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639
RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720
Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128
Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592
Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64
Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122
En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes
sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement
concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le
mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus
petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement
international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les
reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de
la province de reacutesidence est eacuteleveacutee
182
Liens et espaces de proximiteacute
Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de
leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues
Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego
sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins
citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes
de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec
un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees
parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes
mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois
plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego
Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice
(N= 149) N=11 ) (160)
Famille ~roche 0
Famille eacutelargie 3 0 3
Ami 92 4 96
Travail 13 0 13
Voisin 10 7 17
Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4
183
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull
36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total
Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)
Famille proche 0 0 0 7 2 9
Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4
Ami 31 2 33 72 14 86
Travail 4 0 4 10 0 10
Voisinage 3 11 14 20 28 48
Connaissance 8 0 8 12 0 12
Autre 4 0 4 0 0 0
Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme
arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un
membre de la famille proche et un collegravegue de travail
Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement
larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes
damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes
Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que
le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit
principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de
travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial
international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille
184
Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos
reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun
reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations
sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de
sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux
des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les
modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes
Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations
sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute
de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de
vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de
nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur
quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral
Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de
travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et
des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de
Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent
avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un
rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux
publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent
dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la
freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs
amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour
dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte
pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un
eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien
185
laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22
Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans
lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs
laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01
laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10
186
Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent
plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute
constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien
Le mode de la sociabiliteacute publique
Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de
second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais
celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations
de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En
effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une
place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la
proximiteacute des membres de leur reacuteseau
Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son
quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde
pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de
son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui
Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les
pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral
[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)
Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi
187
que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)
Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute
relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute
spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation
situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal
Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)
188
Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui
habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme
facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie
entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin
(1987)
Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement
leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral
Lurbain mobile
Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne
constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute
en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur
arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le
mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports
de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation
de lieux publics
En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas
neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la
taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique
relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de
vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur
quartier
189
CHAPITRE IX
INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS
Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge
Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de
reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes
effectueacutees sur le sujet
91 Synthegravese des reacutesultats
Les caracteacuteristiques
Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux
arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils
sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos
bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de
mecircme que celle de Kaufmann (1994a)
Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute
laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours
biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie
conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants
dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment
de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres
sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils
ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter
seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme
et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les
constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut
190
Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la
girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de
lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au
logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur
logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied
agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le
rapport entretenu au logement
Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de
solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave
la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus
de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes
Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur
quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition
spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs
reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le
mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres
de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos
reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et
local des reacuteseaux des immigrants
Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois
dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens
191
Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas
un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement
leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela
sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un
lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au
quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de
thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et
Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous
avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches
Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-
Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la
relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela
sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute
de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de
vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la
proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est
surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et
fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de
femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela
rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes
avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie
quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait
surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations
seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces
192
Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres
formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au
quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le
faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique
ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux
situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le
rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de
proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la
Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute
spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute
Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de
sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement
queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous
avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la
distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude
Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-
Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute
publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations
diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les
jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier
ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis
que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour
habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel
tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire
rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports
symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs
caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un
logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines
193
sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement
et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave
sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du
temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des
repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des
Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous
avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences
avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du
Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien
contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes
En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au
quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais
aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les
territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci
explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres
caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social
chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le
processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations
sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la
surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus
diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de
diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des
parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de
reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les
pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de
proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en
loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes
194
Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de
rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre
eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui
habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue
une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute
de diffeacuterences majeures entre les genres
92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo
En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus
acircgeacutes
Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que
leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire
reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la
trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes
De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos
plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes
cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes
En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et
de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des
adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier
ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les
rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez
les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs
homologues plus acircgeacutes
195
Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi
un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois
mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le
Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle
et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par
laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont
appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite
Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute
publique que leurs homologues plus jeunes
En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que
celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions
dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays
appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes
solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un
cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des
reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux
sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits
reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce
quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes
quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements
Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes
ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs
alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint
un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et
semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes
adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les
connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes
de solos plus jeunes
196
On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes
adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute
chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien
ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents
du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les
reacutesidents du Plateau
Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent
diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se
rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents
La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une
particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des
speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de
vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes
dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation
symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de
support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain
repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de
lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur
mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain
197
CONCLUSION
Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement
Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en
milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la
sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux
nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens
sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes
sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont
deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans
une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et
non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les
migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est
deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet
individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une
individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se
traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique
entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat
providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes
qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de
lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en
milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais
aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre
inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont
connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville
fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de
reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave
la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment
198
disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville
comme porteur disolement et de dissolution des liens
En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces
quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de
deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de
diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace
de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la
communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un
facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu
que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de
proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il
reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens
forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes
Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas
neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les
cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques
de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos
interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute
une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent
seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie
Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison
entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont
fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la
dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien
Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue
speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et
la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les
personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie
199
Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes
transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les
relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux
publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la
proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu
que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr
et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les
rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces
reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous
pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine
que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute
En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-
ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les
comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique
semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de
vie en solo
Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une
veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales
et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute
reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites
dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et
de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu
urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie
qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes
eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que
le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de
vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute
200
Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le
reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances
inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes
rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait
lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie
Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode
de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres
de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la
transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave
la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent
davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune
transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi
sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les
plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il
nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina
(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de
repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A
transitional period et Solo living for the long term
Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)
envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle
deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de
vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres
reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls
Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce
type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par
ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes
adultes rencontreacutes
201
La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une
perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre
de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie
reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine
personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces
personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave
un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres
Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme
repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)
ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la
moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur
mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement
Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos
reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les
caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de
lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes
que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation
eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur
les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont
lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de
logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude
Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans
Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se
sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur
condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est
relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes
adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment
de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les
202
reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus
susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre
eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces
quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres
de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain
En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute
constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de
voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en
peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement
deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers
peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la
voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules
moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-
Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-
eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue
un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces
contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements
sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques
tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul
est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus
petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus
importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-
Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La
compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas
passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent
203
APPENDICE A
Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes
Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes
Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700
204
APPENDICEB
Villeray
Outremont ~ -
Rosemont
~ e _ pire
_ commerce
centre-ville
PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie
205
APPENDICEC
Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie
206
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IV
REacuteSUMEacute
Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les
quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de
lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les
jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un
visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute
agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts
interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute
chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et
les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu
avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave
ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans
leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux
sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos
analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de
sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier
leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de
conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la
moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain
v
TABLE DES MATIEgraveRES
AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x
INTRODUCTION 1
PREMIEgraveRE PARTIE 6
CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6
11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11
13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25
Conclusion du chapitre 1 26
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28
21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29
22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40
Vl
23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45
Conclusion du chapitre Il 47
CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54
Conclusion du chapitre III 55
CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66
42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79
vu
CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81
51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81
52 HyPOTHEgraveSES 82
DEUXIEgraveME PARTIE 84
CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES
Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84
DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86
Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92
62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99
CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0
75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112
ix
APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206
LISTE DES FIGURES
Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56
Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la
75
population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93
Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116
Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117
Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131
x
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71
Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132
Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153
Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154
xi
Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166
Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168
Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174
Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183
INTRODUCTION
Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne
cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette
maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des
formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la
proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001
(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de
lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la
prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de
personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais
aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du
nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain
en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains
La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se
retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le
fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou
laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux
multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la
quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs
ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations
speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-
eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent
difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un
logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs
ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont
une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement
mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002
Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)
2
Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute
linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce
mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans
notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc
Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les
modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage
urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance
soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie
quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et
la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative
et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux
questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu
urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans
un contexte meacutetropolitain
Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de
cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de
plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le
cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers
centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle
mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur
quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu
urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des
modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles
et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a
conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils
habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces
trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux
sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier
3
Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la
transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute
des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux
questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux
chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et
l interpreacutetati on des reacutesultats
Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La
question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie
et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la
sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le
chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la
transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de
leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De
plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des
travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin
nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux
lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la
sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune
socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande
ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine
alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec
nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente
eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement
et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet
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Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous
indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique
de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des
jeunes adultes qui habitent seuls
Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception
du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde
moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des
grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui
caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres
anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui
habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des
personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la
socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus
dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave
diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le
contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une
transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes
sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les
jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi
au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux
Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport
entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave
leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le
choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des
territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que
les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre
VII
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Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les
trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et
geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire
reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type
de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et
ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au
rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de
sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps
libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur
reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres
dans lespace
Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une
reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees
sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons
rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte
Habiter seul vivre isoleacute
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PREMIEgraveRE PARTIE
CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE
La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec
La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres
fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des
relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme
coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus
durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une
perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport
au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme
Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social
dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables
et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute
LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le
peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique
des relations sociales
Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir
duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social
lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social
de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain
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11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu
La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des
conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute
1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre
autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet
selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont
traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une
demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et
deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des
transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour
la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole
et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans
lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces
bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent
en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont
favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du
travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural
(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans
1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de
survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)
Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement
devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute
dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans
une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le
village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail
pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des
uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux
agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la
sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui
le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques
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ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes
nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la
population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees
12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social
La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les
contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures
eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la
reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles
des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective
eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque
les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes
industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens
communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de
laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas
1995)
Ferdinand Tonnies
Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg
et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute
tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories
rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de
sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief
1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie
dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la
logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans
la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute
Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus
importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution
industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux
ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees
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Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola
communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type
communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation
communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave
linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang
ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la
petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une
logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec
lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit
Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de
compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette
perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la
grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait
mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide
comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais
psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon
Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes
traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le
calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la
transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute
porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme
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Eacutemile Durkheim
Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la
sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave
Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce
moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition
positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de
faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De
la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du
contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail
Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon
concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente
lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et
lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du
travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les
socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un
type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute
meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave
1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une
absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte
conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de
1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement
de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien
social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des
personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette
solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande
autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les
individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la
typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens
11
laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui
correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette
classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et
linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil
occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des
liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une
association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull
Max Weber
Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville
europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est
un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a
enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute
la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et
a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs
contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de
sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales
industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La
Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas
1995 Weber 1982 (1947))
Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien
social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon
Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les
liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute
urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)
1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)
12
Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non
urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent
neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et
de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la
ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de
sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave
part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest
pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et
leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci
tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau
mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute
Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de
diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre
autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se
traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle
liberteacute
En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux
eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se
retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu
dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de
codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des
contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en
milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu
creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))
Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la
ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des
relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du
lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi
13
par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des
situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)
13 La sociologie urbaine
Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger
Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la
ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la
moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs
laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave
saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995
Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux
conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la
communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples
sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie
agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus
complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une
deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques
de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des
rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))
Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave
une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903
(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee
que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se
trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au
cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes
et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)
Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes
conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve
et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus
14
dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo
speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de
lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques
des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus
dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des
biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit
En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature
eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein
duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la
relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo
Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de
laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus
calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux
et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour
la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un
mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux
formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute
personnelle
Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus
des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de
lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli
sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la
deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les
conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain
15
La figure de lEacutetranger
La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation
de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur
qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il
sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas
avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans
la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais
compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport
agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la
forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo
(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations
sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave
la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de
deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain
et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes
urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui
sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports
entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La
dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des
caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en
quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains
imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses
eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de
reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses
distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)
16
Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de
Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls
dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger
qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de
lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les
pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine
lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)
Leacutecole de Chicago
Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur
lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs
qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979
Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago
qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique
Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au
sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la
sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie
une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac
1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des
plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette
peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte
particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance
deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants
ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants
en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de
personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation
denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la
ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la
cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le
nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus
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dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua
agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les
conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto
La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social
pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago
furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population
avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes
Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago
furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers
constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute
1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la
laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une
organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974
Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den
expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories
relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus
fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute
1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux
au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement
inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute
urbaine
Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de
Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation
sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes
comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de
lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute
sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo
constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au
monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)
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Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de
Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste
et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park
Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain
(Grafmeyer et Isaac 1979)
Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les
inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral
absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy
et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de
choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et
laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif
typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les
figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park
comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago
dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des
liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde
non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des
fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac
1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de
parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on
creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts
interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la
reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)
Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park
et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils
ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et
linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations
sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle
19
Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres
deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese
de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la
question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en
situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes
sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de
communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la
communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres
14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee
La thegravese de la communauteacute perdue
Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de
lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de
Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte
en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation
Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et
relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les
liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par
rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton
1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux
ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce
quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des
situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances
(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain
comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez
Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants
et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail
la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce
qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte
urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)
20
La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les
anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les
villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la
communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la
communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement
refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune
certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais
surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques
dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le
quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de
voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le
voisinage jouent un rocircle coheacutesif
Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes
quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se
penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les
thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou
communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au
deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers
15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute
La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)
Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux
tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)
Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des
deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et
politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient
entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen
plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative
21
et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du
Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau
2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont
plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les
Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites
politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des
terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et
agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers
les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation
linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on
proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient
aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre
le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau
2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur
lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie
relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le
Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par
ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee
tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves
New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)
Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales
et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies
et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau
2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes
migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de
famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se
fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies
reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres
de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les
logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo
22
(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les
reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours
contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987
Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)
Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas
seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants
vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)
Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)
Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le
XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs
dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou
de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une
contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements
interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des
va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)
les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le
mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme
paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute
Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo
(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle
fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin
1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de
leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique
reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute
(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette
1992)
23
Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute
Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la
premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux
dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur
le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux
urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute
posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue
(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)
En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu
diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand
et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et
tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des
reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour
une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins
dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce
contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute
important pour les loisirs et lentraide
Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et
de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et
lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et
les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires
montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde
familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse
et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute
industrielle montreacutealaise
24
Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)
Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs
lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de
Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus
tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les
modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace
Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et
supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus
laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin
1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et
les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par
lintermeacutediaire des enfants
La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre
la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce
entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des
lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et
reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus
(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)
Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales
dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui
distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la
25
capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des
occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes
neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton
(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon
laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du
quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de
premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le
quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain
Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport
comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a
favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix
reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat
2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de
lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de
reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique
des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom
lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo
spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus
agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne
constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux
qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de
nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les
individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)
26
Conclusion du chapitre 1
Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de
lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la
dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est
dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations
sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le
salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles
lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations
non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la
transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle
acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de
lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous
avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des
aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation
Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses
voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de
leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les
migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils
quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une
aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi
dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de
dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent
toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des
jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le
salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la
moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels
Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle
des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des
formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales
27
comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance
des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui
caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque
Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi
inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le
contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux
et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le
vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription
territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques
enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions
28
CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL
Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier
Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous
verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux
sociaux disolement et de quartier
21 La sociabiliteacute
La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)
La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance
de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange
et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre
les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou
dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des
personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se
traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre
ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes
des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la
distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les
individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont
faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis
damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens
forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien
(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de
la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager
diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus
entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande
29
La sociabiliteacute publique urbaine et marchande
La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus
laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la
reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre
ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La
sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace
commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou
une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les
autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics
sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain
1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le
caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain
peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de
Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles
dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins
La sociabiliteacute intime
Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes
que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le
mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance
des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute
relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes
qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas
pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et
laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La
3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute
30
)
sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la
proximiteacute relationnelle quelle implique
Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la
reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave
linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail
leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les
connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les
personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute
intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes
Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on
peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social
22 La notion de reacuteseau
Lorigine de la notion
Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et
de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la
monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix
Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons
dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des
caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu
plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee
La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement
geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau
renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la
communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les
frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux
liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un
contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La
communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans
31
lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de
Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des
relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins
importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme
Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans
lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte
moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son
reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces
Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une
thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave
partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu
compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute
avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-
selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des
liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one
person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le
reacuteseau change avec le temps et les contextes
Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription
territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations
intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050
personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des
anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain
seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer
1982)
Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par
Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le
mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des
reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne
32
sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par
les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient
une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)
et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality
and preferences determine with whom - that is with people from what social context -
individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est
responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de
plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de
la personnaliteacute de lindividu
Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en
France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les
reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent
que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du
voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de
laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus
nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la
famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens
Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des
relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace
de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au
caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de
proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des
relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture
autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace
geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les
liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves
du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que
ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits
dans lespace de proximiteacute
33
Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition
des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un
contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par
ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des
lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse
sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les
individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart
lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes
sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)
laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des
groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des
reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions
des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux
plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et
Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des
cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations
structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du
principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure
dinteraction entre les personnes
Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux
personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des
entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette
approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les
individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre
les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude
34
Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions
Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la
famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave
partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se
construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de
leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne
maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de
plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu
eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante
laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)
Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI
constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le
caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave
un soutien social
Le noyau et la taille du reacuteseau social
Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en
relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus
significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu
juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses
importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son
centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image
le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui
35
creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998
119)
Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave
des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles
(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations
superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon
peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de
quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et
lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les
deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent
deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes
diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter
(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte
meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon
demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des
sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens
faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou
les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens
forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis
La densiteacute
La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister
entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et
Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la
densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee
36
La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social
Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un
certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des
biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de
relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne
des individus comme le travail et le logement
On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)
Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut
reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas
garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau
car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide
sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui
existent
Le caractegravere mouvant du reacuteseau social
Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle
de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann
1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une
nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle
de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer
(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982
Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres
disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard
4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)
37
Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les
adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge
adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux
chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit
avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non
seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus
grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et
moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de
Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau
que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le
mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas
neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)
L homophilicirce des reacuteseaux
Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des
caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se
ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes
semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982
Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette
tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes
plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes
et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux
plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents
Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les
1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave
quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990
dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un
eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982
dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus
38
jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les
contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en
lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux
mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire
Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)
(Bidart 1997)
Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables
soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte
2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement
des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des
ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute
des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles
centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge
Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des
liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple
constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et
la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute
ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en
couple (Bidart 1997)
laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)
39
De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules
a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de
maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son
groupe damis
laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)
Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le
maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas
des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de
vie
Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses
ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux
personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute
du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui
faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de
voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des
individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales
que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et
freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute
de couples de familles et que lon a peu de liens
bull
40
La question de lisolement social
Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes
qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social
correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et
Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment
subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet
comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute
par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis
quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le
souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes
comprises dans leur reacuteseau
En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de
solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes
attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de
pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter
seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes
plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement
(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute
eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut
occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de
certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une
certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute
relationnelle (Martin 1993)
Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui
portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et
Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par
leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)
41
En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat
(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du
quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des
membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les
reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous
lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en
acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en
emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des
reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des
facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial
lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait
dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la
perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes
Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux
tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en
situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation
socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas
preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils
sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur
les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos
reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de
quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux
saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi
consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute
42
23 Lespace de proximiteacute et le quartier
Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des
theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion
municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention
publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des
populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La
diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et
les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles
traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est
unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres
et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il
repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le
logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon
la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave
laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus
pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace
domestique au profit de la ville
Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)
Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du
domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee
par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous
renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de
proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans
lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on
pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations
43
sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une
enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes
Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace
urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du
centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains
en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire
de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des
pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en
transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous
renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce
territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales
Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche
nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous
envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs
dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en
fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le
quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres
cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville
(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un
espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme
eacutetant un
Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)
44
Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes
facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain
1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la
notion de quartier
laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo
Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un
espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la
construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique
Un espace dintervention politique et daction collective
Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour
deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son
ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une
eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui
a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)
Un espace fonctionnel
La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des
modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave
lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et
services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique
(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent
un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa
4S
sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel
faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit
Un espace symbolique
Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut
correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison
uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et
Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave
laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique
contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants
sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se
situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et
St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo
Un espace de sociabiliteacute
Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut
eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou
lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux
publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique
proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique
et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social
Les enquecirctes sur le quartier
Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de
la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par
Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les
quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels
de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et
un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes
46
et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les
bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par
ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences
reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des
laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un
quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)
En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur
deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des
deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de
travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social
influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les
relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de
40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute
Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute
deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute
du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement
commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le
rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux
lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence
damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne
constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des
personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain
attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain
Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier
Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et
de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu
de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et
fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont
47
aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en
ce qui concerne les sorties
Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes
queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les
jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce
qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur
parcours
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au
quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France
semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes
Conclusion du chapitre II
Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de
proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave
lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de
sociabiliteacute Il sagit dun produit social
Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de
Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un
rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des
adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous
preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions
de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se
concentrer dans les quartiers centraux des villes
48
CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE
Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes
Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister
entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le
rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement
elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel
deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle
examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du
deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce
que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition
geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes
adultes qui habitent seuls
31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse
La concentration des jeunes adultes en milieu urbain
La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la
nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat
(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une
localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de
la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun
quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232
de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de
ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements
centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent
respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette
concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal
49
Les migrations la ville et le cycle de vie
Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge
reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations
symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004
Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du
sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours
de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des
grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les
mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003
Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le
travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de
liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez
les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent
2004)
Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort
chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les
moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme
eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans
qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus
scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon
nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont
plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les
quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens
de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois
professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la
preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non
seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties
et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et
Rose 1998)
50
Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls
constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle
de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-
Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix
qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple
ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes
et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere
des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en
meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les
plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat
2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de
ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une
augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent
seuls (Molgat 2000)
Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de
grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc
Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans
les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de
repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure
renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au
moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui
pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la
tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent
2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la
creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi
vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et
de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne
51
La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu
daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave
une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes
Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement
associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas
particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et
didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou
beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo
Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou
simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en
ville agrave un moment de leur parcours biographique
53
La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent
que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle
la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un
mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse
totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les
relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls
sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et
consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup
(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain
lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une
dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les
jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur
permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les
eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les
jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee
tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain
Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure
linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les
premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont
caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull
lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon
eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en
preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le
processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux
et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux
liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent
seuls
54
Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier
En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que
le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de
personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le
cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans
leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)
assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des
personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint
celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier
ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux
habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace
laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le
qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la
disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite
et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute
structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la
classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort
aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui
seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est
tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme
dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)
Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et
les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave
linteacuterieur de la figure 31 de la page 52
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter
comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par
ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute
publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des
55
Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave
Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les
secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes
soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie
Conclusion du chapitre III
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo
Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee
et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre
des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas
sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles
maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin
de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du
nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain
56
Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non
Thegraveme de comparaison
Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos
Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine
- S y installent pour les eacutetudes ou le travail
Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire
Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial
1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue
2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte
3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels
Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois
Oui selon leacutetude de Xavier Leloup
Agrave voir
Le rapport agrave lespace Urbains
Locataires
Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties
Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)
Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)
Voisinent peu (Leloup)
Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)
Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)
La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace
et moins deacutependant de lespace de proximiteacute
Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude
Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul
57
CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE
Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales
Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la
moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que
plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et
Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute
constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que
les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien
Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands
changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute
sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs
classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct
reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et
culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de
vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute
des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont
plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest
plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus
grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures
sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le
processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance
socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses
sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire
supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes
Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls
modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de
parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi
connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de
58
certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance
de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes
villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont
connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des
transformations des modes de peuplement urbain
Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de
personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des
solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les
contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation
comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons
jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale
et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des
structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style
de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de
ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant
41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo
Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut
de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun
mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)
Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des
religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les
prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes
et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et
familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest
laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer
seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann
1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au
statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou
moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et
59
Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps
(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)
De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et
particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme
au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de
lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique
Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des
meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du
monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de
leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus
dindividualisation des modes de vie
Les concepts de moderniteacute
On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois
moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-
neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette
peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes
sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des
identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck
2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de
lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des
conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de
mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la
raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient
individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les
aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale
placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les
familles agrave sentraider
60
Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80
Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute
eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations
vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et
soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille
Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des
conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une
indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont
contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet
au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la
santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection
aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin
1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise
comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales
comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et
aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)
Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole
publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et
lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes
proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus
leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux
quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes
Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts
qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave
vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre
de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de
possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre
61
Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions
neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de
vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait
mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau
tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des
anneacutees 1980
La moderniteacute avanceacutee
Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques
sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis
bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de
demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme
Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou
postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous
une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-
1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et
dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il
eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees
Le processus dindividuation
La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres
favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et
des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993
Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel
qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire
(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute
de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme
groupe social (Jenson et de Singly 2005)
62
Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly
le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des
laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly
1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet
dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre
linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute
industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque
[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)
Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon
laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de
la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le
cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des
individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le
projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la
structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et
donc individualiseacutes
Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus
preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur
2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des
eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement
lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on
entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne
naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger
2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant
63
un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule
poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer
et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte
peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements
inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003
Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)
La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave
diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir
daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met
en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)
Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements
eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont
typiques de notre eacutepoque
Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres
deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles
exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003
Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger
2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu
dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute
professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette
conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les
conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus
jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003
Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans
la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre
preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte
dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de
peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme
si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas
64
25
20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5
0
neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement
accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme
lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres
anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec
(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la
speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur
combinaison avec des eacutetudes postsecondaires
Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec
~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~
Anneacutee
Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca
Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de
lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans
lacircge adulte
laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt
65
Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent
plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le
registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le
Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les
femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus
la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus
reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans
ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une
diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes
moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee
chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)
Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles
et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez
diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990
Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)
Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire
Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu
seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la
suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses
les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en
plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan
et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes
adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre
20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)
Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est
plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20
derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des
66
tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent
mener agrave cette situation
Les maniegraveres de vivre seul
Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les
personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que
certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes
circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann
1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous
renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees
La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de
solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une
double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent
associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes
laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont
souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le
cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez
soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo
laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans
certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie
en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive
(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et
comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau
Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes
vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous
examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet
5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo
67
Ceux qui subissent
Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui
quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas
de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des
difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui
vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993
Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de
faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui
requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et
temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux
valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et
appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise
Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative
puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont
souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a
Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale
rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne
semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du
mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la
vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive
Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur
mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur
indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent
1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans
un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu
de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993
157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec
son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur
situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de
certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de
68
jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent
1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee
dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme
carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de
Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de
figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme
les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les
jeunes adultes
42 Caracteacuteristiques des solos
Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du
Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a
Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991
agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains
auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave
partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont
laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent
beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann
1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et
particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup
2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes
beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)
Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et
reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite
nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes
adultes
69
Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques
Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui
habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees
de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51
demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle
seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave
34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees
ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland
1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des
personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon
Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la
croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema
deacutevolution qui suit trois seacutequences
[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)
Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la
page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de
Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34
ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada
donneacutees extraites du recensement 2001)
6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
70
Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001
65+
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001
Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de
femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande
majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit
24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui
est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un
emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent
pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des
revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de
pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page
suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave
Montreacuteal
71
Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques
de la population
Sexe Femme Homme
Acircge
20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans
Statut Familial
Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve
Immigrants
Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel
Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi
Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus
sous le seuil de la pauvreteacute
Meacutenages composeacutes dune personne
38
49 51
29 36 35
24 1 7
63 5
17
87 6 7
86 14 30
16 16 21 18 12 13 4
38
Total (RMR de Montreacuteal)
100
51 49
33 40 28
12 43 3
41 2
22
86 8 6
84 16 26
18 19 19 16 11 12 5
20
Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
72
Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute
Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des
logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont
locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de
la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de
Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)
Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent
entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $
Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux
(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le
recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus
nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu
de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela
sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux
73
Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune
personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001
Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)
de la population 38 100
Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58
Condominium 7 4
Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38
Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10
Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48
Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001
74
1
43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul
Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais
elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des
centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049
506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal
comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de
Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les
plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien
cette concentration
Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)
75
Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001
Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total
bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)
moins de 20 (520)
_ pes de donnagravees
Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada
76
Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS
importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un
grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie
plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval
et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9
Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles
diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes
villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et
Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992
Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)
Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces
Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux
espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities
are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo
Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal
situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers
centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement
relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont
contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur
repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une
population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour
young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also
blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with
their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was
limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies
9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes
77
as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin
1998 831)
Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet
depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des
Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo
investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes
intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil
du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et
caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute
44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee
Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social
Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement
mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus
de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de
gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de
nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)
La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des
couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis
elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit
dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques
mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie
(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans
leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen
1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et
tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils
socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des
quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave
faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette
78
eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002
Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff
in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were
interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with
gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les
laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe
homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux
professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge
des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules
(Leloup 2005 Dansereau 1985)
Moderniteacute quartiers centraux et lien social
La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte
actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du
lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y
demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des
reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus
occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau
1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27
Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation
importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees
La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux
deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en
matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a
trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave
cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans
le contexte de la moderniteacute avanceacutee
79
Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux
Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus
dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et
les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de
consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le
processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au
sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave
leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher
1995)
En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre
de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa
personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont
construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes
plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille
Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait
speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)
Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut
comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les
mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements
offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles
personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave
nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la
moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de
proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de
contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les
technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la
distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de
la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1
80
Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations
sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des
processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a
contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en
redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent
seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut
se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement
pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se
retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on
peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et
diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille
les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches
habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en
changement ougrave ils sont fortement concentreacutes
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute
entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans
les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur
linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la
vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce
meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers
lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes
81
CHAPITRE V
QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE
Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une
tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter
seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent
urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois
mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees
spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble
entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous
sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui
preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations
symboliques
51 QUESTIONS DE RECHERCHE
1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier
11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)
2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social
22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)
23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees
24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau
25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier
3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute
31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo
83
Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et
biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur
mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de
lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des
quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de
leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui
preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les
territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix
84
DEUXIEgraveME PARTIE
CHAPITRE VI
JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE
Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie
Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de
recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute
pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-
ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune
eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de
solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a
seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal
qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules
Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur
le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage
administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les
besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de
reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute
dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des
arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui
habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de
recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-
Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il
sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement
constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le
centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements
de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le
plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)
85
De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des
profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies
par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave
temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans
larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR
presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP
ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi
diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui
reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le
loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans
larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux
arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des
Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent
aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes
qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des
cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les
rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs
comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale
deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme
le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi
Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des
reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants
reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas
confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous
nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude
Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales
et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le
fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers
86
DESCRIPTION DES TERRITOIRES
61 Le Plateau Mont-Royal
Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave
lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la
rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que
plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de
lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du
XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements
construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)
Description historique
Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord
une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs
laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon
des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard
Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du
Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues
dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui
explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une
tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le
boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du
tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le
deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave
lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des
forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les
populations anglophones et francophones
87
La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages
francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des
familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des
industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard
Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise
eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun
quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave
chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan
1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de
Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui
travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo
pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il
sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou
trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation
est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une
augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de
laugmentation de la population (Marsan 1994)
Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux
magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et
superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de
proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et
environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite
taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent
des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non
seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale
(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des
artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial
de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En
effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement
88
des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et
acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment
Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee
agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On
retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le
boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans
les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des
commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que
lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe
etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues
commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier
renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de
coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions
compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de
centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements
collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs
et centres de loisirs
Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les
repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche
entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette
œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la
marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce
territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)
laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)
89
laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo
Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et
dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des
reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de
fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les
habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger
(Rocheleau 1995 51) raquo
Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la
proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du
Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la
communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales
notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie
Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de
peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes
moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant
au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels
notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent
90
Dimension symbolique
Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des
Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi
principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels
Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de
larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une
population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de
Montreacuteal 2006 2)
Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides
touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et
RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et
dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des
derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit
le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo
laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et
les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de
lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur
Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-
Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec
2003 2) raquo
Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le
Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en
Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le
laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est
Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej
91
Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En
Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au
Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le
magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du
quotidien Le Devoir
laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo
(Le Devoir2005)
laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux
de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et
boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne
rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la
flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs
y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar
celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)
Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune
laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image
qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique
des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes
Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population
reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave
cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de
personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements
deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous
deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute
agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de
sociabiliteacute agrave ce quartier
10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml
92
Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a
suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore
aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet
arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que
lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche
dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis
1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans
repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest
stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee
de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la
proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on
constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de
la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de
Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153
Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une
baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal
que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est
passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion
de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63
Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au
Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins
importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait
32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001
93
Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par
rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des
immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts
(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil
du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les
personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient
28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53
en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi
dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette
croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la
figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de
lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)
Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001
f QI
1000 -j-------------W_------ ~ lt=
0 = c ~
bull ~
= 1 lt=8f 0600 +------------------------------
1971 1981 1991 2001
Anneacutees
Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada
94
Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des
loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci
jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation
sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que
le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute
la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que
la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour
lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-
Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des
Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de
Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus
de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus
scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui
a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee
2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la
Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de
locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la
proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si
on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de
proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les
revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la
demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le
jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En
effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal
loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non
seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de
la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements
dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de
27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal
95
Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de
larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave
redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa
repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des
rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des
nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et
remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas
propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo
Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves
eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal
deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces
eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs
Montreacutealais
62 Rosemont Petite-Patrie
Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier
populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs
(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle
du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie
situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops
Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian
Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues
Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier
Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-
Leacuteonard (voir carte en Annexe)
96
Tissu urbain et social
Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu
social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande
surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de
larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec
des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de
lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la
rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel
de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien
quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal
avec comme rue principale la rue Masson
Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-
Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun
espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation
dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres
le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave
valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)
Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus
agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute
agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave
lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de
lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand
territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre
Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en
voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le
Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons
97
diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau
Rosemont
Dimension symbolique
En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa
trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de
larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et
le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le
secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du
Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a
connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une
population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-
Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par
les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon
dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des
meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs
lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le
quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des
kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des
produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les
guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente
comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de
quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de
laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature
laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous
tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute
[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter
avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux
dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec
La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo
98
laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct
(Global Reacuteservation site internet) raquo
laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie
agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune
population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les
cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de
partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la
fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec
vacancecom) raquo
laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de
victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie
Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou
seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo
Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme
le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable
institution raquo
Description historique
Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le
deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du
tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement
la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait
selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes
(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du
Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des
zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce
aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui
accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les
99
Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au
deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie
municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-
Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute
principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis
Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu
aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet
arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal
Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971
Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de
Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique
de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de
Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi
importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir
Les logements les revenus et la scolariteacute
Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un
locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent
en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis
1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave
RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des
proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que
pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important
de 134 645 agrave 157 606 $
Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers
des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de
la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau
de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a
100
diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque
tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37
Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI
laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent
infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les
revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave
4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre
1991 et 2001
Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune
forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit
eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971
on comptait 91 de locataires
Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux
Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune
Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18
suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de
larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus
constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que
les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette
mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen
1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans
repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de
plus en plus vieillissante
Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus
heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil
diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de
larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-
101
Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique
commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la
Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute
qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le
Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc
Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des
touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse
Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des
deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon
laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie
Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en
culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et
ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles
dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo
En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee
par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas
typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous
laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet
arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus
speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette
partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique
diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie
dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on
peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui
font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification
102
CHAPITRE VII
MEacuteTHODE DENQUEcircTE
Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse
Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute
avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours
geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et
examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent
Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de
recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick
Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et
les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent
seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de
sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous
preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie
meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave
nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans
la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls
103
71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)
Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave
documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de
personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs
eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres
de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et
collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements
laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain
ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de
transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel
1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description
du projet)
Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour
lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner
sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe
sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude
afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent
seulesll
11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire
104
72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE
La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et
transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des
jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie
meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss
(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique
Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La
diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees
essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types
de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes
rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour
stratifier notre eacutechantillon
La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur
ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un
geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et
quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de
proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et
lintensiteacute des liens entretenus
Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi
dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et
aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier
Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-
eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de
logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau
social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode
quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee
105
par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere
mixte de notre strateacutegie meacutethodologique
73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES
Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos
jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de
faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons
compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui
suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par
notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire
Le calendrier reacutesidentiel
Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne
rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille
composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de
logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil
a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier
reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave
habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations
recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette
faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire
correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les
eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave
habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes
correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie
quils envisagent dadopter agrave lavenir
106
Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte
Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl
habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par
contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne
agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines
relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot
du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)
dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain
Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre
et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes
de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une
premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)
qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses
importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils
entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie
actuels et passeacutes (Franke 2005)
Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille
les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de
rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la
personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees
Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave
deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans
De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes
adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence
des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont
permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social
Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de
107
lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme
arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi
eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees
dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des
membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions
nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme
que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement
quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes
avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes
auxquels elles sont associeacutees
Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du
reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement
concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et
linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain
Lentretien
Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le
deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs
du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la
vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les
questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la
distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont
eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie
concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de
situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent
freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes
du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une
ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de
son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de
voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes
108
adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur
quartier
Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de
compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter
seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir
74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES
Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien
social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement
du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant
dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux
principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au
minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode
significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave
la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le
deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal
Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais
nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir
effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues
Le recrutement
Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les
situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les
meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus
fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter
des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre
freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux
3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof
109
1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire
des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements
Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de
reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode
laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte
Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de
commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux
Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc
trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de
leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature
qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis
comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules
ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques
diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest
dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant
leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques
De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de
produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des
personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces
personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par
exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines
personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit
nombre de personnes
12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux
110
Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales
Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous
avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui
ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents
commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de
connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires
Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu
un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent
dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-
Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de
notre eacutechantillon
Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre
Quartier Genre N Femme 8
Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11
Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6
Total Femme 11 Homme 5 Total 16
La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de
Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre
province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est
finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave
la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des
emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans
le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute
111
universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient
entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs
agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des
solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que
certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible
ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques
Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques
Quartier Personne rencontreacutee
Lieu dorigine Occupation et domaine emploi
Cateacutegorie de revenu
Niveau de scolariteacute atteint
Plateau Mont-Royal
PF01 PF02 PF03
France Montreacuteal France
Travail de bureau Eacutetudiante Communication
30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise
PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11
PF14
Ontario
Montreacuteal
Transport et services Finissante
30 000$ agrave 39 000$
20 000$ agrave 29 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise PF15
PH01 PH02
PH04
Montreacuteal
Queacutebec
Montreacuteal
France
Organisation communautaire Professionnel Communication
Gestionnaire
20 000$ agrave 29 000$
30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$
Plus de 49 000$
Baccalaureacuteat
Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat
Rosemont-Petite-Patrie
RF01 RF07
RF11 RH01 RH06
Montreacuteal
Montreacuteal
Outaouais France France
Eacutetudiante Eacuteducatrice
Communication Eacutetudiant Eacutetudiant
Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$
Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$
Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat
13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat
112
La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont
pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil
des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet
arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi
qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des
revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus
scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants
interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes
il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui
concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus
haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations
diffeacuterentes
75 ANALYSE DES DONNEacuteES
Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel
SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave
habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les
donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au
moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire
avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen
dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues
plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi
collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la
reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge
Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin
de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous
preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune
part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient
dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre
113
question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types
se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)
En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des
reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une
enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de
sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre
eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre
eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et
enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement
spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le
quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande
quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la
sociabiliteacute des jeunes adultes
114
CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS
Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux
Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La
premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera
question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune
bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a
conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La
seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions
symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir
des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la
troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur
linscription reacutesidentielle des membres dans lespace
81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES
Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et
des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels
doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui
les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans
ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que
tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules
dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils
entretiennent avec leur logement
115
Caracteacuteristiques reacutesidentielles
Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles
comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis
le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un
deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus
eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes
Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial
Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35
ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29
Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin
Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie
de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge
moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer
familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats
geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des
trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le
seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute
reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux
personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)
116
En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit
nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En
geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il
apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois
habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le
nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du
Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de
piegraveces de 45 et 47
Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes
Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)
moment de lentrevue Mode doccupation du logement
Locataire 13 Proprieacutetaire 3
Mobiliteacute reacutesidentielle
Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres
z 212 312 412 512 anneacutees
25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne
des deacutemeacutenagements en anneacutee
Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu
Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du
logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge
rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee
2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de
logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82
14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules
III
l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o
118
Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de
lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le
deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets
observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir
plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial
des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier
Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle
communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du
centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en
cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal
(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus
communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont
quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou
moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du
temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un
quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires
de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire
laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger
Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme
PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre
Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et
Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du
centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-
Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux
ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes
migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1
119
Le cas de PHOl
PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge
de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le
centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave
Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute
deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-
Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave
Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme
eacutedifice
Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes
rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller
dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe
dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la
plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-
Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et
Rosemont Petite-Patrie
Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave
quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une
mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils
sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute
urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus
importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma
collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute
seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent
aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)
120
Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees
Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes
rencontreacutees
Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans
Urbaine 14 8 10 32
Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion
Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1
Total 16 14 20 50
bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme
speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de
jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes
tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge
agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat
2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait
d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de
la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme
Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de
personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude
121
Pourquoi habiter seul
Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour
lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces
endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des
tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons
dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les
autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute
celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les
motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont
elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue
Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees
Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne
est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six
anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent
seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres
groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie
en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132
Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques
Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin
122
Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des
seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules
sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie
en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee
Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire
Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)
Colocation (N) 12 9 13 34
Vie conjugale (N)
7 9 15 31
Retour familial (N) 2 3 2 7
Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par
diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de
cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave
veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes
dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos
reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des
deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de
Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les
trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes
adultes
Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants
PF01
PF02
PF03
PF09
PF10
PF11
- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l
C 1 PH01IV c -CI) C l
C PH02 CI)
-CI) c ccs
PH04
RF01
RFO
RH01
RH06
123
Leacutegende
bull Seul
o Couple
o Colocation
~ Famille
Pension ou lIIll reacutesidence
D 1 an
3 0 3 CD l-c CD
CD W
l -CD ltc CD
Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)
124
Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les
trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants
Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires
35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total
Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )
Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)
Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)
Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin
Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour
au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et
sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours
familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins
lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier
(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)
Leur histoire
On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes
dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour
la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme
lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants
plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins
diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de
cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de
vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte
125
Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo
Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants
Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2
Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006
Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas
lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter
seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux
eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees
habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet
nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en
solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point
de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles
occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation
Les eacutevegravenements deacuteclencheurs
La rupture
Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la
rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines
personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie
conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune
seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte
un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO
126
qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon
indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de
chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les
extraits suivants illustrent ce type de parcours
Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)
Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)
Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)
Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet
conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter
seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance
Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)
Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)
127
Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a
preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste
que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et
biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture
amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et
nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat
(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo
chez les jeunes adultes
Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits
Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements
comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son
proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute
leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau
logement seul
Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)
Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail
Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal
Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme
Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)
128
Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des
individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes
adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes
ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes
Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires
dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont
provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun
emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme
peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces
premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour
plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes
de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain
apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les
femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet
aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre
difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants
dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)
Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus
nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans
mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun
meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou
interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la
moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-
Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet
ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour
la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on
donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue
129
Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur
vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et
dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances
Choisir ou subir
Le refus et limpossibiliteacute de la colocation
Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun
projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou
deacutevegravenements particuliers
Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)
Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le
passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement
soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans
un logement agrave soi
Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)
Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi
comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie
indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie
Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)
130
Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de
consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient
dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une
opportuniteacute inteacuteressante
Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5
Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation
Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude
fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut
de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement
associeacutee au cycle de vie
Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04
Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait
envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul
constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils
occupaient au moment de lentrevue
laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)
131
Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves
eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de
laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des
personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre
seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes
eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres
encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez
les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi
de soi
Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne
partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du
Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des
qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les
principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur
leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de
lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport
entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier
812 LE LOGEMENT
Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne
correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement
quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus
Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute
11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun
an Ancienneteacute reacutesidentielle
132
Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave
lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante
chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire
Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant
51-65 ans
Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)
Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees
habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la
page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois
suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees
(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un
immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees
n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne
est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par
lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue
pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge
Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel
Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants
51-65 ans
CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$
133
Trouver et choisir son logement
Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons
deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une
personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont
effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation
Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de
location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du
Plateau
Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire
dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour
eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
(PF15 PF02 PF09)
Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se
promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les
journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce
quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute
Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)
Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)
Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)
134
Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident
Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI
Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)
Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie
comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la
meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave
lexception dune personne (RR06)
Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)
Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)
ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment
135
mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)
Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux
qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de
location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de
Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout
du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez
lensemble des solos
Rapport au logement
En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable
et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour
certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui
habitent des logements de 2 piegraveces
Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)
Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)
136
Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour
les filles qui habitent sur le Plateau
Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)
[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)
Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou
des contraintes financiegraveres
Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)
Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et
ressources disponibles pour se sentir bien
Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un
137
peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1
Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas
dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02
ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07
rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)
Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)
Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi
ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos
reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes
mais qui remplissent leur fonction de base
138
Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement
En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de
cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees
Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans
leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4
nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque
deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent
comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre
Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les
peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon
passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee
qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties
organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux
cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo
La girouette ou le pied-agrave-terre
Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons
aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules
en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere
faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl
de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui
est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave
lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement
spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere
et du mode de vie en geacuteneacuteral
Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)
139
Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales
organiseacutees
Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)
Le type casanier
Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se
demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme
PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la
lecture ou du bricolage
Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))
Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier
restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si
le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se
retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film
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De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans
le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques
propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence
dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus
pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme
sils le souhaitent
Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)
Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)
141
Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une
peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y
travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez
lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez
les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave
inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des
logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux
lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les
rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que
la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux
habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas
ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous
Conclusion sur les parcours
Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel
majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble
des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont
aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999
1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)
Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont
pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures
amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les
eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu
et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a
conduits agrave habiter seul
Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous
les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres
groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees
142
Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la
freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle
semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec
lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de
mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres
urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont
proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la
jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul
Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur
logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle
mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours
geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute
entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous
examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et
engagement politique et associatif)
82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER
Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont
Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les
rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique
Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve
principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de
vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de
transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de
larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation
relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont
le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que
nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera
question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les
143
Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons
dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services
quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent
dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales
Un espace symbolique
Le Plateau Mont-Royal
Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit
pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils
nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou
du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul
Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ
Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui
le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs
services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)
La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui
ressortent beaucoup dans la description du quartier
Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4
Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII
144
Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des
interlocuteurs
Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ
Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un
quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les
statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes
solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en
raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml
Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente
Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de
Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants
nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )
proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants
parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)
Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une
ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous
les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour
deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne
se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave
trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour
laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain
et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau
demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des
quartiers de Rosemont Petite-Patrie
145
Rosemont Petite-Patrie
Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus
nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de
Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable
principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na
parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le
freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme
lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le
comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo
tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par
reconnaicirctre les gens
Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)
Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)
Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11
Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une
destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)
Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas
146
non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)
Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)
Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais
la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux
minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des
immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du
quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique
speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier
Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal
renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en
termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se
rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis
de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves
Un espace central et fonctionnel
Plateau Mont-Royal
La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau
Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en
banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection
dans le choix du logement
Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)
147
La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute
de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la
proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de
marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre
eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour
habiter leur quartier
Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)
Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)
Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation
speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs
Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage
on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville
Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)
148
Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)
Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de
proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension
agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire
compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais
aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait
Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)
Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes
laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines
laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08
Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute
comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui
ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain
et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la
population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance
149
Rosemont Petite-Patrie
Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits
commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes
pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les
parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau
Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de
services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave
pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect
nest tregraves eacutevident dans tous les discours
Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)
[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)
Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans
leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits
et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave
freacutequenter ces lieux
laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur
150
Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07
laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)
Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement
Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal
pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute
dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu
de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie
une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes
les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier
Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)
laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04
151
Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur
quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le
plan financier et social
Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va
au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine
laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage
non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats
marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de
Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute
pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et
laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats
vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en
quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et
services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui
eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs
deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les
lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que
des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence
Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un
caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du
quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute
comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services
Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du
quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les
jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de
proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont
jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)
Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les
personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que
dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les
152
caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des
services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent
certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes
et appartenant agrave des professions intellectuelles
Espace de sociabiliteacute
Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant
leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles
ils participent et des relations de voisinage
Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier
Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes
solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute
faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et
discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire
des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier
Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees
depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude
On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les
reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du
Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur
arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en
matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus
haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties
et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes
non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de
la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de
153
lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus
enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des
personnes rencontreacutees
Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois
Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement
PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37
Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34
Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47
Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20
Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50
Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes
pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les
jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus
les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des
sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur
154
Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois
Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans
leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total
Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32
Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18
Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46
Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25
Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6
Total (N) 11 5 16 26 24 50
A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier
qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de
Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs
Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal
freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des
restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les
bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les
rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent
Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)
155
Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent
certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits
Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)
Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii
Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO
Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un
degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute
danonymat variable
Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants
concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les
boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils
freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs
On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance
Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles
et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un
autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal
156
Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07
Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06
(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI
Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur
quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont
en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau
Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue
un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui
comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement
lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement
pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens
reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI
[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)
Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-
Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines
commoditeacutes offertes
157
Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07
Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les
dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens
forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la
laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements
influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo
La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations
sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier
central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes
plus en peacuteripheacuterie de la ville
[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ
Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ
158
Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se
limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir
des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier
Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales
selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute
et de la distance au sens de Simmel
Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs
majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les
groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs
comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui
linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des
reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa
disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-
Royal
Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier
En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils
laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des
commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils
laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux
cas de figure selon larrondissement habiteacute
J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)
[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)
159
Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que
chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent
davantage les personnes quils croisent
Espace politique et associatif
Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun
travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu
concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance
dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point
aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer
sur la scegravene locale
Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)
Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute
une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus
speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements
et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de
faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart
dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le
dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune
importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction
Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)
160
Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les
jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une
laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont
pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais
portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local
ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls
Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo
Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous
pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la
proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude
Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la
distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques
fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves
positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme
un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de
plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels
Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues
commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage
dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des
trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par
le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le
Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants
repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut
progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des
emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans
liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le
mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le
161
dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport
entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents
Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins
important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des
quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est
deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un
prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne
retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est
ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et
des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils
reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui
comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus
modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars
des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la
rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants
sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces
espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite
Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des
caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre
il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes
ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter
Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les
processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement
gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave
lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le
sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise
dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace
de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute
162
En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes
dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)
Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui
seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La
sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire
superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace
commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple
plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement
personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations
sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette
figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos
reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent
une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les
jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de
lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent
Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en
quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls
Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes
diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et
politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont
Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau
les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et
sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le
rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute
et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par
ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir
une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus
jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux
163
locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti
politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier
Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun
comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie
des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui
habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que
le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des
processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge
des individus
83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX
Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous
attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de
preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui
composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants
Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous
examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations
sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral
La taille
Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que
nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de
personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre
19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39
Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que
lautre moitieacute en a moins
164
Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes
adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge
adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf
reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux
cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge
Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine
dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il
passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport
sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la
jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs
reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de
jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes
outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304
personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-
agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez
les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et
dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35
et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants
provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du
Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de
la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs
caracteacuteristiques
15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte
165
Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt
Arrondissement Provenance habiteacute
Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et
Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano
Jeunes adultes
Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)
Total eacutechantillon
Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)
En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du
Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent
les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants
qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de
Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes
mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires
agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites
dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires
Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont
meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on
remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que
celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est
possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif
166
Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul
la provenance et la taille des reacuteseaux
Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20
Les intimes
Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs
reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens
de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes
correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent
de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du
Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les
jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les
reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que
pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas
de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page
suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques
167
Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1
Personnes rencontreacutees
Jeunes adultes
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Solos plus acircgeacutes
Moyenne Meacutediane
(N) Total eacutechantillon
Moyenne Meacutediane
Part repreacutesenteacutee (N)
Arrondissement Provenance Total habiteacute
Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens
Montreacutealais reacutegion Cano
8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6
20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)
7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15
24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)
7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12
22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)
Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes
que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes
originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de
proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau
Caracteacuteristiques sociales des membres
Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans
lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34
ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre
dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont
168
acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute
atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent
en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des
jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques
Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total
Alters des jeunes
adultes
N= 656
6 34
192 189
77 44 31 29 14 20 20
63 536 21 6 24
N=650
1 48 91 431
N=571
184 252 o
108 89
633
Personnes rencontreacutees
N=16
o 1 6 7 2 o o o o o o
3 12
N=16
1 15
N=16
16
16
169
Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales
des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant
lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur
groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute
universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des
reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de
324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les
proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par
rapport agrave ceux des jeunes adultes
170
Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls
Caracteacuteristiques
Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus
Total
Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide
Total
Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire
Total
Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total
Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans
Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)
88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)
301 (100)
19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)
3 (10) 2 (43)
10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)
292 (100) 14 (100)
4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)
187 (680) 9 (643)
272 (1000) 14 (100)
96 (324) 100 85 (287)
92 (311)
22 (74)
1 (03) 296 (1000)
Alters (N=673)
99 (147) 201 (299) 309 (460)
63 (94)
672 (100)
30 (46) 468 (723)
96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)
646 (100)
10 (19) 92 (171) 83 (154)
354 (657)
539 (1000)
242 (37) 197 (301)
178 (272)
36 (55)
1 (02) 654 (1000)
Altersmiddot Egos 51middot65 ans
Eacutegos (N= 20)
100
1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)
0(00)
20 (1000)
0(00) 2 (100) 3 (150)
15 (750)
20 (1000)
20 (100)
171
Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes
solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et
scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme
nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans
les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de
Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient
tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les
classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous
navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave
l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et
semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode
dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des
reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela
sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons
que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave
1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer
1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes
marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des
divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples
sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur
des familles ayant des enfants du mecircme acircge
La composition des reacuteseaux
Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont
majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous
les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus
de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des
liens
En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les
connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs
172
liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille
repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus
importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )
par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez
les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des
liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes
Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus
acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et
vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817
et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge
Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute
Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656
N= 528
Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96
Conjoint 08 02 03
Ami 773 468 527
Travail 16 123 102
Voisinage 00 34 27
Connaissance 00 216 174
Autre 00 13 11
Total 1000 1000 1000
173
Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans
Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671
N= 209 N= 525
Famille 177 215 204 157 209 198
Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116
Conjoint 22 05 10 14 00 03
Ami 700 459 532 801 486 554
Travail 33 124 97 21 97 80
Voisinage 00 81 57 07 95 76
Connaissance 00 100 70 00 107 83
Autre 67 14 30 00 06 04
Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000
Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la
provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie
possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et
dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui
concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont
une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de
leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent
une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-
Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que
dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des
reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance
174
Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion
Liens des alters jeunes adultes
des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188
Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138
Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161
Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus
de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout
de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les
groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute
et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute
plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville
que Montreacuteal et de lEurope
Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux
Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville
de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace
de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche
Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui
habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace
joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la
reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur
175
