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INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE, CENTRE URBANISATION, CULTURE ET SOCIÉTÉ TRANSFORMATION DU LIEN SOCIAL EN MILIEU URBAIN : UN EXAMEN DES PRATIQUES DE SOCIABILITÉ ET DU RAPPORT AU QUARTIER CHEZ LES JEUNES ADULTES QUI HABITENT SEULS DANS LES QUARTIERS CENTRAUX MONTRÉALAIS MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN ÉTUDES URBAINES PAR MIREILLE VÉZINA 2007

transformation du lien social en milieu urbain

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Page 1: transformation du lien social en milieu urbain

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

CENTRE URBANISATION CULTURE ET SOCIEacuteTEacute

TRANSFORMATION DU LIEN SOCIAL EN MILIEU URBAIN

UN EXAMEN DES PRA TIQUES DE SOCIABILITEacute ET DU RAPPORT AU

QUARTIER CHEZ LES JEUNES ADULTES QUI HABITENT SEULS DANS LES

QUARTIERS CENTRAUX MONTREacuteALAIS

MEacuteMOIRE

PREacuteSENTEacute

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAIcircTRISE EN EacuteTUDES URBAINES

PAR

MIREILLE VEacuteZINA

2007

11

111

AVANT PROPOS

Ce meacutemoire constitue mon premier travail de grande denvergure en sciences sociales mais aussi mon plus grand accomplissement sur le plan personnel La recherche est avant tout un travail en solo Cette reacutealisation requiert une discipline et la construction dun mode de vie typique agrave la recherche Il reste que ce travail naurait eacuteteacute possible sans laide et lappui de diverses personnes

Je tiens dabord agrave remercier tous les reacutepondants de lenquecircte qui ont accepteacute de me rencontrer et de mavoir consacreacute geacuteneacutereusement de leur temps Cest particuliegraverement gracircce agrave ces personnes quil est possible de reacutealiser de tels projets

Je remercie aussi tout particuliegraverement ma directrice Johanne Charbonneau de mavoir fait confiance et de mavoir inteacutegreacute dans le projet Habiter seul Cette expeacuterience a eacuteteacute pour moi lune des plus enrichissantes sur le terrain puisque le deacutefi eacutetait de taille Mon expeacuterience au sein du projet Habiter seul ma non seulement initieacute au milieu de la recherche mais ma aussi permis de deacutevelopper une grande autonomie et une certaine maturiteacute scientifique Sans cette expeacuterience ce travail ne serait pas ce quil est Un grand merci agrave Annick Germain qui a eacuteteacute aussi mon professeur de mecircme quagrave Ceacutecile et Martin pour le travail que nous avons reacutealiseacute ensemble Je dois aussi beaucoup agrave Marc Molgat pour mavoir pris sous son aile dans lanalyse et la diffusion des reacutesultats du projet Les discussions sur les analyses les publications et la participation aux congregraves sont des expeacuteriences exceptionnelles pour un eacutetudiant agrave la maicirctrise

Aussi je dois beaucoup agrave ma famille pour mavoir depuis plusieurs anneacutees toujours encourageacute agrave poursuivre cette voie et supporter dans cette aventure Merci agrave mon pegravere Serge pour avoir toujours cru en moi et mavoir motiveacutee agrave poursuivre des eacutetudes en sociologie Merci agrave ma megravere Anne pour son soutien moral et son estime pour mon travail Merci agrave mon fregravere Sylvain pour mavoir endureacute et partager le territoire de travail

Merci agrave Edith Alix et Marie-Reneacutee pour mavoir supporteacute en suivant les hauts et les bas du projet et agreacutementeacute laventure avec les soupers defilles Votre amitieacute est preacutecieuse etfait partie des plaisirs et des joies qui ont marqueacute mes anneacutees INRS

Enfin merci agrave mon Mathieu pour mavoir encourageacute conseiller et supporter dans ce projet au quotidien Ta bonne humeur et ton optimisme inneacute mont fourni leacutenergie neacutecessaire pour surmonter les peacuteriodes les plus ardues et mettre ce travail agrave terme

IV

REacuteSUMEacute

Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les

quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de

lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les

jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un

visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute

agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts

interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute

chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et

les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu

avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave

ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans

leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux

sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos

analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de

sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier

leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de

conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la

moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain

v

TABLE DES MATIEgraveRES

AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x

INTRODUCTION 1

PREMIEgraveRE PARTIE 6

CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11

13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25

Conclusion du chapitre 1 26

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28

21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29

22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40

Vl

23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45

Conclusion du chapitre Il 47

CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54

Conclusion du chapitre III 55

CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66

42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79

vu

CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81

51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81

52 HyPOTHEgraveSES 82

DEUXIEgraveME PARTIE 84

CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES

Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84

DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86

Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92

62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99

CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0

75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112

ix

APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206

LISTE DES FIGURES

Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56

Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la

75

population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93

Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116

Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117

Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131

x

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71

Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132

Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153

Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154

xi

Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166

Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168

Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174

Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183

INTRODUCTION

Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne

cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette

maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des

formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la

proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001

(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de

lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la

prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de

personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais

aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du

nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain

en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains

La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se

retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le

fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou

laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux

multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la

quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs

ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations

speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-

eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent

difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un

logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs

ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont

une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement

mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002

Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)

2

Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute

linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce

mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans

notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc

Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les

modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage

urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance

soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie

quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et

la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative

et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux

questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu

urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans

un contexte meacutetropolitain

Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de

cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de

plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le

cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers

centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle

mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur

quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu

urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des

modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles

et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a

conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils

habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces

trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux

sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier

3

Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la

transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute

des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux

questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux

chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et

l interpreacutetati on des reacutesultats

Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La

question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie

et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la

sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le

chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la

transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de

leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De

plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des

travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin

nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux

lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la

sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune

socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande

ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine

alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec

nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente

eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement

et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet

4

Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous

indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique

de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des

jeunes adultes qui habitent seuls

Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception

du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde

moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des

grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui

caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres

anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui

habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des

personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la

socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus

dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave

diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le

contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une

transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes

sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les

jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi

au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux

Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport

entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave

leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le

choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des

territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que

les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre

VII

5

Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les

trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et

geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire

reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type

de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et

ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au

rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de

sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps

libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur

reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres

dans lespace

Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une

reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees

sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons

rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte

Habiter seul vivre isoleacute

6

PREMIEgraveRE PARTIE

CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE

La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec

La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres

fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des

relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme

coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus

durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une

perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport

au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme

Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social

dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables

et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute

LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le

peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique

des relations sociales

Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir

duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social

lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social

de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain

7

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu

La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des

conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute

1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre

autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet

selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont

traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une

demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et

deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des

transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour

la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole

et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans

lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces

bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent

en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont

favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du

travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural

(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans

1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de

survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)

Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement

devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute

dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans

une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le

village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail

pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des

uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux

agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la

sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui

le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques

8

ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes

nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la

population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social

La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les

contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures

eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la

reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles

des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective

eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque

les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes

industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens

communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de

laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas

1995)

Ferdinand Tonnies

Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg

et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute

tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories

rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de

sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief

1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie

dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la

logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans

la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute

Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus

importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution

industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux

ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees

9

Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola

communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type

communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation

communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave

linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang

ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la

petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une

logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec

lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit

Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de

compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette

perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la

grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait

mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide

comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais

psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon

Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes

traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le

calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la

transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute

porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme

10

Eacutemile Durkheim

Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la

sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave

Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce

moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition

positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de

faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De

la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du

contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail

Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon

concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente

lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et

lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du

travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les

socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un

type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute

meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave

1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une

absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte

conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de

1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement

de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien

social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des

personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette

solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande

autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les

individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la

typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens

11

laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui

correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette

classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et

linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil

occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des

liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une

association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull

Max Weber

Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville

europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est

un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a

enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute

la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et

a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs

contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de

sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales

industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La

Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas

1995 Weber 1982 (1947))

Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien

social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon

Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les

liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute

urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)

1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)

12

Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non

urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent

neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et

de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la

ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de

sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave

part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest

pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et

leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci

tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau

mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute

Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de

diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre

autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se

traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle

liberteacute

En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux

eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se

retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu

dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de

codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des

contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en

milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu

creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))

Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la

ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des

relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du

lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi

13

par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des

situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)

13 La sociologie urbaine

Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger

Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la

ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la

moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs

laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave

saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995

Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux

conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la

communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples

sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie

agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus

complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une

deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques

de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des

rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))

Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave

une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903

(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee

que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se

trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au

cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes

et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)

Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes

conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve

et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus

14

dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo

speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de

lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques

des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus

dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des

biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit

En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature

eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein

duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la

relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo

Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de

laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus

calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux

et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour

la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un

mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux

formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute

personnelle

Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus

des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de

lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli

sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la

deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les

conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain

15

La figure de lEacutetranger

La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation

de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur

qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il

sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas

avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans

la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais

compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport

agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la

forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo

(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations

sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave

la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de

deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain

et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes

urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui

sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports

entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La

dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des

caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en

quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains

imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses

eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de

reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses

distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)

16

Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de

Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls

dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger

qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de

lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les

pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine

lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)

Leacutecole de Chicago

Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur

lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs

qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979

Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago

qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique

Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au

sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la

sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie

une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac

1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des

plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette

peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte

particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance

deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants

ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants

en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de

personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation

denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la

ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la

cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le

nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus

17

dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua

agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les

conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto

La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social

pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago

furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population

avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes

Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago

furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers

constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute

1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la

laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une

organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974

Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den

expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories

relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus

fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute

1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux

au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement

inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute

urbaine

Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de

Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation

sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes

comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de

lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute

sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo

constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au

monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)

18

Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de

Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste

et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park

Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain

(Grafmeyer et Isaac 1979)

Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les

inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral

absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy

et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de

choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et

laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif

typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les

figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park

comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago

dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des

liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde

non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des

fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac

1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de

parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on

creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts

interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la

reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)

Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park

et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils

ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et

linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations

sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle

19

Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres

deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese

de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la

question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en

situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes

sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de

communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la

communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee

La thegravese de la communauteacute perdue

Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de

lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de

Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte

en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation

Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et

relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les

liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par

rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton

1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux

ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce

quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des

situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances

(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain

comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez

Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants

et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail

la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce

qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte

urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)

20

La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les

anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les

villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la

communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la

communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement

refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune

certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais

surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques

dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le

quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de

voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le

voisinage jouent un rocircle coheacutesif

Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes

quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se

penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les

thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou

communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au

deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute

La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)

Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux

tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)

Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des

deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et

politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient

entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen

plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative

21

et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du

Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau

2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont

plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les

Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites

politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des

terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et

agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers

les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation

linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on

proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient

aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre

le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau

2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur

lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie

relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le

Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par

ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee

tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves

New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)

Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales

et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies

et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau

2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes

migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de

famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se

fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies

reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres

de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les

logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo

22

(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les

reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours

contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987

Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)

Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas

seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants

vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)

Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)

Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le

XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs

dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou

de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une

contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements

interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des

va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)

les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le

mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme

paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute

Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo

(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle

fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin

1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de

leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique

reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute

(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette

1992)

23

Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute

Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la

premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux

dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur

le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux

urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute

posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue

(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)

En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu

diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand

et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et

tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des

reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour

une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins

dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce

contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute

important pour les loisirs et lentraide

Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et

de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et

lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et

les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires

montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde

familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse

et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute

industrielle montreacutealaise

24

Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)

Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs

lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de

Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus

tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les

modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace

Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et

supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus

laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin

1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et

les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par

lintermeacutediaire des enfants

La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre

la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce

entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des

lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et

reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus

(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)

Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales

dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui

distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la

25

capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des

occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes

neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton

(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon

laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du

quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de

premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le

quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain

Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport

comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a

favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix

reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat

2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de

lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de

reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique

des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom

lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo

spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus

agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne

constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux

qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de

nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les

individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)

26

Conclusion du chapitre 1

Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de

lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la

dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est

dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations

sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le

salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles

lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations

non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la

transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle

acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de

lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous

avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des

aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation

Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de

leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les

migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils

quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une

aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi

dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de

dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent

toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des

jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le

salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la

moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels

Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle

des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des

formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales

27

comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance

des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui

caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque

Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi

inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le

contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux

et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le

vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription

territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques

enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions

28

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL

Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier

Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous

verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux

sociaux disolement et de quartier

21 La sociabiliteacute

La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)

La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance

de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange

et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre

les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou

dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des

personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se

traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre

ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes

des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la

distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les

individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont

faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis

damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens

forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien

(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de

la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager

diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus

entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande

29

La sociabiliteacute publique urbaine et marchande

La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus

laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la

reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre

ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La

sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace

commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou

une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les

autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics

sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain

1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le

caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain

peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de

Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles

dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins

La sociabiliteacute intime

Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes

que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le

mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance

des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute

relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes

qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas

pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et

laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La

3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute

30

)

sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la

proximiteacute relationnelle quelle implique

Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la

reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave

linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail

leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les

connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les

personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute

intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes

Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on

peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social

22 La notion de reacuteseau

Lorigine de la notion

Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et

de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la

monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix

Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons

dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des

caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu

plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement

geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau

renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la

communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les

frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux

liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un

contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La

communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans

31

lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de

Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des

relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins

importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme

Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans

lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte

moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son

reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces

Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une

thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave

partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu

compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute

avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-

selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des

liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one

person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le

reacuteseau change avec le temps et les contextes

Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription

territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations

intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050

personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des

anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain

seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer

1982)

Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par

Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le

mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des

reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne

32

sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par

les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient

une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)

et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality

and preferences determine with whom - that is with people from what social context -

individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est

responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de

plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de

la personnaliteacute de lindividu

Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en

France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les

reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent

que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du

voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de

laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus

nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la

famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens

Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des

relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace

de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au

caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de

proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des

relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture

autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace

geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les

liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves

du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que

ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits

dans lespace de proximiteacute

33

Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition

des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un

contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par

ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des

lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse

sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les

individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart

lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes

sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)

laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des

groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des

reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions

des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux

plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et

Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des

cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations

structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du

principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure

dinteraction entre les personnes

Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux

personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des

entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette

approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les

individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre

les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude

34

Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions

Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la

famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave

partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se

construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de

leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne

maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de

plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu

eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante

laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)

Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI

constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le

caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave

un soutien social

Le noyau et la taille du reacuteseau social

Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en

relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus

significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu

juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses

importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son

centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image

le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui

35

creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998

119)

Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave

des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles

(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations

superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon

peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de

quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et

lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les

deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent

deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes

diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter

(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte

meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon

demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des

sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens

faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou

les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens

forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis

La densiteacute

La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister

entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et

Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la

densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee

36

La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social

Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un

certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des

biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de

relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne

des individus comme le travail et le logement

On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)

Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut

reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas

garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau

car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide

sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui

existent

Le caractegravere mouvant du reacuteseau social

Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle

de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann

1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une

nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle

de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer

(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982

Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres

disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard

4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)

37

Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les

adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge

adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux

chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit

avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non

seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus

grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et

moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de

Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau

que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le

mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas

neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)

L homophilicirce des reacuteseaux

Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des

caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se

ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes

semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982

Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette

tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes

plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes

et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux

plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents

Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les

1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave

quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990

dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un

eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982

dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus

38

jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les

contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en

lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux

mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire

Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)

(Bidart 1997)

Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables

soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte

2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement

des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des

ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute

des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles

centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge

Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des

liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple

constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et

la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute

ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en

couple (Bidart 1997)

laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)

39

De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules

a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de

maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son

groupe damis

laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)

Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le

maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas

des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de

vie

Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses

ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux

personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute

du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui

faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de

voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des

individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales

que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et

freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute

de couples de familles et que lon a peu de liens

bull

40

La question de lisolement social

Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes

qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social

correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et

Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment

subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet

comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute

par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis

quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le

souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes

comprises dans leur reacuteseau

En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de

solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes

attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de

pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter

seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes

plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement

(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute

eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut

occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de

certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une

certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute

relationnelle (Martin 1993)

Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui

portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et

Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par

leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)

41

En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat

(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du

quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des

membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les

reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous

lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en

acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en

emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des

reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des

facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial

lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait

dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la

perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes

Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux

tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en

situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation

socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas

preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils

sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur

les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos

reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de

quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux

saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi

consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute

42

23 Lespace de proximiteacute et le quartier

Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des

theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion

municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention

publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des

populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La

diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et

les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles

traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est

unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres

et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il

repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le

logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon

la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave

laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus

pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace

domestique au profit de la ville

Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)

Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du

domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee

par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous

renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de

proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans

lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on

pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations

43

sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une

enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes

Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace

urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du

centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains

en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire

de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des

pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en

transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous

renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce

territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales

Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche

nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous

envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs

dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en

fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le

quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres

cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville

(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un

espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme

eacutetant un

Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)

44

Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes

facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain

1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la

notion de quartier

laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo

Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un

espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la

construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique

Un espace dintervention politique et daction collective

Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour

deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son

ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une

eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui

a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)

Un espace fonctionnel

La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des

modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave

lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et

services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique

(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent

un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa

4S

sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel

faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit

Un espace symbolique

Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut

correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison

uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et

Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave

laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique

contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants

sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se

situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et

St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo

Un espace de sociabiliteacute

Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut

eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou

lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux

publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique

proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique

et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social

Les enquecirctes sur le quartier

Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de

la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par

Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les

quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels

de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et

un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes

46

et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les

bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par

ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences

reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des

laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un

quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)

En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur

deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des

deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de

travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social

influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les

relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de

40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute

Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute

deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute

du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement

commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le

rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux

lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence

damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne

constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des

personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain

attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain

Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier

Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et

de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu

de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et

fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont

47

aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en

ce qui concerne les sorties

Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes

queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les

jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce

qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur

parcours

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au

quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France

semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes

Conclusion du chapitre II

Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de

proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave

lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de

sociabiliteacute Il sagit dun produit social

Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de

Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un

rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des

adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous

preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions

de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se

concentrer dans les quartiers centraux des villes

48

CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE

Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes

Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister

entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le

rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement

elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel

deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle

examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du

deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce

que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition

geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes

adultes qui habitent seuls

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse

La concentration des jeunes adultes en milieu urbain

La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la

nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat

(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une

localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de

la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun

quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232

de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de

ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements

centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent

respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette

concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal

49

Les migrations la ville et le cycle de vie

Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge

reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations

symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004

Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du

sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours

de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des

grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les

mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003

Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le

travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de

liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez

les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent

2004)

Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort

chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les

moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme

eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans

qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus

scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon

nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont

plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les

quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens

de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois

professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la

preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non

seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties

et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et

Rose 1998)

50

Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls

constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle

de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-

Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix

qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple

ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes

et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere

des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en

meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les

plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat

2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de

ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une

augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent

seuls (Molgat 2000)

Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de

grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc

Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans

les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de

repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure

renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au

moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui

pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la

tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent

2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la

creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi

vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et

de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne

51

La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu

daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave

une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes

Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement

associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas

particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et

didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou

beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo

Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou

simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en

ville agrave un moment de leur parcours biographique

53

La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent

que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle

la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un

mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse

totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les

relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls

sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et

consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup

(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain

lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une

dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les

jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur

permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les

eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les

jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee

tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain

Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les

premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont

caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull

lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon

eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en

preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le

processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux

et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux

liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent

seuls

54

Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier

En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que

le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de

personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le

cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans

leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)

assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des

personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint

celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier

ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux

habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace

laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le

qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la

disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite

et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute

structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la

classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort

aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui

seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est

tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme

dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)

Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et

les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave

linteacuterieur de la figure 31 de la page 52

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter

comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par

ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute

publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des

55

Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave

Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les

secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes

soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie

Conclusion du chapitre III

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo

Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee

et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre

des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas

sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles

maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin

de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du

nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain

56

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non

Thegraveme de comparaison

Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos

Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine

- S y installent pour les eacutetudes ou le travail

Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire

Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial

1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue

2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte

3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels

Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois

Oui selon leacutetude de Xavier Leloup

Agrave voir

Le rapport agrave lespace Urbains

Locataires

Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties

Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)

Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)

Voisinent peu (Leloup)

Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)

Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)

La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace

et moins deacutependant de lespace de proximiteacute

Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude

Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul

57

CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE

Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales

Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la

moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que

plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et

Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute

constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que

les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien

Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands

changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute

sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs

classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct

reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et

culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de

vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute

des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont

plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest

plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus

grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures

sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le

processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance

socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses

sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire

supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes

Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls

modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de

parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi

connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de

58

certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance

de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes

villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont

connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des

transformations des modes de peuplement urbain

Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de

personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des

solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les

contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation

comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons

jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale

et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des

structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style

de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de

ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo

Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut

de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun

mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)

Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des

religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les

prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes

et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et

familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest

laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer

seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann

1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au

statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou

moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et

59

Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps

(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)

De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et

particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme

au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de

lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique

Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des

meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du

monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de

leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus

dindividualisation des modes de vie

Les concepts de moderniteacute

On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois

moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-

neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette

peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes

sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des

identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck

2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de

lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des

conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de

mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la

raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient

individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les

aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale

placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les

familles agrave sentraider

60

Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80

Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute

eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations

vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et

soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille

Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des

conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une

indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont

contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet

au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la

santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection

aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin

1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise

comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales

comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et

aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)

Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole

publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et

lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes

proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus

leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux

quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes

Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts

qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave

vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre

de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de

possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre

61

Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions

neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de

vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait

mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau

tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des

anneacutees 1980

La moderniteacute avanceacutee

Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques

sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis

bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de

demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme

Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou

postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous

une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-

1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et

dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il

eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees

Le processus dindividuation

La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres

favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et

des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993

Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel

qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire

(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute

de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme

groupe social (Jenson et de Singly 2005)

62

Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly

le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des

laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly

1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet

dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre

linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute

industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque

[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)

Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon

laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de

la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le

cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des

individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le

projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la

structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et

donc individualiseacutes

Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus

preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur

2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des

eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement

lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on

entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne

naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger

2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant

63

un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule

poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer

et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte

peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements

inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003

Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)

La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave

diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir

daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met

en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)

Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements

eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont

typiques de notre eacutepoque

Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres

deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles

exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003

Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger

2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu

dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute

professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette

conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les

conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus

jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003

Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans

la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre

preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte

dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de

peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme

si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas

64

25

20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5

0

neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement

accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme

lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres

anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec

(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la

speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur

combinaison avec des eacutetudes postsecondaires

Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec

~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~

Anneacutee

Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca

Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de

lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans

lacircge adulte

laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt

65

Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent

plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le

registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le

Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les

femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus

la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus

reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans

ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une

diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes

moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee

chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)

Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles

et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez

diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990

Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)

Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire

Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu

seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la

suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses

les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en

plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan

et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes

adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre

20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)

Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est

plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20

derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des

66

tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent

mener agrave cette situation

Les maniegraveres de vivre seul

Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les

personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que

certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes

circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann

1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous

renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees

La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de

solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une

double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent

associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes

laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont

souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le

cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez

soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo

laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans

certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie

en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive

(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et

comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau

Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes

vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous

examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet

5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo

67

Ceux qui subissent

Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui

quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas

de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des

difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui

vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993

Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de

faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui

requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et

temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux

valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et

appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise

Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative

puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont

souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a

Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale

rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne

semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du

mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la

vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive

Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur

mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur

indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent

1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans

un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu

de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993

157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec

son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur

situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de

certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de

68

jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent

1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee

dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme

carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de

Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de

figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme

les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les

jeunes adultes

42 Caracteacuteristiques des solos

Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du

Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a

Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991

agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains

auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave

partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont

laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent

beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann

1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et

particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup

2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes

beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et

reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite

nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes

adultes

69

Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques

Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui

habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees

de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51

demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle

seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave

34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees

ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland

1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des

personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon

Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema

deacutevolution qui suit trois seacutequences

[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)

Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la

page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de

Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34

ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada

donneacutees extraites du recensement 2001)

6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

70

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001

65+

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001

Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de

femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande

majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit

24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui

est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un

emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent

pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des

revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de

pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page

suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave

Montreacuteal

71

Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques

de la population

Sexe Femme Homme

Acircge

20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans

Statut Familial

Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve

Immigrants

Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel

Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi

Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus

sous le seuil de la pauvreteacute

Meacutenages composeacutes dune personne

38

49 51

29 36 35

24 1 7

63 5

17

87 6 7

86 14 30

16 16 21 18 12 13 4

38

Total (RMR de Montreacuteal)

100

51 49

33 40 28

12 43 3

41 2

22

86 8 6

84 16 26

18 19 19 16 11 12 5

20

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

72

Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute

Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des

logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont

locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de

la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de

Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)

Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent

entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $

Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux

(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le

recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus

nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu

de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela

sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux

73

Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)

de la population 38 100

Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58

Condominium 7 4

Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38

Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10

Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48

Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

74

1

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul

Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais

elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des

centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049

506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal

comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de

Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les

plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien

cette concentration

Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)

75

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total

bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)

moins de 20 (520)

_ pes de donnagravees

Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada

76

Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS

importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un

grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie

plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval

et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9

Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles

diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes

villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et

Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992

Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)

Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces

Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux

espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities

are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo

Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal

situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers

centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement

relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont

contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur

repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une

population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour

young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also

blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with

their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was

limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies

9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes

77

as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin

1998 831)

Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet

depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des

Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo

investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes

intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil

du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et

caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee

Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social

Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement

mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus

de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de

gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de

nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)

La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des

couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis

elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit

dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques

mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie

(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans

leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen

1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et

tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils

socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des

quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave

faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette

78

eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002

Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff

in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were

interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with

gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les

laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe

homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux

professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge

des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules

(Leloup 2005 Dansereau 1985)

Moderniteacute quartiers centraux et lien social

La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte

actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du

lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y

demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des

reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus

occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau

1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27

Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation

importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees

La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux

deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en

matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a

trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave

cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans

le contexte de la moderniteacute avanceacutee

79

Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux

Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus

dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et

les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de

consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le

processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au

sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave

leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher

1995)

En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre

de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa

personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont

construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes

plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille

Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait

speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)

Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut

comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les

mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements

offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles

personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave

nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la

moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de

proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de

contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les

technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la

distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de

la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1

80

Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations

sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des

processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a

contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en

redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent

seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut

se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement

pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se

retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on

peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et

diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille

les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches

habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en

changement ougrave ils sont fortement concentreacutes

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce

meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers

lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes

81

CHAPITRE V

QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE

Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une

tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter

seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent

urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois

mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble

entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous

sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui

preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations

symboliques

51 QUESTIONS DE RECHERCHE

1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier

11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)

2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social

22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)

23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees

24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau

25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier

3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute

31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo

83

Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et

biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur

mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de

lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des

quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de

leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui

preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les

territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix

84

DEUXIEgraveME PARTIE

CHAPITRE VI

JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE

Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie

Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de

recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute

pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-

ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune

eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de

solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a

seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal

qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules

Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur

le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage

administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les

besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de

reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute

dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des

arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui

habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de

recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-

Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il

sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement

constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le

centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements

de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le

plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)

85

De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des

profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies

par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave

temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR

presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP

ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi

diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui

reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le

loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans

larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux

arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des

Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent

aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes

qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des

cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les

rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs

comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale

deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme

le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi

Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des

reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants

reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas

confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous

nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude

Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales

et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le

fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers

86

DESCRIPTION DES TERRITOIRES

61 Le Plateau Mont-Royal

Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave

lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la

rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que

plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de

lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du

XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements

construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)

Description historique

Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord

une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs

laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon

des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard

Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du

Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues

dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui

explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une

tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le

boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du

tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le

deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave

lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des

forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les

populations anglophones et francophones

87

La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages

francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des

familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des

industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard

Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise

eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun

quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave

chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan

1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de

Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui

travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo

pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il

sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou

trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation

est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une

augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de

laugmentation de la population (Marsan 1994)

Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux

magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et

superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de

proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et

environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite

taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent

des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non

seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale

(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des

artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial

de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En

effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement

88

des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et

acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment

Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee

agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On

retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le

boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans

les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des

commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que

lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe

etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues

commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier

renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de

coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions

compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de

centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements

collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs

et centres de loisirs

Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les

repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche

entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette

œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la

marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce

territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)

laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)

89

laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo

Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et

dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des

reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de

fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les

habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger

(Rocheleau 1995 51) raquo

Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la

proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du

Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la

communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales

notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie

Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de

peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes

moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant

au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels

notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent

90

Dimension symbolique

Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des

Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi

principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels

Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de

larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une

population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de

Montreacuteal 2006 2)

Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides

touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et

RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et

dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des

derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit

le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo

laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et

les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de

lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur

Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-

Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec

2003 2) raquo

Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le

Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en

Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le

laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est

Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej

91

Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En

Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au

Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le

magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du

quotidien Le Devoir

laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo

(Le Devoir2005)

laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux

de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et

boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne

rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la

flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs

y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar

celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)

Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune

laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image

qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique

des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes

Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population

reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave

cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de

personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements

deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous

deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute

agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de

sociabiliteacute agrave ce quartier

10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml

92

Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a

suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore

aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet

arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que

lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche

dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis

1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans

repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest

stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee

de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la

proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on

constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de

la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de

Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153

Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une

baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal

que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est

passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion

de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63

Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au

Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins

importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait

32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001

93

Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par

rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des

immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts

(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil

du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les

personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient

28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53

en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi

dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette

croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la

figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de

lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001

f QI

1000 -j-------------W_------ ~ lt=

0 = c ~

bull ~

= 1 lt=8f 0600 +------------------------------

1971 1981 1991 2001

Anneacutees

Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada

94

Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des

loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci

jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation

sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que

le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute

la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que

la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour

lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-

Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des

Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de

Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus

de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus

scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui

a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee

2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la

Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de

locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la

proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si

on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de

proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les

revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la

demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le

jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En

effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal

loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non

seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de

la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements

dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de

27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal

95

Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de

larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave

redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa

repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des

rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des

nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et

remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas

propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo

Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves

eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal

deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces

eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs

Montreacutealais

62 Rosemont Petite-Patrie

Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier

populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs

(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle

du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie

situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops

Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian

Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues

Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier

Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-

Leacuteonard (voir carte en Annexe)

96

Tissu urbain et social

Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu

social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande

surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de

larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec

des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de

lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la

rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel

de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien

quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal

avec comme rue principale la rue Masson

Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-

Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun

espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation

dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres

le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave

valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus

agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute

agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave

lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de

lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand

territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre

Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en

voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le

Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons

97

diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau

Rosemont

Dimension symbolique

En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa

trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de

larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et

le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le

secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du

Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a

connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une

population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-

Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par

les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon

dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des

meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs

lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le

quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des

kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des

produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les

guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente

comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de

quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de

laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature

laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous

tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute

[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter

avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux

dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec

La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo

98

laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct

(Global Reacuteservation site internet) raquo

laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie

agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune

population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les

cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de

partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la

fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec

vacancecom) raquo

laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de

victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie

Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou

seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo

Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme

le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable

institution raquo

Description historique

Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le

deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du

tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement

la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait

selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes

(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du

Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des

zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce

aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui

accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les

99

Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au

deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie

municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-

Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute

principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis

Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu

aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet

arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal

Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971

Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de

Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique

de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de

Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi

importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent

en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis

1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave

RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des

proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que

pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important

de 134 645 agrave 157 606 $

Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers

des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de

la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau

de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a

100

diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque

tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37

Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI

laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent

infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les

revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave

4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre

1991 et 2001

Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit

eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971

on comptait 91 de locataires

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux

Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune

Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18

suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de

larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus

constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que

les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette

mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen

1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans

repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de

plus en plus vieillissante

Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus

heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil

diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de

larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-

101

Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique

commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la

Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute

qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le

Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc

Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des

touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse

Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des

deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon

laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie

Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en

culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et

ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles

dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo

En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee

par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas

typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous

laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet

arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus

speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette

partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique

diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie

dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on

peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui

font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification

102

CHAPITRE VII

MEacuteTHODE DENQUEcircTE

Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse

Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute

avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours

geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et

examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent

Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de

recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick

Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et

les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent

seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de

sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous

preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie

meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave

nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans

la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls

103

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)

Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave

documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de

personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs

eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres

de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et

collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements

laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain

ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de

transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel

1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description

du projet)

Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour

lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner

sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe

sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude

afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent

seulesll

11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire

104

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE

La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et

transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des

jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie

meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss

(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique

Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La

diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees

essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types

de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes

rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour

stratifier notre eacutechantillon

La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur

ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un

geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et

quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de

proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et

lintensiteacute des liens entretenus

Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi

dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et

aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier

Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-

eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de

logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau

social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode

quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee

105

par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere

mixte de notre strateacutegie meacutethodologique

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES

Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos

jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de

faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons

compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui

suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par

notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire

Le calendrier reacutesidentiel

Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne

rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille

composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de

logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil

a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier

reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave

habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations

recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette

faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire

correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les

eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave

habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes

correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie

quils envisagent dadopter agrave lavenir

106

Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte

Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl

habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par

contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne

agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines

relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot

du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)

dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain

Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre

et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes

de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une

premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)

qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses

importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils

entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie

actuels et passeacutes (Franke 2005)

Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille

les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de

rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la

personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees

Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave

deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence

des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont

permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social

Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de

107

lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme

arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi

eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees

dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des

membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions

nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme

que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement

quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes

avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes

auxquels elles sont associeacutees

Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du

reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement

concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et

linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain

Lentretien

Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le

deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs

du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la

vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les

questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la

distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont

eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie

concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de

situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent

freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes

du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une

ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de

son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de

voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes

108

adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur

quartier

Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de

compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter

seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES

Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien

social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement

du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant

dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux

principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au

minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode

significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave

la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le

deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal

Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais

nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir

effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues

Le recrutement

Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les

situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les

meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus

fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter

des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre

freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux

3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof

109

1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire

des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements

Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de

reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode

laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte

Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de

commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux

Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc

trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de

leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature

qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis

comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules

ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques

diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest

dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant

leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques

De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de

produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des

personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces

personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par

exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines

personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit

nombre de personnes

12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux

110

Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales

Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous

avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui

ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents

commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de

connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires

Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu

un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent

dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-

Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de

notre eacutechantillon

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre

Quartier Genre N Femme 8

Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11

Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6

Total Femme 11 Homme 5 Total 16

La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de

Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre

province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est

finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave

la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des

emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans

le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute

111

universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient

entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs

agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des

solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que

certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible

ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques

Quartier Personne rencontreacutee

Lieu dorigine Occupation et domaine emploi

Cateacutegorie de revenu

Niveau de scolariteacute atteint

Plateau Mont-Royal

PF01 PF02 PF03

France Montreacuteal France

Travail de bureau Eacutetudiante Communication

30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise

PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11

PF14

Ontario

Montreacuteal

Transport et services Finissante

30 000$ agrave 39 000$

20 000$ agrave 29 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise PF15

PH01 PH02

PH04

Montreacuteal

Queacutebec

Montreacuteal

France

Organisation communautaire Professionnel Communication

Gestionnaire

20 000$ agrave 29 000$

30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$

Plus de 49 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat

Rosemont-Petite-Patrie

RF01 RF07

RF11 RH01 RH06

Montreacuteal

Montreacuteal

Outaouais France France

Eacutetudiante Eacuteducatrice

Communication Eacutetudiant Eacutetudiant

Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$

Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat

13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat

112

La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont

pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil

des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet

arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi

qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des

revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus

scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants

interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes

il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui

concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus

haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations

diffeacuterentes

75 ANALYSE DES DONNEacuteES

Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel

SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave

habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les

donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au

moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire

avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen

dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues

plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi

collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la

reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge

Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin

de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous

preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune

part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient

dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre

113

question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types

se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)

En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des

reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une

enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre

eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre

eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et

enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement

spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le

quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande

quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la

sociabiliteacute des jeunes adultes

114

CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS

Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux

Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La

premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera

question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune

bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a

conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La

seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions

symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir

des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la

troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur

linscription reacutesidentielle des membres dans lespace

81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES

Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et

des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels

doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui

les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans

ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que

tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules

dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils

entretiennent avec leur logement

115

Caracteacuteristiques reacutesidentielles

Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles

comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis

le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un

deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus

eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial

Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35

ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29

Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin

Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie

de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge

moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer

familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats

geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des

trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le

seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute

reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux

personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)

116

En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit

nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En

geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il

apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois

habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le

nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du

Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de

piegraveces de 45 et 47

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes

Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)

moment de lentrevue Mode doccupation du logement

Locataire 13 Proprieacutetaire 3

Mobiliteacute reacutesidentielle

Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres

z 212 312 412 512 anneacutees

25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne

des deacutemeacutenagements en anneacutee

Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu

Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du

logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge

rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee

2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de

logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82

14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules

III

l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o

118

Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de

lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le

deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets

observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir

plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial

des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier

Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle

communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du

centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en

cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal

(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus

communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont

quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou

moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du

temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un

quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires

de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire

laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger

Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme

PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre

Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et

Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du

centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-

Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux

ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes

migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1

119

Le cas de PHOl

PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge

de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le

centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave

Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute

deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-

Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave

Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme

eacutedifice

Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes

rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller

dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe

dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la

plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-

Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et

Rosemont Petite-Patrie

Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave

quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une

mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils

sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute

urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus

importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma

collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute

seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent

aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)

120

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees

Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes

rencontreacutees

Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans

Urbaine 14 8 10 32

Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion

Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1

Total 16 14 20 50

bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme

speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de

jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes

tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge

agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat

2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait

d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de

la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de

personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude

121

Pourquoi habiter seul

Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour

lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces

endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des

tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons

dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les

autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute

celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les

motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont

elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue

Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees

Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne

est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six

anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent

seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres

groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie

en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques

Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin

122

Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des

seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules

sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie

en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire

Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)

Colocation (N) 12 9 13 34

Vie conjugale (N)

7 9 15 31

Retour familial (N) 2 3 2 7

Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par

diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de

cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave

veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes

dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos

reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des

deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de

Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les

trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes

adultes

Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants

PF01

PF02

PF03

PF09

PF10

PF11

- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l

C 1 PH01IV c -CI) C l

C PH02 CI)

-CI) c ccs

PH04

RF01

RFO

RH01

RH06

123

Leacutegende

bull Seul

o Couple

o Colocation

~ Famille

Pension ou lIIll reacutesidence

D 1 an

3 0 3 CD l-c CD

CD W

l -CD ltc CD

Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)

124

Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les

trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires

35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total

Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )

Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)

Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)

Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour

au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et

sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours

familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins

lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier

(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)

Leur histoire

On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes

dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour

la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme

lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants

plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins

diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de

cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de

vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte

125

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo

Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants

Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2

Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006

Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas

lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter

seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux

eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees

habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet

nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en

solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point

de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles

occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation

Les eacutevegravenements deacuteclencheurs

La rupture

Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la

rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines

personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie

conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune

seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte

un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO

126

qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon

indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de

chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les

extraits suivants illustrent ce type de parcours

Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)

Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)

Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)

Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet

conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter

seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance

Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)

Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)

127

Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a

preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste

que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et

biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture

amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et

nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat

(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo

chez les jeunes adultes

Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits

Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements

comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son

proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute

leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau

logement seul

Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)

Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail

Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal

Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme

Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)

128

Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des

individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes

adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes

ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes

Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires

dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont

provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun

emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme

peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces

premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour

plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes

de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain

apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les

femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet

aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre

difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants

dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)

Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus

nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans

mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun

meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou

interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-

Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet

ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour

la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on

donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue

129

Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur

vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et

dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances

Choisir ou subir

Le refus et limpossibiliteacute de la colocation

Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun

projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou

deacutevegravenements particuliers

Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)

Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le

passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement

soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans

un logement agrave soi

Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)

Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi

comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie

indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie

Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)

130

Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de

consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient

dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une

opportuniteacute inteacuteressante

Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5

Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation

Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude

fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut

de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement

associeacutee au cycle de vie

Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04

Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait

envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul

constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils

occupaient au moment de lentrevue

laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)

131

Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves

eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de

laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des

personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre

seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes

eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres

encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez

les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi

de soi

Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne

partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du

Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des

qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les

principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur

leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de

lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport

entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier

812 LE LOGEMENT

Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne

correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement

quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute

11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun

an Ancienneteacute reacutesidentielle

132

Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave

lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante

chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant

51-65 ans

Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)

Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees

habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la

page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois

suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees

(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un

immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees

n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne

est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par

lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue

pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel

Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants

51-65 ans

CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$

133

Trouver et choisir son logement

Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons

deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une

personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont

effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation

Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de

location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du

Plateau

Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire

dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour

eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

(PF15 PF02 PF09)

Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se

promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les

journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce

quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)

Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)

Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)

134

Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident

Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI

Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)

Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie

comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la

meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave

lexception dune personne (RR06)

Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)

Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)

ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment

135

mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)

Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux

qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de

location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de

Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout

du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez

lensemble des solos

Rapport au logement

En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable

et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour

certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui

habitent des logements de 2 piegraveces

Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)

Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)

136

Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour

les filles qui habitent sur le Plateau

Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)

[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)

Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou

des contraintes financiegraveres

Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)

Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et

ressources disponibles pour se sentir bien

Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un

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peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1

Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas

dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02

ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07

rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)

Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)

Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi

ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos

reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes

mais qui remplissent leur fonction de base

138

Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement

En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de

cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees

Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans

leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4

nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque

deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent

comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre

Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les

peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon

passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee

qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties

organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux

cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo

La girouette ou le pied-agrave-terre

Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons

aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules

en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere

faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl

de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui

est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave

lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement

spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere

et du mode de vie en geacuteneacuteral

Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)

139

Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales

organiseacutees

Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)

Le type casanier

Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se

demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme

PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la

lecture ou du bricolage

Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))

Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier

restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si

le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se

retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film

140

De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans

le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques

propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence

dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus

pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme

sils le souhaitent

Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)

Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)

141

Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une

peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y

travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez

lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez

les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave

inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des

logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux

lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les

rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que

la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux

habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas

ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous

Conclusion sur les parcours

Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel

majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble

des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont

aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999

1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)

Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont

pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures

amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les

eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu

et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul

Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous

les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres

groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees

142

Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la

freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle

semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec

lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de

mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres

urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont

proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la

jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul

Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur

logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle

mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours

geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute

entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous

examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et

engagement politique et associatif)

82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER

Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont

Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les

rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique

Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve

principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de

vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de

transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de

larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation

relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont

le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que

nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera

question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les

143

Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons

dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services

quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent

dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales

Un espace symbolique

Le Plateau Mont-Royal

Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit

pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils

nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou

du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul

Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ

Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui

le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs

services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)

La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui

ressortent beaucoup dans la description du quartier

Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4

Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII

144

Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des

interlocuteurs

Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ

Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un

quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les

statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes

solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en

raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml

Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente

Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de

Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants

nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )

proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants

parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une

ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous

les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour

deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne

se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave

trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour

laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain

et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau

demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des

quartiers de Rosemont Petite-Patrie

145

Rosemont Petite-Patrie

Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus

nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de

Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable

principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na

parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le

freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme

lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le

comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo

tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par

reconnaicirctre les gens

Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)

Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)

Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11

Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une

destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)

Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas

146

non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)

Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)

Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais

la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux

minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des

immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du

quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique

speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier

Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal

renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en

termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se

rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis

de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves

Un espace central et fonctionnel

Plateau Mont-Royal

La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau

Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en

banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection

dans le choix du logement

Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)

147

La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute

de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la

proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de

marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre

eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour

habiter leur quartier

Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)

Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)

Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation

speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs

Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage

on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville

Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)

148

Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)

Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de

proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension

agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire

compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais

aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait

Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)

Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes

laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines

laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08

Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute

comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui

ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain

et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la

population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance

149

Rosemont Petite-Patrie

Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits

commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes

pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les

parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau

Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de

services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave

pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect

nest tregraves eacutevident dans tous les discours

Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)

[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)

Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans

leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits

et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave

freacutequenter ces lieux

laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur

150

Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07

laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)

Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement

Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal

pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute

dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu

de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie

une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes

les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier

Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)

laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04

151

Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur

quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le

plan financier et social

Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va

au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine

laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage

non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats

marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de

Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute

pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et

laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats

vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en

quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et

services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui

eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs

deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les

lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que

des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence

Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un

caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du

quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute

comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services

Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du

quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les

jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de

proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont

jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)

Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les

personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que

dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les

152

caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des

services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent

certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes

et appartenant agrave des professions intellectuelles

Espace de sociabiliteacute

Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant

leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles

ils participent et des relations de voisinage

Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier

Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes

solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute

faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et

discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire

des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier

Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees

depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude

On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les

reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du

Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur

arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en

matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus

haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties

et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes

non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de

la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de

153

lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus

enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des

personnes rencontreacutees

Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois

Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement

PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37

Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34

Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47

Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20

Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50

Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes

pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les

jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus

les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des

sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur

154

Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois

Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans

leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32

Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18

Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46

Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25

Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6

Total (N) 11 5 16 26 24 50

A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier

qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de

Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs

Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal

freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des

restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les

bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les

rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent

Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)

155

Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent

certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits

Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)

Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii

Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO

Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un

degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute

danonymat variable

Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants

concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les

boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils

freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs

On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance

Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles

et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un

autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal

156

Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07

Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06

(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI

Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur

quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont

en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau

Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue

un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui

comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement

lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement

pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens

reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI

[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)

Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-

Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines

commoditeacutes offertes

157

Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07

Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les

dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens

forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la

laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements

influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo

La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations

sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier

central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes

plus en peacuteripheacuterie de la ville

[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ

Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ

158

Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se

limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir

des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier

Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales

selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute

et de la distance au sens de Simmel

Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs

majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les

groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs

comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui

linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des

reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa

disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-

Royal

Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils

laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des

commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils

laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux

cas de figure selon larrondissement habiteacute

J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)

[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)

159

Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que

chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent

davantage les personnes quils croisent

Espace politique et associatif

Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun

travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu

concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance

dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point

aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer

sur la scegravene locale

Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)

Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute

une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus

speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements

et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de

faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart

dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le

dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune

importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction

Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)

160

Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les

jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une

laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont

pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais

portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local

ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo

Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous

pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la

proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude

Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la

distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques

fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves

positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme

un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de

plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues

commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage

dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des

trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par

le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le

Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants

repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut

progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des

emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans

liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le

mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le

161

dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport

entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents

Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins

important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des

quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est

deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un

prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne

retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est

ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et

des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils

reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars

des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la

rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants

sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces

espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite

Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des

caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre

il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes

ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter

Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les

processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement

gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave

lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le

sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise

dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace

de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute

162

En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes

dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)

Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui

seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La

sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire

superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace

commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple

plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement

personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations

sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette

figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos

reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent

une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les

jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de

lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en

quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls

Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes

diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et

politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont

Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau

les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et

sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le

rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute

et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par

ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir

une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus

jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux

163

locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti

politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier

Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun

comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie

des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui

habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que

le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des

processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge

des individus

83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX

Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous

attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de

preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui

composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants

Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous

examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations

sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral

La taille

Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que

nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de

personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre

19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39

Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que

lautre moitieacute en a moins

164

Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes

adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge

adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf

reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux

cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge

Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine

dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il

passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport

sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la

jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs

reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de

jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes

outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304

personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-

agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez

les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et

dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35

et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants

provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du

Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de

la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs

caracteacuteristiques

15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte

165

Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt

Arrondissement Provenance habiteacute

Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et

Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano

Jeunes adultes

Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)

Total eacutechantillon

Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)

En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du

Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent

les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants

qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de

Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes

mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires

agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites

dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont

meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on

remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que

celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est

possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif

166

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul

la provenance et la taille des reacuteseaux

Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20

Les intimes

Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs

reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens

de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes

correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent

de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du

Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les

jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les

reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que

pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas

de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page

suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques

167

Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1

Personnes rencontreacutees

Jeunes adultes

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne Meacutediane

(N) Total eacutechantillon

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Arrondissement Provenance Total habiteacute

Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens

Montreacutealais reacutegion Cano

8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6

20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)

7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15

24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)

7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12

22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)

Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes

que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes

originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de

proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau

Caracteacuteristiques sociales des membres

Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans

lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34

ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre

dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont

168

acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute

atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent

en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des

jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total

Alters des jeunes

adultes

N= 656

6 34

192 189

77 44 31 29 14 20 20

63 536 21 6 24

N=650

1 48 91 431

N=571

184 252 o

108 89

633

Personnes rencontreacutees

N=16

o 1 6 7 2 o o o o o o

3 12

N=16

1 15

N=16

16

16

169

Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales

des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant

lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur

groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des

reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de

324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les

proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par

rapport agrave ceux des jeunes adultes

170

Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus

Total

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total

Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans

Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)

88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)

301 (100)

19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)

3 (10) 2 (43)

10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)

292 (100) 14 (100)

4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)

187 (680) 9 (643)

272 (1000) 14 (100)

96 (324) 100 85 (287)

92 (311)

22 (74)

1 (03) 296 (1000)

Alters (N=673)

99 (147) 201 (299) 309 (460)

63 (94)

672 (100)

30 (46) 468 (723)

96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)

646 (100)

10 (19) 92 (171) 83 (154)

354 (657)

539 (1000)

242 (37) 197 (301)

178 (272)

36 (55)

1 (02) 654 (1000)

Altersmiddot Egos 51middot65 ans

Eacutegos (N= 20)

100

1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)

0(00)

20 (1000)

0(00) 2 (100) 3 (150)

15 (750)

20 (1000)

20 (100)

171

Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes

solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et

scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme

nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans

les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de

Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient

tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les

classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous

navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave

l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et

semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode

dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des

reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela

sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons

que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave

1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer

1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes

marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des

divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples

sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur

des familles ayant des enfants du mecircme acircge

La composition des reacuteseaux

Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont

majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous

les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus

de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des

liens

En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les

connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs

172

liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille

repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus

importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )

par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez

les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des

liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes

Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus

acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et

vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817

et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute

Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656

N= 528

Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96

Conjoint 08 02 03

Ami 773 468 527

Travail 16 123 102

Voisinage 00 34 27

Connaissance 00 216 174

Autre 00 13 11

Total 1000 1000 1000

173

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans

Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671

N= 209 N= 525

Famille 177 215 204 157 209 198

Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116

Conjoint 22 05 10 14 00 03

Ami 700 459 532 801 486 554

Travail 33 124 97 21 97 80

Voisinage 00 81 57 07 95 76

Connaissance 00 100 70 00 107 83

Autre 67 14 30 00 06 04

Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000

Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la

provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie

possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et

dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui

concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont

une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de

leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent

une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-

Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que

dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des

reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance

174

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion

Liens des alters jeunes adultes

des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188

Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138

Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161

Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus

de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout

de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les

groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute

et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute

plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville

que Montreacuteal et de lEurope

Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux

Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville

de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace

de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche

Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui

habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace

joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la

reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur

175

le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la

freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur

lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode

dhabiter

Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls

Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des

alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre

reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo

La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de

Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux

qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui

habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La

cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent

dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement

distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le

Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des

reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence

des personnes rencontreacutees

La reacutepartition spatiale des alters

Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir

que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion

Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de

Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal

(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur

Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans

laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses

enquecircteacutes

176

En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des

membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins

de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de

Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la

personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour

Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6

Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens

Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters

Intimes Autres Total Liens

N =127 N=510 N=637

RMR 630 516 682

Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88

tle de Montreacuteal 567 422 580

Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69

Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220

16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes

177

Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que

25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui

concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on

compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart

(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants

Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la

provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters

qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le

mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des

reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux

reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants

europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville

canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais

dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des

reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute

de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342

178

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179

RMR 682 669 685 813 495 486

Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100

Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386

Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61

Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06

Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39

Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475

Chi2 0675 0000

V de Cramer 079 0342

Les intimes et les non-intimes

En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes

adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles

deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion

meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux

est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre

arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement

voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation

dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du

Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on

compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que

179

chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les

Montreacutealais

Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon

larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de

distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil

nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux

sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en

ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont

sont significatives

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41

RMR 80 64 16 54 8 18

Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4

Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14

Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4

Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1

Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23

Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444

180

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138

RMR 434 241 58 237 42 69

Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14

lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55

Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7

Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg

Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7

Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62

Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324

Les adultes mucircrs et vieillissants

Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence

des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la

majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690

pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees

dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de

proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le

mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans

181

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans

Moins de 35 ans

Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens

N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639

RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720

Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128

Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592

Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64

Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122

En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes

sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement

concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le

mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus

petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement

international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les

reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de

la province de reacutesidence est eacuteleveacutee

182

Liens et espaces de proximiteacute

Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de

leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues

Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego

sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins

citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes

de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec

un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees

parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes

mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois

plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego

Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice

(N= 149) N=11 ) (160)

Famille ~roche 0

Famille eacutelargie 3 0 3

Ami 92 4 96

Travail 13 0 13

Voisin 10 7 17

Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4

183

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull

36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total

Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)

Famille proche 0 0 0 7 2 9

Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4

Ami 31 2 33 72 14 86

Travail 4 0 4 10 0 10

Voisinage 3 11 14 20 28 48

Connaissance 8 0 8 12 0 12

Autre 4 0 4 0 0 0

Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme

arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un

membre de la famille proche et un collegravegue de travail

Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement

larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes

damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes

Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que

le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit

principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de

travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial

international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille

184

Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos

reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun

reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations

sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de

sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux

des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les

modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes

Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations

sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute

de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de

vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de

nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur

quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral

Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de

travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et

des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de

Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent

avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un

rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux

publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent

dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la

freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs

amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour

dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte

pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un

eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien

185

laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22

Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans

lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs

laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01

laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10

186

Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent

plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute

constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien

Le mode de la sociabiliteacute publique

Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de

second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais

celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations

de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En

effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une

place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la

proximiteacute des membres de leur reacuteseau

Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son

quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde

pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de

son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui

Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les

pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral

[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)

Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi

187

que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)

Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute

relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute

spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation

situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal

Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)

188

Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui

habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme

facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie

entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin

(1987)

Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement

leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral

Lurbain mobile

Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne

constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute

en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur

arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le

mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports

de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation

de lieux publics

En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas

neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la

taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique

relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de

vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur

quartier

189

CHAPITRE IX

INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS

Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge

Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de

reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes

effectueacutees sur le sujet

91 Synthegravese des reacutesultats

Les caracteacuteristiques

Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux

arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils

sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos

bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de

mecircme que celle de Kaufmann (1994a)

Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute

laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours

biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie

conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants

dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment

de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres

sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils

ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter

seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme

et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les

constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut

190

Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la

girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de

lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au

logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur

logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied

agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le

rapport entretenu au logement

Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de

solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave

la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus

de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes

Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur

quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition

spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs

reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le

mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres

de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos

reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et

local des reacuteseaux des immigrants

Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois

dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens

191

Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas

un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement

leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela

sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un

lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au

quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de

thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et

Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous

avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches

Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-

Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la

relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela

sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute

de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de

vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la

proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est

surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et

fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de

femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela

rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes

avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie

quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait

surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations

seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces

192

Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres

formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au

quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le

faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique

ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux

situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le

rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de

proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la

Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute

spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute

Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de

sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement

queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous

avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la

distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude

Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-

Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute

publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations

diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les

jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier

ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis

que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour

habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel

tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire

rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports

symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs

caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un

logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines

193

sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement

et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave

sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du

temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des

repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des

Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous

avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences

avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du

Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien

contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes

En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au

quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais

aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les

territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci

explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres

caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social

chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le

processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations

sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la

surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus

diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de

diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des

parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de

reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les

pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de

proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en

loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes

194

Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de

rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre

eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui

habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue

une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute

de diffeacuterences majeures entre les genres

92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo

En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus

acircgeacutes

Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que

leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire

reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la

trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes

De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos

plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes

cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes

En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et

de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des

adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier

ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les

rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez

les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs

homologues plus acircgeacutes

195

Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi

un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois

mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le

Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle

et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par

laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont

appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite

Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute

publique que leurs homologues plus jeunes

En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que

celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions

dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays

appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes

solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un

cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des

reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux

sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits

reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce

quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes

quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements

Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes

ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs

alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint

un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et

semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes

adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les

connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes

de solos plus jeunes

196

On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes

adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute

chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien

ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents

du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les

reacutesidents du Plateau

Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent

diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se

rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents

La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une

particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des

speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de

vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes

dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation

symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de

support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain

repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de

lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur

mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain

197

CONCLUSION

Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement

Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en

milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la

sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux

nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens

sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes

sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont

deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans

une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et

non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les

migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est

deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet

individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une

individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se

traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique

entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat

providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes

qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de

lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en

milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais

aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre

inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont

connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville

fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de

reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave

la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment

198

disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville

comme porteur disolement et de dissolution des liens

En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces

quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de

deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de

diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace

de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la

communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un

facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu

que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de

proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il

reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens

forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes

Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas

neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les

cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques

de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos

interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute

une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent

seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie

Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison

entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont

fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la

dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien

Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue

speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et

la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les

personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie

199

Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes

transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les

relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux

publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la

proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu

que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr

et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les

rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces

reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous

pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine

que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute

En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-

ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les

comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique

semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de

vie en solo

Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une

veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales

et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute

reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites

dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et

de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu

urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie

qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes

eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que

le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de

vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute

200

Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le

reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances

inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes

rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait

lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie

Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode

de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres

de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la

transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave

la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent

davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune

transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi

sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les

plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il

nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina

(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de

repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A

transitional period et Solo living for the long term

Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)

envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle

deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de

vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres

reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls

Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce

type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par

ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes

adultes rencontreacutes

201

La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une

perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre

de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie

reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine

personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces

personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave

un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres

Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme

repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)

ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la

moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur

mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement

Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos

reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les

caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de

lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes

que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation

eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur

les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont

lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de

logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude

Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans

Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se

sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur

condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est

relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes

adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment

de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les

202

reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus

susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre

eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces

quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres

de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain

En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute

constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de

voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en

peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement

deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers

peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la

voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules

moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-

Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-

eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue

un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces

contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements

sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques

tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul

est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus

petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus

importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-

Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La

compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas

passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent

203

APPENDICE A

Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes

Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes

Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700

204

APPENDICEB

Villeray

Outremont ~ -

Rosemont

~ e _ pire

_ commerce

centre-ville

PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie

205

APPENDICEC

Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie

206

REacuteFEacuteRENCES

AS CHER Franccedilois (1995) laquo La meacutetapole comme mode de vie raquo Chapitre 4 p118-151 dans Meacutetapolis ou lavenir des villes Odile Jacob Paris 345p

AUTHIER Jean-Yves (2001) Du domicile agrave la ville vivre en quartier ancien Anthropo Paris 214p

AUTHIER Jean-Yves (2002) laquoHabiter son quartier et vivre en ville les rapports reacutesidentiels des habitants des centres anciensraquo Espaces et Socieacuteteacutes (108-109)89-110

AUHTIER Jean-Yves (2005) laquo Le quartier un espace de proximiteacute raquo dans BOUDIN A LEFEUVRE M-P et GERMAIN A La proximiteacute Construction politique et expeacuterience sociale LHarmattan Villes et Entreprises p207-220

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  • Veacutezina1
  • Veacutezina2
Page 2: transformation du lien social en milieu urbain

11

111

AVANT PROPOS

Ce meacutemoire constitue mon premier travail de grande denvergure en sciences sociales mais aussi mon plus grand accomplissement sur le plan personnel La recherche est avant tout un travail en solo Cette reacutealisation requiert une discipline et la construction dun mode de vie typique agrave la recherche Il reste que ce travail naurait eacuteteacute possible sans laide et lappui de diverses personnes

Je tiens dabord agrave remercier tous les reacutepondants de lenquecircte qui ont accepteacute de me rencontrer et de mavoir consacreacute geacuteneacutereusement de leur temps Cest particuliegraverement gracircce agrave ces personnes quil est possible de reacutealiser de tels projets

Je remercie aussi tout particuliegraverement ma directrice Johanne Charbonneau de mavoir fait confiance et de mavoir inteacutegreacute dans le projet Habiter seul Cette expeacuterience a eacuteteacute pour moi lune des plus enrichissantes sur le terrain puisque le deacutefi eacutetait de taille Mon expeacuterience au sein du projet Habiter seul ma non seulement initieacute au milieu de la recherche mais ma aussi permis de deacutevelopper une grande autonomie et une certaine maturiteacute scientifique Sans cette expeacuterience ce travail ne serait pas ce quil est Un grand merci agrave Annick Germain qui a eacuteteacute aussi mon professeur de mecircme quagrave Ceacutecile et Martin pour le travail que nous avons reacutealiseacute ensemble Je dois aussi beaucoup agrave Marc Molgat pour mavoir pris sous son aile dans lanalyse et la diffusion des reacutesultats du projet Les discussions sur les analyses les publications et la participation aux congregraves sont des expeacuteriences exceptionnelles pour un eacutetudiant agrave la maicirctrise

Aussi je dois beaucoup agrave ma famille pour mavoir depuis plusieurs anneacutees toujours encourageacute agrave poursuivre cette voie et supporter dans cette aventure Merci agrave mon pegravere Serge pour avoir toujours cru en moi et mavoir motiveacutee agrave poursuivre des eacutetudes en sociologie Merci agrave ma megravere Anne pour son soutien moral et son estime pour mon travail Merci agrave mon fregravere Sylvain pour mavoir endureacute et partager le territoire de travail

Merci agrave Edith Alix et Marie-Reneacutee pour mavoir supporteacute en suivant les hauts et les bas du projet et agreacutementeacute laventure avec les soupers defilles Votre amitieacute est preacutecieuse etfait partie des plaisirs et des joies qui ont marqueacute mes anneacutees INRS

Enfin merci agrave mon Mathieu pour mavoir encourageacute conseiller et supporter dans ce projet au quotidien Ta bonne humeur et ton optimisme inneacute mont fourni leacutenergie neacutecessaire pour surmonter les peacuteriodes les plus ardues et mettre ce travail agrave terme

IV

REacuteSUMEacute

Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les

quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de

lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les

jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un

visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute

agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts

interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute

chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et

les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu

avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave

ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans

leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux

sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos

analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de

sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier

leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de

conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la

moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain

v

TABLE DES MATIEgraveRES

AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x

INTRODUCTION 1

PREMIEgraveRE PARTIE 6

CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11

13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25

Conclusion du chapitre 1 26

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28

21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29

22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40

Vl

23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45

Conclusion du chapitre Il 47

CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54

Conclusion du chapitre III 55

CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66

42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79

vu

CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81

51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81

52 HyPOTHEgraveSES 82

DEUXIEgraveME PARTIE 84

CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES

Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84

DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86

Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92

62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99

CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0

75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112

ix

APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206

LISTE DES FIGURES

Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56

Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la

75

population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93

Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116

Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117

Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131

x

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71

Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132

Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153

Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154

xi

Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166

Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168

Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174

Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183

INTRODUCTION

Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne

cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette

maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des

formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la

proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001

(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de

lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la

prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de

personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais

aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du

nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain

en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains

La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se

retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le

fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou

laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux

multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la

quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs

ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations

speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-

eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent

difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un

logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs

ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont

une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement

mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002

Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)

2

Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute

linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce

mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans

notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc

Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les

modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage

urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance

soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie

quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et

la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative

et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux

questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu

urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans

un contexte meacutetropolitain

Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de

cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de

plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le

cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers

centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle

mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur

quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu

urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des

modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles

et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a

conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils

habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces

trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux

sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier

3

Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la

transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute

des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux

questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux

chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et

l interpreacutetati on des reacutesultats

Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La

question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie

et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la

sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le

chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la

transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de

leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De

plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des

travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin

nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux

lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la

sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune

socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande

ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine

alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec

nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente

eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement

et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet

4

Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous

indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique

de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des

jeunes adultes qui habitent seuls

Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception

du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde

moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des

grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui

caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres

anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui

habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des

personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la

socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus

dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave

diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le

contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une

transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes

sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les

jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi

au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux

Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport

entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave

leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le

choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des

territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que

les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre

VII

5

Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les

trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et

geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire

reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type

de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et

ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au

rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de

sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps

libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur

reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres

dans lespace

Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une

reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees

sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons

rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte

Habiter seul vivre isoleacute

6

PREMIEgraveRE PARTIE

CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE

La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec

La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres

fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des

relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme

coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus

durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une

perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport

au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme

Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social

dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables

et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute

LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le

peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique

des relations sociales

Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir

duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social

lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social

de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain

7

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu

La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des

conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute

1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre

autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet

selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont

traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une

demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et

deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des

transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour

la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole

et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans

lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces

bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent

en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont

favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du

travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural

(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans

1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de

survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)

Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement

devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute

dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans

une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le

village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail

pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des

uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux

agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la

sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui

le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques

8

ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes

nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la

population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social

La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les

contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures

eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la

reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles

des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective

eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque

les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes

industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens

communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de

laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas

1995)

Ferdinand Tonnies

Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg

et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute

tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories

rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de

sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief

1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie

dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la

logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans

la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute

Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus

importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution

industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux

ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees

9

Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola

communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type

communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation

communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave

linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang

ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la

petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une

logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec

lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit

Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de

compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette

perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la

grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait

mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide

comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais

psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon

Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes

traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le

calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la

transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute

porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme

10

Eacutemile Durkheim

Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la

sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave

Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce

moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition

positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de

faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De

la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du

contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail

Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon

concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente

lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et

lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du

travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les

socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un

type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute

meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave

1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une

absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte

conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de

1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement

de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien

social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des

personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette

solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande

autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les

individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la

typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens

11

laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui

correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette

classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et

linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil

occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des

liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une

association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull

Max Weber

Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville

europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est

un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a

enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute

la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et

a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs

contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de

sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales

industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La

Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas

1995 Weber 1982 (1947))

Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien

social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon

Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les

liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute

urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)

1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)

12

Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non

urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent

neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et

de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la

ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de

sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave

part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest

pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et

leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci

tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau

mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute

Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de

diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre

autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se

traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle

liberteacute

En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux

eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se

retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu

dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de

codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des

contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en

milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu

creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))

Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la

ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des

relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du

lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi

13

par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des

situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)

13 La sociologie urbaine

Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger

Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la

ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la

moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs

laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave

saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995

Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux

conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la

communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples

sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie

agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus

complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une

deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques

de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des

rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))

Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave

une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903

(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee

que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se

trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au

cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes

et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)

Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes

conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve

et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus

14

dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo

speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de

lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques

des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus

dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des

biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit

En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature

eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein

duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la

relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo

Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de

laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus

calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux

et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour

la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un

mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux

formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute

personnelle

Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus

des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de

lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli

sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la

deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les

conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain

15

La figure de lEacutetranger

La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation

de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur

qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il

sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas

avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans

la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais

compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport

agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la

forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo

(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations

sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave

la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de

deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain

et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes

urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui

sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports

entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La

dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des

caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en

quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains

imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses

eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de

reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses

distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)

16

Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de

Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls

dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger

qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de

lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les

pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine

lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)

Leacutecole de Chicago

Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur

lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs

qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979

Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago

qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique

Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au

sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la

sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie

une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac

1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des

plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette

peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte

particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance

deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants

ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants

en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de

personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation

denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la

ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la

cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le

nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus

17

dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua

agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les

conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto

La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social

pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago

furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population

avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes

Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago

furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers

constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute

1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la

laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une

organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974

Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den

expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories

relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus

fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute

1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux

au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement

inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute

urbaine

Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de

Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation

sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes

comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de

lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute

sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo

constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au

monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)

18

Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de

Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste

et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park

Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain

(Grafmeyer et Isaac 1979)

Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les

inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral

absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy

et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de

choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et

laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif

typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les

figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park

comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago

dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des

liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde

non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des

fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac

1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de

parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on

creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts

interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la

reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)

Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park

et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils

ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et

linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations

sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle

19

Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres

deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese

de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la

question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en

situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes

sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de

communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la

communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee

La thegravese de la communauteacute perdue

Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de

lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de

Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte

en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation

Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et

relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les

liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par

rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton

1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux

ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce

quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des

situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances

(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain

comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez

Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants

et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail

la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce

qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte

urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)

20

La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les

anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les

villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la

communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la

communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement

refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune

certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais

surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques

dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le

quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de

voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le

voisinage jouent un rocircle coheacutesif

Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes

quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se

penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les

thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou

communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au

deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute

La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)

Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux

tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)

Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des

deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et

politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient

entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen

plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative

21

et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du

Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau

2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont

plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les

Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites

politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des

terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et

agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers

les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation

linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on

proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient

aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre

le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau

2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur

lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie

relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le

Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par

ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee

tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves

New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)

Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales

et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies

et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau

2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes

migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de

famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se

fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies

reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres

de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les

logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo

22

(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les

reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours

contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987

Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)

Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas

seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants

vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)

Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)

Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le

XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs

dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou

de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une

contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements

interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des

va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)

les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le

mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme

paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute

Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo

(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle

fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin

1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de

leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique

reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute

(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette

1992)

23

Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute

Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la

premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux

dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur

le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux

urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute

posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue

(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)

En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu

diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand

et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et

tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des

reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour

une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins

dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce

contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute

important pour les loisirs et lentraide

Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et

de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et

lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et

les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires

montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde

familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse

et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute

industrielle montreacutealaise

24

Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)

Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs

lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de

Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus

tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les

modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace

Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et

supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus

laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin

1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et

les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par

lintermeacutediaire des enfants

La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre

la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce

entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des

lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et

reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus

(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)

Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales

dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui

distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la

25

capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des

occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes

neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton

(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon

laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du

quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de

premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le

quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain

Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport

comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a

favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix

reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat

2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de

lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de

reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique

des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom

lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo

spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus

agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne

constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux

qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de

nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les

individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)

26

Conclusion du chapitre 1

Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de

lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la

dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est

dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations

sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le

salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles

lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations

non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la

transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle

acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de

lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous

avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des

aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation

Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de

leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les

migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils

quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une

aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi

dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de

dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent

toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des

jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le

salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la

moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels

Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle

des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des

formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales

27

comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance

des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui

caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque

Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi

inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le

contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux

et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le

vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription

territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques

enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions

28

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL

Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier

Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous

verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux

sociaux disolement et de quartier

21 La sociabiliteacute

La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)

La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance

de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange

et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre

les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou

dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des

personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se

traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre

ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes

des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la

distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les

individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont

faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis

damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens

forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien

(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de

la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager

diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus

entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande

29

La sociabiliteacute publique urbaine et marchande

La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus

laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la

reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre

ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La

sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace

commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou

une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les

autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics

sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain

1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le

caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain

peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de

Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles

dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins

La sociabiliteacute intime

Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes

que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le

mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance

des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute

relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes

qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas

pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et

laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La

3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute

30

)

sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la

proximiteacute relationnelle quelle implique

Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la

reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave

linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail

leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les

connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les

personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute

intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes

Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on

peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social

22 La notion de reacuteseau

Lorigine de la notion

Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et

de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la

monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix

Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons

dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des

caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu

plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement

geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau

renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la

communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les

frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux

liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un

contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La

communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans

31

lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de

Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des

relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins

importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme

Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans

lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte

moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son

reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces

Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une

thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave

partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu

compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute

avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-

selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des

liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one

person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le

reacuteseau change avec le temps et les contextes

Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription

territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations

intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050

personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des

anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain

seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer

1982)

Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par

Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le

mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des

reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne

32

sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par

les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient

une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)

et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality

and preferences determine with whom - that is with people from what social context -

individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est

responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de

plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de

la personnaliteacute de lindividu

Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en

France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les

reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent

que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du

voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de

laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus

nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la

famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens

Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des

relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace

de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au

caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de

proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des

relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture

autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace

geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les

liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves

du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que

ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits

dans lespace de proximiteacute

33

Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition

des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un

contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par

ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des

lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse

sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les

individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart

lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes

sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)

laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des

groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des

reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions

des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux

plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et

Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des

cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations

structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du

principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure

dinteraction entre les personnes

Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux

personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des

entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette

approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les

individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre

les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude

34

Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions

Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la

famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave

partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se

construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de

leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne

maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de

plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu

eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante

laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)

Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI

constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le

caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave

un soutien social

Le noyau et la taille du reacuteseau social

Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en

relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus

significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu

juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses

importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son

centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image

le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui

35

creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998

119)

Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave

des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles

(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations

superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon

peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de

quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et

lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les

deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent

deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes

diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter

(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte

meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon

demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des

sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens

faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou

les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens

forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis

La densiteacute

La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister

entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et

Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la

densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee

36

La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social

Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un

certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des

biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de

relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne

des individus comme le travail et le logement

On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)

Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut

reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas

garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau

car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide

sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui

existent

Le caractegravere mouvant du reacuteseau social

Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle

de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann

1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une

nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle

de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer

(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982

Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres

disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard

4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)

37

Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les

adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge

adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux

chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit

avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non

seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus

grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et

moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de

Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau

que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le

mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas

neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)

L homophilicirce des reacuteseaux

Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des

caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se

ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes

semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982

Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette

tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes

plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes

et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux

plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents

Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les

1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave

quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990

dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un

eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982

dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus

38

jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les

contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en

lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux

mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire

Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)

(Bidart 1997)

Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables

soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte

2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement

des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des

ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute

des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles

centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge

Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des

liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple

constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et

la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute

ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en

couple (Bidart 1997)

laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)

39

De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules

a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de

maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son

groupe damis

laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)

Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le

maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas

des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de

vie

Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses

ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux

personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute

du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui

faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de

voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des

individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales

que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et

freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute

de couples de familles et que lon a peu de liens

bull

40

La question de lisolement social

Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes

qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social

correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et

Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment

subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet

comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute

par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis

quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le

souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes

comprises dans leur reacuteseau

En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de

solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes

attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de

pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter

seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes

plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement

(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute

eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut

occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de

certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une

certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute

relationnelle (Martin 1993)

Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui

portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et

Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par

leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)

41

En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat

(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du

quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des

membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les

reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous

lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en

acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en

emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des

reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des

facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial

lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait

dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la

perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes

Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux

tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en

situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation

socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas

preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils

sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur

les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos

reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de

quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux

saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi

consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute

42

23 Lespace de proximiteacute et le quartier

Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des

theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion

municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention

publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des

populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La

diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et

les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles

traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est

unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres

et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il

repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le

logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon

la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave

laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus

pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace

domestique au profit de la ville

Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)

Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du

domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee

par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous

renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de

proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans

lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on

pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations

43

sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une

enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes

Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace

urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du

centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains

en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire

de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des

pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en

transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous

renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce

territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales

Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche

nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous

envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs

dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en

fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le

quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres

cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville

(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un

espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme

eacutetant un

Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)

44

Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes

facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain

1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la

notion de quartier

laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo

Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un

espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la

construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique

Un espace dintervention politique et daction collective

Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour

deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son

ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une

eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui

a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)

Un espace fonctionnel

La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des

modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave

lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et

services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique

(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent

un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa

4S

sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel

faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit

Un espace symbolique

Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut

correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison

uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et

Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave

laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique

contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants

sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se

situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et

St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo

Un espace de sociabiliteacute

Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut

eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou

lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux

publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique

proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique

et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social

Les enquecirctes sur le quartier

Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de

la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par

Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les

quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels

de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et

un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes

46

et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les

bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par

ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences

reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des

laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un

quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)

En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur

deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des

deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de

travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social

influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les

relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de

40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute

Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute

deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute

du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement

commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le

rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux

lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence

damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne

constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des

personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain

attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain

Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier

Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et

de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu

de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et

fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont

47

aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en

ce qui concerne les sorties

Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes

queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les

jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce

qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur

parcours

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au

quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France

semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes

Conclusion du chapitre II

Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de

proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave

lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de

sociabiliteacute Il sagit dun produit social

Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de

Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un

rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des

adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous

preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions

de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se

concentrer dans les quartiers centraux des villes

48

CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE

Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes

Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister

entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le

rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement

elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel

deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle

examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du

deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce

que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition

geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes

adultes qui habitent seuls

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse

La concentration des jeunes adultes en milieu urbain

La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la

nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat

(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une

localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de

la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun

quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232

de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de

ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements

centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent

respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette

concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal

49

Les migrations la ville et le cycle de vie

Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge

reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations

symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004

Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du

sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours

de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des

grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les

mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003

Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le

travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de

liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez

les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent

2004)

Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort

chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les

moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme

eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans

qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus

scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon

nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont

plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les

quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens

de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois

professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la

preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non

seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties

et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et

Rose 1998)

50

Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls

constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle

de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-

Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix

qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple

ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes

et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere

des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en

meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les

plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat

2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de

ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une

augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent

seuls (Molgat 2000)

Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de

grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc

Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans

les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de

repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure

renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au

moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui

pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la

tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent

2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la

creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi

vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et

de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne

51

La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu

daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave

une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes

Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement

associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas

particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et

didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou

beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo

Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou

simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en

ville agrave un moment de leur parcours biographique

53

La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent

que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle

la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un

mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse

totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les

relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls

sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et

consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup

(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain

lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une

dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les

jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur

permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les

eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les

jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee

tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain

Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les

premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont

caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull

lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon

eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en

preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le

processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux

et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux

liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent

seuls

54

Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier

En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que

le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de

personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le

cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans

leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)

assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des

personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint

celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier

ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux

habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace

laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le

qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la

disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite

et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute

structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la

classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort

aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui

seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est

tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme

dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)

Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et

les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave

linteacuterieur de la figure 31 de la page 52

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter

comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par

ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute

publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des

55

Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave

Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les

secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes

soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie

Conclusion du chapitre III

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo

Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee

et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre

des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas

sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles

maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin

de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du

nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain

56

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non

Thegraveme de comparaison

Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos

Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine

- S y installent pour les eacutetudes ou le travail

Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire

Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial

1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue

2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte

3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels

Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois

Oui selon leacutetude de Xavier Leloup

Agrave voir

Le rapport agrave lespace Urbains

Locataires

Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties

Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)

Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)

Voisinent peu (Leloup)

Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)

Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)

La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace

et moins deacutependant de lespace de proximiteacute

Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude

Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul

57

CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE

Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales

Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la

moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que

plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et

Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute

constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que

les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien

Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands

changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute

sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs

classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct

reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et

culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de

vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute

des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont

plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest

plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus

grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures

sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le

processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance

socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses

sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire

supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes

Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls

modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de

parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi

connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de

58

certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance

de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes

villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont

connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des

transformations des modes de peuplement urbain

Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de

personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des

solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les

contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation

comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons

jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale

et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des

structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style

de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de

ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo

Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut

de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun

mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)

Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des

religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les

prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes

et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et

familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest

laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer

seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann

1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au

statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou

moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et

59

Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps

(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)

De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et

particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme

au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de

lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique

Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des

meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du

monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de

leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus

dindividualisation des modes de vie

Les concepts de moderniteacute

On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois

moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-

neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette

peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes

sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des

identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck

2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de

lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des

conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de

mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la

raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient

individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les

aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale

placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les

familles agrave sentraider

60

Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80

Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute

eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations

vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et

soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille

Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des

conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une

indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont

contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet

au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la

santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection

aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin

1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise

comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales

comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et

aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)

Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole

publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et

lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes

proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus

leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux

quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes

Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts

qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave

vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre

de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de

possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre

61

Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions

neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de

vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait

mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau

tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des

anneacutees 1980

La moderniteacute avanceacutee

Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques

sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis

bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de

demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme

Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou

postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous

une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-

1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et

dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il

eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees

Le processus dindividuation

La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres

favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et

des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993

Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel

qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire

(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute

de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme

groupe social (Jenson et de Singly 2005)

62

Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly

le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des

laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly

1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet

dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre

linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute

industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque

[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)

Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon

laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de

la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le

cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des

individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le

projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la

structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et

donc individualiseacutes

Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus

preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur

2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des

eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement

lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on

entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne

naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger

2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant

63

un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule

poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer

et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte

peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements

inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003

Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)

La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave

diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir

daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met

en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)

Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements

eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont

typiques de notre eacutepoque

Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres

deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles

exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003

Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger

2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu

dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute

professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette

conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les

conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus

jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003

Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans

la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre

preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte

dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de

peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme

si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas

64

25

20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5

0

neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement

accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme

lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres

anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec

(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la

speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur

combinaison avec des eacutetudes postsecondaires

Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec

~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~

Anneacutee

Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca

Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de

lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans

lacircge adulte

laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt

65

Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent

plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le

registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le

Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les

femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus

la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus

reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans

ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une

diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes

moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee

chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)

Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles

et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez

diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990

Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)

Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire

Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu

seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la

suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses

les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en

plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan

et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes

adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre

20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)

Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est

plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20

derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des

66

tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent

mener agrave cette situation

Les maniegraveres de vivre seul

Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les

personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que

certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes

circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann

1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous

renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees

La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de

solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une

double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent

associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes

laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont

souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le

cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez

soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo

laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans

certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie

en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive

(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et

comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau

Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes

vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous

examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet

5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo

67

Ceux qui subissent

Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui

quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas

de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des

difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui

vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993

Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de

faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui

requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et

temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux

valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et

appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise

Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative

puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont

souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a

Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale

rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne

semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du

mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la

vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive

Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur

mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur

indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent

1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans

un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu

de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993

157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec

son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur

situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de

certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de

68

jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent

1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee

dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme

carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de

Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de

figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme

les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les

jeunes adultes

42 Caracteacuteristiques des solos

Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du

Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a

Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991

agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains

auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave

partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont

laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent

beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann

1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et

particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup

2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes

beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et

reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite

nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes

adultes

69

Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques

Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui

habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees

de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51

demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle

seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave

34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees

ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland

1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des

personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon

Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema

deacutevolution qui suit trois seacutequences

[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)

Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la

page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de

Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34

ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada

donneacutees extraites du recensement 2001)

6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

70

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001

65+

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001

Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de

femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande

majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit

24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui

est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un

emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent

pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des

revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de

pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page

suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave

Montreacuteal

71

Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques

de la population

Sexe Femme Homme

Acircge

20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans

Statut Familial

Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve

Immigrants

Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel

Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi

Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus

sous le seuil de la pauvreteacute

Meacutenages composeacutes dune personne

38

49 51

29 36 35

24 1 7

63 5

17

87 6 7

86 14 30

16 16 21 18 12 13 4

38

Total (RMR de Montreacuteal)

100

51 49

33 40 28

12 43 3

41 2

22

86 8 6

84 16 26

18 19 19 16 11 12 5

20

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

72

Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute

Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des

logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont

locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de

la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de

Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)

Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent

entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $

Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux

(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le

recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus

nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu

de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela

sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux

73

Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)

de la population 38 100

Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58

Condominium 7 4

Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38

Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10

Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48

Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

74

1

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul

Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais

elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des

centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049

506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal

comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de

Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les

plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien

cette concentration

Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)

75

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total

bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)

moins de 20 (520)

_ pes de donnagravees

Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada

76

Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS

importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un

grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie

plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval

et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9

Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles

diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes

villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et

Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992

Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)

Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces

Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux

espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities

are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo

Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal

situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers

centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement

relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont

contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur

repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une

population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour

young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also

blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with

their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was

limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies

9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes

77

as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin

1998 831)

Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet

depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des

Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo

investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes

intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil

du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et

caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee

Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social

Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement

mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus

de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de

gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de

nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)

La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des

couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis

elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit

dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques

mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie

(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans

leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen

1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et

tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils

socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des

quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave

faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette

78

eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002

Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff

in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were

interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with

gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les

laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe

homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux

professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge

des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules

(Leloup 2005 Dansereau 1985)

Moderniteacute quartiers centraux et lien social

La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte

actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du

lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y

demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des

reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus

occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau

1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27

Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation

importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees

La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux

deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en

matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a

trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave

cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans

le contexte de la moderniteacute avanceacutee

79

Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux

Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus

dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et

les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de

consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le

processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au

sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave

leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher

1995)

En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre

de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa

personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont

construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes

plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille

Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait

speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)

Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut

comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les

mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements

offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles

personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave

nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la

moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de

proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de

contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les

technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la

distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de

la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1

80

Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations

sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des

processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a

contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en

redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent

seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut

se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement

pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se

retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on

peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et

diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille

les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches

habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en

changement ougrave ils sont fortement concentreacutes

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce

meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers

lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes

81

CHAPITRE V

QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE

Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une

tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter

seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent

urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois

mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble

entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous

sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui

preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations

symboliques

51 QUESTIONS DE RECHERCHE

1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier

11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)

2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social

22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)

23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees

24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau

25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier

3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute

31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo

83

Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et

biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur

mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de

lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des

quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de

leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui

preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les

territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix

84

DEUXIEgraveME PARTIE

CHAPITRE VI

JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE

Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie

Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de

recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute

pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-

ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune

eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de

solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a

seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal

qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules

Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur

le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage

administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les

besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de

reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute

dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des

arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui

habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de

recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-

Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il

sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement

constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le

centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements

de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le

plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)

85

De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des

profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies

par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave

temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR

presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP

ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi

diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui

reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le

loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans

larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux

arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des

Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent

aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes

qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des

cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les

rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs

comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale

deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme

le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi

Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des

reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants

reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas

confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous

nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude

Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales

et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le

fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers

86

DESCRIPTION DES TERRITOIRES

61 Le Plateau Mont-Royal

Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave

lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la

rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que

plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de

lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du

XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements

construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)

Description historique

Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord

une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs

laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon

des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard

Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du

Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues

dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui

explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une

tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le

boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du

tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le

deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave

lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des

forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les

populations anglophones et francophones

87

La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages

francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des

familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des

industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard

Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise

eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun

quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave

chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan

1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de

Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui

travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo

pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il

sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou

trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation

est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une

augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de

laugmentation de la population (Marsan 1994)

Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux

magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et

superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de

proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et

environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite

taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent

des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non

seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale

(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des

artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial

de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En

effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement

88

des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et

acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment

Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee

agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On

retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le

boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans

les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des

commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que

lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe

etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues

commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier

renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de

coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions

compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de

centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements

collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs

et centres de loisirs

Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les

repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche

entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette

œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la

marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce

territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)

laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)

89

laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo

Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et

dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des

reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de

fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les

habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger

(Rocheleau 1995 51) raquo

Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la

proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du

Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la

communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales

notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie

Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de

peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes

moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant

au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels

notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent

90

Dimension symbolique

Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des

Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi

principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels

Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de

larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une

population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de

Montreacuteal 2006 2)

Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides

touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et

RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et

dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des

derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit

le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo

laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et

les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de

lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur

Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-

Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec

2003 2) raquo

Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le

Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en

Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le

laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est

Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej

91

Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En

Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au

Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le

magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du

quotidien Le Devoir

laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo

(Le Devoir2005)

laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux

de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et

boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne

rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la

flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs

y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar

celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)

Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune

laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image

qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique

des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes

Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population

reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave

cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de

personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements

deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous

deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute

agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de

sociabiliteacute agrave ce quartier

10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml

92

Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a

suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore

aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet

arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que

lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche

dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis

1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans

repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest

stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee

de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la

proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on

constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de

la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de

Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153

Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une

baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal

que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est

passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion

de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63

Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au

Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins

importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait

32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001

93

Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par

rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des

immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts

(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil

du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les

personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient

28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53

en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi

dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette

croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la

figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de

lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001

f QI

1000 -j-------------W_------ ~ lt=

0 = c ~

bull ~

= 1 lt=8f 0600 +------------------------------

1971 1981 1991 2001

Anneacutees

Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada

94

Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des

loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci

jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation

sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que

le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute

la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que

la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour

lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-

Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des

Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de

Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus

de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus

scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui

a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee

2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la

Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de

locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la

proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si

on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de

proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les

revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la

demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le

jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En

effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal

loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non

seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de

la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements

dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de

27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal

95

Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de

larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave

redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa

repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des

rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des

nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et

remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas

propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo

Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves

eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal

deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces

eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs

Montreacutealais

62 Rosemont Petite-Patrie

Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier

populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs

(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle

du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie

situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops

Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian

Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues

Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier

Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-

Leacuteonard (voir carte en Annexe)

96

Tissu urbain et social

Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu

social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande

surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de

larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec

des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de

lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la

rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel

de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien

quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal

avec comme rue principale la rue Masson

Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-

Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun

espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation

dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres

le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave

valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus

agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute

agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave

lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de

lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand

territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre

Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en

voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le

Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons

97

diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau

Rosemont

Dimension symbolique

En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa

trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de

larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et

le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le

secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du

Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a

connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une

population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-

Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par

les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon

dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des

meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs

lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le

quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des

kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des

produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les

guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente

comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de

quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de

laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature

laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous

tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute

[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter

avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux

dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec

La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo

98

laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct

(Global Reacuteservation site internet) raquo

laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie

agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune

population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les

cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de

partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la

fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec

vacancecom) raquo

laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de

victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie

Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou

seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo

Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme

le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable

institution raquo

Description historique

Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le

deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du

tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement

la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait

selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes

(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du

Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des

zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce

aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui

accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les

99

Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au

deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie

municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-

Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute

principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis

Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu

aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet

arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal

Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971

Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de

Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique

de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de

Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi

importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent

en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis

1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave

RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des

proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que

pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important

de 134 645 agrave 157 606 $

Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers

des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de

la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau

de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a

100

diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque

tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37

Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI

laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent

infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les

revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave

4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre

1991 et 2001

Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit

eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971

on comptait 91 de locataires

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux

Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune

Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18

suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de

larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus

constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que

les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette

mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen

1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans

repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de

plus en plus vieillissante

Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus

heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil

diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de

larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-

101

Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique

commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la

Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute

qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le

Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc

Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des

touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse

Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des

deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon

laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie

Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en

culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et

ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles

dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo

En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee

par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas

typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous

laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet

arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus

speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette

partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique

diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie

dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on

peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui

font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification

102

CHAPITRE VII

MEacuteTHODE DENQUEcircTE

Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse

Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute

avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours

geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et

examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent

Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de

recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick

Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et

les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent

seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de

sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous

preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie

meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave

nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans

la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls

103

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)

Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave

documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de

personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs

eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres

de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et

collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements

laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain

ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de

transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel

1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description

du projet)

Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour

lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner

sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe

sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude

afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent

seulesll

11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire

104

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE

La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et

transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des

jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie

meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss

(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique

Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La

diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees

essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types

de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes

rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour

stratifier notre eacutechantillon

La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur

ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un

geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et

quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de

proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et

lintensiteacute des liens entretenus

Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi

dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et

aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier

Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-

eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de

logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau

social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode

quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee

105

par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere

mixte de notre strateacutegie meacutethodologique

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES

Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos

jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de

faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons

compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui

suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par

notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire

Le calendrier reacutesidentiel

Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne

rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille

composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de

logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil

a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier

reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave

habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations

recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette

faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire

correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les

eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave

habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes

correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie

quils envisagent dadopter agrave lavenir

106

Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte

Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl

habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par

contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne

agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines

relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot

du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)

dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain

Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre

et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes

de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une

premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)

qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses

importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils

entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie

actuels et passeacutes (Franke 2005)

Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille

les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de

rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la

personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees

Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave

deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence

des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont

permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social

Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de

107

lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme

arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi

eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees

dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des

membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions

nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme

que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement

quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes

avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes

auxquels elles sont associeacutees

Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du

reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement

concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et

linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain

Lentretien

Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le

deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs

du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la

vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les

questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la

distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont

eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie

concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de

situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent

freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes

du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une

ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de

son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de

voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes

108

adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur

quartier

Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de

compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter

seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES

Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien

social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement

du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant

dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux

principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au

minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode

significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave

la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le

deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal

Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais

nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir

effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues

Le recrutement

Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les

situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les

meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus

fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter

des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre

freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux

3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof

109

1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire

des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements

Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de

reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode

laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte

Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de

commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux

Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc

trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de

leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature

qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis

comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules

ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques

diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest

dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant

leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques

De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de

produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des

personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces

personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par

exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines

personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit

nombre de personnes

12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux

110

Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales

Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous

avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui

ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents

commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de

connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires

Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu

un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent

dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-

Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de

notre eacutechantillon

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre

Quartier Genre N Femme 8

Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11

Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6

Total Femme 11 Homme 5 Total 16

La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de

Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre

province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est

finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave

la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des

emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans

le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute

111

universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient

entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs

agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des

solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que

certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible

ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques

Quartier Personne rencontreacutee

Lieu dorigine Occupation et domaine emploi

Cateacutegorie de revenu

Niveau de scolariteacute atteint

Plateau Mont-Royal

PF01 PF02 PF03

France Montreacuteal France

Travail de bureau Eacutetudiante Communication

30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise

PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11

PF14

Ontario

Montreacuteal

Transport et services Finissante

30 000$ agrave 39 000$

20 000$ agrave 29 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise PF15

PH01 PH02

PH04

Montreacuteal

Queacutebec

Montreacuteal

France

Organisation communautaire Professionnel Communication

Gestionnaire

20 000$ agrave 29 000$

30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$

Plus de 49 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat

Rosemont-Petite-Patrie

RF01 RF07

RF11 RH01 RH06

Montreacuteal

Montreacuteal

Outaouais France France

Eacutetudiante Eacuteducatrice

Communication Eacutetudiant Eacutetudiant

Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$

Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat

13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat

112

La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont

pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil

des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet

arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi

qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des

revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus

scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants

interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes

il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui

concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus

haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations

diffeacuterentes

75 ANALYSE DES DONNEacuteES

Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel

SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave

habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les

donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au

moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire

avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen

dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues

plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi

collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la

reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge

Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin

de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous

preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune

part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient

dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre

113

question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types

se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)

En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des

reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une

enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre

eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre

eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et

enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement

spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le

quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande

quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la

sociabiliteacute des jeunes adultes

114

CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS

Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux

Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La

premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera

question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune

bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a

conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La

seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions

symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir

des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la

troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur

linscription reacutesidentielle des membres dans lespace

81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES

Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et

des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels

doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui

les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans

ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que

tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules

dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils

entretiennent avec leur logement

115

Caracteacuteristiques reacutesidentielles

Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles

comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis

le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un

deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus

eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial

Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35

ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29

Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin

Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie

de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge

moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer

familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats

geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des

trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le

seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute

reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux

personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)

116

En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit

nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En

geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il

apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois

habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le

nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du

Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de

piegraveces de 45 et 47

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes

Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)

moment de lentrevue Mode doccupation du logement

Locataire 13 Proprieacutetaire 3

Mobiliteacute reacutesidentielle

Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres

z 212 312 412 512 anneacutees

25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne

des deacutemeacutenagements en anneacutee

Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu

Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du

logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge

rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee

2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de

logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82

14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules

III

l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o

118

Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de

lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le

deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets

observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir

plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial

des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier

Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle

communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du

centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en

cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal

(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus

communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont

quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou

moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du

temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un

quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires

de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire

laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger

Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme

PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre

Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et

Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du

centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-

Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux

ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes

migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1

119

Le cas de PHOl

PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge

de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le

centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave

Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute

deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-

Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave

Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme

eacutedifice

Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes

rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller

dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe

dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la

plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-

Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et

Rosemont Petite-Patrie

Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave

quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une

mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils

sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute

urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus

importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma

collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute

seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent

aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)

120

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees

Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes

rencontreacutees

Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans

Urbaine 14 8 10 32

Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion

Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1

Total 16 14 20 50

bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme

speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de

jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes

tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge

agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat

2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait

d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de

la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de

personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude

121

Pourquoi habiter seul

Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour

lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces

endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des

tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons

dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les

autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute

celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les

motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont

elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue

Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees

Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne

est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six

anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent

seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres

groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie

en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques

Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin

122

Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des

seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules

sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie

en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire

Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)

Colocation (N) 12 9 13 34

Vie conjugale (N)

7 9 15 31

Retour familial (N) 2 3 2 7

Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par

diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de

cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave

veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes

dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos

reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des

deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de

Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les

trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes

adultes

Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants

PF01

PF02

PF03

PF09

PF10

PF11

- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l

C 1 PH01IV c -CI) C l

C PH02 CI)

-CI) c ccs

PH04

RF01

RFO

RH01

RH06

123

Leacutegende

bull Seul

o Couple

o Colocation

~ Famille

Pension ou lIIll reacutesidence

D 1 an

3 0 3 CD l-c CD

CD W

l -CD ltc CD

Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)

124

Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les

trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires

35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total

Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )

Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)

Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)

Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour

au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et

sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours

familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins

lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier

(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)

Leur histoire

On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes

dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour

la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme

lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants

plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins

diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de

cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de

vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte

125

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo

Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants

Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2

Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006

Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas

lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter

seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux

eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees

habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet

nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en

solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point

de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles

occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation

Les eacutevegravenements deacuteclencheurs

La rupture

Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la

rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines

personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie

conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune

seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte

un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO

126

qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon

indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de

chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les

extraits suivants illustrent ce type de parcours

Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)

Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)

Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)

Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet

conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter

seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance

Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)

Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)

127

Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a

preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste

que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et

biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture

amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et

nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat

(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo

chez les jeunes adultes

Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits

Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements

comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son

proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute

leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau

logement seul

Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)

Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail

Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal

Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme

Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)

128

Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des

individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes

adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes

ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes

Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires

dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont

provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun

emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme

peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces

premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour

plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes

de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain

apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les

femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet

aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre

difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants

dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)

Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus

nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans

mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun

meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou

interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-

Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet

ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour

la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on

donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue

129

Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur

vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et

dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances

Choisir ou subir

Le refus et limpossibiliteacute de la colocation

Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun

projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou

deacutevegravenements particuliers

Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)

Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le

passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement

soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans

un logement agrave soi

Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)

Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi

comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie

indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie

Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)

130

Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de

consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient

dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une

opportuniteacute inteacuteressante

Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5

Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation

Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude

fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut

de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement

associeacutee au cycle de vie

Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04

Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait

envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul

constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils

occupaient au moment de lentrevue

laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)

131

Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves

eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de

laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des

personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre

seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes

eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres

encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez

les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi

de soi

Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne

partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du

Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des

qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les

principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur

leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de

lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport

entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier

812 LE LOGEMENT

Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne

correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement

quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute

11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun

an Ancienneteacute reacutesidentielle

132

Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave

lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante

chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant

51-65 ans

Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)

Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees

habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la

page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois

suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees

(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un

immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees

n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne

est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par

lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue

pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel

Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants

51-65 ans

CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$

133

Trouver et choisir son logement

Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons

deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une

personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont

effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation

Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de

location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du

Plateau

Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire

dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour

eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

(PF15 PF02 PF09)

Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se

promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les

journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce

quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)

Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)

Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)

134

Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident

Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI

Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)

Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie

comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la

meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave

lexception dune personne (RR06)

Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)

Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)

ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment

135

mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)

Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux

qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de

location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de

Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout

du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez

lensemble des solos

Rapport au logement

En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable

et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour

certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui

habitent des logements de 2 piegraveces

Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)

Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)

136

Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour

les filles qui habitent sur le Plateau

Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)

[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)

Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou

des contraintes financiegraveres

Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)

Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et

ressources disponibles pour se sentir bien

Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un

137

peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1

Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas

dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02

ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07

rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)

Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)

Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi

ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos

reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes

mais qui remplissent leur fonction de base

138

Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement

En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de

cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees

Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans

leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4

nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque

deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent

comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre

Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les

peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon

passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee

qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties

organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux

cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo

La girouette ou le pied-agrave-terre

Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons

aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules

en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere

faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl

de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui

est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave

lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement

spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere

et du mode de vie en geacuteneacuteral

Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)

139

Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales

organiseacutees

Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)

Le type casanier

Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se

demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme

PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la

lecture ou du bricolage

Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))

Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier

restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si

le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se

retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film

140

De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans

le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques

propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence

dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus

pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme

sils le souhaitent

Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)

Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)

141

Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une

peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y

travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez

lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez

les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave

inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des

logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux

lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les

rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que

la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux

habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas

ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous

Conclusion sur les parcours

Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel

majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble

des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont

aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999

1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)

Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont

pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures

amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les

eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu

et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul

Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous

les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres

groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees

142

Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la

freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle

semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec

lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de

mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres

urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont

proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la

jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul

Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur

logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle

mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours

geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute

entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous

examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et

engagement politique et associatif)

82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER

Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont

Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les

rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique

Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve

principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de

vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de

transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de

larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation

relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont

le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que

nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera

question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les

143

Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons

dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services

quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent

dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales

Un espace symbolique

Le Plateau Mont-Royal

Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit

pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils

nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou

du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul

Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ

Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui

le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs

services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)

La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui

ressortent beaucoup dans la description du quartier

Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4

Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII

144

Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des

interlocuteurs

Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ

Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un

quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les

statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes

solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en

raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml

Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente

Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de

Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants

nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )

proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants

parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une

ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous

les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour

deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne

se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave

trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour

laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain

et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau

demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des

quartiers de Rosemont Petite-Patrie

145

Rosemont Petite-Patrie

Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus

nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de

Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable

principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na

parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le

freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme

lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le

comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo

tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par

reconnaicirctre les gens

Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)

Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)

Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11

Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une

destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)

Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas

146

non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)

Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)

Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais

la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux

minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des

immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du

quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique

speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier

Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal

renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en

termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se

rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis

de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves

Un espace central et fonctionnel

Plateau Mont-Royal

La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau

Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en

banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection

dans le choix du logement

Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)

147

La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute

de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la

proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de

marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre

eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour

habiter leur quartier

Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)

Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)

Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation

speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs

Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage

on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville

Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)

148

Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)

Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de

proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension

agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire

compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais

aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait

Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)

Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes

laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines

laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08

Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute

comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui

ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain

et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la

population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance

149

Rosemont Petite-Patrie

Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits

commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes

pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les

parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau

Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de

services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave

pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect

nest tregraves eacutevident dans tous les discours

Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)

[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)

Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans

leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits

et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave

freacutequenter ces lieux

laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur

150

Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07

laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)

Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement

Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal

pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute

dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu

de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie

une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes

les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier

Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)

laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04

151

Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur

quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le

plan financier et social

Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va

au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine

laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage

non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats

marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de

Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute

pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et

laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats

vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en

quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et

services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui

eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs

deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les

lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que

des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence

Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un

caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du

quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute

comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services

Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du

quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les

jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de

proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont

jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)

Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les

personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que

dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les

152

caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des

services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent

certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes

et appartenant agrave des professions intellectuelles

Espace de sociabiliteacute

Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant

leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles

ils participent et des relations de voisinage

Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier

Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes

solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute

faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et

discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire

des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier

Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees

depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude

On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les

reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du

Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur

arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en

matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus

haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties

et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes

non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de

la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de

153

lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus

enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des

personnes rencontreacutees

Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois

Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement

PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37

Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34

Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47

Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20

Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50

Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes

pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les

jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus

les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des

sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur

154

Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois

Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans

leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32

Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18

Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46

Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25

Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6

Total (N) 11 5 16 26 24 50

A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier

qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de

Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs

Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal

freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des

restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les

bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les

rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent

Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)

155

Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent

certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits

Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)

Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii

Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO

Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un

degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute

danonymat variable

Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants

concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les

boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils

freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs

On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance

Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles

et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un

autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal

156

Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07

Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06

(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI

Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur

quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont

en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau

Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue

un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui

comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement

lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement

pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens

reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI

[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)

Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-

Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines

commoditeacutes offertes

157

Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07

Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les

dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens

forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la

laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements

influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo

La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations

sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier

central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes

plus en peacuteripheacuterie de la ville

[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ

Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ

158

Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se

limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir

des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier

Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales

selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute

et de la distance au sens de Simmel

Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs

majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les

groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs

comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui

linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des

reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa

disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-

Royal

Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils

laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des

commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils

laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux

cas de figure selon larrondissement habiteacute

J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)

[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)

159

Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que

chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent

davantage les personnes quils croisent

Espace politique et associatif

Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun

travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu

concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance

dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point

aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer

sur la scegravene locale

Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)

Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute

une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus

speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements

et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de

faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart

dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le

dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune

importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction

Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)

160

Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les

jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une

laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont

pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais

portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local

ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo

Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous

pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la

proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude

Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la

distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques

fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves

positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme

un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de

plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues

commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage

dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des

trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par

le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le

Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants

repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut

progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des

emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans

liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le

mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le

161

dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport

entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents

Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins

important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des

quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est

deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un

prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne

retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est

ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et

des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils

reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars

des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la

rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants

sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces

espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite

Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des

caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre

il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes

ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter

Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les

processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement

gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave

lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le

sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise

dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace

de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute

162

En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes

dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)

Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui

seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La

sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire

superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace

commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple

plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement

personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations

sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette

figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos

reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent

une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les

jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de

lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en

quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls

Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes

diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et

politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont

Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau

les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et

sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le

rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute

et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par

ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir

une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus

jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux

163

locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti

politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier

Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun

comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie

des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui

habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que

le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des

processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge

des individus

83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX

Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous

attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de

preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui

composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants

Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous

examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations

sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral

La taille

Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que

nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de

personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre

19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39

Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que

lautre moitieacute en a moins

164

Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes

adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge

adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf

reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux

cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge

Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine

dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il

passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport

sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la

jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs

reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de

jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes

outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304

personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-

agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez

les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et

dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35

et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants

provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du

Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de

la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs

caracteacuteristiques

15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte

165

Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt

Arrondissement Provenance habiteacute

Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et

Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano

Jeunes adultes

Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)

Total eacutechantillon

Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)

En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du

Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent

les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants

qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de

Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes

mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires

agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites

dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont

meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on

remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que

celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est

possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif

166

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul

la provenance et la taille des reacuteseaux

Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20

Les intimes

Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs

reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens

de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes

correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent

de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du

Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les

jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les

reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que

pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas

de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page

suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques

167

Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1

Personnes rencontreacutees

Jeunes adultes

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne Meacutediane

(N) Total eacutechantillon

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Arrondissement Provenance Total habiteacute

Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens

Montreacutealais reacutegion Cano

8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6

20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)

7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15

24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)

7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12

22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)

Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes

que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes

originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de

proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau

Caracteacuteristiques sociales des membres

Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans

lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34

ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre

dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont

168

acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute

atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent

en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des

jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total

Alters des jeunes

adultes

N= 656

6 34

192 189

77 44 31 29 14 20 20

63 536 21 6 24

N=650

1 48 91 431

N=571

184 252 o

108 89

633

Personnes rencontreacutees

N=16

o 1 6 7 2 o o o o o o

3 12

N=16

1 15

N=16

16

16

169

Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales

des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant

lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur

groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des

reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de

324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les

proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par

rapport agrave ceux des jeunes adultes

170

Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus

Total

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total

Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans

Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)

88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)

301 (100)

19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)

3 (10) 2 (43)

10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)

292 (100) 14 (100)

4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)

187 (680) 9 (643)

272 (1000) 14 (100)

96 (324) 100 85 (287)

92 (311)

22 (74)

1 (03) 296 (1000)

Alters (N=673)

99 (147) 201 (299) 309 (460)

63 (94)

672 (100)

30 (46) 468 (723)

96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)

646 (100)

10 (19) 92 (171) 83 (154)

354 (657)

539 (1000)

242 (37) 197 (301)

178 (272)

36 (55)

1 (02) 654 (1000)

Altersmiddot Egos 51middot65 ans

Eacutegos (N= 20)

100

1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)

0(00)

20 (1000)

0(00) 2 (100) 3 (150)

15 (750)

20 (1000)

20 (100)

171

Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes

solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et

scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme

nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans

les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de

Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient

tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les

classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous

navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave

l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et

semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode

dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des

reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela

sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons

que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave

1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer

1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes

marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des

divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples

sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur

des familles ayant des enfants du mecircme acircge

La composition des reacuteseaux

Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont

majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous

les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus

de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des

liens

En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les

connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs

172

liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille

repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus

importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )

par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez

les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des

liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes

Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus

acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et

vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817

et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute

Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656

N= 528

Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96

Conjoint 08 02 03

Ami 773 468 527

Travail 16 123 102

Voisinage 00 34 27

Connaissance 00 216 174

Autre 00 13 11

Total 1000 1000 1000

173

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans

Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671

N= 209 N= 525

Famille 177 215 204 157 209 198

Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116

Conjoint 22 05 10 14 00 03

Ami 700 459 532 801 486 554

Travail 33 124 97 21 97 80

Voisinage 00 81 57 07 95 76

Connaissance 00 100 70 00 107 83

Autre 67 14 30 00 06 04

Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000

Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la

provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie

possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et

dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui

concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont

une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de

leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent

une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-

Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que

dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des

reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance

174

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion

Liens des alters jeunes adultes

des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188

Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138

Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161

Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus

de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout

de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les

groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute

et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute

plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville

que Montreacuteal et de lEurope

Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux

Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville

de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace

de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche

Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui

habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace

joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la

reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur

175

le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la

freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur

lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode

dhabiter

Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls

Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des

alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre

reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo

La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de

Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux

qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui

habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La

cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent

dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement

distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le

Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des

reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence

des personnes rencontreacutees

La reacutepartition spatiale des alters

Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir

que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion

Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de

Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal

(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur

Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans

laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses

enquecircteacutes

176

En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des

membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins

de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de

Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la

personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour

Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6

Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens

Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters

Intimes Autres Total Liens

N =127 N=510 N=637

RMR 630 516 682

Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88

tle de Montreacuteal 567 422 580

Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69

Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220

16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes

177

Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que

25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui

concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on

compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart

(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants

Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la

provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters

qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le

mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des

reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux

reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants

europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville

canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais

dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des

reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute

de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342

178

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179

RMR 682 669 685 813 495 486

Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100

Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386

Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61

Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06

Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39

Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475

Chi2 0675 0000

V de Cramer 079 0342

Les intimes et les non-intimes

En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes

adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles

deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion

meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux

est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre

arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement

voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation

dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du

Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on

compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que

179

chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les

Montreacutealais

Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon

larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de

distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil

nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux

sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en

ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont

sont significatives

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41

RMR 80 64 16 54 8 18

Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4

Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14

Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4

Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1

Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23

Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444

180

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138

RMR 434 241 58 237 42 69

Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14

lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55

Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7

Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg

Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7

Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62

Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324

Les adultes mucircrs et vieillissants

Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence

des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la

majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690

pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees

dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de

proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le

mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans

181

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans

Moins de 35 ans

Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens

N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639

RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720

Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128

Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592

Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64

Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122

En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes

sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement

concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le

mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus

petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement

international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les

reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de

la province de reacutesidence est eacuteleveacutee

182

Liens et espaces de proximiteacute

Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de

leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues

Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego

sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins

citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes

de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec

un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees

parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes

mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois

plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego

Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice

(N= 149) N=11 ) (160)

Famille ~roche 0

Famille eacutelargie 3 0 3

Ami 92 4 96

Travail 13 0 13

Voisin 10 7 17

Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4

183

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull

36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total

Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)

Famille proche 0 0 0 7 2 9

Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4

Ami 31 2 33 72 14 86

Travail 4 0 4 10 0 10

Voisinage 3 11 14 20 28 48

Connaissance 8 0 8 12 0 12

Autre 4 0 4 0 0 0

Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme

arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un

membre de la famille proche et un collegravegue de travail

Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement

larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes

damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes

Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que

le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit

principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de

travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial

international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille

184

Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos

reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun

reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations

sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de

sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux

des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les

modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes

Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations

sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute

de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de

vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de

nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur

quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral

Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de

travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et

des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de

Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent

avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un

rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux

publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent

dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la

freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs

amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour

dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte

pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un

eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien

185

laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22

Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans

lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs

laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01

laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10

186

Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent

plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute

constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien

Le mode de la sociabiliteacute publique

Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de

second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais

celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations

de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En

effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une

place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la

proximiteacute des membres de leur reacuteseau

Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son

quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde

pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de

son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui

Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les

pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral

[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)

Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi

187

que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)

Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute

relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute

spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation

situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal

Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)

188

Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui

habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme

facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie

entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin

(1987)

Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement

leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral

Lurbain mobile

Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne

constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute

en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur

arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le

mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports

de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation

de lieux publics

En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas

neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la

taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique

relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de

vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur

quartier

189

CHAPITRE IX

INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS

Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge

Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de

reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes

effectueacutees sur le sujet

91 Synthegravese des reacutesultats

Les caracteacuteristiques

Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux

arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils

sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos

bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de

mecircme que celle de Kaufmann (1994a)

Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute

laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours

biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie

conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants

dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment

de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres

sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils

ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter

seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme

et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les

constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut

190

Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la

girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de

lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au

logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur

logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied

agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le

rapport entretenu au logement

Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de

solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave

la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus

de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes

Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur

quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition

spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs

reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le

mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres

de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos

reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et

local des reacuteseaux des immigrants

Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois

dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens

191

Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas

un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement

leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela

sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un

lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au

quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de

thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et

Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous

avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches

Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-

Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la

relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela

sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute

de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de

vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la

proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est

surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et

fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de

femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela

rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes

avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie

quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait

surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations

seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces

192

Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres

formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au

quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le

faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique

ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux

situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le

rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de

proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la

Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute

spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute

Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de

sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement

queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous

avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la

distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude

Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-

Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute

publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations

diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les

jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier

ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis

que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour

habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel

tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire

rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports

symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs

caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un

logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines

193

sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement

et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave

sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du

temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des

repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des

Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous

avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences

avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du

Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien

contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes

En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au

quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais

aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les

territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci

explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres

caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social

chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le

processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations

sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la

surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus

diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de

diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des

parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de

reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les

pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de

proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en

loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes

194

Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de

rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre

eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui

habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue

une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute

de diffeacuterences majeures entre les genres

92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo

En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus

acircgeacutes

Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que

leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire

reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la

trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes

De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos

plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes

cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes

En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et

de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des

adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier

ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les

rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez

les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs

homologues plus acircgeacutes

195

Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi

un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois

mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le

Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle

et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par

laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont

appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite

Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute

publique que leurs homologues plus jeunes

En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que

celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions

dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays

appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes

solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un

cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des

reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux

sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits

reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce

quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes

quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements

Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes

ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs

alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint

un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et

semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes

adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les

connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes

de solos plus jeunes

196

On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes

adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute

chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien

ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents

du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les

reacutesidents du Plateau

Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent

diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se

rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents

La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une

particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des

speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de

vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes

dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation

symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de

support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain

repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de

lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur

mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain

197

CONCLUSION

Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement

Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en

milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la

sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux

nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens

sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes

sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont

deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans

une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et

non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les

migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est

deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet

individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une

individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se

traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique

entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat

providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes

qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de

lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en

milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais

aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre

inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont

connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville

fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de

reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave

la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment

198

disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville

comme porteur disolement et de dissolution des liens

En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces

quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de

deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de

diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace

de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la

communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un

facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu

que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de

proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il

reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens

forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes

Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas

neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les

cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques

de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos

interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute

une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent

seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie

Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison

entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont

fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la

dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien

Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue

speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et

la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les

personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie

199

Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes

transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les

relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux

publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la

proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu

que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr

et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les

rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces

reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous

pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine

que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute

En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-

ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les

comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique

semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de

vie en solo

Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une

veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales

et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute

reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites

dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et

de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu

urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie

qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes

eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que

le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de

vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute

200

Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le

reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances

inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes

rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait

lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie

Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode

de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres

de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la

transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave

la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent

davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune

transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi

sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les

plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il

nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina

(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de

repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A

transitional period et Solo living for the long term

Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)

envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle

deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de

vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres

reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls

Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce

type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par

ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes

adultes rencontreacutes

201

La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une

perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre

de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie

reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine

personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces

personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave

un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres

Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme

repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)

ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la

moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur

mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement

Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos

reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les

caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de

lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes

que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation

eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur

les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont

lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de

logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude

Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans

Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se

sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur

condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est

relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes

adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment

de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les

202

reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus

susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre

eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces

quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres

de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain

En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute

constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de

voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en

peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement

deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers

peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la

voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules

moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-

Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-

eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue

un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces

contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements

sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques

tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul

est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus

petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus

importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-

Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La

compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas

passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent

203

APPENDICE A

Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes

Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes

Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700

204

APPENDICEB

Villeray

Outremont ~ -

Rosemont

~ e _ pire

_ commerce

centre-ville

PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie

205

APPENDICEC

Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie

206

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  • Veacutezina1
  • Veacutezina2
Page 3: transformation du lien social en milieu urbain

111

AVANT PROPOS

Ce meacutemoire constitue mon premier travail de grande denvergure en sciences sociales mais aussi mon plus grand accomplissement sur le plan personnel La recherche est avant tout un travail en solo Cette reacutealisation requiert une discipline et la construction dun mode de vie typique agrave la recherche Il reste que ce travail naurait eacuteteacute possible sans laide et lappui de diverses personnes

Je tiens dabord agrave remercier tous les reacutepondants de lenquecircte qui ont accepteacute de me rencontrer et de mavoir consacreacute geacuteneacutereusement de leur temps Cest particuliegraverement gracircce agrave ces personnes quil est possible de reacutealiser de tels projets

Je remercie aussi tout particuliegraverement ma directrice Johanne Charbonneau de mavoir fait confiance et de mavoir inteacutegreacute dans le projet Habiter seul Cette expeacuterience a eacuteteacute pour moi lune des plus enrichissantes sur le terrain puisque le deacutefi eacutetait de taille Mon expeacuterience au sein du projet Habiter seul ma non seulement initieacute au milieu de la recherche mais ma aussi permis de deacutevelopper une grande autonomie et une certaine maturiteacute scientifique Sans cette expeacuterience ce travail ne serait pas ce quil est Un grand merci agrave Annick Germain qui a eacuteteacute aussi mon professeur de mecircme quagrave Ceacutecile et Martin pour le travail que nous avons reacutealiseacute ensemble Je dois aussi beaucoup agrave Marc Molgat pour mavoir pris sous son aile dans lanalyse et la diffusion des reacutesultats du projet Les discussions sur les analyses les publications et la participation aux congregraves sont des expeacuteriences exceptionnelles pour un eacutetudiant agrave la maicirctrise

Aussi je dois beaucoup agrave ma famille pour mavoir depuis plusieurs anneacutees toujours encourageacute agrave poursuivre cette voie et supporter dans cette aventure Merci agrave mon pegravere Serge pour avoir toujours cru en moi et mavoir motiveacutee agrave poursuivre des eacutetudes en sociologie Merci agrave ma megravere Anne pour son soutien moral et son estime pour mon travail Merci agrave mon fregravere Sylvain pour mavoir endureacute et partager le territoire de travail

Merci agrave Edith Alix et Marie-Reneacutee pour mavoir supporteacute en suivant les hauts et les bas du projet et agreacutementeacute laventure avec les soupers defilles Votre amitieacute est preacutecieuse etfait partie des plaisirs et des joies qui ont marqueacute mes anneacutees INRS

Enfin merci agrave mon Mathieu pour mavoir encourageacute conseiller et supporter dans ce projet au quotidien Ta bonne humeur et ton optimisme inneacute mont fourni leacutenergie neacutecessaire pour surmonter les peacuteriodes les plus ardues et mettre ce travail agrave terme

IV

REacuteSUMEacute

Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les

quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de

lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les

jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un

visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute

agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts

interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute

chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et

les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu

avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave

ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans

leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux

sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos

analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de

sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier

leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de

conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la

moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain

v

TABLE DES MATIEgraveRES

AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x

INTRODUCTION 1

PREMIEgraveRE PARTIE 6

CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11

13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25

Conclusion du chapitre 1 26

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28

21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29

22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40

Vl

23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45

Conclusion du chapitre Il 47

CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54

Conclusion du chapitre III 55

CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66

42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79

vu

CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81

51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81

52 HyPOTHEgraveSES 82

DEUXIEgraveME PARTIE 84

CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES

Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84

DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86

Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92

62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99

CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0

75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112

ix

APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206

LISTE DES FIGURES

Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56

Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la

75

population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93

Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116

Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117

Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131

x

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71

Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132

Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153

Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154

xi

Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166

Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168

Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174

Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183

INTRODUCTION

Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne

cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette

maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des

formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la

proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001

(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de

lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la

prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de

personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais

aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du

nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain

en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains

La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se

retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le

fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou

laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux

multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la

quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs

ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations

speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-

eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent

difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un

logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs

ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont

une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement

mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002

Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)

2

Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute

linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce

mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans

notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc

Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les

modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage

urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance

soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie

quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et

la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative

et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux

questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu

urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans

un contexte meacutetropolitain

Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de

cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de

plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le

cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers

centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle

mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur

quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu

urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des

modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles

et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a

conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils

habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces

trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux

sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier

3

Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la

transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute

des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux

questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux

chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et

l interpreacutetati on des reacutesultats

Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La

question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie

et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la

sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le

chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la

transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de

leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De

plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des

travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin

nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux

lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la

sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune

socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande

ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine

alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec

nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente

eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement

et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet

4

Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous

indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique

de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des

jeunes adultes qui habitent seuls

Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception

du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde

moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des

grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui

caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres

anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui

habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des

personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la

socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus

dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave

diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le

contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une

transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes

sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les

jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi

au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux

Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport

entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave

leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le

choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des

territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que

les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre

VII

5

Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les

trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et

geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire

reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type

de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et

ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au

rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de

sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps

libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur

reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres

dans lespace

Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une

reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees

sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons

rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte

Habiter seul vivre isoleacute

6

PREMIEgraveRE PARTIE

CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE

La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec

La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres

fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des

relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme

coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus

durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une

perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport

au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme

Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social

dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables

et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute

LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le

peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique

des relations sociales

Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir

duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social

lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social

de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain

7

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu

La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des

conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute

1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre

autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet

selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont

traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une

demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et

deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des

transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour

la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole

et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans

lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces

bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent

en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont

favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du

travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural

(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans

1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de

survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)

Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement

devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute

dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans

une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le

village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail

pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des

uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux

agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la

sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui

le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques

8

ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes

nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la

population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social

La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les

contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures

eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la

reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles

des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective

eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque

les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes

industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens

communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de

laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas

1995)

Ferdinand Tonnies

Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg

et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute

tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories

rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de

sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief

1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie

dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la

logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans

la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute

Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus

importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution

industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux

ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees

9

Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola

communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type

communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation

communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave

linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang

ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la

petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une

logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec

lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit

Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de

compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette

perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la

grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait

mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide

comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais

psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon

Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes

traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le

calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la

transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute

porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme

10

Eacutemile Durkheim

Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la

sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave

Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce

moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition

positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de

faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De

la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du

contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail

Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon

concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente

lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et

lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du

travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les

socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un

type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute

meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave

1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une

absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte

conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de

1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement

de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien

social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des

personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette

solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande

autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les

individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la

typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens

11

laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui

correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette

classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et

linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil

occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des

liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une

association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull

Max Weber

Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville

europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est

un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a

enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute

la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et

a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs

contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de

sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales

industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La

Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas

1995 Weber 1982 (1947))

Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien

social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon

Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les

liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute

urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)

1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)

12

Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non

urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent

neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et

de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la

ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de

sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave

part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest

pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et

leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci

tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau

mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute

Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de

diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre

autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se

traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle

liberteacute

En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux

eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se

retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu

dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de

codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des

contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en

milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu

creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))

Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la

ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des

relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du

lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi

13

par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des

situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)

13 La sociologie urbaine

Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger

Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la

ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la

moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs

laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave

saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995

Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux

conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la

communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples

sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie

agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus

complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une

deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques

de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des

rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))

Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave

une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903

(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee

que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se

trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au

cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes

et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)

Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes

conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve

et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus

14

dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo

speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de

lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques

des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus

dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des

biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit

En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature

eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein

duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la

relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo

Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de

laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus

calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux

et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour

la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un

mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux

formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute

personnelle

Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus

des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de

lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli

sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la

deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les

conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain

15

La figure de lEacutetranger

La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation

de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur

qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il

sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas

avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans

la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais

compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport

agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la

forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo

(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations

sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave

la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de

deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain

et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes

urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui

sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports

entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La

dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des

caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en

quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains

imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses

eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de

reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses

distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)

16

Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de

Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls

dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger

qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de

lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les

pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine

lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)

Leacutecole de Chicago

Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur

lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs

qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979

Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago

qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique

Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au

sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la

sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie

une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac

1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des

plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette

peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte

particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance

deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants

ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants

en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de

personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation

denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la

ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la

cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le

nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus

17

dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua

agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les

conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto

La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social

pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago

furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population

avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes

Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago

furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers

constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute

1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la

laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une

organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974

Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den

expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories

relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus

fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute

1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux

au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement

inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute

urbaine

Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de

Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation

sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes

comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de

lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute

sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo

constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au

monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)

18

Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de

Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste

et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park

Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain

(Grafmeyer et Isaac 1979)

Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les

inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral

absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy

et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de

choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et

laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif

typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les

figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park

comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago

dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des

liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde

non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des

fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac

1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de

parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on

creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts

interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la

reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)

Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park

et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils

ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et

linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations

sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle

19

Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres

deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese

de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la

question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en

situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes

sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de

communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la

communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee

La thegravese de la communauteacute perdue

Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de

lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de

Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte

en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation

Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et

relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les

liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par

rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton

1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux

ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce

quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des

situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances

(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain

comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez

Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants

et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail

la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce

qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte

urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)

20

La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les

anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les

villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la

communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la

communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement

refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune

certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais

surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques

dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le

quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de

voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le

voisinage jouent un rocircle coheacutesif

Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes

quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se

penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les

thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou

communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au

deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute

La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)

Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux

tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)

Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des

deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et

politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient

entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen

plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative

21

et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du

Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau

2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont

plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les

Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites

politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des

terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et

agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers

les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation

linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on

proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient

aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre

le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau

2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur

lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie

relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le

Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par

ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee

tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves

New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)

Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales

et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies

et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau

2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes

migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de

famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se

fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies

reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres

de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les

logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo

22

(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les

reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours

contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987

Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)

Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas

seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants

vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)

Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)

Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le

XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs

dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou

de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une

contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements

interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des

va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)

les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le

mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme

paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute

Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo

(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle

fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin

1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de

leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique

reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute

(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette

1992)

23

Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute

Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la

premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux

dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur

le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux

urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute

posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue

(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)

En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu

diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand

et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et

tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des

reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour

une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins

dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce

contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute

important pour les loisirs et lentraide

Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et

de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et

lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et

les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires

montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde

familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse

et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute

industrielle montreacutealaise

24

Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)

Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs

lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de

Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus

tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les

modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace

Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et

supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus

laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin

1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et

les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par

lintermeacutediaire des enfants

La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre

la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce

entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des

lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et

reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus

(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)

Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales

dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui

distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la

25

capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des

occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes

neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton

(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon

laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du

quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de

premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le

quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain

Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport

comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a

favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix

reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat

2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de

lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de

reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique

des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom

lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo

spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus

agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne

constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux

qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de

nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les

individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)

26

Conclusion du chapitre 1

Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de

lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la

dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est

dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations

sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le

salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles

lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations

non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la

transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle

acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de

lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous

avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des

aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation

Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de

leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les

migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils

quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une

aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi

dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de

dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent

toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des

jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le

salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la

moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels

Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle

des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des

formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales

27

comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance

des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui

caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque

Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi

inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le

contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux

et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le

vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription

territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques

enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions

28

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL

Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier

Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous

verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux

sociaux disolement et de quartier

21 La sociabiliteacute

La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)

La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance

de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange

et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre

les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou

dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des

personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se

traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre

ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes

des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la

distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les

individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont

faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis

damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens

forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien

(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de

la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager

diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus

entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande

29

La sociabiliteacute publique urbaine et marchande

La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus

laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la

reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre

ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La

sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace

commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou

une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les

autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics

sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain

1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le

caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain

peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de

Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles

dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins

La sociabiliteacute intime

Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes

que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le

mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance

des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute

relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes

qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas

pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et

laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La

3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute

30

)

sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la

proximiteacute relationnelle quelle implique

Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la

reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave

linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail

leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les

connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les

personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute

intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes

Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on

peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social

22 La notion de reacuteseau

Lorigine de la notion

Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et

de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la

monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix

Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons

dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des

caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu

plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement

geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau

renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la

communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les

frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux

liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un

contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La

communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans

31

lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de

Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des

relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins

importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme

Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans

lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte

moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son

reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces

Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une

thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave

partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu

compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute

avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-

selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des

liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one

person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le

reacuteseau change avec le temps et les contextes

Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription

territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations

intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050

personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des

anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain

seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer

1982)

Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par

Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le

mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des

reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne

32

sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par

les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient

une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)

et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality

and preferences determine with whom - that is with people from what social context -

individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est

responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de

plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de

la personnaliteacute de lindividu

Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en

France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les

reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent

que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du

voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de

laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus

nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la

famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens

Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des

relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace

de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au

caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de

proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des

relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture

autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace

geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les

liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves

du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que

ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits

dans lespace de proximiteacute

33

Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition

des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un

contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par

ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des

lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse

sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les

individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart

lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes

sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)

laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des

groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des

reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions

des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux

plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et

Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des

cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations

structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du

principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure

dinteraction entre les personnes

Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux

personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des

entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette

approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les

individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre

les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude

34

Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions

Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la

famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave

partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se

construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de

leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne

maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de

plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu

eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante

laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)

Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI

constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le

caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave

un soutien social

Le noyau et la taille du reacuteseau social

Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en

relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus

significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu

juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses

importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son

centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image

le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui

35

creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998

119)

Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave

des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles

(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations

superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon

peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de

quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et

lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les

deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent

deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes

diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter

(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte

meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon

demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des

sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens

faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou

les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens

forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis

La densiteacute

La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister

entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et

Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la

densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee

36

La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social

Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un

certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des

biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de

relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne

des individus comme le travail et le logement

On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)

Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut

reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas

garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau

car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide

sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui

existent

Le caractegravere mouvant du reacuteseau social

Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle

de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann

1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une

nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle

de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer

(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982

Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres

disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard

4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)

37

Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les

adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge

adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux

chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit

avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non

seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus

grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et

moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de

Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau

que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le

mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas

neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)

L homophilicirce des reacuteseaux

Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des

caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se

ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes

semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982

Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette

tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes

plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes

et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux

plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents

Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les

1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave

quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990

dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un

eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982

dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus

38

jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les

contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en

lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux

mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire

Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)

(Bidart 1997)

Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables

soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte

2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement

des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des

ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute

des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles

centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge

Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des

liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple

constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et

la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute

ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en

couple (Bidart 1997)

laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)

39

De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules

a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de

maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son

groupe damis

laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)

Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le

maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas

des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de

vie

Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses

ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux

personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute

du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui

faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de

voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des

individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales

que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et

freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute

de couples de familles et que lon a peu de liens

bull

40

La question de lisolement social

Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes

qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social

correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et

Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment

subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet

comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute

par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis

quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le

souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes

comprises dans leur reacuteseau

En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de

solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes

attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de

pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter

seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes

plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement

(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute

eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut

occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de

certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une

certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute

relationnelle (Martin 1993)

Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui

portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et

Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par

leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)

41

En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat

(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du

quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des

membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les

reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous

lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en

acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en

emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des

reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des

facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial

lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait

dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la

perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes

Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux

tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en

situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation

socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas

preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils

sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur

les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos

reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de

quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux

saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi

consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute

42

23 Lespace de proximiteacute et le quartier

Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des

theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion

municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention

publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des

populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La

diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et

les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles

traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est

unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres

et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il

repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le

logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon

la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave

laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus

pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace

domestique au profit de la ville

Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)

Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du

domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee

par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous

renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de

proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans

lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on

pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations

43

sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une

enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes

Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace

urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du

centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains

en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire

de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des

pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en

transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous

renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce

territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales

Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche

nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous

envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs

dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en

fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le

quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres

cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville

(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un

espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme

eacutetant un

Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)

44

Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes

facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain

1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la

notion de quartier

laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo

Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un

espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la

construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique

Un espace dintervention politique et daction collective

Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour

deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son

ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une

eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui

a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)

Un espace fonctionnel

La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des

modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave

lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et

services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique

(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent

un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa

4S

sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel

faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit

Un espace symbolique

Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut

correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison

uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et

Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave

laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique

contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants

sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se

situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et

St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo

Un espace de sociabiliteacute

Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut

eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou

lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux

publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique

proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique

et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social

Les enquecirctes sur le quartier

Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de

la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par

Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les

quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels

de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et

un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes

46

et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les

bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par

ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences

reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des

laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un

quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)

En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur

deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des

deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de

travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social

influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les

relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de

40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute

Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute

deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute

du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement

commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le

rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux

lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence

damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne

constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des

personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain

attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain

Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier

Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et

de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu

de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et

fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont

47

aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en

ce qui concerne les sorties

Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes

queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les

jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce

qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur

parcours

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au

quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France

semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes

Conclusion du chapitre II

Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de

proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave

lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de

sociabiliteacute Il sagit dun produit social

Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de

Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un

rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des

adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous

preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions

de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se

concentrer dans les quartiers centraux des villes

48

CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE

Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes

Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister

entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le

rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement

elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel

deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle

examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du

deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce

que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition

geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes

adultes qui habitent seuls

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse

La concentration des jeunes adultes en milieu urbain

La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la

nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat

(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une

localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de

la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun

quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232

de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de

ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements

centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent

respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette

concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal

49

Les migrations la ville et le cycle de vie

Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge

reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations

symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004

Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du

sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours

de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des

grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les

mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003

Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le

travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de

liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez

les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent

2004)

Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort

chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les

moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme

eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans

qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus

scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon

nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont

plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les

quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens

de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois

professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la

preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non

seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties

et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et

Rose 1998)

50

Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls

constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle

de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-

Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix

qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple

ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes

et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere

des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en

meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les

plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat

2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de

ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une

augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent

seuls (Molgat 2000)

Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de

grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc

Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans

les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de

repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure

renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au

moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui

pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la

tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent

2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la

creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi

vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et

de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne

51

La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu

daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave

une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes

Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement

associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas

particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et

didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou

beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo

Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou

simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en

ville agrave un moment de leur parcours biographique

53

La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent

que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle

la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un

mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse

totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les

relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls

sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et

consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup

(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain

lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une

dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les

jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur

permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les

eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les

jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee

tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain

Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les

premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont

caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull

lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon

eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en

preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le

processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux

et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux

liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent

seuls

54

Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier

En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que

le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de

personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le

cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans

leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)

assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des

personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint

celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier

ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux

habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace

laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le

qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la

disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite

et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute

structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la

classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort

aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui

seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est

tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme

dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)

Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et

les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave

linteacuterieur de la figure 31 de la page 52

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter

comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par

ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute

publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des

55

Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave

Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les

secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes

soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie

Conclusion du chapitre III

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo

Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee

et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre

des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas

sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles

maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin

de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du

nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain

56

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non

Thegraveme de comparaison

Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos

Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine

- S y installent pour les eacutetudes ou le travail

Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire

Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial

1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue

2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte

3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels

Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois

Oui selon leacutetude de Xavier Leloup

Agrave voir

Le rapport agrave lespace Urbains

Locataires

Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties

Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)

Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)

Voisinent peu (Leloup)

Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)

Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)

La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace

et moins deacutependant de lespace de proximiteacute

Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude

Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul

57

CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE

Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales

Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la

moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que

plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et

Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute

constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que

les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien

Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands

changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute

sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs

classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct

reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et

culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de

vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute

des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont

plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest

plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus

grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures

sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le

processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance

socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses

sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire

supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes

Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls

modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de

parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi

connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de

58

certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance

de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes

villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont

connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des

transformations des modes de peuplement urbain

Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de

personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des

solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les

contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation

comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons

jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale

et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des

structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style

de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de

ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo

Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut

de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun

mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)

Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des

religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les

prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes

et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et

familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest

laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer

seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann

1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au

statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou

moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et

59

Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps

(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)

De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et

particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme

au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de

lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique

Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des

meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du

monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de

leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus

dindividualisation des modes de vie

Les concepts de moderniteacute

On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois

moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-

neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette

peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes

sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des

identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck

2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de

lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des

conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de

mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la

raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient

individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les

aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale

placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les

familles agrave sentraider

60

Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80

Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute

eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations

vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et

soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille

Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des

conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une

indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont

contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet

au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la

santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection

aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin

1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise

comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales

comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et

aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)

Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole

publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et

lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes

proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus

leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux

quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes

Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts

qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave

vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre

de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de

possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre

61

Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions

neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de

vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait

mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau

tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des

anneacutees 1980

La moderniteacute avanceacutee

Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques

sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis

bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de

demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme

Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou

postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous

une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-

1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et

dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il

eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees

Le processus dindividuation

La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres

favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et

des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993

Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel

qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire

(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute

de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme

groupe social (Jenson et de Singly 2005)

62

Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly

le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des

laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly

1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet

dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre

linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute

industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque

[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)

Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon

laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de

la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le

cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des

individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le

projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la

structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et

donc individualiseacutes

Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus

preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur

2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des

eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement

lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on

entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne

naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger

2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant

63

un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule

poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer

et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte

peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements

inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003

Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)

La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave

diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir

daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met

en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)

Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements

eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont

typiques de notre eacutepoque

Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres

deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles

exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003

Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger

2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu

dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute

professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette

conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les

conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus

jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003

Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans

la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre

preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte

dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de

peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme

si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas

64

25

20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5

0

neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement

accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme

lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres

anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec

(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la

speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur

combinaison avec des eacutetudes postsecondaires

Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec

~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~

Anneacutee

Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca

Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de

lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans

lacircge adulte

laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt

65

Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent

plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le

registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le

Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les

femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus

la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus

reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans

ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une

diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes

moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee

chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)

Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles

et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez

diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990

Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)

Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire

Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu

seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la

suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses

les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en

plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan

et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes

adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre

20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)

Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est

plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20

derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des

66

tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent

mener agrave cette situation

Les maniegraveres de vivre seul

Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les

personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que

certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes

circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann

1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous

renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees

La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de

solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une

double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent

associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes

laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont

souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le

cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez

soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo

laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans

certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie

en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive

(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et

comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau

Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes

vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous

examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet

5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo

67

Ceux qui subissent

Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui

quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas

de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des

difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui

vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993

Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de

faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui

requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et

temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux

valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et

appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise

Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative

puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont

souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a

Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale

rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne

semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du

mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la

vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive

Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur

mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur

indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent

1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans

un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu

de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993

157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec

son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur

situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de

certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de

68

jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent

1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee

dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme

carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de

Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de

figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme

les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les

jeunes adultes

42 Caracteacuteristiques des solos

Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du

Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a

Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991

agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains

auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave

partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont

laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent

beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann

1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et

particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup

2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes

beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et

reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite

nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes

adultes

69

Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques

Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui

habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees

de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51

demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle

seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave

34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees

ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland

1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des

personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon

Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema

deacutevolution qui suit trois seacutequences

[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)

Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la

page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de

Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34

ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada

donneacutees extraites du recensement 2001)

6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

70

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001

65+

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001

Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de

femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande

majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit

24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui

est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un

emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent

pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des

revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de

pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page

suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave

Montreacuteal

71

Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques

de la population

Sexe Femme Homme

Acircge

20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans

Statut Familial

Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve

Immigrants

Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel

Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi

Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus

sous le seuil de la pauvreteacute

Meacutenages composeacutes dune personne

38

49 51

29 36 35

24 1 7

63 5

17

87 6 7

86 14 30

16 16 21 18 12 13 4

38

Total (RMR de Montreacuteal)

100

51 49

33 40 28

12 43 3

41 2

22

86 8 6

84 16 26

18 19 19 16 11 12 5

20

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

72

Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute

Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des

logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont

locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de

la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de

Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)

Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent

entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $

Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux

(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le

recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus

nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu

de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela

sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux

73

Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)

de la population 38 100

Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58

Condominium 7 4

Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38

Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10

Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48

Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

74

1

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul

Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais

elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des

centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049

506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal

comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de

Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les

plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien

cette concentration

Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)

75

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total

bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)

moins de 20 (520)

_ pes de donnagravees

Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada

76

Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS

importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un

grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie

plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval

et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9

Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles

diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes

villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et

Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992

Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)

Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces

Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux

espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities

are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo

Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal

situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers

centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement

relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont

contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur

repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une

population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour

young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also

blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with

their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was

limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies

9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes

77

as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin

1998 831)

Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet

depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des

Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo

investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes

intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil

du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et

caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee

Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social

Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement

mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus

de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de

gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de

nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)

La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des

couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis

elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit

dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques

mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie

(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans

leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen

1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et

tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils

socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des

quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave

faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette

78

eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002

Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff

in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were

interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with

gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les

laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe

homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux

professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge

des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules

(Leloup 2005 Dansereau 1985)

Moderniteacute quartiers centraux et lien social

La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte

actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du

lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y

demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des

reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus

occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau

1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27

Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation

importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees

La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux

deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en

matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a

trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave

cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans

le contexte de la moderniteacute avanceacutee

79

Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux

Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus

dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et

les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de

consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le

processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au

sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave

leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher

1995)

En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre

de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa

personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont

construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes

plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille

Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait

speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)

Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut

comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les

mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements

offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles

personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave

nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la

moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de

proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de

contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les

technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la

distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de

la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1

80

Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations

sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des

processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a

contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en

redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent

seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut

se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement

pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se

retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on

peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et

diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille

les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches

habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en

changement ougrave ils sont fortement concentreacutes

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce

meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers

lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes

81

CHAPITRE V

QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE

Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une

tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter

seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent

urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois

mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble

entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous

sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui

preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations

symboliques

51 QUESTIONS DE RECHERCHE

1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier

11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)

2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social

22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)

23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees

24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau

25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier

3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute

31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo

83

Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et

biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur

mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de

lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des

quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de

leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui

preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les

territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix

84

DEUXIEgraveME PARTIE

CHAPITRE VI

JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE

Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie

Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de

recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute

pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-

ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune

eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de

solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a

seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal

qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules

Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur

le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage

administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les

besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de

reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute

dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des

arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui

habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de

recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-

Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il

sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement

constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le

centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements

de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le

plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)

85

De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des

profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies

par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave

temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR

presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP

ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi

diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui

reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le

loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans

larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux

arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des

Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent

aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes

qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des

cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les

rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs

comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale

deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme

le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi

Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des

reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants

reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas

confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous

nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude

Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales

et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le

fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers

86

DESCRIPTION DES TERRITOIRES

61 Le Plateau Mont-Royal

Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave

lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la

rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que

plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de

lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du

XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements

construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)

Description historique

Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord

une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs

laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon

des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard

Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du

Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues

dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui

explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une

tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le

boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du

tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le

deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave

lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des

forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les

populations anglophones et francophones

87

La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages

francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des

familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des

industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard

Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise

eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun

quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave

chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan

1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de

Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui

travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo

pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il

sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou

trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation

est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une

augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de

laugmentation de la population (Marsan 1994)

Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux

magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et

superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de

proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et

environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite

taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent

des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non

seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale

(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des

artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial

de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En

effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement

88

des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et

acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment

Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee

agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On

retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le

boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans

les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des

commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que

lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe

etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues

commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier

renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de

coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions

compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de

centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements

collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs

et centres de loisirs

Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les

repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche

entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette

œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la

marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce

territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)

laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)

89

laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo

Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et

dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des

reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de

fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les

habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger

(Rocheleau 1995 51) raquo

Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la

proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du

Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la

communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales

notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie

Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de

peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes

moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant

au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels

notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent

90

Dimension symbolique

Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des

Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi

principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels

Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de

larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une

population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de

Montreacuteal 2006 2)

Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides

touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et

RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et

dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des

derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit

le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo

laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et

les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de

lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur

Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-

Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec

2003 2) raquo

Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le

Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en

Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le

laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est

Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej

91

Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En

Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au

Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le

magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du

quotidien Le Devoir

laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo

(Le Devoir2005)

laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux

de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et

boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne

rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la

flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs

y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar

celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)

Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune

laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image

qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique

des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes

Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population

reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave

cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de

personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements

deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous

deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute

agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de

sociabiliteacute agrave ce quartier

10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml

92

Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a

suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore

aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet

arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que

lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche

dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis

1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans

repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest

stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee

de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la

proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on

constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de

la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de

Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153

Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une

baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal

que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est

passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion

de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63

Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au

Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins

importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait

32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001

93

Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par

rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des

immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts

(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil

du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les

personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient

28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53

en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi

dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette

croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la

figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de

lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001

f QI

1000 -j-------------W_------ ~ lt=

0 = c ~

bull ~

= 1 lt=8f 0600 +------------------------------

1971 1981 1991 2001

Anneacutees

Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada

94

Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des

loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci

jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation

sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que

le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute

la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que

la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour

lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-

Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des

Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de

Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus

de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus

scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui

a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee

2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la

Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de

locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la

proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si

on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de

proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les

revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la

demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le

jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En

effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal

loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non

seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de

la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements

dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de

27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal

95

Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de

larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave

redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa

repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des

rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des

nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et

remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas

propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo

Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves

eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal

deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces

eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs

Montreacutealais

62 Rosemont Petite-Patrie

Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier

populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs

(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle

du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie

situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops

Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian

Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues

Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier

Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-

Leacuteonard (voir carte en Annexe)

96

Tissu urbain et social

Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu

social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande

surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de

larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec

des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de

lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la

rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel

de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien

quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal

avec comme rue principale la rue Masson

Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-

Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun

espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation

dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres

le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave

valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus

agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute

agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave

lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de

lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand

territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre

Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en

voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le

Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons

97

diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau

Rosemont

Dimension symbolique

En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa

trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de

larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et

le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le

secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du

Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a

connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une

population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-

Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par

les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon

dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des

meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs

lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le

quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des

kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des

produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les

guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente

comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de

quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de

laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature

laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous

tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute

[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter

avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux

dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec

La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo

98

laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct

(Global Reacuteservation site internet) raquo

laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie

agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune

population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les

cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de

partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la

fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec

vacancecom) raquo

laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de

victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie

Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou

seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo

Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme

le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable

institution raquo

Description historique

Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le

deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du

tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement

la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait

selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes

(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du

Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des

zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce

aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui

accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les

99

Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au

deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie

municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-

Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute

principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis

Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu

aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet

arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal

Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971

Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de

Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique

de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de

Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi

importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent

en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis

1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave

RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des

proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que

pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important

de 134 645 agrave 157 606 $

Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers

des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de

la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau

de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a

100

diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque

tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37

Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI

laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent

infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les

revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave

4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre

1991 et 2001

Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit

eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971

on comptait 91 de locataires

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux

Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune

Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18

suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de

larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus

constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que

les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette

mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen

1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans

repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de

plus en plus vieillissante

Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus

heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil

diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de

larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-

101

Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique

commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la

Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute

qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le

Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc

Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des

touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse

Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des

deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon

laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie

Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en

culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et

ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles

dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo

En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee

par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas

typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous

laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet

arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus

speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette

partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique

diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie

dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on

peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui

font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification

102

CHAPITRE VII

MEacuteTHODE DENQUEcircTE

Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse

Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute

avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours

geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et

examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent

Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de

recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick

Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et

les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent

seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de

sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous

preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie

meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave

nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans

la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls

103

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)

Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave

documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de

personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs

eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres

de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et

collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements

laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain

ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de

transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel

1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description

du projet)

Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour

lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner

sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe

sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude

afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent

seulesll

11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire

104

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE

La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et

transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des

jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie

meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss

(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique

Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La

diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees

essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types

de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes

rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour

stratifier notre eacutechantillon

La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur

ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un

geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et

quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de

proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et

lintensiteacute des liens entretenus

Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi

dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et

aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier

Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-

eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de

logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau

social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode

quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee

105

par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere

mixte de notre strateacutegie meacutethodologique

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES

Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos

jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de

faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons

compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui

suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par

notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire

Le calendrier reacutesidentiel

Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne

rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille

composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de

logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil

a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier

reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave

habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations

recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette

faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire

correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les

eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave

habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes

correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie

quils envisagent dadopter agrave lavenir

106

Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte

Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl

habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par

contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne

agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines

relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot

du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)

dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain

Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre

et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes

de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une

premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)

qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses

importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils

entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie

actuels et passeacutes (Franke 2005)

Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille

les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de

rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la

personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees

Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave

deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence

des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont

permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social

Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de

107

lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme

arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi

eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees

dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des

membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions

nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme

que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement

quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes

avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes

auxquels elles sont associeacutees

Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du

reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement

concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et

linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain

Lentretien

Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le

deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs

du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la

vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les

questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la

distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont

eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie

concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de

situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent

freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes

du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une

ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de

son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de

voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes

108

adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur

quartier

Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de

compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter

seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES

Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien

social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement

du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant

dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux

principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au

minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode

significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave

la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le

deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal

Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais

nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir

effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues

Le recrutement

Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les

situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les

meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus

fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter

des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre

freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux

3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof

109

1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire

des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements

Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de

reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode

laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte

Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de

commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux

Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc

trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de

leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature

qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis

comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules

ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques

diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest

dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant

leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques

De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de

produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des

personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces

personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par

exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines

personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit

nombre de personnes

12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux

110

Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales

Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous

avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui

ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents

commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de

connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires

Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu

un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent

dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-

Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de

notre eacutechantillon

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre

Quartier Genre N Femme 8

Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11

Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6

Total Femme 11 Homme 5 Total 16

La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de

Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre

province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est

finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave

la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des

emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans

le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute

111

universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient

entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs

agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des

solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que

certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible

ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques

Quartier Personne rencontreacutee

Lieu dorigine Occupation et domaine emploi

Cateacutegorie de revenu

Niveau de scolariteacute atteint

Plateau Mont-Royal

PF01 PF02 PF03

France Montreacuteal France

Travail de bureau Eacutetudiante Communication

30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise

PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11

PF14

Ontario

Montreacuteal

Transport et services Finissante

30 000$ agrave 39 000$

20 000$ agrave 29 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise PF15

PH01 PH02

PH04

Montreacuteal

Queacutebec

Montreacuteal

France

Organisation communautaire Professionnel Communication

Gestionnaire

20 000$ agrave 29 000$

30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$

Plus de 49 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat

Rosemont-Petite-Patrie

RF01 RF07

RF11 RH01 RH06

Montreacuteal

Montreacuteal

Outaouais France France

Eacutetudiante Eacuteducatrice

Communication Eacutetudiant Eacutetudiant

Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$

Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat

13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat

112

La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont

pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil

des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet

arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi

qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des

revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus

scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants

interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes

il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui

concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus

haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations

diffeacuterentes

75 ANALYSE DES DONNEacuteES

Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel

SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave

habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les

donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au

moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire

avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen

dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues

plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi

collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la

reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge

Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin

de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous

preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune

part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient

dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre

113

question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types

se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)