le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la
freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur
lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode
dhabiter
Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls
Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des
alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre
reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo
La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de
Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux
qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui
habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La
cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent
dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement
distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le
Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des
reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence
des personnes rencontreacutees
La reacutepartition spatiale des alters
Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir
que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion
Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de
Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal
(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur
Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans
laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses
enquecircteacutes
176
En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des
membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins
de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de
Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la
personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute
dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour
Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6
Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens
Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters
Intimes Autres Total Liens
N =127 N=510 N=637
RMR 630 516 682
Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88
tle de Montreacuteal 567 422 580
Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69
Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220
16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes
177
Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que
25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui
concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on
compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart
(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants
Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la
provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters
qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le
mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des
reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux
reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants
europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville
canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais
dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des
reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute
de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342
178
Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179
RMR 682 669 685 813 495 486
Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100
Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386
Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61
Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06
Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39
Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475
Chi2 0675 0000
V de Cramer 079 0342
Les intimes et les non-intimes
En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes
adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles
deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion
meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux
est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre
arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement
voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation
dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du
Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on
compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que
179
chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les
Montreacutealais
Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon
larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de
distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil
nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux
sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en
ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont
sont significatives
Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41
RMR 80 64 16 54 8 18
Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4
Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14
Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4
Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1
Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23
Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444
180
Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance
Total Arrondissement Provenance habiteacute
Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion
N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138
RMR 434 241 58 237 42 69
Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14
lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55
Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7
Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg
Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7
Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62
Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324
Les adultes mucircrs et vieillissants
Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence
des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la
majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690
pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees
dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de
proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le
mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans
181
Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge
Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans
Moins de 35 ans
Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens
N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639
RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720
Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128
Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592
Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64
Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69
Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158
Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122
En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes
sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement
concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le
mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus
petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement
international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les
reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de
la province de reacutesidence est eacuteleveacutee
182
Liens et espaces de proximiteacute
Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de
leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues
Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego
sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins
citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes
de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec
un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees
parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes
mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois
plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes
Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego
Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice
(N= 149) N=11 ) (160)
Famille ~roche 0
Famille eacutelargie 3 0 3
Ami 92 4 96
Travail 13 0 13
Voisin 10 7 17
Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4
183
Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull
36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total
Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)
Famille proche 0 0 0 7 2 9
Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4
Ami 31 2 33 72 14 86
Travail 4 0 4 10 0 10
Voisinage 3 11 14 20 28 48
Connaissance 8 0 8 12 0 12
Autre 4 0 4 0 0 0
Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme
arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un
membre de la famille proche et un collegravegue de travail
Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement
larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes
damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes
Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que
le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit
principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de
travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial
international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille
184
Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos
reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun
reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations
sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de
sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux
des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les
modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes
Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations
sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute
de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de
vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de
nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur
quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral
Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de
travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et
des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de
Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent
avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un
rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux
publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent
dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la
freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs
amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour
dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte
pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un
eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien
185
laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22
Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans
lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs
laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01
laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10
186
Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent
plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute
constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien
Le mode de la sociabiliteacute publique
Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de
second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais
celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations
de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En
effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une
place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la
proximiteacute des membres de leur reacuteseau
Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son
quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde
pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de
son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui
Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les
pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral
[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)
Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi
187
que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)
Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute
relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute
spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation
situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal
Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)
188
Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui
habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme
facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie
entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin
(1987)
Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement
leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral
Lurbain mobile
Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne
constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute
en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur
arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le
mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports
de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation
de lieux publics
En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas
neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la
taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique
relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de
vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur
quartier
189
CHAPITRE IX
INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS
Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge
Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de
reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes
effectueacutees sur le sujet
91 Synthegravese des reacutesultats
Les caracteacuteristiques
Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux
arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils
sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos
bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de
mecircme que celle de Kaufmann (1994a)
Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute
laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours
biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie
conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants
dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment
de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres
sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils
ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter
seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme
et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les
constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut
190
Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la
girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de
lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au
logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur
logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied
agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le
rapport entretenu au logement
Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de
solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave
la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus
de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes
Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur
quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition
spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs
reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le
mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres
de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos
reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et
local des reacuteseaux des immigrants
Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes
sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois
dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens
191
Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas
un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement
leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela
sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un
lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au
quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de
thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et
Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous
avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches
Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan
dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-
Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la
relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela
sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute
de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de
vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la
proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils
entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est
surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et
fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de
femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela
rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes
avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie
quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait
surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations
seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces
192
Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres
formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au
quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le
faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique
ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux
situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le
rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de
proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la
Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute
spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute
Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de
sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement
queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous
avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la
distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude
Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport
symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-
Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute
publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations
diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les
jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier
ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis
que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour
habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel
tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire
rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports
symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs
caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un
logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines
193
sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement
et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave
sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du
temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des
repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des
Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous
avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences
avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du
Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien
contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes
En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au
quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais
aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les
territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci
explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres
caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social
chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le
processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations
sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la
surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus
diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de
diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des
parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de
reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les
pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de
proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en
loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes
194
Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de
rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre
eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui
habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue
une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute
de diffeacuterences majeures entre les genres
92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo
En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus
acircgeacutes
Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que
leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement
ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire
reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la
trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes
De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos
plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes
cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des
individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes
En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et
de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des
adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier
ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les
rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez
les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs
homologues plus acircgeacutes
195
Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi
un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois
mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le
Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle
et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par
laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont
appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite
Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute
publique que leurs homologues plus jeunes
En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que
celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions
dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays
appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes
solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un
cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des
reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux
sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits
reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce
quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes
quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements
Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes
ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs
alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint
un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et
semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes
adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les
connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la
famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes
de solos plus jeunes
196
On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes
adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute
contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute
chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien
ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents
du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les
reacutesidents du Plateau
Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent
diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se
rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents
La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une
particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des
speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de
vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes
dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation
symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de
support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain
repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de
lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur
mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain
197
CONCLUSION
Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement
Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en
milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la
sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux
nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens
sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes
sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont
deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans
une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et
non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les
migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est
deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet
individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une
individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se
traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique
entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat
providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes
qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de
lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en
milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais
aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre
inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont
connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville
fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de
reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave
la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment
198
disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville
comme porteur disolement et de dissolution des liens
En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces
quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de
deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de
diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace
de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la
communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un
facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu
que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de
proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il
reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens
forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes
Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas
neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les
cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques
de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos
interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute
une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent
seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie
Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison
entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont
fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la
dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien
Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue
speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et
la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les
personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie
199
Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes
transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les
relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux
publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la
proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu
que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr
et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes
concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la
composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du
Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les
rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces
reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous
pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine
que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute
En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-
ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les
comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique
semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de
vie en solo
Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une
veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales
et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute
reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites
dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et
de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu
urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie
qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes
eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que
le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de
vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute
200
Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le
reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances
inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes
rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait
lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie
Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode
de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres
de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la
transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave
la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent
davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune
transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi
sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les
plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il
nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina
(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de
repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A
transitional period et Solo living for the long term
Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)
envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle
deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de
vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres
reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls
Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce
type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par
ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes
adultes rencontreacutes
201
La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une
perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre
de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie
reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine
personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces
personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave
un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres
Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme
repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)
ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la
moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur
mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement
Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos
reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les
caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de
lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes
que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation
eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur
les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont
lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de
logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude
Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans
Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se
sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur
condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est
relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes
adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment
de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les
202
reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus
susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre
eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces
quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres
de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain
En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute
constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de
voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en
peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement
deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers
peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la
voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules
moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-
Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-
eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue
un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces
contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements
sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques
tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul
est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus
petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus
importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-
Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La
compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas
passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent
203
APPENDICE A
Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes
Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes
Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700
204
APPENDICEB
Villeray
Outremont ~ -
Rosemont
~ e _ pire
_ commerce
centre-ville
PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie
205
APPENDICEC
Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie
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