En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des

reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une

enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre

eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre

eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et

enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement

spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le

quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande

quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la

sociabiliteacute des jeunes adultes

114

CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS

Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux

Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La

premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera

question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune

bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a

conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La

seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions

symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir

des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la

troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur

linscription reacutesidentielle des membres dans lespace

81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES

Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et

des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels

doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui

les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans

ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que

tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules

dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils

entretiennent avec leur logement

115

Caracteacuteristiques reacutesidentielles

Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles

comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis

le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un

deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus

eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial

Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35

ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29

Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin

Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie

de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge

moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer

familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats

geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des

trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le

seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute

reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux

personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)

116

En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit

nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En

geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il

apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois

habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le

nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du

Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de

piegraveces de 45 et 47

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes

Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)

moment de lentrevue Mode doccupation du logement

Locataire 13 Proprieacutetaire 3

Mobiliteacute reacutesidentielle

Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres

z 212 312 412 512 anneacutees

25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne

des deacutemeacutenagements en anneacutee

Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu

Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du

logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge

rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee

2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de

logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82

14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules

III

l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o

118

Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de

lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le

deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets

observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir

plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial

des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier

Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle

communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du

centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en

cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal

(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus

communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont

quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou

moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du

temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un

quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires

de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire

laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger

Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme

PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre

Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et

Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du

centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-

Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux

ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes

migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1

119

Le cas de PHOl

PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge

de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le

centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave

Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute

deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-

Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave

Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme

eacutedifice

Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes

rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller

dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe

dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la

plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-

Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et

Rosemont Petite-Patrie

Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave

quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une

mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils

sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute

urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus

importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma

collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute

seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent

aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)

120

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees

Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes

rencontreacutees

Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans

Urbaine 14 8 10 32

Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion

Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1

Total 16 14 20 50

bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme

speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de

jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes

tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge

agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat

2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait

d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de

la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de

personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude

121

Pourquoi habiter seul

Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour

lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces

endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des

tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons

dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les

autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute

celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les

motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont

elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue

Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees

Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne

est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six

anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent

seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres

groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie

en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques

Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin

122

Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des

seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules

sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie

en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire

Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)

Colocation (N) 12 9 13 34

Vie conjugale (N)

7 9 15 31

Retour familial (N) 2 3 2 7

Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par

diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de

cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave

veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes

dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos

reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des

deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de

Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les

trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes

adultes

Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants

PF01

PF02

PF03

PF09

PF10

PF11

- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l

C 1 PH01IV c -CI) C l

C PH02 CI)

-CI) c ccs

PH04

RF01

RFO

RH01

RH06

123

Leacutegende

bull Seul

o Couple

o Colocation

~ Famille

Pension ou lIIll reacutesidence

D 1 an

3 0 3 CD l-c CD

CD W

l -CD ltc CD

Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)

124

Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les

trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires

35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total

Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )

Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)

Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)

Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour

au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et

sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours

familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins

lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier

(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)

Leur histoire

On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes

dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour

la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme

lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants

plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins

diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de

cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de

vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte

125

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo

Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants

Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2

Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006

Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas

lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter

seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux

eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees

habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet

nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en

solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point

de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles

occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation

Les eacutevegravenements deacuteclencheurs

La rupture

Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la

rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines

personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie

conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune

seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte

un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO

126

qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon

indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de

chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les

extraits suivants illustrent ce type de parcours

Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)

Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)

Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)

Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet

conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter

seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance

Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)

Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)

127

Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a

preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste

que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et

biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture

amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et

nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat

(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo

chez les jeunes adultes

Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits

Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements

comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son

proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute

leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau

logement seul

Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)

Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail

Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal

Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme

Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)

128

Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des

individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes

adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes

ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes

Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires

dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont

provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun

emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme

peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces

premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour

plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes

de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain

apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les

femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet

aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre

difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants

dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)

Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus

nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans

mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun

meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou

interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-

Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet

ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour

la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on

donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue

129

Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur

vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et

dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances

Choisir ou subir

Le refus et limpossibiliteacute de la colocation

Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun

projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou

deacutevegravenements particuliers

Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)

Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le

passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement

soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans

un logement agrave soi

Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)

Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi

comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie

indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie

Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)

130

Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de

consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient

dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une

opportuniteacute inteacuteressante

Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5

Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation

Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude

fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut

de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement

associeacutee au cycle de vie

Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04

Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait

envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul

constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils

occupaient au moment de lentrevue

laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)

131

Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves

eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de

laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des

personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre

seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes

eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres

encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez

les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi

de soi

Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne

partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du

Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des

qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les

principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur

leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de

lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport

entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier

812 LE LOGEMENT

Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne

correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement

quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute

11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun

an Ancienneteacute reacutesidentielle

132

Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave

lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante

chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant

51-65 ans

Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)

Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees

habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la

page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois

suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees

(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un

immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees

n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne

est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par

lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue

pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel

Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants

51-65 ans

CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$

133

Trouver et choisir son logement

Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons

deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une

personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont

effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation

Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de

location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du

Plateau

Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire

dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour

eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

(PF15 PF02 PF09)

Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se

promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les

journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce

quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)

Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)

Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)

134

Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident

Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI

Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)

Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie

comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la

meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave

lexception dune personne (RR06)

Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)

Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)

ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment

135

mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)

Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux

qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de

location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de

Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout

du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez

lensemble des solos

Rapport au logement

En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable

et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour

certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui

habitent des logements de 2 piegraveces

Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)

Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)

136

Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour

les filles qui habitent sur le Plateau

Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)

[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)

Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou

des contraintes financiegraveres

Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)

Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et

ressources disponibles pour se sentir bien

Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un

137

peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1

Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas

dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02

ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07

rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)

Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)

Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi

ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos

reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes

mais qui remplissent leur fonction de base

138

Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement

En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de

cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees

Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans

leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4

nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque

deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent

comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre

Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les

peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon

passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee

qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties

organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux

cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo

La girouette ou le pied-agrave-terre

Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons

aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules

en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere

faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl

de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui

est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave

lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement

spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere

et du mode de vie en geacuteneacuteral

Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)

139

Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales

organiseacutees

Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)

Le type casanier

Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se

demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme

PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la

lecture ou du bricolage

Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))

Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier

restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si

le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se

retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film

140

De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans

le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques

propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence

dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus

pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme

sils le souhaitent

Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)

Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)

141

Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une

peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y

travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez

lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez

les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave

inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des

logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux

lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les

rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que

la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux

habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas

ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous

Conclusion sur les parcours

Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel

majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble

des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont

aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999

1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)

Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont

pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures

amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les

eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu

et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul

Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous

les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres

groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees

142

Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la

freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle

semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec

lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de

mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres

urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont

proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la

jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul

Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur

logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle

mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours

geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute

entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous

examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et

engagement politique et associatif)

82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER

Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont

Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les

rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique

Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve

principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de

vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de

transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de

larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation

relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont

le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que

nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera

question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les

143

Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons

dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services

quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent

dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales

Un espace symbolique

Le Plateau Mont-Royal

Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit

pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils

nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou

du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul

Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ

Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui

le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs

services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)

La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui

ressortent beaucoup dans la description du quartier

Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4

Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII

144

Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des

interlocuteurs

Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ

Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un

quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les

statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes

solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en

raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml

Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente

Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de

Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants

nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )

proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants

parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une

ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous

les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour

deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne

se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave

trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour

laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain

et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau

demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des

quartiers de Rosemont Petite-Patrie

145

Rosemont Petite-Patrie

Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus

nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de

Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable

principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na

parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le

freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme

lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le

comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo

tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par

reconnaicirctre les gens

Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)

Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)

Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11

Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une

destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)

Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas

146

non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)

Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)

Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais

la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux

minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des

immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du

quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique

speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier

Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal

renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en

termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se

rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis

de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves

Un espace central et fonctionnel

Plateau Mont-Royal

La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau

Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en

banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection

dans le choix du logement

Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)

147

La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute

de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la

proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de

marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre

eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour

habiter leur quartier

Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)

Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)

Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation

speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs

Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage

on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville

Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)

148

Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)

Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de

proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension

agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire

compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais

aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait

Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)

Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes

laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines

laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08

Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute

comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui

ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain

et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la

population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance

149

Rosemont Petite-Patrie

Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits

commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes

pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les

parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau

Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de

services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave

pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect

nest tregraves eacutevident dans tous les discours

Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)

[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)

Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans

leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits

et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave

freacutequenter ces lieux

laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur

150

Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07

laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)

Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement

Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal

pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute

dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu

de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie

une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes

les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier

Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)

laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04

151

Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur

quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le

plan financier et social

Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va

au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine

laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage

non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats

marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de

Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute

pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et

laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats

vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en

quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et

services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui

eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs

deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les

lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que

des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence

Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un

caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du

quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute

comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services

Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du

quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les

jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de

proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont

jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)

Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les

personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que

dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les

152

caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des

services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent

certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes

et appartenant agrave des professions intellectuelles

Espace de sociabiliteacute

Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant

leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles

ils participent et des relations de voisinage

Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier

Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes

solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute

faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et

discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire

des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier

Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees

depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude

On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les

reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du

Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur

arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en

matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus

haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties

et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes

non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de

la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de

153

lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus

enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des

personnes rencontreacutees

Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois

Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement

PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37

Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34

Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47

Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20

Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50

Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes

pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les

jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus

les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des

sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur

154

Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois

Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans

leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32

Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18

Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46

Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25

Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6

Total (N) 11 5 16 26 24 50

A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier

qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de

Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs

Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal

freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des

restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les

bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les

rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent

Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)

155

Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent

certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits

Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)

Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii

Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO

Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un

degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute

danonymat variable

Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants

concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les

boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils

freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs

On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance

Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles

et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un

autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal

156

Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07

Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06

(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI

Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur

quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont

en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau

Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue

un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui

comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement

lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement

pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens

reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI

[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)

Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-

Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines

commoditeacutes offertes

157

Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07

Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les

dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens

forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la

laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements

influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo

La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations

sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier

central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes

plus en peacuteripheacuterie de la ville

[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ

Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ

158

Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se

limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir

des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier

Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales

selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute

et de la distance au sens de Simmel

Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs

majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les

groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs

comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui

linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des

reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa

disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-

Royal

Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils

laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des

commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils

laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux

cas de figure selon larrondissement habiteacute

J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)

[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)

159

Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que

chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent

davantage les personnes quils croisent

Espace politique et associatif

Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun

travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu

concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance

dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point

aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer

sur la scegravene locale

Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)

Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute

une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus

speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements

et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de

faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart

dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le

dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune

importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction

Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)

160

Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les

jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une

laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont

pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais

portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local

ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo

Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous

pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la

proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude

Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la

distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques

fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves

positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme

un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de

plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues

commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage

dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des

trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par

le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le

Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants

repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut

progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des

emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans

liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le

mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le

161

dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport

entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents

Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins

important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des

quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est

deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un

prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne

retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est

ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et

des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils

reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars

des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la

rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants

sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces

espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite

Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des

caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre

il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes

ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter

Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les

processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement

gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave

lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le

sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise

dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace

de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute

162

En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes

dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)

Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui

seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La

sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire

superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace

commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple

plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement

personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations

sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette

figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos

reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent

une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les

jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de

lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en

quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls

Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes

diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et

politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont

Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau

les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et

sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le

rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute

et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par

ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir

une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus

jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux

163

locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti

politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier

Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun

comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie

des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui

habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que

le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des

processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge

des individus

83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX

Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous

attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de

preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui

composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants

Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous

examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations

sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral

La taille

Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que

nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de

personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre

19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39

Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que

lautre moitieacute en a moins

164

Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes

adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge

adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf

reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux

cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge

Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine

dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il

passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport

sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la

jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs

reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de

jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes

outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304

personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-

agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez

les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et

dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35

et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants

provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du

Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de

la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs

caracteacuteristiques

15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte

165

Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt

Arrondissement Provenance habiteacute

Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et

Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano

Jeunes adultes

Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)

Total eacutechantillon

Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)

En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du

Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent

les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants

qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de

Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes

mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires

agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites

dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont

meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on

remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que

celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est

possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif

166

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul

la provenance et la taille des reacuteseaux

Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20

Les intimes

Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs

reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens

de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes

correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent

de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du

Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les

jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les

reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que

pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas

de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page

suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques

167

Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1

Personnes rencontreacutees

Jeunes adultes

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne Meacutediane

(N) Total eacutechantillon

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Arrondissement Provenance Total habiteacute

Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens

Montreacutealais reacutegion Cano

8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6

20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)

7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15

24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)

7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12

22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)

Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes

que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes

originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de

proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau

Caracteacuteristiques sociales des membres

Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans

lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34

ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre

dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont

168

acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute

atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent

en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des

jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total

Alters des jeunes

adultes

N= 656

6 34

192 189

77 44 31 29 14 20 20

63 536 21 6 24

N=650

1 48 91 431

N=571

184 252 o

108 89

633

Personnes rencontreacutees

N=16

o 1 6 7 2 o o o o o o

3 12

N=16

1 15

N=16

16

16

169

Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales

des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant

lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur

groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des

reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de

324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les

proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par

rapport agrave ceux des jeunes adultes

170

Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus

Total

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total

Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans

Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)

88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)

301 (100)

19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)

3 (10) 2 (43)

10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)

292 (100) 14 (100)

4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)

187 (680) 9 (643)

272 (1000) 14 (100)

96 (324) 100 85 (287)

92 (311)

22 (74)

1 (03) 296 (1000)

Alters (N=673)

99 (147) 201 (299) 309 (460)

63 (94)

672 (100)

30 (46) 468 (723)

96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)

646 (100)

10 (19) 92 (171) 83 (154)

354 (657)

539 (1000)

242 (37) 197 (301)

178 (272)

36 (55)

1 (02) 654 (1000)

Altersmiddot Egos 51middot65 ans

Eacutegos (N= 20)

100

1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)

0(00)

20 (1000)

0(00) 2 (100) 3 (150)

15 (750)

20 (1000)

20 (100)

171

Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes

solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et

scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme

nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans

les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de

Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient

tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les

classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous

navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave

l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et

semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode

dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des

reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela

sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons

que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave

1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer

1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes

marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des

divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples

sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur

des familles ayant des enfants du mecircme acircge

La composition des reacuteseaux

Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont

majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous

les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus

de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des

liens

En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les

connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs

172

liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille

repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus

importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )

par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez

les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des

liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes

Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus

acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et

vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817

et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute

Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656

N= 528

Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96

Conjoint 08 02 03

Ami 773 468 527

Travail 16 123 102

Voisinage 00 34 27

Connaissance 00 216 174

Autre 00 13 11

Total 1000 1000 1000

173

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans

Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671

N= 209 N= 525

Famille 177 215 204 157 209 198

Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116

Conjoint 22 05 10 14 00 03

Ami 700 459 532 801 486 554

Travail 33 124 97 21 97 80

Voisinage 00 81 57 07 95 76

Connaissance 00 100 70 00 107 83

Autre 67 14 30 00 06 04

Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000

Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la

provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie

possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et

dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui

concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont

une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de

leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent

une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-

Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que

dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des

reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance

174

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion

Liens des alters jeunes adultes

des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188

Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138

Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161

Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus

de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout

de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les

groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute

et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute

plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville

que Montreacuteal et de lEurope

Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux

Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville

de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace

de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche

Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui

habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace

joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la

reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur

175

le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la

freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur

lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode

dhabiter

Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls

Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des

alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre

reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo

La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de

Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux

qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui

habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La

cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent

dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement

distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le

Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des

reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence

des personnes rencontreacutees

La reacutepartition spatiale des alters

Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir

que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion

Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de

Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal

(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur

Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans

laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses

enquecircteacutes

176

En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des

membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins

de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de

Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la

personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour

Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6

Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens

Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters

Intimes Autres Total Liens

N =127 N=510 N=637

RMR 630 516 682

Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88

tle de Montreacuteal 567 422 580

Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69

Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220

16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes

177

Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que

25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui

concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on

compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart

(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants

Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la

provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters

qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le

mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des

reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux

reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants

europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville

canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais

dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des

reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute

de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342

178

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179

RMR 682 669 685 813 495 486

Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100

Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386

Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61

Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06

Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39

Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475

Chi2 0675 0000

V de Cramer 079 0342

Les intimes et les non-intimes

En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes

adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles

deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion

meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux

est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre

arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement

voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation

dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du

Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on

compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que

179

chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les

Montreacutealais

Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon

larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de

distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil

nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux

sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en

ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont

sont significatives

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41

RMR 80 64 16 54 8 18

Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4

Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14

Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4

Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1

Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23

Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444

180

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138

RMR 434 241 58 237 42 69

Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14

lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55

Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7

Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg

Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7

Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62

Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324

Les adultes mucircrs et vieillissants

Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence

des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la

majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690

pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees

dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de

proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le

mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans

181

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans

Moins de 35 ans

Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens

N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639

RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720

Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128

Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592

Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64

Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122

En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes

sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement

concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le

mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus

petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement

international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les

reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de

la province de reacutesidence est eacuteleveacutee

182

Liens et espaces de proximiteacute

Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de

leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues

Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego

sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins

citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes

de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec

un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees

parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes

mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois

plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego

Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice

(N= 149) N=11 ) (160)

Famille ~roche 0

Famille eacutelargie 3 0 3

Ami 92 4 96

Travail 13 0 13

Voisin 10 7 17

Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4

183

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull

36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total

Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)

Famille proche 0 0 0 7 2 9

Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4

Ami 31 2 33 72 14 86

Travail 4 0 4 10 0 10

Voisinage 3 11 14 20 28 48

Connaissance 8 0 8 12 0 12

Autre 4 0 4 0 0 0

Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme

arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un

membre de la famille proche et un collegravegue de travail

Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement

larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes

damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes

Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que

le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit

principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de

travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial

international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille

184

Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos

reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun

reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations

sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de

sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux

des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les

modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes

Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations

sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute

de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de

vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de

nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur

quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral

Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de

travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et

des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de

Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent

avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un

rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux

publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent

dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la

freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs

amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour

dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte

pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un

eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien

185

laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22

Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans

lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs

laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01

laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10

186

Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent

plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute

constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien

Le mode de la sociabiliteacute publique

Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de

second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais

celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations

de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En

effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une

place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la

proximiteacute des membres de leur reacuteseau

Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son

quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde

pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de

son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui

Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les

pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral

[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)

Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi

187

que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)

Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute

relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute

spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation

situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal

Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)

188

Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui

habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme

facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie

entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin

(1987)

Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement

leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral

Lurbain mobile

Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne

constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute

en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur

arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le

mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports

de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation

de lieux publics

En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas

neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la

taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique

relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de

vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur

quartier

189

CHAPITRE IX

INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS

Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge

Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de

reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes

effectueacutees sur le sujet

91 Synthegravese des reacutesultats

Les caracteacuteristiques

Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux

arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils

sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos

bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de

mecircme que celle de Kaufmann (1994a)

Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute

laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours

biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie

conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants

dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment

de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres

sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils

ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter

seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme

et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les

constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut

190

Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la

girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de

lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au

logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur

logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied

agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le

rapport entretenu au logement

Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de

solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave

la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus

de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes

Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur

quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition

spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs

reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le

mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres

de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos

reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et

local des reacuteseaux des immigrants

Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois

dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens

191

Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas

un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement

leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela

sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un

lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au

quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de

thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et

Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous

avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches

Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-

Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la

relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela

sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute

de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de

vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la

proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est

surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et

fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de

femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela

rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes

avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie

quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait

surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations

seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces

192

Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres

formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au

quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le

faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique

ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux

situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le

rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de

proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la

Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute

spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute

Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de

sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement

queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous

avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la

distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude

Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-

Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute

publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations

diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les

jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier

ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis

que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour

habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel

tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire

rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports

symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs

caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un

logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines

193

sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement

et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave

sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du

temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des

repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des

Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous

avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences

avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du

Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien

contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes

En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au

quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais

aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les

territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci

explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres

caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social

chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le

processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations

sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la

surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus

diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de

diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des

parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de

reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les

pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de

proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en

loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes

194

Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de

rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre

eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui

habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue

une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute

de diffeacuterences majeures entre les genres

92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo

En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus

acircgeacutes

Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que

leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire

reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la

trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes

De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos

plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes

cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes

En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et

de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des

adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier

ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les

rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez

les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs

homologues plus acircgeacutes

195

Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi

un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois

mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le

Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle

et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par

laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont

appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite

Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute

publique que leurs homologues plus jeunes

En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que

celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions

dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays

appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes

solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un

cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des

reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux

sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits

reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce

quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes

quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements

Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes

ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs

alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint

un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et

semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes

adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les

connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes

de solos plus jeunes

196

On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes

adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute

chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien

ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents

du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les

reacutesidents du Plateau

Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent

diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se

rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents

La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une

particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des

speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de

vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes

dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation

symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de

support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain

repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de

lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur

mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain

197

CONCLUSION

Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement

Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en

milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la

sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux

nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens

sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes

sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont

deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans

une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et

non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les

migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est

deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet

individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une

individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se

traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique

entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat

providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes

qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de

lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en

milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais

aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre

inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont

connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville

fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de

reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave

la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment

198

disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville

comme porteur disolement et de dissolution des liens

En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces

quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de

deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de

diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace

de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la

communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un

facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu

que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de

proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il

reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens

forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes

Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas

neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les

cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques

de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos

interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute

une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent

seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie

Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison

entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont

fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la

dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien

Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue

speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et

la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les

personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie

199

Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes

transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les

relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux

publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la

proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu

que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr

et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les

rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces

reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous

pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine

que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute

En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-

ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les

comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique

semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de

vie en solo

Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une

veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales

et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute

reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites

dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et

de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu

urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie

qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes

eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que

le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de

vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute

200

Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le

reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances

inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes

rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait

lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie

Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode

de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres

de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la

transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave

la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent

davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune

transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi

sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les

plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il

nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina

(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de

repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A

transitional period et Solo living for the long term

Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)

envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle

deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de

vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres

reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls

Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce

type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par

ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes

adultes rencontreacutes

201

La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une

perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre

de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie

reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine

personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces

personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave

un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres

Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme

repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)

ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la

moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur

mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement

Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos

reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les

caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de

lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes

que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation

eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur

les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont

lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de

logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude

Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans

Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se

sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur

condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est

relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes

adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment

de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les

202

reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus

susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre

eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces

quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres

de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain

En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute

constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de

voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en

peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement

deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers

peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la

voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules

moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-

Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-

eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue

un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces

contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements

sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques

tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul

est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus

petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus

importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-

Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La

compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas

passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent

203

APPENDICE A

Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes

Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes

Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700

204

APPENDICEB

Villeray

Outremont ~ -

Rosemont

~ e _ pire

_ commerce

centre-ville

PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie

205

APPENDICEC

Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie

206

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  • Veacutezina1
  • Veacutezina2
Page 4: transformation du lien social en milieu urbain

IV

REacuteSUMEacute

Le nombre des personnes qui habitent seules est en croissance particuliegraverement dans les

quartiers centraux des grandes villes Le vieillissement de la population fournit une partie de

lexplication mais cette tendance concerne aussi dautres cateacutegories de personnes comme les

jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 35 ans La dimension urbaine du fait dhabiter seul constitue aussi un

visage de la jeunesse et le fait dhabiter seul dans un logement nest pas neacutecessairement associeacute

agrave des situations disolement social ou agrave de lindividualisme ougrave lon eacutevite les contacts

interpersonnels Ce meacutemoire traite du rapport de sociabiliteacute agrave linteacuterieur de lespace de proximiteacute

chez de jeunes adultes qui habitent seuls Nous avons examineacute les trajectoires reacutesidentielles et

les parcours biographiques le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport entretenu

avec le quartier des jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers centraux de Montreacuteal ougrave

ils sont le plus concentreacutes Nous avons ainsi examineacute ce qui les a conduits agrave habiter seuls dans

leur quartier qui vit proche et qui vit loin parmi les personnes qui composent leurs reacuteseaux

sociaux de mecircme que le rapport de sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier Nos

analyses distinguent des attachements symboliques au quartier ainsi que des dynamiques de

sociabiliteacute diffeacuterentes en lien avec les processus de gentrification qui ont cours dans le quartier

leacutetude et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux sociaux dans lespace meacutetropolitain En guise de

conclusion nous proposons une reacuteflexion sur le jeune adulte qui habite seul comme figure de la

moderniteacute et de la transformation du lien social en milieu urbain

v

TABLE DES MATIEgraveRES

AVANT-PROPOS iii REacuteSlJMEacute iv LISTE DES FIGURE ix LISTE DES TABLEAUX x

INTRODUCTION 1

PREMIEgraveRE PARTIE 6

CHAPITRE 1- CADRE THEacuteORIQUE La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec 6

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu 7

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social 8 Ferdinand T onnie 8 Eacutemile Durkheim 10 Max Weber 11

13 La sociologie urbaine 13 Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger 13 Leacutecole de Chicago 16

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee 19

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute 20 Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute 23 La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee 25

Conclusion du chapitre 1 26

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier 28

21 La sociabiliteacute28 La sociabiliteacute publique urbaine et marchande 29 La sociabiliteacute intime 29

22 La notion de reacuteseau 30 Lorigine de la notion 30 Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions 34 La question de l isolement social 40

Vl

23 Lespace de proximiteacute et le quartier 42 Un espace dintervention politique et daction collective 44 Un espace fonctionnel 44 Un espace symbolique 45 Un espace de sociabiliteacute 45 Les enquecirctes sur le quartier 45

Conclusion du chapitre Il 47

CHAPITRE-III-0BJECTI ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes 48

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse 48 La concentration des jeunes adultes en milieu urbain 48 Les migrations la ville et le cycle de vie 49 La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls 53 Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier 54

Conclusion du chapitre III 55

CHAPITRE IV-CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales 57

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo 58 Les concepts de moderniteacute 59 La moderniteacute avanceacutee 61 Le processus dindividuation 61 Les maniegraveres de vivre seul 66

42 Caracteacuteristiques des solos 68 Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques 69 Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute 72

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul 74

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee 77 Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social 77 Moderniteacute quartiers centraux et lien social 78 Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux 79

vu

CHAPITRE V- QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE 81

51 QUESTIONS DE RECHERCHE 81

52 HyPOTHEgraveSES 82

DEUXIEgraveME PARTIE 84

CHAPITRE VI- JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES

Les arrondissements du Plateau Mont-Roya et de Rosemont Petite-Patrie 84

DESCRIPTION DES TERRITOIRES 86 61 Le Plateau Mont-Royal 86

Description historique 86 Dimension symbolique 90 Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique 92

62 Rosemont Petite-Patrie 95 Tissu urbain et social 96 Dimension symbolique 97 Description historique 98 Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971 99

CHAPITRE VII- MEacuteTHODE DENQUEcircTE Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse 102

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al) 103

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE 104

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES 105 Le calendrier reacutesidentiel 1 05 Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte 106 Lentretien 107

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES 108 Le recrutement 1 08 Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales 11 0

75 ANALYSE DES DONNEacuteES 112

ix

APPENDICE A 203 APPENDICE B 204 APPENDICE C 205 REacuteFEacuteRENCES 206

LISTE DES FIGURES

Figure 31 - Reacutepartition des jeunes adultes acircgeacutes de 20 agrave 24 ans dans la RMR de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 52

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou nonen milieu urbain 56

Figure 41 - Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec 64

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solo selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001 70

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la

75

population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001 93

Figure 81 - Distribution des reacutepondants selon la taille du logement occupeacute au moment de lentrevue 116

Figure 82 - Preacutesentation des reacutepondants selon leur lieu de reacutesidence 117

Figure 83 - Preacutesentation des parcours biographiques des reacutepondants 123

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute 131

x

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 41- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutes de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 71

Tableau 42- Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001 73

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre 110

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques 111

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial 115

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes 116

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees 120

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques 121

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire 122

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires 124

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la situation actuelle 125

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentiel des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 132

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensueL 132

Tableau 810 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois 153

Tableau 811 - Reacutepartitions des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois 154

xi

Tableau 812 - Taille des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 165

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul la provenance et la taille des reacuteseaux 166

Tableau 814 - Taille des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos selon larrondissement habiteacute et la provenance 167

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et des eacutegos les jeunes adultes qui habitent seuls 168

Tableau 816 -Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs et vieillissants qui habitent seuls 170

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute 172

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 173

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 174

Tableau 820 - Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens 176

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 178

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 179

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes selon larrondissement habiteacute et leur provenance 180

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge 181

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 182

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego 183

INTRODUCTION

Le fait de vivre seul existe depuis tregraves longtemps mais il sagit dune tendance qui ne

cesse de prendre de lampleur depuis deacutejagrave plus dune vingtaine danneacutees Leacutemergence de cette

maniegravere de vivre de plus en plus croissante se retrouve au cœur des principaux changements des

formes familiales qui caracteacuterisent notre socieacuteteacute contemporaine En effet au Canada la

proportion des meacutenages dune personne est passeacutee dun cinquiegraveme au quart entre 1981 et 2001

(Statistique Canada 2002) pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de

lensemble des meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) et qui sait combien ils seront dans la

prochaine diffusion de Statistique Canada pour lanneacutee 2006 Laugmentation du nombre de

personnes qui habitent seules nest pas seulement le fait du Canada ou encore de Montreacuteal mais

aussi de plusieurs grandes villes comme Paris Londres et New York Laugmentation du

nombre de personnes qui habitent seules est aussi une tendance qui caracteacuterise le monde urbain

en raison de leur concentration spatiale au sein des quartiers des grands centres urbains

La personne qui habite seule attire de plus en plus lattention des chercheurs et se

retrouve eacutegalement au cœur de divers teacuteleacuteromans repreacutesentant les plus jeunes geacuteneacuterations Si le

fait de vivre seul eacutetait autrefois associeacute agrave quelque chose de marginal de mysteacuterieux ou

laquodanormal raquo il est aujourdhui de plus en plus repreacutesenteacute comme une situation complexe aux

multiples facettes qui gravitent entre autres autour de la vie urbaine et professionnelle de la

quecircte de lacircme sœur mais aussi du sentiment de solitude et de lisolement Certains chercheurs

ont dailleurs traiteacute de la solitude et de lisolement en se penchant sur le cas de populations

speacutecifiques comme les personnes acircgeacutees les personnes aux prises avec des difficulteacutes socio-

eacuteconomiques ou encore les personnes qui se sont reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees et qui vivent

difficilement et douloureusement leur nouvelle situation Toutefois le fait dhabiter seul dans un

logement nest pas neacutecessairement associeacute agrave des situations disolement social Des chercheurs

ont montreacute que certaines cateacutegories de laquo solos raquo dont les jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans ont

une vie sociale riche et diversifieacutee Leurs eacutetudes ont aussi reacuteveacuteleacute quils sont relativement

mobiles dans lespace urbain lorsquil sagit de faire des sorties et des activiteacutes (Clark 2002

Kaufmann 1999 Galand 1993 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993)

2

Dans ce contexte la tendance agrave vivre seul chez les populations non acircgeacutees a susciteacute

linteacuterecirct dune eacutequipe de chercheurs de lINRS-UCS concernant la dimension urbaine de ce

mouvement ainsi que leur mode de vie de sociabiliteacute et de solidariteacute En effet depuis deux ans

notre eacutequipe de recherche coordonneacutee par Johanne Charbonneau Annick Germain et Marc

Molgat a lanceacute le projet Habiter seul vivre isoleacute Lobjectif de ce projet est de comprendre les

modes de vie et de sociabiliteacute de ces personnes de plus en plus nombreuses dans le paysage

urbain et dapporter un eacuteclairage sur la fameuse question de lisolement que cette tendance

soulegraveve Le projet de recherche vise ainsi agrave documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie

quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules et leurs pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et

la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres de la vie sociale comme la participation associative

et les pratiques de solidariteacute priveacutees et collectives Ce projet comprend deux principaux

questionnements qui sarticulent dune part autour des significations et des impacts sur le tissu

urbain et dautre part sur ce mode de vie sous langle de la transformation du lien social dans

un contexte meacutetropolitain

Agrave travers ces questionnements qui combinent agrave la fois une analyse de la part urbaine de

cette tendance et une analyse de la transformation du lien social relative agrave ce mode de vie de

plus en plus en croissance je me suis pencheacutee dans le cadre de ce meacutemoire de maicirctrise sur le

cas des jeunes adultes Ce meacutemoire sinteacuteresse agrave leur mode de sociabiliteacute dans les quartiers

centraux montreacutealais ougrave ils sont fortement concentreacutes Lobjectif est de comprendre dans quelle

mesure ces jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur

quartier afin de les situer dans leacutetude geacuteneacuterale de la transformation du lien social en milieu

urbain des socieacuteteacutes de la moderniteacute avanceacutee ougrave preacutevaut un processus dindividualisation des

modes de vie et de sociabiliteacute Ce meacutemoire dresse ainsi un portrait des trajectoires reacutesidentielles

et des parcours biographiques des jeunes adultes qui habitent seuls afin de saisir ce qui les a

conduits agrave habiter seul Il examine aussi les diffeacuterents rapports entretenus avec le quartier ougrave ils

habitent et dresse un portrait du deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Agrave partir de ces

trois axes danalyse que sont lexamen des parcours des rapports au quartier et des reacuteseaux

sociaux nous avons deacutegageacute des modes de sociabiliteacute pratiqueacutes agrave linteacuterieur de leur quartier

3

Le meacutemoire est diviseacute en deux parties La premiegravere partie est consacreacutee agrave leacutetude de la

transformation du lien social en milieu urbain et preacutesente au cadre conceptuel de la sociabiliteacute

des reacuteseaux sociaux et du quartier agrave la preacutesentation geacuteneacuterale de la tendance agrave vivre seule et aux

questionnements et hypothegraveses de la recherche (chapitres 1 agrave V) La deuxiegraveme partie renvoie aux

chapitres VI agrave IX et preacutesente les territoires agrave leacutetude la meacutethode denquecircte les reacutesultats et

l interpreacutetati on des reacutesultats

Ce travail sinscrit dans leacutetude de la transformation du lien social en milieu urbain La

question des liens sociaux en milieu urbain fut lobjet de travaux des fondateurs de la sociologie

et son eacutetude a eacutevolueacute avec le temps En passant par les travaux des pegraveres fondateurs de la

sociologie classique agrave ceux des sociologues de la sociologie urbaine nous avons situeacute dans le

chapitre l le contexte agrave partir duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la

transformation du lien social lorsquune socieacuteteacute surbanise et tenteacute de saisir les contours de

leacutevolution de la conception du lien social de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain De

plus ce chapitre preacutesente la recension reacutealiseacutee par Barry Wellman et Barry Leighton des

travaux portant sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes Enfin

nous avons examineacute les enquecirctes reacutealiseacutees au Queacutebec concernant le maintien des liens sociaux

lorsque les grandes villes se sont industrialiseacutees afin de les situer par rapport aux thegraveses de la

sociologie et des travaux classiques portant sur la transformation du lien social lorsquune

socieacuteteacute surbanise Nous verrons que les reacuteflexions des auteurs classiques associent la grande

ville agrave des aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine

alieacutenation Par ailleurs nous verrons aussi que les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec

nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

Le chapitre II preacutesente et deacutefinit les concepts du cadre theacuteorique qui a servi agrave la preacutesente

eacutetude Nous preacutesentons leacutemergence des notions de sociabiliteacute de reacuteseaux sociaux disolement

et de quartier de mecircme que de reacutesultats denquecirctes dont ils en furent lobjet

4

Dans le chapitre III il sera question e faire un court bilan sur ce que les eacutetudes nous

indiquent concernant la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition geacuteographique

de leurs reacuteseaux les rapports entretenus avec leur quartier et les pratiques de sociabiliteacute des

jeunes adultes qui habitent seuls

Le chapitre IV preacutesente les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee et de la conception

du lien social qui lui est associeacutee Nous avons fait le portrait des grandes tendances du monde

moderne afin de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain Il sera question des

grandes transformations sociales relatives aux tendances socioculturelles et structurelles qui

caracteacuterisent les modes de vie et de sociabiliteacute de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres

anneacutees Ce chapitre preacutecise ainsi le contexte de la croissance du nombre de personnes qui

habitent seules Il preacutesente aussi un portrait des caracteacuteristiques sociales et spatiales des

personnes qui habitent seules Nous verrons que les modes de vie les relations sociales de la

socieacuteteacute moderne actuelle sont le fruit des changements structurels et des processus

dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a contribueacute agrave

diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains eux aussi en redeacutefinition Dans le

contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent seules mais aussi une

transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees nous nous sommes questionneacutes

sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux chez ces personnes et plus particuliegraverement chez les

jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se retrouve aussi

au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux

Le chapitre V preacutesente nos questions et hypothegraveses de recherche concernant le rapport

entretenu avec le quartier en lien avec la particulariteacute de notre population et de nos territoires agrave

leacutetude Les chapitres VI et VII deacutecrivent la meacutethodologie de lenquecircte Le chapitre VI justifie le

choix des territoires agrave leacutetude Il preacutesente aussi les caracteacuteristiques sociales et spatiales des

territoires agrave leacutetude dans une approche historique La deacutemarche meacutethodologique de mecircme que

les outils denquecirctes et les caracteacuteristiques des personnes rencontreacutees sont preacutesenteacutees au chapitre

VII

5

Le chapitre VII preacutesente les reacutesultats de notre enquecircte en trois parties en lien avec les

trois objectifs et les axes danalyse La premiegravere partie concerne les parcours biographiques et

geacuteographiques des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes Il sera question de la trajectoire

reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune bregraveve description du type

de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les ont conduits agrave habiter seul et

ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La seconde partie sinteacuteresse au

rapport au quartier Nous avons examineacute les dimensions symboliques fonctionnelles et de

sociabiliteacute quils entretiennent avec leur quartier agrave partir des lieux freacutequenteacutes dans leur temps

libres et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la troisiegraveme partie dresse un portrait de leur

reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur linscription reacutesidentielle des membres

dans lespace

Enfin le chapitre IX dresse une synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes tente dapporter une

reacuteponse aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes effectueacutees

sur le sujet Il sagit aussi de voir dans quelle mesure les jeunes adultes que nous avons

rencontreacutes se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes rencontreacutes dans le cadre de lenquecircte

Habiter seul vivre isoleacute

6

PREMIEgraveRE PARTIE

CHAPITRE 1 - CADRE THEacuteORIQUE

La ville industrielle et le lien social une revue des fondements theacuteoriques sociologiques et lexemple de la ville de Montreacuteal et de Queacutebec

La question des liens sociaux en milieu urbain a inteacuteresseacute plusieurs chercheurs et pegraveres

fondateurs de la sociologie Certains dentre eux se sont questionneacutes sur les transformations des

relations sociales entre les individus lorsquune socieacuteteacute surbanise et seacutemancipent du mecircme

coup des communauteacutes qui exercent un controcircle social important dans leur parcours de vie

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les principaux contours des processus

durbanisation et dindustrialisation des socieacuteteacutes occidentales afin de comprendre dans une

perspective de la sociologie des relations sociales les caracteacuteristiques du fait urbain par rapport

au monde rural Nous preacutesenterons ensuite briegravevement ce que les sociologues classiques comme

Ferdinand Tocircnnies Eacutemile Durkheim et Max Weber ont dit sur la transformation du lien social

dans des contextes nouvellement urbaniseacutes Puis nous nous pencherons sur les incontournables

et initiateurs de la sociologie urbaine tels que Georg Simmel et les chercheurs qui ont formeacute

LEacutecole de Chicago Il sera question aussi de quelques reacutesultats deacutetudes reacutealiseacutees sur le

peuplement urbain des villes de Queacutebec et de Montreacuteal et des conseacutequences sur la dynamique

des relations sociales

Agrave la lumiegravere de cette introduction theacuteorique nous pourrons situer le contexte agrave partir

duquel les penseurs de leacutepoque ont jeteacute les bases de leacutetude de la transformation du lien social

lorsquune socieacuteteacute surbanise et saisirles contours de leacutevolution de la conception du lien social

de lalieacutenation et de lisolement en milieu urbain

7

11 Industrialisation et urbanisation leacutemergence de lindividu

La croissance des villes associeacutee agrave leacutepoque industrielle tire son explication des

conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales des xvnr et XIXe siegravecles (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute

1974) Dabord lessor des grandes villes industrielles en Europe comme Londres est lieacute entre

autres agrave la croissance de la production agricole et de la population (Bairoch 1985) En effet

selon Bairoch (1985) les progregraves techniques en agriculture et lessor deacutemographique se sont

traduits par une augmentation de la densiteacute de la population dans les reacutegions fertiles et par une

demande importante de production de produits alimentaires Cette croissance eacuteconomique et

deacutemographique dans le monde rural a favoriseacute dautres changements dans le domaine des

transports et de lindustrie comme la meacutecanisation de la filature et lutilisation du charbon pour

la production du fer (Bairoch 1985) Ces innovations ont geacuteneacutereacute dune part un surplus agricole

et dautre part favoriseacute la migration des populations vers les nouveaux pocircles demploi dans

lindustrie du textile et la production de fer et des combustibles (Bairoch 1985) Ces

bouleversements techniques eacuteconomiques et deacutemographiques dans le monde rural expliquent

en partie le deacuteveloppement et le regroupement de plusieurs industries et individus qui ont

favoriseacute le passage agrave legravere industrielle Lindustrialisation a acceacuteleacutereacute lurbanisation en raison du

travail quelle offrait comme moyen de subsistance aux populations issues du monde rural

(Bairoch 1985) Cette nouvelle forme de productiviteacute baseacutee sur le salariat a constitueacute dans

1 histoire une veacuteritable reacutevolution sur plusieurs plans comme le travail les modes de vie et de

survie des individus et le rapport agrave lespace (Bairoch 1985 Reacutemy et Voyeacute 1974)

Avec larriveacutee de la grande ville industrielle et du salariat lindividu est non seulement

devenu un membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute mais il sest aussi eacutemancipeacute de sa communauteacute

dorigine (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cela sexplique par larriveacutee du travail salarieacute qui sinscrit dans

une logique defficaciteacute eacuteconomique dun autre ordre deacutechelle que la famille la paroisse ou le

village En effet ce mode dorganisation capitaliste renvoie agrave une plus grande division du travail

pour la production de bien et agrave une quecircte de profit contrairement agrave lorganisation baseacutee sur des

uniteacutes de production artisanales familiales ou villageoises comme les corveacutees dans les milieux

agricoles Cette monteacutee de lindividu a constitueacute dans la penseacutee des pegraveres fondateurs de la

sociologie comme Tonnies et Durkheim un eacuteleacutement central et caracteacuteristique du fait urbain qui

le distingue du monde rural Agrave partir de ces grandes transformations structurelles et historiques

8

ces auteurs se sont questionneacutes sur la peacuterenniteacute des relations sociales agrave linteacuterieur des contextes

nouvellement urbaniseacutes ougrave les gens ne se connaissent pas tous en raison de la densiteacute de la

population et de la taille physique de la ville contrairement aux situations non urbaniseacutees

12 Lurbanisation et les conseacutequences sur le lien social

La reacuteflexion de Ferdinand Tocircnnies et dEacutemile Durkheim sur le lien social et les

contextes urbaniseacutes sinscrit dans leacutetude des grandes transformations des structures

eacuteconomiques du travail et du lien social Ils ont examineacute plus particuliegraverement linfluence de la

reacutevolution industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles

des milieux ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees Ils ont proposeacute dans une perspective

eacutevolutionniste deux types deacutetats de socieacuteteacute qui expriment les mutations du lien social lorsque

les socieacuteteacutes traditionnelles issues du monde agricole et villageois se transforment en socieacuteteacutes

industrielles (modernes) Selon eux ce passage engendre dune part une dilution des laquo liens

communautairesraquo et de la solidariteacute et dautre part une monteacutee de lautonomie et de

laffirmation de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute (Germain 1997 Jonas

1995)

Ferdinand Tonnies

Ferdinand Tocircnnies (1855-1936) est philosophe de fonnation agrave luniversiteacute de Strasbourg

et de Berlin il a eacuteteacute leacutelegraveve de Friedrich Paulsen philosophe et moraliste Celui-ci la influenceacute

tout au long de son parcours universitaire pour leacutetude des problegravemes eacutethiques et des theacuteories

rationalistes du droit En 1909 Tocircnnies est nommeacute preacutesident de la socieacuteteacute allemande de

sociologie et en 1913 agrave lacircge de 58 ans il enseigne leacuteconomie pratique et theacuteorique (Lief

1977) Tocircnnies est surtout consideacutereacute comme un philosophe puisquil a traiteacute de la sociologie

dans une perspective philosophique (Lief 1977) Il a aussi fait appel agrave la psychologie agrave la

logique et aux meacutethodes scientifiques et sociologiques Lensemble de son œuvre sinscrit dans

la recherchemiddot des notions de laquo sociologie pure raquo celles de communauteacute et de socieacuteteacute

Communauteacute et Socieacuteteacute (Gemeinschafr und Gesellschalt) constitue lun des ouvrages les plus

importants qui a marqueacute son œuvre et la sociologie Il a examineacute linfluence de la reacutevolution

industrielle sur les relations sociales agrave travers le passage des socieacuteteacutes traditionnelles des milieux

ruraux aux socieacuteteacutes modernes et urbaniseacutees

9

Pour Tocircnnies la venue des Temps modernes renvoie principalement au passage de laquola

communauteacuteraquo agrave la laquosocieacuteteacuteraquo ougrave se produit un passage entre des relations de type

communautaire aux relations de type socieacutetaires (Samples 1988) Lorganisation

communautaire renvoie selon lui agrave un fonctionnement baseacute sur lartisanat et la paysannerie agrave

linteacuterieur de laquelle les liens sociaux entre les personnes sont tisseacutes gracircce aux liens de sang

ainsi quagrave luniteacute et lhomogeacuteneacuteiteacute dun groupe comme la famille la religion le village et la

petite ville (Germain 1997 Jonas 1995 Samples 1988) La communauteacute fonctionne selon une

logique laquocorporativeraquo et dentraide Ce type dorganisation laquocommunautaireraquo devient avec

lindustrialisation une organisation laquo socieacutetaireraquo fondeacutee sur le commerce et la quecircte de profit

Cette organisation inscrit les rapports entre les individus dans une logique individualiste et de

compeacutetitiviteacute entre les classes sociales plutocirct que sur la base dune coopeacuteration Dans cette

perspective la socieacuteteacute moderne renvoie selon Tocircnnies au deacuteveloppement eacuteconomique de la

grande ville qui implique des eacutechanges commerciaux de concurrence et qui contribue par le fait

mecircme agrave diluer les liens laquocommunautairesraquo fonctionnant sur la base du clan et de lentraide

comme la famille Dans cet esprit la grande ville serait eacuteconomiquement plus efficace mais

psychologiquement deacuteprimante (Leif 1977) La vision de la ville de Tocircnnies comporte selon

Jonas (1995) une double alieacutenation celle de lisolement et du deacuteracinement des communauteacutes

traditionnelles Cela sexplique par la nature eacuteconomique de la grande ville qui repose sur le

calcul la rationalisation et la compeacutetitiviteacute Enfin on peut dire que la thegravese de Tocircnnies sur la

transformation du lien social en milieu urbain lorsque lon passe de la communauteacute agrave la socieacuteteacute

porte en elle une association entre la grande ville et lindividualisme

10

Eacutemile Durkheim

Durkheim (1858-1917) sociologue franccedilais est un autre des pegraveres fondateurs de la

sociologie Il a appartenu agrave une ligneacutee de rabbins Il est entreacute agrave lEacutecole Normale Supeacuterieure agrave

Paris en 1878 ougrave il a eacutetudieacute et enseigneacute la philosophie et le droit agrave sa sortie en 1882 Cest agrave ce

moment quil a entrepris ses travaux en sociologie Ceux-ci sinscrivent dans la tradition

positiviste ougrave lon eacutetudie les pheacutenomegravenes sociaux comme les faits physiques cest-agrave-dire de

faccedilon exteacuterieure en deacutegageant les causes et les fins quils servent En 1893 il publie sa thegravese De

la division du travail dans laquelle il preacutesente sa typologie de la vie en socieacuteteacute agrave partir du

contexte dindustrialisation de leacutepoque et de la division croissante du travail

Pour Durkheim la ville est reacuteduite agrave un support laquomateacuteriel raquo qui illustre de faccedilon

concregravete sa theacuteorie sur la transformation du lien social Comme chez Tocircnnies elle repreacutesente

lexpression du passage dune socieacuteteacute agrave une autre (Reacutemy et Voyeacute 1974) Bien que la ville et

lurbanisation soient centrales dans son explication cest plutocirct le progregraves de la division du

travail qui a meneacute selon lui agrave la transformation du lien social entre les socieacuteteacutes modernes et les

socieacuteteacutes traditionnelles (Jonas 1995) Le lien social des socieacuteteacutes traditionnelles repose sur un

type de solidariteacute particuliegravere qui rejoint la laquo communauteacuteraquo chez Tocircnnies laquo la solidariteacute

meacutecanique raquo Pour illustrer cette solidariteacute il donne en exemple les socieacuteteacutes dites primitives ougrave

1individu se confond avec ses semblables La solidariteacute meacutecanique est caracteacuteriseacutee par une

absence dindividualiteacute propre agrave chacun des membres Cette solidariteacute est baseacutee sur une forte

conscience collective qui sexplique par la ressemblance des personnes Avec la venue de

1accroissement de la concentration et du volume des populations en raison du deacuteveloppement

de lindustrie du salariat et surtout de la division du travail qui lui est inheacuterente ce type de lien

social se transforme en solidariteacute baseacutee sur une compleacutementariteacute et une interdeacutependance des

personnes plutocirct que sur leur similariteacute laquo la solidariteacute organiqueraquo (Reacutemy et Voyeacute 1974) Cette

solidariteacute renvoie agrave une plus grande diffeacuterenciation des individus et interpelle une plus grande

autonomie et une division et speacutecialisation des tacircches dans lorganisation du travail Les

individus sont ainsi ameneacutes agrave jouer des rocircles compleacutementaires et interdeacutependants Bref la

typologie de Durkheim met en opposition les liens laquocommunautairesraquo et les liens

11

laquo socieacutetaires raquo au sens de Tonnies l pour distinguer deux types de VIe en socieacuteteacute qui

correspondent respectivement au monde rural et au monde industrialiseacute urbain Cette

classification fait la distinction entre une forme de socieacuteteacute baseacutee sur luniteacute et

linterchangeabiliteacute des individus et une forme qui distingue lindividu gracircce agrave la fonction quil

occupe par rapport aux autres (Germain 1997) Bref la solidariteacute organique eacutevoque la perte des

liens communautaires en ce qui a trait agrave la coheacutesion sociale Cette thegravese met aussi en lumiegravere une

association entre le deacuteveloppement de la grande ville et leacutemergence de lindividualiteacute2bull

Max Weber

Comme Tonnies et Durkheim Max Weber sest inteacuteresseacute agrave la question de la ville

europeacuteenne au cours de la peacuteriode de lindustrialisation au XVIIIe siegravecle Weber (1864-1920) est

un autre pegravere fondateur de la sociologie Il est neacute agrave Thuringe et dorigine allemande Il a

enseigneacute le droit et leacuteconomie politique agrave Fribourg en 1894 et agrave Heidelberg en 1896 Il a fondeacute

la revue Archives de sciences sociales et de sciences politiques avec Sombart et Jaffeacute en 1904 et

a participeacute en 1910 agrave la creacuteation de la Socieacuteteacute allemande de sociologie Il a apporteacute plusieurs

contributions meacutethodologiques en sociologie Ses travaux traitent de lhistoire eacuteconomique de

sociologie eacuteconomique de la religion de la politique et du droit dans les socieacuteteacutes occidentales

industrielles En ce qui a trait agrave la ville il a consacreacute un ouvrage sur le pheacutenomegravene urbain La

Ville dans lequel il sest pencheacute sur son rocircle dans la formation de la socieacuteteacute bourgeoise (Jonas

1995 Weber 1982 (1947))

Selon lui la ville renvoie agrave de nouvelles dynamiques productives et formes de lien

social dans le sens dune prise de pouvoir par le bas (Jonas 1995 Reacutemy et Voyeacute 1974) Selon

Jonas la thegravese de Weber montre que la ville occidentale a non seulement contribueacute agrave diluer les

liens communautaires mais fait eacutemerger une nouvelle communauteacute celle de la communauteacute

urbaine ougrave un eacutetranger peut devenir un membre agrave part entiegravere (Jonas 1995)

1 Les tennes laquo communauteacuteraquo et laquo socieacuteteacuteraquo chez Durkheim renvoient agrave des significations contraires agrave celles de Tocircnnies (Gennain 1997) Par ailleurs sa typologie suit la mecircme logique que celle de Tocircnnies Pour accommoder le lecteur nous utilisons ces tennes dans le sens dun seul de ces auteurs Tocircnnies 2 Elle donne toutefois naissance selon lanalyse de Durkheim agrave une nouvelle conscience collective qui sexprime dans la division du travail (Jonas 1995)

12

Mecircme si la nostalgie des liens communautaires caracteacuteristiques du monde rural et non

urbaniseacute est moins eacutevidente dans lanalyse de Durkheim et de Weber leurs reacuteflexions trouvent

neacuteanmoins un point commun avec celle de Tocircnnies la monteacutee de lindividu en milieu urbain et

de son autonomie agrave leacutegard des communauteacutes issues des contextes non urbaniseacutes Bien que la

ville demeure eacutetudieacutee indirectement chez ces auteurs elle est associeacutee agrave de nouvelles formes de

sociabiliteacute agrave travers lesquelles lindividu seacutemancipe de sa communauteacute et devient un membre agrave

part entiegravere de sa socieacuteteacute Dans un cas comme dans lautre on comprend que la moderniteacute nest

pas sans lien avec lindustrialisation mais surtout avec lavegravenement de la grande ville et

leffritement du lien social laquo communautaireraquo au profit de laffirmation individuelle Celle-ci

tire son origine des grands changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau

mode de productiviteacute baseacute sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute

Le passage du rural agrave lurbain est caracteacuteriseacute ainsi par une diffeacuterenciation des individus issus de

diffeacuterentes reacutegions venus pour travailler Ces mouvements migratoires sexpliquent entre

autres par leacutemergence de nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat qui se

traduisent par un deacutemantegravelement des liens communautaires et lacquisition dune nouvelle

liberteacute

En effet la ville se caracteacuterise par un regroupement dindividus issus de milieux

eacuteloigneacutes qui se connaissent peu (Charbonneau 2004 Reacutemy et Voyeacute 1974) Les gens se

retrouvent dans ce contexte dans un monde deacutetrangers et libeacutereacutes des contraintes de leur milieu

dorigine (famille village etc) qui exerccedilaient un controcircle dans lapprentissage de valeurs et de

codes de conduites (Reacutemy et Voyeacute 1974) Les sentiments de solidariteacute et la freacutequence des

contacts interpersonnels typiques des petits milieux ruraux sinscrivent dans un autre registre en

milieu urbain en raison de leur taille et de la densiteacute plus eacuteleveacutee de la population Lindividu

creacuteeacute une distance et deacuteveloppe une attitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui (Simmel (1903 1984))

Reacutemy 1995) Cette distance et attitude de reacuteserve rejoint limage du fameux anonymat de la

ville qui caracteacuterise le citadin et qui deacutefinit le lien social urbain Elle renvoie au scheacutema des

relations sociales repreacutesenteacute par la figure de lEacutetranger chez Simmel Ces transformations du

lien social se soldent selon Simmel non seulement par lacquisition dune liberteacute mais aussi

13

par un affaiblissement des solidariteacutes qui peuvent conduire agrave de lindividualisme et des

situations disolement et de solitude (Simmel 1903 (1984)) Charbonneau 2004)

13 La sociologie urbaine

Georg Simmel lalieacutenation et la figure de lEacutetranger

Contrairement aux autres sociologues classiques mentionneacutes plus haut chez Simmel la

ville a constitueacute le thegraveme phare et central dans son œuvre et sa reacuteflexion sur lavegravenement de la

moderniteacute et leacutetude des liens sociaux Georg Simmel (1858-1918) est lun des auteurs

laquo classiquesraquo de la sociologie urbaine La ville repreacutesente selon lui le lieu par excellence ougrave

saffirme lindividualiteacute et constitue la forme la plus acheveacutee de la moderniteacute (Reacutemy 1995

Jonas 1995 Germain 1997) Comme Tocircnnies et Durkheim Simmel sest inteacuteresseacute aux

conseacutequences de lurbanisation sur les relations sociales cest-agrave-dire au passage de la

communauteacute rurale agrave la socieacuteteacute urbaine Sur ce point il sera plus explicite que ces condisciples

sur la speacutecificiteacute des relations sociales en milieu urbain Le passage agrave la socieacuteteacute urbaine renvoie

agrave la transformation des formes coheacutesives et traditionnelles de la communauteacute agrave des formes plus

complexes et anonymes propres et speacutecifiques au monde urbain Ce passage implique une

deacutepersonnalisation un degreacute danonymat et une distance des relations sociales caracteacuteristiques

de la vie urbaine en raison de laquolintellectualiteacuteraquo du citadin et de la diversiteacute des individus des

rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain (Reacutemy et Voyeacute 1974 Simmel 1903 (1984))

Lalieacutenation et la mentaliteacute urbaine Dabord pour Simmel le fait urbain est un pheacutenomegravene quantitatif puisquil renvoie agrave

une taille et une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute plus grande de la population (Germain 1997 Simmel 1903

(1984)) Dans ce contexte la quantiteacute de personnes que lon risque de cocirctoyer est plus eacuteleveacutee

que dans les petites villes ougrave lon connaicirct la plupart des gens qui y demeurent Lindividu se

trouve non seulement libeacutereacute des contraintes des communauteacutes rurales mais il se trouve aussi au

cœur de plusieurs stimulations qui font contraste au climat paisible agrave la similariteacute des personnes

et agrave la singulariteacute typique des milieux ruraux (Simmel 1903 (1984) Charbonneau 2004)

Lintensification et la stimulation nerveuse des rythmes de vie caracteacuteristiques des villes

conduisent selon Sinnnel le citadin agrave deacutevelopper une individualiteacute et une laquo attitude de reacuteserve

et blaseacutee raquo Cette attitude est aussi nourrie par ce que Simmel appelle le processus

14

dintellectualisation de la VIe individuelle en milieu urbain et constitue la laquo mentaliteacuteraquo

speacutecifique du citadin Lintellectualisme renvoie agrave la preacutedominance de la rationaliteacute et de

lindividualiteacute sur laquo laffectifraquo et le laquo communautaireraquo qui sont des caracteacuteristiques typiques

des relations sociales dans les petites villes (Reacutemy 1995 Simmel 1908 (1984raquo Le processus

dintellectualisation de la vie individuelle sexplique par la rationalisation de la production des

biens et du rapport agrave largent quelle rend possible gracircce au salariat et agrave la recherche de profit

En effet la ville repose sur un mode de fonctionnement rationnel en raison de sa nature

eacuteconomique Elle repreacutesente dans la penseacutee de Simmel le siegravege de leacuteconomie moneacutetaire au sein

duquel lintellect et les eacutechanges laquo rationnelsraquo regravegnent Agrave cet effet il donne en exemple la

relation marchande du commerccedilant (Simmel 1903 (1979raquo

Lintellectualiteacute est en lien avec le deacuteveloppement dune attitude laquo blaseacuteeraquo et de

laquo reacuteserveraquo dans les eacutechanges Selon cette optique lesprit moderne est devenu de plus en plus

calculateur et rationnel par rapport aux sentiments de solidariteacute typique des petits milieux ruraux

et laquo des eacuteleacutements primairesraquo de toutes relations humaines tels que la loyauteacute lamitieacute lamour

la deacutependance la gratitude et la confiance (Simmel 1903 (1979raquo Simmel a aussi deacutegageacute un

mode dindividualisation qui sexprime dans la speacutecialisation des styles de vie Il a deacutegageacute deux

formes dindividualisme lindeacutependance individuelle et la formation de loriginaliteacute

personnelle

Ces cadres de vie que sont laquo lintellectualiteacuteraquo du citadin et la diversiteacute des individus

des rythmes et des maniegraveres de vivre en milieu urbain contribuent au deacuteveloppement de

lattitude de reacuteserve mais peuvent mener aussi agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli

sur soi agrave lisolement agrave la solitude aux comportements deacutelinquants agrave la marginaliteacute et agrave la

deacutesorganisation sociale (Simmel 1903 (1979raquo Ces cadres de vie constituent aussi les

conditions qui deacutefiniront le type de relations sociales en milieu urbain

15

La figure de lEacutetranger

La figure de lEacutetranger repreacutesentera la speacutecificiteacute des relations sociales et laffirmation

de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Cette figure repreacutesente le voyageur

qui sinstalle seul et laquo qui est lagrave pour resterraquo dans la grande ville (Simmel 1908 (1984raquo Il

sagit du migrant issu de la campagne ou encore de limmigrant qui a la particulariteacute de ne pas

avoir de laquo racine socialeraquo dans son nouveau milieu La speacutecificiteacute de leacutetranger se trouve dans

la conjugaison de deux caracteacuteristiques qui semblent agrave premiegravere vu contradictoires mais

compleacutementaires celles de lerrance et de lancrage laquo Si lerrance est la libeacuteration par rapport

agrave tout point donneacute dans lespace et soppose conceptuellement au fait decirctre fixeacute en ce point la

forme sociologique de leacutetranger se preacutesente comme luniteacute de ces deux caracteacuteristiquesraquo

(Simmel 1908 (1984) 53) Ces eacuteleacutements deacutefiniront les conditions et le symbole des relations

sociales en milieu urbain notamment dans lespace public (Reacutemy et Voyeacute 1974) Ils marquent agrave

la fois la distance et lattachement agrave un groupe dougrave lideacutee de deacutepersonnalisation et de

deacutesocialisation des socieacuteteacutes non communautaires LEacutetranger symbolise le proche et le lointain

et introduit la dialectique de distance et de proximiteacute des relations sociales propres aux contextes

urbains Ce rapport proximiteacutedistance correspond agrave deux types de relations sociales qui

sarticulent dans les contextes urbaniseacutes Le premier renvoie aux relations plus intimes (rapports

entre nous) et le second aux relations publiques (rapports entre eacutetrangers) (Reacutemy 1995) La

dialectique proximiteacutedistance est un modegravele dinteraction qui ne repose pas sur des

caracteacuteristiques communes des personnes malS plutocirct sur laquo lintellectualisme raquo Lintellectualisme est agrave lorigine de lattitude de reacuteserve agrave leacutegard dautrui et constitue en

quelque sorte une protection contre les effets du deacuteracinement dans les contextes urbains

imbibeacutes de stimulations de toutes sortes Comme lexplique Germain laquo La condition de ses

eacutechanges avec autrui repose sur le minium de protection de soi que permet une attitude de

reacuteserve En dautres termes encore pour communiquer avec les autres il faut dabord garder ses

distances ce quaujourdhui on appellerait une civiliteacute urbaineraquo (Germain 1997 239)

16

Leacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et de solitude Il traduit le contexte de

Berlin au tournant du XXe siegravecle ougrave plusieurs migrants de provenance diverse arrivaient seuls

dans la grande ville pour se trouver du travail Les travaux de Simmel et la figure de lEacutetranger

qui incarnent en quelque sorte lanonymat de la grande ville et une certaine eacutemancipation de

lindividu par rapport aux formes communautaires ont influenceacute dans les anneacutees 1920 les

pegraveres fondateurs dun des courants les plus influents de la sociologie urbaine et ameacutericaine

lEacutecole de Chicago (Germain 1997 Reacutemy et Voyeacute 1974 Grafmeyer et Joseph 1979)

Leacutecole de Chicago

Les travaux de Simmel notamment LEacutetranger et Meacutetropole et Mentaliteacute sur

lalieacutenation et la speacutecificiteacute du lien social en milieu urbain ont fortement inspireacute les chercheurs

qui ont constitueacute ce que lon appelle aujourdhui lEacutecole de Chicago (Grafmeyer et Isaac 1979

Reacutemy et Voyeacute 1974) Il sagit en fait dun groupe de sociologues de lUniversiteacute de Chicago

qui entre les anneacutees 1910 et 1935 ont fait de leur ville un veacuteritable laboratoire scientifique

Leurs travaux de recherches sont encore aujourdhui un reacutepertoire de connaissances influent au

sein de la sociologie ameacutericaine et de la sociologie urbaine en geacuteneacuteral Le deacutepartement de la

sociologie de luniversiteacute de Chicago fut creacuteeacute en 1892 dans lintention de faire de la sociologie

une discipline centreacutee sur leacutetude des formes concregravetes de la vie sociale (Grafmeyer et Isaac

1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) En 1913 cet objectif se concreacutetisa et le deacutepartement fut lun des

plus importants centres de recherche de sociologie et danthropologie des Eacutetats-Unis Cette

peacuteriode intellectuelle et prolifique pour la recherche empirique seffectua dans un contexte

particulier propre agrave la ville de Chicago En effet cette ville connut une croissance

deacutemographique spectaculaire entre 1840 et 1930 en raison de larriveacutee massive de migrants

ruraux et dimmigrants eacutetrangers pour travailler La population est passeacutee de 112 000 habitants

en 1860 agrave 17 million en 1900 (Grafmeyer et Isaac 1979) En 1910 on comptait 27 millions de

personnes et ce nombre seacuteleva agrave 34 millions en 1930 Cela repreacutesente une augmentation

denviron un demi-million de personnes par deacutecennie Devant cette croissance inattendue la

ville fut confronteacutee agrave divers problegravemes en matiegravere deacutequipements mais aussi sur le plan de la

cohabitation et du partage de lespace (Grafmeyer et Isaac 1979 Reacutemy et Voyeacute 1974) Le

nombre de logements et demplois eacutetait insuffisant et cette population composeacutee dindividus

17

dorigines diverses constituait un veacuteritable laquomonde deacutetrangers raquo Ce cosmopolitisme contribua

agrave la creacuteation de diffeacuterents quartiers raciaux sur le territoire et de problegravemes sociaux comme les

conflits interethniques la pauvreteacute la prostitution la deacutelinquance juveacutenile la creacuteation de ghetto

La ville connut des eacutemeutes et un taux de criminaliteacute important qui occasionna un malaise social

pour la ville et ses citadins Cest dans ce contexte que les chercheurs de lEacutecole de Chicago

furent encourageacutes agrave intervenir afin de mieux comprendre le rapport quentretenait la population

avec la socieacuteteacute et dapporter des solutions aux problegravemes

Compte tenu du contexte de leacutepoque les travaux sociologiques de lEacutecole de Chicago

furent axeacutes davantage sur les problegravemes sociaux On eacutetudiait la ville ougrave les quartiers

constituaient des aires naturelles dont il fallait comprendre leur fonctionnement (Reacutemy et Voyeacute

1974) En effet lapproche de ce courant sinscrivait dans le cadre dune analyse de la

laquo deacutesorganisationraquo et des dysfonctionnements dune organisation sociale en se reacutefeacuterant agrave une

organisation fonctionnelle et normale le milieu rural traditionnel (Reacutemy et Voyeacute 1974

Grafemeyer et Isaac 1979) On consideacuterait la ville comme une jungle et on tentait den

expliquer les dysfonctionnements selon une vision qui interpellait entre autres les theacuteories

relatives au darwinisme social dans lesquelles le principe de la seacutelection naturelle (la loi du plus

fort) sappliquait ici aux rapports entre individus (Grafemeyer et Joseph 1979 Reacutemy et Voyeacute

1974) Cette eacutecole fut critiqueacutee pour son approche eacutecologique et son analogie des faits sociaux

au monde veacutegeacutetal Par ailleurs les eacutetudes et la conception de la ville furent aussi fortement

inspireacutees et influenceacutees par les travaux de Simmel sur lalieacutenation lEacutetranger et la sociabiliteacute

urbaine

Selon Reacutemy et Voyeacute (1979) on peut inscrire lensemble des travaux de lEacutecole de

Chicago dans quatre grandes cateacutegories deacutetude comme leacutetude des effets de la deacutesorganisation

sur diffeacuterentes populations la reacuteorganisation des communauteacutes et des quartiers consideacutereacutes

comme des laquoaires naturelles raquo les types et les secteurs de deacutelinquance et enfin lanalyse de

lalieacutenation de la marginaliteacute de la liberteacute et de la creacuteativiteacute (Reacutemy et Voyeacute 1974) La mobiliteacute

sociale et reacutesidentielle lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la population et la laquoprime agrave lexcentriciteacuteraquo

constituent dans la penseacutee de cette eacutecole les caracteacuteristiques de la ville qui lopposent au

monde rural (Grafmeyer et Isaac 1979)

18

Parmi les travaux qui concernent les relations sociales en milieu urbain notons ceux de

Robert Park (1864-1944) un des principaux pegraveres fondateurs de ce courant et ancienjoumaliste

et eacutetudiant de Simmel ainsi que Louis Wirth (1897-1952) autre pegravere fondateur et eacutelegraveve de Park

Selon eux les traces laquo dinteacutegraliteacuteraquo des relations sociales ont disparu en milieu urbain

(Grafmeyer et Isaac 1979)

Pour Park lurbanisation introduit des liens fondeacutes sur le type demploi occupeacute et les

inteacuterecircts professionnels gracircce au passage dun type de socieacuteteacute caracteacuteriseacute par un ordre moral

absolu sacreacute et universel agrave une organisation industrielle baseacutee sur une division du travail (Reacutemy

et Voyeacute 1974) La liberteacute constitue le trait propre au fait urbain Elle donne la possibiliteacute de

choisir sa vocation mais elle expose aussi les individus agrave des modegraveles conflictuels et

laquo alieacutenantsraquo puisque les individus se trouvent laisseacutes agrave eux-mecircmes sans le cadre normatif

typique des milieux ruraux Lessai de Simmel The Stranger (LEacutetranger) de mecircme que les

figures du commerccedilant nomade du Juif et du Hobo (litineacuterant) ont eacuteteacute consideacutereacutes par Park

comme des eacuteleacutements cleacutes pour comprendre le mode de vie urbain et son alieacutenation agrave Chicago

dans les anneacutees 1920 (Reacutemy et Voyeacute 1974) Pour Wirth eacutelegraveve de Park le citadin entretient des

liens faibles superficiels deacutesinteacuteresseacutes et deacutetacheacutes des solidariteacutes sociales typiques du monde

non urbaniseacute Il est agrave peine un voisin et constitue ses relations sociales agrave lexteacuterieur des

fondements laquo naturelsraquo de la vie de groupe tel que le territoire et la parenteacute (Grafmeyer et Isaac

1979) laquo Devant le manque de force des veacuteritables liens de parenteacute on creacutee des groupes de

parenteacute fictifs Face agrave la disparition de luniteacute territoriale comme base de la solidariteacute sociale on

creacutee des uniteacutes dinteacuterecirct raquo (Wirth 1938 Grafmeyer et Isaac 1979 41) Ce type de contacts

interpersonnels geacutenegravere selon lui un sentiment disolement et de solitude et qui accentue la

reacuteserve la distance pour la vie en ville (Charbonneau 2004)

Bref comme chez les sociologues classiques mentionneacutes plus haut les analyses de Park

et de Wirth ont mis en eacutevidence lassociation entre grande ville individualisme et isolement Ils

ont fait ressortir de faccedilon plus explicite que leurs preacutedeacutecesseurs luniteacute territoriale et

linscription spatiale des relations sociales comme fondement dans le maintien des relations

sociales et des solidariteacutes en prenant le milieu rural comme modegravele dorganisation fonctionnelle

19

Ces diffeacuterentes thegraveses ont eacuteteacute reprises par de nombreux sociologues depuis les derniegraveres

deacutecennies En 1979 Barry Wellman et Barry Leigthton preacutesentent dans un article une synthegravese

de ces travaux Cet article Reacuteseau quartier et communauteacute Preacuteliminaire agrave leacutetude de la

question communautaire est devenu un laquo classiqueraquo dans leacutetude des relations sociales en

situation urbaniseacutee Ils ont proposeacute agrave partir dune recension de lensemble des travaux effectueacutes

sur la question de lespace et des liens sociaux dans les milieux urbaniseacutes trois types de

communauteacute dans lespace urbain la communauteacute perdue la communauteacute proteacutegeacutee et la

communauteacute eacutemancipeacutee Examinons dabord les deux premiegraveres

14 La thegravese de la communauteacute perdue et de la communauteacute proteacutegeacutee

La thegravese de la communauteacute perdue

Dabord Barry Wellman et Barry Leighton ont repris les travaux de Park et Wirth de

lEacutecole de Chicago pour illustrer la thegravese de la communauteacute perdue Cette thegravese rejoint celle de

Tocircnnies et de Durkheim et dune certaine faccedilon la figure de lEacutetranger chez Simmel Elle porte

en elle lideacutee du deacutemantegravelement des liens communautaires avec la venue de lindustrialisation

Cette thegravese considegravere les citadins de la ville comme eacutetant des individus alieacuteneacutes isoleacutes et

relativement deacutepourvus de relations sociales (Wellman et Leighton 1981) Selon cette thegravese les

liens entretenus entre citadins sont en geacuteneacuteral superficiels faiblement soudeacutes les uns par

rapport aux autres utilitaires et fragmenteacutes dans lespace et les contextes (Wellman et Leighton

1981) Les relations de voisinage sont presque inexistantes contrairement agrave celles des milieux

ruraux Selon Robert Park leacutemergence des grandes villes sappuie sur le remplacement de ce

quil appelle les relations directes laquo primairesraquo de la famille et du voisinage typique des

situations non urbaniseacutees par des relations indirectes laquo secondairesraquo comme les connaissances

(Park 1925 citeacute dans Wellman et Leighton 1981) Louis Wirth considegravere le pheacutenomegravene urbain

comme un mode de vie laquo distinctif dun groupe humainraquo (Wirth 1938 (1979)) Comme chez

Simmel et Durkheim Wirth considegravere que les liens en milieu urbain sont moins intimes distants

et laquo speacutecialiseacutes raquo Cette speacutecialisation est en lien avec la division et la diversification du travail

la mobiliteacute reacutesidentielle des individus et le nombre eacuteleveacute de personnes sur un mecircme territoire ce

qui produit un changement dans la speacutecificiteacute des relations sociales compte tenu du contexte

urbain (Grafmeyer et Isaac 1979 Charbonneau 2004)

20

La thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee Dautres auteurs comme Willmott et Young (1983) se sont aussi inteacuteresseacutes dans les

anneacutees 1950 agrave leacutetude et agrave lexistence des relations sociales agrave leacutechelle du voisinage dans les

villes dont un quartier ouvrier de Londres dans les anneacutees 1950 Cette thegravese contraste celle de la

communauteacute perdue Leurs travaux ont deacuteboucheacute vers ce que Wellman et Leighton appellent la

communauteacute proteacutegeacutee Cette derniegravere renvoie agrave une dynamique de sociabiliteacute relativement

refermeacutee sur lespace de proximiteacute et comme soli nom lindique (proteacutegeacutee) elle deacutenie dune

certaine faccedilon le reste du monde urbain En effet elle est laquo proteacutegeacuteeraquo contre la ville mais

surtout contre ses aspects neacutegatifs comme les comportements deacutelinquants et les risques

dalieacutenation et disolement Ici on retrouve lideacutee du laquovillage en villeraquo et on considegravere le

quartier comme un laquoideacutealraquo dans la constitution des reacuteseaux sociaux et des relations de

voisinage (Willmott et Young 1983) Bref selon cette optique la proximiteacute geacuteographique et le

voisinage jouent un rocircle coheacutesif

Ces thegraveses ont-elles trouveacute un appui empirique Sappliquent-elles agrave dautres contextes

quagrave ceux de Berlin Londres ou Chicago Dans ce qui suit nous verrons que lorsquon se

penche sur le processus durbanisation au Queacutebec certains faits historiques contredisent les

thegraveses de Tocircnnies Durkheim Simmel Park et Wirth sur la dissolution des liens familiaux ou

communautaires On se rapproche plutocirct de la thegravese de la communauteacute proteacutegeacutee du moins au

deacutebut de la peacuteriode durbanisation et dans les milieux ouvriers

15 Lurbanisation de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise une affaire de famille et de solidariteacute

La Nouvelle-France fut dabord urbaine et commerccedilante puis agricole (Fortin 1987)

Cest seulement depuis les anneacutees 50 que le Queacutebec fut majoritairement urbain ougrave pregraves des deux

tiers de la population habitaient la ville (Fortin 1987 Dandurand et Ouellette 1992)

Dabord les migrations queacutebeacutecoises nont pas suivi le scheacutema traditionnel des

deacutemeacutenagements de la campagne vers la ville en raison de divers facteurs socioculturels et

politiques (Charbonneau 2004) Jusquau milieu du XXe siegravecle les migrations seffectuaient

entre diffeacuterentes reacutegions selon la disponibiliteacute des terres Contrairement au contexte europeacuteen

plusieurs parties du territoire eacutetaient laquo viergesraquo et le monde agricole constituait une alternative

21

et une destination envisageable Dun autre cocircteacute agrave cette eacutepoque la croissance industrielle du

Queacutebec eacutetait en retard sur les villes de la Nouvelle-Angleterre comme New York (Charbonneau

2004) Cest la raison pour laquelle les migrations vers les pocircles demploi industriel se sont

plutocirct effectueacutees vers les Eacutetats-Unis Le nombre de Queacutebeacutecois qui ont quitteacute le pays vers les

Eacutetats-Unis est estimeacute entre 700 000 et 1 000 000 (Perron 1997) Dans un tel contexte les eacutelites

politiques religieuses et eacuteconomiques du Queacutebec se sont doteacutees dun systegraveme de concession des

terres publiques et mirent en place un chemin de fer pour acceacuteder au Saguenay Lac Saint-Jean et

agrave lAbitibi Ces strateacutegies avaient pour objectif de freiner lexode des Canadiens-Franccedilais vers

les Eacutetats-Unis et vers Montreacuteal ville anglophone et du mecircme coup les risques dassimilation

linguistique et culturelle (Charbonneau 2004) En encourageant le peuplement des reacutegions on

proteacutegeait agrave la fois les valeurs catholiques la foi et la langue franccedilaise Ces mesures avaient

aussi pour objectif de deacutevelopper des foyers industriels commerciaux et urbains pour reprendre

le controcircle de leacuteconomie nationale et diminuer les migrations vers Montreacuteal (Charbonneau

2004 Perron 1997) Agrave cet effet le monde rural ne reposait pas essentiellement sur

lagriculture mais aussi sur le travail forestier et la pecircche Elle offrait des conditions de vie

relativement preacutecaire et instable pour les populations (Charbonneau 2004 Fortin 1987) Le

Queacutebec est demeureacute majoritairement rural jusquau deacutebut du XXe siegravecle (Fortin 1987) Par

ailleurs bien que Montreacuteal ait eacuteteacute ralentie dans son deacuteveloppement industriel elle est demeureacutee

tout de mecircme le deuxiegraveme foyer ougrave lon venait sy installer et un pocircle demploi important apregraves

New York au XIXe et XXe siegravecle (Charbonneau 2004)

Contrairement au contexte de la ville de Chicago le peuplement dans les reacutegions rurales

et urbaines dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle au Queacutebec sest effectueacute selon des strateacutegies

et des solidariteacutes issues du reacuteseau de la famille et de la parenteacute (Bouchard 1986 Charbonneau

2004 Fortin 1987 Gagnon 1988 Haraven 1977 Dandurand et Ouellette 1992) laquoLes

migrations ne se font pas au hasard on ne sinstalle pas dans un quartier ougrave on na pas de

famille ou qui nest pas voisin de celui ougrave on a de la famille Mecircme le passage agrave la banlieue se

fait tregraves souvent sous ce mode familialraquo (Fortin 1987 31) Les choix et les strateacutegies

reacutesidentielles de la campagne vers la ville seffectuaient ainsi selon la localisation des membres

de la famille et les logements eacutetaient surveilleacutes par les clans familiaux laquolaquo [] ici les

logements sont guetteacutes aussitocirct quil yen a un de libre cest de la parenteacute qui sinstalle raquo raquo

22

(Fortin 1987 32) De plus les liens avec les autres membres de la parenteacute demeureacutes dans les

reacutegions continuaient decirctre entretenus de faccedilon reacuteguliegravere Il y avait beaucoup dallers-retours

contrairement agrave lideacutee selon laquelle on migrait de faccedilon deacutefinitive (Perron 1997 Fortin 1987

Gagnon 1988 Charbonneau 2004 Tremblay et Fortin 1964)

Il importe de souligner que les migrations des XIXe et XXe siegravecles neacutetaient pas

seulement le fait de familles Les jeunes ceacutelibataires ont aussi constitueacute une part des migrants

vers les villes industrielles (Charbonneau 2004 Perron 1997)

Entre 1870 et 1925 au moins 8 000 familles et 18 000 ceacutelibataires garccedilons ou filles auraient quitteacute lune ou lautre des paroisses de Leacutevis et de Lotbiniegraveres (Samson et al 1996) Dix-huit mille deacuteparts de jeunes gens dans deux comteacutes seulement voilagrave une donneacutee qui suggegravere qui suggegravere limportance de leacutemigration chez les jeunes degraves cette eacutepoque (Perron 1997 28)

Par ailleurs mecircme si les jeunes et les moins jeunes ont constitueacute selon Perron (1997) depuis le

XIXe siegravecle une partie importante des populations migrantes on souligne le fait que plusieurs

dentre eux migraient pour des emplois temporaires ou saisonniers vers les villes du Queacutebec ou

de la Nouvelle-Angleterre (Charbonneau 2004) dans le but de fournir dans certains cas une

contribution et une source de revenu suppleacutementaire agrave la famille Ces mouvements

interreacutegionaux confirment en quelque sorte la peacuterenniteacute des liens familiaux caracteacuteriseacutes par des

va-et-vient entre les pocircles demploi et la famille dorigine Toutefois selon Charbonneau (2004)

les ceacutelibataires migrants repreacutesentaient 13 de lensemble des migrants et habitaient dans le

mecircme meacutenage quun membre de famille comme un fregravere ou une sœur ou encore de la mecircme

paroisse dorigine Selon la recension des eacutecrits et de donneacutees denquecircte effectueacutee par Andreacute

Fortin (1987) et Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette (1992) la famille laquo urbaineraquo

(ouvriegravere) posseacutedait plusieurs traits communs avec la famille agricole du moins elle

fonctionnait selon la mecircme logique cest-agrave-dire comme une laquo uniteacute de productionraquo (Fortin

1987) Cela sexplique par linsuffisance des salaires et labsence de seacutecuriteacute sociale de

leacutepoque Il nest pas eacutetonnant que linteacutegration agrave lemploi la solidariteacute et le soutien eacuteconomique

reposaient aussi principalement pour ne pas dire essentiellement sur des solidariteacutes de parenteacute

(Bouchard 1986 Charbonneau 2004 Perron 1997 Fortin 1987 Dandurand et Ouellette

1992)

23

Rapport au quartier et agrave lespace de proximiteacute

Agrave la suite des migrations des familles qui se sont effectueacutees au XIXe siegravecle et dans la

premiegravere moitieacute du XXe siegravecle il neacutetait pas eacutetonnant de retrouver des groupements familiaux

dans les espaces nouvellement urbaniseacutes En effet selon les travaux et recherches effectueacutes sur

le regroupement des familles sur la peacuteriode de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle dans les milieux

urbains comme Queacutebec et Montreacuteal on constate que plusieurs meacutenages voir la moitieacute

posseacutedaient un lien dorigine familial ou paroissial avec un autre meacutenage situeacute sur la mecircme rue

(Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004)

En ce qui a trait au rapport agrave lespace la famille ouvriegravere des anneacutees 60 eacutetait peu

diffeacuterente de celle du deacutebut du XXe siegravecle (Gagnon 1964 Tremblay et Fortin 1964 Dandurand

et Ouellette 1992 Fortin 1987 Charbonneau 2004) Elle eacutetait mobile fiegravere de son quartier et

tregraves ensoucheacutee dans lespace (Gagnon 1964 Fortin 1987) Cela sexplique par la proximiteacute des

reacuteseaux familiaux qui permettait une sociabiliteacute intensive et une entraide laquo Il nest pas rare pour

une femme davoir plusieurs membres de sa parenteacute sinon dans le mecircme immeuble du moins

dans le mecircme pacircteacute de maison ou plus laquo loinraquo dans la paroisseraquo (Fortin 1987 31) Dans ce

contexte le quartier constituait aussi dans la peacuteriode de lapregraves-guerre un lieu de sociabiliteacute

important pour les loisirs et lentraide

Bref on est loin de limage de lindividu qui arrive seul deacuteracineacute et deacutepourvu de liens et

de reacuteseaux sociaux et qui se retrouve dans un monde heacuteteacuterogegravene et superficiel ougrave la solitude et

lisolement le guettent comme lillustre la figure lEacutetranger la thegravese de la communauteacute perdue et

les thegraveses de Tocircnnies et Durkheim Le noyau des relations sociales dans les milieux populaires

montreacutealais eacutetait entiegraverement familial et quelque peu replieacute dans lespace et sur le monde

familial Le laquo village raquo ou la proximiteacute et la familiariteacute avec le voisinage offraient une reacuteponse

et une sorte de protection culturelle aux conditions et contexte speacutecifique de la socieacuteteacute

industrielle montreacutealaise

24

Dans le monde rural les distances faisaient quon devait composer eacutegalement avec les voisins en ville cest la mecircme chose mais ils sont souvent trop pregraves et on entretient avec eux une relation ambivalente Ideacutealement les voisins sont des parents [ ] En ville bien sucircr les reacuteseaux familiaux sont souvent exposeacutes agrave dautres milieux et agrave dautres reacuteseaux paradoxalement on les sent parfois plus refermeacutes [ ] Les autres ce sont les eacutetrangers terme qui deacutesigne globalement ceux avec qui on a aucun lien de parenteacute et tous les Anglais et les immigrants Les eacutetrangers sont ceux envers qui on na pas dobligation (Fortin 1987 49)

Cette dynamique se rapproche de tregraves pregraves de lideacutee de la communauteacute proteacutegeacutee Par ailleurs

lenquecircte dAndreacutee Fortin meneacutee au milieu des anneacutees quatre-vingt dans lagglomeacuteration de

Queacutebec et celle de Reneacutee Dandurand et Franccediloise R Ouellette reacutealiseacutee quelques anneacutees plus

tard en 1992 agrave Montreacuteal mettent en relief la variable de la classe sociale pour expliquer les

modegraveles de proximiteacute spatiale des reacuteseaux familiaux dans lespace

Par exemple dans les quartiers reacutesidentiels des familles des classes moyennes et

supeacuterieures situeacutes dans la banlieue de lapregraves-guerre les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus

laquo deacuteterritorialiseacutes raquo et ne se restreignent pas uniquement aux membres de la parenteacute (Fortin

1987 Dandurand et Ouellette 1992) Certains sont organiseacutes autour du couple ou des enfants et

les relations de voisinage sarticulent dans une logique damitieacute et daffiniteacute et parfois par

lintermeacutediaire des enfants

La sociabiliteacute familiale urbaine a eacutevolueacute au fil du temps Sans disparaicirctre et se dissoudre

la proximiteacute physique des relations familiales a diminueacute et sest amenuiseacutee peu agrave peu gracircce

entre autres agrave lefficaciteacute des moyens de transport et de communication agrave la seacuteparation des

lieux de travail et des lieux reacutesidentiels agrave laugmentation du taux de mobiliteacute sociale et

reacutesidentielle et agrave linfluence du cycle de vie sur les trajectoires reacutesidentielles des individus

(Fortin 1987 Ascher 1995 Wellman et Leighton 1981)

Le quartier nest plus le seul cadre et le seul contexte porteur de relations sociales

dentraide et de solidariteacute Comme le mentionnent Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute (1974) ce qui

distingue les situations urbaniseacutees des situations non urbaniseacutees renvoie entre autres agrave la

25

capaciteacute de maicirctriser les distances Cela accroicirct la diversiteacute des contacts des contextes et des

occasions de rencontre comme les lieux de travail et de loisirs Ceux-ci ne sont pas situeacutes

neacutecessairement dans le mecircme espace Cela rejoint la thegravese preacutesenteacutee par Wellman et Leighton

(1981) celle de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

Selon Wellman et Leighton la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle lideacutee selon

laquelle les relations sociales sont disperseacutees et situeacutees dans des lieux situeacutes agrave lexteacuterieur du

quartier La proximiteacute geacuteographique ne constitue pas dans cette perspective un facteur de

premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux Selon cette thegravese on suppose que

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux ne se limite pas agrave lespace de proximiteacute comme le

quartier TIs sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain

Lexplication de cette theacuteorie reacuteside dans le deacuteveloppement des moyens de transport

comme lautomobile et de communication et du deacuteveloppement immobilier de la banlieue qui a

favoriseacute les mobiliteacutes reacutesidentielles agrave lexteacuterieur des centres urbains Les mobiliteacutes et les choix

reacutesidentiels tendent agrave seffectuer en fonction de diffeacuterents cycles de vie (Charbonneau et Molgat

2005) De surcroicirct le deacuteveloppement des infrastructures routiegraveres et larriveacutee en masse de

lautomobile ont permis deffectuer des navettes plus eacuteloigneacutees entre le travagravei1 et le lieu de

reacutesidence Leacutetalement urbain a du mecircme coup selon cette thegravese redeacutefini la proximiteacute physique

des relations sociales dans lespace urbain (Wellman et Leighton 1981) Comme son nom

lindique cette thegravese porte en elle lideacutee que la mobiliteacute a permis une laquocertaine eacutemancipationraquo

spatiale cest-agrave-dire une accessibiliteacute agrave diffeacuterents lieux de la ville qui ne limite pas les individus

agrave un quartier ou un laquovillage autosuffisant en villeraquo Cela explique pourquoi le quartier ne

constitue plus le seul foyer porteur de relations sociales La ville comporte une diversiteacute de lieux

qui exige une certaine maicirctrise des distances mais qui multiplie les contacts et les possibiliteacutes de

nouer des relations sociales Selon Jean Reacutemy et Lilianne Voyeacute cette emprise quont les

individus sur les distances distingue la ville des milieux non urbaniseacutes (Reacutemy et Voyeacute 1974)

26

Conclusion du chapitre 1

Nous avons vu que les thegraveses classiques associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de

lindividu gracircce aux nouvelles formes de productiviteacute baseacutee sur le salariat mais aussi agrave la

dissolution des liens sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires Le contexte urbain est

dans ce sens selon ces auteurs associeacute agrave une certaine pauvreteacute et faiblesse pour les relations

sociales puisquil deacutetache lindividu de sa communauteacute dorigine pour assurer sa survie avec le

salaire que lui procure sa force de travail Les thegraveses des auteurs classiques portent en elles

lideacutee du deacuteracinement de la communauteacute dorigine lorsque seffectue le passage des situations

non urbaniseacutees aux situations urbaniseacutees La vie urbaine correspond selon lanalyse de la

transformation du lien social notamment chez Simmel agrave une forme de liberteacute individuelle

acquise gracircce agrave leacutemancipation des groupes Toutefois cette liberteacute peut se solder par de

lalieacutenation des situations disolement de repli sur soi et de solitude Les reacuteflexions que nous

avons vues plus haut sur les migrations vers les milieux urbains associent la grande ville agrave des

aspects neacutegatifs comme lindividualisme et lisolement qui traduisent une certaine alieacutenation

Les travaux reacutealiseacutes sur les migrations au Queacutebec nous amegravenent agrave nuancer fortement ces thegraveses

voir agrave les contredire laquo Dans la ville industrielle la famille nest pas atomiseacutee mais renforceacutee raquo (Fortin 1987 p 27-28) Cela sexplique en partie par les conditions culturelles et sociales de

leacutepoque par labsence de seacutecuriteacute sociale et par la preacutecariteacute des salaires Mecircme si les

migrations seffectuaient parfois seules comme chez les jeunes ceacutelibataires on remarque quils

quittaient leur milieu et leur famille dorigine de faccedilon temporaire dans le but dapporter une

aide suppleacutementaire agrave leur foyer dorigine (Perron 1997) Larriveacutee en ville seffectuait ainsi

dans une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient et non de deacutemantegravelement et de

dissolution des liens familiaux Mecircme si les mouvements des reacutegions vers les villes existent

toujours en raison de lemploi quil sy trouve les motifs et les significations des migrations des

jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et sont deacutesormais diffeacuterentes Comme le souligne Simmel le

salariat a permis une individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la

moderniteacute agrave ne pas confondre avec lideacutee de la fuite des contacts interpersonnels

Lindividualisation renvoie au deacuteveloppement de lindeacutependance et de loriginaliteacute personnelle

des individus Cette tendance se traduit entre autres aujourdhui par une diversification des

formes familiales qui sexplique entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales

27

comme la monteacutee de lEacutetat providence et des conditions de travail plus favorables La croissance

des personnes qui habitent seules est sans doute lexpression la plus forte de lindividualiteacute qui

caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque

Dans la prochaine partie nous verrons que dautres auteurs contemporains se sont aussi

inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des caracteacuteristiques des liens sociaux dans le

contexte de notre eacutepoque Dans ce qui suit nous deacutefinirons les notions de sociabiliteacute de reacuteseaux

et de quartier Nous verrons que la notion de reacuteseau social fit progressivement son entreacutee dans le

vocabulaire et les recherches contemporaines sur les relations sociales et leur inscription

territoriale Nous examinerons comment ces notions ont eacutemergeacute et nous preacutesenterons quelques

enquecirctes reacutealiseacutees sur les relations sociales agrave laide de ces notions

28

CHAPITRE 11- CADRE CONCEPTUEL

Sociabiliteacute reacuteseaux sociaux et quartier

Dans ce qui suit nous deacutefinirons les concepts qui ont servi agrave la preacutesente eacutetude et nous

verrons comment ces notions ont eacutemergeacute Il sera question des types de sociabiliteacute de reacuteseaux

sociaux disolement et de quartier

21 La sociabiliteacute

La sociabiliteacute est selon Simmel laquo la forme ludique de la socialisationraquo (Simmel 1981)

La sociabiliteacute renvoie agrave toute forme dinteraction deacutesinteacuteresseacutee qui implique la reconnaissance

de lautre dans un cadre formel ou informel Elle implique des formes dinteraction et deacutechange

et diffeacuterents degreacutes de proximiteacute dintimiteacute et de distance sociale relationnelle et spatiale entre

les personnes Elle peut concerner deux partenaires dun couple les membres dune famille ou

dune association entre collegravegues de travail entre un client et un marchand ou encore entre des

personnes qui partagent un lieu public comme un parc (Baechler 1992) La sociabiliteacute peut se

traduire par des tensions ou des amitieacutes des rapprochements ou par le simple plaisir decirctre

ensemble selon les contextes les caracteacuteristiques les inteacuterecircts les personnaliteacutes et les affiniteacutes

des personnes Leacutetude de la sociabiliteacute peut sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la

distance relationnelle au sens de Simmel Cet eacuteventail de laquo proximiteacute et de distance raquo qui lie les

individus entre eux renvoie aussi agrave lintensiteacute des liens Certains sont forts et dautres sont

faibles (Granovetter 1973) Les liens faibles renvoient par exemple aux connaissances aux amis

damis que lon a et aux rencontres superficielles (Morin et Rochefort 1998) tandis que les liens

forts correspondent surtout aux personnes agrave qui lon se confie de qui on peut obtenir un soutien

(Grossetti 2000) Selon Wellman les liens forts correspondent principalement aux membres de

la famille proche Par ailleurs les amis peuvent aussi constituer des liens forts On peut deacutegager

diffeacuterents types de sociabiliteacute selon les degreacutes de proximiteacute et de distance quont les individus

entre eux Elle peut ecirctre intime publique ou encore marchande

29

La sociabiliteacute publique urbaine et marchande

La sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus

laquo distants raquo voire superficiels avec autrui Elle implique le partage dun espace commun et la

reconnaissance des autres personnes preacutesentes Elle peut deacuteboucher sur le simple plaisir decirctre

ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement personnaliseacutes La

sociabiliteacute publique sous-tend en raison de son caractegravere laquo public raquo un partage dun espace

commun accessible au sens large du tenne comme un parc un cafeacute une piscine municipale ou

une rue commerccedilante Certains freacutequentent ces lieux seuls ou en groupe et socialisent avec les

autres occupants de lendroit qui constituent ensemble la speacutecificiteacute du lieu Les espaces publics

sont des lieux qui favorisent la rencontre avec ce que Simmel appelle lEacutetranger (Gennain

1997 Simmel 1984 (1908)) La rencontre avec laquo leacutetrangerraquo sexplique entre autres par le

caractegravere laquo urbainraquo de certains lieux3 Leacutetude des relations sociales dans lespace public urbain

peut selon Gern1ain (1997) sinscrire dans le reacutegime de la proximiteacute et de la distance au sens de

Simmel Ce reacutegime superpose la proximiteacute spatiale et les distances sociales ou relationnelles

dans la compreacutehension des relations sociales entre les citadins

La sociabiliteacute intime

Agrave lopposeacute de la sociabiliteacute publique la sociabiliteacute laquo intimeraquo correspond aux personnes

que lon connaicirct et avec qui on entretient un lien plus laquo fortraquo et moins superficiel Si lon suit le

mecircme raisonnement que Gennain (1997) avec le mecircme registre de la proximiteacute et de la distance

des relations sociales au sens de Simmel la sociabiliteacute laquointimeraquo implique une proximiteacute

relationnelle plus importante et concerne la sphegravere de la vie priveacutee Elle concerne les personnes

qui partagent un lien damitieacute conjugal ou familial Par ailleurs la nature du lien ne deacutefinit pas

pour autant le caractegravere intime de la sociabiliteacute Cest plutocirct la dimension affective et

laquo subjective raquo cest-agrave-dire la force et lintensiteacute du lien et de la relation elle-mecircme La

3 Bien que les lieux publics soient par deacutefinition des lieux accessibles agrave tous il existe ce que Pierre San sot (1991) appelle des barriegraveres sociales En effet les espaces publics sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite Il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques semblables comme lorigine ethnique ou le statut social dans un parc dun quartier ou un cafeacute

30

)

sociabiliteacute intime se distingue de la sociabiliteacute publique en raison de sa speacutecificiteacute priveacutee et de la

proximiteacute relationnelle quelle implique

Bref la sociabiliteacute correspond agrave une gamme dinteractions qui implique la

reconnaissance de lautre agravedes eacutechelles de proximiteacute et de distance diffeacuterentes Elle se trouve agrave

linteacuterieur de diffeacuterents contextes comme les lieux publics le voisinage les loisirs le travail

leacutecole et concerne des liens dintensiteacute et de nature diffeacuterente comme les amis la famille les

connaissances et les eacutetrangers selon des degreacutes variables de proximiteacute et de distance entre les

personnes concerneacutees Agrave cet effet nous avons distingueacute la sociabiliteacute publique de la sociabiliteacute

intime mais entre les deux il existe aussi de la sociabiliteacute qui renvoie agrave des contextes varieacutes

Pour comprendre la structure dans laquelle se trouvent les relations sociales et la sociabiliteacute on

peut se reacutefeacuterer agrave la notion de reacuteseau social

22 La notion de reacuteseau

Lorigine de la notion

Comme nous lavons vu plus haut dans le chapitre 1 la question des relations sociales et

de leur transformation est eacutetroitement lieacutee agrave la transformation des socieacuteteacutes la moderniteacute et agrave la

monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere dune socieacuteteacute et comme un ecirctre de choix

Cest dans cet esprit que la notion de reacuteseau social doit ecirctre situeacutee et comprise Rappelons

dabord que plusieurs auteurs se sont inteacuteresseacutes agrave la transformation de la constitution et des

caracteacuteristiques des liens sociaux dans le contexte de notre eacutepoque Agrave cet effet nous avons vu

plus haut que Wellman et Leighton ont proposeacute la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee

La thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee porte en elle une observation de leacuteclatement

geacuteographique des communauteacutes et se rapproche de la notion de reacuteseau La notion de reacuteseau

renvoie ainsi pour Wellmann et Leighton (1981) agrave la nouvelle organisation spatiale de la

communauteacute comme principal vecteur de relations sociales au sein despaces qui deacutepassent les

frontiegraveres du quartier La notion de laquocommunauteacute raquo comprise dans cette thegravese renvoie aux

liens forts et familiaux et contredit les thegraveses de leffritement des liens traditionnels dans un

contexte moderne avec son caractegravere laquoeacutemancipeacute raquo cest-agrave-dire eacuteclateacute dans lespace La

communauteacute est ainsi laquoeacutemancipeacutee raquo puisquelle est deacutesormais inscrite de faccedilon eacuteclateacutee dans

31

lespace en raison des nouvelles technologies de transport et de communication Lenquecircte de

Wellman (1979) reacutealiseacutee dans le quartier East York de Toronto a montreacute que la proportion des

relations locales cest-agrave-dire les relations inscrites agrave linteacuterieur du quartier eacutetait moins

importante pour les liens familiaux que pour les autres types de liens Par ailleurs comme

Grossetti (2002) le mentionne leacutetude de Wellman sest limiteacutee agrave lexamen des liens forts dans

lespace Cette approche part plutocirct de la transformation de la communauteacute dans le contexte

moderne et non de la monteacutee de lindividu comme ecirctre de choix qui construit lui-mecircme son

reacuteseau agrave linteacuterieur de diffeacuterents espaces

Cest Claude Ficher sociologue ameacutericain qui a proposeacute dans les anneacutees 1980 une

thegravese concernant les reacuteseaux sociaux en milieu urbain agrave partir des communauteacutes mais aussi agrave

partir de la monteacutee de lindividu en tant que maicirctre de ses relations Selon lui lindividu

compose lui-mecircme son reacuteseau car il est eacutemancipeacute des groupes avec larriveacutee de la moderniteacute

avanceacutee et de lurbanisation Lindividu construit ses relations de faccedilon laquoindividuelle raquo laquo self-

selection raquo Selon lune ou lautre des facettes de sa personnaliteacute et de ses choix il noue des

liens speacutecifiques avec chacune des personnes laquoPersonal networks differ greatly from one

person to another (Fischer 1982 33) raquo Tout un chacun possegravede un reacuteseau unique en soi Le

reacuteseau change avec le temps et les contextes

Claude Fischer sest eacutegalement inteacuteresseacute aux relations sociales et agrave leur inscription

territoriale mais en se penchant cette fois sur diffeacuterents types de liens comme les relations

intimes les relations quotidiennes de travail et de voisinage Son eacutetude meneacutee aupregraves de 1 050

personnes qui habitent la ville de San Francisco et les secteurs peacuteripheacuteriques au deacutebut des

anneacutees 1980 a reacuteveacuteleacute que les reacuteseaux sociaux des personnes qui habitent en milieu urbain

seraient de plus en plus disperseacutes au sein de la ville et moins centreacutes sur la famille (Fischer

1982)

Cette thegravese rejoint en quelque sorte la laquocommunauteacute eacutemancipeacuteeraquo avanceacutee par

Wellmann et Leighton puisque la majoriteacute (34) des membres des reacuteseaux nhabitent pas dans le

mecircme quartier que les personnes interrogeacutees (Ficher 1982) On compte 15 des membres des

reacuteseaux qui habitent agrave cinq minutes du lieu des reacutepondants et la plupart des personnes qui ne

32

sont pas des liens familiaux Dailleurs la constitution des reacuteseaux serait moins deacutetermineacutee par

les groupes du milieu dorigine et traditionnels comme la famille et les voisins Ils accorderaient

une plus grande place aux amis aux collegravegues de travail et aux laquoliens faiblesraquo (connaissances)

et eacutepheacutemegraveres laquo Structural opportunities and constraints in addition to individual personnality

and preferences determine with whom - that is with people from what social context -

individuals will associate (Fischer 1982 79) raquo Bref pour Fischer chaque individu est

responsable de son reacuteseau et il choisit ses membres Selon lui chaque personne fait partie de

plusieurs reacuteseaux qui se rattachent agrave un contexte preacutecis et qui renvoie agrave un trait parmi dautres de

la personnaliteacute de lindividu

Plus reacutecemment Michel Grossetti a transposeacute lenquecircte de Fischer agrave Toulouse en

France en voulant examiner les rapports qui pouvaient exister entre lespace les mobiliteacutes et les

reacuteseaux Contrairement agrave la thegravese de Fischer les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti indiquent

que la plupart des liens citeacutes par les personnes quil a rencontreacutees sont issus de la famille du

voisinage du travail et de leacutecole Donc la thegravese de lindividu comme ecirctre de choix et de

laquo reacuteseauxraquo se trouve quelque peu nuanceacutee Mecircme si les occasions et les opportuniteacutes sont plus

nombreuses pour rencontrer des gens il reste que les contextes laquo traditionnelsraquo comme la

famille le voisinage et le travail demeurent les principaux cadres de constitution des liens

Les reacutesultats reacutevegravelent aussi quil existe selon lui un fort caractegravere laquolocal raquo des

relations sociales Toutefois pour Grossetti le laquo localraquo ne renvoie pas neacutecessairement agrave lespace

de proximiteacute comme le quartier Il correspond plutocirct agrave la ville comme agglomeacuteration et au

caractegravere laquo eacutemancipeacuteraquo que lon retrouve chez Wellmann et Leighton Il situe les laquo effets de

proximiteacuteraquo agrave leacutechelle de la ville et il ressort de son enquecircte que laquo leacutecrasante majoriteacute des

relations des personnes interrogeacutees est situeacutee dans un rayon dune heure de transport en voiture

autour de leur domicile Seuls les liens forts semblent eacutechapper agrave ce poids de lespace

geacuteographiqueraquo (Grossetti 2002 112) Par ailleurs les reacutesultats montrent que les proches les

liens forts ne sont pas neacutecessairement ceux qui reacutesident agrave proximiteacute On compte toutefois pregraves

du quart des liens qualifieacutes de laquo prochesraquo qui habitent agrave cinq minutes de distance Il reste que

ses reacutesultats indiquent que les liens de voisinage en tant que tel correspondent aux liens inscrits

dans lespace de proximiteacute

33

Leacutemergence de la notion de reacuteseau est eacutetroitement lieacutee non seulement agrave la redeacutefinition

des rapports agrave lespace de proximiteacute pour comprendre le maintien du lien social dans un

contexte urbain mais aussi agrave leacutevolution de la moderniteacute et de la monteacutee de lindividu Par

ailleurs la compreacutehension de la notion de reacuteseau social ne concerne pas uniquement leacutetude des

lieux de reacutesidence des membres Cette notion sinscrit aussi dans une perspective danalyse

sociologique et implique des meacutethodes danalyse particuliegraveres pour eacutetudier les relations que les

individus ont entre eux ainsi que la structure que ces relations creacuteent Comme Claire Bidart

lindique le reacuteseau individuel laquo introduit un point de vue transversalraquo entre les diffeacuterentes

sphegraveres de la socieacuteteacute comme le travail la famille les loisirs et le voisinage (Bidart 1997)

laquoLensemble des liens quentretient une personne avec dautres personnes la rattache agrave des

groupes agrave des cercles sociaux agrave des collectiviteacutes agrave des institutionsraquo (Bidart 1997) Leacutetude des

reacuteseaux sociaux constitue une approche qui tente de comprendre les comportements les actions

des individus et les pheacutenomegravenes sociaux agrave partir des liens que les individus tissent entre eux

plutocirct que sur la base des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et deacutemographiques (Degenne et

Forseacute 1994 Grossetti 2002) Selon Degenne et Forseacute laquoLes gens appartiennent agrave des

cateacutegories mais aussi agrave des reacuteseaux et les cateacutegories ne sont que le reflet des relations

structurales qui lient les individusraquo (Degenne et Forseacute 1994 7) Cette approche part du

principe selon lequel les comportements des individus sont faccedilonneacutes par une structure

dinteraction entre les personnes

Grossetti a deacutegageacute deux formes de structures sociales soit les relations entre deux

personnes (relation dyadique) et les cercles (Grossetti 2002 7) Les cercles correspondent agrave des

entiteacutes collectives un laquonous raquo par exemple une institution ou une organisation Selon cette

approche les comportements sont influenceacutes par les reacuteseaux de relations dans lesquels les

individus sont inscrits (Grossetti 2002 5) Pour analyser et deacutegager la structure des liens entre

les individus on prend le reacuteseau social comme objet deacutetude

34

Deacutefinir la notion de reacuteseau et ses dimensions

Les reacuteseaux se constituent agrave partir de contextes laquo donneacutesraquo ou laquo heacuteriteacutesraquo comme la

famille (Fischer 1982 Grossetti 2002) ou imposeacutes comme les collegravegues de travail mais aussi agrave

partir dautres contextes dans lesquels les relations sociales font lobjet dun choix et se

construisent aussi agrave partir de la personnaliteacute des individus de leur parcours de leurs goucircts et de

leur mobiliteacute spatiale (Grosssetti 2002 Fischer 1982) Selon Fischer (1982) chaque personne

maicirctrise son reacuteseau et choisit les membres qui le composent Il est possible de faire partie de

plusieurs reacuteseaux Le reacuteseau social correspond agrave un ensemble de relations sociales que lindividu

eacutetablit dans le temps et dans lespace Nous retiendrons la deacutefinition suivante

laquo [ ] le reacuteseau social se deacutefinit donc comme le groupe de personnes quun individu va lui-mecircme identifier comme eacutetant au moment ougrave on lui demande ceux avec qui il considegravere avoir certains liens qui se deacutefinissent de fait de diffeacuterentes maniegraveres Car il y a dans lenchevecirctrement de relations que chacun a avec les autres des liens qui ne sont pas de mecircme nature ni de mecircme intensiteacute qui nont en fait pas les mecircmes qualiteacutes et pas non plus les mecircmes fonctions Ces liens peuvent donc sous certaines conditions dailIeurs fournir agrave lindividu des ressources de diffeacuterente nature raquo (Charbonneau et Turcotte 2002 2)

Agrave partir de cette deacutefinition nous pouvons deacutegager et preacuteciser certaines composantes qUI

constituent le concept de reacuteseau social le noyau la taille la densiteacute lintensiteacute des liens le

caractegravere non statique du reacuteseau leacutechange et la circulation de diffeacuterentes ressources et laccegraves agrave

un soutien social

Le noyau et la taille du reacuteseau social

Dabord le reacuteseau comporte un noyau Ce dernier correspond agrave un individu qui est en

relation avec un certain nombre de personnes quil considegravere comme eacutetant les plus

significatives Pour Wellman et Leighton (1981) ces personnes renvoient agrave celles que lindividu

juge les plus importantes et pour Fischer (1982) il sagit de ceux avec qui il discute de choses

importantes Ainsi nous envisagerons le reacuteseau social en partant dabord du noyau qui a en son

centre un individu qui creacutee en fait une sorte de toile daraigneacutee autour de lui Dans cette image

le centre de la toile ou le noyau repreacutesente lindividu laquo Cest l ego au centre de sa toile qui

35

creacutee son cercle de relations et le maintient ou le modifie avec le tempsraquo (Charbonneau 1998

119)

Lintensiteacute des liens Les liens qui constituent les relations agrave linteacuterieur dun reacuteseau peuvent correspondre agrave

des liens forts comme les personnes avec qui on se sent proche et agrave des liens faibles

(Granovetter 1973) Comme nous lavons vu plus haut les liens faibles renvoient aux relations

superficielles et aux connaissances tandis que les liens forts renvoient aux personnes agrave qui lon

peut se confier et avec qui on se sent intime ou proche La force des liens est mesureacutee agrave partir de

quatre dimensions la freacutequence des rencontres limportance des services rendus lintimiteacute et

lintensiteacute eacutemotionnelle (Granovetter dans Grossetti 2002) La principale distinction entre les

deux types de liens renvoie au soutien quils peuvent procurer Les liens faibles permettent

deacutetablir des ponts entre diffeacuterentes personnes appartenant agrave des cercles et des contextes

diffeacuterents (Bidart 1997 Charbonneau et Germain 1998 Grossetti 2002) Selon Granovetter

(1973) les liens faibles permettraient de rejoindre un nombre eacuteleveacute dindividus Dans lenquecircte

meneacutee par Grossetti (2002) et Fischer (1982) les liens faibles renvoient aux personnes agrave qui lon

demande de petits services pratiques comme les voisins les personnes avec qui on effectue des

sorties ou des loisirs et lon discute de divers sujets Ce qui distingue les liens forts des liens

faibles sont les discussions agrave propos de problegravemes personnels les confidences les conseils ou

les demandes daide financiegravere (Grossetti 2002) Dans lenquecircte de Grossetti (2002) les liens

forts correspondaient surtout aux membres de la famille dorigine et aux amis

La densiteacute

La densiteacute dun reacuteseau est une proprieacuteteacute qui correspond aux relations qui peuvent exister

entre les membres faisant partie dun reacuteseau dune personne (Grossetti 2002 Charbonneau et

Turcotte 2002) Plus le nombre de liens entre les diffeacuterentes personnes sera eacuteleveacute plus la

densiteacute du reacuteseau sera eacuteleveacutee

36

La circulation des ressources et laccegraves agrave un soutien social

Selon Grossetti (2002) et Charbonneau et Turcotte (2002) les reacuteseaux peuvent jouer un

certain rocircle dans la vie des individus il sagit de laccegraves aux ressources diverses comme des

biens de largent ou de linformation Selon eux les reacuteseaux constituent un ensemble de

relations entre individus qui rendent possible laccegraves agrave diffeacuterentes sphegraveres de la vie quotidienne

des individus comme le travail et le logement

On sait par exemple que les reacuteseaux jouent un rocircle essentiel dans laccegraves agrave lemploi ou au logement dans la capaciteacute des personnes agrave surmonter des moments difficiles (maladie chocircmage) plus geacuteneacuteralement quils constituent une trame importante de la vie sociale (Grossetti 2002 6)

Laccegraves agrave un soutien social constitue lun des aspects fonctionnels du reacuteseau social qui peut

reacutepondre agrave des besoins dordre financier ou psychologique par exemple4bull Toutefois il nest pas

garanti quun individu puisse avoir facilement accegraves aux ressources des membres de son reacuteseau

car il existe certaines regravegles daccegraves (Charbonneau et Turcotte 2002) Le support et lentraide

sont des donneacutees construites et variables selon les membres et les dynamiques des reacuteseaux qui

existent

Le caractegravere mouvant du reacuteseau social

Les reacuteseaux sociaux sont mouvants car ils changent selon lacircge et les peacuteriodes du cycle

de vie des individus (Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Grossetti 2002 Kaufmann

1994a) Lentreacutee dans la vie conjugale la naissance dun premier enfant lentreacutee dans une

nouvelle vie professionnelle la vieillesse ou encore un deacutemeacutenagement sont des eacutetapes du cycle

de vie agrave partir desquelles les reacuteseaux sociaux dun individu sont plus susceptibles de changer

(Bidart 1997 Fortin 1987 Fortin 1993 Kaufmann 1994a Kaufmann 1999 Fischer 1982

Grossetti 2002) De nouvelles personnes sajoutent au fil du temps tandis que dautres

disparaissent agrave certaines peacuteriodes de la vie et reacuteapparaissent parfois plus tard

4 Dailleurs on exploite cet aspect des reacuteseaux sociaux dans le domaine de lintervention sociale afin de faciliter ou de susciter la mobilisation du reacuteseau dentraide aupregraves de certaines personnes en difficulteacutes (Charbonneau et Turcotte 2002)

37

Selon les enquecirctes meneacutees sur les reacuteseaux les plus jeunes surtout les enfants et les

adolescents ont un plus grand nombre de personnes dans leur reacuteseau que les groupes dacircge

adulte (Charbonneau et Turcotte 2002 Bidart 1997) Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux

chez les acircges adultes on remarque aussi que la taille du reacuteseau varie selon lacircge Elle se reacutetreacutecit

avec le temps (Bidart 1997 Fischer 1982) La scolariteacute aussi est une variable qui influence non

seulement la taille mais aussi la composition du reacuteseau Les plus scolariseacutes ont des reacuteseaux plus

grands plus larges avec une part plus importante damis de voisins de collegravegues de travail et

moins de liens familiaux que les moins scolariseacutes (Fischer 1982) Enfin selon lenquecircte de

Fischer les personnes qui habitent en milieu urbain auraient plus de personnes dans leur reacuteseau

que les personnes qui habitent en milieu peacuteripheacuterique et rural Par ailleurs comme Fischer le

mentionne le nombre de personnes citeacutees dans chacun des reacuteseaux ne nous renseigne pas

neacutecessairement sur le support la qualiteacute et lintensiteacute des relations entretenues (Fischer 1982)

L homophilicirce des reacuteseaux

Lhomophilie des reacuteseaux renvoie agrave la composition et agrave lhomogeacuteneacuteiteacute des

caracteacuteristiques des individus qui composent un mecircme reacuteseau Comme dit le dicton laquo Qui se

ressemble sassemble raquo lhomophilie correspond agrave la tendance agrave choisir des personnes

semblables agrave soi ou sur un aspect preacutecis comme la scolariteacute ou le groupe dacircge (Fischer 1982

Grossetti 2002 Bidart 1997) Les enquecirctes de Grossetti et de Fischer ont montreacute que cette

tendance est particuliegraverement vraie dans les extreacutemiteacutes de la hieacuterarchie sociale Les personnes

plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes

et nanties et vice-versa pour les classes populaires Les classes moyennes auraient des reacuteseaux

plus heacuteteacuterogegravenes et polyvalents

Selon Bidart (1997) lhomophilie portant sur lacircge est la plus laquomassive raquo laquoParmi les

1 7 personnes en moyenne avec qui on discute dans une semaine entre 4 et 5 sont du mecircme acircge agrave

quatre ans pregraves soit deux fois plus que si cette reacutepartition seffectuait au hasard (Heacuteran F 1990

dans Bidart 1997 43) raquoComme le souligne Bidart lenquecircte de Fischer a reacuteveacuteleacute quil existe un

eacutecart de 5 ans entre leacutego et la moitieacute des gens qui sont importants dans sa vie (Fischer 1982

dans Bidart 1997) Par ailleurs la tendance agrave 1 homophilie est plus importante chez les plus

38

jeunes et semble diminuer avec lacircge Chez les enfants et les adolescents cela sexplique par les

contexteslaquo obligeacutesraquo comme leacutecole qui les reacuteunissent (Bidart 1997) Lhomophilie est aussi en

lien avec lintensiteacute et la dureacutee des liens Selon Fischer les intimes tendent plus agrave appartenir aux

mecircmes acircges On peut penser aux meilleurs amis que lon connaicirct depuis lenfance Selon Claire

Bidart les reacuteseaux tendent agrave ecirctre moins homophiles agrave partir de la trentaine (entre 30 et 36 ans)

(Bidart 1997)

Enfin le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables

soumises agrave lhomophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte

2002 Fischer 1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement

des personnes marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des

ceacutelibataires ou des divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait dailleurs deacutegageacute

des reacuteseaux de couples sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles

centreacutes eux aussi sur des familles ayant des enfants du mecircme acircge

Le statut matrimonial et le cycle de vie influencent aussi la quantiteacute et la peacuterenniteacute des

liens (Bidart 1997) Le fait de vivre seul et decirctre ceacutelibataire et le fait decirctre en couple

constituent des eacutetapes dans les cycles de vie qui ne sont pas sans incidences sur la sociabiliteacute et

la taille des reacuteseaux Comme lexplique Claire Bidart les modes et les volumes de sociabiliteacute

ont tendance agrave ecirctre plus importants chez les personnes ceacutelibataires que chez les personnes en

couple (Bidart 1997)

laquo Ainsi les conversations avec des amis atteignent leur niveau maximal entre la fin du lyceacutee dun cocircteacute et le deacutepart de la famille dorigine et lentreacutee dans la vie professionnelle de lautre Mais cest linstallation conjugale qui marque le plus nettement la fin de cette peacuteriode La mise en couple correspond agrave une chute tregraves importante de lensemble des activiteacutes pratiqueacutees en compagnie damis [ ] 11 semblerait par ailleurs quun ceacutelibat tardif ou un divorce rapproche des comportements typiques de la jeunesse retarde le vieillissement en tout cas en ce qui concerne ces modes de sociabiliteacute Les ceacutelibataires sont nettement moins nombreux que les autres agrave deacuteclarer nappartenir agrave aucun groupe damis 16bull Ils pratiquent davantage cette sociabiliteacute collective qui est freineacutee en revanche degraves la mise en coupleraquo (Bidart 1997 194)

39

De plus leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui habitent seules

a aussi fait ressortir lhomophilie sur le plan matrimonial comme facteur dinteacutegration et de

maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie entre une personne et son

groupe damis

laquo Olivia a reacutecemment senti le vent tourner plusieurs de ses amis vont se marier et le systegraveme de valeur du groupe a changeacute en mecircme temps que les thegravemes de conversations Brusquement deacutesempareacutee elle sest sentie obligeacutee dinventer un voyage avec un amant mysteacuterieux Alors que je partais dans ma famille agrave mentendre dire Quand est-ce que tu nous le preacutesentes Quest-ce que je me suis trouveacutee becircte apregraves Il y a quelque chose de casseacute ce nest plus comme avantraquo (Kaufmann 1999 55-56)

Ces extraits montrent que le statut matrimonial ne constitue pas un eacuteleacutement banal dans le

maintien et la composition des reacuteseaux sociaux Ceci nous amegravene agrave nous questionner sur le cas

des jeunes adultes qui habitent seuls qui se retrouve agrave la croiseacutee des chemins dans leur cycle de

vie

Tout compte fait le reacuteseau social est mouvant et permet la circulation de diverses

ressources et ce gracircce aux liens forts et aux liens faibles mais aussi gracircce agrave la volonteacute et aux

personnaliteacutes et affiniteacutes qui constituent les diffeacuterentes relations entre les personnes La densiteacute

du reacuteseau la polyvalence et la force des liens (liens forts liens faibles) sont des eacuteleacutements qui

faccedilonnent les reacuteseaux sociaux et qui doivent ecirctre analyseacutes afin de deacutegager leur structure et de

voir comment ils peuvent constituer une ressource ou bien une contrainte dans laction des

individus (Grossetti 2002) Le reacuteseau correspond en fait agrave un ensemble de relations sociales

que lindividu eacutetablit dans le temps mais aussi dans lespace selon les endroits habiteacutes et

freacutequenteacutes au cours de sa vie Mais quarrive-t-il lorsque lon habite seul et que lon est entoureacute

de couples de familles et que lon a peu de liens

bull

40

La question de lisolement social

Notre eacutetude sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes et les modes de vie des personnes

qui habitent seules neacutecessite une reacuteflexion sur la question de lisolement Lisolement social

correspond agrave une laquo deacuteficience de reacuteseau socialraquo (Nurmi et al 1997 dans Charbonneau et

Turcotte 2002) Or lisolement laquoobjectifraquo nest pas neacutecessairement associeacute au sentiment

subjectif de solitude ou disolement (Fortin 1993 Saint-Laurent 1993 Martin 1993) En effet

comme Fortin (1993) et Martin (1993) le mentionnent un individu peut se sentir eacutetouffeacute et isoleacute

par son reacuteseau mecircme sil est freacutequemment en contact avec les membres qui le composent tandis

quun autre peut se sentir combleacute par un reacuteseau de taille reacuteduite Et comme Fischer (1982) le

souligne certains parleront de qualiteacute des liens pour nuancer la petite quantiteacute de personnes

comprises dans leur reacuteseau

En ce qui concerne les personnes qui habitent seules lisolement social le sentiment de

solitude et les situations de vulneacuterabiliteacute relationnelle semblent selon quelques eacutetudes

attribuables agrave des facteurs comme lacircge lappartenance agrave la classe sociale des situations de

pauvreteacute eacuteconomique la scolariteacute et les circonstances qui ont meneacute les personnes agrave habiter

seules (Kaufmann 1994a Gauthier 1993 Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Les personnes

plus acircgeacutees sont plus vulneacuterables et susceptibles de se trouver dans une situation disolement

(Bidart 1997) Leacutetude de Martin (1993) a aussi montreacute que dans certains cas la vulneacuterabiliteacute

eacuteconomique peut se superposer agrave la vulneacuterabiliteacute relationnelle Le deacutepart dun conjoint peut

occasionner une restructuration du reacuteseau social une diminution voire une disparition de

certaines relations damitieacute Ainsi non seulement une rupture peut exposer lindividu agrave une

certaine preacutecariteacute financiegravere mais elle peut aussi le mettre dans une situation de vulneacuterabiliteacute

relationnelle (Martin 1993)

Mais quen est-il chez les jeunes adultes Dabord selon les reacutesultats des enquecirctes qui

portent sur les reacuteseaux de divers groupes dacircge en loccurrence Wellman Fischer Bidart et

Grossetti on constate que les reacuteseaux des tranches dacircge plus jeunes semblent se deacutemarquer par

leur plus grande taille et leur concentration dans lespace urbain (Fischer 1982)

41

En ce qui a trait au deacuteploiement spatial des relations leacutetude de Charbonneau et Molgat

(2005) a montreacute que 25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du

quartier comparativement 15 pour les jeunes banlieusards Pregraves des trois quarts (70) des

membres sont disperseacutes agrave leacutechelle de la ville et des villes connexes ce qui rejoint aussi les

reacutesultats de lenquecircte de Grossetti agrave Toulouse aupregraves de divers groupes dacircge Comme nous

lavons mentionneacute plus haut les reacuteseaux des jeunes adultes seraient aussi plus homophiles en

acircge et moins centreacutes sur la famille et les relations de voisinage La scolariteacute et la situation en

emploi semblent toutefois constituer des facteurs importants dans la composition et la taille des

reacuteseaux (Bidart 1997) Dans cette perspective lacircge et la scolariteacute ne semble pas constituer des

facteurs disolement concernant la taille des reacuteseaux mais il reste agrave voir si le statut matrimonial

lhomophilie des reacuteseaux en lien avec le cycle de vie et linsertion dans la vie conjugale et le fait

dhabiter seul peuvent constituer des facteurs qui preacutedisposent agrave lisolement et qui influencent la

perception subjective de la vie en solo chez les jeunes adultes

Les reacutesultats des eacutetudes reacutealiseacutees par Leloup et de Galland indiquent que les reacuteseaux

tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans lespace urbain et les jeunes qui habitent seuls ne sont pas en

situation disolement en raison dune sociabiliteacute plus intense attribuable agrave lacircge et agrave une situation

socio-eacuteconomique favorable La part des relations inscrites agrave leacutechelle du quartier ne semble pas

preacutedominante Mais que penser des rapports quils entretiennent avec leur quartier puisquils

sont nombreux agrave choisir les anciens quartiers et centraux Comme dans les autres enquecirctes sur

les jeunes (Charbonneau et Molgat 2005 Gaudet 2003) celles portant sur les jeunes solos

reacutevegravelent aussi que ce groupe dacircge voisine peu et quils ont peu dinteacuterecircts aux enjeux locaux de

quartier Serait-ce un trait typique attribuable agrave lacircge et agrave lhabiteacute en solo Mais pour mieux

saisir le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls il importe dexaminer en quoi

consiste la notion de quartier et despace de proximiteacute

42

23 Lespace de proximiteacute et le quartier

Linteacuterecirct porteacute au quartier dans plusieurs enquecirctes empiriques concerne souvent des

theacutematiques de recherche speacutecifiques comme la pauvreteacute limmigration ou la gestion

municipale Cet espace est souvent repris comme entiteacute et axe strateacutegique dintervention

publique et sociale Il est consideacutereacute comme geacuteneacuterateur de solidariteacute pour la reacuteinsertion des

populations en difficulteacute notamment en matiegravere demploi (Charbonneau et Molgat 2005) La

diversiteacute de ces recherches ne nous renseigne pas seulement sur les caracteacuteristiques sociales et

les problegravemes sociaux speacutecifiques agrave certains lieux de la ville et aux dynamiques sociales elles

traduisent aussi que le quartier correspond agrave plusieurs visages et dimensions Chaque quartier est

unique en soi et renvoie agrave un espace difficilement deacutefinissable Il constitue un lieu aux frontiegraveres

et aux caracteacuteristiques sociales et spatiales confuses Comme Germain le mentionne (2005a) il

repreacutesente un espace laquoquasi mythique raquo Tantocirct fonctionnel et pratique tantocirct centreacute sur le

logement et tantocirct convivial et plein de vitaliteacute le quartier des villes contemporaines fait selon

la lecture de Jean-Yves Authier (2005) lobjet de deux discours opposeacutes le premier renvoie agrave

laquo la vie de quartierraquo et aux vertus de cette vitaliteacute sociale alors que le deuxiegraveme est plus

pessimiste et envisage le quartier comme eacutetant une entiteacute laquodisparueraquo et replieacutee sur lespace

domestique au profit de la ville

Les discours du premier type veacutehiculeacutes notamment par les concepteurs et animateurs des politiques de la ville tendent agrave accorder au quartier et agrave la vie de quartier un privilegravege tregraves important (ROCHER 1993) Les discours du second type porteacutes par divers observateurs de la ville et de la vie urbaine contemporaine donne agrave penser au contraire que les quartiers se meurent que les habitants ne sont plus ou ne sont guegravere des habitants de quartiers (DUBOIS-TAINE et CHALAS 1997) que le quartier en tant que territoire et eacutechelle des pratiques sociales est en deacuteclin au profit du logement et de la ville (ASCHER 1998) (AUTHIER 2005 208)

Ces deacutebats font ressortir plusieurs dimensions qui sarticulent dans la sphegravere du

domestique et de lespace public et social Cette fameuse laquo vie de quartierraquo agrave la fois souhaiteacutee

par les concepteurs et ameacutenageurs et en mecircme temps diagnostiqueacutee disparue par dautres nous

renvoie aux pratiques de sociabiliteacute existante souhaiteacutee ou disparue dans cet espace de

proximiteacute Comme nous venons de le voir plus haut les reacuteseaux tendent agrave ecirctre plus eacuteclateacutes dans

lespace meacutetropolitain et moins concentreacutes agrave leacutechelle du quartier Dans cette optique on

pourrait penser que le quartier semble un eacuteleacutement secondaire dans la constitution des relations

43

sociales en milieu urbain Mais quelle est donc la pertinence de parler de quartier dans une

enquecircte sur les reacuteseaux sociaux des jeunes adultes

Dune part les personnes qui habitent seules sont fortement concentreacutees dans lespace

urbain et dans ce que plusieurs appellent les quartiers centraux puisquils sont situeacutes pregraves du

centre Dautre part la question de la gentrification et des caracteacuteristiques des secteurs urbains

en changement semble mettre le quartier agrave lavant-plan dans les analyses sociologiques et faire

de lui un veacuteritable axe de recherche pour la compreacutehension du rapport agrave lespace sur le plan des

pratiques de sociabiliteacute urbaine et des modes de vie dans un contexte urbain et moderne en

transformation Le quartier en tant quuniteacute danalyse dans leacutetude des modes dhabiter nous

renseigne sur les rapports entre laquo le dehors et le dedansraquo des modes dhabiter puisque ce

territoire comporte entre autres des dimensions fonctionnelles symboliques et sociales

Mais quest-ce que le quartier et lespace de proximiteacute Dans le cadre de notre recherche

nous prendrons pour synonymes les termes laquo espace de proximiteacuteraquo et laquo quartierraquo Nous

envisagerons lespace de proximiteacute ou le quartier comme eacutetant un espace physique agrave plusieurs

dimensions et dont les limites varient selon les repreacutesentations et lutilisation que lindividu en

fait (Authier 2002 Germain et Charbonneau 1998 Morin et Rochefort 1998) laquo [ ] parfois le

quartier est reacuteduit agrave une rue voire agrave la reacutesidence dans laquelle habite lenquecircteacute dans dautres

cas agrave lopposeacute lentiteacute se confond avec le centre-ville ou plus exceptionnellement avec la ville

(ou larrondissement)) (Authier 2002 94) Selon Annick Germain (1995) le quartier est un

espace agrave geacuteomeacutetrie variable et constitue le reacutesultat dun produit social Elle le deacutefinit comme

eacutetant un

Territoire composite refleacutetant les espaces-temps speacutecifiques dans lesquels se meuvent des populations non neacutecessairement homogegravenes le quartier nen est pas moins aussi un espace commun dans lequel les habitants vaquent agrave leurs activiteacutes quotidiennes (espace fonctionnel) nouent certains liens de sociabiliteacute (espace social) et forgent des repreacutesentations non neacutecessairement partageacutees (espace symbolique) raquo (Germain 1995 448)

44

Agrave la lumiegravere de cette deacutefinition on peut voir que la notion de quartier comporte trois grandes

facettes qui font de lui un laquoproduit social raquo faccedilonneacute par les personnes qui lhabitent (Germain

1995) La deacutefinition de Morin et de Rochefort (1998) renvoie aussi agrave ces dimensions de la

notion de quartier

laquo Ainsi le quartier doit ecirctre compris tour agrave tour (dans des proportions extrecircmement variables dun groupe social agrave lautre) comme un espace fonctionnel deacutelimiteacute qui influence en partie en raison de sa morphologie et de ses eacutequipements collectifs le mode de vie des habitants comme un espace symbolique forgeacute par des repreacutesentations comme un espace relationnel plus ou moins diversifieacute et valoriseacute abritant des formes de sociabiliteacute publique eacutepheacutemegraveres aussi bien que des liens de solidariteacute durables comme un espace politique dans la mesure ougrave lon sy mobilise autour denjeux locaux mais aussi agrave loccasion de la promotion et de la neacutegociation dinteacuterecircts donneacutes (Morin et Rochefort 1998 105raquo

Nous retiendrons quatre principales dimensions qui composent et qui deacutefinissent le quartier un

espace deacuteleacutements fonctionnels partageacutes par plusieurs un espace symbolique qui contribue agrave la

construction dune identiteacute un espace de sociabiliteacute et un espace politique

Un espace dintervention politique et daction collective

Le quartier est aussi un espace politique lorsque les reacutesidents se mobilisent pour

deacutefendre certains enjeux locaux (Morin et Rochefort 1998) Ceux-ci peuvent ecirctre relieacutes agrave son

ameacutenagement par exemple De plus le quartier apparaicirct de plus en plus aussi comme une

eacutechelle dintervention dans les politiques publiques des paliers municipaux notamment en ce qui

a trait agrave la lutte contre la pauvreteacute (Seacuteguin et Divay 2004)

Un espace fonctionnel

La dimension fonctionnelle du quartier renvoie agrave la sphegravere priveacutee et domestique des

modes dhabiter des individus en loccurrence au logement et agrave lhabitat mais eacutegalement agrave

lutilisation de services de proximiteacute comme les commerces dalimentation et de biens et

services et aux activiteacutes reacutecreacuteatives offertes qui nous renvoient agrave une dimension publique

(Authier2002) Selon Germain et Charbonneau (1998) il est rare que les reacutesidents entretiennent

un rapport avec leur quartier uniquement dans le cadre de sa fonction reacutesidentielle et de sa

4S

sphegravere priveacutee Les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du quartier un espace fonctionnel

faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit

Un espace symbolique

Cette dimension renvoie agrave limage que lon peut avoir dun quartier Elle peut

correspondre agrave une artegravere commerciale agrave un type dhabitation dominant comme la maison

uni familiale ou encore agrave la composition sociale des gens qui lhabitent (Germain et

Charbonneau 1998) Les images peuvent ecirctre associeacutees agrave un prestige mais aussi agrave un secteur agrave

laquo problegravemesraquo ou moins prestigieux que lon deacutesire quitter Cette dimension symbolique

contribue aussi agrave la construction dune sorte didentiteacute collective agrave laquelle les habitants

sassocieront ou bien ils tenteront au contraire de sen dissocier laquo Chaque reacutesident est inviteacute agrave se

situer par rapport agrave limage quoffre le quartier quil habite ou quil veut habiter (Mantovani et

St-Raymond 1984 dans Germain et Charbonneau 1998 8) raquo

Un espace de sociabiliteacute

Le quartier est aussi un espace de sociabiliteacute qui renvoie aux liens quun individu peut

eacutetablir agrave linteacuterieur de son quartier Il peut sagir de liens forts comme de liens faibles et lun ou

lautre des types de liens qui peuvent sinscrire dans le cadre de relation de voisinage ou de lieux

publics avec des commerccedilants par exemple On peut distinguer agrave partir de la dialectique

proximiteacute-distance des registres de sociabiliteacute les relations de voisinage la sociabiliteacute publique

et la sociabiliteacute avec des membres de son reacuteseau social

Les enquecirctes sur le quartier

Les enquecirctes reacutealiseacutees par les chercheurs ont mis en relief ces dimensions de lusage de

la sociabiliteacute et de la repreacutesentation symbolique du quartier Dabord selon lenquecircte meneacutee par

Jean Yves Authier (2001) aupregraves de divers groupes dacircge et de meacutenages habitant dans les

quartiers anciens de villes franccedilaises les eacutetudiants les cadres et les professionnels intellectuels

de mecircme que les plus jeunes entretiennent surtout un rapport fonctionnel concernant lusage et

un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier (Authier 2001) Ils sont plus enclins que les retraiteacutes

46

et les ouvriers agrave passer du temps dans leur quartier pendant leur temps libre agrave freacutequenter les

bars les commerces les jardins publics et agrave se balader dans les rues que les laquo employeacutes raquo Par

ailleurs lancienneteacute reacutesidentielle eacuteleveacutee (plus de 20 ans) de mecircme que les expeacuteriences

reacutesidentielles des personnes rencontreacutees constituent aussi des variables qui favorisent des

laquo usages eacuteleveacutesraquo du quartier (Authier 2001) Ceux qui ont deacutejagrave habiteacute dans le passeacute dans un

quartier central ont tendance agrave sinvestir plus dans lutilisation des lieux (Authier 2001)

En ce qui concerne le voisinage et les reacuteseaux la majoriteacute des enquecircteacutes (Plus dun sur

deux) entretiennent des relations avec des gens qui habitent pregraves du lieu de reacutesidence et pregraves des

deux tiers ont des relations avec des membres de leur famille des amis ou des collegravegues de

travail qui habitent dans le mecircme immeuble ou les environs Par ailleurs lacircge et le statut social

influencent aussi les modes de sociabiliteacute locale Les jeunes ont tendance agrave privileacutegier les

relations avec des membres de leur reacuteseau plutocirct que de voisiner tandis que les adultes acircgeacutes de

40 agrave 60 ans sont plus nombreux agrave pratiquer les deux registres de sociabiliteacute

Une autre enquecircte meneacutee en France aupregraves de personnes qui habitent seules a deacutegageacute

deux principaux critegraveres de localisation reacutesidentielle privileacutegieacutes par ces personnes la proximiteacute

du lieu de travail et la proximiteacute du centre-ville (Lavigne et Arbet 1992) Leacutequipement

commercial vient en troisiegraveme lieu et la preacutesence damis en quatriegraveme Selon cette enquecircte le

rapport au quartier est plus fonctionnel en ce qui concerne le temps et la distance par rapport aux

lieux de travail de services et dopportuniteacutes de loisirs (Lavigne et Arbet 1992) La preacutesence

damis et de membres de la famille dans le mecircme quartier est valoriseacutee mecircme si le quartier ne

constitue pas pour eux la laquo variableraquo la plus importante Selon cette mecircme enquecircte 70 des

personnes enquecircteacutees ne souhaitaient pas quitter leur quartier ce qui deacutemontre un certain

attachement aux lieux et un laquo ancrageraquo en milieu urbain

Chez les jeunes adultes rappelons que diverses enquecirctes comme celles de Xavier

Leloup (2005) Jean-Yves Authier (2001) Marc Molgat et de Nathalie Saint-Laurent (2004) et

de Johanne Charbonneau et Marc Molgat (2005) ont souleveacute que le quartier constituait un lieu

de transition et que le rapport entretenu renvoyait plutocirct agrave des dimensions symboliques et

fonctionnelles Sans constituer un lieu de proximiteacute spatiale de liens sociaux ces eacutetudes ont

47

aussi montreacute que le quartier constituait un espace de sociabiliteacute non neacutegligeable notamment en

ce qui concerne les sorties

Bref si nous reacutecapitulons les reacutesultats de ces enquecirctes les groupes des jeunes adultes

queacutebeacutecois en geacuteneacuteral (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et Saint-Laurent 2004) et les

jeunes bruxellois et franccedilais qui habitent seuls partagent des caracteacuteristiques communes en ce

qui concerne le rapport symbolique agrave lespace et le quartier comme lieu de transition dans leur

parcours

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute publique agrave lusage et agrave lattachement symbolique au

quartier les personnes qui habitent seules rencontreacutees par Jean-Yves Authier en France

semblent aussi partager des points communs avec les jeunes diplocircmeacutes

Conclusion du chapitre II

Tout compte fait les composantes qui deacutefinissent la notion de quartier et despace de

proximiteacute correspondent agrave laspect fonctionnel du quartier partageacute par plusieurs personnes agrave

lespace symbolique ougrave il peut se construire une identiteacute agrave lespace politique et agrave un lieu de

sociabiliteacute Il sagit dun produit social

Mais quen est-il pour les jeunes adultes qui habitent seuls dans les quartiers de

Montreacuteal Ont-ils agrave la fois des reacuteseaux personnels disperseacutes dans lespace meacutetropolitain et un

rapport de sociabiliteacute publique agrave linteacuterieur de leur quartier Et en quoi se distinguent-ils des

adultes qui habitent seuls appartenant aux groupes plus acircgeacutes Dans ce qui suit nous

preacutesenterons des enquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de jeunes adultes et qui ont porteacutees sur les questions

de sociabiliteacute et du rapport agrave la ville afin de mieux comprend pourquoi ils tendent agrave se

concentrer dans les quartiers centraux des villes

48

CHAPITRE 111- OBJECTIF ET POPULATION Agrave LEacuteTUDE

Sociabiliteacute et rapport agrave la ville chez les jeunes adultes

Dans le cadre de notre enquecircte nous avons tenteacute de deacutegager les liens qui peuvent exister

entre les parcours des jeunes adultes qui habitent seuls le deacuteploiement de leur reacuteseau social et le

rapport agrave lespace de proximiteacute Cette eacutetude comporte trois principaux objectifs premiegraverement

elle a pour but de dresser un portrait de leur parcours geacuteographique et biographique reacutesidentiel

deuxiegravemement elle tente de preacutesenter un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et troisiegravemement elle

examine les rapports entretenus avec leur quartier agrave partir de leur parcours reacutesidentiel et du

deacuteploiement spatial de leurs reacuteseaux sociaux Dans ce qui suit nous ferons un court bilan sur ce

que les eacutetudes nous indiquent sur la concentration des jeunes en milieu urbain la reacutepartition

geacuteographique de leurs reacuteseaux et des rapports au quartier et pratiques de sociabiliteacute des jeunes

adultes qui habitent seuls

31 Preacutesentation des caracteacuteristiques de la jeunesse

La concentration des jeunes adultes en milieu urbain

La majoriteacute des jeunes habitent dans les villes et une bonne partie dentre eux servent la

nouvelle eacuteconomie (Gauthier 2003 Chicoine et Rose 1998) Selon Charbonneau et Molgat

(2003) les jeunes sont en geacuteneacuteral plus nombreux que les autres groupes dacircge agrave choisir une

localisation dans les centres urbains Agrave Montreacuteal le groupe des 20-34 ans repreacutesente 232 de

la population de la ville Les secteurs situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes comportent pregraves dun

quart de jeunes adultes Pour le Plateau Mont-Royal la tranche des 20-34 ans repreacutesente 232

de la population totale de cet arrondissement tandis que pour Rosemont Petite-Patrie la part de

ce groupe dacircge correspond agrave 259 (Ville de Montreacuteal 2004) Les autres arrondissements

centraux comme le Sud-Ouest et Cocircte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce affichent

respectivement des taux de 234 et de 261 La figure 31 de la page 52 illustre cette

concentration de jeunes adultes dans la ville de Montreacuteal

49

Les migrations la ville et le cycle de vie

Lexplication de la concentration spatiale en milieu urbain queacutebeacutecois de ce groupe dacircge

reacuteside dans les cycles de vie les changements structurels de leacuteconomie et les repreacutesentations

symboliques de la vie urbaine (Charbonneau et Molgat 2005 Molgat et St-Laurent 2004

Gauthier 2003) Ce choix sappuie selon Charbonneau et Molgat (2005) sur une valorisation du

sens symbolique du quartier et correspond aussi agrave une peacuteriode de transition dans leur parcours

de vie professionnel La localisation des pocircles demplois et des universiteacutes dans les centres des

grandes villes constitue lun des principaux facteurs qui motivent et qui expliquent les

mouvements migratoires des jeunes issus des reacutegions vers les centres urbains (Gauthier 2003

Molgat et Saint-Laurent 2004 Freacutechette et Desmarais et al 2004) En effet les eacutetudes et le

travail font partie des principaux motifs de migration des jeunes vers les villes Le deacutesir de

liberteacute et de laquo faire sa vieraquo dans un milieu qui offre plusieurs possibiliteacutes constitue aussi chez

les jeunes un motif de migration (Freacutechette et Desmarais et al 2004 Molgat et Saint-Laurent

2004)

Selon Madeleine Gauthier (2004) le deacutesir dhabiter dans une grande ville est plus fort

chez le groupe des 20-24 ans surtout pour ceux qui se trouvaient deacutejagrave agrave Montreacuteal et pour les

moins scolariseacutes qui ont quitteacute un milieu familial difficile situeacute en reacutegion Selon cette mecircme

eacutetude sur le regard contemporain des jeunes sur la ville les jeunes adultes acircgeacutes entre 30-34 ans

qui possegravedent un engouement pour la grande ville appartiennent agrave deux sous-groupes les plus

scolariseacutes (issus de divers endroits) et ceux qui nont jamais quitteacute Montreacuteal Par ailleurs un bon

nombre des jeunes quelle a interrogeacutes agrave travers diffeacuterentes reacutegions et villes du Queacutebec sont

plus enclins agrave deacutesirer sinstaller en banlieue plutocirct que dans la grande ville Il reste que les

quartiers centraux de Montreacuteal attirent neacuteanmoins une cateacutegorie de jeunes laquo yuppies raquo au sens

de Zukin cest-agrave-dire de jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des emplois

professionnels Cest preacuteciseacutement cette cateacutegorie de jeunes adultes qui ont fait lobjet de la

preacutesente eacutetude Les quartiers centraux permettent davoir une localisation de choix situeacutee non

seulement pregraves des pocircles demploi et des institutions scolaires mais surtout des lieux de sorties

et de loisirs ce qui explique en partie pourquoi ils y sont concentreacutes (Zukin 1998 Chicoine et

Rose 1998)

50

Le passage en milieu urbain pour les jeunes adultes et pour ceux qui habitent seuls

constitue pour une partie dentre eux une peacuteriode temporaire et associeacutee agrave un moment du cycle

de vie et agrave une transition vers la vie de couple et de famille (Leloup 2005 Molgat et Saint-

Laurent 2004 Gauthier 2004 Simard 2004) laquoPour eux la vie en solo est souvent un choix

qui permet de reporter pour un temps les deacutecisions lieacutees agrave lengagement dans une vie de couple

ou de famille stableraquo (Leloup 2005 187) De plus comme on la vu plus haut plusieurs eacutetapes

et peacuteriodes de transition preacutecegravedent deacutesormais la stabilisation de lemploi la situation financiegravere

des jeunes sest deacuteteacuterioreacutee la mise en couple prend des formes non traditionnelles de mise en

meacutenage et la deacutecohabitation familiale et lentreacutee dans la vie de couple sont reporteacutees Chez les

plus jeunes lexplication reacuteside en partie dans le report de lengagement conjugal (Molgat

2000) Dailleurs on retrouve aussi une grande quantiteacute de personnes ayant le statut leacutegal de

ceacutelibataire dans les centres urbains Dans un tel contexte il nest pas eacutetonnant de constater une

augmentation de jeunes adultes dans la vingtaine et mecircme au deacutebut de trentaine qui habitent

seuls (Molgat 2000)

Dans un ouvrage contenant un recueil danalyse de reacutesultats au sujet dune enquecircte de

grande envergure meneacutee sur les migrations des jeunes vers les centres urbains du Queacutebec Marc

Molgat et Nathalie Saint-Laurent (2004) se sont pencheacutes sur les repreacutesentations de la ville dans

les parcours migratoires de jeunes adultes Leur analyse met en lumiegravere trois types de

repreacutesentation de la ville en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial La premiegravere figure

renvoie au scheacutema classique du passage temporaire en milieu urbain laquoAttireacutes par la ville au

moment des eacutetudes ou dun premier emploi ces jeunes cherchent plus tard agrave sen eacuteloigner qui

pour retrouver un esprit de village qui pour profiter de lespace de la nature et de la

tranquilliteacute qui encore pour se rapprocher du soutien des parents (Molgat et Saint-Laurent

2004) raquo La ville constitue un monde deacutetrangers au sens de Simmel et un lieu peu propice agrave la

creacuteation de liens sociaux et pour eacutelever des enfants Le passage en milieu urbain deacutebouche ainsi

vers une migration vers la banlieue notamment en raison de lespace plus grand qui est offert et

de ses qualiteacutes de convivialiteacute apparenteacutee agrave celles de la campagne

51

La figure 31 de la page suivante correspond agrave une repreacutesentation de la ville comme lieu

daffirmation de soi et didentification comme lieu obligeacute de travail et comme lieu daccegraves agrave

une diversiteacute mateacuterielle et culturelle La ville est incorporeacutee aux projets et deacutesirs des jeunes

Enfin la troisiegraveme figure deacutegageacutee par Molgat et Saint-Laurent est principalement

associeacutee agrave la situation et aux projets en emploi des jeunes Les jeunes ne deacutesirent pas

particuliegraverement sen eacuteloigner et elle ne constitue pas non plus un lieu daffirmation et

didentification de soi mais repreacutesente le lieu ougrave lon doit aller sinstaller pour travailler ou

beacuteneacuteficier dun avancement professionnel Il sagit de laquo lambivalence guideacutee par le travailraquo

Bref quil sagisse dun lieu ougrave lon vient essentiellement sinstaller pour le travail ou

simplement pour laquo vivre la villeraquo de faccedilon temporaire ou pas plusieurs jeunes se retrouvent en

ville agrave un moment de leur parcours biographique

53

La sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Les eacutetudes meneacutees par Galland (1993) Leloup (2000) et Kaufmann (1994a) montrent

que le mode de vie des jeunes adultes de 35 ans et moins va agrave lencontre de lideacutee selon laquelle

la vie laquo solitaireraquo serait pour eux une forme disolement laquo Les jeunes qui prolongent ainsi un

mode de vie solitaire font ce choix pour vivre pleinement une nouvelle forme de la jeunesse

totalement deacutegageacutee des contraintes familiales et disponibles pour un plein engagement dans les

relations entre pairsraquo (Galland 1993 232) Selon Galland les jeunes adultes qui habitent seuls

sont principalement laquourbains raquo plutocirct locataires de logements de taille tregraves variable et

consomment beaucoup de biens culturels et de communication Leacutetude de Xavier Leloup

(2000) indique aussi quils ont des reacuteseaux larges et quils sont mobiles dans lespace urbain

lorsquil sagit de faire des sorties ou des activiteacutes Leacutetude de Leloup ajoute cependant une

dimension spatiale Selon lui les relations sociales de ce groupe de laquosoloraquo sont eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale laquoDit demiddot maniegravere plus positive les

jeunes isoleacutes entretiennent un rapport agrave la ville plus souple mobile et flexible qui leur

permettrait de mieux sinseacuterer dans une diversiteacute territorialeraquo (Leloup 2000 141) Bref les

eacutetudes meneacutees par Galland (1993) en France et Leloup (2000) en Belgique concernant les

jeunes solos nous indiquent que les jeunes semblent avoir une vie sociale riche et diversifieacutee

tout en eacutetant mobiles dans lespace urbain

Par ailleurs le parcours reacutesidentiel semble constituer un eacuteleacutement qui structure

linscription spatiale des reacuteseaux sociaux Selon lanalyse de Lucie Freacutechette et al (2004) les

premiers temps veacutecus par de jeunes migrants qui viennent sinstaller en milieu urbain sont

caracteacuteriseacutes par de lisolement et un sentiment de solitude cest-agrave-dire un manque de relation agrave bull

lautre (Freacutechette et Desmarais et al 2004) Les laquoparcours dinteacutegration agrave la villeraquo sont selon

eux influenceacutes par le rapport agrave lespace que les jeunes migrants entretiennent et les acteurs en

preacutesence dans le milieu daccueil qui permettent une reconstruction du reacuteseau social Le

processus passe dabord par un rapport fonctionnel agrave lespace puis par des eacutevegravenements sociaux

et culturels comme le travail ou lentreacutee agrave luniversiteacute qui favorisent la formation de nouveaux

liens Il sera inteacuteressant de voir ce quil en est pour les jeunes adultes migrants qui habitent

seuls

54

Le rapport agrave lespace de proximiteacute le quartier

En ce qui concerne le rapport au quartier lenquecircte meneacutee par lY Authier a reacuteveacuteleacute que

le quartier ne repreacutesente pas un eacuteleacutement banal dans la vie quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de

personne vivant seule (Auhtier 2005) Ils entretiennent un rapport laquoouvert sur le

cosmopolitisme de la vie urbaineraquo avec leur quartier laquo [ ] ces individus sortent (le soir) dans

leur quartier (pour se rendre agrave des manifestations sportives pour aller au restaurant etc)

assistent dans leur quartier agrave des spectacles etou freacutequentent les bars dans leur quartier avec des

personnes autres que leurs voisins ou leurs prochesraquo (Authier 2005 215) Ce constat rejoint

celui dune autre enquecircte meneacutee par Xavier Leloup dans lespace communal dIxelles quartier

ancien central gentrifieacute de Bruxelles aupregraves de jeunes adultes dont une partie dentre eux

habitent seuls Par ailleurs il ressort aussi de cette eacutetude que le quartier constitue un espace

laquo transitoireraquo dont lattachement est plus laquoinstrumentalraquo quaffectif (Leloup 2005) Le

qualtier est principalement appreacutecieacute pour ce quil repreacutesente cest-agrave-dire son ambiance la

disponibiliteacute des lieux de sortie et laquo dexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite

et diversifieacutee En ce qui a trait aux pratiques de sociabiliteacute les jeunes adultes ont une sociabiliteacute

structureacutee sur un modegravele eacutelectif eacutemancipeacute de diffeacuterences relieacutees agrave lacircge agrave la culture ou agrave la

classe sociale ce qui rejoint lideacutee de la thegravese eacutemancipeacutee de Wellman et Leighton Il ressort

aussi que les relations de voisinage sont impersonnelles et que lon appreacutecie les relations qui

seffectuentlaquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces Enfin linteacuterecirct est

tregraves faible pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives locales comme

dans les reacutesultats de leacutetude de Charbonneau et Molgat (2005)

Bref si nous reacutecapitulons ce qui a eacuteteacute mentionneacute plus haut sur les jeunes en geacuteneacuteral et

les jeunes qui habitent seuls nous pouvons reacutesumer les constats suivants qui se trouvent agrave

linteacuterieur de la figure 31 de la page 52

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats la thegravese de la communauteacute eacutemancipeacutee semble se preacutesenter

comme le modegravele des relations sociales chez les jeunes solos bruxellois (Leloup 2005) Par

ailleurs le rapport agrave lespace de proximiteacute semble jouer un rocircle symbolique et de sociabiliteacute

publique dans leur vie quotidienne selon les enquecirctes meneacutees aupregraves des Franccedilais et des

55

Bruxellois (Authier 2005 Leloup 2005) Nous sommes ainsi demandeacutes ce quil en est agrave

Montreacuteal pour le cas des jeunes adultes qui habitent seuls dans les arrondissements dans les

secteurs ougrave les personnes qui habitent seules de mecircme que les jeunes sont fortement concentreacutes

soit le Plateau-Mont-Royal et Rosemont-Petite-Patrie

Conclusion du chapitre III

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo

Dans la prochaine partie nous dresserons les principaux traits de la moderniteacute avanceacutee

et de la conception du lien social qui lui est associeacutee Nous y situerons la croissance du nombre

des personnes qui habitent seules en milieu urbain Nous verrons que ce pheacutenomegravene nest pas

sans lien avec la monteacutee de lindividu dans la constitution des relations sociales et des nouvelles

maniegraveres de vivre Il sagira de dresser le portrait des grandes tendances du monde moderne afin

de comprendre et de bien situer celle qui fait lobjet de la preacutesente eacutetude la croissance du

nombre de personnes qui habitent seules en milieu urbain

56

Figure 32 -Reacutesumeacute des caracteacuteristiques des jeunes selon quils habitent seuls ou non

Thegraveme de comparaison

Caracteacuteristiques des jeunes Caracteacuteristiques des jeunes solos

Lieu de reacutesidence Fortement concentreacutes dans les viIIes pour les raisons suivantes Valorise le sens symbolique du quartier et de la vie urbaine

- S y installent pour les eacutetudes ou le travail

Les repreacutesentations de la ville en lieu avec leur trajectoire

Trois repreacutesentations de la viIIe en lien avec leur parcours reacutesidentiel et familial

1- Passage transitoire associeacute agrave un emploi ou des eacutetudes qui deacutebouche vers une migration vers la banlieue

2- Passage comme lieu daffirmation de soi et didentification en lien avec les projets et la diversiteacute mateacuterielle et culturelle offerte

3- Passage laquoobligeacuteraquo et essentiellement guideacute par le travail ou les projets professionnels

Le quartier central est un espace transitoire chez les jeunes solos bruxellois

Oui selon leacutetude de Xavier Leloup

Agrave voir

Le rapport agrave lespace Urbains

Locataires

Consomment des biens culturels et de communication Mobile dans lespace pour faire des sorties

Le quartier nest pas un eacuteleacutement banal chez les solos franccedilais en geacuteneacuteral (Authier)

Entretiennent un rapport ouvert sur le cosmopolitisme de la vie urbaine Profite des sorties et des espaces publics offerts (Leloup)

Voisinent peu (Leloup)

Inteacuterecircts pour les enjeux laquoglobaux raquo (Gaudet)

Peu dinteacuterecirct pour les enjeux locaux et lengagement dans les actions collectives (Leloup)

La sociabiliteacute - Reacuteseaux larges - Reacuteseaux eacuteclateacutes dans lespace

et moins deacutependant de lespace de proximiteacute

Les nouveaux migrants ont connu une peacuteriode disolement et de sentiment de solitude

Agrave voir et agrave examiner avec le fait de vivre seul

57

CHAPITRE IV - CONTEXTE GEacuteNEacuteRAL DU SUJET DE RECHERCHE

Habiter seul contexte historique caracteacuteristiques sociales et spatiales

Si les auteurs classiques ont souligneacute leacutemergence de lindividu comme trait de la

moderniteacute de leacutepoque industrielle cest aussi le cas dans le contexte de notre eacutepoque que

plusieurs auteurs contemporains qualifieront de moderniteacute avanceacutee (Beck 2001 Jenson et

Franccedilois de Singly 2005) La monteacutee de lindividu comme membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute

constitue lun des fondements de notre eacutepoque et sexprime agrave travers une diversiteacute de choix que

les individus peuvent faire aujourdhui dans leur vie sociale et faccedilons de vivre au quotidien

Dans le chapitre I nous avons vu que laffirmation individuelle tire son origine des grands

changements structurels eacuteconomiques qui ont fait naicirctre un nouveau mode de productiviteacute baseacute

sur le salariat la division des tacircches et une logique de compeacutetitiviteacute Bien que les auteurs

classiques aient anticipeacute le deacutemantegravelement des liens communautaires ceux-ci se sont plutocirct

reconfigureacutes au sein des villes queacutebeacutecoises en raison des conditions sociales eacuteconomiques et

culturelles de la socieacuteteacute queacutebeacutecoise de leacutepoque en nouvelles solidariteacutes et formes de sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute urbaine (Dandurand et Ouellette 1992 Fortin 1987) Le fait de

vivre seul dans les milieux nouvellement urbaniseacutes eacutetait peu reacutepandu en raison de la preacutecariteacute

des salaires Toutefois les conditions socio-eacuteconomiques et les cadres de la vie sociale ne sont

plus les mecircmes quautrefois Par exemple les femmes ont accegraves agrave lemploi et le mariage nest

plus obligatoire Ce contexte offre un plus large eacuteventail de sceacutenarios de vie possible agrave un plus

grand nombre dindividus Dans cette optique les choix sont moins contraints par les structures

sociales Agrave cet effet on assiste agrave une tendance socioculturelle que plusieurs auteurs appellent le

processus dindividuation (Beck 2001 Jenson et Franccedilois de Singly 2005) Cette tendance

socioculturelle sinscrit dans les grandes transformations sociales qui caracteacuterisent diverses

sphegraveres de la socieacuteteacute occidentale des trente derniegraveres anneacutees Les activiteacutes du secteur tertiaire

supeacuterieur sont en expansion et tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes

Aussi bien quils soient encore dominants la famille nucleacuteaire et le couple ne sont plus les seuls

modegraveles de reacutefeacuterence dorganisation de la vie priveacutee La laquoproximiteacuteraquo spatiale des reacuteseaux de

parenteacute ainsi que les quartiers dans lesquels ils eacutetaient inscrits agrave leacutepoque industrielle ont aussi

connu des changements au fil du temps La diversification des modes de vie et la redeacutefinition de

58

certains espaces urbains constituent des traits typiques de la moderniteacute qui explique la tendance

de plus en plus croissante agrave vivre seul et particuliegraverement dans les centres urbains des grandes

villes Certains des quartiers dans lesquels les meacutenages solos sont fortement concentreacutes ont

connu de nouvelles dynamiques en raison des restructurations eacuteconomiques mondiales et des

transformations des modes de peuplement urbain

Ce chapitre preacutecise le contexte geacuteneacuteral et lexplication de la croissance du nombre de

personnes qui habitent seules Il tente aussi dapporter un eacuteclairage sur les caracteacuteristiques des

solos et la dimension spatiale de cette propension agrave vivre seul Il sagira dabord de preacutesenter les

contours de la moderniteacute avanceacutee Ensuite il sera question du processus dindividualisation

comme explication de laugmentation de solos Puis nous examinerons ce que nous savons

jusquagrave preacutesent sur leurs caracteacuteristiques Enfin nous nous attarderons sur la dimension spatiale

et urbaine de cette tendance agrave vivre seul Agrave cet effet nous traiterons des changements des

structurations eacuteconomiques des cycles de vie et des nouvelles dynamiques en matiegravere de style

de vie dans les quartiers anciennement industriels De cette faccedilon nous preacuteciserons lobjectif de

ce meacutemoire afin de dresser la table des concepts qui seront deacutefinis au chapitre suivant

41 Contexte geacuteneacuteral de la vie en solo

Autrefois le fait de vivre seul avait un caractegravere marginal et fortement associeacute au statut

de ceacutelibataire et agrave une peacuteriode de transition dans la trajectoire de vie En effet il sagissait dun

mode de vie situeacute agrave leacutecart du modegravele dominant la famille (Dulac 1993 Kaufmann 1999)

Les personnes qui habitaient seules eacutetaient principalement des veuves des moines des

religieuses des artistes et des intellectuels ainsi que des populations marginales comme les

prisonniers errants les prostitueacutees et les laquo mendiantsraquo (Clark 2002 Kaufmann 1999 Delbes

et Gaymu 1990) Le fait dhabiter seul est deacutesormais diffeacuterent Bien que la norme conjugale et

familiale soit encore preacutesente dans notre socieacuteteacute elle a eacutevolueacute au fil du temps et sest

laquo deacutetraditionaliseacutee raquo en prenant des formes diffeacuterentes On ne considegravere plus le fait de demeurer

seul dans un logis comme eacutetant une laquo anomalie contre - natureraquo (Dulac 1993 Kaufmann

1994b Lavigne et Arbet 1992) En effet la vie en laquo soloraquo ne se restreint plus uniquement au

statut de ceacutelibataire laquo Elle [la vie solitaire moderne] devient une gamme de variantes plus ou

moins complexes autour de la vie de couple officielle officieuse ou secregraveteraquo (Lavigne et

59

Arbet 1992 9) Les faccedilons de percevoir ces modes de vie ont ainsi eacutevolueacute au fil du temps

(Dulac 1993 Kauffman 1994b Lavigne et Arbet 1992)

De plus le nombre des laquo solosraquo na cesseacute daugmenter dans les pays occidentaux et

particuliegraverement dans les grandes villes Au Canada leur proportion est passeacutee dun cinquiegraveme

au quart entre 1981 et 2001 (Statistique Canada 2002) Au Queacutebec ils repreacutesentent le tiers de

lensemble des meacutenages ce qui correspond agrave plus de 880 000 personnes en 2001 (Statistique

Canada 2002) Pour licircle de Montreacuteal leur proportion correspond agrave 38 de lensemble des

meacutenages (Ville de Montreacuteal 2002) Cette tendance exprime un des changements importants du

monde contemporain et se nourrit de plusieurs facteurs qui sinscrivent dans la mouvance de

leacutepoque dans laquelle nous sommes celle de la moderniteacute avanceacutee et du processus

dindividualisation des modes de vie

Les concepts de moderniteacute

On peut identifier trois grandes peacuteriodes historiques que lon peut associer agrave trois

moderniteacutes La premiegravere moderniteacute renvoie agrave legravere industrielle qui seacutetend de la fin du dix-

neuviegraveme siegravecle au milieu du vingtiegraveme siegravecle (Jenson et de Singly 2005) Bien que cette

peacuteriode ait eacuteteacute une veacuteritable reacutevolution dans le monde du travail et des rapports de classes

sociales elle a neacuteanmoins conserveacute des formes traditionnelles des valeurs des normes des

identiteacutes et des rocircles issus de la socieacuteteacute agraire (Fortin 1987 Jenson et De Singly 2005 Beck

2001) Comme nous lavons vu plus haut lindustrialisation a fait eacutemerger le salariat faisant de

lindividu un membre agrave part entiegravere de la socieacuteteacute Par ailleurs lemploi industriel offrait des

conditions salariales miseacuterables qui obligeaient certaines familles agrave cohabiter et agrave se doter de

mesure dentraide et de soutien (Charbonneau 2004 Dandurand et Ouellette 1992) Cest la

raison pour laquelle on ne peut pas dire que les modes de vie de cette eacutepoque eacutetaient

individualiseacutees autonomes les uns par rapport aux autres et deacutefinis selon les goucircts et les

aspirations de chacun Comme Charbonneau (2004) la souleveacute labsence de seacutecuriteacute sociale

placcedilait les solidariteacutes familiales agrave lavant-plan De plus lEacuteglise encourageait fortement les

familles agrave sentraider

60

Cette egravere fut suivie par la peacuteriode de la moderniteacute de lapregraves-guerre de 1950 agrave 1970-80

Cette eacutepoque fut dabord marqueacutee par la monteacutee de lEacutetat providence une prospeacuteriteacute

eacuteconomique un essor deacutemographique la socieacuteteacute de consommation et lexode de populations

vers les banlieues Au Queacutebec elle fut ensuite caracteacuteriseacutee au cours des anneacutees soixante et

soixante-dix par ce que plusieurs appellent la Reacutevolution tranquille

Au cours de cette peacuteriode la monteacutee de lEacutetat providence a constitueacute lune des

conditions sociales preacutealables qui expliquent aujourdhui pourquoi les individus ont acquis une

indeacutependance et une autonomie financiegravere dans la seconde moitieacute du XXe siegravecle et qui ont

contribueacute par le fait mecircme agrave nourrir le processus dindividualisation des modes de vie En effet

au cours de cette peacuteriode lEacutetat allouait diverses ressources dans plusieurs domaines dont la

santeacute et les services sociaux leacuteducation et la seacutecuriteacute du revenu afin dassurer une protection

aux citoyens contre les risques et les aleacuteas de la vie humaine (Charbonneau 2004 Martin

1993) LEacutetat prenait ainsi en charge certaines responsabiliteacutes qui eacutetaient assumeacutees par lEacuteglise

comme leacuteducation mais aussi des dimensions qui relevaient jadis des solidariteacutes familiales

comme le soin et lheacutebergement des personnes acircgeacutees le soutien aux megraveres monoparentales et

aux personnes aux prises avec des difficulteacutes eacuteconomiques (Charbonneau 2004 Martin 1993)

Plusieurs programmes furent instaureacutes comme le Reacutegime de retraite la mise en place de leacutecole

publique et des ceacutegeps les programmes de seacutecuriteacute du revenu les pensions alimentaires et

lAide sociale Ces mesures ont permis entre autres une indeacutependance agrave leacutegard de personnes

proches ayant des difficulteacutes eacuteconomiques et une deacutecohabitation intergeacuteneacuterationnelle De plus

leacutecole publique devint accessible et obligatoire jusquagrave 16 ans Les salaires plus avantageux

quautrefois ont rendu possible une autonomie financiegravere agrave un plus grand nombre de personnes

Les femmes ont fait leur entreacutee sur le marcheacute du travail et ont acquis plusieurs droits et statuts

qui leur eacutetaient jadis inaccessibles De telles conditions ne contraignaient plus les individus agrave

vivre obligatoirement avec plusieurs membres de sa famille pour assurer la survie et le bien-ecirctre

de chacun Dans ce contexte un plus grand nombre dindividus se sont retrouveacutes devant plus de

possibiliteacutes demploi et de maniegraveres de vivre

61

Les changements survenus au cours de cette peacuteriode ont mis en place les conditions

neacutecessaires pour mettre le projet individuel agrave lavant-plan et permettre aussi aux individus de

vivre seuls Le projet de vie individuel fut mis au premier rang et contribua agrave nourrir par le fait

mecircme la tendance agrave vivre seule Cette peacuteriode de lapregraves-guerre fut laquo fasteraquo et a pris un nouveau

tournant depuis les derniegraveres deacutecennies et plus preacuteciseacutement depuis la reacutecession eacuteconomique des

anneacutees 1980

La moderniteacute avanceacutee

Plusieurs auteurs ont reacutefleacutechi sur les transformations sur les plans eacuteconomiques

sociologiques deacutemographiques et des dynamiques des territoires urbains qui sopegraverent depuis

bientocirct une trentaine anneacutees et qui semblent caracteacuteriser le mieux le monde daujourdhui et de

demain (Castells 2001 Beck 2001 Giddens 1994 Lipovetsky 1983) Certains comme

Lipovetsky (1993) ont parleacute de socieacuteteacute postindustrielle et dautres de socieacuteteacute postmoderne ou

postfordisme Bien quil existe un deacutebat concernant le choix de ces termes ils marquent tous

une certaine rupture et une continuiteacute de la moderniteacute de la peacuteriode de lapregraves-guerre en 1950-

1970 Nous utiliserons le terme de moderniteacute avanceacutee au sens dAnthony Giddens (1994) et

dUlrich Beck (2001) pour qualifier cette eacutepoque dans laquelle nous nous inscrivons et ougrave il

eacutemerge des nouvelles maniegraveres de vivre individualiseacutees

Le processus dindividuation

La croissance du nombre de meacutenages composeacutes dune personne est entre autres

favoriseacutee par des tendances socioculturelles telles que lindividualisation des modes de vie et

des relations sociales de la socieacuteteacute de la moderniteacute avanceacutee (Ascher 1995 Dulac 1993

Kaufmann 1999 Leloup 2000 Saint-Laurent 1993) Ce processus traduit un modegravele culturel

qui met lindividu au centre comme maicirctre de ses choix de son identiteacute et de sa trajectoire

(Ascher 1995 Beck 2001 Giddens 1994 Jenson et de Singly 2005) Il sagit dune capaciteacute

de diffeacuterenciation des individus par rapport agrave dautres individus appartenant ou non agrave un mecircme

groupe social (Jenson et de Singly 2005)

62

Les auteurs contemporains comme Ulrich Beek Anthony Giddens Franccedilois de Singly

le deacutecrivent comme un deacutetachement des individus des modegraveles traditionnels des

laquo communauteacutesraquo heacuteriteacutees comme la famille le village et la religion (Beek 1998 De Singly

1998 Giddens 1994) Lindividualisation des modes de vie est selon Ulrich Beek le reflet

dune eacutemancipation des normes et des regravegles de conduite comme les rapports de genre

linfluence et le modegravele de la famille et des classes sociales et le rocircle de la religion de la socieacuteteacute

industrielle ou traditionnelle qui caracteacuterisent notre eacutepoque

[ ] lindividualisation signifie en premier lieu la deacutecomposition en second lieu labandon des modes de vie de la socieacuteteacute industrielle (classe strate rocircle sexueacute famille) pour ceux sur la base desquels les individus construisent articulent et mettent en scegravene leur propre trajectoire personnelle La biographie normaliseacutee devient une biographie choisie une biographie bricoleacutee (Ronald Hitzer)6 (Beek 1998 21)

Ainsi le processus dindividuation renvoie agrave lindividualisation qui porte en elle lideacutee selon

laquelle les modes de vie ne sont plus essentiellement appreacutehendeacutes en fonction des cateacutegories de

la socieacuteteacute industrielle dont les individus seraient les porteurs comme la classe sociale lacircge le

cycle de vie mais aussi agrave partir de ce quUlrich Beek appelle la capaciteacute laquo dautoreacuteflexion raquo des

individus (Beek 1998 Bernier 1998 Giddens 1994 De Singly 1998) Cest-agrave-dire que le

projet individuel est deacutesormais agrave lavant-plan et il est moins contraint quautrefois par la

structure sociale de la socieacuteteacute industrielle et rurale Les modes de vie sont ainsi personnaliseacutes et

donc individualiseacutes

Dans ce contexte ougrave lindividu est mIS agrave lavant-plan les cycles de vie et plus

preacuteciseacutement le passage agrave lacircge adulte sont modifieacutes (Gauthier 1997 Gauthier 2003 Vultur

2001) Les trajectoires de vie ne sont plus neacutecessairement synchroniseacutees avec des temps et des

eacutevegravenements de la vie (Gaudet 2003) Elles ne suivent pas neacutecessairement un mouvement

lineacuteaire preacutedeacutetermineacute et typique des geacuteneacuterations ougrave lon quitte le foyer familial pour la vie on

entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on donne

naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue (Maunaye 2004 Roulleau-Berger

2001) Une personne peut ecirctre ceacutelibataire puis sinstaller seule dans un logement tout en ayant

63

un conjoint deacutecider dhabiter en couple dans un autre logement retourner habiter seule

poursuivre des eacutetudes dans une autre ville se remettre en couple et fonder une famille divorcer

et enfin former une famille monoparentale etc Le cycle de vie et lentreacutee dans la vie adulte

peuvent suivre un mouvement non lineacuteaire et fragmenteacute par des seacutequences et des eacutevegravenements

inattendus comparativement aux socieacuteteacutes traditionnelles (Beck u 2001 Gaudet 2003

Giddens A 1994 Duff J et Cadotte F 1992 Gauthier M 2003)

La modification des cycles de vie relegraveve du processus dindividuation et contribue agrave

diversifier les maniegraveres de vivre Ce processus se reacutealise sur la base dun choix dun deacutesir

daffirmer ses goucircts et la recherche dun sentiment de reacutealisation de soi agrave partir de ce quil met

en place autour de lui (Beck 1998 Charbonneau 1998 Gaudet 2003 Remy et Voyeacute 1992)

Diffeacuterents choix et sceacutenarios de vie sont aujourdhui possibles gracircce aux grands changements

eacuteconomiques institutionnels et matrimoniaux qui se sont opeacutereacutes au fil du temps et qui sont

typiques de notre eacutepoque

Les changements structurels et eacuteconomiques qui ont eu lieu au cours des derniegraveres

deacutecennies ont contribueacute agrave redeacutefinir les conditions eacuteconomiques geacuteneacuterales les nouvelles

exigences du monde du travail et par conseacutequent les cycles et les modes de vie (Gaudet 2003

Molgat 2000 Molgat et Lebanc 2004 Saint-Pierre 2001 Sassen 2001 Roulleau-Berger

2001) En effet la tertiarisation de leacuteconomie et les conditions quelle impose placent lindividu

dans une situation de risque sur le plan de lemploi de la preacutecariteacute financiegravere et de linstabiliteacute

professionnelle et affectent les plus jeunes geacuteneacuterations dacircge adulte Les modaliteacutes de cette

conjoncture et la redeacutefinition de la structure eacuteconomique ne sont pas sans conseacutequence sur les

conditions demploi les perspectives mais eacutegalement sur le passage agrave la vie adulte pour les plus

jeunes geacuteneacuterations (Molgat 2000 Sassen 2001 Gauthier 2001 Gauthier 2003 Gaudet 2003

Saint-Pierre 2001) Cela contribue au prolongement de la scolariteacute des jeunes et agrave lentreacutee dans

la vie adulte Linsertion en emploi professionnel peut deacutebuter au deacutebut de la trentaine et ecirctre

preacuteceacutedeacutee de plusieurs eacutetapes et expeacuteriences preacutealables comme des petits contrats de courte

dureacutee des emplois agrave temps partiel des laquo stages raquo des formations et est parfois entrecoupeacutee de

peacuteriodes de chocircmage de retour aux eacutetudes de voyages de loisirs etc (Gauthier 2003) Mecircme

si les jeunes sont de plus en plus scolariseacutes le diplocircme universitaire ne constitue pas

64

25

20 CI) CI lCI E 15 -+-20 agrave 24 anslt0c u CI) C 10 _25agrave44ans gtC l lCI f- ---45 agrave 64 ans 5

0

neacutecessairement un gage de reacuteussite pour une insertion professionnelle durable et laquo socialement

accepteacuteeraquo (Molgat et St-Laurent 2004 Saint-Pierre 2001 Gauthier 2003) Dailleurs comme

lindique la figure 41 mecircme sil semble se stabiliser et diminuer depuis les dix derniegraveres

anneacutees le taux de chocircmage reste plus eacuteleveacute chez le groupe des 20 agrave 24 ans au Queacutebec

(Roulleau-Berger et Gauthier (dir) 2001 Gauthier 2001) Ces donneacutees sexpliquent par la

speacutecificiteacute du marcheacute de lemploi de la nature temporaire des emplois occupeacutes et de leur

combinaison avec des eacutetudes postsecondaires

Figure 41- Taux de chocircmage selon le groupe dacircge entre 1976 et 2005 au Queacutebec

~ro ~CO fOtJ fOf) fOb- fOro fOco RltJ Rlf) ~ Rlro Rlco ~tJ ~f) ~b-Cb Cb Qj Qj Qj Qj Qj Cl) Cl) Cl) Cl) Cl) ~ ~ ~

Anneacutee

Source Statistique Canada donneacutees diffuseacutees en ligne par lObservatoire Jeunesse et Socieacuteteacute INRS-UCS httpwwwobsjeunesqcca

Ainsi comme lexplique Steacutephanie Gaudet (2003) ces changements dans le marcheacute de

lemploi ont pour conseacutequence de modifier les cycles de vie et particuliegraverement lentreacutee dans

lacircge adulte

laquo En effet plusieurs jeunes travaillent agrave temps plein pendant leurs eacutetudes universitaires ou occupent des emplois agrave temps plein par cumul de contrats ou de petits boulots entre la fin des eacutetudes et le premier travail qualifiant (cest-agrave-dire le premier travail ougrave lemployeur reconnaicirct la formation et les compeacutetences de lemployeacute) Autrement dit la preacutecariteacute de lemploi et la coexistence du travail en cours de formation rendent floue la borne dentreacutee dans lacircge adulte dans le calendrier professionnel (Gaudet 2003 22)gtgt

65

Dun autre cocircteacute larriveacute des enfants le mariage et la mise en couple ne se preacutesentent

plus comme des obligations culturelles et institutionnelles mais sinscrivent plutocirct dans le

registre des deacutesirs des aspirations des projets et surtout dun choix deacutelibeacutereacute (Picheacute et Le

Bourdais 2003) Le mariage ou la mise en couple sont aussi reporteacutes et sont plus fragiles Les

femmes sont plus indeacutependantes sur le plan eacuteconomique De surcroicirct on valorise de plus en plus

la liberteacute et lautonomie On constate aussi que la deacutecohabitation familiale est de plus en plus

reporteacutee et seffectue parfois en plusieurs seacutequences (leffet boomerang) (Gaudet 2003) Dans

ce contexte il nest pas eacutetonnant de constater des trajectoires de moins en moins lineacuteaires et une

diversification des meacutenages et des formes familiales Dailleurs le couple prend des formes

moins traditionnelles chez les jeunes adultes La mise en meacutenage conjugale nest plus privileacutegieacutee

chez les jeunes canadiens acircgeacutes entre 20 et 29 ans (Gaudet 2003 Milan et Peter 2003)

Lensemble de ces eacuteleacutements requiert une adaptabiliteacute des individus influence les cycles

et les modes de vie et contribue par le fait mecircme agrave nourrir la tendance agrave vivre seul et ce chez

diffeacuterentes cateacutegories de personnes et dacircge (Clark 2002 Dulac 1993 Delbes et Gaymu 1990

Galland 1993 Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999 et Kaufmann 1994a)

Toutefois le fait de vivre seul ne se restreint plus neacutecessairement au statut de ceacutelibataire

Il renvoie agrave de nouvelles cateacutegories de personnes telles que les personnes ayant toujours veacutecu

seules depuis le deacutepart de chez leurs parents ainsi que les personnes qui habitent seules agrave la

suite dune rupture dunion (Charbonneau et Germain 2003) Bien quelles soient nombreuses

les personnes qui habitent seules ne sont pas toutes ceacutelibataires En effet on constate de plus en

plus de couples qui ne cohabitent pas Ces personnes repreacutesentent un Canadien sur douze (Milan

et Peter 2003) Selon Milan et Peter (2003) ce type de relation est plus freacutequent chez les jeunes

adultes On compte plus de la moitieacute (56 ) des Canadiens en couple non cohabitant acircgeacutes entre

20 et 29 ans et 20 entre 30 et 39 ans (Milan et Peter 2003)

Bref la tendance agrave vivre seul sinscrit ainsi dans les changements qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee La vie en solo en milieu urbain nest pas un pheacutenomegravene nouveau mais il est

plus accentueacute il prend de plus en plus de lampleur dans les grandes villes depuis les 20

derniegraveres anneacutees et correspond deacutesormais agrave diffeacuterentes cateacutegories de personnes appartenant agrave des

66

tranches dacircge diffeacuterentes de mecircme quagrave une diversiteacute de raisons et de circonstances qui peuvent

mener agrave cette situation

Les maniegraveres de vivre seul

Agrave la lumiegravere des facteurs deacutegageacutes agrave la partie 21 qui peuvent expliquer pourquoi les

personnes qui habitent seules sont de plus en plus nombreuses il importe de preacuteciser que

certains choisissent ce mode de vie tandis que dautres le subissent en raison de diffeacuterentes

circonstances inattendues de la vie comme une rupture conjugale (Dulac 1993 Kaufmann

1994a Saint-Laurent 1993 Martin 1993) Le fait de choisir et de subir ce mode de vie nous

renvoie aux perceptions subjectives des personnes concerneacutees

La vie en solo ne se reacuteduit pas neacutecessairement agrave une situation disolement social de

solitude et de ceacutelibat Comme le mentionnent Charbonneau et Germain (2003) il existe une

double confusion terminologique pour traiter du fait de vivre seul Les solos sont souvent

associeacutes agrave une situation disolement social ou au statut de ceacutelibataire En effet les termes

laquo isoleacute raquo laquosolitude raquo laquomonoreacutesidentialiteacuteraquo et laquoceacutelibatairesraquo ou laquoneacuteo-ceacutelibataires raquo sont

souvent pris comme synonymes pour deacutesigner ces personnes et pourtant ce nest pas toujours le

cas (Galland 1993 Kaufmann 1994a et b)5 On peut penser aux couples qui vivent chacun chez

soi ou aux ceacutelibataires qui cohabitent agrave plusieurs De plus les termes laquoisolement raquo

laquo solitude raquo laquosolitatraquo ou laquo les habiter solitairesraquo (Lavigne et Arbet 1992) employeacutes dans

certaines enquecirctes (Doucet 2005 Leloup 2000) renvoient agrave une connotation neacutegative de la vie

en solo puisquils eacutevoquent une certaine pauvreteacute en matiegravere de lien social et deacutetresse eacutemotive

(Charbonneau et Germain 2003 Germain et al 2005b) Cest entre autres pour eacuteclaircir et

comprendre les modes de relations sociales des meacutenages solos que Johanne Charbonneau

Annick Germain et Marc Molgat ont lanceacute une enquecircte aupregraves dune cinquantaine de personnes

vivant seules depuis au moins deux ans et acircgeacutees de moins de 65 ans Dans ce qui suit nous

examinerons ce que les derniegraveres eacutetudes reacutevegravelent sur ce sujet

5 Par exemple Leloup Delbes et Gaymu utilisent les termes laquo isoleacutesraquo et laquo isolement reacutesidentiels raquo

67

Ceux qui subissent

Le fait de ne pas choisir dhabiter seul peut correspondre entre autres agrave des jeunes qui

quittent le foyer familial pour travailler ou eacutetudier dans une autre ville ougrave ils ne connaissent pas

de personnes avec qui ils pourraient habiter ou cohabiter agrave des personnes aux prises avec des

difficulteacutes socio-eacuteconomiques et agrave certaines personnes reacutecemment seacutepareacutees ou divorceacutees qui

vivent difficilement et douloureusement leur nouvelle situation (Dulac 1993 Martin 1993

Saint-Laurent 1993) Dans certains cas cette situation neacutetait pas souhaiteacutee et envisageacutee de

faccedilon laquopositive raquo Cest plutocirct une situation qui sest imposeacutee agrave une peacuteriode de leur vie et qui

requiert une certaine adaptabiliteacute Celle-ci est envisageacutee comme eacutetant un moment de transition et

temporaire dans leur vie Certaines personnes tenteront de retrouver une situation conforme aux

valeurs traditionnelles de la vie de couple et de famille et dautres sadapteront au fil du temps et

appreacutecieront cette nouvelle situation (Kaufmann 1999 Saint-Laurent 1993) Selon Louise

Saint-Laurent (1993) certains laquo neacuteo-ceacutelibatairesraquo perccediloivent leur liberteacute de faccedilon neacutegative

puisquils ne savent pas comment lexercer (Saint-Laurent 1993 156) Leurs liens sociaux sont

souvent limiteacutes agrave la famille et particuliegraverement chez les couches populaires (Kaufmann 1994a

Martin 1993 Saint-Laurent 1993) Bien que certaines personnes de cette cateacutegorie sociale

rencontrent plus souvent leur famille le nombre eacuteleveacute de freacutequentations ou de contacts ne

semble pas compenser le sentiment de solitude Cela sexplique par le caractegravere laquo subiraquo du

mode de vie et des circonstances de la vie qui se sont imposeacutees Toutefois cette perception de la

vie en solo peut eacutevoluer au fil du temps et se transformer de faccedilon positive

Ceux qui choisissent Le fait de choisir dhabiter seul peut correspondre agrave des personnes qui envisagent leur

mode de vie comme eacutetant une expeacuterience positive ougrave elles valorisent leur autonomie et leur

indeacutependance et qui permet deacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo (Dulac 1993 Saint-Laurent

1993) Louise Saint-Laurent lappelle la laquosolitude fantasme raquo laquoLideacutee demmeacutenager seul dans

un logement et de pouvoir le deacutecorer selon ses goucircts personnels est stimulante on est convaincu

de rompre avec le passeacute les souvenirs et on essaie de repartir agrave neufraquo (Saint-Laurent 1993

157) Habiter seul est aussi consideacutereacute comme un art de vivre et une expeacuterience gratifiante avec

son inteacuterioriteacute (Saint-Laurent 1993 Kaufmann 1999) Les personnes qui perccediloivent leur

situation de cette faccedilon ont tendance agrave avoir une vie sociale riche et diversifieacutee Cest le cas de

certaines personnes seacutepareacutees ou divorceacutees dhommes et de femmes ceacutelibataires mais surtout de

68

jeunes adultes (Dulac 1993 Kaufmann 1994a Leloup 2000 Galland 1993 Saint-Laurent

1993) Cette image des individus vivant seuls eacutemancipeacutes et eacutepanouis est de plus en plus diffuseacutee

dans les meacutedias On les repreacutesente souvent par les figures de la jeune femme ou du jeune homme

carrieacuteriste et ceacutelibataire en pleine possession de ses moyens et de son image Leacutetude de

Kaufmann (1994b) et de celle de Germain Dulac (1993) ont releveacute entre autres ce type de

figure Par ailleurs plusieurs travaux ont mis lemphase sur des cateacutegories particuliegraveres comme

les personnes agrave faible revenu les cas disolement et dautres cateacutegories speacutecifiques comme les

jeunes adultes

42 Caracteacuteristiques des solos

Cette propension agrave habiter seul est une tendance lourde qui a deacutebuteacute dans les pays du

Nord et qui tend agrave se reacutepandre de plus en plus dans les pays du Sud (Kaufmann 1994a

Kaufmann 1999) Sur licircle de Montreacuteal le nombre de ces personnes est passeacute de 34 en 1991

agrave 38 en 2001 (Statistique Canada recensement 2001) Mais qui sont les laquo solos raquo Certains

auteurs comme Jean-Claude Kaufmann ont deacutegageacute certaines caracteacuteristiques communes agrave

partir dun examen des structures de leurs budgets Ses recherches nous indiquent quils sont

laquourbains raquo locataires dappartements spacieux et faiblement eacutequipeacutes quils communiquent

beaucoup et quils sont peu replieacutes sur lespace domestique (Kaufmann 1994a Kaufmann

1994b) Ils auraient moins de proches que les couples mais beaucoup plus de liens en geacuteneacuteral et

particuliegraverement pour le groupe des jeunes adultes (Kaufmann 1994a Galland 1993 Leloup

2000) Certaines recherches reacutevegravelent aussi quils sont moins impliqueacutes dans les activiteacutes

beacuteneacutevoles et les relations de voisinage (Heacuteran 1987 dans et al 2005b)

Dans ce qui suit nous examinerons dabord les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques et

reacutesidentielles en portant une attention particuliegravere agrave la situation des solos agrave Montreacuteal Ensuite

nous nous attarderons agrave la dimension spatiale de cette tendance et agrave la cateacutegorie des jeunes

adultes

69

Caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-eacuteconomiques

Le vieillissement de la population fournit une partie de la composition des personnes qui

habitent seules et de lexplication de cette tendance En effet de plus en plus de personnes acircgeacutees

de 65 ans et plus habitent seules Pour lanneacutee 200 1 la moitieacute de ce groupe dacircge 51

demeurait seul (Statistique Canada 2002 7) Toutefois lacceacuteleacuteration de la vie reacutesidentielle

seule concerne aussi dautres cateacutegories dacircge et de trajectoires comme les jeunes acircgeacutes de 20 agrave

34 ans les personnes dacircge adulte ayant toujours veacutecu seul les personnes divorceacutees ou seacutepareacutees

ainsi que les couples vivant chacun chez soi (Clark 2002 Delbes et Gaymu 1990 Galland

1993 Kaufmann 1994 Leloup 2000 Milan et Peter 2003)1 Dailleurs le nombre des

personnes acircgeacutees de 25 agrave 44 ans qui habitent seules fut estimeacute pour lanneacutee 2001 selon

Statistique Canada agrave pregraves dun million au Canada (Clark 2002 4)6 Selon Kaufmann la

croissance du nombre de personnes qui habitent seules en Europe sinscrit dans un scheacutema

deacutevolution qui suit trois seacutequences

[ ] dans une premiegravere peacuteriode la croissance du nombre de meacutenages dune personne se concentre sur les personnes acircgeacutees puis la progression aux acircges eacuteleveacutes sarrecircte et est relayeacutee par le deacuteveloppement brusque de ce type de meacutenages agrave 25-35 ans accompagneacute dun deacuteveloppement plus modeacutereacute aux acircges intermeacutediaires (Kaufmann 1993a dans Kaufmann 1994b)

Ainsi ce mouvement ne se reacuteduit pas seulement aux couches les plus acircgeacutees La figure 42 de la

page suivante permet de voir que pour la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) de

Montreacuteal on comptait en 2001 2049 des personnes qui habitent seules acircgeacutees entre 20 et 34

ans 2562 et 2340 dadultes dacircge moyen et vieillissant (35 agrave 65 ans) (Statistique Canada

donneacutees extraites du recensement 2001)

6 Dans le cadre de notre enquecircte nous nous inteacuteresserons principalement agrave la population des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

70

Figure 42 - Reacutepartition des meacutenages solos selon le groupe dacircge dans la RMR de Montreacuteal 2001

65+

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistiaue Canada 2001

Dans la reacutegion meacutetropolitaine de recensement (RMR) on compte presque autant de

femmes que dhommes avec des proportions de 49 et de 51 respectivement La grande

majoriteacute dentre eux ont le statut leacutegal de ceacutelibataire (63 ) et pregraves du quart sont divorceacutes soit

24 On compte peu dimmigrants 17 par rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal qui

est de 28 Comme la moyenne montreacutealaise la plupart des solos inscrits dans la RMR ont un

emploi (69 ) mais pregraves du quart sont inactifs (24 ) De plus ces personnes nappartiennent

pas aux tranches de revenu les plus eacuteleveacutees En effet on compte 39 des solos qui ont des

revenus qui se situent entre 20 000 $ et 40 000 $ et plus du tiers (38 ) sont sous le seuil de

pauvreteacute (Statistique Canada donneacutees extraites du recensement 2001) Le tableau 41 de la page

suivante reacutesume les caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques des personnes qui habitent seules agrave

Montreacuteal

71

Tableau 41 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques

de la population

Sexe Femme Homme

Acircge

20-34 ans 35- 50 ans 51-65 ans

Statut Familial

Divorceacute Leacutegalement marieacute Seacutepareacute et leacutegalement marieacute Ceacutelibataire Veuf ou veuve

Immigrants

Freacutequentation scolaire Ne freacutequente pas leacutecole Eacutetudiant temps plein Eacutetudiant temps partiel

Travail Temps plein Temps partiel Sans revenu demploi

Revenu demploi Moins de 10 000$ De 10 000$ agrave 20 000$ De 20 000$ agrave 30 000$ De 30 000$ agrave 40 000$ De 40 000$ agrave 50 000$ De 50 000$ agrave 75 000$ De 75 000$ et plus

sous le seuil de la pauvreteacute

Meacutenages composeacutes dune personne

38

49 51

29 36 35

24 1 7

63 5

17

87 6 7

86 14 30

16 16 21 18 12 13 4

38

Total (RMR de Montreacuteal)

100

51 49

33 40 28

12 43 3

41 2

22

86 8 6

84 16 26

18 19 19 16 11 12 5

20

Source Fichier de Microdonneacutees agrave grande diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

72

Caracteacuteristiques relieacutees au logement et agrave la mobiliteacute

Pour ce qui est du logement les deux tiers dentre eux (62 ) habitent dans des

logements de 4 agrave 6 piegraveces et 31 de moins de 3 piegraveces La grande majoriteacute dentre eux sont

locataires (76 ) Par ailleurs une eacutetude meneacutee par Damaris Rose sur les nouveaux visages de

la proprieacuteteacute reacutevegravele que 40 des proprieacutetaires de condos situeacutes dans les quartiers centraux de

Montreacuteal sont des personnes qui habitent seules (Rose 2004)

Comme le tableau 42 de la page suivante plus des deux tiers des solos (62 ) attribuent

entre 501 $ agrave 750 $ par mois pour leur loyer et lautre tiers (31 ) accorde entre 751 $ et 1000 $

Ds sont relativement plus mobiles que les personnes inscrites dans les meacutenages familiaux

(Germain et al 2005b) Pregraves du quart (22 ) ont deacutemeacutenageacute dans lanneacutee qui a preacuteceacutedeacute le

recensement et pregraves des deux tiers (62 ) depuis les cinq derniegraveres anneacutees Enfin ils sont plus

nombreux agrave effectuer des distances de navettage plus courtes entre leur lieu de travail et leur lieu

de reacutesidence comparativement aux personnes appartenant agrave des meacutenages familiaux Cela

sexplique par leur forte concentration dans les quartiers centraux

73

Tableau 42 Caracteacuteristiques des personnes appartenant aux meacutenages composeacutes dune

personne acircgeacutee de 65 ans et moins dans la Reacutegion Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal pour lanneacutee 2001

Caracteacuteristiques Meacutenages composeacutes dune Total personne (RMR de Montreacuteal)

de la population 38 100

Mode doccupation Locataire 76 42 Proprieacutetaire 24 58

Condominium 7 4

Nombre de piegraveces dans le logement 3 et moins 31 7 4agrave6 62 55 Plus de 7 7 38

Loyer mensuel des locataires Moins de 500$ 2 4 De 501 $ agrave 750$ 62 37 De 751$ agrave 1000$ 31 48 1000$ et plus 6 10

Mobiliteacute reacutesidentielle 1 an 22 16 5 ans 62 48

Source Fichier de Microdonneacutees agrave Grande Diffusion (FMGD) Statistique Canada 2001

74

1

43 La dimension spatiale et urbaine de la tendance agrave vivre seul

Les personnes qui habitent seules sont non seulement de plus en plus nombreuses mais

elles sont aussi concentreacutees dans lespace et particuliegraverement dans les quartiers situeacutes pregraves des

centres-villes En effet il sagit dun pheacutenomegravene typiquement urbain Les grandes villes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent respectivement des taux de 6049

506 et 4797 Pour la ville de Montreacuteal larrondissement du Plateau-Mont-Royal

comprend une proportion de 53 de logements occupeacutes par une personne dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ils repreacutesentent 47 pour lanneacutee 2001 (Ville de

Montreacuteal 2004)8 Il sagit des arrondissements qui deacutetiennent apregraves celui de Ville-Marie les

plus grandes proportions de ce type de meacutenage La figure 43 de la page suivante illustre bien

cette concentration

Dailleurs cela explique entre autres pourquoi le nombre de meacutenages (de logements) priveacutes augmente plus rapidement que la croissance de la population particuliegraverement dans les reacutegions meacutetropolitaines (Statistique Canada 2002 et Langlois S 2003) La diminution de la taille des meacutenages priveacutes explique pourquoi le nombre de meacutenages augmente mais aussi la demande de logement Au Queacutebec la population a cru de 41 depuis les trente derniegraveres anneacutees tandis que le nombre de meacutenages a augmenteacute de ISO (Langlois 2003 154) 8 Les arrondissements comptant le plus de meacutenages composeacutes dune personne sont dans lordre Ville- Marie (549 ) Plateau-Mont-Royal (526 ) Rosemont-Petite-Patrie (472) suivi de larrondissement Sud-Ouest (413 ) Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (408 ) Cocircte-des-neiges-NDG (405 ) et Ahuntsic-Cartierville (401 ) (Ville de Montreacuteal 2004)

75

Figure 43 Meacutenages dune personne dans la Reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal 2001

Proportion des meacutenages dune personne pourcentage du total

bull plus de 50 (181) bull de 40 agrave 50 (365) bull de 30 agrave 40 (338)Il de 20 agrave 30 (330)

moins de 20 (520)

_ pes de donnagravees

Source Donneacutees extraites du Recensement de 2001 Statistique Canada

76

Les secteurs situeacutes en peacuteripheacuterie du centre comportent des proportions mOInS

importantes mais tout de mecircme non neacutegligeables puisquil sagit de secteurs caracteacuteriseacutes par un

grand nombre de maisons unifamiliales et de populations aiseacutees sur le territoire Pour la partie

plus agrave louest de licircle ils repreacutesentent 15 20 pour Brossard 24 pour la banlieue de Laval

et 19 et 12 pour Terrebonne Blainville9

Bien quil existe des personnes qui habitent seules au sein dagglomeacuterations de tailles

diffeacuterentes la litteacuterature nous indique que ces personnes tendent agrave demeurer dans les grandes

villes surtout dans les quartiers situeacutes agrave proximiteacute des centres-villes (Rose 2004 Duff et

Cadotte 1992 Kaufmann 1994a Kaufmann 1994b Kaufmann 1999 Lavigne et Arbet 1992

Leloup 2005 Saint-Laurent 1993)

Les quartiers centraux permettent un mode de vie axeacute sur la proximiteacute de servIces

Depuis les 30 derniegraveres anneacutees certains de ces anciens quartiers ouvriers offrent des nouveaux

espaces axeacutes sur la consommation et leacutenergie dune centraliteacute urbaine (Zukin 1998) laquo Cities

are no longer seen as landscapes of production but as landscapes of consumption raquo

Comme nous lavons vu dans la partie preacuteceacutedente les quartiers anciens de Montreacuteal

situeacutes pregraves des lieux industriels eacutetaient jadis investis par des familles ouvriegraveres Or les quartiers

centraux des grandes villes ont traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de peuplement

relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain de la ville Ces vagues de peuplement ont

contribueacute agrave redeacutefinir leur dynamique reacutesidentielle culturelle et commerciale de mecircme que leur

repreacutesentation symbolique Les quartiers centraux sont de plus en plus investis par une

population jeune et professionnelle qualifieacutee dans la litteacuterature ameacutericaine de laquoyuppies raquo pour

young urban professional (Leloup 2005 Dansereau 1985 Zukin 1998) laquo They were also

blamed for raising rent and restaurant priees since landlords and restaurant owners tended with

their patronage to priee accordingly Thus although mobility into this new workforce was

limited by far fewer barriers of social class ethnie origin race and gender than before Yuppies

9 Le tableau en ANNEXE 1 preacutesente les proportions du nombre de ces meacutenages dans les arrondissements de licircle et dans les municipaliteacutes environnantes

77

as a consumption group were blamed for displacing older poorer urban residents raquo (Zukin

1998 831)

Pour Montreacuteal le cas du Plateau Mont-Royal est lexemple par excellence En effet

depuis les derniegraveres anneacutees le Plateau Mont-Royal projette une image forte dans lesprit des

Montreacutealais et des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien maintenant laquo en vogue raquo

investi principalement par des jeunes des professionnels des artistes ou des bohegravemes

intellectuels et caracteacuteriseacutes par une ambiance laquo brancheacutee raquo Cette image sest surimposeacutee au fil

du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste typique des quartiers moins fortuneacutes et

caracteacuteriseacutes par la pauvreteacute

44 Redeacutefinition du lien social dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee

Les quartiers centraux et la gentrification transformation du lien social

Les changements qui ont redeacutefini le Plateau Mont-Royal que lon connaicirct actuellement

mais aussi dautres quartiers centraux de grandes villes ne sont pas sans liens avec les processus

de peuplement urbain et les dynamiques qui laccompagnent connus sous le terme de

gentrification Ces processus geacutenegraverent de nouveaux rapports agrave lespace urbain public et de

nouvelles habitudes de consommation chez des citadins de provenance diffeacuterente (Zukin 1998)

La notion de gentrification a dabord servi agrave deacutecrire le mouvement de migration des

couches moyennes dans les quartiers anciens de Londres (Glass 1964 dans Bidou 2002) Puis

elle fut comprise comme un processus plus complexe et impliquant dautres sphegraveres Il sagit

dun processus de peuplement urbain qui relegraveve en partie des restructurations eacuteconomiques

mondiales et des transformations sociologiques des formes familiales et des modes de vie

(Bidou 2002) En effet les villes sont deacutesormais ameneacutees agrave jouer un nouveau rocircle dans

leacuteconomie mondiale en raison de la deacutecentralisation des pouvoirs de lappareil eacutetatique (Sassen

1994 et 2001 Giddens 1994) Les activiteacutes du secteur tertiaire supeacuterieur sont en expansion et

tendent de plus en plus agrave se concentrer dans les grandes villes Dans ce contexte les profils

socio-professionnels les modes de vie des populations et les dynamiques socioreacutesidentielles des

quartiers centraux ont eux aussi subi quelques changements et contribueacute par le fait mecircme agrave

faccedilonner la laquo renaissance des centres urbains anciens raquo Les gentrificateurs servent cette

78

eacuteconomie et sont inviteacutes agrave investir ces espaces en requalification et agrave les redeacutefinir (Bidou 2002

Zukin 1998) laquo Gentrifiers generally worked as teachers lawyers artists writers creative staff

in advertising firms or retail stores and government or corporate managers Many of them were

interested in good food and the arts- the types of cultural consumption that grew so rapidly with

gentrification raquo (Zukin 1998 831) Par ailleurs comme Dansereau (1985) le mentionne les

laquo premiersraquo gentrificateurs attireacutes par ces quartiers ne sont pas neacutecessairement un groupe

homogegravene appartenant aux couches les plus aiseacutees Ils appartiennent agrave la classe moyenne et aux

professions intellectuelles et artistiques Une partie dentre eux appartiennent au groupe dacircge

des jeunes et forment des meacutenages non conventionnels dont les personnes qui habitent seules

(Leloup 2005 Dansereau 1985)

Moderniteacute quartiers centraux et lien social

La tendance agrave vivre seul et la redeacutefinition de la dynamique des quartiers dans le contexte

actuel de la moderniteacute avanceacutee suscitent des questions en ce qui a trait agrave la transformation du

lien social dans ce type de quartier et plus preacuteciseacutement en ce qui a trait aux solos qui y

demeurent Comme nous lavons vu plus haut ces quartiers eacutetaient autrefois habiteacutes par des

reacuteseaux familiaux ouvriers laquo tisseacutesraquo serreacutes dans 1espace Deacutesormais ils sont de plus en plus

occupeacutes par des jeunes adultes et des personnes qui habitent seuls (Leloup 2005 Dansereau

1985) Entre 1971 et 2001 la proportion de jeunes adultes est passeacutee de 15 agrave 27

Parallegravelement les meacutenages composeacutes dune personne ont aussi connu une augmentation

importante de 28 agrave 53 pour les mecircmes anneacutees

La tendance agrave vivre seul engage non seulement une reacuteflexion sur les enjeux

deacutemographiques relieacutes agrave la feacuteconditeacute agrave lengagement conjugal et agrave la planification urbaine en

matiegravere de peacutenurie et daccegraves au logement mais elle suscite eacutegalement des questions en ce qui a

trait au lien social en milieu urbain et agrave lisolement que lon attribue souvent agrave ce mode vie Agrave

cet effet on peut dabord sinterroger sur la transformation du lien social en milieu urbain dans

le contexte de la moderniteacute avanceacutee

79

Relations sociales individualiseacutees de la notion de communauteacute aux reacuteseaux sociaux

Bien que les changements structurels et culturels de mecircme que le processus

dindividuation des modes de vie favorisent un centrage sur lindividu dans les cycles de vie et

les diverses sphegraveres de la vie quotidienne relieacutees au travail ou aux modes de vie et de

consommation ils nimpliquent pas pour autant un rejet de toute forme de vie collective Le

processus dindividuation ne doit pas ecirctre confondu agrave de leacutegoiumlsme ou de lindividualisme au

sens de Lipovetski ougrave lon fuit les relations interpersonnelles et qui implique une indiffeacuterence agrave

leacutegard dautrui et des situations de narcissisme de solitude (Jenson et de Singly 2005 Ascher

1995)

En effet comme nous lavons expliciteacute plus haut lindividu est de plus en plus un ecirctre

de choix libeacutereacute des contraintes sociales des socieacuteteacutes traditionnelles Non seulement sa

personnaliteacute se construit au fil du temps mais ses relations sociales aussi Les liens sont

construits en fonction de sa personnaliteacute et de ses deacutesirs sur la base deacutechanges et daffiniteacutes

plutocirct que sur les rocircles que les individus ont dans la hieacuterarchie sociale ou au sein de la famille

Le mode de constitution des liens sinscrit donc dans la mouvance de lindividuation trait

speacutecifique de la moderniteacute avanceacutee (Bernier 1998)

Cela sexplique par les grandes transformations que nous venons de voir plus haut

comme la deacutemocratisation de leacuteducation et le prolongement de la scolariteacute mais aussi par les

mouvements migratoires et les mobiliteacutes professionnelles et reacutesidentielles Ces changements

offrent un plus grand nombre doccasions de se faire des contacts et de connaicirctre de nouvelles

personnes sur la base daffiniteacute commune et selon les opportuniteacutes et les habiliteacutes de chacun agrave

nouer et agrave conserver les liens (Charbonneau notes de cours) La constitution des liens dans la

moderniteacute avanceacutee deacuteborde ainsi des cadres traditionnels comme la famille lespace de

proximiteacute et le voisinage la communauteacute religieuse et peuvent sinscrire agrave linteacuterieur de

contexte preacutecis comme les loisirs ou le travail De plus les individus sont plus mobiles et les

technologies de transport et de communication permettent dentretenir ses relations dans la

distance Cest agrave partir de ce point que Barry Wellman et Barry Leighton ont proposeacute la thegravese de

la communauteacute eacutemancipeacutee que nous avons preacutesenteacutee au chapitre 1

80

Nous concluons ce chapitre en rappelant que tout comme les modes de vie les relations

sociales sont construites agrave partir de lindividu en raison des changements structurels et des

processus dindividualisation Ce processus a bouleverseacute les cycles de vie traditionnels et a

contribueacute agrave diversifier les maniegraveres de vivre au sein des espaces urbains elles aussi en

redeacutefinition Dans le contexte ougrave il y a non seulement de plus en plus de personnes qui habitent

seules mais aussi une transformation des quartiers ougrave elles sont fortement concentreacutees on peut

se questionner sur la sociabiliteacute et les reacuteseaux sociaux de ces personnes et plus particuliegraverement

pour les jeunes adultes Cette cateacutegorie dacircge constitue une figure de la gentrification et se

retrouve aussi au cœur de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux Agrave cet effet on

peut se demander sils constituent une figure de lisolement Ont-ils une vie sociale riche et

diversifieacutee Agrave quelle eacutechelle spatiale les membres de leurs reacuteseaux comme les amis la famille

les collegravegues de travail les connaissances sont-ils deacuteployeacutes dans lespace urbain Leurs proches

habitent-ils dans le mecircme quartier queux et quel rapport entretiennent-ils avec cet espace en

changement ougrave ils sont fortement concentreacutes

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous sommes pencheacutes sur le rapport de sociabiliteacute

entretenu dans lespace de proximiteacute le quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans

les quartiers centraux de Montreacuteal Notre questionnement sest articuleacute plus preacuteciseacutement sur

linscription territoriale des relations sociales des jeunes adultes et du rocircle du quartier dans la

vie quotidienne et de lappreacuteciation de la vie en solo Afin de conclure la premiegravere partie de ce

meacutemoire nous preacutesenterons dans le chapitre V les questions et hypothegraveses de recherche vers

lesquelles les travaux sur le lien social nous ont meneacutes

81

CHAPITRE V

QUESTIONS ET HYPOTHEgraveSES DE RECHERCHE

Nous avons vu que la croissance du nombre des personnes qui habitent seules est une

tendance lourde qui caracteacuterise la socieacuteteacute moderne Nous avons aussi vu que le fait dhabiter

seul concerne plusieurs cateacutegories de personnes dont les jeunes adultes Ceux-ci semblent

urbains mobiles et appartenir agrave des reacuteseaux sociaux larges et disperseacutes dans lespace Toutefois

mecircme si les relations sociales des jeunes adultes savegraverent selon leacutetude de Leloup eacuteclateacutees

spatialement et moins deacutependantes de la proximiteacute spatiale cette cateacutegorie de personnes semble

entretenir tout de mecircme un mecircme un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous nous

sommes donc poseacute les questions suivantes pour les deux quartiers de Montreacuteal RPP et PMR qui

preacutesentent des diffeacuterences sur les plans de la sociabiliteacute publique et des repreacutesentations

symboliques

51 QUESTIONS DE RECHERCHE

1-Dans quelle mesure les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier

11 De quel type de sociabiliteacute sagit-il (publique intime voisinage associatif travail etc)

2-Qui vit proche et qui vit plus loin parmi les personnes qui constituent leur reacuteseau social

22 Agrave quelle eacutechelle spatiale sinscrivent leurs proches (Eacutedifice rue quartier ville reacutegion meacutetropolitaine eacutechelle nationale internationale)

23 La proximiteacute spatiale et la proximiteacute relationnelle sont-elles superposeacutees

24 Dans quelle mesure la provenance des personnes et leur trajectoire ont-elles un impact sur le deacuteploiement de leur reacuteseau

25 Lancienneteacute reacutesidentielle et le choix du quartier sont-ils des variables qui influencent le rapport au quartier

3 Pour lensemble de ces questions lacircge adulte constitue-t-il une variable deacuteterminante sur le plan de la sociabiliteacute dans un espace de proximiteacute

31 Lesjeunes qui habitent seuls se distinguent-ils des autres groupes dacircge de solo

83

Pour veacuterifier ces hypothegraveses nous avons dune part illustreacute les parcours spatiaux et

biographiques des jeunes adultes pour en savoir plus sur leur ancienneteacute reacutesidentielle leur

mobiliteacute et voir ce qui les a meneacute agrave habiter seul agrave lendroit ougrave ils reacutesidaient au moment de

lentrevue Nous avons ensuite examineacute les rapports entretenus avec leur quartier au moyen des

quatre dimensions de la notion de quartier et nous avons dresseacute un portrait social et spatial de

leurs reacuteseaux sociaux Agrave cet effet nous avons choisi deux quartiers centraux de Montreacuteal qui

preacutesentent des profils diffeacuterents sur plusieurs plans Dans le chapitre VI nous preacutesenterons les

territoires agrave leacutetude et nous justifierons leur choix

84

DEUXIEgraveME PARTIE

CHAPITRE VI

JUSTIFICATION ET PREacuteSENTATION DES TERRITOIRES Agrave LEacuteTUDE

Les arrondissements du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie

Le choix de la ville de Montreacuteal comme territoire deacutetude fut justifieacute par notre eacutequipe de

recherche en raison de ses caracteacuteristiques Il sagit dune ville qui preacutesente une certaine fluiditeacute

pour laccegraves et le faible coucirct des loyers comparativement agrave la situation des autres villes nord-

ameacutericaines et des villes europeacuteennes De plus Montreacuteal na pas fait jusquici lobjet dune

eacutetude qui porte speacutecifiquement sur les modes de vie et les pratiques de sociabiliteacute et de

solidariteacute des personnes qui habitent seules Pour les besoins de lenquecircte leacutequipe a

seacutelectionneacute les arrondissements cest-agrave-dire les territoires administratifs de la ville de Montreacuteal

qui deacutetiennent les plus fortes proportions de personnes qui habitent seules

Le choix de larrondissement comme territoire agrave leacutetude comporte plusieurs limites sur

le plan dune analyse sociologique Larrondissement est le reacutesultat dun deacutecoupage

administratif et il peut comprendre plusieurs quartiers proprement dits Il reste que pour les

besoins de leacutetude le choix de larrondissement nous permettait davoir accegraves agrave un bassin de

reacutepondants potentiels et volontaires plus large puisque pregraves dun meacutenage sur deux eacutetait composeacute

dune personne en 2001 dans chacun des arrondissements seacutelectionneacutes Il sagit des

arrondissements qui comportaient en 2001 les plus grandes proportions de personnes qui

habitent seules apregraves celui de Ville-Marie Ils fournissent agrave eux deux un bassin potentiel de

recrutement denviron 50 000 meacutenages composeacutes dune personne Larrondissement de Ville-

Marie na pas eacuteteacute retenu en raison de sa dynamique sociospatialequi lui est propre En effet il

sagit dun espace contrasteacute sur le plan des activiteacutes et de sa population Cet arrondissement

constitue le cœur de la meacutetropole de Montreacuteal Il est principalement reconnu comme eacutetant le

centre des affaires et un milieu touristique important Il se distingue des autres arrondissements

de la ville non seulement sur le plan des activiteacutes eacuteconomiques et touristiques mais aussi sur le

plan socio-eacuteconomique et culturel de la population reacutesidente (Ville de Montreacuteal 2004)

85

De plus comme nous lavons vu plus haut les arrondissements PMR et RPP ont des

profils socio-eacuteconomiques diffeacuterents En effet selon les donneacutees du recensement 200 1 fournies

par la Ville de Montreacuteal (2004) le revenu moyen de la population qui occupait un emploi agrave

temps plein et qui reacutesidait au Plateau Mont-Royal en 2001 eacutetait de 57 788 $ tandis que dans

larrondissement de Rosemont-Petite-Patrie ceacutetait 35 122 $ Parmi les reacutesidents du PMR

presque la moitieacute (49 ) avait atteint un niveau de scolariteacute universitaire tandis que pour RPP

ceacutetait 267 Enfin les valeurs de logements de ces deux arrondissements eacutetaient aussi

diffeacuterentes en 2001 La valeur moyenne des logements occupeacutes par des proprieacutetaires qui

reacutesidaient sur le PMR en 2001 eacutetait de 157 602 $ tandis que pour RPP ceacutetait 139 486 $ Le

loyer moyen des logements occupeacutes par un locataire correspondait agrave 589 $ par mois dans

larrondissement du PMR et 519 $ pour RPP (Ville de Montreacuteal 2004) Ces deux

arrondissements sont seacutepareacutes par une frontiegravere physique et administrative le Chemin des

Carriegraveres Ces territoires ont connu des changements diffeacuterents au fil du temps et possegravedent

aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des repreacutesentations diffeacuterentes

qui risquent de deacutefinir selon nous ce que Germain (1995) appelle des Modus videnti ou des

cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Il fut donc inteacuteressant dexaminer les

rapports entretenus des personnes qui habitent seules dans chacun de ses territoires Par ailleurs

comme nous lavons mentionneacute plus haut le choix de larrondissement comme uniteacute territoriale

deacutetude introduit un biais et une limite dans lanalyse du rapport agrave lespace de proximiteacute comme

le quartier puisquil sagit dune uniteacute administrative de la Ville et non dun quartier en soi

Les entretiens et les analyses sur le quartier ont eacuteteacute reacutealiseacutes du point de vu des

reacutepondants par rapport agrave ce quils consideacuteraient comme eacutetant leur quartier Ces reacutepondants

reacutesidaient au moment de lentrevue agrave linteacuterieur de deux arrondissements distincts agrave ne pas

confondre avec deux quartiers diffeacuterents Lorsquil sera question du rapport au quartier nous

nous reacutefeacutererons agrave lun ou lautre des quartiers compris dans les arrondissements agrave leacutetude

Dans ce qui suit nous nous attarderons sur les caracteacuteristiques fonctionnelles sociales

et symboliques qui constituent les principales dimensions dun quartier et qui deacutefinissent par le

fait mecircme la speacutecificiteacute de chacun de ces territoires et de leurs quartiers

86

DESCRIPTION DES TERRITOIRES

61 Le Plateau Mont-Royal

Larrondissement du Plateau Mont-Royal est deacutelimiteacute au sud par la rue Sherbrooke agrave

lest et au nord par la voie ferreacutee du Canadien Pacifique et agrave louest par la rue Hutchison et la

rue University (voir carte en annexe) Il est situeacute tout pregraves du centre-ville et constitue ce que

plusieurs appellent un quartier ancien central en raison de sa localisation geacuteographique et de

lancienneteacute de ses bacirctiments En effet le Plateau-Mont-Royal sest deacuteveloppeacute au cours du

XIXe siegravecle et lon retrouve encore aujourdhui pregraves de la moitieacute (509 ) des logements

construits avant 1946 (Statistique Canada donneacutees recensement 2001)

Description historique

Comme Benoicirct et Gratton (1991) le deacutefinissent le Plateau Mont-Royal constitue dabord

une trame de quartiers reacutesidentiels En effet ce territoire administratif est composeacute de plusieurs

laquo quartiersraquo qui correspondent agrave danciennes banlieues populaires qui se sont peupleacutees selon

des logiques et des populations diffeacuterentes Dune part on retrouve agrave louest du boulevard

Saint-Laurent lancienne ville de Saint-Louis du Mile End connu aujourdhui sous le nom du

Mile End Le peuplement de cet ancien laquovillageraquo est entre autres relieacute aux vagues

dimmigration juive grecque et portugaise du deacutebut et de la moitieacute du XXe siegravecle Cest ce qui

explique en partie pourquoi il est caracteacuteriseacute par une certaine mixiteacute sociale et par une

tradition cosmopolite qui le distingue de la portion situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent Le

boulevard Saint-Laurent a joueacute un rocircle cleacute dans la composition sociale et la morphologie du

tissu urbain Il constitue une frontiegravere historique et linguistique qui a influenceacute le

deacuteveloppement et le peuplement des villages du Plateau Il sagissait dun lieu daffaires ougrave

lon trouvait des banques des ateliers de couture et des industries de textile des artisans des

forgerons et des marchands (Benoicirct et Gratton 1991) Cette artegravere a longtemps diviseacute les

populations anglophones et francophones

87

La partie situeacutee agrave lest du boulevard Saint-Laurent correspond agrave danciens villages

francophones par exemple la cocircte Saint-Louis qui furent peupleacutes par limmigration des

familles rurales Cest au deacutebut du xxe siegravecle durant la peacuteriode de deacuteveloppement des

industries de Montreacuteal que ces villages se sont eacutetendus La partie situeacutee agrave lest du boulevard

Saint-Laurent a connu un essor immobilier important au deacutebut du siegravecle jusquagrave la crise

eacuteconomique des anneacutees 1930 (Gratton et Benoicirct 1991) Il sagissait principalement dun

quartier populaire tregraves dense situeacute pregraves des pocircles demplois industriels et de tramways agrave

chevaux qui furent remplaceacutes par des tramways eacutelectriques (Gratton et Benoicirct 1991 Marsan

1994) Il sagit de lun des premiers quartiers montreacutealais comme ceux de Rosemont de

Verdun et dHochelaga Maisonneuve qui a heacutebergeacute majoritairement des ouvriers qui

travaillaient dans les industries (Marsan 1994) On vit eacuteriger des logements de type laquoplexraquo

pour reacutepondre aux besoins de la population croissante dans cette partie de larrondissement Il

sagit dun type dhabitation en rangeacutee continue ougrave les logements sont distribueacutes sur deux ou

trois eacutetages ougrave laccegraves est possible par un escalier exteacuterieur ou inteacuterieur Ce type dhabitation

est devenu selon Marsan (1994) lhabitation type de Montreacuteal Elle permettait une

augmentation de la croissance et de la densiteacute du deacuteveloppement reacutesidentiel en raison de

laugmentation de la population (Marsan 1994)

Cest aussi agrave cette eacutepoque entre 1920 et 1930 que plusieurs petits commerces locaux

magasins agrave rayon et chaicircnes seacutetablissent sur lavenue Mont-Royal (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Certains magasins avaient une architecture de style laquoArt-Deacuteco raquo Lavenue superposait et

superpose toujours une double centraliteacute commerciale En effet elle combine un rapport de

proximiteacute fonctionnelle pour les reacutesidents qui habitent sur les rues transversales et

environnantes et constitue un pocircle laquo central raquo eacutelargi aupregraves de lensemble des citadins La petite

taille des bacirctiments que lon retrouve et linteacutegration des commerces agrave lhabitation repreacutesentent

des teacutemoins de sa speacutecificiteacute locale de leacutepoque (Gratton et Benoicirct 1991) Elle eacutetait ainsi non

seulement freacutequenteacutee par les habitants du Plateau mais aussi par une clientegravele reacutegionale

(Heacuteritage Montreacuteal 1992) Lavenue Mont-Royal constituait et constitue toujours lune des

artegraveres commerciales les plus importantes du Plateau Mont-Royal Le dynamisme commercial

de cette rue connut au cours des anneacutees 1950 une peacuteriode de stagnation et de deacutegradation En

effet lessor des banlieues et le processus de deacutesindustrialisation favorisegraverent le deacutemeacutenagement

88

des classes moyennes qui y reacutesidaient vers des quartiers situeacutes en peacuteripheacuterie du centre et

acceacuteleacuteregraverent lappauvrissement du secteur jusquagrave tout reacutecemment

Aujourdhui larrondissement occupe toujours une fonction de desserte locale combineacutee

agrave une fonction plus centrale pour les sorties et la freacutequentation de diffeacuterents commerces On

retrouve entre autres sur divers axes comme lavenue Mont-Royal la rue Saint-Denis et le

boulevard Saint-Laurent plusieurs bars pub restaurants laquocafeacutesraquo et boutiques speacutecialiseacutees dans

les vecirctements les meubles lalimentation et diffeacuterents objets-cadeaux Ces rues logent aussi des

commerces laquo reacutegionauxraquo comme des librairies des bars laquo chics raquo des magasins de marque que

lon retrouve aussi dans les centres commerciaux (Jacob Mexx Chacircteau Zone Bedo Bebe

etc) Les rues situeacutees sur laxe laquo est-ouestraquo comme Laurier et Rachel constituent aussi des rues

commerciales importantes de desserte locale Des artegraveres comme Marie-Anne Rachel et Laurier

renvoient plutocirct agrave des rues laquolocalesraquo ougrave lon retrouve plusieurs petits deacutepanneurs salons de

coiffure et cafeacutes qui ont pignon aux coins des rues transversales Ces axes ont des fonctions

compleacutementaires agrave des axes comme lavenue Mont-Royal qui combinent les fonctions de

centraliteacute locale et urbaine Le Plateau Mont-Royal comporte aussi dimportants eacutequipements

collectifs comme trois stations de meacutetro des bibliothegraveques une maison de la culture des parcs

et centres de loisirs

Agrave travers lanalyse de lœuvre litteacuteraire de Michel Tremblay Rocheleau a examineacute les

repreacutesentations des structures sociales de certains espaces montreacutealais Son analyse se penche

entre autres sur Les chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay et montre que cette

œuvre repreacutesente bien la structure sociale la culture populaire et les diffeacuterentes figures de la

marginaliteacute mais aussi la speacutecificiteacute familiale et la pauvreteacute des reacutesidents qui habitaient ce

territoire au cours des anneacutees 1940 et 1950 (Rocheleau 1995)

laquo Entre les rues Fabre et Saint-Laurent les personnages de Tremblay forment un vaste chœur de gens du petit peuple et de laisseacutes pour compte pour qui la reacutealiteacute montreacutealaise nest veacutecue quagrave travers le deacutesir obseacutedant deacutechapper agrave la meacutediocriteacute de leur condition [ ] Ainsi dans le monde des prostitueacutees travestis et homosexuels de la rue Saint-Laurent barriegravere naturelle entre lest et louest de la ville le clivage des aspirations individuelles et des limites fixeacutees par la socieacuteteacute et la culture dominante simposeraquo (Rocheleau 1995 44)

89

laquo Les femmes du Plateau Mont-Royal partagent le lot affligeant des grossesses non deacutesireacutees des eacutepoux absents ou alcooliques et chocircmeurs lorsquils sont preacutesents au foyer des enfants ingrats et difficiles (Rocheleau 1995 53) raquo

Lanalyse de Rocheleau met aussi en relief quil sagissait dune sociabiliteacute de proximiteacute et

dune population quelque peu replieacutee sur elle-mecircme en raison des contraintes spatiales et des

reacuteseaux familiaux laquo eacutetouffants raquo Selon Rocheleau laquo [ ] cet univers de ruelles encombreacutees de

fonds de cours remplis de cordes agrave linge et de fenecirctres ouvertes sur celles de tout le monde les

habitants du Plateau Mont-Royal semblent vivre dans la crainte de linconnu et de leacutetranger

(Rocheleau 1995 51) raquo

Agrave la lumiegravere de lanalyse litteacuteraire de Roche1eau (1995) nous pouvons supposer que la

proximiteacute spatiale et la proximiteacute sociale faisaient partie de la vie quotidienne des habitants du

Plateau Mont-Royal Ceux-ci semblaient eacutegalement fonctionner selon la logique de la

communauteacute perdue agrave linteacuterieur de barriegraveres physiques mais aussi linguistiques et sociales

notamment par rapport au quartier de Rosemont Petite-Patrie

Le Plateau Mont-Royal a traverseacute au cours du XXe siegravecle diffeacuterentes phases de

peuplement migratoire et plus reacutecemment de gentrification caracteacuteriseacutee par larriveacutee de classes

moyennes degraves les anneacutees 1980 et surtout durant la deacutecennie suivante et les processus debull deacutesindustrialisation et de tertiarisation de lemploi En effet diffeacuterentes entreprises appartenant

au secteur tertiaire se sont installeacute agrave linteacuterieur de diffeacuterents bacirctiments anciennement industriels

notamment situeacutes sur le boulevard Saint-Laurent

90

Dimension symbolique

Le Plateau Mont-Royal repreacutesente aujourdhui une image forte dans lesprit des

Montreacutealais des touristes ou des eacutetrangers celle dun quartier ancien laquo en vogue raquo investi

principalement par des jeunes des artistes des professionnels ou des bohegravemes intellectuels

Cette image est aussi caracteacuteriseacutee par une ambiance laquo brancheacutee raquo La directrice de

larrondissement le deacutecrit dailleurs selon cette image laquo Le Plateau on laime on y vit Une

population jeune brancheacutee agrave laffucirct des nouvelles tendances On y travaille aussiraquo (Ville de

Montreacuteal 2006 2)

Divers articles de magazines et sites Internet de varieacuteteacute et de modes que des guides

touristiques et de sorties comme le Nightlife Magazine le Global Reacuteservation En Route et

RestoMontreacutealCa mettent le Plateau Mont-Royal agrave lavant dans les suggestions de sorties et

dendroit agrave deacutecouvrir Lextrait suivant tireacute dun article ayant pour titre laquo Le diapason des

derniegraveres tendances raquo publieacute dans Magazine Destination Queacutebec magazine touristique deacutecrit

le Plateau Mont-Royal selon cette image de laquo branchitude raquo

laquo Lambiance y est aussi eacutelectrisante que vous cocirctoyiez les amuseurs publics et

les musiciens preniez un bain de foule dans les petits magasins et les restos de

lavenue du Mont-Royal ou relaxiez sur une terrasse dans un cafeacute ou un bar sur

Saint-Denis Si le centre-ville est le laquo cœurraquo de Montreacuteal le Plateau Mont-

Royal de toute eacutevidence en est lacircmeraquo (Magazine Destination Queacutebec

2003 2) raquo

Un organisme new-yorkais a aussi publieacute dans le numeacutero du mois de novembre 2004 le

Making Places Newsetter un palmaregraves des vingt quartiers offrant la meilleure qualiteacute de vie en

Ameacuterique du Nord et classe le Plateau Mont-Royal en septiegraveme position derriegravere le

laquo Rittenhouse Squareraquo agrave Philadelphie le laquo North Beachraquo agrave San Francisco (3e) le laquo Est

Villageraquo agrave New York (2e) et le laquo Grandville Islandraquo agrave Vancouver (1 ej

91

Selon dautres quotidiens comme Le Devoir et des magazines touristiques comme En

Route le Plateau Mont-Royal se trouve parmi les quartiers les plus brancheacutes et creacuteatifs au

Canada Il remporte la deuxiegraveme position des quartiers les plus brancheacutes au Canada dans le

magazine En Route et la premiegravere place des quartiers les plus creacuteatifs selon un article du

quotidien Le Devoir

laquo Le Plateau Mont-Royal remporte la palme du quartier le plus creacuteatif au paysraquo

(Le Devoir2005)

laquo De Sherbrooke agrave Rachel le boulevard Saint-Laurent est le paradis des oiseaux

de nuit restos freacutequenteacutes par les stars (Globe 3455 Saint-Laurent) bars et

boutiques design (Space FB 3632 Saint-Laurent) Rue Saint-Denis on se donne

rendez-vous au resto franccedilais (LExpress 3927 Saint-Denis) Bien que la

flambeacutee des prix ait chasseacute bon nombre de gens du quartier les jeunes creacuteateurs

y sont encore nombreux celui-lagrave tourne un film cet autre est Dl dans un bar

celle-lagrave reacutedige sa thegravese de doctoratraquo (Magazine EN ROUTE 200io)

Cet emblegraveme du Plateau Mont-Royal qui correspond agrave une dynamique urbaine jeune

laquoagrave la moderaquo agrave la speacutecificiteacute de conjuguer le nouveau (le laquo in raquo) et lancien constitue une image

qui sest surimposeacutee au fil du temps agrave un quartier qui avait une image plus modeste et typique

des quartiers anciennement industriels et moins fortuneacutes

Lorsquon examine leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population

reacutesidente depuis 1971 on saperccediloit que la speacutecificiteacute jeunesse que lon attribue aujourdhui agrave

cet arrondissement la scolariteacute eacuteleveacutee de sa population reacutesidente et le nombre eacuteleveacute de

personnes qui habitent seules sont des caracteacuteristiques qui relegravevent de changements

deacutemographiques survenus principalement depuis la deacutecennie de 1990 Dans ce qui suit nous

deacutecrirons les principaux changements deacutemographiques et socio-eacuteconomiques qui ont contribueacute

agrave faccedilonner au fil de temps la redeacutefinition des rapports symboliques fonctionnels et de

sociabiliteacute agrave ce quartier

10 Larticle est disponible en ligne httpwwwenroutemagcomlfarchivesavriI02archivesOIhtml

92

Leacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux Dans lensemble leacutevolution deacutemographique de la population du Plateau Mont-Royal a

suivi celle de licircle de Montreacuteal (entre 1971 et 1991) Par ailleurs il reste quil existe encore

aujourdhui un eacutecart important entre les caracteacuteristiques de la population reacutesidente de cet

arrondissement et celles de lensemble des quartiers situeacutes sur licircle La speacutecificiteacute jeunesse que

lon attribue aujourdhui au Plateau Mont-Royal ne date pas dhier Depuis 1981 la tranche

dacircge dominante est celle des 25-34 ans Cette caracteacuteristique jeunesse sest amplifieacutee depuis

1991 et distingueacutee de la moyenne montreacute alaise En effet la part des jeunes acircgeacutes de 25 et 34 ans

repreacutesentait 15 en 1971 et a presque doubleacute avec une proportion de 27 en 1991 puis sest

stabiliseacutee en 2001 (27 ) alors que pour licircle de Montreacuteal la part des jeunes adultes est passeacutee

de 15 agrave 19 entre 1971 et 1991 puis redescendit agrave 13 pour lanneacutee 2001 Si on regarde la

proportion des personnes acircgeacutees de 55 agrave 64 ans et de 65 ans et plus pour lanneacutee 2001 on

constate quelles constituent un des groupes les moins repreacutesenteacutes Un peu moins du dixiegraveme de

la population (96 ) du Plateau a 65 ans et plus alors que pour lensemble de la ville de

Montreacuteal les personnes acircgeacutees repreacutesentent 153

Lorsque lon examine la part des familles avec enfants on constate quil y a eu une

baisse entre 1971 et 2001 de 16 Cette baisse est plus importante sur le Plateau Mont-Royal

que sur lensemble de licircle Pour le Plateau Mont-Royal la part de familles avec enfant est

passeacutee de 67 en 1971 agrave 51 pour lanneacutee 200 1 alors que sur licircle de Montreacuteal la proportion

de familles avec enfants repreacutesentait 68 en 1971 et repreacutesente aujourdhui (2001) 63

Parallegravelement la proportion de personnes ayant le statut leacutegal de ceacutelibataire qui reacutesident au

Plateau Mont-Royal est passeacutee de 40 en 1971 agrave 66 en 2001 Cette hausse est moins

importante que pour lensemble de licircle de Montreacuteal La proportion des ceacutelibataires repreacutesentait

32 de la population en 1971 et a grimpeacute agrave 43 en 2001

93

Sur le plan ethnoculturel un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par

rapport agrave la moyenne de la ville de Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) Le tiers des

immigrants (331 ) proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts

(788 ) des habitants parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref la population reacutesidente du Plateau Mont-Royal sest de plus en plus rajeunie au fil

du temps et sinscrit de plus en plus agrave linteacuterieur de meacutenages non familiaux comme les

personnes qui habitent seules En effet les meacutenages composeacutes dune personne repreacutesentaient

28 des meacutenages en 1971 Cette proportion a grimpeacute agrave 44 en 1981 agrave 50 en 1991 et agrave 53

en 2001 Ces changements concernant la structure des acircges et des meacutenages se traduisent aussi

dans les structures socio-eacuteconomiques de la population et du marcheacute immobilier

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on regarde leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire et le revenu total moyen de la population entre 1971 et 2001 on remarque que cette

croissance suit la mecircme tendance que les autres quartiers de licircle de Montreacuteal Par ailleurs la

figure 61 montre que le coucirct des loyers eacutetait nettement infeacuterieur par rapport agrave ceux de

lensemble de licircle de Montreacuteal en 1971 (Montreacuteal est repreacutesenteacute par la ligne horizontale 1)

Figure 61 - Eacutevolution du prix moyen des loyers et des revenus totaux de la population reacutesidente au Plateau Mont-Royal entre les anneacutees 1971 et 2001

f QI

1000 -j-------------W_------ ~ lt=

0 = c ~

bull ~

= 1 lt=8f 0600 +------------------------------

1971 1981 1991 2001

Anneacutees

Source Donneacutees extraites des secteurs de recensement du Plateau Mont-Royal recensements 1971 1981 1991 et 2001 Statistique Canada

94

Or cette situation a pris un virage agrave partir des anneacutees 1980 Leacutecart entre les prix des

loyers du Plateau Mont-Royal et de lensemble de licircle de Montreacuteal sest de plus en plus reacutetreacuteci

jusquau deacutebut de la deacutecennie des anneacutees 1990 Cest agrave partir de cette peacuteriode que la situation

sest inverseacutee En effet depuis 1991 les loyers la valeur moyenne des proprieacuteteacutes de mecircme que

le revenu moyen total de la population ont subi une importante augmentation et mecircme deacutepasseacute

la moyenne du reste de la ville Le prix moyen des loyers est passeacute de 542 $ agrave 589 $ tandis que

la moyenne de licircle de Montreacuteal est passeacutee de 550 $ agrave 570 $ pour la mecircme peacuteriode Pour

lanneacutee 2001 en ce qui concerne les revenus totaux individuels les habitants du Plateau Mont-

Royal gagnaient en moyenne 27 450 $ par anneacutee soit un peu moins que la moyenne des

Montreacutealais qui eacutetait de 28 233 $ Bien que les revenus soient infeacuterieurs agrave ceux de licircle de

Montreacuteal ils ont progresseacute au fil du temps dans le mecircme sens et se rapprochent de plus en plus

de ceux de licircle de Montreacuteal Quant au niveau de scolariteacute atteint le Plateau est nettement plus

scolariseacute que les autres quartiers de licircle Entre 1981 et 1991 la proportion de la population qui

a fait des eacutetudes universitaires est passeacutee de 21 agrave 53 puis redescendit agrave 49 pour lanneacutee

2001 Pour lanneacutee 2001 il sagit dun pourcentage eacuteleveacute si on le compare agrave la moyenne de la

Ville de Montreacuteal qui correspond agrave 30 Enfin les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location Mais cette tendance est agrave la baisse On comptait 91 de

locataires en 1971 alors que pour 2001 cette proportion renvoie agrave 777 Bien que la

proportion de proprieacutetaires ait augmenteacute ce pourcentage demeure encore aujourdhui eacuteleveacute si

on tient compte de la moyenne montreacutealaise qui est de 642 Dailleurs cette croissance de

proprieacutetaires nest pas sans lien avec la croissance des personnes qui habitent seules et les

revenus moyens de la population reacutesidente Ces tendances ont eacutevolueacute parallegravelement agrave la

demande dans le secteur de lhabitation De nouvelles constructions de condominium ont vu le

jour et danciens bacirctiments non reacutesidentiels ont eacuteteacute transformeacutes en immeubles agrave logement En

effet le Plateau est devenu plus dense sur le plan immobilier En 2001 le Plateau Mont-Royal

loge sur son territoire 12 des condominiums construits agrave Montreacuteal ce qui repreacutesente non

seulement un taux identique agrave celui du centre-ville (Ville-Marie) mais le taux le plus eacuteleveacute de

la Ville (fusionneacutee en 2001) (Ville de Montreacuteal 2003) Le taux de vacances des appartements

dinitiative priveacutee de larrondissement est de 15 en 2006 alors que pour Montreacuteal il est de

27 (SCHL 2006) Ce qui constitue le taux le plus bas de licircle de Montreacuteal

95

Bref les transformations deacutemographiques et socio-eacuteconomiques de la population de

larrondissement sont relieacutees au deacuteveloppement eacuteconomique et urbain qui a contribueacute agrave

redeacutefinir au fil du temps la structure des meacutenages la dynamique sociale culturelle et sa

repreacutesentation symbolique Ces changements se manifestent entre autres par le dynamisme des

rues commerciales comme lavenue Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut des

nouveaux restaurants cafeacutes et bars bancheacutes et boutiques agrave la mode ont ouvert leurs portes et

remplaceacute danciennes tavernes et club de nuit laquo [ ] qui flirtaient avec le deacutefendu le pas

propre le pas respectable [ ] Tremblay 1989 231-232 dans Rocheleau 1995 raquo

Le nombre despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute est aujourdhui tregraves

eacuteleveacute Il sagit dailleurs de larrondissement qui deacutetient la plus forte concentration agrave Montreacuteal

deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles Ces

eacutequipements sont freacutequenteacutes non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs

Montreacutealais

62 Rosemont Petite-Patrie

Comme le Plateau Mont-Royal Rosemont Petite-Patrie est aussi un ancien quartier

populaire et ouvrier caracteacuteriseacute par des habitations de type laquo plex raquo dans certains de ses secteurs

(Marsan 1994) Plus eacutetendu il couvre une superficie de 144 km2 soit presque le double de celle

du Plateau Mont-Royal (couvre une surface 774 km2) Il seacutetend du quartier de la Petite Italie

situeacute agrave louest jusquau Jardin botanique agrave lest Il loge aussi lancien site industriel des laquo shops

Angusraquo au sud Larrondissement est deacutelimiteacute agrave louest et au sud par la voie ferreacutee du Canadian

Pacifique et la rue Sherbrooke agrave lest par les rues Lacordaire et Dickson et au nord par les rues

Jean-Talon et Beacutelanger Il est entoureacute r les arrondissements Plateau Mont-Royal et Mercier

Hochelaga Maisonneuve et au nord par ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et Saint-

Leacuteonard (voir carte en Annexe)

96

Tissu urbain et social

Larrondissement Rosemont Petite-Patrie comporte une trame reacutesidentielle et un tissu

social et urbain plus heacuteteacuterogegravene Agrave lest on retrouve plusieurs eacutequipements collectifs de grande

surface comme le Jardin botanique le parc Maisonneuve et le golf Maisonneuve Lest de

larrondissement est occupeacute par des deacuteveloppements reacutesidentiels typiques de la banlieue avec

des maisons unifamiliales et des bungalows notamment sur la rue Bellechasse pregraves de

lextreacutemiteacute est de larrondissement et le deacuteveloppement reacutesidentiel de la Citeacute Jardin agrave lest de la

rue Viau Dans la pointe de larrondissement on retrouve un nouveau deacuteveloppement reacutesidentiel

de condos construits sur lancien site des usines Angus Un peu plus au nord il y a un ancien

quartier ouvrier francophone datant de la mecircme eacutepoque et semblable au Plateau Mont-Royal

avec comme rue principale la rue Masson

Enfin la portion situeacutee dans louest de larrondissement connu sous le nom de Petite-

Patrie constitue un espace plus diversifieacute sur le plan ethnique et fonctionnel Il sagit aussi dun

espace typique des anciens quartiers centraux avec le laquo plexraquo comme type dhabitation

dominante On y retrouve aussi danciennes friches industrielles le long du chemin des carriegraveres

le quartier de la Petite Italie le marcheacute public Jean-Talon et quelques parcs comme le parc agrave

valeur patrimoniale Molson (Heacuteritage Montreacuteal 1992)

Cet arrondissement est tantocirct associeacute agrave la classe moyenne en raison du secteur situeacute plus

agrave lest de larrondissement et de son quartier chic de citeacute-jardin situeacute pregraves de Viau tantocirct associeacute

agrave lancien quartier ouvrier implanteacute au deacutebut du XXe siegravecle situeacute pregraves de la rue Masson ou agrave

lhistoire du technopocircle Angus et dautres fois il est confondu au secteur de la Petite Italie et de

lenvironnement plus cosmopolite entourant le Marcheacute Jean-Talon Bref il sagit dun grand

territoire heacuteteacuterogegravene qui ne possegravede pas une image tregraves claire et eacutevidente qui lui est propre

Bien que les secteurs de la Petite-Patrie et celui entourant la rue Masson semblent en

voie de gentrification larrondissement est demeureacute moins fortuneacute et moins gentrifieacute que le

Plateau Mont-Royal Compte tenu de son eacutetendue et de sa diversiteacute de quartiers nous avons

97

diviseacute ce territoire en trois principaux secteurs la Petite-Patrie Rosemont et le nouveau

Rosemont

Dimension symbolique

En raison de son caractegravere central de sa speacutecificiteacute historique et sociale ainsi que de sa

trame urbaine (proximiteacute) nous avons retenu dans le cadre de ce meacutemoire la partie ouest de

larrondissement celle du quartier de la Petite Patrie dans laquelle se trouvent la Petite Italie et

le Marcheacute Jean-Talon Tous les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes habitent dans le

secteur de la Petite-Patrie Les caracteacuteristiques de ce secteur sont comparables agrave celles du

Plateau Mont-Royal Ce secteur date de la mecircme eacutepoque que le Plateau Mont-Royal mais il a

connu une eacutevolution diffeacuterente Moins gentrifieacute mais en voie de lecirctre il comporte une

population plus acircgeacutee et de statut socio-eacuteconomique plus modeste que celle du Plateau Mont-

Royal Il ne correspond pas encore agrave une image en laquo vogueraquo et brancheacutee et cela sexplique par

les caracteacuteristiques de son peuplement Par ailleurs le secteur situeacute pregraves du Macheacute Jean-Talon

dans la Petite Italie est de plus en plus laquo populaireraquo et attire aussi de plus en plus lattention des

meacutedias Ce marcheacute public qui date de 1934 a reacutecemment eacuteteacute reacutenoveacute et agrandi Il fait dailleurs

lobjet agrave Radio Canada dun laquo docu-feuilleton raquo Le Marcheacute Jean-Talon en 2003 qui preacutesente le

quotidien et les peacuteripeacuteties des producteurs maraicircchers de mecircme quune eacutemission de varieacuteteacute Des

kiwis et des hommes preacutesenteacutee depuis les deux derniegraveres anneacutees Il sinscrit dans la vague des

produits biologiques et de linteacuterecirct porteacute pour lachat de produits locaux et speacutecialiseacutes Dans les

guides touristiques comme le Global Reacuteservation et les articles de journaux on le preacutesente

comme un espace convivial cosmopolite agrave saveur europeacuteenne qui sinscrit dans une vie de

quartier laquo reacuteelraquo avec une laquo vraieraquo clientegravele et de vrais producteurs ougrave lon peut se procurer de

laquo vraisraquo aliments et qui permet une reconnexion avec la nature

laquo Nous quittons cette semaine les restaurants et leurs designs complexes pour nous

tourner vers une scegravene exteacuterieure odorante coloreacutee vivifiante et respirant la santeacute

[ J Aller au marcheacute est agreacuteable relaxant et nous permet de nous reconnecter

avec la nature et la terre lointaine et peut-ecirctre pour certains reacuteveillent en eux

dheureux souvenirs (Le marcheacute Jean-Talon Un joyau de la nature et du Queacutebec

La grande eacutepoque Samedi 20 aoucirct 2005raquo

98

laquo Le Marcheacute Jean- Talon cest comme un petit village ougrave tout le monde se connaicirct

(Global Reacuteservation site internet) raquo

laquo Le Marcheacute Jean-Talon est ouvert agrave toutes les cultures Au cœur de la Petite Italie

agrave proximiteacute du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon bien entoureacute dune

population cosmopolite le Marcheacute Jean- Talon a toujours eacuteteacute ouvert agrave toutes les

cultures Son cachet est unique depuis plus de 60 ans maintenant on y vient de

partout dans Montreacuteal et en peacuteripheacuterie pour son intense animation et aussi pour la

fraicirccheur et la varieacuteteacute de ses produits maraicircchers reacutegionaux (Queacutebec

vacancecom) raquo

laquo Malgreacute les bouchons lambiance est plutocirct deacutetendue Les bras chargeacutes de

victuailles les pieacutetons se faufilent entre les veacutehicules dans une joyeuse cacophonie

Toute la journeacutee des gens de toutes origines jeunes et moins jeunes en famille ou

seuls envahiront les alleacutees du marcheacute raquo

Il sagit de lun des plus gros marcheacutes en Ameacuterique du Nord et certains meacutedias comme

le site Internet Montreacuteal plusca et le quotidien La Presse le qualifient de laquoveacuteritable

institution raquo

Description historique

Le quartier de la Petite-Patrie sest deacuteveloppeacute au tournant du XXe siegravecle avec le

deacuteveloppement des transports notamment avec la mise en place de la voie ferreacutee en 1878 et du

tramway sur laxe du boulevard Saint-Laurent en 1892 Comme lensemble de larrondissement

la Petite-Patrie ne possegravede pas une identiteacute historique qui deacutefinit sa speacutecificiteacute Il sagit en fait

selon Heacuteritage Montreacuteal (1992) de laquofonds de terreraquo des extreacutemiteacutes de deux municipaliteacutes

(Saint-Louis du Mile End et Coteau Saint-Louis) et des quartiers Saint-Jean et Saint-Denis du

Plateau Mont-Royal La Petite-Patrie permettait un accegraves aux emplois du centre-ville et des

zones industrielles situeacutes au sud-ouest et au sud-est de larrondissement (usines Angus) gracircce

aux lignes de tramway La Petite-Patrie fut peupleacutee par trois principaux groupes distincts qui lui

accorderont chacun un nom des Canadiens franccedilais des Anglais et des Italiens Dabord les

99

Canadiens franccedilais sont venus sy installer en raison des emplois dans lindustrie rattacheacutee au

deacuteveloppement des transports comme le tramway et les emplois relieacutes aux eacutecuries et agrave la voirie

municipale Ils se sont installeacutes au sud de larrondissement et ont fondeacute la paroisse de Saint-

Eacutedouard Les immigrants anglais ont nommeacute le quartier laquo Amhearts Parkraquo et ont occupeacute

principalement des emplois en meacutecanique et en eacutelectriciteacute sur le long de la rue Saint-Denis

Enfin les Italiens le troisiegraveme groupe se sont installeacutes au carrefour des autres quartiers connu

aujourdhui sous le nom de la Petite Italie Plus diversifieacute sur le plan linguistique et ethnique cet

arrondissement a connu un peuplement diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal

Eacutevolution deacutemographique et socio-eacuteconomique de la population et des logements depuis 1971

Dans lensemble leacutevolution socio-eacuteconomique et deacutemographique de la population de

Rosemont Petite-Patrie a suivi celle de Montreacuteal entre 1971 et 2001 Le profil socio-eacuteconomique

de larrondissement est demeureacute toutefois plus modeste que lensemble des reacutesidents de licircle de

Montreacuteal Cet eacutecart na pas connu depuis les dix derniegraveres anneacutees de diminution aussi

importante que celle observeacutee au Plateau Mont-Royal mais tend tout de mecircme agrave se reacutetreacutecir

Les logements les revenus et la scolariteacute

Dabord si on examine leacutevolution des prix moyens des logements occupeacutes par un

locataire on constate quils se sont stabiliseacutes depuis les dix derniegraveres anneacutees et quils demeurent

en deccedilagrave de la moyenne montreacutealaise Contrairement au Plateau Mont-Royal qui a deacutepasseacute depuis

1991 le coucirct moyen des logements sur licircle leacutecart observeacute depuis 1971 entre le prix des loyers agrave

RPP par rapport agrave Montreacuteal sest accru de faccedilon importante De plus la valeur moyenne des

proprieacuteteacutes est demeureacutee stable entre 1991 et 2001 passant de 139793 $ agrave 139470 $ alors que

pour la mecircme peacuteriode le Plateau a vu la valeur moyenne de ses proprieacuteteacutes faire un saut important

de 134 645 agrave 157 606 $

Par ailleurs la population tend agrave ecirctre de plus en plus scolariseacutee En effet pregraves du tiers

des reacutesidents (27 ) ont atteint un niveau deacutetude universitaire en 2001 ce qui se rapproche de

la moyenne de licircle qui est de 30 Bien que la proportion des reacutesidents ayant atteint un niveau

de scolariteacute universitaire soit leacutegegraverement infeacuterieure agrave celle de licircle on constate que cet eacutecart a

100

diminueacute de faccedilon importante au fil du temps Entre 1981 et 1991 cette proportion a presque

tripleacute passant de Il agrave 30 alors que pour Montreacuteal (licircle) elle est passeacutee de 19 agrave 37

Si nous examinons leacutevolution des revenus nous constatons quils ont SUIVI

laugmentation des revenus moyens de lensemble des reacutesidents de licircle mais demeurent

infeacuterieurs Par ailleurs la croissance de leacutecart semble ralentie depuis 1991 Leacutecart entre les

revenus de RPP et de licircle de Montreacuteal eacutetait de 2189 $ en 1981 puis est passeacute agrave 3729 $ et agrave

4035 $ en 2001 Ce qui repreacutesente une croissance de 1540 $ entre 1981 et 1991 et de 307 $ entre

1991 et 2001

Enfin comme au Plateau Mont-Royal les donneacutees du recensement teacutemoignent dune

forte propension agrave la location avec un taux de 74 pour lanneacutee 2001 Cette tendance suit

eacutegalement la baisse geacuteneacuterale du Plateau Mont-Royal Dans un cas comme dans lautre en 1971

on comptait 91 de locataires

Lacircge les meacutenages et les statuts matrimoniaux

Depuis 1971 on remarque que la tranche dacircge dominante est de moins en moins jeune

Pour lanneacutee 2001 le groupe dominant est celui des 35 agrave 44 ans avec une proportion de 18

suivie de pregraves par le groupe des 65 ans et plus avec une part de 17 de la population totale de

larrondissement Si on remonte dans le temps on constate que le groupe des 65 ans et plus

constituait la tranche dacircge la moins repreacutesenteacutee en 1971 avec un pourcentage de 9 tandis que

les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 eacutetaient les plus nombreuses avec une part de 19 pour cette

mecircme anneacutee Les personnes acircgeacutees de 15 agrave 24 ans ont maintenu leur repreacutesentativiteacute jusquen

1981 et leur part a chuteacute agrave 12 en 1991 Pour cette mecircme anneacutee 1991 le groupe des 25-34 ans

repreacutesentait 21 de larrondissement Parallegravelement la structure par acircge de la population est de

plus en plus vieillissante

Bref Rosemont-Petite-Patrie est un territoire qui possegravede un tissu urbain et social plus

heacuteteacuterogegravene Il comprend des quartiers diffeacuterents ainsi quune population qui preacutesente un profil

diffeacuterent de celui du Plateau Mont-Royal Le statut eacuteconomique de la population reacutesidente de

larrondissement est moins aiseacute comparativement agrave celui de la population du Plateau Mont-

101

Royal et sa structure par acircge est plus vieillissante Cela se reflegravete dans la dynamique

commerciale du quartier Les principales rues de la Petite Patrie sont Beaubien Jean-Talon la

Plaza Saint-Hubert et Masson plus agrave lest Le nombre despaces publics et de lieux de sociabiliteacute

qui conjuguent une centraliteacute reacutegionale au sens large et local est plus important que sur le

Plateau On peut penser au Jardin botanique agrave la Plaza Saint-Hubert au Golf au parc

Maisonneuve et au Marcheacute Jean-Talon qui attire non seulement les reacutesidents mais aussi des

touristes Comme nous lavons mentionneacute plus haut limage de ce territoire est plutocirct confuse

Pourtant lideacutee de vie de quartier et despace public est tregraves preacutesente dans le discours des

deacutecideurs et planificateurs publics et dans les meacutedias en ce qui concerne le Marcheacute Jean-Talon

laquo Une vraie vie de quartier anime depuis toujours Rosemont-La Petite-Patrie

Larrondissement avec ses partenaires en deacuteveloppement communautaire en

culture en loisir et en sport est au cœur de ces activiteacutes qui faccedilonnent et

ameacuteliorent quotidiennement la qualiteacute de vie des citoyens et des familles

dici (Ville de Montreacuteal 2006) raquo

En ce qui concerne le lien social et la proximiteacute des reacuteseaux sociaux une eacutetude effectueacutee

par Dandurand et Romaine Ouellette (1992) a montreacute que la sociabiliteacute sapparentait au cas

typique des classes moyennes Les reacutesultats de cette enquecircte effectueacutee aupregraves de familles nous

laissent deviner que lenquecircte sest deacuterouleacutee principalement dans la partie situeacutee dans lest de cet

arrondissement On peut se demander ce quil en est pour le secteur de la Petite-Patrie et plus

speacutecifiquement en ce qui concerne la sociabiliteacute des jeunes adultes qui habitent seuls Cette

partie de larrondissement correspond agrave un contexte reacutesidentiel qui offre une dynamique

diffeacuterente de celle du Plateau Mont-Royal moins brancheacutee et speacutecialiseacutee pour cette cateacutegorie

dacircge en ce qui a trait aux lieux de sociabiliteacute de consommation et de sorties Agrave cet effet on

peut se questionner sur leurs pratiques de sociabiliteacute et leur rapport avec ces espaces publics qui

font lobjet deacuteventuels projets de reacuteameacutenagement mais aussi en voie de gentrification

102

CHAPITRE VII

MEacuteTHODE DENQUEcircTE

Deacutemarche outils eacutechantillon et analyse

Afin de voir dans quelle mesure les jeunes solos entretiennent un rapport de sociabiliteacute

avec leur quartier dans leur vie quotidienne nous avons dresseacute un portrait de leur parcours

geacuteographique et biographique reacutesidentiel preacutesenteacute un portrait de leurs reacuteseaux sociaux et

examineacute les rapports entretenus avec leur quartier et les lieux de sociabiliteacute qui sy trouvent

Pour ce faire nous avons utiliseacute la meacutethode et les outils denquecircte conccedilus par notre eacutequipe de

recherche Cette recherche est coordonneacutee par Johanne Charbonneau et les chercheurs Annick

Germain et Marc Molgat y participent Elle vise agrave documenter et agrave analyser les modes de vie et

les pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent

seules selon diverses eacutechelles spatiales et espaces relationnels comme le voisinage les lieux de

sociabiliteacute le quartier les reacuteseaux sociaux et les milieux associatifs Dans ce qui suit nous

preacutesenterons briegravevement les principaux objectifs de ce projet ainsi que la strateacutegie

meacutethodologique qui a servi agrave reacutealiser les premiegraveres analyses de ce grand projet qui ont permis agrave

nos questionnements sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier dans

la vie sociale et quotidienne des jeunes adultes qui habitent seuls

103

71 DESCRIPTION ET MEacuteTHODOLOGIE DU PROJET DE RECHERCHE Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social (Charbonneau et al)

Lenquecircte Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien social vise agrave

documenter et agrave analyser les activiteacutes de la vie quotidienne de diffeacuterentes cateacutegories de

personnes qui habitent seules et leurs pratiques de sociabiliteacute et de solidariteacute agrave travers plusieurs

eacutechelles spatiales comme le voisinage le quartier et la ville mais aussi agrave travers dautres sphegraveres

de la vie sociale comme la participation associative et les pratiques de solidariteacute priveacutees et

collectives Notre projet de recherche sarticule autour de deux principaux questionnements

laquo[ le premier porte sur la croissance notable du nombre de meacutenages seuls en milieu urbain

ses significations et impacts sur le tissu urbain le second interroge ce mode de vie en termes de

transformation du lien social caracteacuteristique dun contexte meacutetropolitain (au sens de Simmel

1990) ougrave preacutevaut un processus dindividuationraquo (Charbonneau Germain et Mogat description

du projet)

Cette enquecircte nous a permis dexaminer les conseacutequences de cette tendance agrave habiter seul pour

lindividu et la collectiviteacute et deacuteclairer les impacts que ces modes de vie pourraient occasionner

sur la gestion des eacutequipements collectifs et la planification des espaces publics De plus leacutequipe

sest inteacuteresseacutee aux couples sans enfants qui habitent dans les mecircmes arrondissements agrave leacutetude

afin de confronter agrave titre de comparaison leurs modes de vie agrave ceux des personnes qui habitent

seulesll

11 Par ailleurs les donneacutees se rattachant agrave ce groupe controcircle nont pas eacuteteacute pris en compte dans les objectifs et lanalyse des reacutesultats de ce meacutemoire

104

72 LAPPROCHE MEacuteTHODOLOGIQUE

La deacutemarche meacutethodologique du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et

transformation du lien social et notre projet sur le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux des

jeunes adultes est agrave la fois qualitative et quantitative La nature qualitative de la strateacutegie

meacutethodologique est inspireacutee de la theacuteorisation ancreacutee Selon Laperriegravere (1997) Glaser et Strauss

(1967) cette deacutemarche est scientifiquement approprieacutee pour notre type dobjet sociologique

Selon cette approche il sagit de constituer un eacutechantillon de deacutepart de faccedilon tregraves ouverte La

diversiteacute et lexemplariteacute sont les principes qui doivent le caracteacuteriser Certaines variables jugeacutees

essentielles peuvent toutefois le stratifier Nous avons retenu la repreacutesentation de certains types

de meacutenages seuls et le lieu de reacutesidence La diversiteacute des caracteacuteristiques des personnes

rencontreacutees telle que le genre lacircge et le statut socioeacuteconomique a aussi eacuteteacute consideacutereacutee pour

stratifier notre eacutechantillon

La meacutethode de lenquecircte a reposeacute sur la reacutealisation dentretiens maIS aUSSI sur

ladministration dun questionnaire pour faire un portrait du reacuteseau social en utilisant un

geacuteneacuterateur de noms par contexte Cette strateacutegie meacutethodologique laquomixteraquo (qualitative et

quantitative) a servi agrave reacutepondre agrave nos questionnements sur les relations sociales dans lespace de

proximiteacute ainsi que sur les caracteacuteristiques sociales des membres des reacuteseaux sociaux et

lintensiteacute des liens entretenus

Nous avons recueilli des donneacutees laquofactuellesraquo et des donneacutees dentretien qui ont servi

dune part agrave examiner la composition et la localisation spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes et dautre part agrave dresser le portrait des parcours reacutesidentiels de mecircme que les usages et

aspects de leur vie dans leur logement et dans leur quartier

Les donneacutees factuelles renvoient aux informations sociodeacutemographiques et socio-

eacuteconomiques aux informations sur les trajectoires reacutesidentielles (deacutemeacutenagements types de

logements habiteacutes composition du meacutenage agrave travers le temps) ainsi quau portrait du reacuteseau

social et des lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes par les personnes interrogeacutees Cette meacutethode

quantitative qui a servi entre autres agrave recueillir linformation sur le reacuteseau social fut compleacuteteacutee

105

par une meacutethode qualitative au moyen dun guide dentrevue semi-dirigeacutee dougrave le caractegravere

mixte de notre strateacutegie meacutethodologique

73 LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEacuteES

Les entretiens se sont deacuterouleacutes en deux parties Il sagissait dabord de questionner nos

jeunes solos sur leurs caracteacuteristiques deacutemographiques socio-eacuteconomiques et conjugales et de

faire un portrait de leur histoire reacutesidentielle et de leur reacuteseau social Ensuite nous avons

compleacuteteacute la collecte de ces donneacutees en effectuant une entrevue proprement dite Dans ce qui

suit nous preacutesenterons les principaux eacuteleacutements qui ont constitueacute les outils denquecircte utiliseacutes par

notre eacutequipe et qui ont eacuteteacute pertinents pour reacutealiser ce meacutemoire

Le calendrier reacutesidentiel

Ce premier outil a servi agrave faire un portrait de lhistoire reacutesidentielle de la personne

rencontreacutee agrave laide dune grille de laquocalendrier reacutesidentiel raquo Il a pris la forme dune grille

composeacutee de quatre colonnes intituleacutees anneacutee lieu de reacutesidence (rue quartier ville) type de

logement (grandeur eacutedifice statut proprieacutetaire ou locataire) et composition du meacutenage Cet outil

a permis de situer le parcours reacutesidentiel de la personne Pour mon projet le calendrier

reacutesidentiel a servi entre autres agrave voir si les jeunes adultes eacutetaient mobiles et sils avaient deacutejagrave

habiteacute seuls ou avec dautres personnes depuis le deacutepart du foyer familial Les informations

recueillies agrave cette eacutetape ont eacuteteacute lors de lanalyse croiseacutees aux donneacutees dentretien De cette

faccedilon nous avons eacuteteacute en mesure deacutetablir les successions deacutevegravenements et de les faire

correspondre agrave la dynamique relationnelle et agrave la trajectoire de vie des jeunes adultes (les

eacutevegravenements de la vie familiale les raisons et les circonstances qui ont conduit la personne agrave

habiter seule) Enfin nous avons pu voir si le fait dhabiter seul pour les jeunes adultes

correspondait agrave une peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ou dun choix et dun mode vie

quils envisagent dadopter agrave lavenir

106

Pour le reacuteseau social Le geacuteneacuterateur de noms par contexte

Pour dresser le portrait du reacuteseau social de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qUl

habitent seules nous avons utiliseacute un questionnaire qui est en fait un geacuteneacuterateur de noms par

contexte Cet outil vise agrave faire de faccedilon systeacutematique un portrait du reacuteseau social de la personne

agrave partir de diffeacuterents contextes de vie comme le travail ou les loisirs agrave partir desquels certaines

relations sociales peuvent se deacutevelopper Cet outil a eacuteteacute deacuteveloppeacute par Claire Bidart chercheurmiddot

du Laboratoire danalyses secondaire et de meacutethodes appliqueacutees agrave la sociologie (LASMAS)

dans les anneacutees 1990 puis repris par des chercheurs queacutebeacutecois Johanne Charbonneau et Sylvain

Bourdon pour effectuer des enquecirctes au Queacutebec (Franke 2005) La deacutemarche vise agrave comprendre

et agrave eacutetablir un portrait complet du reacuteseau significatif de la personne en reacutefeacuterence agrave des contextes

de vie preacutedeacutefinis selon le sujet agrave leacutetude et leur pertinence (Franke 2005) Elle deacutebute par une

premiegravere question inspireacutee de celles de Wellman (1979) et de Mc Callister et Fischer (op cit)

qui visait agrave repeacuterer les personnes consideacutereacutees plus proches ou avec qui on discute de choses

importantes (Franke 2005) Ensuite il sagit didentifier les autres personnes avec qui ils

entretiennent une relation distincte de ses contacts avec dautres dans diffeacuterents contextes de vie

actuels et passeacutes (Franke 2005)

Le geacuteneacuterateur de noms permet de deacutegager des caracteacuteristiques du reacuteseau comme la taille

les caracteacuteristiques sociales et le lieu de reacutesidence des membres du reacuteseau les circonstances de

rencontre la dureacutee et la qualiteacute des liens la capaciteacute de soutien que peut apporter le reacuteseau agrave la

personne et les types dactiviteacutes pratiqueacutees

Lensemble des informations recueillies au moyen de ce questionnaire a donc servi agrave

deacutegager les formes de reacuteseau social dans le groupe des jeunes adultes acircgeacutes de 25 agrave 35 ans

De cette faccedilon nous avons dresseacute un portrait synthegravese des reacuteseaux sociaux des jeunes

adultes Les questions qui concernaient les caracteacuteristiques des liens et des lieux de reacutesidence

des membres des reacuteseaux ont eacuteteacute centrales dans le cadre de ce projet En effet elles nous ont

permis de situer approximativement dans lespace lensemble des membres du reacuteseau social

Lobjectif eacutetait de savoir si les personnes qui composaient le reacuteseau social au moment de

107

lentrevue habitaient dans le mecircme quartier le mecircme immeuble la mecircme rue le mecircme

arrondissement la mecircme ville ou le mecircme pays que la personne interrogeacutee Nous avons aussi

eacutevalueacute la distance spatiale agrave partir du lieu de reacutesidence nommeacute de chacune des personnes citeacutees

dans les reacuteseaux sociaux pour mesurer le degreacute de proximiteacute des lieux de reacutesidences des

membres du reacuteseau social par rapport agrave celui de la personne interrogeacutee Les autres questions

nous ont permis dexaminer les caracteacuteristiques des liens et des membres du reacuteseau de mecircme

que la freacutequence des contacts selon leur lieu de reacutesidence Nous avons identifieacute eacutegalement

quelles sont les personnes les plus significatives (le noyau) dans le reacuteseau et les autres personnes

avec lesquelles nos reacutepondants sont en relation en fonction des contextes de vie actuels et passeacutes

auxquels elles sont associeacutees

Les questions relatives agrave la proximiteacute spatiale agrave la force des liens et agrave lentraide du

reacuteseau ont eacuteteacute les eacuteleacutements qui ont servi principalement agrave reacutepondre agrave notre questionnement

concernant le deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux Nous avons pu ainsi voir la structure et

linscription spatiale du reacuteseau social des jeunes adultes qui habitent seuls dans lespace urbain

Lentretien

Lensemble des questions a servi agrave reacutepondre agrave nos propres questionnements sur le

deacuteploiement spatial des reacuteseaux sociaux et plus particuliegraverement en ce qui concerne les motifs

du choix du quartier les caracteacuteristiques du logement et du quartier la vie dans le logement la

vie dans le quartier les temps libres passeacutes dans le quartier et ailleurs que dans le quartier Les

questions sur les relations de voisinage les lieux de sociabiliteacute freacutequenteacutes la proximiteacute et la

distance geacuteographique de la famille ou des amis la perception du voisinage et du quartier ont

eacuteteacute particuliegraverement pertinentes dans le cadre de notre projet de recherche De plus la partie

concernant la vie dans le quartier a eacuteteacute inteacuteressante pour nous car il sagissait entre autres de

situer et didentifier sur une carte de larrondissement les secteurs et les endroits les plus souvent

freacutequenteacutes dans le quartier de la personne mais aussi de situer le lieu de reacutesidence des personnes

du reacuteseau social qui habitent dans le mecircme secteur De cette faccedilon nous avons pu obtenir une

ideacutee plus preacutecise de la distance des membres du reacuteseau qui habitent dans le mecircme quartier et de

son influence sur la vie quotidienne et sociale Cette section et celle concernant les relations de

voisinage nous ont permis aussi de saisir le rocircle du quartier dans la vie sociale des jeunes

108

adultes qui habitent seuls comparativement aux autres utilisations quils peuvent faire de leur

quartier

Enfin les questions relatives aux intentions futures dhabiter seul nous ont permis de

compleacuteter linfom1ation du calendrier reacutesidentiel et de voir dans quelle mesure le fait dhabiter

seul est lieacute agrave une peacuteriode du cycle de vie ou agrave un objectif en soi dans les anneacutees agrave venir

74 LES PERSONNES RENCONTREacuteES

Dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute Mode de vie et transformation du lien

social 55 entretiens ont eacuteteacute reacutealiseacutes dont 29 aupregraves de personnes reacutesidant dans larrondissement

du Plateau Mont-Royal (PMR) et 26 entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves de personnes reacutesidant

dans celui de Rosemont-Petite-Patrie (RPP) Les entrevues ont eacuteteacute reacutealiseacutees aupregraves deux

principales cateacutegories de personnes acircgeacutees entre 20 et 65 ans qui habitent seules depuis au

minimum deux ans les personnes ayant toujours veacutecu seules ou pendant une peacuteriode

significative de leur vie depuis le deacutepart de chez leurs parents et les personnes habitant seules agrave

la suite dune rupture conjugale ou dautres circonstances comme la fin dune colocation le

deacutepart des enfants ou une migration pour un emploi agrave Montreacuteal

Nous avons effectueacute (16) entretiens aupregraves de personnes acircgeacutees de 35 ans et moins mais

nous avons aussi reacutealiseacute des entrevues aupregraves des deux autres cateacutegories dacircge afin de pouvoir

effectuer une comparaison Agrave cet effet nous avons seacutelectionneacute 35 entrevues

Le recrutement

Afin de recruter les personnes qui ont eacuteteacute interrogeacutees et dassurer une diversiteacute dans les

situations eacutetudieacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute notre eacutequipe a suivi les

meacutethodes suivantes 1) seacutelectionner les secteurs de recensement qui preacutesentaient les plus

fortes proportions de personnes qui habitent seules et proceacuteder par envoi de lettres 2) recruter

des personnes dans des lieux et eacutequipements publics ou dautres lieux susceptibles decirctre

freacutequenteacutes par ces personnes au moyen daffiches ou de contacts avec les proprieacutetaires des lieux

3) utiliser la meacutethode dite boule de neige (Atkinson et Flint 2001 Biemacki et Waldrof

109

1981) pour repeacuterer des connaissances ou des voisins des personnes deacutejagrave intervieweacutees raquo 4) Faire

des annonces sur les sites Internet et les journaux des arrondissements

Ces meacutethodes de recrutement furent utiliseacutees parallegravelement et ajusteacutees selon les taux de

reacuteponses et de participation Le recrutement des personnes dans les lieux publics et la meacutethode

laquoboule de neigeraquo ont eacuteteacute les strateacutegies que nous avons privileacutegieacutees au deacutebut de lenquecircte

Toutefois laffichage de petites annonces agrave linteacuterieur de divers lieux de sociabiliteacute et de

commoditeacute sest aveacutereacute plus fructueux

Le recrutement a constitueacute la plus grande difficulteacute de notre enquecircte car nous avons ducirc

trouver et convaincre les gens de nous accorder volontairement environ deux agrave trois heures de

leur temps libre pour participer agrave lenquecircte Contrairement agrave plusieurs enquecirctes de nature

qualitative notre population agrave leacutetude nest pas neacutecessairement inscrite dans un lieu preacutecis

comme une eacutecole un HLM une association pour tous les types de personnes qui habitent seules

ou un foyer Ces personnes ont des caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques deacutemographiques

diversifieacutees et leur situation est difficilement repeacuterable dans un espace preacutecis et speacutecialiseacute Cest

dailleurs pour cette raison que notre eacutechantillon preacutesente quelques limites concernant

leacutequilibre entre les genres et les profils socio-eacuteconomiques

De plus ces meacutethodes ne sont pas sans biais La meacutethode laquo boule de neigeraquo risquait de

produire un effet de laquoreacuteseauraquo12 En ce qui concerne la meacutethode qui vise agrave recruter des

personnes dans des lieux publics ou dautres lieux susceptibles decirctre freacutequenteacutes par ces

personnes nous avons fait agrave la fois des approches aupregraves de certains clients dans les cafeacutes par

exemple mais aussi aupregraves demployeacutes afin quils puissent faire le pont entre nous et certaines

personnes qui correspondaient agrave nos critegraveres Cette meacutethode nous a permis de recruter un petit

nombre de personnes

12 Ce qui nest pas souhaitable dans le cadre dune enquecircte sur les reacuteseaux

110

Les personnes rencontreacutees caracteacuteristiques sociales

Nous avons ainsi seacutelectionneacute selon le critegravere de lacircge 16 des 49 entrevues que nous

avons reacutealiseacutees dans le cadre du projet Habiter seul vivre isoleacute La plupart des personnes qui

ont participeacute agrave lenquecircte ont eacuteteacute recruteacutees au moyen daffiches installeacutees dans diffeacuterents

commerces des quartiers agrave leacutetude La diffusion du projet agrave linteacuterieur de reacuteseaux de

connaissances et de personnes deacutejagrave interrogeacutees a aussi permis de trouver quelques volontaires

Contrairement agrave nos attentes cette meacutethode sest aveacutereacutee la moins efficace Nous avons obtenu

un entretien dune dureacutee pouvant varier entre 2 et 3 heures aupregraves de 6 personnes qui habitent

dans larrondissement de Rosemont Petite-Patrie et Il reacutesidents dans celui du Plateau Mont-

Royal Au total 5 sont des hommes et 12 des femmes Le tableau 71 reacutesume la composition de

notre eacutechantillon

Tableau 71 - Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon le lieu de reacutesidence et le genre

Quartier Genre N Femme 8

Plateau Mont-Royal Homme 3 Total 11

Rosemont-Petite-Patrie Femme 3 Homme 2 Total 6

Total Femme 11 Homme 5 Total 16

La moitieacute des jeunes solos rencontreacutes sont originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de

Montreacuteal (8) 5 dun autre pays une provient dune autre reacutegion que Montreacuteal et une dune autre

province Ils occupent presque tous un emploi agrave temps plein (11) quatre sont eacutetudiants et une est

finissante agrave la recherche dun emploi Ils travaillent ou eacutetudient dans des professions rattacheacutees agrave

la nouvelle eacuteconomie et agrave la scegravene communautaire et des services sociaux Ils occupent des

emplois dans le domaine des communications comme journaliste ou reacutedacteur et eacutetudient dans

le domaine des sciences sociales et de la gestion Ils ont tous atteint un niveau de scolariteacute

111

universitaire agrave lexception dune personne qui a un DEC13 Les revenus sont modestes et varient

entre 49 000 et moins de 20 000 $ agrave lexception dune personne qui avait des revenus supeacuterieurs

agrave lensemble des reacutepondants Leur situation socio-eacuteconomique rejoint celle de lensemble des

solos qui habitent sur licircle de Montreacuteal Elle peut aussi sexpliquer par le statut deacutetudiant que

certains deacutetiennent par la nature et le domaine demploi quils occupent et par leur faible

ancienneteacute sur le marcheacute du travail Le tableau 72 reacutesume lensemble de leurs caracteacuteristiques

Tableau 72- Distribution des jeunes adultes rencontreacutes selon leurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques

Quartier Personne rencontreacutee

Lieu dorigine Occupation et domaine emploi

Cateacutegorie de revenu

Niveau de scolariteacute atteint

Plateau Mont-Royal

PF01 PF02 PF03

France Montreacuteal France

Travail de bureau Eacutetudiante Communication

30 000$ agrave 39 000$ Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Baccalaureacuteat Maicirctrise Maicirctrise

PF09 Montreacuteal Communication 30 000$ agrave 39 000$ Maicirctrise PF10 Montreacuteal Communication 40 000$ agrave 49 000$ Maicirctrise PF11

PF14

Ontario

Montreacuteal

Transport et services Finissante

30 000$ agrave 39 000$

20 000$ agrave 29 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise PF15

PH01 PH02

PH04

Montreacuteal

Queacutebec

Montreacuteal

France

Organisation communautaire Professionnel Communication

Gestionnaire

20 000$ agrave 29 000$

30 000$ agrave 39 000$ 40 000$ agrave 49 000$

Plus de 49 000$

Baccalaureacuteat

Maicirctrise Certificat universitaire Doctorat

Rosemont-Petite-Patrie

RF01 RF07

RF11 RH01 RH06

Montreacuteal

Montreacuteal

Outaouais France France

Eacutetudiante Eacuteducatrice

Communication Eacutetudiant Eacutetudiant

Moins de 20 000$ 30 000$ agrave 39 000$

Moins de 20 000$ Moins de 20 000$ Moins de 20 000$

Maicirctrise Coeacutegial professionnel Baccalaureacuteat Doctorat Baccalaureacuteat

13 Cette personne envisage de retourner aux eacutetudes au baccalaureacuteat

112

La tregraves grande majoriteacute des reacutepondants est ceacutelibataire (1416) cest-agrave-dire quils ne sont

pas engageacutes avec une autre personne de faccedilon amoureuse et stable Dans lensemble le profil

des reacutepondants qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal rejoint celui de la population de cet

arrondissement cest-agrave-dire fortement scolariseacute et travaillant dans des secteurs demploi

qualifieacutes et professionnels Pour Rosemont Petite-Patrie les personnes rencontreacutees ont des

revenus qui rejoignent la moyenne de larrondissement mais demeurent nettement plus

scolariseacutees que lensemble de la population de cet arrondissement Bien que nos reacutepondants

interrogeacutes sur ces deux territoires aient plusieurs caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques communes

il sera inteacuteressant de voir en quoi ils se distinguent dans leur mode dhabiter seul et en ce qui

concerne le rapport quils entretiennent avec leur quartier puisque Comme nous lavons vu plus

haut les quartiers ougrave ils habitent renvoient agrave des dynamiques spatiales et des populations

diffeacuterentes

75 ANALYSE DES DONNEacuteES

Dabord les donneacutees recueillies agrave laide du calendrier ont eacuteteacute saisies dans le logiciel

SPSS et croiseacutees avec les questions relatives aux circonstances qui ont conduit les personnes agrave

habiter seules et aux intentions futures dhabiter seul dans le guide dentrevue Ensuite les

donneacutees reacutecolteacutees avec le geacuteneacuterateur de nom par contexte ont aussi eacuteteacute saisies et analyseacutees au

moyen du logiciel SPSS Ces donneacutees statistiques ont eacuteteacute analyseacutees de faccedilon compleacutementaire

avec les donneacutees des entretiens En ce qui a trait aux entrevues elles ont eacuteteacute analyseacutees au moyen

dune grille theacutematique Les analyses effectueacutees aupregraves de jeunes adultes et de leurs homologues

plus acircgeacutes sont les premiegraveres analyses reacutealiseacutees au sein du projet Habiter seul Nous avons aussi

collaboreacute avec dautres membres de leacutequipe agrave titre de deuxiegraveme auteure et de collaborateur agrave la

reacutealisation de dautres analyses sur le rapport au quartier aupregraves de ces mecircmes groupes dacircge

Nous utiliserons donc les analyses de Molgat et V eacutezina (2007) et de Germain et al (2005b) afin

de compleacuteter celles de la preacutesente eacutetude Dans le prochain chapitre et les suivants nous

preacutesenterons les reacutesultats de lanalyse des donneacutees proprement dites Lanalyse a consisteacute dune

part agrave examiner chacune des entrevues reacutealiseacutees et les donneacutees quantitatives qui sy rapportaient

dans le but de deacutegager des cas types Lexamen sest effectueacute agrave partir des thegravemes relatifs agrave notre

113

question de recherche et de notre scheacutema dentrevue Ensuite nous avons examineacute si ces types

se rattachaient speacutecifiquement agrave lun et agrave lautre des arrondissements agrave leacutetude (PMR et RPP)

En somme nous avons vu que notre projet de recherche sur le deacuteploiement spatial des

reacuteseaux sociaux et le rapport au quartier des jeunes adultes qui habitent seuls sinscrit dans une

enquecircte de plus grande envergure Celle-ci porte sur les modes de vie et les pratiques de

sociabiliteacute et de solidariteacute de diffeacuterentes cateacutegories de personnes qui habitent seules Notre

eacutequipe a opteacute pour une deacutemarche mixte Nous avons donc utiliseacute les outils eacutelaboreacutes par notre

eacutequipe de recherche tels que le calendrier reacutesidentiel le geacuteneacuterateur de noms par contexte et

enfin le guide dentretien semi-dirigeacute pour reacutepondre agrave notre questionnement sur le deacuteploiement

spatial des reacuteseaux sociaux chez les jeunes adultes qui habitent seuls et la place quoccupe le

quartier constitue dans leurs relations sociales Ces outils ont permis de recueillir une grande

quantiteacute dinformations pertinentes dans le cadre dune analyse des reacuteseaux sociaux et de la

sociabiliteacute des jeunes adultes

114

CHAPITRE VIII - REacute SUL TATS

Preacutesentation des trajectoires reacutesidentielles le rapport au quartier et les reacuteseaux sociaux

Ce chapitre se deacutecompose en trois parties en lien avec les trois objectifs de lenquecircte La

premiegravere concerne plus speacutecifiquement les parcours biographiques et geacuteographiques Il sera

question de la trajectoire reacutesidentielle de nos reacutepondants agrave travers le temps et lespace et dune

bregraveve description du type de logement quils habitent des raisons et des circonstances qui les a

conduits agrave habiter seul et ce qui a motiveacute le choix de leur logement et de leur quartier La

seconde partie sinteacuteresse au rapport au quartier Nous examinerons les dimensions

symboliques fonctionnelles sociales et politiques quils entretiennent avec leur quartier agrave partir

des lieux freacutequenteacutes dans leur temps libre et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral Enfin la

troisiegraveme partie dresse un portrait de leur reacuteseau social en se penchant plus speacutecifiquement sur

linscription reacutesidentielle des membres dans lespace

81 LIEUX DE REacuteSIDENCE ET TRAJECTOIRES REacuteSIDENTIELLES

Chaque parcours et trajectoire de vie est unique en soi et renvoie agrave des eacutevegravenements et

des situations diffeacuterentes pour chacun des reacutepondants rencontreacutes Les parcours reacutesidentiels

doivent ecirctre nuanceacutes en ce qui a trait au choix du logement du quartier et des circonstances qui

les ont meneacutes agrave habiter seul dans le logement quils occupaient au moment de lentrevue Dans

ce qui suit nous preacutesenterons dabord de faccedilon descriptive leur parcours reacutesidentiel en tant que

tel Ensuite il sera question des raisons et des circonstances qui les ont meneacutees agrave habiter seules

dans le logement quils habitaient lorsque nous les avons rencontreacutes et du rapport quils

entretiennent avec leur logement

115

Caracteacuteristiques reacutesidentielles

Dabord comme lillustre le tableau 81 les jeunes solos sont relativement mobiles

comparativement agrave leurs homologues plus acircgeacutes Le nombre total de leurs deacutemeacutenagements depuis

le deacutepart du foyer familial peut atteindre 14 fois la moyenne est de six Cela correspond agrave un

deacutemeacutenagement par deux anneacutees et demie ce qui repreacutesente une freacutequence de mobiliteacute plus

eacuteleveacutee par rapport agrave lensemble des solos rencontreacutes et aux autres groupes plus acircgeacutes

Tableau 81 - Nombre moyen de deacutemeacutenagement par individu depuis le deacutepart du foyer familial

Groupe Moins 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge de 35

ans Freacutequence en anneacutee 25 28 33 29

Nombre total (78) (110) (214) (402) Traitement reacutealiseacute par Marie Langevin

Lacircge de la deacutecohabitation familiale pour aller vivre en pensionnat ou en logement varie

de 15 agrave 26 ans ce qui correspond agrave des deacuteparts qui sont agrave la fois preacutecoces et tardifs Lacircge

moyen du deacutepart du foyer familial est de 18 ans alors que lacircge moyen du deacutepart du foyer

familial pour lensemble des reacutepondants est de 20 ans Si nous laissons de cocircteacute les constats

geacuteneacuteraux sur les deacuteplacements moyens nous remarquons lorsque nous examinons chacune des

trajectoires deux principales figures de migrants laquole seacutedentaireraquo et laquole nomade raquo Le

seacutedentaire renvoie aux personnes qui ont un parcours relativement stable en matiegravere de mobiliteacute

reacutesidentielle depuis de deacutepart du foyer parental tandis que le laquonomaderaquo correspond aux

personnes qui ont deacutemeacutenageacute plusieurs fois agrave des intervalles de courtes dureacutees (1 an ou deux)

116

En ce qui a trait au logement ils sont majoritairement locataires (1316) et un petit

nombre (3) sont des coproprieacutetaires ou laquo petits proprieacutetairesraquo dans larrondissement PMRI4bull En

geacuteneacuteral ils habitent dans des logements de petite et de moyenne taille En effet comme il

apparaicirct sur la figure 81 plus de la moitieacute (11) habitent dans des logements de 3 agrave 4 piegraveces trois

habitent un logement de grandeur 2 et deux de grandeur 5 Cela sexplique en autre par le

nombre moyen de piegraveces par logement offertes sur le marcheacute reacutesidentiel des arrondissements du

Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie qui ont respectivement un nombre moyen de

piegraveces de 45 et 47

Tableau 82- Caracteacuteristiques reacutesidentielles des jeunes adultes

Figure 81 - Distribution des reacutepondants Caracteacuteristiques Jeunes adultes selon la taille du logement occupeacute au 16 (N)

moment de lentrevue Mode doccupation du logement

Locataire 13 Proprieacutetaire 3

Mobiliteacute reacutesidentielle

Reacutepondants ayant 11 deacutemeacutenageacute au cours des cinq derniegraveres

z 212 312 412 512 anneacutees

25 Nombre de piegraveces du logement Freacutequence moyenne

des deacutemeacutenagements en anneacutee

Taille moyenne des 39 logements occupeacutes par individu

Ces caracteacuteristiques reacutesidentielles concernant le mode doccupation et la taille du

logement habiteacute chez les jeunes solos ne se distinguent pas de celles des autres groupes dacircge

rencontreacutes de mecircme que des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal pour lanneacutee

2001 Cest-agrave-dire quils sont mobiles dans lespace majoritairement ceacutelibataires et locataires de

logement de petite et de moyenne taille Ces caracteacuteristiques sont preacutesenteacutees au tableau 82

14 Nous avons rencontreacute une personne qui habite dans une coopeacuterative dhabitation et deux autres qui ont fait lachat dune maison avec une autre personne Par ailleurs elles y vivent seules

III

l7 n~s 1middot -g 6 Il 5 sect 4 ~3 III tI 2 ~ 1 E 0 o

118

Bien que chaque parcours qui a preacuteceacutedeacute lendroit ougrave ils habitaient au moment de

lentrevue soit unique en soi nous avons examineacute les trajets geacuteographiques qui ont suivi le

deacutepart du foyer familial selon leur lieu dorigine Dans ce qui suit nous preacutesenterons les trajets

observeacutes selon la provenance des personnes rencontreacutees Cet examen nous permettra de voir

plus loin si la trajectoire reacutesidentielle constitue un facteur dans les types de deacuteploiement spatial

des reacuteseaux sociaux et du rapport de sociabiliteacute au quartier

Les Montreacutealais dorigine Nous pouvons distinguer un type de parcours chez les Montreacutealais de ce quon appelle

communeacutement laquola banlieueraquo vers des quartiers qui se rapprochent de plus en plus pregraves du

centre Certains ont suivi ce parcours mais ils ont voyageacute ou seacutejourneacute agrave lexteacuterieur du pays en

cours de route Les personnes rencontreacutees originaires de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal

(816) ont grandi dans les secteurs peacuteripheacuteriques du centre ou de ce que lon appelle plus

communeacutement la banlieue comme Laval Longueuil Pierrefonds et Dorval Lorsquils ont

quitteacute le domicile familial ils se sont dabord installeacutes dans des quartiers anciens situeacutes plus ou

moins pregraves du centre comme Hochelaga Maisonneuve et Villeray et se sont rapprocheacutes au fil du

temps de plus en plus vers des quartiers situeacutes pregraves du centre pour finalement aboutir dans un

quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-Patrie Bref les jeunes adultes originaires

de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal ont un parcours qui se reacutesume en gros agrave une trajectoire

laquo peacuteripheacuterie-centreraquo parfois entrecoupeacutee de seacutejours agrave leacutetranger

Autre reacutegion urbaine Les jeunes adultes qui proviennent dune autre reacutegion meacutetropolitaine que Montreacuteal comme

PHOI RFl1 et PF11 suivent eacutegalement cette logique dattractiviteacute et de graviteacute autour du centre

Ils sont issus de reacutegions situeacutees en peacuteripheacuterie des foyers urbains de Queacutebec Gatineau et

Toronto Ils ont migreacute agrave Montreacuteal pour sinstaller dans les quartiers qui sont situeacutes autour du

centre pour aboutir finalement dans un quartier du Plateau Mont-Royal et de Rosemont Petite-

Patrie Comme dans les parcours des Montreacutealais dorigine vus plus haut certains dentre eux

ont fait un seacutejour agrave lexteacuterieur du Queacutebec Pour illustrer lune des trajectoires de ces jeunes

migrants laquo interurbains raquo nous preacutesenterons le cas de PHO 1

119

Le cas de PHOl

PHOI est originaire dune banlieue de Queacutebec et il a quitteacute le domicile familial agrave lacircge

de 26 ans pour un voyage denviron un an dans lOuest canadien Il est revenu sinstaller dans le

centre historique de sa reacutegion dorigine Queacutebec puis dans larrondissement Cocircte-des-Neiges agrave

Montreacuteal pregraves de lUniversiteacute de Montreacuteal ougrave il a poursuivi des eacutetudes supeacuterieures Il a occupeacute

deux logements pendant moins de deux ans pour chacun deux dans larrondissement Cocircte-des-

Neiges-Notre-Dame-de-Gracircce pendant la dureacutee de ses eacutetudes Enfin il a obtenu un poste agrave

Montreacuteal et il sest installeacute au Plateau Mont-Royal ougrave il a occupeacute deux logements dans le mecircme

eacutedifice

Les Europeacuteens Enfin les Europeacuteens dorigine sont plus mobiles que lensemble des jeunes adultes

rencontreacutes Certains ont habiteacute des pensionnats ou des reacutesidences eacutetudiantes avant de sinstaller

dans un logement La plupart de leurs deacuteplacements se sont majoritairement effectueacutes en Europe

dans une logique interreacutegionale et mecircme internationale Lorsquils ont quitteacute le continent la

plupart dentre eux ont abouti directement sur le Plateau Mont-Royal ou agrave Rosemont Petite-

Patrie On constate aussi quil existe pour certains dentre eux des migrations entre le Plateau et

Rosemont Petite-Patrie

Bref malgreacute quaucune trajectoire ne soit identique on peut tout de mecircme deacutegager agrave

quelques exceptions pregraves deux caracteacuteristiques communes une attractiviteacute vers le centre et une

mobiliteacute laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial et ougrave ils

sont arriveacutes dans la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal On retrouve aussi cette speacutecificiteacute

urbaine chez les groupes dacircge plus acircgeacutes mais il reste que la trajectoire laquo urbaineraquo est plus

importante chez les jeunes adultes que chez les plus acircgeacutes En effet selon les analyses de ma

collegravegue Marie Langevin les deux tiers de notre eacutechantillon soit 32 personnes ont migreacute

seulement agrave linteacuterieur dagglomeacuterations urbaines et pregraves de la moitieacute dentre eux appartiennent

aux groupes des jeunes adultes (voir tableau 83 de la page suivante)

120

Tableau 83 - Type de trajectoire selon le groupe dacircge des personnes rencontreacutees

Groupe dacircge Total pour lensemble des personnes

rencontreacutees

Type de trajectoire Moins de 35 ans 36-50 ans 51-65 ans 20-64 ans

Urbaine 14 8 10 32

Urbain avec expeacuterience de la 2 5 10 17 peacuteripheacuterie et reacutegion

Peacuteripheacuterie ou reacutegion 0 1 0 1

Total 16 14 20 50

bull Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Bien que notre eacutechantillon soit relativement restreint lattractiviteacute vers le centre comme

speacutecificiteacute du groupe des jeunes adultes rejoint les reacutesultats denquecirctes reacutealiseacutees aupregraves de

jeunes Queacutebeacutecois que nous avons vu plus haut En effet non seulement la majoriteacute des jeunes

tendent agrave se concentrer dans les villes mais ils sont plus nombreux que les autres groupes dacircge

agrave choisir une localisation dans les centres urbains (Gauthier 2003 Charbonneau et Molgat

2003) Mecircme si les jeunes ont des trajectoires laquourbaines raquo rappelons toutefois que le fait

d habiter dans les villes nest pas seulement une particulariteacute propre agrave la jeunesse mais aussi de

la vie en solo Comme nous lavons vu plus haut les grandes villes canadiennes comme

Londres Paris et licircle de Manhattan agrave New York affichent de tregraves fortes proportions de

personnes qui habitent seules de mecircme que dans nos arrondissements agrave leacutetude

121

Pourquoi habiter seul

Mais pourquoi habiter seul et dans ces arrondissements de Montreacuteal Les raisons pour

lesquelles les personnes que nous avons rencontreacutees habitent seules et plus preacuteciseacutement agrave ces

endroits relegravevent de circonstances et de choix diffeacuterents pour chacune delles mais aussi des

tendances geacuteneacuterales caracteacuteristique de la jeunesse contemporaine Dans ce qui suit nous ferons

dabord un portrait qui preacutesente les peacuteriodes de vie en solo dans leur trajectoire ainsi que les

autres expeacuteriences passeacutees de cohabitation Nous identifierons les situations qui ont preacuteceacutedeacute

celle de la vie en solo agrave partir de leur calendrier reacutesidentiel Enfin nous nous pencherons sur les

motifs et les circonstances qui les ont meneacutes agrave habiter seuls de mecircme que sur la maniegravere dont

elles lont veacutecu mais en nous placcedilant cette fois-ci de leur point de vue

Les peacuteriodes de vie en solo et les autres expeacuteriences passeacutees

Dabord le nombre total danneacutees habiteacutees seules varie entre deux et quatorze ans et la moyenne

est de cinq anneacutees Le nombre danneacutees habiteacutees seules dans le logement actuel varie dune agrave six

anneacutees La plupart des reacutepondants (1016) ont veacutecu seuls depuis quatre ans et plus et six habitent

seuls depuis trois ans ou moins Comme lillustre le tableau 84 lorsque lon observe les autres

groupes dacircge on remarque que la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus augmente avec lacircge Pour les personnes acircgeacutees de 36 agrave 50 ans la dureacutee moyenne de vie

en solo dans leur trajectoire est de 63 anneacutees et pour les adultes vieillissants elle est de 132

Tableau 84 - Nombre moyen danneacutees veacutecues en solo dans les parcours biographiques

Groupe Moins de 35 36-50 ans 51-65 ans Total dacircge ans Nombre danneacutee 48 63 132 86 moyen de vie en solo Traitement reacutealiseacutee par Mane LangeVin

122

Les peacuteriodes de vie en solo sont dans plusieurs cas preacuteceacutedeacutees ou ponctueacutees par des

seacutequences de vie de couple ou de colocation On compte deux personnes qui ont veacutecu seules

sans interruption depuis le deacutepart du foyer familial Le tableau 85 illustre les seacutequences de vie

en solo de vie en couple et en colocation pour chaque personne rencontreacutee

Tableau 85 - Freacutequence des personnes rencontreacutees selon leurs expeacuteriences dhabiter dans leur trajectoire

Nb de reacutepondants 35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total (N) (N= 16) (N=14) (N=20) (N=50)

Colocation (N) 12 9 13 34

Vie conjugale (N)

7 9 15 31

Retour familial (N) 2 3 2 7

Comme lindique la figure 83 de la page suivante les trajectoires sont caracteacuteriseacutees par

diffeacuterentes expeacuteriences de vie en colocation ou en couple La colocation est lexpeacuterience de

cohabitation passeacutee la plus freacutequente En effet les trois quarts de nos jeunes adultes lont deacutejagrave

veacutecu dans le passeacute ce qui repreacutesente une freacutequence plus eacuteleveacutee par rapport aux autres groupes

dacircge En ce qui concerne lexpeacuterience de la vie conjugale on compte pregraves de la moitieacute de nos

reacutepondants (716) qui lont deacutejagrave veacutecue alors que chez les groupes les plus acircgeacutes cest plus des

deux tiers Bien quil sagisse dun pheacutenomegravene de plus en plus reacutepandu selon les analystes de

Statistique Canada (Beaupreacute et aL 2002) le retour au foyer familial est sous repreacutesenteacute dans les

trajectoires par rapport aux autres modes dhabiter et concerne seulement trois de nos jeunes

adultes

Fi~ure 83- Repreacutesentation des parcours bio~raphiQues des reacutepondants

PF01

PF02

PF03

PF09

PF10

PF11

- PF14 E ~ -CI)gt PF15 0 -l

C 1 PH01IV c -CI) C l

C PH02 CI)

-CI) c ccs

PH04

RF01

RFO

RH01

RH06

123

Leacutegende

bull Seul

o Couple

o Colocation

~ Famille

Pension ou lIIll reacutesidence

D 1 an

3 0 3 CD l-c CD

CD W

l -CD ltc CD

Temps Deacutepart du foyer familial 2005 (1 er 1986)

124

Le tableau 86 reacutesume les diffeacuterentes expeacuteriences de vie passeacutees qui ont dessineacute les

trajectoires des jeunes adultes et des adultes mucircrs et vieillissants

Tableau 86 - Dureacutee moyenne des expeacuteriences veacutecues dans les trajectoires

35 ans et moins 36-50 ans 51-65 ans Total

Colocation 24 33 31 29 (N) (14) (20) (30) (61 )

Vie conjugale 32 31 37 34 (N) (10) (15) (22) (47)

Retour familial 1 53 2 33 (N) (2) (3) (2) (7)

Vie en solo 48 63 132 86 (N) (16) (14) (20) (50) Traitement reacutealiseacute par Mane Langevin

Ces expeacuteriences et seacutequences passeacutees de vie en colocation de vie conjugale de retour

au foyer familial et de vie en solo constituent les parcours des jeunes adultes rencontreacutes et

sinscrivent dans les tendances de la jeunesse et du monde contemporain en matiegravere de parcours

familial En effet comme nous lavons vu plus haut les parcours de vie sont diversifieacutes et moins

lineacuteaires (Gaudet 2002 Maunaye 2004 Galland anneacutee inconnue Roulleau-Berger et Gauthier

(dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et le Bourdais 1995)

Leur histoire

On peut identifier trois principales situations qui ont preacuteceacutedeacute larriveacutee des jeunes adultes

dans leur logement la rupture conjugale le deacutepart du foyer familial agrave la suite dun court seacutejour

la fin dune colocation ou dun seacutejour au pensionnat et le deacutepart du foyer familial Comme

lillustre le tableau 87 de la page suivante on peut voir que contrairement aux autres reacutepondants

plus acircgeacutes les situations qui ont preacuteceacutedeacute la derniegravere seacutequence de vie en solo sont moins

diversifieacutees Par exemple parmi les parcours des jeunes adultes on ne retrouve pas de

cohabitation avec enfant avant Cela sexplique par leur acircge et le deacuteroulement de leur cycle de

vie de mecircme que le processus dentreacutee dans lacircge adulte

125

Tableau 87 - Distribution des situations qui ont preacuteceacutedeacutees la derniegravere seacutequence de laquo lhabiteacuteraquo en solo

Jeunes Adultes Adultes Ensemble des Situation preacuteceacutedente adultes mucircrs vieillissants reacutepondants

Foyer parentale 2 0 3 Colocation 9 6 6 21 PensionatlReacutesidence 2 0 0 2 Monoparentale 0 1 5 6 Fratrie 0 0 0 0 Couple 3 6 6 15 Conjoint et enfant(s) 0 0 Autre 0 2

Total (N~ 16 14 20 50 Compilation pour les adultes mucircrs et vieillissants Langevin 2006

Par ailleurs leacutevegravenement qui a preacuteceacutedeacute le deacutebut de leur vie en solo nexplique pas

lhistoire le contexte et lensemble des choix ou des circonstances qui les ont conduits agrave habiter

seul Dans ce qui suit nous tenterons dillustrer leacuteventail des raisons et des principaux

eacutevegravenements biographiques qui expliquent pourquoi les personnes que nous avons rencontreacutees

habitaient seules dans le logement quelles occupaient au moment de lentrevue Agrave cet effet

nous situerons dune part les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont conduits agrave deacutebuter leur vie en

solo (pas neacutecessairement dans le logement actuel) Dautre part nous preacutesenterons de leur point

de vue les raisons et les choix pour lesquels elles habitaient seules dans le logement quelles

occupaient au moment de lentrevue ainsi que la maniegravere dont elles ont veacutecu leur situation

Les eacutevegravenements deacuteclencheurs

La rupture

Il y a dabord les solos qui habitaient en couple avant de sinstaller seuls et pour qui la

rupture fut le principal eacuteleacutement deacuteclencheur dans leur parcours De plus mecircme si pour certaines

personnes rencontreacutees la situation qui a preacuteceacutedeacute celle de la vie en solo ne renvoie pas agrave une vie

conjugale il reste que pour une bonne partie dentre elles le fait de vivre seul relegraveve dune

seacuteparation amoureuse La vie en colocation ou le retour au foyer familial a eacuteteacute en quelque sorte

un moment tampon ou de transition avant de se laquo replacer raquo Cest le cas par exemple de RFO

126

qui a fait un court seacutejour au foyer familial avant de sinstaller dans un logement de faccedilon

indeacutependante de PF09 de PF03 et de RHOI qui ont veacutecu quelque temps dans une maison de

chambre ou en colocation entre la peacuteriode de vie commune et du deacutepart pour la vie en solo Les

extraits suivants illustrent ce type de parcours

Alors en septembre 2002 jai quitteacute le conjoint avec qui jeacutetais dans le quartier que j habitais [le Plateau] depuis 6 ans Et puis bon il a fallu que je retombe sur mes pieds euh mecircme dune faccedilon temporaire il fallait bien que je trouve une solution alors jai trouveacute une maison rue Saint-Denis [ ] [Centre-Sud) Euh pendant deux ans euh mais ceacutetait vraiment temporaire (PF09 Vie seule depuis 1 an et demi au Plateau Mont-Royal)

Euh ben jsuis venu lagrave pour les eacutetudes jsuis venu au Queacutebec pour les eacutetudes et puis euh ben disons jeacutetais avec ma copine on sest seacutepareacute et puis euh donc cest pour ccedila jai deacutemeacutenageacute [en colocation] et aujourdhui jhabite tout seulraquo (RH01 vit seul depuis deux ans agrave Rosemont Petite-Patrie)

Ok non non ben disons que jai ben la colocation disons que ceacutetait pratique Parce que je venais darriver agrave Montreacuteal et que jeacutetais un peu perdue Je me suis seacutepareacutee donc euh [ ] je savais pas si javais envie de vivre toute seule Jeacutetais pas precircte agrave ccedila non Parce que passer de couple agrave toute seule non je La colocation ceacutetait bien ceacutetait rassurant euh jeacutetais toujours dans le mecircme quartier aussi [ ] Oui javais envie de vivre seule apregraves oui ceacutetait un choix apregraves ceacutetait plus jamais la colocation euh jeacutetais assez forte en fait pour me dire enfin je vais vivre seule Cest vraiment ccedila Pour assumer ma vie de ceacutelibataire en vivant seule parce que tu peux ecirctre ceacutelibataire en vivant en colocation (Vis seule depuis deux ans au Plateau Mont-Royal PF03)

Pour PFI0 et PF14 la rupture amoureuse fut inattendue et cet eacutevegravenement mit fin agrave un projet

conjugal apregraves le deacutepart du foyer familial et dune cohabitation en colocation Le fait dhabiter

seul fut quelque chose qui sest imposeacute selon cette circonstance

Euh ben quand jeacutetais plus jeune je meacutetais tout le temps vue vivre seule et puis aussi je me voyais comme journaliste agrave la pige donc euh je voulais travailler chez moi Donc euh ceacutetait une ideacutee quejavais en tecircte Javais penseacute ameacutenager peut-ecirctre avec mon copain pis finalement ccedila fonctionnait pas Il eacutetait pas pregraves agrave ccedila donc euh [ ] ceacutetait pas vraiment par deacutepit ceacutetait tout agrave fait correct pi moi je trouvais ccedila excitant davoir mon appartement raquo (PFlO)

Ceacutetait temporaire Je pensais que ccedila allait durer un an parce que javais un chum dans ce temps lagrave Pis jeacutetais certaine en tout cas ceacutetait comme dans mes plans que jallais habiter seule pendant un an et quapregraves ccedila on allait habiter ensemble et puisfinalement ccedila a pas (PF14)

127

Bref mecircme si certaines personnes nhabitaient pas en couple dans le logement qui a

preacuteceacutedeacute celui dans lequel ils ont commenceacute agrave vivre seul jusquau moment de lentrevue il reste

que la rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute dans leur parcours reacutesidentiel et

biographique qui explique en partie pourquoi ils se sont retrouveacutes agrave vivre seul La rupture

amoureuse nous renvoie agrave la fragiliteacute du couple dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee et

nuance en partie certaines conclusions deacutegageacutees par Xavier Leloup (2005) et Marc Molgat

(2000) concernant le report de lengagement conjugal comme facteur explicatif de la vie en solo

chez les jeunes adultes

Lafin dune colocation et autres eacutevegravenements fortuits

Pour dautres la fin dune cohabitation en colocation conjugueacutee agrave dautres eacutevegravenements

comme lopportuniteacute decirctre proprieacutetaire dune nouvelle demeure la reprise du logement par son

proprieacutetaire et une laquodeacutecolocation raquo en raison du deacutepart des autres cohabitants a constitueacute

leacutevegravenement deacuteclencheur qui a conduit certains des intervieweacutes agrave emmeacutenager dans un nouveau

logement seul

Je le regrette eacutenormeacutement mon ancien appart (rire) mais malheureusement la proprieacutetaire voulait le reacutecupeacuterer Franchement lagrave si ccedila tenait quagrave moi lagrave moi mon colocataire partait il deacutemeacutenageait agrave Ottawa mais euh si la proprieacutetaire ne voulait pas le reacutecupeacuterer je laurais gardeacute toute seule car comme javais un contrat permanent jaurais pu me payer euh le loyer toute seule (PFO 1)

Les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes ou le travail

Enfin pour certains (comme PHOI et RH06) les raisons qui expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul relegravevent dune migration pour des eacutetudes ou un emploi situeacute agrave Montreacuteal

Ces personnes envisageaient lideacutee dhabiter seul avec enthousiasme

Jai quitteacute ma famille dans lOutaouais et quand jai voulu eacutetudier larchitecture ceacutetait agrave Mc Gill et ceacutetait une universiteacute qui me semblait le mieux alors Et je voulais habiter Montreacuteal aussi une ville que jaime beaucoup Et puis () ma tante ma loueacute un appartement sur Jean- Talon [ j (RFIl)

128

Ce dernier extrait nous renvoie au projet individuel mis agrave lavant-plan dans les biographies des

individus dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee mais aussi agrave une reacutealiteacute que plusieurs jeunes

adultes Queacutebeacutecois ont veacutecue reacutecemment En effet les migrations interreacutegionales pour les eacutetudes

ou le travail concernent aussi plusieurs autres jeunes

Bref quil sagisse dune rupture conjugale dune deacutecohabitation avec des colocataires

dune migration pour entreprendre des eacutetudes ou un emploi agrave Montreacuteal ces eacutevegravenements ont

provoqueacute un changement de situation dans leur vie qui est en partie agrave lorigine dun

emmeacutenagement en solo Le report de lengagement conjugal et le fait dhabiter seul comme

peacuteriode de transition dans leur cycle de vie ougrave leur parcours ne constitue pas agrave la lumiegravere de ces

premiers reacutesultats les motifs et les raisons pour lesquelles ils habitent seuls Dailleurs pour

plusieurs des solos rencontreacutes plus acircgeacutes le ceacutelibat ne constitue pas ce qui laquo teinteraquo leurs modes

de vie Ceux-ci relegravevent plutocirct du fait dhabiter seul en tant que tel et neacutecessite un certain

apprivoisement de ce mode dhabiter qui deacutebouche dans plusieurs cas particuliegraverement chez les

femmes vers un eacutepanouissement (Germain et al 2005b) laquoPlusieurs insistent dailleurs sur cet

aspect une fois que lon a appris agrave ecirctre bien avec soi gracircce agrave ce mode dhabiter il est peut-ecirctre

difficile de revenir en arriegravere et plusieurs envisagent la formule des couples non cohabitants

dans leacuteventualiteacute ougrave ils rencontreraient lacircme sœurraquo (Germain et al 2005b)

Par rapport aux autres groupes dacircge on remarque que les jeunes adultes sont plus

nombreux agrave avoir quitteacute la colocation pour sinstaller seuls que les solos acircgeacutes de 36 agrave 65 ans

mais beaucoup moins nombreux agrave ecirctre issus dune rupture amoureuse ou de la dislocation dun

meacutenage avec enfant agrave charge Ces eacutevegravenements et les diverses expeacuteriences qui ont preacuteceacutedeacute ou

interrompu les peacuteriodes de vie en solo nous renvoient aux parcours de vie qui caracteacuterisent la

moderniteacute avanceacutee et qui ont aussi eacuteteacute deacutegageacutes par dautres auteurs (Maunaye 2004 Roulleau-

Berger et Gauthier (dir) 2003 Vultur 2003 Reacuteneacute 1993 Juby et Le Bourdais 1995) En effet

ces trajectoires de vie ne suivent pas un mouvement lineacuteaire ougrave lon quitte le foyer familial pour

la vie on entre dans la vie professionnelle on fonde un nouveau foyer conjugal on se marie on

donne naissance agrave un enfant et on achegravete une maison en banlieue

129

Par ailleurs la maniegravere dont les reacutepondants ont veacutecu les divers changements dans leur

vie qui les a conduits agrave habiter seul preacutesente quelques diffeacuterences Certains ont fait le choix et

dautres ont ducirc sadapter agrave ces circonstances

Choisir ou subir

Le refus et limpossibiliteacute de la colocation

Le fait dhabiter seul est pour certains le reacutesultat dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun

projet alors que pour dautres il sagit plutocirct du reacutesultat de circonstances inattendues ou

deacutevegravenements particuliers

Jeacutetais tregraves contente ccedila sest plus imposeacute parce que jaurais pas vraiment su avec qui minstaller yavait personne qui deacutemeacutenageait en mecircme temps que moi Et ceacutetait un appartement dune piegravece alors on pouvait pas vivre plusieurs dedans Mais jeacutetais tregraves contente Jeacutetais en couple agrave ce moment-lagrave aussi avec quelquun de Gatineau (RF 11)

Certains dont ceux qui ont quitteacute une colocation ou qui ont deacutejagrave veacutecu cette expeacuterience dans le

passeacute ont refuseacute denvisager cette option lorsquils eacutetaient dans le processus de deacutemeacutenagement

soit en raison dune mauvaise expeacuterience ou simplement pour lenvie de se retrouver seul dans

un logement agrave soi

Cest vraiment suite agrave ma seacuteparation de pas avoir envie de retourner avec un coloc cest comme une impression de reacutegresser on dirait des colocs Jsais pas des choses tseacute agrave () j sais pas javais le goucirct decirctre tout seule dans mes affaires lagrave raquo (RF03)

Pour certains de nos reacutepondants lideacutee dhabiter seul apparaicirct selon ce dernier passage ainsi

comme une faccedilon dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire une nouvelle autonomie

indeacutependance et une certaine maturiteacute associeacutee au cycle de vie

Cest sucircr que je lai choisi deacutelibeacutereacutement je ne voulais plus de colocation Pour moi je pense que jarrivais agrave un acircge aussi ougrave je voulais avoir mon indeacutependance (RH06)

130

Par ailleurs certains comme PF02 et RF11 navaient simplement pas la possibiliteacute de

consideacuterer la colocation comme une option envisageable ou possible au moment ougrave ils eacutetaient

dans le processus de deacutemeacutenagement Pour PF15 lideacutee dhabiter seule apparaissait comme une

opportuniteacute inteacuteressante

Euh bah lagrave jeacutetais tanneacutee decirctre en colocation javais le goucirct decirctre toute seule Si jeacutetais en couple peut-ecirctre que je vivrais pas seule Ici y a juste une chambre cest ccedila la contrainte Ya peut-ecirctre des amis que jaurais eu [ J des colocataires si javais une chambre de plus Mais lagrave ccedila fait que je peux difficilement avoir un coloc ici Pis en couple ccedila na pas donneacute fait que Mais javais le goucirct de vivre seule ouais quand je suis arriveacutee ici [ Euh bah jeacutetais beaucoup plus jeune javais I7 ans quand je suis partie en appartement Javais le deacutesir de vivre toute seule Ce nest pas parce que je navais pas damis PFI5

Bref habiter seul est perccedilu comme un projet de vie plus inteacuteressant que la colocation

Cela rejoint lideacutee de Dulac (1993) de pouvoir eacutechapper agrave laquo lenfer des autresraquo et de la solitude

fantasme de Louise Saint-Laurent (1993) On retrouve aussi lideacutee dassumer un nouveau statut

de ceacutelibataire une nouvelle autonomie indeacutependance et une certaine maturiteacute fortement

associeacutee au cycle de vie

Les expeacuterimenteacutes de la vie en solo un choix qui va de soi PHOl PFll PH04

Pour dautres il sagit dun mode de vie que lon a adopteacute au fil du temps ou que lon avait

envie de poursuivre Les histoires de PH01 et de PFll en sont des exemples Habiter seul

constituait un choix qui laquo allait de soiraquo lorsquils ont emmeacutenageacute dans le logement quils

occupaient au moment de lentrevue

laquo [ ) javais deacutejagrave choisi dhabiter tout seul dans le temps de ma maicirctrise parce quejavais arrecircteacute quatre ans entre le bac puis la maicirctrise Cest ccedila agrave peu pregraves puis j voulais ecirctre sucircr de bien me concentrer parce que je savais que ccedila nallait pas ecirctre eacutevident de retourner aux eacutetudes Puis quand jai recommenceacute agrave travailler ceacutetait lhabitude javais deacutecouvert les avantages d habiter seul Donc jai dit je vais continuer lagrave dessus puis encore lagrave mecircme en ayant un travail javais deacuteveloppeacute une routine Tu peux (Pas) te lever agrave nimporte quelle heure mais en faisant du neufagrave cinq jai encore plus de routine mais retourner avec des colocataires Deacutejagrave une fois que tas commenceacute agrave habiter tout seul cest tregraves difficile de retourner en arriegravere [ cest un choix totalement lagrave Ceacutetait agrave 100 un choix de vivre seul parce que jai eu des offres de colocation que ce soit tant agrave luniversiteacute que maintenant raquo (PHOl)

131

Enfin la ligne entre le choisi et le laquo subiraquo en raison de circonstances nest pas tregraves

eacutevidente dans tous les cas On retrouve aussi cette ambivalence entre le fait de choisir ou de

laquo subirraquo chez les autres groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des

personnes rencontreacutees Par ailleurs les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute au fait de vivre

seul sont plus diversifieacutes Par exemple contrairement aux jeunes adultes certaines personnes

eacutetaient agrave la tecircte dune famille monoparentale et ont vu leurs enfants quitter leur foyer et dautres

encore ont connu des difficulteacutes relieacutees agrave des problegravemes de deacutependance On retrouve aussi chez

les plus vieux ce que nous appelons les laquo expeacuterimenteacutes de la vie en soloraquo ougrave le choix allait aussi

de soi

Mais pourquoi habiter seul dans les quartiers de ces arrondissements Pour une bonne

partie dentre eux lideacutee de vivre dans un quartier attrayant et qui leur plaicirct comme ceux du

Plateau Mont-Royal les a conduits lagrave ougrave ils habitent tandis que pour dautres il sagit des

qualiteacutes et du prix du logement ou le reacutesultat de divers eacutevegravenements fortuits qui ont constitueacute les

principales raisons Pour terminer sur les parcours nous nous pencherons dans ce qui suit sur

leur arriveacutee dans leur logement et dans leur quartier Il sagira dabord de dresser un portrait de

lancienneteacute reacutesidentielle et des caracteacuteristiques de leur logement puis du choix et du rapport

entretenu au logement Enfin nous examinerons ce qui a motiveacute le choix du quartier

812 LE LOGEMENT

Dabord lancienneteacute reacutesidentielle varie entre 6 ans et moins dun an et la moyenne

correspond agrave 16 anneacutee La majoriteacute (1116) habitait depuis 2 ans ou moins dans le logement

quils occupaient au moment de lentrevue et cinq depuis 4 ans ou plus

Figure 84 - Nombre danneacutees veacutecues dans le logement occupeacute

11 7 11RIPIRH5lI3 6 -g 5 Xl 4 sect 3 ~ 2 ~ 1 f 0 c E Moins 2 ans 4 ans 6 ans ~ dun

an Ancienneteacute reacutesidentielle

132

Comme lillustre le tableau 88 lancienneteacute reacutesidentielle est plus faible par rapport agrave

lensemble des solos rencontreacutes Cela sexplique entre autres par la mobiliteacute plus importante

chez les jeunes adultes et la dureacutee de leur trajectoire

Tableau 88 - Ancienneteacute reacutesidentielle des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Groupe dacircge Jeunes adultes Adulte mOre Adulte Total 35 ans et moins 36-50 ans vieillissant

51-65 ans

Ancienneteacute reacutesidentielle 16 41 53 378 (nb danneacutee moyen)

Et comme nous lavons mentionneacute plus haut les personnes que nous avons rencontreacutees

habitent dans des logements dont le nombre de piegraveces varie entre deux et six (voir figure 81 agrave la

page 115) Parmi ceux qui habitaient un logement de deux piegraveces une deacutemeacutenageait le mois

suivant lentrevue pour un logement plus grand Plus de la moitieacute des personnes rencontreacutees

(1016) habitent dans un logement situeacute dans un eacutedifice de type laquoplex raquo et les autres (6) dans un

immeuble ou un complexe dhabitation proprement dit Aucune des personnes rencontreacutees

n habitait dans un logement neuf Le coucirct de leur loyer varie entre 325 $ et 695 $ et la moyenne

est de 480 $ Le montant accordeacute au loyer est infeacuterieur au coucirct moyen des loyers assumeacutes par

lensemble des personnes qui habitent seules sur licircle de Montreacuteal 570 $ mais ne se distingue

pas de faccedilon importante des loyers moyens assumeacutes par les autres groupes dacircge

Tableau 89 - Coucirct moyen des loyers mensuel

Jeunes adultes Adultes mOres Adultesmiddot Total 35 ans et moins 36-51 ans vieillissants

51-65 ans

CoOt moyen des loyers mensuels 480$ 487$ 510$ 490$

133

Trouver et choisir son logement

Lorsque nous leur avons demandeacute comment ils avaient trouveacute leur logement nous avons

deacutegageacute quatre principales strateacutegies dans le journal en se promenant dans le quartier par une

personne que lon connaicirct et enfin pour les proprieacutetaires les recherches du logement se sont

effectueacutees par lintermeacutediaire dun agent immobilier ou loffre dune coopeacuterative dhabitation

Par ailleurs le quartier fut dabord leacuteleacutement qui a influenceacute leur choix dans leurs deacutemarches de

location ou dachat de son lieu de reacutesidence surtout pour les reacutesidents de larrondissement du

Plateau

Dabord pour les petits proprieacutetaires le choix du logement est passeacute par lintermeacutediaire

dun agent immobilier ou dune coopeacuterative dhabitation Le choix de reacutesidence concernait pour

eux agrave la fois les qualiteacutes et caracteacuteristiques du logement et le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

(PF15 PF02 PF09)

Pour ceux qui ont trouveacute leur logis par lintermeacutediaire dune connaissance en se

promenant dans le quartier par hasard ou en effectuant des recherches plus intensives dans les

journaux ont choisi le logement dune part pour son prix et ses qualiteacutes et dautre part parce

quon souhaitait habiter dans le quartier dans lequel il eacutetait situeacute

Alors ami damis encore une fois Un soir j suis alleacutee boire une biegravere chez un ami apregraves avoir visiteacute plein dappartements Jeacutetais en peacuteriode de recherche et il s trouve qui y avait une amie agrave lui qui est la voisine Ok dagrave cocircteacute que javais deacutejagrave vu une ou deux fois dans les partys lagrave vraiment cest le genre laquo bonjour bonjour raquo et puis eh bien tu cherches un appartement pi y a mon voisin en bas et tout euh bientocirct dans un mois ou deux Et donc du coup euh on a discuteacute de ccedila et puis euh apregraves jsuis rentreacutee avec elle ici Et jai visiteacute lappart y avait encore le gars qui eacutetait lagrave le locataire raquo (PF01)

Pis je lai croiseacutee [une collegravegue de travail] sur la rue Mont-Royal et elle ma dit laquoAh ben je savais pas que tu cherchais un appartement[ ] La blonde dun ami agrave moi qui sen va et moi jvais minstaller dans limmeuble qui est lagrave ya un deux et demi qui est libre si ccedila tinteacuteresseraquo (PF03)

Jai toujours entendu comme des choses positives sur le Plateau comme un bon quartier avec beaucoup de choses agrave faire Apregraves ccedila jai deacutecouvert des choses par moi-mecircme aussi [ ] Et cest quoi les moyens que tas utiliseacutes pour trouver lappartement ton appartement Le journal (PF Il)

134

Pour certains habiter sur le Plateau constituait un objectif en soi plus eacutevident

Et donc je connaissais deacutejagrave le quartier du Plateau je savais deacutejagrave que ceacutetait un quartier sympa et que je connaissais deacutejagrave quelques restaurants bars boutiques Jconnaissais un peu lambiance du Plateau [ ] et cest vrai que ccedila correspond agrave mon style de vie agrave qui jsuis Et dans tous les appartements ougrave jai habiteacute ailleurs cest agrave Bordeaux agrave Avignon agrave Angers tout ccedila jai toujours habiteacute plus ou moins au centre-ville lagrave ougrave justement y a de laction ougrave ya des boutiques lagrave ougrave ya toutes les activiteacutes culturelles pas loin quoi Jsuis pas du genre agrave habiter en banlieue PFOI

Euh ben moi jattendais davoir termineacute mes eacutetudes et de trouver un emploi stable avant de chercher un appartement OK euh parce que je voulais pas habiter dans un endroit qui me plaisait pas parce que javais pas les moyens donc euh Puis quand jeacutetais aux eacutetudes mon copain y habitait sur le Plateau et jai deacutecouvert ce quartier-lagrave et je me suis rendu compte que ceacutetait un quartier qui me plaisait beaucoup pour faire des activiteacutes euh les commerces la vie culturelle euh et du fait que ceacutetait possible de faire tout agrave pied ou en transport en commun Donc agrave partir de ce moment-lagrave jai vraiment concentreacute mes recherches dans ce quartier lagrave quandje me suis chercheacute un appartement dans le Plateauraquo (PFlO)

Pour les reacutepondants qui habitaient dans les quartiers de larrondissement Rosemont Petite Patrie

comme RF RFO RRO RF07 le prix et la disponibiliteacute dun logement constituaient la

meilleure opportuniteacute mecircme sil ne sagissait pas dun quartier ougrave elles souhaitaient habiter agrave

lexception dune personne (RR06)

Donc euh cest pas vraiment un choix cest plutocirct [ ] une obligation mais ya ben des quartiers pires que la Petite-Patrie mais cest lagrave ougrave les affaires sont un ptit peu moins cher pis cest pas trop loin du meacutetro la ligne orange mais ah oui cest un compromis (RROl)

Le prix ok le quartier aussi mais je vise plus le quartier Villeray ideacutealement [ ] mais cest pas tregraves loin lagrave Mais particuliegraverement le prix ouais la tranquilliteacute et le fait que jai personne en haut de ma tecircte aussiraquo (RFOl)

ben ceacutetait mon deuxiegraveme choix quand jai choisi de partir Jai regardeacute dans le Plateau cest ce que je voulais ccedila faisait six ans que jhabitais lagrave Javais vraiment des points de repegraveres pi jeacutetais bien ancreacutee pis en fait ben jai pas trouveacute Mais ceacutetait vraiment

135

mon deuxiegraveme choix Mais tu vois avec le recul j suis ben contente dhabiter ici[ ] Ah OK ben oui ben cest parce que ceacutetait pas un choix de me ramasser ici Ccedila eacuteteacute comme un compromis [ ] ben dans le Plateau ceacutetait plus accessible lagrave Le dernier appartement que javais dans le Plateau moi je payais mon loyer eacutetait rendu agrave 425 Moi je veux pas mettre plus que 400-450 par mois Cest le gros maximum juste pour le loyer lagrave surtout quand thabites seule Sinon ccedila vaut pas la peine Sinon tes mieux daller en colocation tseacute Mais moi ceacutetait mon choix dhabiter seul sijavais pas trouveacute je naurais pas eu le choix daller en colocation (RF07)

Bref il ressort deux types de choix ceux qui souhaitaient habiter leur quartier et ceux

qui ont choisi leur quartier en raison des caracteacuteristiques du logement et des opportuniteacutes de

location Il reste que pour une bonne partie des reacutepondants du Plateau contrairement agrave ceux de

Rosemont Petite Patrie les raisons qui ont motiveacute le choix du logement habiteacute relegravevent surtout

du quartier plutocirct que des qualiteacutes propres au logement On retrouve aussi cette distinction chez

lensemble des solos

Rapport au logement

En geacuteneacuteral les jeunes adultes deacutecrivent leur logement comme eacutetant un endroit agreacuteable

et chaleureux dans lequel ils se sentent bien et ougrave ils aiment recevoir mecircme si parfois pour

certains dentre eux la taille du logement est un peu restreinte notamment pour ceux qui

habitent des logements de 2 piegraveces

Cest un 3 cest tout petit cest super charmant parce que cest dans le Plateau pis y a des super hauts plafonds y a des moulureson entend pas les voisins cest vraiment isoleacute Cest spacieux jai pas beaucoup de lumiegravere jai pas beaucoup de fenecirctres Cest ccedila quest un peu deacuteplorable Moi jaime bien cuisiner pis la cuisine elle est toute petite donc cest la seule chose que jaime moins lagrave tseacute laime ccedila inviter les gens pis lagrave cest comme trop petit je peux pas en inviter trop Je peux pas inviter personne agrave souper Ok pis cest un ancien logement Oh oui oui (PF14 p2)

Bah cest un 4 ~ lagrave (rire) je le sais pas lagrave ben je dirais que cest assez eacuteclaireacute euh j sais pas jaime ccedila comment les divisions sont faites cest deux piegraveces doubles euh la toilette est toute petite je trouve ccedila mignon [ ]Non cest vieux ben jsais pas combien ccedila la danneacutees mais mais ccedila peut ecirctre ben mettons 50 ans tseacute Ouin entre 30 et 50 ans (RF07)

136

Il sagit aussi dun endroit que lon sapproprie et que lon personnalise particuliegraverement pour

les filles qui habitent sur le Plateau

Euh euh je dirais que jai des couleurs tregraves chaleureuses chez moi que la geacuteomeacutetrie donne une certaine lumiegravere agrave la piegravece Cest un logement plus eacuteclaireacute euh que jai choisi des tons chauds le rouge le orange le jaune Euh et qui a des plantes je sais pas ccedila creacutee un univers euh qui me ressemble et que jaime dans lequel je me sens vraiment agrave laise (PF09)

[ bah se sentir chez sois [ j Que ccedila reflegravete ta personnaliteacute au niveau des couleurs de la deacutecoration une deacutecoration qui me rappelle des voyages que jai faits ou des expeacuteriences que jai eues des choses comme ccedila lagrave (PFl4)

Certains personnalisent leur logis tant bien que mal malgreacute certaines restrictions locatives ou

des contraintes financiegraveres

Donc cest tregraves eacuteclaireacute quand mecircme [ ] donc euh jaime ccedila de ce logement [ ] Jaurais aimeacute le peindre de couleur de mon choix mais apparemment cest pas cest contre les regraveglements de de limmeuble [ ] donc ccedila cest quelque chose que jaurais aimeacute faire [ Non jai des choses agrave moi bien sucircr sur mes murs mais jaurais aimeacute comme peinturer la couleur que jaime [ ] pour moi ma maison cest comme mon havre de paix Tseacute quand je sors du travail jaime ccedila venir agrave la maison Jaime les belles choses La beauteacute les belles couleurs Et puis cest ccedila qui me manque (PFIl pIS)

Certains comme RHOI et RH06 sapproprient petit agrave petit leur logement selon les moyens et

ressources disponibles pour se sentir bien

Oui alors depuis reacutecemment jai un peu plus embelli disons parce que [ jlanneacutee derniegravere la premiegravere anneacutee je navais pas vraiment je ne me sentais pas encore vraiment bien chez moi Mes moyens aussi eacutetaient limiteacutes donc je ne pouvais pas vraiment faire toujours de la deacutecoration agrave mon goucirct alors bon on ma donneacute des choses En tout cas jai fait un peu de la reacutecupeacuteration mais lagrave ma situation financiegravere aussi sest ameacutelioreacutee jsuis plus enclin en fait agrave ameacuteliorer le deacutecor un petit peu faire des petites ameacuteliorations apporter que javais pas avant parce que bon (RH06) euh ouais cest diffeacuterent quand thabites avec quelquun dautre mais ccedila ccedila sest aggraveacute (rire) depuis que jsuis seul mais euh jai jamais investi vraiment un appartement Ccedila la toujours eacuteteacute un

137

peu comme ccedila on dirait que ccedila lest encore plus depuis que jsuis seul Je preacutefegravere faire des activiteacutes voire des gens plutocirct que rester seul chez moi Ben si ccedila commence un p tit peu jessaye mais je pourrais faire mieux Ceacutetait encore pire avant mais lagrave ccedila sameacuteliore mais ouais j ai du mal agrave deacutecorer (rire) RRO 1

Bien quil sagisse dun lieu dans lequel on deacutesire se sentir bien le logement ne constitue pas

dans tous les cas un lieu que lon investit pour le personnaliser et le deacutecorer comme pour PH02

ou que lon sy laquo enracineraquo comme pour RF07

rires] Non Je ne suis pas sans personnaliteacute mais non cest pas je pense que cest plus circonstanciel quand tu arrives dans un appartement je pense que tout ce que tu fais pas les premiers mois tu ne le feras jamais Je suis arriveacute ici en avril il a commenceacute agrave faire beau jai passeacute tout mon temps dehors donc jai pas commenceacute javais des beaux projets dameacutenagement du corridor pour essayer de leacutelargir un petit peu en mettant des miroirs tout le kit pis cest des choses que jai jamais fait pis Non mais cest pas non je ne passe pas trop de temps ] si jeacutetais arriveacute au mois doctobre peut-ecirctre que linteacuterieur serait diffeacuterent aussi Je suis arriveacute leacuteteacute pis leacuteteacute ici il Y a des plantes partout Jai passeacute leacuteteacute dehors Des fois je couchais dehors lagrave donc euh jai vraiment passeacute leacuteteacute dehors donc linteacuterieur est resteacute un peu comme je lai pris Jai deacuteposeacute les meubles et puis [ ] Non pas pour moi Cest peut-ecirctre est-ce que cest lefait dhabiter seul est-ce que cest lefait decirctre un gars ou cest moi ccedila je ne le sais pas (PH02)

Mais tseacute je me sens pas attacheacute Mais je laime beaucoup mon logement pi euh tseacute jai pas lintention de deacutemeacutenager lagrave agrave court terme disons lagrave mais euh tseacute cest ccedila j suis pas non plus je minvestie dans mon ameacutenagement comment jinstalle les choses mais je minvestie pas jsuis pas ancreacutee Jsuis pas quelquun comme ccedila (RF07)

Ces constats concernant lappreacuteciation et lameacutenagement du logement rejoignent aussi

ceux de lensemble des solos rencontreacutes (Germain et al 2005b) Par ailleurs une partie de nos

reacutepondants ont des contraintes financiegraveres et vivent dans des logements plus petits et deacutegradeacutes

mais qui remplissent leur fonction de base

138

Temps et activiteacutes passeacutees dans le logement

En ce qui a trait au temps passeacute dans leur logement proprement dit et agrave lutilisation de

cet endroit il est difficile de deacutegager des modegraveles exclusifs entre les personnes rencontreacutees

Lorsque nous avons questionneacute nos reacutepondants sur le temps et les activiteacutes quils passaient dans

leur logement 7 personnes ont affirmeacute passer beaucoup de temps agrave faire des activiteacutes seules 4

nous ont confieacute quils aimaient surtout recevoir des amis et des proches malgreacute le manque

deacutequipement et despace pour certains Pour 3 personnes il sagit dun endroit ougrave ils travaillent

comme pour PH04 Enfin pour RHOl PHOl et PFl4 il sagit principalement dun pied agrave terre

Le rapport au logement et le temps passeacute dedans varient pour plusieurs dentre eux selon les

peacuteriodes de lanneacutee le type demploi occupeacute et doccupation Il sagit parfois dun lieu ougrave lon

passe beaucoup de temps et dautres fois dun pied agrave terre selon certains moments de lanneacutee

qui correspondent souvent avec des horaires de travail plus chargeacutes ou une affluence de sorties

organiseacutees avec des amis Nous pouvons toutefois inscrire nos reacutepondants agrave linteacuterieur de deux

cateacutegories le laquo type casanierraquo et laquo la girouette raquo

La girouette ou le pied-agrave-terre

Dabord si on se penche sur ce que nous appelons la laquo girouette raquo nous nous reacutefeacuterons

aux personnes qui passent tregraves peu de temps dans leur logement pour y faire des activiteacutes seules

en raison du travail de lintensiteacute de la vie sociale ou pour un choix personnel ougrave lon preacutefegravere

faire des activiteacutes agrave lexteacuterieur du logement seul ou avec dautre Cest le cas de RHOl de PHOl

de PF02 et de PFl4 Dabord pour RHOl il sagit dun pied-agrave-terre et cest quelque chose qui

est venu avec le fait de vivre seul Il aime pratiquer diverses activiteacutes seules ou avec dautres agrave

lexteacuterieur du logement Pour PHOl cest un pied agrave terre notamment en raison de leacuteclatement

spatial de son reacuteseau social qui lamegravene agrave faire la navette entre deux reacutegions de faccedilon reacuteguliegravere

et du mode de vie en geacuteneacuteral

Euh pas beaucoup non euh ccedila adonne comme ccedila [ ) justement eacutetant donneacute que lappartement est pas tregraves grand et qui a plein de choses autour quand tu peux sortir de chez toi tu le fais (petit rire) [ et jvais jvais souvent agrave Queacutebec eacutegalement donc que jpeux pas dire que j suis souvent chez moi non Souvent jarrive tard le soir cest sucircr [ Oui quasiment cest ccedila cest pas la premiegravere fois que quelquun me demande ccedila cest ccedila ccedila ressemble quasiment agrave un pied agrave terre [ cest parce que cest le contexte qui est comme ccedilaraquo (PHOl)

139

Enfinpour PF14 cette situation sexplique par le nombre et laffluence dactiviteacutes sociales

organiseacutees

Euh ccedila serait peut-ecirctre plus un pied-agrave-terre je te dirais Je suis pas si souvent dans mon appartement non Mais sije laime au bout lagraveje laime beaucoup beaucoup je suis bien chez moi mais ouais ce serait plus un pied agrave terre [ ] vraiment agrave chaque semaine agrave chaque semaine jai des choses dorganiseacutees [ ] Ouais Ccedila ne marrive pas [de pouvoir passer du temps seul] souvent (rires) mais ouais Je reviens de trois semaines toute seule en voyage Non non moi jaime bien lire un livre relaxer mecircme eacutecouter un film toute seule Cest comme une journeacutee par semaine ccedila me fait vraiment du bien de juste comme laquoChu toute seule lagrave raquo (PF14)

Le type casanier

Ensuite si on se penche sur ceux qui plus de temps dans leur logement on peut se

demander ce quils y font principalement Agrave cet effet certains travaillent beaucoup comme

PH04 tandis que dautres aiment recevoir des amis et faire des activiteacutes seules comme de la

lecture ou du bricolage

Tu sais lappartement lagrave cest vraiment un lieu ougrave je vais rester et je vais avoir du plaisir agrave ecirctre dans mon appart [ ] Le [ ] dernier en fait que tu as dit ougrave il y a des gens qui passent En ce moment cest vraiment lauberge espagnole chez moi [ ] Oui oui cest assez reacutecent tu vois ya unefille qui () cest incroyable jai eu beaucoup beaucoup de visites jinvite beaucoup plus les gens agrave venir chez moi ya tout le temps du monde chez moi quoi Ccedila ccedila narrivait pas avant Pis jinvite quelquun agrave souper agrave la maison ya quelquun qui passe qui mappelle autrement lagrave [ ] ccedila fait six mois agrave peu pregraves cest assez intense ma vie quoi (PF03))

Comme lillustre ce dernier passage ces figures que sont la girouette et le casanier

restent tout de mecircme ambivalentes Par exemple pour la plupart des filles rencontreacutees mecircme si

le temps ne le permet pas toujours le logement repreacutesente pour elles un endroit ougrave lon aime se

retrouver et faire des activiteacutes seules connne lire bricoler ou visionner un film

140

De plus comme nous lavons mentionneacute plus haut le temps et les activiteacutes passeacutees dans

le logement sont tributaires de diffeacuterentes circonstances relieacutees au travail ou aux caracteacuteristiques

propres au logement Par exemple un contrat de travail temporaire combineacute agrave une affluence

dactiviteacutes sociales pour une peacuteriode donneacutee peut influencer le rapport au logement De plus

pour certains le manque deacutequipement constitue une contrainte pour recevoir des amis mecircme

sils le souhaitent

Moi je travaille jai trois emplois Jsuis eacuteducatrice agrave temps partiel dans deux endroits puis je travaille aussi au centre-ville comme repreacutesentante pour une artisane Pi y a des moments ougrave chez nous cest un pied-agrave-terre ccedila cest clair lagrave des fois cest le bordel lagrave [] Non jai pas le temps Mais y a des moments aussi ougrave tu vois moi jai une demie journeacutee par semaine ougrave je travaille pas Des fois cest vendredi dautres fois cest ailleurs mais ce moment lagrave cest un moment ougrave je passe du temps tout seul chez nous et jen profite pour faire des trucs que jaime moi cest mon espace Pi j suis ben contente darriver ici pi de faire ouf et de faire mes petites affaires Cest sucircr cest des activiteacutes de la vie quotidienne[ ] Du meacutenage euh ouin arroser mes plantes le genre daffaire plate (rire) ouin Des fois jaime ccedila faire ccedila On se connecte avec une reacutealiteacute concregravete tseacute fait que jaime ccedila Ben cest aussi un lieu ougrave les gens passent ccedila cest clair en tout cas [ ] ccedila va arriver mais je trouve que cest pas un lieu ben tseacute la cuisine [ ] jai trois chaises tseacute agrave chaque fois on rigole avec ccedila je te dis je tinviterais ben mais jai trois chaises (rire) (RF07)

Ben jaimerais pouvoir recevoir mais parce que jai je trouve que cest pas des bonnes conditions Je nai pas beaucoup de meubles Je ne suis pas tellement eacutequipeacute pour recevoir mais jaimerais le faire davantage Je vis beaucoup de par rapport agrave un petit peu de la honte vous savez avoir honte dinviter les gens chez soi parce quon na pas [ ] Ben cest ccedila cest pas comme vraiment agrave mon ideacutee mais jy travaille mais des fois jai comme un petit peu de la honte de la reacuteticence agrave inviter les gens parce que jai peur quils me jugent sur le fait de mon logement Je sais que ccedila peut paraicirctre stupide mais je le dis aux gens des fois ccedila me gecircne parce que cest pas comme je voudrais Les gens sont compreacutehensifs et puis mais cest sucircr que [ ] Pour moi [ ] la maison lendroit ougrave on vit cest important parce que cest ccedila cest un endroit ougrave on va se retrouver cest lintimiteacute cest le pouvoir se reposer travailler eacutetudier cest important decirctre bien dans cet espace-lagrave alors moi jai jamais vraiment depuis que jai quitteacute la maison familiale jai eacuteteacute toujours comme [ ] avec des gens colocation et puis pas vraiment avoir les choses agrave mon goucirct quoi Alors lagrave je le fais et je pourrais le faire mais mes moyens financiers sont plus limiteacutes donc je fais en conseacutequence de ccedila Jy vais petit agrave petit (RH06)

141

Enfin le logement a aussi deacutejagrave constitueacute dans le passeacute un lieu de travail pendant une

peacuteriode deacutetude pour certains eacutetudiants Seulement une personne utilise son logement pour y

travailler plusieurs heures On retrouve aussi ces figures du casanier et de la girouette chez

lensemble des solos rencontreacutes Par ailleurs la figure du casanier est plus accentueacutee chez

les plus vieux Les jeunes solos se distinguent aussi en ce qui concerne leur propension agrave

inviter Germain et al (2005b) ont identifieacute quatre styles en faisant abstraction des

logements qui ne sy precirctent pas laquo le casanier-hocircte le casanier socialement paresseux

lextraverti le sociable hospitalierraquo 13 De plus lenquecircte dAuthier (1999) sur les

rapports reacutesidentiels en quartiers anciens reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterents meacutenages reacuteveacutelait que

la propension agrave recevoir diminuait avec lacircge Les plus jeunes dont une partie dentre eux

habitaient seuls avaient tendance agrave recevoir beaucoup plus que les plus acircgeacutes pour des repas

ce qui ne semble pas neacutecessairement le cas de tous

Conclusion sur les parcours

Bref les jeunes adultes rencontreacutes qui habitent seuls sont mobiles sur le plan reacutesidentiel

majoritairement locataires de logement de moyenne et de petite taille tout comme lensemble

des solos rencontreacutes et des solos de lagglomeacuteration montreacutealaise Ces caracteacuteristiques vont

aussi dans le sens de lenquecircte de Leloup (2000) de Galland (1993) de Kaufmann (1999

1994a 1994b) et de Lavigne et Arbet (1992)

Les parcours sont dessineacutes par diverses expeacuteriences de cohabitation Les motifs ne sont

pas associeacutes au report de lengagement familial et le ceacutelibat mais plutocirct agrave des ruptures

amoureuses aux fins de cohabitation en colocation et aux migrations pour le travail ou les

eacutetudes Il sagit de teacutemoins du contexte de notre eacutepoque puisquils ont en leur centre lindividu

et son projet Lautonomie et lacquisition dune nouvelle indeacutependance expliquent ce qui les a

conduits agrave habiter seul

Par ailleurs la ligne entre le choisi et le fait de laquo subirraquo nest pas tregraves eacutevidente dans tous

les cas Cette ambivalence entre le fait de choisir ou de laquo subirraquo se retrouve aussi chez les autres

groupes dacircge agrave travers les choix et les eacutevegravenements des parcours des personnes rencontreacutees

142

Nos jeunes solos se distinguent de leurs homologues plus acircgeacutes en ce qui concerne la

freacutequence de leurs deacuteplacements et leur ancienneteacute reacutesidentielle Lancienneteacute reacutesidentielle

semble augmenter avec lacircge et les peacuteriodes entre les deacutemeacutenagements semblent diminuer avec

lacircge ce qui rejoint les caracteacuteristiques typiques agrave la jeunesse contemporaine en termes de

mobiliteacute reacutesidentielle Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers les centres

urbains et par des entrecoupements de voyages agrave leacutetranger La plupart des parcours sont

proprement laquourbains raquo cela sexplique par lacircge puisquil sagit dune caracteacuteristique de la

jeunesse mais aussi du fait dhabiter seul

Enfin nous avons vu que le quartier constituait un eacuteleacutement majeur dans le choix de leur

logement et de leur parcours vers la vie en solo Il reste agrave voir dans ce qui suit dans quelle

mesure lancienneteacute reacutesidentielle le rapport au logement de mecircme que leur parcours

geacuteographique et biographique ont une incidence sur la compreacutehension du rapport de sociabiliteacute

entretenu avec leur quartier et le deacuteploiement spatial de leur reacuteseau Dans ce qui suit nous

examinerons les types de rapports entretenus (fonctionnelle symbolique sociabiliteacute et

engagement politique et associatif)

82- LE RAPPORT ENTRETENU AVEC LE QUARTIER

Mais pourquoi avoir choisi de sinstaller sur le Plateau Mont-Royal et agrave Rosemont

Petite-Patrie Quelles images les solos rencontreacutes ont-ils de leur quartier et quels sont les

rapports quils entretiennent avec cet espace sur les plans fonctionnel social et symbolique

Dabord lattrait pour les quartiers de larrondissement Plateau Mont-Royal relegraveve

principalement de son caractegravere central dans la ville de la proximiteacute des services du mode de

vie pieacutetonnier possible de la disponibiliteacute de lieux publics de loisirs de sorties de services de

transport collectif et de la proximiteacute des amis alors que pour les reacutepondants des quartiers de

larrondissement Rosemont Petite-Patrie le prix abordable des logements et sa localisation

relativement centrale de ces quartiers par rapport aux services et autres lieux dans la ville dont

le Plateau Mont-Royal ont constitueacute des eacuteleacutements qui expliquent pourquoi les personnes que

nous avons rencontreacutees ont choisi un quartier agrave Rosemont Petite-Patrie Dans ce qui suit il sera

question des dimensions de la notion de quartier vu plus haut afin de voir dans quelle mesure les

143

Jeunes adultes entretiennent un rapport de sociabiliteacute avec leur quartier Nous examinerons

dabord comment ils deacutecrivent leur quartier ensuite nous preacutesenterons les lieux et services

quils utilisent puis nous nous attarderons aux lieux publics et de sociabiliteacute quils freacutequentent

dans leur quartier Enfin il sera question des enjeux souleveacutes et de leurs implications locales

Un espace symbolique

Le Plateau Mont-Royal

Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont une image tregraves positive de leur quartier Il sagit

pour eux dun lieu animeacute dans lequel ils se reconnaissent se sentent bien et en seacutecuriteacute et quils

nenvisagent pas quitter Certains le considegraverent mecircme comme eacutetant le paradis du ceacutelibataire ou

du meilleur quartier pour quelquun qui vit seul

Ben jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest cest le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple PFOJ

Ils le deacutecrivent aussi comme un beau quartier laquo sympa raquo vivant ougrave il y a beaucoup de gens qui

le freacutequentent doteacute dune ambiance particuliegravere dune vie culturelle inteacuteressante et de plusieurs

services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Ben je dirais que cest un quartier des fois bohegraveme brancheacute sympathique parfois bon (entente) parfois snob et joli PF03 Les cartes postales du Plateau avec toutes les maisons ont des escaliers exteacuterieurs (PH04)

La centraliteacute la proximiteacute des services et la possibiliteacute de tout faire agrave pied sont des eacuteleacutements qui

ressortent beaucoup dans la description du quartier

Cest un mode de vie ougrave tu vas marcher pour aller chercher ton petit pain pis tu vas te chercher un petit cafeacute tseacute cest vraiment un beau quartieragrave PFJ4

Je le deacutecrirais comme un quartier vivant proche de tout avec beaucoup de boutiques de magasins et de bons restaurants PFII

144

Enfin la rue Mont-Royal constitue le point de repegravere par excellence pour plusieurs des

interlocuteurs

Pour moi Plateau cest vraiment tu vois la rue Mont-Royal et autour PFOJ

Bien que certains le qualifient de quartier cosmopolite la majoriteacute le deacutefinit comme un

quartier principalement francophone et blanc mais mixeacute concernant lacircge les professions et les

statuts socio-eacuteconomiques Enfin comme dans lenquecircte de Xavier Leloup (2005) les jeunes

solos que nous avons rencontreacutes deacutecrivaient leur quartier de faccedilon tregraves positive entre autres en

raison de son ambiance Par ailleurs lappreacuteciation du caractegravere laquocosmopoliteraquo est ambigueuml

Cela peut sexpliquer entre autres par les caracteacuteristiques sociales de la population reacutesidente

Un reacutesident sur cinq est immigrant ce qui est plus faible par rapport agrave la moyenne de la ville de

Montreacuteal (28 ) (Ville de Montreacuteal 2004) De plus une grande partie des immigrants

nappartiennent pas agrave des minoriteacutes visibles En effet le tiers des immigrants (331 )

proviennent de la France et du Portugal Enfin plus des trois quarts (788 ) des habitants

parlent le franccedilais agrave la maison (Ville de Montreacuteal 2004)

Bref les jeunes solos mentionnent que le Plateau est un beau quartier caracteacuteriseacute par une

ambiance qui agreacutemente leur quotidien et leur mode dhabiter en solo Ils nemploient pas tous

les termes laquobrancheacutesraquo ou laquoinraquo et ne parlent pas speacutecifiquement du caractegravere ancien pour

deacutecrire le Plateau Mont-Royal Enfin la description des jeunes solos du Plateau Mont-Royal ne

se distingue pas tellement de celle de leurs homologues plus acircgeacutes Ils ont de la difficulteacute agrave

trouver des deacutefauts et valorisent aussi la possibiliteacute davoir un mode de vie laquopieacutetonnierraquo pour

laccegraves aux services Ils se sentent tous en seacutecuriteacute et appreacutecient lambiance des lieux (Germain

et al 2005b) Dailleurs les analyses de Germain et al (2005b) soulegravevent que le Plateau

demeure le quartier de reacutefeacuterence chez la plupart des reacutepondants et chez les reacutesidents des

quartiers de Rosemont Petite-Patrie

145

Rosemont Petite-Patrie

Limage des quartiers de Rosemont Petite-Patrie renvoie agrave une image moins positive et plus

nuanceacutee que chez les reacutepondants du Plateau Mont-Royal Le quartier des reacutepondants de

Rosemont Petite-Patrie est deacutecrit geacuteneacuteralement comme un quartier tranquille agreacuteable

principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable Aucun des reacutepondants na

parleacute du Marcheacute Jean-Talon pour situer et deacutecrire leur quartier mecircme si la plupart dentre eux le

freacutequentent Les avis concernant la dynamique des lieux sont cependant partageacutes Comme

lillustrent ces extraits certains qui ont deacutejagrave habiteacute dans larrondissement du Plateau le

comparent agrave celui-ci pour deacutecrire le laquo deacuteficitraquo qui le caracteacuterise concernant le laquo dynamismeraquo

tandis que dautres le deacutecrivent comme un quartier vivant proche de tout et ougrave lon finit par

reconnaicirctre les gens

Ben moi la premiegravere chose qui m a frappeacute ici cest que cest un quartier qui est vraiment [] familial comparativement agrave ce que jai connu comparativement au Plateau (RF07)

Ben je dirais que sil vient de Paris il ferait mieux dhabiter sur le Plateau cest clair parce quil va trouver que la Petite-Patrie ya rien [] je dirais que cest un quartier qui est assez sympathique pi euh ya une ambiance mine de rien pi les apparts sont pas chers quoi mais euh je dirais pas que cest le top du top Je diraismiddot que cest que cest bien quoi [ ] Mais jai pas intuitivement jai pas forceacutement envie d habiter ce quartier-lagrave parce quil n JI a rien de speacutecial dans ce quartier ccedila manque de ya tout ce qui faut ya une bibliothegraveque tout ccedila maisjen profite pas vraiment (RH01)

Moi je trouve que cest vraiment un quartier vivant je sais pas () on fini par connaicirctre les gens et les commerces qui sont autour RF11

Comme chez plusieurs solos plus acircgeacutes que nous avons rencontreacutes le Plateau repreacutesente une

destination ideacuteale mecircme si on lui reproche decirctre un peu trop laquosnobraquo (Germain et al 2005b)

Certains le deacutecrivent comme eacutetant diversifieacute sur le plan ethnoculturel et dautres pas

146

non des gens blancs euh assez professionnels tranquilles pas de communauteacutes culturelles [ ] Ben je le sais pas lagrave comme je sens pas quil y ait des communauteacutes culturelles que ce soit varieacute en personnes mais j suis pas sucircre lagrave mais je vois pas beaucoup les gens non plus Jai de la misegravere un peu avec euh le monde qui a dans le coin lagrave (RFOl)

Je dirais quil y a beaucoup de meacutelanges des gens assez aiseacutes des gens assez pauvres pis beaucoup de meacutelanges culturels (RFll)

Rosemont Petite-Patrie comporte autant dimmigrants que le Plateau Mont-Royal (18 ) mais

la diversiteacute culturelle est plus importante Parmi les immigrants plusieurs appartiennent aux

minoriteacutes visibles comme par exemple la communauteacute haiumltienne qui constitue 104 des

immigrants Il reste que le laquo cosmopolitismeraquo ne se retrouve pas au centre de la description du

quartier de nos reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie et ne paraicirct pas ecirctre une caracteacuteristique

speacutecialement importante dans leur appreacuteciation symbolique de leur quartier

Bref le quartier des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie et du Plateau Mont-Royal

renvoie agrave des images diffeacuterentes en termes dambiance et de diversiteacute de services mais aussi en

termes de reacutefeacuterence comme quartier laquoideacutealraquo pour les personnes qui habitent seules Ils se

rejoignent toutefois sur un point la plupart citent le Plateau comme reacutefeacuterence et cest aussi lavis

de leurs homologues plus acircgeacutes agrave quelques exceptions pregraves

Un espace central et fonctionnel

Plateau Mont-Royal

La centraliteacute et la proximiteacute des services sont les principales caracteacuteristiques du Plateau

Mont-Royal qui ont attireacute aussi dautres jeunes agrave venir sy installer dont ceux qui ont grandi en

banlieue ou dans un autre pays Certains comme PF09 en ont fait mecircme un critegravere de seacutelection

dans le choix du logement

Je voulais que les choses que les lieux dans lesquels jai agrave faire soient agrave une distance de marche parce que jai pas de voiture et parce que jadore marcher pi que jai beaucoup deacutenergie agrave marcher et puis degraves quon vit loin cest un problegraveme parce que tout ce quon fait on le fait soit en meacutetro soit en voiture Alors on a plus cette qualiteacute de vie agrave pied (PF09)

147

La grande majoriteacute effectue presque tous leurs achats dans leur quartier La possibiliteacute

de tout faire agrave pied est importante mecircme pour ceux qui possegravedent une voiture Pour la plupart la

proximiteacute renvoie aux achats quotidiens agrave la possibiliteacute deffectuer des sorties agrave une distance de

marche de mecircme quagrave la proximiteacute des amis Mecircme si elle en accommode un nombre dentre

eux la proximiteacute des lieux de travail ne constitue pas neacutecessairement un critegravere de choix pour

habiter leur quartier

Ben cest principalement la proximiteacute avec mon travail Pour moi cest important [ ] je travaille Saint-LaurentIPrince-Arthur donc agrave JO minutes dici et je reacuteussi agrave faire sur le chemin jai tout ce que jai de besoin Jai la boucherie jai la [ ] poissonnerie la fruiterie la pharmacie jai quelques bars pour arrecircter prendre un verre puis il ya tout sur ce petit chemin-lagrave (PH02)

Et ccedila aussi cest pas parce que j travaille loin que je jhabiterais proche de mon travail Non non [ ] je privileacutegie mon [ ]] ma vie priveacutee hum hum et pour moi dans ma vie priveacutee cest important de rester dans le quartier que jaime proche de mes amis OK donc je reste sur le Plateau [ ] je sacrifie du [ ] temps de deacuteplacementraquo p8 (PFOl)

Les lieux freacutequenteacutes renvoient dune part agrave des petits commerccedilants dalimentation

speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes pharmacies et deacutepanneurs

Ces lieux sont freacutequenteacutes agrave pied et on y trouve un certain plaisir agrave le faire Pour le magasinage

on aime freacutequenter lavenue Mont-Royal et le centre-ville

Cest le merveilleux quotidien que al Cest euh jai un quotidien hyper agreacuteable quoi parce que les gestes quotidiens pour moi vont mapporter beaucoup de plaisir Aller faire mes courses ccedila me fait pas chier parce que je sais que les gens vont ecirctre fins avec moi [ ]Je vais sur Mont-Royal pi je fais toutes les boutiques de long en large puis en travers parce que cest pas tregraves long Mont Royal quand on y pense descendre ma rue Parthenais jusquagrave Saint-Laurent cest pas tregraves long Tu commences par les magasins ougrave taimes aller quoi Cest ccedila et parfois je vais au Centre-ville mais jaime pas ccedila (PF03)

148

Oui mais souvent des petits commerces de quartier ougrave tas des bonnes choses lagrave je ne fais pas livrer du Saint-Hubert agrave chaque soir ou Domino s Pizza mais disons que tu peux tregraves bien manger pour agrave peu pregraves le mecircme prix une fois que tu as laquo spotteacute raquo les petits commerces ougrave ils ont des bonnes choses donc euh Comme jappelle ccedila mes laquo mamans raquo Jai plusieurs mamans dans le quartier qui me nourrissent Leacuteteacute je cuisine plus ou si jinvite plus de monde mais cest vrai que non ccedila la cuisine quand tu habites seul cest un peu ] Ben cest quelque chose qui prend le bord oui (PH02)

Bref la dimension fonctionnelle du Plateau Mont-Royal renvoie aux services de

proximiteacute et surtout agrave leur caractegravere central et facilement accessible agrave pied Cette dimension

agreacutemente le quotidien des reacutesidents du Plateau car ils y prennent un certain plaisir agrave le faire

compte tenu de la faciliteacute daccegraves que leur procure la proximiteacute des rues commerccedilantes mais

aussi pour le plaisir des relations marchandes comme lillustre cet extrait

Oui je reconnais les visages je dis bonjour agrave la petite madame que je connais ] ceux de la boulangerie Le cafeacute je vais toujours au mecircme endroit reacuteguliegraverement Jai vraiment jai des rituels un p tit peu tseacute comme une vieille fille ceacutelibataire Rire] Tseacute cest vraiment une vie de quartier ccedila ccedila la pas de prix quoi Cest pourquoi jai choisi le Plateau quoi (PF03)

Cest aussi lavis des solos plus acircgeacutes mecircme si certains deacuteplorent les contraintes

laquo daccessibiliteacuteraquo pour la circulation pieacutetonniegravere les fins de semaines

laquo ] lavenue Mont Royal la fin de semaine jeacutevite ccedila comme la peste parce que cest plein de monde pis je veux rien savoir (Rire) Cest comme un centre dachat agrave ciel ouvert tseacuteje veux dire cest des commerces cest long pi y a plein de monde sur la rue Moi je travaille pas le vendredi fait que je fais toutes mes courses le vendredi Fait que moi jeacutevite toute cette cohue-lagrave la fin de semaineraquo (PF08

Enfin le Plateau au sens large est selon les jeunes adultes et les plus vieux consideacutereacute

comme le lideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques fonctionnelles mais qui

ne sont pas sans lien avec lambiance et les personnes qui faccedilonnent ces lieux Comme Germain

et al (2005b) le mentionnent la densiteacute des logements situeacutes pregraves des services offerts et la

population reacutesidente jeune et fortement scolariseacutee contribue agrave creacuteer cette ambiance

149

Rosemont Petite-Patrie

Les lieux freacutequenteacutes renvoient comme sur le Plateau Mont-Royal agrave des petits

commerccedilants dalimentation speacutecialiseacutes comme des boulangeries des fruiteries et supermarcheacutes

pharmacie et deacutepanneurs mais aussi agrave certains eacutequipements culturels et publics comme les

parcs les bibliothegraveques le cineacutema et le Jardin Botanique mecircme sils sont moins nombreux quau

Plateau Mont-Royal Mais bien que lon considegravere quil existe une certaine proximiteacute de

services laspect de la centraliteacute de larrondissement dans la ville et la possibiliteacute de tout faire agrave

pied constitue aussi un eacuteleacutement dans leur description du quartier Petite-Patrie mais cet aspect

nest tregraves eacutevident dans tous les discours

Euh moi je me suis dit que ceacutetait un des meilleurs quartiers parce que ceacutetait moins cher que le centre-ville et que ceacutetait pas trop eacuteloigneacute et que les maisons eacutetaient belles que les paysages eacutetaient beaux aussi Pi quon trouve tout quon peut vivre complegravetement () (RFll)

[ ] il y a des services qui sont lagrave agrave proximiteacute quand mecircme deux meacutetros le meacutetro Beaubien le meacutetro Fabre et puis cest ccedila Les services faire des courses il y a une boulangerie il y a des petits commerces quand mecircme agrave proximiteacute et euh cest ccedila jaime quand mecircme le quartier (RH06)

Contrairement aux jeunes solos du Plateau certains reacutesidents ne font pas tous leurs achats dans

leur quartier Certains deacuteplorent laquo leacuteparpillementraquo de ces commerces et la qualiteacute des produits

et contrairement aux reacutesidents du Plateau on ny trouve pas neacutecessairement un plaisir agrave

freacutequenter ces lieux

laquo Ouais Ben ya la Plaza St-Hubert le marcheacute Jean-Talon est un p tit peu plus loin mais ya des commerces et des boulangeries que jaime bien aussi Mais tseacute cest ccedila ya comme [ ] rien de rassembleacute tout est eacuteparpilleacute tseacute comme le truc de pacirctes fraicircches sur Beacutelanger super cool mais lagrave il faut que jaille agrave lautre bout pour aller acheter mes fruits Tseacute cest comme pas ya rien Tseacute sur Mont-Royal tas quatre fruiteries tas des pacirctissiers tas des pacirctes fraicircches tas du pain tas des charcuteries tseacute tas toute ce quil faut Ouin En tout cas moije trouve ccedila la [ ] Tseacute ya une fruiterie lagrave tseacute ccedila vaut pas Tseacute je prends une tomate je la legraveve et ya du moisi dessus Ccedila me tente pas de revenir lagrave [ ] Mais quand mecircme tseacute ya pas mal de choix ya quand mecircme des trucs lagrave mais cest ccedila lagrave jen viens que je te dis que je descends en ville jamegravene mon sac agrave dos lagrave je me dis je vais arrecircter agrave la fruiterie sur

150

Mont-Royal lagrave je vais avoir ce que moi je cherche tseacute [ ] Oui ici je me sens un p tit peu out de ma zone Mais jaime ccedila mais je trouve quil manque dactiviteacutes Jaurais plus tendance tseacute agrave utiliser mon quartier tseacute sil y avait plus de vie plus de commerces plus de ouin cest des choses inteacuteressantes pour lagrave cest sucircr ya la Plaza St-Hubert mais la moitieacute cest des magasins agrave une piasse lagrave un moment donneacutejaime ben ccedila lagrave maisjaifaite le tour tseacuteraquo RF07

laquo [Silence Ben Marcheacute Jean-Talon a changeacute lagrave mais cest pas euh non jai pas vu dautre eacutevolution pi ccedila pas parce que jvais aller lagrave plus non plus lagrave Jtripe pas tant que ccedila quand je vais au Marcheacute Jean-Talon jsais pas pourquoi lagrave Jvais plus dans la p fite fruiterie lagrave Mais non ben ya des produits naturels et jy va de temps en temps mais cest comme petit ya pas grand-chose cest un peu cher jy vais pas souvent [ j yen a moins que dans le Plateau lagrave tseacute Cest sucircr que dans le Plateau jirais plus me promenerraquo (RFOl)

Bref chez les jeunes solos qui habitent le secteur Petite-Patrie de larrondissement

Rosemont Petite-Patrie on ne retrouve pas dans leur discours lideacutee que leur quartier est ideacuteal

pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute

dailleurs certains appreacutecient les services et leur situation geacuteographique par rapport agrave leur lieu

de reacutesidence tandis que dautres sont plus critique Chez les solos plus acircgeacutes de la Petite-Patrie

une bonne partie dentre eux disent appreacutecier leur quartier mais comme chez les jeunes adultes

les avis restent partageacutes en ce qui concerne cette dimension fonctionnelle de leur quartier

Cest eacutevident quil pourrait mettre un peu plus demphase sur la rue commerciale dans le mecircme sens que cest commenceacute sur Beaubien Rosemont est encore vraiment agrave la traicircne de ce cocircteacute-lagrave (RF05)

laquo Donc euh jsuis agrave proximiteacute de deux stations de meacutetro agrave eacutegale distance jsuis pregraves dun marcheacute public qui est Marcheacute Jean-Talon qui est pour moi extrecircmement important [ ] ah ccedila ccedila fait aussi partie de mes valeurs lagrave tseacute la fraicirccheur proximiteacute () socialisation superficielle mais qui est je trouve qui est inteacuteressante quand mecircme Ah j suis pregraves de cest quand vous avez une mobiliteacute reacuteduite cest important decirctre pregraves des sources de des lieux de transport en commun pi que jaie pas agrave mettre beaucoup dargent Donc pour se rendre dans les lieux de traitement aussiraquo RF04

151

Une bonne partie des reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie qui se disent tregraves satisfaits de leur

quartier en ce qui concerne les services et leur accessibiliteacute connaissent des difficulteacutes sur le

plan financier et social

Bref la dimension fonctionnelle du quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls va

au-delagrave dun rapport laquo instrumental raquo Les avantages de la proximiteacute procurent une certaine

laquo autosuffisanceraquo dans le mode dhabiter le quartier et lon considegravere quil sagit dun avantage

non neacutegligeable lorsque lon habite seul chez les jeunes et les moins jeunes Ces reacutesultats

marquent une distinction par rapport agrave lenquecircte reacutealiseacutee aupregraves de jeunes Bruxellois par de

Xavier Leloup (2005) ougrave il ressortait que le quartier eacutetait entre autres principalement appreacutecieacute

pour ce quil repreacutesentait cest-agrave-dire son ambiance la disponibiliteacute des lieux de sortie et

laquodexposition de soiraquo au sein dune population cosmopolite et diversifieacutee Enfin nos reacutesultats

vont dans le sens des reacutesultats de lenquecircte d Authier (1999) sur les rapports reacutesidentiels en

quartier ancien en ce qui concerne son utilisation en termes de consommation de bien et

services Il reacuteveacutelait aussi que le quartier constituait entre autres un lieu dachats mecircme ceux qui

eacutetaient effectueacutes dans leur quartier repreacutesentaient une petite partie de lensemble de leurs

deacutepenses (Auhtier 1999) De plus les avantages de la proximiteacute et de linvestissement dans les

lieux du quartier eacutetaient plus le fait des jeunes diplocircmeacutes des cadres et des professionnels que

des personnes acircgeacutees et des laquo groupes captifsraquo qui priorisaient davantage leur lieu de reacutesidence

Comme nous lavons mentionneacute plus haut la freacutequentation des commerces renvoie agrave un

caractegravere public et social qui deacutefinit aussi le rapport au quartier La dimension fonctionnelle du

quartier ougrave nous avons examineacute plus speacutecifiquement lutilisation de services de proximiteacute

comme les commerces dalimentation deacutepasse la simple laquo fonctionnaliteacuteraquo de ses services

Comme Germain et Charbonneau (1998) le soulignaient les eacuteleacutements qui contribuent agrave faire du

quartier un espace fonctionnel faccedilonneront en partie sa dynamique et son esprit Chez les

jeunes et les moins jeunes solos du plateau il semble y avoir un consensus Les services de

proximiteacute sont tregraves utiliseacutes et agreacutementent leur mode dhabiter en solo et nos reacutepondants vont

jusquagrave dire que le Plateau est le quartier ideacuteal pour ce mode de vie (Germain et al 2005b)

Du cocircteacute de la Petite-Patrie sans aller jusquagrave dire quil sagit du meilleur quartier pour les

personnes qui habitent seules certains lappreacutecient et lutilisent freacutequemment tandis que

dautres le critiquent et souhaiteraient des ameacuteliorations Cela peut sexpliquer par les

152

caracteacuteristiques propres au secteur de la Petite-Patrie qui est en voie de gentrification et qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste Dailleurs ce souhait concernant lameacutelioration de la qualiteacute et de la quantiteacute des

services de proximiteacute concerne plus speacutecifiquement parmi nos reacutepondants ceux qui possegravedent

certaines caracteacuteristiques de laquo gentrifieurs raquo des quartiers de larrondissement les plus scolariseacutes

et appartenant agrave des professions intellectuelles

Espace de sociabiliteacute

Dans ce qui suit nous examinerons le rapport au quartier comme espace de sociabiliteacute agrave partir de diffeacuterentes sphegraveres Il sera question des lieux de sociabiliteacute quils freacutequentent durant

leurs loisirs et leurs temps libres et les associations et activiteacutes de politiques locales auxquelles

ils participent et des relations de voisinage

Freacutequentation des lieux de sociabiliteacute dans le quartier

Dabord les principales activiteacutes de loisirs pratiqueacutees dans le quartier par les jeunes

solos au cours des six derniers mois sont dans lordre manger au restaurant et aller au cafeacute

faire des sorties culturelles pratiquer des activiteacutes sportives et faire des sorties dans des bars et

discothegraveques Par rapport aux autres groupes dacircge les jeunes adultes sont plus nombreux agrave faire

des sorties culturelles et des sorties dans les bars dans leur quartier

Le tableau 810 de la page suivante preacutesente les types dactiviteacutes de loisir pratiqueacutees

depuis les six derniers mois agrave linteacuterieur des quartiers situeacutes dans les arrondissements agrave leacutetude

On remarque quil existe une diffeacuterence entre lutilisation des services de loisir entres les

reacutepondants des deux arrondissements Pour lensemble des activiteacutes les jeunes adultes du

Plateau Mont-Royal sont plus nombreux agrave faire ces activiteacutes agrave linteacuterieur des quartiers de leur

arrondissement Cela sexplique par les caracteacuteristiques propres au Plateau Mont-Royal en

matiegravere despaces publics et de lieux de loisirs et de sociabiliteacute Comme nous lavons vu plus

haut il sagit de lun des arrondissements qui deacutetient une forte concentration de lieux de sorties

et deacutequipements culturels comme des theacuteacirctres des cineacutemas et salles de spectacles freacutequenteacutes

non seulement par les reacutesidents mais aussi par plusieurs touristes et reacutesidents montreacutealais et de

la reacutegion Enfin les jeunes adultes qui habitent le Plateau Mont-Royal ne se distinguent pas de

153

lensemble des reacutesidents du Plateau interrogeacutes mais les jeunes adultes de Petite Patrie sont plus

enclins agrave faire des sorties culturelles et agrave sortir dans les bars par rapport agrave lensemble des

personnes rencontreacutees

Tableau 810 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees dans leur arrondissement au cours des six derniers mois

Activiteacutes pratiqueacutees dans Jeunes adultes Tous les solos leur arrondissement

PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives 9 3 12 22 15 37

Activiteacutes artistiques 4 0 4 11 3 14 Sorties culturelles 10 4 14 19 15 34

Manger au resto aller au cafeacute 11 4 15 26 21 47

Sorties dans les bars 8 3 11 14 6 20

Assister agrave un match sportif 1 0 1 4 0 4 Total (N) 11 5 16 26 24 50

Par ailleurs comme lindique le tableau 811 de la page suivante les jeunes adultes

pratiquent aussi ces activiteacutes agrave lexteacuterieur des quartiers de leur arrondissement Dailleurs les

jeunes solos sont plus nombreux agrave le faire que lensemble des personnes rencontreacutees De plus

les jeunes adultes de larrondissement Rosemont Petite-Patrie sont aussi plus enclins agrave faire des

sorties agrave lexteacuterieur de leur quartier plutocirct quagrave linteacuterieur

154

Tableau 811 - Distribution des activiteacutes de loisir pratiqueacutees agrave lexteacuterieur de leur arrondissement au cours des six derniers mois

Jeunes adultes Tous les solos Activiteacutes pratiqueacutees dans

leur arrondissement PMR RPP Total PMR RPP Total

Activiteacutes sportives (N) 10 5 15 19 13 32

Activiteacutes artistiques (N) 5 2 7 11 7 18

Sorties culturelles (N) 9 5 14 22 22 44 Manger au resta aller au cafeacute (N) 11 4 15 24 22 46

Sorties dans les bars (N) 8 3 11 14 11 25

Assister agrave un match sportif (N) 1 0 1 3 3 6

Total (N) 11 5 16 26 24 50

A la lecture des entrevues nous pouvons deacutegager des rapports de sociabiliteacute au quartier

qui preacutesentent quelques diffeacuterences entre les reacutepondants du Plateau Mont-Royal et de ceux de

Rosemont Petite-Patrie mais aussi des points communs

Les cafeacutes et les lieux de sorties Dabord en ce qui concerne la sociabiliteacute publique les reacutesidents du Plateau Mont-Royal

freacutequentent plusieurs lieux de sociabiliteacute publique comme des cafeacutes des cafeacutes-resto des

restaurants des pubs et parfois des bars des parcs et des eacutequipements culturels comme les

bibliothegraveques les librairies les cineacutemas et maisons de la culture principalement situeacutes sur les

rues principales de larrondissement particuliegraverement les rues Mont-Royal et Saint-Laurent

Starbuck Cafeacute original toujours sur Mont-Royal Parce que je vais souvent travailler lagrave une ou deux heures euh et le jeudi soir le Baraka sur Mont Royal je vais souvent prendre un verre lagrave ] Lagrave tu vois comme le samedi matin je vais me prendre un cafeacute lagrave-bas Le cafeacute Starbuck aussi sur Mont Royal je prends un cafeacute latteacute Sur lavenue Duluth aussi ya un ptit resto que jadore ccedila vraiment ccedila sappelle chez Joseacute ccedila cest comme ma petite place aussi Y a des bars aussi ya le Reacuteservoir ] ccedila cest sur lavenue Duluth Ccedila cest vraiment des spots ougrave je vais quoi (PF03)

155

Plusieurs dentre eux sont mecircme des habitueacutes de ces lieux de sociabiliteacute et reconnaissent

certains commerccedilants des commerces de proximiteacute comme lillustrent ces extraits

Bage etcetera je lai connu par hasard en passant devant un jour j suis alleacutee brun cher puis jaime beaucoup latmosphegravere les gens donc j y vais souvent euh ou avec des amis ou tout seul Dailleurs j y vais souvent seule parce que du coup agrave force d y aller je connais les serveurs et ccedila me deacuterange pas Je me mets au bar puis on discute en mangeant (PFOi)

Oui mais Chez Julia oui je vais lagrave souvent Lagrave je viens de me rappeler La serveuse cest toujours la mecircme serveuse et elle me reconnaicirct est-ce que tu vas prendre un autre plat aujourd hui Elle me connaicirct Elle sait exactement ce que je vais prendre parce que je prends toujours la mecircme chose PFii

Ah oui oui cest un quartier qui est accueillant parce que je trouve que en geacuteneacuteral les gens sont souriants euh je trouve que quand je fais mes courses euh ben souvent les gens vont me parler que ce soit les commerccedilants ou dautres clients cest euh cest pas compliqueacute euh cest euh informel convivial euh latmosphegravere est bonne dans les cafeacutes et tout ccedila [ JYa beaucoup de personnes qui promegravenent leur chien justement dans le coin PFJO

Le fait de laquo reconnaicirctreraquo et de laquo connaicirctreraquo renvoie agrave une sociabiliteacute qui implique un

degreacute de proximiteacute qui se reacutealise dans une certaine distance dans la relation et dans un degreacute

danonymat variable

Chez les reacutesidents de la Petite-Patrie les rapports de sociabiliteacute avec les commerccedilants

concernent davantage les magasins dalimentation speacutecialiseacutes comme les eacutepiceries et les

boulangeries plutocirct que les lieux de sorties comme les cafeacutes et les restaurants Par ailleurs ils

freacutequentent les eacutequipements publics comme le Jardin Botanique les bibliothegraveques et les parcs

On constate un rapport de sociabiliteacute diffeacuterent et qui seffectue davantage dans la distance

Contrairement aux jeunes adultes du Plateau Mont-Royal le plaisir des relations impersonnelles

et de la relation marchande est quasi absent Par ailleurs certains le retrouvent mais dans un

autre quartier que le leur comme ceux situeacutes sur le Plateau Mont-Royal

156

Ben moi ce que jappreacutecie dans le fond les avantages cest la proximiteacute du Jardin Botanique le Parc Maisonneuve tseacute je les freacutequente beaucoup La bibliothegraveque qui est agrave cocircteacute ccedila cest des activiteacutes solitaires cest pas des lieux ougrave on peut rencontrer du monde lagrave Mais moi jai pas cet objectif lagrave RF07

Oui ben jai pas vraiment de [ J je ne sors pas beaucoup Je serais plus tenteacute de sortir je vous dirais en semaine pis la fin de semaine peut ecirctre parce que [ ] les gens sortent beaucoup pis quand on veut aller au restaurant quand on va dans les lieux publics il y a souvent beaucoup de monde Je trouve ccedila un peu plus difficile de pas que je naime pas le monde [ ] Oui ben je connais [ ] ici une eacutepicerie daliments naturels jai deux collegravegues avec qui jeacutetudie agrave leacutecole qui travaillent lagrave donc je connais [] Oui et puis sinon le Meacutetro lagrave non Jy vais parce que ils ont quand mecircme des produits que jutilise mais jachegravete jamais que ccedila soit agrave un endroit ou agrave un autre jachegravete vraiment des grosses quantiteacutes RH06

(silence) cest pas un quartier que jinvestis tellement Je laime bien mais sans plus [ ] Ouais Ou dans le centre-ville mais plus sur le Plateau RHOI

Bref mecircme si les reacutesidents de Petite Patrie investissent divers lieux publics dans leur

quartier ils entretiennent un rapport diffeacuterent plus distant avec les personnes avec qui ils sont

en interaction dans les lieux publics et les services comparativement aux reacutesidents du Plateau

Mont-Royal Par ailleurs la proximiteacute de larrondissement voisin le Plateau Mont-Royal joue

un rocircle dans le plaisir des relations publiques et impersonnelles sur les rues commerciales qui

comportent divers lieux de sorties et de loisirs En effet la rue commerciale et plus preacuteciseacutement

lavenue Mont-Royal constitue laquo lespace publicraquo de sociabiliteacute par excellence non seulement

pour ceux qui habitent le sur le Plateau Mont-Royal mais aussi pour ceux qui sont danciens

reacutesidents du Plateau et qui demeurent agrave Rosemont Petite-Patrie comme RF07 et RHOI

[ J cest quand mecircme euh proche pas trop loin du Plateau Mais mes activiteacutes je les fais sur le Plateau aussi Si je serais sur le Plateau ce serait le plus simple pour moi Cest juste que ccedila marche pas (RHOI)

Certains comme RF07 reacutesidente de RPP freacutequente non seulement le Plateau Mont-

Royal pour ses lieux de sociabiliteacute sur les rues commerciales mais aussi pour certaines

commoditeacutes offertes

157

Je vais sur le Plateau sur le Plateau cest ben moins loin On va au Bobard on va au Boudoir ces des endroits auxquels je midentifie plus RF07

Nous pouvons ainsi deacutegager deux types de rapports au quartier en lien avec les

dimensions sociales et fonctionnelles de la notion de quartier Mecircme sil ne sagit pas de liens

forts les relations marchandes sont aussi agreacuteables et relieacutees avec la proximiteacute et la

laquo disponibiliteacuteraquo des lieux Les caracteacuteristiques propres agrave chacun des arrondissements

influencent ainsi le rapport de sociabiliteacute mais aussi la maniegravere dappreacutecier la vie en solo

La proximiteacute joue un rocircle important pour la sociabiliteacute publique et le plaisir des relations

sociales impersonnelles et comme lillustrent les extraits preacuteceacutedents le fait dhabiter en quartier

central semble pallier lisolement et le sentiment de solitude par opposition agrave des secteurs situeacutes

plus en peacuteripheacuterie de la ville

[ ] jimagine que cest pas pour rien que moi jai eacuteteacute attireacutee par ccedila et que je sais qui en a plein dautres et le fait quil y ait beaucoup de cafeacutes de restaurants de boutiques euh de deacutepanneurs cest [ ] le paradis du ceacutelibataire quoi jveux dire ya tout ce quifaut mecircme si on est pas en couple et quon a peu damis tu peux quand mecircme avoir du fun parce quil y a plein de choses () tu vois ya des activiteacutes culturelles quoi mecircme si tas pas damis tu peux aller au cineacutema seul Tu peux aller voir un [ ] spectacle agrave la maison de la culture tu peux aller boire un cafeacute aller au restaurant euh des p tits pis comme y a beaucoup de gens si tu veux on ne va pas te regarder du coin de lœil Cest normal daller au cafeacute seul ya beaucoup de monde pis ya beaucoup dactiviteacutes offertes Donc euh effectivement oui cest cest () non mais tu vois ce que jveux dire si je me compare agrave si je vivais je sais pas lagrave dans un logement ou un condo agrave Terrebonne euh Jai rien contre Terrebonne si tu veux mais enfin je [ ] prends lexemple tu vois euh ou agrave Brossard [ ] mais quest-ce que je ferais chez moi le soir Jveux dire euh cest [ ] des quartiers reacutesidentiels de familles des quartiers-dortoirs () ya pas de [ ] dactiviteacutes agrave deux pas agrave pied Il faut prendre lauto pour aller au centre commercial pour aller au cineacutema Cest un quartier cest pas le genre de [ ] lieux de vie de personnes vivant seules PFOJ

Je sais pas ce qui a agrave faire agrave Laval ou agrave Longueuil Ben pour moi Petite-Patrie cest de la banlieue ou presque [ ] Ben parce que cest assez reacutesidentiel y a pas grand chose eacutevidemment on va dire parce que tes Franccedilais Mais pour moi la Petite-Patrie cest pas grand chose Cest un quartier surtout reacutesidentiel cest un ancien quartier ouvrier ya pas mal de vieux moi je vois plus ccedila pour euh mon appartement jy vais rarement juste pour dormir je veux dire oui je passe pas de temps RHOJ

158

Bref les jeunes solos que nous avons rencontreacutes entretiennent des rapports qui ne se

limitent pas agrave des usages fonctionnels relieacutes au logement et aux commoditeacutes offertes Le plaisir

des relations marchandes et la sociabiliteacute publique font aussi partie de leur rapport au quartier

Ils entretiennent aussi un rapport de sociabiliteacute publique diffeacuterent sur les rues commerciales

selon larrondissement habiteacute Ce rapport de sociabiliteacute sinscrit dans le registre de la proximiteacute

et de la distance au sens de Simmel

Enfin la provenance et la mobiliteacute reacutesidentielle ne semblent pas constituer des facteurs

majeurs dans le rapport de sociabiliteacute puisque nous observons les mecircmes distinctions chez les

groupes plus acircgeacutes qui sont relativement moins mobiles que les jeunes adultes Par ailleurs

comme dans lenquecircte dAuthier (1999) les reacutesidents qui ont choisi leur quartier sont ceux qui

linvestissent le plus pour les sorties et la sociabiliteacute publique Rappelons que la majoriteacute des

reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie avaient choisi leur logement en raison de son prix et de sa

disponibiliteacute avant leur quartier contrairement aux reacutepondants des quartiers du Plateau Mont-

Royal

Les gens quils connaissent et quils cocirctoient dans leur quartier

En ce qui a trait agrave la sociabiliteacute laquoinformelle raquo certains ont reacutepondu quils

laquo reconnaissentraquo des gens lorsquils se promegravenent dans leur quartier comme des voisins et des

commerccedilants et dautres nous ont indiqueacute quils rencontrent par hasard des personnes quils

laquo connaissent raquo comme des collegravegues de travail ou des amis Agrave cet effet nous avons aussi deux

cas de figure selon larrondissement habiteacute

J peux te dire samedi justement lagrave je fais ma p tite laquo run raquo jconnais [ ] certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p lite tourneacutee dans la rue sans [ ) que ceacutetait pas preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais (PHOl)

[ Ah non non mais cest des gens que je connais parce quon se voit tseacute On freacutequente les mecircmes endroits Ils ont des rocircles secondaires dans ma vie des rocircles muets (Rire) [ euhf ouin (rire) des fois je me dis ah non pas encore (rire) Non jsuis pas quelquun qui euh qui va deacutevelopper des liens avec le quartier Cest ccedila ben jimagine quil y a des gens qui aiment ccedila Cest normal y en a sucircrement (RF07)

159

Chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie la plupart reconnaissent des visages alors que

chez les reacutesidents du Plateau Mont-Royal certains laquo reconnaissentraquo et dautres connaissent

davantage les personnes quils croisent

Espace politique et associatif

Enfin aucun de nos reacutepondants nest impliqueacute sur la scegravene locale agrave lexteacuterieur dun

travail professionnel et reacutemuneacutereacute et tous comme leurs homologues plus acircgeacutes se sentent peu

concerneacutes par les enjeux locaux Lorsque nous leur avons demandeacute sils avaient connaissance

dun enjeu dans leur quartier pour lequel ils seraient precircts agrave simpliquer ougrave agrave deacutefendre leur point

aucun eacuteleacutement majeur nest ressorti en raison dun manque dinteacuterecirct pour ce qui peut se passer

sur la scegravene locale

Remarque que je me tiens pas vraiment au courant [ ) cest pas que ccedila minteacuteresse pas mais ben ccedila minteacuteresserait lagrave parce que jsuis quelquun qui est inteacuteresseacute par des trucs sociaux pis euh mais ya rien qui attire mon attention dans ce sens-lagrave (RF07)

Une personne a parleacute de la propreteacute dans le quartier et une autre avait deacutejagrave dans le passeacute signeacute

une peacutetition En ce qui a trait aux ameacuteliorations souhaiteacutees dans leur quartier et plus

speacutecifiquement pour les personnes qui habitent seules certains ont traiteacute du prix des logements

et des coucircts financiers relieacutes au mode dhabiter en solo Par ailleurs un point est ressorti de

faccedilon importante chez les reacutesidents de Rosemont Petite-Patrie En effet mecircme si la plupart

dentre eux freacutequentent certains lieux publics et services situeacutes agrave proximiteacute de leur logement le

dynamisme commercial et de loffre de lieux de sociabiliteacute constitue pour la plupart une lacune

importante dans le quartier et renvoie agrave une insatisfaction

Ouais cest ccedila par rapport au Plateau lagrave Ccedila me manque je trouve que ccedila manque de () ya comme des ce que je trouve inteacuteressant cest le marcheacute Jean-Talon mais cest loin un peu lagrave [ mais ya pas une diversiteacute ya pas quatre fruiteries comme sur Mont-Royal par exemple lagrave tu peux vraiment choisir quest-ce qui te tente le plus ou en tout cas ce qui te convient le mieux en terme de prix et tout ccedila Faque ccedila je trouve ccedila plate Surtout que moi jaime ccedila magasiner jaime ccedila aller voir pis fouiner mais lagrave je me retrouve un p tit peu moins lagrave (RF07)

160

Bref comme dans lenquecircte de Leloup (2005) et de Charbonneau et Molgat (2003) les

jeunes adultes ont peu dinteacuterecircts pour les enjeux locaux et ne se sentent pas non plus comme une

laquo clientegraveleraquo speacutecifique En plus de ne pas deacutemontrer dinteacuterecirct pour les enjeux locaux ils ne sont

pas engageacutes dans une vie associative agrave leacutechelle de leur quartier ou de leur arrondissement mais

portent de linteacuterecirct pour les enjeux internationaux et environnementaux Lespace politique local

ne constitue donc pas un lieu de sociabiliteacute chez les jeunes adultes qui habitent seuls

Conclusion sur Je rapport au quartier La gentrification et la proximiteacute comme balise de sociabiliteacute dans lhabiter en solo

Tout compte fait agrave partir des dimensions symboliques fonctionnelles et sociales nous

pouvons deacutegager deux types de rapports au quartier qui sinscrivent dans le registre de la

proximiteacute et de la distance et qui se rattachent agrave lun et agrave lautre de nos territoires agrave leacutetude

Pour les reacutesidents du Plateau Mont-Royal les jeunes adultes entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee qui sinscrit dans le registre de la proximiteacute et de la

distance Ce rapport correspond agrave une valorisation du sens symbolique et de ses caracteacuteristiques

fonctionnelles et sociales qui lui sont speacutecifiques En effet le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves

positive comme eacutetant le quartier ideacuteal pour les personnes qui habitent seules Il est deacutecrit comme

un endroit laquovivant raquo doteacute dune ambiance particuliegravere et dune vie culturelle inteacuteressante et de

plusieurs lieux de sorties et de services publics comme les transports et eacutequipement culturels

Les services de proximiteacute de mecircme que les lieux de sociabiliteacute publics sur les rues

commerccedilantes ont une influence sur le mode dhabiter en solo et cela sexplique par le partage

dune proximiteacute sociale entre les personnes qui investissent ces lieux Les caracteacuteristiques des

trois des quatre dimensions qui deacutefinissent le rapport entretenu avec le quartier sont nourries par

le processus de gentrification au Plateau Mont-Royal Comme nous lavons vu plus haut le

Plateau Mont-Royal eacutetait autrefois habiteacute par des familles En effet les familles avec enfants

repreacutesentaient les deux tiers des meacutenages (67 ) en 1971 Le Plateau Mont-Royal fut

progressivement investi par des jeunes adultes de plus en plus scolariseacutes et qui occupent des

emplois professionnels Aussi larriveacutee des jeunes adultes au Plateau Mont-Royal nest pas sans

liens avec le deacuteveloppement du mode de colocation comme mode dhabiter qui a preacuteceacutedeacute le

mode de vie en solo La gentrification a redeacutefini les repreacutesentations symboliques et le

161

dynamisme des rues principales comme lAvenue Mont-Royal et par le fait mecircme le rapport

entretenu avec les quartiers avoisinants et les reacutesidents

Pour Rosemont Petite-Patrie le rapport au quartier est plus laquo instrumentalraquo et moins

important en matiegravere de sociabiliteacute et dattachement symbolique Nous avons vu que limage des

quartiers de cet arrondissement eacutetait moins positive que ceIIe du Plateau Mont-Royal Il est

deacutecrit comme un quartier tranquille agreacuteable principalement familial ougrave lon peut se loger agrave un

prix abordable et ougrave lon deacutesire rester une peacuteriode agrave plus ou moins court et moyen terme On ne

retrouve pas dans leurs discours lideacutee que la Petite-Patrie lagrave ougrave nos reacutepondants habitent est

ideacuteal pour habiter seul en raison de la faciliteacute daccegraves que procurent les services de proximiteacute et

des lieux de sociabiliteacute Cela peut sexpliquer par les caracteacuteristiques propres au secteur ougrave ils

reacutesident la Petite-Patrie situeacute agrave lest de larrondissement qui est en voie de gentrification qui

comporte une population moins jeune que celle du Plateau et de statut socio-eacuteconomique plus

modeste et donc une ambiance diffeacuterente Les lieux de sociabiliteacute les cafeacutes restaurants et bars

des rues Beaubien et Saint-Hubert sont diffeacuterents de ceux que lon retrouve actuellement sur la

rue Mont-Royal ou Saint-Denis En effet les espaces publics comme les cafeacutes et les restaurants

sont souvent freacutequenteacutes par un type de personnes qui contribuent agrave deacutefinir et laquo redeacutefinirraquo ces

espaces en tant que tels de mecircme que lidentiteacute laquo lesprit raquo les normes et les regravegles de conduite

Dun cocircteacute il nest donc pas surprenant de retrouver plusieurs personnes qui preacutesentent des

caracteacuteristiques semblables comme le statut social ou lacircge dans un lieu public mais de lautre

il nest pas surprenant que les personnes qui preacutesentent des caracteacuteristiques diffeacuterentes

ressentent un certain inconfort agrave les freacutequenter

Les diffeacuterences qui deacutefinissent les rapports au quartier sexpliquent par leacutecart entre les

processus de gentrification qui ont cours dans chacun des arrondissements Lun est fortement

gentrifieacute tandis que lautre est en voie de lecirctre Cet eacuteleacutement a une incidence sur le rapport agrave

lespace et le mode dhabiter en solo en quartier central En effet en ce qui concerne le

sentiment disolement chez les jeunes adultes le quartier gentrifieacute constitue une sorte de balise

dans le mode dhabiter en solo Nos reacutesultats montrent que la sociabiliteacute publique dans lespace

de proximiteacute naccentue pas le sentiment disolement et de solitude dans un quartier gentrifieacute

162

En effet les reacutepondants appreacutecient cette forme de sociabiliteacute et selon eux ils seraient plus isoleacutes

dans des milieux situeacutes en peacuteripheacuterie du centre (banlieue)

Les rapports de sociabiliteacute publique au quartier renvoient agrave un degreacute de proximiteacute qui

seffectue toutefois dans la distance dans la relation et dans un degreacute danonymat variable La

sociabiliteacute publique renvoie aux rapports plus ou moins personnaliseacutes plus laquo distants raquo voire

superficiels avec autrui Comme nous lavons vu plus haut elle implique le partage dun espace

commun et la reconnaissance des autres personnes preacutesentes et elle peut deacuteboucher sur le simple

plaisir decirctre ensemble eacutetant donneacute que les rapports aux autres ne sont pas neacutecessairement

personnaliseacutes La figure de lEacutetranger repreacutesente chez Simmel la speacutecificiteacute des relations

sociales et laffirmation de lindividualiteacute qui caracteacuterisent les villes selon Simmel Si cette

figure symbolise entre autres une forme dalieacutenation et de solitude en milieu urbain nos

reacutesultats indiquent que les lieux publics ougrave la rencontre avec lEacutetranger seffectue constituent

une source de sociabiliteacute qui contribue agrave agreacutementer et palier le sentiment disolement chez les

jeunes adultes qui habitent seuls en quartier gentrifieacute Cela sexplique par la proximiteacute sociale de

lensemble des laquo eacutetrangersraquo qui freacutequentent ces lieux et de lambiance quils creacuteent

Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats concernant le rapport au quartier on peut se demander en

quoi les jeunes adultes qui habitent seuls se distinguent des adultes plus acircgeacutes qui habitent seuls

Le rapport au quartier chez les jeunes adultes qui habitent seuls ne preacutesente pas de grandes

diffeacuterences avec leurs homologues plus acircgeacutes sur les plans symbolique fonctionnel social et

politique En effet nous remarquons les mecircmes distinctions entre les reacutesidents de Rosemont

Petite-Patrie et le Plateau Mont-Royal Comme chez les jeunes adultes qui habitent le Plateau

les solos plus acircgeacutes ont une image positive et valorisent ses caracteacuteristiques fonctionnelles et

sociales qui lui sont speacutecifiques Chez les reacutesidents de Rosemont on remarque aussi que le

rapport au quartier est un peu plus laquo instrumentalraquo et moins important en matiegravere de sociabiliteacute

et dattachement symbolique comparativement aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal Par

ailleurs les reacutesidents plus acircgeacutes de Rosemont Petite sont toutefois un peu plus nombreux agrave avoir

une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute publique que leurs homologues plus

jeunes Enfin les jeunes adultes comme les plus vieux portent tregraves peu dinteacuterecirct aux enjeux

163

locaux de leur quartier et aucun dentre eux nest impliqueacute dans un organisme ou dans un parti

politique pour deacutefendre les inteacuterecircts de leur quartier

Bref lacircge ne constitue pas un facteur qui deacutefinit les rapports au quartier Sagit-il dun

comportement solo ou dun comportement laquo Plateau raquo Comment expliquer les modes de vie

des plus vieux On peut se demander sil sagit dun comportement typique dune personne qui

habite seule en milieu urbain Agrave la lumiegravere de ces reacutesultats nous pouvons faire 1 hypothegravese que

le mode de vie en solo serait dans cette perspective tributaire des caracteacuteristiques et des

processus de peuplement du quartier habiteacute plutocirct que des peacuteriodes de cycle de vie et de lacircge

des individus

83 LES REacuteSEAUX SOCIAUX

Dans ce qui suit nous ferons un portrait geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux et nous nous

attarderons plus speacutecifiquement agrave la dimension spatiale des reacuteseaux Dabord il sagira de

preacutesenter la taille les caracteacuteristiques sociales des alters et les types de liens des membres qui

composent lensemble des reacuteseaux recenseacutes en lien avec celles de leur ego nos reacutepondants

Ensuite nous examinerons la reacutepartition geacuteographique des membres des reacuteseaux Enfin nous

examinerons au moyen des entrevues ce que repreacutesente la proximiteacute sociale des relations

sociales dans leur mode dhabiter en solo et dans leur mode de vie en geacuteneacuteral

La taille

Dabord le nombre total des membres de lensemble des reacuteseaux des jeunes adultes que

nous avons rencontreacutes est de 656 et de 1631 pour lensemble de leacutechantillon Le nombre de

personnes citeacutees par les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes varie entre

19 et 88 personnes la taille moyenne de leur reacuteseau est de 41 personnes et la meacutediane est de 39

Ce qui signifie que la moitieacute de nos reacutepondants a plus de 39 personnes dans son reacuteseau et que

lautre moitieacute en a moins

164

Nos reacutesultats montrent que la taille des reacuteseaux est plus importante chez les jeunes

adultes par rapport aux groupes dadultes mucircrs et vieillissants Chez les autres groupes dacircge

adulte leacutetendue des personnes citeacutees varie entre 6 et 98 personnes Dailleurs parmi les neuf

reacutepondants de tout leacutechantillon total qui deacutetiennent plus de 50 personnes dans leurs reacuteseaux

cinq sont des jeunes adultes Cela rejoint lenquecircte de Claire Bidart sur la sociabiliteacute selon lacircge

Selon les donneacutees denquecircte quelle a examineacutees laquo Le nombre dinterlocuteurs en une semaine

dun homme actif passe de 185 avant 30 ans agrave 152 apregraves 60 ans Pour une femme active il

passe aux mecircmes acircges de 209 agrave 129raquo (Heacuteran F 1988 8 dans Bidart 1997 192 dans rapport

sur les reacuteseaux) Ces reacutesultats vont aussi dans le sens des enquecirctes sur la sociabiliteacute et la

jeunesse qui reacuteveacutelaient que les jeunes adultes se deacutemarquent entre autres par la taille de leurs

reacuteseaux (Leloup 2000 Galland 1993) De plus selon une enquecircte portant sur la sociabiliteacute de

jeunes colleacutegiens dirigeacutee par Johanne Charbonneau et Sylvain Bourdon et utilisant les mecircmes

outils denquecirctes que les nocirctres il apparaicirct que les jeunes colleacutegiens ont citeacute en moyenne 304

personnes dans leur reacuteseaul5 (Charbonneau et al 2006)

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux selon la provenance des jeunes adultes cest-

agrave-dire le domicile familial nous remarquons que la taille des reacuteseaux est plus importante chez

les Montreacutealais dorigine que chez les personnes originaires dune autre ville que Montreacuteal et

dun autre pays avec une moyenne de 46 personnes comparativement agrave un nombre moyen de 35

et de 38 personnes chez les autres Chez les solos plus acircgeacutes la taille des reacuteseaux des reacutepondants

provenant de leacutetranger et dune autre ville ou dune autre reacutegion que Montreacuteal agrave linteacuterieur du

Canada est presque deux fois plus eacuteleveacutee que celle des Montreacutealais dorigine Le tableau 812 de

la page suivante preacutesente la taille des reacuteseaux des personnes rencontreacutees selon leurs

caracteacuteristiques

15 Bien que la comparaison entre cette enquecircte et la nocirctre soit inteacuteressante en raison des outils meacutethodologiques partageacutes il reste que les populations agrave leacutetude comportent plusieurs distinctions en termes dacircge et de situation reacutesidentielle et familiale non seulement par rapport agrave notre population mais aussi par rapport aux populations des enquecirctes que nous avons eacutetudieacutees jusquici Cest la raison pour laquelle nous neacutevaluerons pas la porteacutee de tous nos reacutesultats par rapport agrave cette enquecircte

165

Tableau 812 - Taie des reacuteseaux des jeunes adultes et des adultes solos se on arron Issemen ale et 1a provenance 1 l dmiddot t h bt

Arrondissement Provenance habiteacute

Personnes Autre rencontreacutees Total PMR RPP Ville et

Montreacutealais reacutegion Europeacuteens Cano

Jeunes adultes

Moyenne 41 49 22 46 35 38 Meacutediane 39 49 21 45 27 37 (N) (16) (11 ) (5) (8) (3) (5)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne 29 35 24 27 25 51 Meacutediane 24 31 21 24 22 40 (N) (34) (15) (19) (17) (13) (4)

Total eacutechantillon

Moyenne 33 41 23 33 27 44 Meacutediane 26 39 21 31 24 37 (N) (50) (26) (24) (25) (16) (9)

En reacutefeacuterence au quartier habiteacute des arrondissements les reacutesidents des quartiers du

Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux qui habitent

les quartiers de Rosemont Petite-Patrie En effet la taille moyenne des reacuteseaux des reacutepondants

qui habitent au Plateau Mont-Royal est jusquagrave deux fois plus eacuteleveacutee que celle des reacutesidents de

Rosemont Petite-Patrie Cette diffeacuterence sobserve eacutegalement chez leurs homologues plus acircgeacutes

mais avec un eacutecart moins important Il est difficile dexpliquer cette diffeacuterence car les territoires

agrave leacutetude renvoient agrave des uniteacutes administratives les arrondissements et cela pose des limites

dans la comparaison entre les caracteacuteristiques des reacuteseaux des reacutesidents de ces territoires

Lorsque lon examine la taille des reacuteseaux en lien avec les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui les ont

meneacute au fait dhabiter seul et la provenance des reacutepondants pour chacun des arrondissements on

remarque que la taille des reacuteseaux des reacutesidents du Plateau Mont-Royal demeure plus eacuteleveacutee que

celle des reacutesidents de Petite-Patrie peu importe le type de parcours et la provenance Enfin il est

possible que le nombre dinterlocuteurs soit insuffisant pour porter un diagnostic significatif

166

Tableau 8 13- Les eacutevegravenements deacuteclencheurs qui ont meneacute les jeunes adultes agrave habiter seul

la provenance et la taille des reacuteseaux

Jeunes adultes Eumlvegravenement deacuteclencheur Provenance Taille du reacuteseau rencontreacutes PF01 Quitteacute la colocation Europe 37 PF02 Rupture amoureuse Montreacuteal 49 PF03 Rupture amoureuse Europe 40 PF09 Rupture amoureuse Montreacuteal 39 PF10 Rupture amoureuse Montreacuteal 88 PF11 Migration eacutetudestravail Toronto 24 PF14 Rupture amoureuse Montreacuteal 50 PF15 Quitteacute la colocation Montreacuteal 54 PH01 Migration eacutetudetravail Queacutebec 53 PH02 Rupture Montreacuteal 40 PH04 Migration travail Europe 70 RF01 Rupture Montreacuteal 19 RF07 Rupture Montreacuteal 25 RF11 Migration Gatineau 27 RH01 Rupture Europe 21 RH06 Migration Europe 20

Les intimes

Les jeunes adultes qui habitent seuls ont citeacute en moyenne huit intimes dans leurs

reacuteseaux et la meacutediane est de huit ce qui est un peu plus eacuteleveacute par rapport aux jeunes ceacutegeacutepiens

de lenquecircte de Charbonneau et Bourdon (59) (Charbonneau et al 2006) Les intimes

correspondent aux personnes avec lesquelles ils se sentent le plus proche et avec qui ils discutent

de choses importantes Ils repreacutesentent moins du quart de leurs reacuteseaux (21 ) Les reacutesidents du

Plateau ont citeacute en moyenne un plus grand nombre dintimes (9) dans leurs reacuteseaux que les

jeunes solos de Petite-Patrie (5) Par ailleurs la part des intimes est plus importante chez les

reacutesidents de la Petite-Patrie Ils repreacutesentent pregraves du quart (24 ) de leur reacuteseau social tandis que

pour le Plateau cest le cinquiegraveme (20 ) En ce qui concerne la provenance on nobserve pas

de distinctions particuliegraveres entre le nombre moyen dintimes citeacutes Le tableau 814 de la page

suivante reacutesume la taille des intimes dans les reacuteseaux des reacutepondants selon leurs caracteacuteristiques

167

Tableau 814 - Proportion des intimes dans les reacuteseaux des jeunes adultes et es a u es so os se on arron Issemen a 1 ee a provenanced d It 1 1 l dmiddot t h bl t 1

Personnes rencontreacutees

Jeunes adultes

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Solos plus acircgeacutes

Moyenne Meacutediane

(N) Total eacutechantillon

Moyenne Meacutediane

Part repreacutesenteacutee (N)

Arrondissement Provenance Total habiteacute

Autre PMR RPP Ville et Europeacuteens

Montreacutealais reacutegion Cano

8 9 5 8 7 8 8 10 6 9 6 6

20 19 23 18 20 22 (128) (102) (26) (65) (21) (42)

7 8 5 6 7 13 6 7 5 5 6 15

24 23 20 22 27 25 (236) (122) (69) (85) _(85) (52)

7 8 6 7 7 10 6 9 6 6 6 12

22 21 25 20 25 24 (364) (224) (140) (164) (106t (94)

Enfin les jeunes adultes qui habitent seuls ont en geacuteneacuteral les mecircmes proportions dintimes

que leurs homologues plus acircgeacutes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes

originaires dun autre pays appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de

proches que les jeunes solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau

Caracteacuteristiques sociales des membres

Qui se ressemble sassemble Cest le cas des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

Dabord on peut observer dans le tableau 815 de la page suivante que les tranches dacircge dans

lesquelles les alters se retrouvent en plus grand nombre sont celles des 25 agrave 29 ans et des 30 agrave 34

ans cateacutegorie dans lesquelles se trouvent la majoriteacute des jeunes adultes rencontreacutes Le nombre

dalter appartenant aux autres groupes dacircge diminue progressivement avec lacircge Plus les alters sont

168

acircgeacutes plus leur nombre diminue De plus pour ce qui est de loccupation et du niveau de scolariteacute

atteint plus des trois quarts des alters occupent un emploi et ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire Enfin le tiers des membres de leurs reacuteseaux habitent seuls et pregraves de 4 sur dix habitent

en couple sans enfants Le tableau 815 reacutesume les caracteacuteristiques des membres des reacuteseaux des

jeunes adultes qui habitent seuls en lien avec leurs propres caracteacuteristiques

Tableau 815 - Caracteacuteristiques des alters et de leur eacutego les jeunes adultes qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

19 ans et moins 20- 24 ans 25- 29 ans 30- 34 ans 35- 39 ans 40- 44 ans 45- 49 ans 50- 54 ans 55- 59 ans 60- 64 ans 65 ans et plus

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou non-familial Total

Alters des jeunes

adultes

N= 656

6 34

192 189

77 44 31 29 14 20 20

63 536 21 6 24

N=650

1 48 91 431

N=571

184 252 o

108 89

633

Personnes rencontreacutees

N=16

o 1 6 7 2 o o o o o o

3 12

N=16

1 15

N=16

16

16

169

Si on examine agrave laide du tableau 816 de la page suivante les caracteacuteristiques sociales

des reacuteseaux de leurs homologues plus acircgeacutes on remarque les mecircmes ressemblances concernant

lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs alters correspond agrave leur

groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint un niveau de scolariteacute

universitaire En ce qui concerne le statut reacutesidentiel un peu plus du tiers des membres des

reacuteseaux des adultes meus et vieillissants habitent seuls avec des proportions respectives de

324 et de 37 ce qui est plus eacuteleveacute que chez les jeunes adultes (291 ) Par ailleurs les

proportions semblent toutefois indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par

rapport agrave ceux des jeunes adultes

170

Tableau 816 middotCaracteacuteristiques des alters et de leur eacutego des adultes mucircrs el vieillissants qui habitent seuls

Caracteacuteristiques

Acircge 35 ans et moins 36 agrave 49 ans 50 agrave 64 ans 65 ans et plus

Total

Occupation Eumltudes En emploi Retraiteacute Chocircmage et recherche emploi Ne travaille pas Invalide

Total

Scolariteacute atteinte Primaire Secondaire Colleacutegiale Universitaire

Total

Statut reacutesidentiel Habite seul Habite en couple sans enfant(s) Habite en coupe avec enfant(s) Autre cohabitation familiale ou nonmiddotfamilial Autre Total

Altersmiddot Ego 36 agrave 50 ans

Alters Eacutegos (N= 302) (N= 14)

88 (292) 153 (508) 14 (100) 40 (133) 20 (66)

301 (100)

19 (65) 1 (25) 238 (815) 10 (714) 22 (75) o (00)

3 (10) 2 (43)

10 (34) 1 (25) o (00) 0(00)

292 (100) 14 (100)

4 (15) o (00) 46 (169) 3 (214) 37 (136) 2 (43)

187 (680) 9 (643)

272 (1000) 14 (100)

96 (324) 100 85 (287)

92 (311)

22 (74)

1 (03) 296 (1000)

Alters (N=673)

99 (147) 201 (299) 309 (460)

63 (94)

672 (100)

30 (46) 468 (723)

96 (148) 12(19) 31 (48) 10 (15) 0(00)

646 (100)

10 (19) 92 (171) 83 (154)

354 (657)

539 (1000)

242 (37) 197 (301)

178 (272)

36 (55)

1 (02) 654 (1000)

Altersmiddot Egos 51middot65 ans

Eacutegos (N= 20)

100

1 (25) 11 (786) 4 (286) 2 (100) 2 (100)

0(00)

20 (1000)

0(00) 2 (100) 3 (150)

15 (750)

20 (1000)

20 (100)

171

Ces caracteacuteristiques concernant la taille et la composition sociale des jeunes adultes

solos que nous avons rencontreacutes sexpliquent dune part par le fait quils sont jeunes et

scolariseacutes et dautre part par la position quils occupent dans leur cycle de vie En effet comme

nous lavons vu plus haut la tendance agrave l homophilie des reacuteseaux est particuliegraverement vraie dans

les laquoextreacutemiteacutesraquo de la hieacuterarchie sociale (Grossetti 2000 Fischer 1982) Les enquecirctes de

Grossetti et de Fischer ont montreacute que les personnes plus scolariseacutees et fortuneacutees avaient

tendance agrave avoir plus de liens avec des gens aussi scolariseacutes et nantis et vice-versa pour les

classes populaires En ce qui nous concerne il sagit plus de scolariteacute que de revenu car nous

navons pas interrogeacute nos interlocuteurs sur les revenus de leurs alters De plus la tendance agrave

l homophile concernant le laquo volume de sociabiliteacuteraquo est plus importante chez les plus jeunes et

semble diminuer avec lacircge (Bidart 1997) Selon Claire Bidart la derniegravere peacuteriode

dhomophilie en acircge se situe entre 30 et 36 ans (Bidart 1997) Par ailleurs lhomophilie des

reacuteseaux est une tendance qui caracteacuterise aussi les homologues plus acircgeacutes de nos reacutepondants Cela

sexplique par le fait quils sont pour la plupart ceacutelibataires et quils habitent seuls Rappelons

que le statut matrimonial et la position dans le cycle de vie sont aussi des variables soumises agrave

1 homophilie et agrave la peacuterenniteacute des liens (Bidart 1997 Charbonneau et Turcotte 2002 Fischer

1982 Kaufmann 1999) laquoDes personnes marieacutees freacutequentent majoritairement des personnes

marieacutees des ceacutelibataires ou des divorceacutees rencontrent preacutefeacuterentiellement des ceacutelibataires ou des

divorceacutes (Bidart 1997 45) raquo Lenquecircte de Fortin avait aussi deacutegageacute des reacuteseaux de couples

sans enfants centreacutes sur des laquo amis de coupleraquo et des reacuteseaux de familles centreacutes eux aussi sur

des familles ayant des enfants du mecircme acircge

La composition des reacuteseaux

Les reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes sont

majoritairement composeacutes damis En effet ils repreacutesentent plus de la moitieacute (527 ) de tous

les membres et plus des trois quarts (773 ) de leurs intimes Les amis repreacutesentent aussi plus

de la moitieacute des membres des reacuteseaux des solos plus acircgeacutes chez les intimes et lensemble des

liens

En geacuteneacuteral ils ont citeacute plus de connaissances que leurs homologues plus acircgeacutes Les

connaissances occupent une place plus importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille En effet les connaissances repreacutesentent un peu plus dun cinquiegraveme (216 ) de leurs

172

liens-non intimes et une proportion de 174 dans la totaliteacute de leur reacuteseau alors que la famille

repreacutesente 15 des membres de tous les reacuteseaux Elle occupe cependant une part plus

importante (203 ) parmi les intimes et surtout pour les membres de la famille proche (180 )

par rapport aux liens non intimes et agrave la totaliteacute des liens recenseacutes La tendance est inverseacutee chez

les groupes dacircge adulte La part des membres de leur famille est plus importante du cocircteacute des

liens non intimes et dans lensemble de leurs reacuteseaux et moins importante chez leurs intimes

Enfin les jeunes adultes ont citeacute moins de voisins par rapport aux groupes de solos plus

acircgeacutes Les voisins repreacutesentent moins de 50 de leur reacuteseau alors que chez les adultes mucircrs et

vieillissants ils repreacutesentent respectivement 57 et 76 de leurs reacuteseaux Les tableaux 817

et 8l8 reacutesument la composition des reacuteseaux des reacutepondants selon leur acircge

Tableau 817- Reacutepartition des types de liens des jeunes adultes selon leur intensiteacute

Lien Intensiteacute des liens Intimes Autres Total N=128 liens N= 656

N= 528

Famille 203 144 155 Famille proche 180 30 59 Famille eacutelargie 23 114 96

Conjoint 08 02 03

Ami 773 468 527

Travail 16 123 102

Voisinage 00 34 27

Connaissance 00 216 174

Autre 00 13 11

Total 1000 1000 1000

173

Tableau 818 - Reacutepartition des liens des adultes mucircrs et vieillissants selon leur intensiteacute 36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans

Intimes Autres Total Intimes Autres Total N= 90 liens N= 299 N= 146 liens N= 671

N= 209 N= 525

Famille 177 215 204 157 209 198

Famille proche 133 100 110 123 70 82 Famille eacutelargie 44 115 94 34 139 116

Conjoint 22 05 10 14 00 03

Ami 700 459 532 801 486 554

Travail 33 124 97 21 97 80

Voisinage 00 81 57 07 95 76

Connaissance 00 100 70 00 107 83

Autre 67 14 30 00 06 04

Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000

Lorsque lon examine la composition des reacuteseaux selon larrondissement habiteacute et la

provenance de nos reacutepondants on remarque que les reacutepondants de Rosemont Petite-Patrie

possegravedent une plus grande proportion de membres familiaux dans la totaliteacute de leurs reacuteseaux et

dans leurs reacuteseaux dintimes par rapport aux reacutesidents du Plateau Mont-Royal En ce qui

concerne la provenance les reacutepondants issus dune autre ville que Montreacuteal et de la province ont

une part plus importante de membres familiaux que les Montreacutealais dorigine dans la totaliteacute de

leurs reacuteseaux de mecircme que dans leurs reacuteseaux dintimes Enfin les amis et les voisins occupent

une part plus importante dans les reacuteseaux totaux et non intimes des reacutesidents du Plateau Mont-

Royal Enfin les voisins sont plus repreacutesenteacutes dans les reacuteseaux des Montreacutealais dorigine que

dans ceux des autres reacutepondants Le tableau 819 de la page suivante reacutesume la composition des

reacuteseaux des reacutepondants selon larrondissement habiteacute et leur provenance

174

Tableau 819 - Type de lien des jeunes adultes se1on 1arrondIssement habIte et 1eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens autre reacutegion

Liens des alters jeunes adultes

des N=656 N= 543 N= 112 N=364 N=104 N=188

Famille 155 149 187 129 183 191 Famille proche 59 50 107 52 96 53 Famille eacutelargie 96 99 80 77 87 138

Conloint 03 04 00 05 00 00 Ami 527 543 446 538 442 553 Travail 102 90 161 96 106 112 Voisinage 27 29 18 47 10 00 Connaissance 174 171 188 165 260 144 Autre 00 13 00 19 00 00 Total 1000 1000 1000 1000 1000 1000 Chi2 0049 0002 V de Cramer 0147 0161

Bref les reacuteseaux des jeunes adultes sont majoritairement composeacutes damis Ils ont plus

de connaissances en geacuteneacuteral et de membres familiaux au sein de leurs reacuteseaux dintimes surtout

de la famille proche que dans lensemble de leur reacuteseau Ils ont citeacute moins de voisins que les

groupes de solo plus acircgeacutes Les principales diffeacuterences observeacutees selon larrondissement habiteacute

et la provenance concernent les liens familiaux et les voisins Les Montreacutealais dorigine ont citeacute

plus de voisins mais moins de liens familiaux que les reacutepondants originaires dune autre ville

que Montreacuteal et de lEurope

Reacutepartition geacuteographique des reacuteseaux

Comment se reacutepartissent les reacuteseaux sociaux dans lespace Sont-ils eacuteclateacutes dans la ville

de Montreacuteal et plus loin du lieu de reacutesidence des reacutepondants ou plutocirct concentreacutes dans lespace

de proximiteacute Qui habite loin parmi les membres de leurs reacuteseaux et qui habite le plus proche

Sont-ils en contacts plus freacutequemment avec les personnes qui habitent pregraves ou avec celles qui

habitent le plus loin Dans quelle mesure la proximiteacute de leurs relations sociales dans lespace

joue un rocircle dans leur mode dhabiter en solo Dans ce qui suit nous preacutesenterons dabord la

reacutepartition spatiale des relations sociales des jeunes adultes Ensuite nous nous pencherons sur

175

le type de lien qui compose leur reacuteseau selon leur lieu de reacutesidence Puis il sera question de la

freacutequence des contacts quils entretiennent avec leurs alters selon leur lieu de reacutesidence et leur

lien Enfin nous examinerons le rocircle de la proximiteacute de leurs relations sociales dans leur mode

dhabiter

Lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent seuls

Dabord nous avons choisi sept types dinscription spatiale des lieux de reacutesidence des

alters inscrits agrave linteacuterieur de trois cateacutegories la laquo Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal raquo laquo Autre

reacutegion agrave linteacuterieur du Queacutebecraquo et en enfin laquoautre ville et autre pays agrave lexteacuterieur du Queacutebec raquo

La Reacutegion Meacutetropolitaine de Montreacuteal renvoie dune part aux alters qui reacutesident sur licircle de

Montreacuteal et agrave ceux qui habitent agrave lexteacuterieur La cateacutegorie qui regroupe les membres des reacuteseaux

qui habitent sur licircle de Montreacuteal regroupe deux principales cateacutegories les personnes qui

habitent dans le mecircme arrondissement et celles qui reacutesident dans un autre arrondissement La

cateacutegorie des personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement comprend celles qui habitent

dans le mecircme eacutedifice et la cateacutegorie des personnes qui reacutesident dans un autre arrondissement

distingue les membres des reacuteseaux qui habitent dans larrondissement voisin cest-agrave-dire le

Plateau pour les alters des reacutepondants de Petite-Patrie et Petite-Patrie pour les alters des

reacutepondants du Plateau Ces lieux se distinguent par leur distance par rapport au lieu de reacutesidence

des personnes rencontreacutees

La reacutepartition spatiale des alters

Selon les reacutesultats indiqueacutes dans le tableau 820 de la page suivante nous pouvons voir

que les reacuteseaux des jeunes adultes sont principalement inscrits au sein de la Reacutegion

Meacutetropolitaine de Recensement de Montreacuteal (RMR) (682 ) et plus speacutecifiquement sur licircle de

Montreacuteal En effet pregraves des deux tiers de la totaliteacute des liens citeacutes habitent sur licircle de Montreacuteal

(580 ) et plus de la moitieacute dentre eux sont situeacutes dans un autre arrondissement que le leur

Malgreacute une petite diffeacuterence nos reacutesultats rejoignent les reacutesultats de lenquecircte de Grossetti dans

laquelle il ressortait que 71 des personnes reacutesidaient dans la mecircme agglomeacuteration que ses

enquecircteacutes

176

En ce qui concerne lespace de proximiteacute au sens large on remarque que le quart des

membres des reacuteseaux des jeunes adultes reacutesident dans le mecircme arrondissement queux et moins

de 5 sont dans le mecircme eacutedifice Si lon prend seulement les alters qui habitent sur licircle de

Montreacuteal on remarque que 43 dentre eux reacutesident dans le mecircme arrondissement que la

personne rencontreacutee Ceci constitue une proportion non neacutegligeable concernant la sociabiliteacute

dans lespace de proximiteacute si nous prenons larrondissement comme uniteacute de mesure Pour

Grossetti 28 des alters de ses interlocuteurs habitaient entre 0 et 5 minutesl6

Tableau 820 bull Reacutepartition des alters des jeunes adultes selon le lieu de reacutesidence et lintensiteacute des liens

Intensiteacute des liens Lieu de reacutesidence des alters

Intimes Autres Total Liens

N =127 N=510 N=637

RMR 630 516 682

Exteacuterieur de lile de MTL 63 94 88

tle de Montreacuteal 567 422 580

Autre arrondissement 354 328 330 Arrondissement voisin 102 61 69

Mecircme arrondissement 213 261 250 Mecircme Eacutedifice 24 16 17

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220

16 Il importe toutefois de mentionner quil est difficile deacutevaluer la porteacutee de nos reacutesultats par rapport aux enquecirctes de Grossetti et de Fischer pour des raisons meacutethodologiques propres agrave chacune des enquecirctes mais aussi pour des caracteacuteristiques geacuteographiques speacutecifiques agrave chacune des villes eacutetudieacutees Dabord ces chercheurs ont mesureacute le lieu de reacutesidence en temps de transport ce qui nest pas notre cas Nous avons preacutefeacutereacute retenir le lieu de reacutesidence plutocirct que la distance en temps de deacuteplacement car la notion de temps et deacutevaluation de distance varie selon nous dun individu agrave lautre et selon le moyen de transport quil utilise et dont il dispose ce qui complique les analyses Dautre part la forme urbaine des villes eacutetudieacutees dans les deux enquecirctes est diffeacuterente et cela nest pas sans conseacutequence sur les distances en termes de temps de transport et sur la notion mecircme de la proximiteacute geacuteographique En effet Toulouse et San Francisco possegravedent des densiteacutes de population diffeacuterentes lune de lautre et de Montreacuteal Enfin en ce qui nous concerne larrondissement pris comme uniteacute danalyse de proximiteacute nest pas sans biais Le Plateau Mont-Royal couvre une superficie de 77 kilomegravetres carreacutes tandis que Rosemont Petite-Patrie couvre 144 kilomegravetres carreacutes Il reste quil sagit despaces relativement restreints par rapport agrave lile et la RMR qui couvrent des superficies respectives de 500 kilomegravetres carreacutes et 4047 kilomegravetres carreacutes

177

Ces reacutesultats sont semblables agrave leacutetude de Charbonneau (2003) dans laquelle il ressortait que

25 des relations des jeunes Montreacutealais se trouvaient agrave leacutechelle du quartier En ce qui

concerne les lieux de reacutesidence situeacutes agrave lexteacuterieur de la reacutegion meacutetropolitaine de Montreacuteal on

compte 108 de leurs alters qui habitent dans une autre reacutegion du Queacutebec et un pregraves du quart

(22 ) agrave lexteacuterieur de la province Cette part sexplique par la provenance des reacutepondants

Le tableau 821 de la page suivante illustre la reacutepartition geacuteographique des alters selon la

provenance des reacutepondants Les reacutepondants issus de lexteacuterieur de Montreacuteal ont moins dalters

qui habitent dans la mecircme reacutegion meacutetropolitaine et surtout dans le mecircme arrondissement le

mecircme eacutedifice queux que les Montreacutealais dorigine On compte presque le double des alters des

reacutepondants montreacutealais inscrits agrave linteacuterieur du mecircme arrondissement que les alters rattacheacutes aux

reacutepondants europeacuteens Inversement pregraves de la moitieacute (475 ) des alters des reacutepondants

europeacuteens reacutesident agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que chez les personnes issues dune autre ville

canadienne ils repreacutesentent moins du quart (218 ) et agrave peine 10 chez les Montreacutealais

dorigine Lassociation entre le lieu de reacutesidence des membres des reacuteseaux et la provenance des

reacutepondants est significative selon le test du Chi2 De plus le V de Cramer indique que lintensiteacute

de lassociation est eacuteleveacutee avec un reacutesultat de 0342

178

Tableau 821 - Lieu de reacutesidence des alters des jeunes adultes se on 1 arrond a 1 et 1 l Issementh bleacute eur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N= 529 N= 108 N= 358 N= 101 N= 179

RMR 682 669 685 813 495 486

Exteacuterieur de licircle de MTL 88 89 83 87 69 100

Icircle de Montreacuteal 590 580 602 726 426 386

Autre arrondissement 330 323 380 419 208 229 Arrondissement voisin 69 62 102 78 50 61

Mecircme arrondissement 250 257 222 307 218 157 Mecircme Eacutedifice 17 15 28 22 20 06

Autre reacutegion du Queacutebec 108 108 111 92 287 39

Exteacuterieur du Queacutebec 220 223 204 95 218 475

Chi2 0675 0000

V de Cramer 079 0342

Les intimes et les non-intimes

En geacuteneacuteral lorsque lon se penche sur la reacutepartition spatiale des intimes des jeunes

adultes on observe dans le tableau 822 de la page suivante les mecircmes tendances que celles

deacutegageacutees plus haut cest-agrave-dire que la plupart des intimes habitent dans la mecircme reacutegion

meacutetropolitaine de recensement que leur eacutego et que le lieu de reacutesidence de la majoriteacute dentre eux

est situeacute sur licircle de Montreacuteal Pour ce qui est des intimes qui reacutesident dans un autre

arrondissement 45127 ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 13 dentre eux habitent dans larrondissement

voisin Les liens non-intimes se distinguent des liens intimes par leur plus forte repreacutesentation

dans le mecircme arrondissement Au total 35 intimes citeacutes sur 127 reacutesident agrave lexteacuterieur du

Queacutebec Ce reacutesultat sexplique aussi par la provenance de leurs ego Chez les Europeacuteens on

compte plus de la moitieacute de leurs intimes (2341) qui habitent agrave lexteacuterieur du Queacutebec alors que

179

chez les personnes issues dune autre ville que Montreacuteal sept ont eacuteteacute deacutenombreacutes et 5 chez les

Montreacutealais

Enfin lorsque lon examine la reacutepartition geacuteographique des intimes selon

larrondissement habiteacute des personnes que nous avons rencontreacutees nous observons peu de

distinctions et le test statistique du Chi2 nest pas significatif au seuil de 05 Cela signifie quil

nexiste pas dassociation entre larrondissement habiteacute et la reacutepartition spatiale des reacuteseaux

sociaux chez les jeunes adultes Par ailleurs comme lillustre le tableau 823 de la page 180 en

ce qui concerne les alters non-intimes les distinctions entre les alters du Plateau et de Rosemont

sont significatives

Tableau 822 - Lieu de reacutesidence des alters intimes des jeunes adultes se on arrond ale etIeur provenance1 l Issement h bt

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N =127 N= 102 N=25 N= 65 N= 21 N=41

RMR 80 64 16 54 8 18

Exteacuterieur de licircle de MTL 8 7 1 4 a 4

Ile de Montreacuteal 72 57 15 50 8 14

Autre arrondissement 45 36 9 31 6 8 Arrondissement voisin 13 11 2 7 2 4

Mecircme arrondissement 27 21 6 19 2 6 Mecircme Eacutedifice 3 2 1 1 1 1

Autre reacutegion du Queacutebec 12 10 2 6 6 a Exteacuterieur du Queacutebec 35 28 7 5 7 23

Chi2 0987 0000 V de Cramer 0087 0444

180

Tableau 823 - Lieu de reacutesidence des alters non-intimes des jeunes adultes se1on larrondIssementhalebl etIeur provenance

Total Arrondissement Provenance habiteacute

Lieu de reacutesidence Total PMR RPP Montreacutealais Autre ville et Europeacuteens des alters autre reacutegion

N= 637 N=427 N=83 N=293 N=80 N= 138

RMR 434 241 58 237 42 69

Exteacuterieur de licircle de MTL 56 40 8 27 7 14

lie de Montreacuteal 376 201 50 210 35 55

Autre arrondissement 210 135 32 119 15 33 Arrondissement voisin 44 22 9 21 3 7

Mecircme arrondissement 159 115 18 91 20 22 Mecircme Eacutedifice 11 6 2 7 1 deg

Autre reacutegion du Queacutebec 69 47 10 27 23 7

Exteacuterieur du Queacutebec 140 90 15 29 15 62

Chl2 0461 0000 V de Cramer 0105 0324

Les adultes mucircrs et vieillissants

Du cocircteacute des solos acircgeacutes on observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence

des alters des jeunes adultes En effet comme lindique le tableau 824 de la page suivante la

majoriteacute de leurs alters sont situeacutes dans la RMR de Montreacuteal avec des proportions de 690

pour les 36 agrave 51 ans et 72 pour les 51 agrave 65 ans On compte des proportions plus eacuteleveacutees

dalters qui habitent agrave lexteacuterieur de licircle chez les jeunes adultes En ce qui concerne lespace de

proximiteacute la principale diffeacuterence concerne les intimes reacutesidant dans larrondissement voisin le

mecircme arrondissement et le mecircme eacutedifice que les reacutepondants acircgeacutes entre 51 et 65 ans

181

Tableau 824 - Lieu de reacutesidence des alters des personnes qui habitent seules selon leur groupe dacircge

Les alters des jeunes Les alters des adultes mucircrs Les alters des adultes adultes 36 agrave 50 ans vieillissants 51 agrave 65 ans

Moins de 35 ans

Lieu de reacutesidence Intimes Autres Total Intimes Autres Total Intimes Autres Total des alters Liens liens Liens

N =127 N=510 N= 637 N= 89 N= 206 N=295 N=145 N=494 N=639

RMR 630 516 682 717 690 699 758 709 720

Exteacuterieur de lTle de MTL 63 94 88 112 49 68 117 132 128

Icircle de Montreacuteal 567 422 590 605 641 631 641 577 592

Autre arrondissement 354 328 330 370 408 397 331 326 327 Arrondissement voisin 102 61 69 157 92 112 103 53 64

Mecircme arrondissement 213 261 250 235 233 234 310 251 265 Mecircme Eacutedifice 24 16 17 22 53 44 62 71 69

Autre reacutegion du Queacutebec 94 112 108 157 175 169 172 154 158

Exteacuterieur du Queacutebec 276 206 220 124 136 132 69 138 122

En somme les reacuteseaux des jeunes adultes comme ceux de leurs homologues plus acircgeacutes

sont principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Bien quils ne soient pas speacutecifiquement

concentreacutes dans lespace de proximiteacute le quart de leurs alters est tout de mecircme inscrit dans le

mecircme arrondissement Ce qui est un peu plus eacuteleveacute que pour les adultes mucircrs mais un peu plus

petit que chez les alters vieillissants La provenance des ego joue un rocircle sur leacuteclatement

international de leurs reacuteseaux tandis que larrondissement habiteacute na pas dinfluence Plus les

reacutepondants viennent de loin plus la part des membres de leur reacuteseau qui habitent agrave lexteacuterieur de

la province de reacutesidence est eacuteleveacutee

182

Liens et espaces de proximiteacute

Qui habite dans le mecircme arrondissement que les jeunes solos parmi les membres de

leurs reacuteseaux les amis la famille les collegravegues

Pregraves des deux tiers (92149) des alters qui habitent dans le mecircme arrondissement que leurs ego

sont des amis On compte aussi 26 connaissances et 13 collegravegues de travail Au total 10 voisins

citeacutes habitent dans le mecircme arrondissement Cela est nettement infeacuterieur par rapport aux groupes

de solos plus acircgeacutes En effet les voisins sont plus repreacutesenteacutes chez les adultes vieillissants avec

un effectif de 20 Enfin quatre personnes membres de la famille proche et eacutelargie ont eacuteteacute citeacutees

parmi les membres reacutesidents dans le mecircme arrondissement queux alors que chez les adultes

mucircrs trois ont eacuteteacute deacutenombreacutes et chez les adultes vieillissants Il ont eacuteteacute citeacutes ce qui est deux fois

plus eacuteleveacute que leurs homologues plus jeunes

Tableau 825 - Membres des reacuteseaux des jeunes adultes qui habitent dans le mecircme arrondissement que leur eacutego

Mecircme Mecircme Total Liens arrondissement Eacutedifice

(N= 149) N=11 ) (160)

Famille ~roche 0

Famille eacutelargie 3 0 3

Ami 92 4 96

Travail 13 0 13

Voisin 10 7 17

Connaissance 26 0 26 Autre 4 0 4

183

Tableau 826 - Membres des reacuteseaux des adultes acircgeacutes qui habitent ans e meme arron Issemen ( ue euregod 1 ~ d t 1 bull

36 agrave 50 ans 51 agrave 65 ans Mecircme Mecircme Total Mecircme Mecircme Total

Liens arrondissement Eacutedifice arrondissement Eacutedifice (N= 53) (N= 14) (N= 67) (N= 125) (N= 44) (N= 169)

Famille proche 0 0 0 7 2 9

Famille eacutelargie 3 1 4 4 0 4

Ami 31 2 33 72 14 86

Travail 4 0 4 10 0 10

Voisinage 3 11 14 20 28 48

Connaissance 8 0 8 12 0 12

Autre 4 0 4 0 0 0

Enfin les intimes repreacutesentent 17 des alters qui habitent dans le mecircme

arrondissement que leur ego et la quasi-totaliteacute dentre eux (2527) sont des amis On compte un

membre de la famille proche et un collegravegue de travail

Tout compte fait nous avons vu que les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement

larges par rapport aux groupes de solos plus acircgeacutes homophiles et majoritairement composeacutes

damis Ils possegravedent plus de connaissances et ont citeacute moins de voisins que les solos plus acircgeacutes

Bien que la majoriteacute de leurs liens soit relativement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal il reste que

le quart des membres de leurs reacuteseaux demeure dans le mecircme arrondissement queux Il sagit

principalement damis et de connaissances Les membres familiaux les voisins les collegravegues de

travail y sont peu repreacutesenteacutes Enfin la provenance joue un rocircle dans leacuteclatement spatial

international de leur reacuteseau et larrondissement habiteacute renvoie plutocirct agrave des diffeacuterences de taille

184

Les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Bien que le quart des reacuteseaux recenseacutes soit inscrit dans le mecircme arrondissement que nos

reacutepondants le nombre de personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement varie dun

reacutepondant agrave lautre De plus les modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations

sociales ne sont pas tous semblables selon les personnes rencontreacutees Afin de saisir le rapport de

sociabiliteacute entretenu avec le quartier et de conclure sur la preacutesente partie sur les reacuteseaux sociaux

des jeunes solos que nous avons rencontreacutes nous examinerons en guise de conclusion les

modes de sociabiliteacute relieacutes agrave la proximiteacute spatiale des relations sociales des jeunes adultes

Nous avons deacutegageacute trois modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute des relations

sociales en lien avec leur rapport entretenu au quartier Pour six de nos reacutepondants la proximiteacute

de leur reacuteseau social nest pas un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de

vie alors que pour cinq de nos reacutepondants cette proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de sociabiliteacute publique Enfin pour cinq autres de

nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres formes de sociabiliteacute dans leur

quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport de sociabiliteacute au quartier et en geacuteneacuteral

Le reacuteseau de proximiteacute Dabord les personnes pour qui la proximiteacute spatiale de leurs amis ou collegravegues de

travail constituait quelque chose dimportant sont majoritairement des femmes (cinq sur six) et

des reacutesidents du Plateau Mont-Royal agrave lexception dune femme La plupart sont originaires de

Montreacuteal (4) et deux proviennent de lEurope Les rapports de sociabiliteacute quelles entretiennent

avec leur quartier sont peu orienteacutes vers les relations de voisinage Certains entretiennent un

rapport de sociabiliteacute axeacute sur les relations avec les commerccedilants la freacutequentation de lieux

publics et les rencontres fortuites avec des personnes quils connaissent lorsquils se promegravenent

dans leur quartier alors que dautres ont un faible rapport de sociabiliteacute concernant la

freacutequentation des lieux publics et les relations commerccedilantes Pour certains la preacutesence de leurs

amis dans leur quartier a constitueacute un eacuteleacutement important dans le choix de leur quartier pour

dautres pas Il reste que lexistence dun reacuteseau de proximiteacute a constitueacute au bout du compte

pour tous ces reacutepondants quelque chose auquel ils ne renonceraient pas Il repreacutesente aussi un

eacuteleacutement qui structure leur mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et de soutien

185

laquo moi jsuis deacutemeacutenageacutee Ben en fait y a Julie qui habitait ici Euh apregraves ya Simon qui est venu habiter ici Moi j suis venue habiter ici Jules Marie-Egraveve [jOui oui oui Ben mecircme quand jhabitais sur le Plateau ccedila la souvent eacuteteacute ccedila tseacute Jules pis Bruno sont entreacutes dans le mecircme immeuble Tseacute y a toujours eu un espegravece de mecircme Simon on habitait toujours un agrave cocircteacute de lautre ou pas loin Tseacute ouin laquo viens-temps on va faire un p tit souperraquo ccedila toujours eacuteteacute ccedila [ jOuais mais tseacute lautrefois une a mes cleacutes un autre a mes cleacutes Marie-Egraveve a mes cleacutes tseacute on a comme toutes les cleacutes de tout le monde On soccupe mutuellement des chats des uns des plantes de lautre Tseacute y a comme un reacuteseau qui est eacutetabli comme ccedila Pi y en a une elle vient me porter des biscuits Elle en a fait trop pis elle tout seul fait quelle vient men porter Cest super lfun lagrave ya comme un eacutechange qui se fait Cest pas le quartier cest nous qui voulons ccedila fait quon le creacutee mais cest pas agrave cause du quartierraquo [ ]Euh ben lanneacutee passeacutee jai eacuteteacute malade lagravejaifait une appendicite pi ben jai appeleacute Brigittejai appeleacute Julie Julie est venue me chercher agrave l hocircpital Cest des amis lagrave ma sœur ma sœur aussi Mais cest ccedila cest que mes parents sont pas vraiment preacutesents tseacute Fait que moi [ j cest mes amis les gens proches cest ma famille dune certaine maniegravereraquo p22

Pour certains cette proximiteacute fut lune des raisons pour lesquelles ils ont choisi le logement dans

lequel ils habitent et ils niraient pas sinstaller ailleurs

laquo Au fur et agrave mesure jai rencontreacute des gens qui habitent aussi sur le Plateau fac du coup mecircme quand jai changeacute dappartement sur la rue Clark pregraves dici jai quand mecircme chercheacute le Plateau parce que j voulais mecircme si [ ] tout le monde lagrave dit Ah madame tu habites seules pas en colocation falqueacutee faut taille habiter ailleurs ccedila coucirctera les yeux de la tecircte decirctre sur le Plateau toute seule Oui mais [ ] jveux pas aller plus loin parce que tous mes amis du coup maintenant sont lagrave pis cest un quartier que jaime et euh pourquoi jirais habiter agrave Rosemont ou agrave Ahuntsic ou machin Cest peut-ecirctre des quartiers sympas mais je les connais pas jconnais personne donc jaurais pas envie daller rester lagrave pour rester proche de mes amis et de lagrave ougrave jvie finalement et de lagrave ougrave jsorsraquo PF01

laquo le fait que euh jai plusieurs amis qui sont dans le coin donc euh cest facile de juste passer un coup de fil de deacutebarquer lagrave [ j Oui javais une de mes amies qui restait sur le Plateau avant que jarrive oui [ j Euh ccedila leacutetait pas tant que ccedila au deacutebut mais maintenant ccedila lest devenu quand je me suis rendu compte vraiment que plus le temps passe pis euh les amis qui sont deacutemeacutenageacutes dans dautres quartiers ben je les vois moins Pi bon ben on parle pas de ceux qui sont en banlieue ils sont ailleurs lagrave Tseacute quand ccedila prend du temps pis ccedila vient plus compliqueacute que si on se dit on se rejoint lagrave agrave mi-chemin agrave quinze minutes de marcheraquo PF10

186

Bref bien que les personnes qui habitent dans le mecircme espace de proximiteacute repreacutesentent

plus ou moins le quart de reacuteseau il reste que pour une partie de nos reacutepondants cette proximiteacute

constitue un eacuteleacutement important dans leur mode de sociabiliteacute et leur pratique de soutien

Le mode de la sociabiliteacute publique

Pour ces interlocuteurs la proximiteacute spatiale des relations sociales occupe une place de

second plan dans leur rapport au quartier mais aussi dans leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute relativement eacuteleveacutee dans leur quartier mais

celui-ci est surtout axeacute sur la freacutequentation de lieux publics la relation marchande les relations

de voisinage ou les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances sur la rue En

effet pour eux la sociabiliteacute publique et les vertus de la proximiteacute des services occupent une

place plus importante dans leur quotidien et leur rapport de sociabiliteacute au quartier que la

proximiteacute des membres de leur reacuteseau

Cest par exemple le cas de PHOI Il a un fort rapport de sociabiliteacute publique avec son

quartier (avec les commerccedilants et les gens quil croise sur la rue quil connaicirct) mais naccorde

pas neacutecessairement une grande importance agrave la proximiteacute geacuteographique avec les membres de

son reacuteseau mecircme sil a citeacute 16 personnes qui habitent dans le mecircme arrondissement que lui

Cette proximiteacute est surtout appreacutecieacutee pour le soutien et les pratiques dentraide que pour les

pratiques de sociabiliteacute en geacuteneacuteral

[ ] y a tellement de lieux de rencontres et doccasion de rencontre possible que cest un quartier que tu vas tu vas te promener seul ccedila marrive souvent pi euh ccedila ccedila prend pas deux coins de rue que je rencontre quelquun que je connais [ JOui tout le temps comme ccedila cest tout le temps comme ccedila cest euh cest ce qui est vraiment inteacuteressant [ ] Oh oui oui tout le temps J peux te dire samedi justement lagrave jai je fais ma p tite run jconnais certaines amies qui travaillent dans le secteur des boutiques Je pars je fais une p tite tourneacutee dans la rue et sans que ce soit preacutevu je rencontre Cest rare que je marche tseacute dix coins de rue sans rencontrer quelquun que je connais [ J Non [ ] cest pas si important mais euh [] cest quand mecircme lefun qui en ait qui habitent pas trop loin oui Cest toujours euh on ne sen plaint pasraquo (PHOl)

Pour moi jai pas besoin de connaicirctre tout le monde pour me sentir bien dans mon quartier Cest plus les amis qui font pis comment je vis pis mes activiteacutes pis moi de mecircme comment je me sens dans un quartier Ce que jaime cest de pouvoir faire mes activiteacutes comme je veux Si ccedila me tente daller manger un Tim Heacute je vais marcher 5 minutes pis je vais aller men acheter un Si ccedila me tente daller acheter un latte quoi

187

que ce soit je vais men chercher un Je veux juste me promener et me poser sur une terrasse et lagrave cest laccessibiliteacute des services cest geacutenial Si je veux aller faire un jogging dans le parc let s go Mais cest tout mon cocircteacute solitaire je vais aller faire mes activiteacutes comme je veux moi Et jai pas besoin dattendre quil y ait un groupe pour ok on va aller faire les activiteacutes je peux y aller moi-mecircme ] Non ] mais en fait y a Natacha qui eacutetait St-Denis pis avenue des Pins fait que elle elle eacutetait lagrave deacutejagrave pis apregraves elle a changeacute pour St-Hubert ya Fanny puis Fred qui maintenant sont partis agrave San Francisco mais qui eacutetaient sur Cherrier vraiment agrave cocircteacute de chez nous mais ils sont arriveacutes apregraves Et y a Mathieu qui eacutetait pas loin Ccedila ceacutetait le fun parce qu y avait plein de monde lagrave Mais ccedila a pas eacuteteacute un secteur comme laquo Ah je vais aller habiter lagrave parce que jai des amis lagrave raquo cest plus venu apregraves Pis je suis super contente cest l fun lagrave De pouvoir marcher et aller chez des amis Tseacute comme quand y avait Fred et Fanny qui eacutetaient dans le coin bah lagrave on seacutechangeait des services pis si on avait besoin de nimporte quoi un outil des chaises du miel nimporte quoi Javoue que y aleacutepicerie vraiment agrave cocircteacute-lagrave mais si on avait besoin de trucs bah lagrave on seacutechangeait des services Dans lefond cest des amis qui sont voisins (PF14)

Chez certains la sociabiliteacute avec les membres du reacuteseau est surtout une question de disponibiliteacute

relieacutee avec le fait decirctre ou de ne pas ecirctre en couple plutocirct que dune question de proximiteacute

spatiale Cest par exemple le cas de cette jeune femme qui habite une coopeacuterative dhabitation

situeacutee dans le quartier du Ghetto Mc Gill dans le Plateau Mont-Royal

Tseacute cest il faut prendre le devant tout le temps il faut avoir beaucoup dinitiative il faut organiser des repas il faut inviter des gens il faut provoquer des eacutevegravenements Et cest pas tout le monde qui a ce moteur-lagrave ] Oui oui ccedila demande de leacutenergie [ ] Absolument cest parce que les gens qui sont ceacutelibataires sont avec les gens qui sont ceacutelibataires je sais quils sont sur la mecircme longueur donde Mais avec ceux qui sont en couple non Ceux qui sont en couple il faut que jentretienne les amitieacutes que je les appelle plus souvent parce queux ils sont dans leur monde de couple Pis ils se suffisent eux mecircme comme moi quand jeacutetais en couple Alors cest plus facile pour ccedila la vie de ceacutelibataire ( ] je remarque dans mon cas et dans dautres que les ceacutelibataires attirent dautres ceacutelibataires Pis les couples attirent dautres couples (Rire) [ ] Euh oui jen fais plus je fais plus defforts je suis plus demandeuse quavant surtout que jeacutetais dans une relation tregraves fusionnelle tregraves forte donc javais moins besoin des autres Et puis lagrave je maperccedilois euh que cest pas facile daller vers les gens qui sont couple souvent aussi quand ils tont vu euh mettons en feacutevrier ben sont pas presseacutes de te revoir avant mai () beaucoup cest ccedila aussi les amitieacutes en Ameacuterique du Nord cest pas lAfrique cest pas lAmeacuterique du Sud cest complegravetement diffeacuterent j veux dire lagrave nous on a tout notre temps avant de se revoir lagrave ya pas durgence euh on sappelle pas tant que ccedila On a un ou deux bons amis dans la vie on dirait pis les autres ben on les voit euh quand on organise un party plus tard euh en fait quand on revoit les gens on sait mecircme pas depuis combien de temps on les a vu tseacute pis apregraves ccedila on dit ben oui on sest vu enfeacutevrier [ J (PF09)

188

Ce dernier extrait rejoint leacutetude de Kaufmann (1999) reacutealiseacutee aupregraves de femmes ceacutelibataires qui

habitent seules dans laquelle il mettait en lumiegravere l homophilie sur le plan matrimonial comme

facteur dinteacutegration et de maintien des liens lorsque survient un deacutecalage dans le cycle de vie

entre une personne et son groupe damis mais aussi les eacutetudes de Bidart (1997) et de Fortin

(1987)

Bref la proximiteacute spatiale des relations sociales ne constitue pas neacutecessairement

leacuteleacutement qui structure la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute et en geacuteneacuteral

Lurbain mobile

Pour les jeunes de cette derniegravere cateacutegorie la proximiteacute des relations sociales ne

constitue pas un eacuteleacutement important dans leur rapport au quartier et dans leur mode de sociabiliteacute

en geacuteneacuteral Ces personnes ne possegravedent quune petite partie de leurs liens agrave linteacuterieur de leur

arrondissement Mecircme sils nentretiennent pas de liens avec des personnes qui habitent dans le

mecircme arrondissement queux ils reconnaissent quils aimeraient ccedila si ceacutetait le cas Les rapports

de sociabiliteacute entretenus avec leur quartier sont axeacutes sur la relation marchande et la freacutequentation

de lieux publics

En somme les trois points de vus sur le rocircle de la proximiteacute ne se rattache pas

neacutecessairement agrave la provenance et larrondissement habiteacute des reacutepondants de mecircme quagrave la

taille et au nombre de personne qui reacutesident agrave proximiteacute mais plutocirct agrave la dynamique

relationnelle et des caracteacuteristiques propres agrave leur reacuteseau comme l homophilie dans le cycle de

vie la composition et lintensiteacute des liens et agrave leur mode de vie personnel pratiqueacute dans leur

quartier

189

CHAPITRE IX

INTERPREacuteTATION DES REacuteSULTATS

Synthegravese et caracteacuteristiques de lhabiteacute en solo selon lacircge

Dans ce qui suit nous ferons la synthegravese des reacutesultats preacutesenteacutes plus haut afin de

reacutepondre aux questionnements de deacutepart et de les situer par rapport aux autres enquecirctes

effectueacutees sur le sujet

91 Synthegravese des reacutesultats

Les caracteacuteristiques

Les jeunes adultes qui habitent seuls que nous avons rencontreacutes dans les deux

arrondissements centraux de Montreacuteal ougrave ils sont le plus concentreacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyenne taille Sur le plan reacutesidentiel ils

sont relativement mobiles Cela rejoint les caracteacuteristiques deacutegageacutees chez les jeunes solos

bruxellois dans lenquecircte de Xavier Leloup (2000) et des enquecirctes dOlivier Galland (1993) de

mecircme que celle de Kaufmann (1994a)

Leurs trajectoires sont caracteacuteriseacutees par une attractiviteacute vers le centre et une mobiliteacute

laquo inter et intra urbaineraquo agrave partir du moment ougrave ils ont quitteacute le foyer familial Leurs parcours

biographiques sont constitueacutes de diverses expeacuteriences de colocation de vie en solo et de vie

conjugale La rupture amoureuse a constitueacute leacutevegravenement cleacute pour la majoriteacute de nos reacutepondants

dans leur parcours biographique qui explique en partie pourquoi ils habitaient seuls au moment

de lentrevue La fin de colocation et la migration pour des eacutetudes ou un emploi sont dautres

sceacutenarios souleveacutes qui ont meneacute les jeunes solos rencontreacutes agrave habiter seuls La maniegravere dont ils

ont veacutecu cette situation est ambivalente La ligne demeure floue entre le fait de choisir dhabiter

seul et de le laquo subir ~~ En effet certains ont envisageacute leur nouvelle situation avec enthousiasme

et dautres lont plutocirct adopteacute et laquoapprivoiseacuteraquo au fil du temps et dautres non Cela rejoint les

constats de Louise Saint-Laurent (1993) vuS plus haut

190

Concernantle rapport au logement nous avons deacutegageacute deux figures le casanier et la

girouette Ces figures sont toutefois ambivalentes selon les peacuteriodes de lanneacutee la nature de

lemploi occupeacute et loccupation Il reste que ces figures illustrent des rapports diffeacuterents au

logement La figure du casanier renvoie aux personnes qui passent beaucoup de temps dans leur

logement et la girouette correspond agrave celles qui utilisent leur logement comme un veacuteritable pied

agrave terre Il nexiste pas de lien entre larrondissement habiteacute de mecircme que la provenance et le

rapport entretenu au logement

Enfin les jeunes adultes ont des reacuteseaux relativement larges par rapport aux groupes de

solos plus acircgeacutes et principalement disperseacutes sur licircle de Montreacuteal Leurs reacuteseaux se soumettent agrave

la tendance de 1 homophile en acircge et sont majoritairement composeacutes damis Ils possegravedent plus

de connaissances et moins de relations de voisinage que les solos plus acircgeacutes

Le rapport de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

Mais quel rapport les jeunes adultes qui habitent seuls entretiennent-ils avec leur

quartier Dans quelle mesure entretiennent-ils un rapport de sociabiliteacute Dabord la reacutepartition

spatiale des reacuteseaux nous indique que la majoriteacute (58 ) des membres qui composent leurs

reacuteseaux est principalement disperseacutee sur licircle de Montreacuteal et 40 dentre eux demeurent dans le

mecircme arrondissement queux Il sagit principalement damis et de connaissances Les membres

de la famille les voisins et les collegravegues de travail sont dans lensemble peu repreacutesenteacutes Nos

reacutesultats ont montreacute que la provenance neacutetait pas sans lien avec le deacuteploiement international et

local des reacuteseaux des immigrants

Par ailleurs mecircme si le quart des reacuteseaux des jeunes adultes que nous avons rencontreacutes

sont inscrits dans le mecircme arrondissement que nos reacutepondants nous avons distingueacute trois

dynamiques de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute en lien avec cette proximiteacute des liens

191

Dabord pour une partie de nos reacutepondants la proximiteacute de leur reacuteseau social nest pas

un eacuteleacutement banal dans leur mode de sociabiliteacute et leur mode de vie Elle structure non seulement

leur sociabiliteacute mais constitue aussi une balise de soutien et de pratique dentraide Cela

sexplique par la densiteacute du reacuteseau cest-agrave-dire par le fait que la plupart de ces membres ont un

lien entre eux Par ailleurs cette proximiteacute ne renforce pas dans tous les cas lattachement au

quartier Elle bonifie la sociabiliteacute et facilite les pratiques dentraide Cela correspond agrave lideacutee de

thegravese de la communauteacute laquo proteacutegeacuteeraquo et des enquecirctes meneacutees par Fortin (1987) Romaine et

Ouellette (1992) Par ailleurs contrairement agrave ces enquecirctes les reacuteseaux de proximiteacute que nous

avons deacutegageacutes ne sont pas familiaux Ils sont majoritairement composeacutes damis proches

Ensuite pour dautres reacutepondants la proximiteacute spatiale joue un rocircle de second plan

dans leur mode de sociabiliteacute Il sagit surtout de reacutepondants qui habitent sur le Plateau Mont-

Royal La sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute passe surtout par la sociabiliteacute publique la

relation marchande et les rencontres fortuites avec des voisins ou des connaissances Cela

sexplique par lintensiteacute et la diversiteacute des types de liens des personnes qui habitent agrave proximiteacute

de leur lieu de reacutesidence La disponibiliteacute des personnes et l homophilie concernant le cycle de

vie structurent leur sociabiliteacute et la freacutequence des rencontres avec leurs proches plutocirct que la

proximiteacute spatiale de diverses relations au sein de leur arrondissement Par ailleurs ils

entretiennent tout de mecircme un rapport de sociabiliteacute eacuteleveacute avec leur quartier mais celle-ci est

surtout orienteacutee sur la sociabiliteacute publique la relation marchande et les rencontres informelles et

fortuites avec des connaissances de voisins et de divers liens Il sagit principalement de

femmes qui habitent le Plateau Mont-Royal et dun homme qui habitent Petite-Patrie Cela

rejoint les reacutesultats de Xavier Leloup (2005) et de Jean Yves Authier (2005) Leurs enquecirctes

avaient deacutegageacute entre autres que le quartier ne repreacutesentait pas un eacuteleacutement banal dans la vie

quotidienne des jeunes diplocircmeacutes et de personnes vivant seules et que le rapport au quartier eacutetait

surtout axeacute sur une valorisation symbolique axeacutee sur laquolexposition de soiraquo et les relations

seffectuaient surtout laquo dans la distanceraquo dans les lieux publics comme les commerces

192

Enfin pour dautres de nos reacutepondants la proximiteacute spatiale de mecircme que les autres

formes de sociabiliteacute dans leur quartier ne sont pas ce qui caracteacuterise le plus leur rapport au

quartier et leur sociabiliteacute en geacuteneacuteral Cela sexplique par labsence de personnes intimes et le

faible nombre de personnes de leur reacuteseau qui habitent proche De plus la sociabiliteacute publique

ne se reacutealise pas agrave linteacuterieur de leur quartier mais plutocirct agrave lexteacuterieur le plus souvent dans ceux

situeacutes au Plateau Mont-Royal dans le cas des reacutesidents de Petite-Patrie et au centre-ville Le

rapport au quartier est principalement fonctionnel pour lutilisation de divers services de

proximiteacute et axeacute sur lespace reacutesidentiel et domestique Il sagit principalement de reacutesidents de la

Petite-Patrie Il reste que le rapport agrave la ville ou agrave lurbaniteacute rejoint ceux pour qui la proximiteacute

spatiale de leur relation joue un rocircle de second plan dans leur mode de sociabiliteacute

Les jeunes adultes que nous avons rencontreacutes nont pas tous les mecircmes modes de

sociabiliteacute avec les membres de leurs reacuteseaux qui demeurent dans le mecircme arrondissement

queux et ce constat nest pas sans lien avec le rapport entretenu le type de quartier habiteacute Nous

avons deacutegageacute deux types de rapport qui sinscrivent dans le registre de la proximiteacute et de la

distance selon lun et lautre des territoires agrave leacutetude

Les jeunes adultes qui reacutesident sur le Plateau Mont-Royal entretiennent un rapport

symbolique et de sociabiliteacute publique eacuteleveacutee tandis chez les jeunes solos de Rosemont Petite-

Patrie le rapport au quartier est plus fonctionnel et moins eacuteleveacute en matiegravere de sociabiliteacute

publique et dattachement symbolique Ces rapports correspondent agrave des valorisations

diffeacuterentes du sens symbolique et de leurs caracteacuteristiques fonctionnelles et sociales Chez les

jeunes solos du Plateau le quartier est deacutecrit de maniegravere tregraves positive comme eacutetanfle quartier

ideacuteal pour les personnes qui habitent seules dans une perspective agrave long et moyen terme tandis

que du cocircteacute de la Petite-Patrie on ne retrouve pas lideacutee que leur quartier est un lieu ideacuteal pour

habiter seul Limage de la Petite-Patrie est moins positive et deacutecrit un espace reacutesidentiel

tranquille principalement familial et ougrave lon peut se loger agrave un prix abordable et ougrave lon deacutesire

rester pour une peacuteriode agrave plus ou moins court terme Les divergences dans les rapports

symboliques et sociaux avec leur quartier sont lieacutees avec leurs choix reacutesidentiels et leurs

caracteacuteristiques personnelles Dune part les reacutepondants du Plateau ont laquoreacuteussiraquo agrave trouver un

logement dans le quartier ougrave ils souhaitaient habiter en raison de ces caracteacuteristiques urbaines

193

sociales et symboliques alors que pour les reacutepondants de Rosemont ce sont le prix du logement

et la proximiteacute du centre-ville des autres quartiers centraux et des services qui les ont meneacutes agrave

sy installer Dautre part les territoires agrave leacutetude ont connu des changements diffeacuterents au fil du

temps et possegravedent aujourdhui des dynamiques sociales et commerciales ainsi que des

repreacutesentations diffeacuterentes qui deacutefinissent selon nos reacutesultats ce que Germain (1995) appelle des

Modus videnti ou cadres de vie diffeacuterents agrave linteacuterieur des ces quartiers Les reacutepondants que nous

avons rencontreacutes preacutesentent des caracteacuteristiques communes qui preacutesentent moins de diffeacuterences

avec la population du Plateau Mont-Royal il nest donc pas eacutetonnant que les reacutepondants du

Plateau deacutecrivaient leur quartier comme unltendroit qui leur ressemblait et ougrave ils se sentaient bien

contrairement aux reacutepondants de la Petite Patrie ougrave les propos eacutetaient plus mitigeacutes

En somme les reacutesultats de notre enquecircte concernant les rapports de sociabiliteacute au

quartier sexpliquent par les processus de gentrification propres agrave chacun de ces territoires mais

aussi par les processus dindividuation caracteacuteristiques de la moderniteacute avanceacutee Dabord les

territoires agrave leacutetude nont pas connu les mecircmes processus de peuplement dans le passeacute ceci

explique les eacutecarts entre les caracteacuteristiques sociales des quartiers habiteacutes et leurs propres

caracteacuteristiques mais aussi les diffeacuterences concernant le rapport agrave lespace symbolique et social

chez les jeunes solos figures de la gentrification que nous avons rencontreacutes Ensuite le

processus dindividuation qui caracteacuterise les modes de vie et de constitution des relations

sociales explique entre autres leacuteparpillement et la diversiteacute de liens de mecircme que la

surrepreacutesentation des amis au sein de lagglomeacuteration urbaine Les modes de vie sont plus

diversifieacutes et les possibiliteacutes de nouer des amitieacutes et des contacts sont inscrites agrave linteacuterieur de

diffeacuterents lieux et espaces Le quartier est un choix reacutesidentiel qui se reacutealise sur la base des

parcours des goucircts des caracteacuteristiques sociales et de leurs contraintes plutocirct que sur le lieu de

reacutesidence de proches Ces choix deacutefinissent les rapports entretenus avec le quartier et les

pratiques de sociabiliteacute dans lespace urbain Les pratiques de sociabiliteacute dans lespace de

proximiteacute que nous avons deacutegageacutees sont tributaires des processus de peuplement passeacutes en

loccurrence la gentrification mais aussi de la reacutepartition spatiale des reacuteseaux damitieacute intimes

194

Par ailleurs il faut mentionner quune partie de lexplication entre les deux types de

rapports deacutegageacutes dans les territoires agrave leacutetude est en lien avec la composition de notre

eacutechantillon En effet ces reacutesultats ne sont pas sans limites et sans biais Les reacutepondants qui

habitent le Plateau Mont-Royal de mecircme que les femmes eacutetaient surrepreacutesenteacutes ce qui constitue

une limite dans lanalyse et linterpreacutetation des reacutesultats Par ailleurs nous navons pas deacutetecteacute

de diffeacuterences majeures entre les genres

92 Sociabiliteacute urbaine et valorisation de la dimension symbolique Particulariteacute jeunesse ou particulariteacute solo

En quoi se distinguent les jeunes adultes qui habitent seuls de leurs homologues plus

acircgeacutes

Dabord les jeunes adultes sont relativement plus mobiles sur le plan reacutesidentiel que

leurs homologues plus acircgeacutes Comme les jeunes adultes les solos plus acircgeacutes sont majoritairement

ceacutelibataires et locataires de logements de petites et de moyennes tailles Leur trajectoire

reacutesidentielle est aussi caracteacuteriseacutee par une attractiviteacute vers le centre mais il reste que la

trajectoire laquourbaineraquo est plus importante chez les jeunes adultes que chez les groupes plus acircgeacutes

De plus leurs parcours sont plus diversifieacutes et les expeacuteriences de cohabitation aussi Les solos

plus acircgeacutes sont plus nombreux agrave avoir veacutecu en famille avec enfants alors que chez les plus jeunes

cette expeacuterience est inexistante De plus la dureacutee moyenne de la vie en solo dans le parcours des

individus est plus eacuteleveacutee chez les adultes plus acircgeacutes

En ce qui concerne le rapport au logement on retrouve aussi les figures du casanier et

de la girouette Le laquo Plateauraquo constitue aussi un eacuteleacutement majeur dans le choix du logement des

adultes mucircrs et vieillissants et on retrouve lideacutee que le Plateau est consideacutereacute comme le quartier

ideacuteal pour habiter seul compte tenu de ces caracteacuteristiques sociales et fonctionnelles Les

rapports au quartier chez les reacutepondants du Plateau et de la Petite-Patrie deacutegageacutes plus haut chez

les jeunes adultes preacutesentent quelques diffeacuterences lorsque nous les comparons agrave leurs

homologues plus acircgeacutes

195

Les reacutesidents plus acircgeacutes de larrondissement du Plateau Mont-Royal entretiennent aussi

un fort rapport de sociabiliteacute publique mais la valorisation du sens symbolique est parfois

mitigeacutee Dabord ce ne sont pas tous les reacutesidents qui avaient pour objectif dhabiter sur le

Plateau une partie de ces reacutepondants deacuteploraient au deacutepart sa repreacutesentation symbolique actuelle

et certains inconveacutenients relieacutes agrave la circulation pieacutetonniegravere et routiegravere occasionneacutee par

laffluence de visiteurs qui ne reacutesidents pas neacutecessairement dans larrondissement mais ils ont

appris agrave deacutecouvrir leur quartier et ne souhaitent pas le quitter Les reacutesidents de Rosemont Petite

Patrie sont plus nombreux agrave avoir une image positive et agrave entretenir un rapport de sociabiliteacute

publique que leurs homologues plus jeunes

En ce qui concerne les reacuteseaux sociaux proprement dits leur taille est moins eacuteleveacutee que

celle des reacuteseaux des jeunes adultes mais ils comportent en geacuteneacuteral les mecircmes proportions

dintimes La principale diffeacuterence observeacutee concerne les personnes originaires dun autre pays

appartenant aux groupes dacircge adulte mucircrs et vieillissants Ils ont plus de proches que les jeunes

solos et ceux-ci repreacutesentent le quart de leur reacuteseau tandis que chez les plus jeunes cest un

cinquiegraveme Nous avons aussi remarqueacute les mecircmes diffeacuterences de taille entre les reacuteseaux des

reacutesidents des deux territoires agrave leacutetude Les reacutesidents du Plateau Mont-Royal ont des reacuteseaux

sociaux de plus grande taille par rapport agrave ceux de Rosemont Petite-Patrie Enfin les plus petits

reacuteseaux recenseacutes sont rattacheacutes aux reacutepondants plus acircgeacutes De plus certains ont grandi dans ce

quartier et y sont retourneacutes par choix tandis que dautres lont choisi en raison des contraintes

quimposait le marcheacute locatif de Montreacuteal concernant les coucircts et la disponibiliteacute des logements

Si on examine les caracteacuteristiques sociales des reacuteseaux on remarque les mecircmes

ressemblances concernant lhomophilie cest-agrave-dire que la tranche dacircge dominante de leurs

alters correspond agrave leur groupe dacircge ils sont majoritairement en emploi et la plupart ont atteint

un niveau de scolariteacute universitaire Par ailleurs les proportions sont relativement diffeacuterentes et

semblent indiquer une diversiteacute plus importante dans leurs reacuteseaux par rapport agrave ceux des jeunes

adultes En geacuteneacuteral ils ont citeacute moins de connaissances que leurs homologues plus jeunes Les

connaissances occupent une place moins importante dans leur reacuteseau que les membres de la

famille contrairement aux plus jeunes Enfin ils ont citeacute plus de voisins par rapport aux groupes

de solos plus jeunes

196

On observe peu de distinction par rapport au lieu de reacutesidence entre les alters des jeunes

adultes et des plus acircgeacutes En ce qui a trait au mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute

contrairement aux cas des jeunes adultes on retrouve des dynamiques de reacuteseaux de proximiteacute

chez les reacutesidents de coopeacuteratives dhabitation et une personne qui a un reacuteseau familial bien

ancreacute ougrave la ruelle constitue lespace communautaire Ces dynamiques concernent les reacutesidents

du Plateau Mont-Royal On retrouve aussi un fort rapport de sociabiliteacute publique chez les

reacutesidents du Plateau

Bref la principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Il reste que dans lensemble les jeunes et les moins jeunes partagent

diverses caracteacuteristiques en ce qui a trait au rapport de sociabiliteacute avec leur quartier qui se

rattachent agrave des modes de sociabiliteacute relieacutes agrave des rapports agrave lespace diffeacuterents

La dimension urbaine de la tendance agrave vivre seul dans les quartiers centraux est une

particulariteacute typique de la jeunesse mais aussi de 1 habiter en solo Ces caracteacuteristiques sont des

speacutecificiteacutes modernes puisquils sinscrivent dans un contexte dindividualisation des modes de

vie et ces processus qui ont cours ne sont pas sans lien avec les rapports agrave lespace et les modes

dhabiter dans ces quartiers Ils nourrissent en quelque sorte la dimension de la valorisation

symbolique des quartiers et constituent des balises de soutien en matiegravere de sociabiliteacute et de

support contre le sentiment disolement Les jeunes adultes qui habitent seuls en milieu urbain

repreacutesentent lune des figures de la sociabiliteacute dans lespace urbain et un contexte moderne et de

lurbaniteacute qui incarne en quelque sorte la dialectique de la proximiteacute et de la distance dans leur

mode de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute au sens de Simmel et de Germain

197

CONCLUSION

Transformation du lien social en milieu urbain et la question de lisolement

Agrave la lumiegravere de nos reacutesultats que peut-on dire de la transformation du lien social en

milieu urbain dans le contexte de la moderniteacute avanceacutee Nous avons vu que les thegraveses de la

sociologie classique associent leacutemergence de la ville agrave la monteacutee de lindividu gracircce aux

nouvelles formes de productiviteacute baseacutees sur le salariat mais aussi agrave la dissolution des liens

sociaux et plus particuliegraverement des liens primaires comme la famille Or les travaux reacutealiseacutes

sur les migrations au Queacutebec nous ont ameneacutes agrave nuancer fortement ces thegraveses puisquelles ont

deacutegageacute que les migrations et le peuplement des grandes villes queacutebeacutecoises seffectuaient dans

une logique de solidariteacute familiale et de va-et-vient entre la ville et la communauteacute dorigine et

non selon un processus de deacutemantegravelement et de dissolution des liens familiaux Par ailleurs les

migrations et les trajectoires chez les jeunes ont eacutevolueacute dans le temps et leur signification est

deacutesormais diffeacuterente Elles se reacutealisent sur la base de choix ou de circonstances ougrave le projet

individuel se trouve au centre Comme le souligne Simmel le salariat a permis une

individualisation des modes de vie et des relations sociales dans la moderniteacute Cette tendance se

traduit entre autres aujourdhui par une diversification des formes familiales qui sexplique

entre autres par leacutevolution de certaines conditions sociales comme la monteacutee de lEacutetat

providence et des conditions de travail plus favorables La croissance du nombre de personnes

qui habitent seules en quartier central repreacutesente sans doute lexpression la plus forte de

lindividualiteacute qui caracteacuterise la vie urbaine de notre eacutepoque La propension agrave vivre seul en

milieu urbain dans les socieacuteteacutes modernes est tributaire des processus dindividualisation mais

aussi de gentrification qui sopegraverent dans les quartiers centraux Ce contexte a susciteacute notre

inteacuterecirct et un questionnement en ce qui concernait le lien social dans les espaces urbains qui ont

connu des dynamiques de peuplement diffeacuterentes de celles dautrefois Si pour Simmel la ville

fourni des cadres de vie qui contribuent non seulement au deacuteveloppement de lattitude de

reacuteserve qui peut mener agrave de lalieacutenation cest-agrave-dire au retrait au repli sur soi agrave lisolement et agrave

la solitude nos pouvons supposer que vivre seul en milieu urbain se traduit par un sentiment

198

disolement et de repli sur soi Or nos reacutesultats nous amegravenent agrave nuancer la thegravese de la ville

comme porteur disolement et de dissolution des liens

En effet nous avons vu que les quartiers gentrifieacutes et ceux situeacutes agrave proximiteacute de ces

quartiers et des centres urbains comportent des cadres de vie qui permettent aux individus de

deacutevelopper des modes de sociabiliteacute qui deacutebouchent sur une ouverture agrave lautre agrave linteacuterieur de

diffeacuterents degreacutes de proximiteacute et de distance Ces modes de sociabiliteacute se trouvent dans lespace

de proximiteacute mais aussi dans lespace meacutetropolitain Cela rejoint en partie la thegravese de la

communauteacute eacutemancipeacutee car nous avons vu que la proximiteacute geacuteographique ne constitue pas un

facteur de premiegravere importance dans la constitution des reacuteseaux sociaux En effet nous avons vu

que linscription spatiale des reacuteseaux sociaux des jeunes adultes ne se limite pas agrave lespace de

proximiteacute comme le quartier Ils sont plutocirct organiseacutes de faccedilon eacuteclateacutee dans lespace urbain Il

reste toutefois que la proximiteacute mecircme si elle ne constitue pas un facteur de creacuteation de liens

forts bonifie les pratiques de sociabiliteacute et dentraide existantes

Par ailleurs la sociabiliteacute les reacuteseaux de mecircme que le rapport agrave lespace ne sont pas

neacutecessairement statiques dans le temps et peuvent changer selon les mobiliteacutes reacutesidentielles les

cycles de vie et dautres eacutevegravenements Dans la preacutesente enquecircte nous avons analyseacute les pratiques

de sociabiliteacute et le rapport agrave lespace agrave un moment preacutecis de la vie de chacun de nos

interlocuteurs puisque tel eacutetait lobjectif de la preacutesente eacutetude agrave partir duquel nous avons utiliseacute

une meacutethode conccedilue speacutecifiquement pour comprendre la situation des personnes qui habitent

seules appartenant agrave des acircges et des cycles de vie diffeacuterents agrave partir dun moment de leur vie

Les donneacutees recueillies dans le cadre de la preacutesente eacutetude permettaient ainsi une comparaison

entre les groupes dacircge et non une analyse de nature longitudinale Il reste que nos reacutesultats ont

fourni quelques pistes et hypothegraveses agrave ce sujet qui pourraient examiner plus en profondeur la

dimension longitudinale que couvrent la sociabiliteacute les reacuteseaux et le rapport agrave lespace en lien

Agrave cet effet une enquecircte pourrait ecirctre effectueacutee au moyen dune meacutethodologie conccedilue

speacutecifiquement pour ce type danalyse qui permettrait de suivre dans le temps la construction et

la deacuteconstruction des reacuteseaux sociaux et du rapport au quartier agrave partir du moment ougrave les

personnes commencent habiter seules puis agrave dautres moments de leur vie

199

Nous avons neacuteanmoins deacutegageacute une figure de la moderniteacute qui teacutemoigne des grandes

transformations sociales En effet la sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute est centreacutee sur les

relations damitieacute et les rapports impersonnels laquoentre eacutetrangersraquo qui ont lieu dans des lieux

publics Les modes de sociabiliteacute deacutegageacutes sinscrivent dans le registre de la dialectique de la

proximiteacute et de la distance dans les relations sociales en milieu urbain De plus nous avons vu

que le jeune adulte qui habite seul partage plusieurs caracteacuteristiques avec les adultes dacircge mucircr

et vieillissant La principale diffeacuterence entre les groupes dacircge adulte et les jeunes adultes

concerne principalement la diversification de leur parcours le laquovolumeraquo de sociabiliteacute la

composition de leurs reacuteseaux et la valorisation symbolique de leur quartier chez les reacutesidents du

Plateau Mont-Royal Lacircge ne semble donc pas constituer une variable deacuteterminante dans les

rapports entretenus avec le quartier et les modes de sociabiliteacute dans lespace de proximiteacute Ces

reacutesultats soulegravevent un questionnement concernant la speacutecificiteacute de lhabiteacute en solo Nous

pouvons nous demander si 1 habiter en solo est un mode de vie de la jeunesse contemporaine

que les plus vieux adoptent ou dun mode de vie typique de lhabiteacute en solo en quartier gentrifieacute

En dautres termes serait-ce les solos plus acircgeacutes qui ont un comportement laquode jeuneraquo ou serait-

ce le fait dhabiter seul en quartier central gentrifieacute ou en voie de lecirctre qui explique les

comportements partageacutes par les diffeacuterents groupes dacircge de solos La dimension geacuteographique

semble une variable plus deacuteterminante que lacircge dans les pratiques de sociabiliteacute et les modes de

vie en solo

Le jeune adulte qui habite seul dans un quartier central apparaicirct ainsi comme une

veacuteritable icocircne de la moderniteacute avanceacutee puisquil incarne la transformation des formes familiales

et la fragiliteacute du couple et participe au processus de gentrification Ses modes de sociabiliteacute

reflegravetent la transformation des relations sociales moins centreacutees sur la famille et moins inscrites

dans lespace de proximiteacute Si la figure de lEacutetranger symbolise aussi une forme dalieacutenation et

de solitude de mecircme que lanonymat de la grande ville le jeune adulte qui habite seul en milieu

urbain gentrifieacute ne constitue pas un emblegraveme de lisolement Il renvoie plutocirct agrave une autonomie

qui correspond agrave un mode de sociabiliteacute typiquement urbain qui se reacutealise agrave travers diffeacuterentes

eacutechelles de la dialectique de la proximiteacute et de la distance des rapports sociaux Mais est-ce que

le type de sociabiliteacute de nature publique parvient agrave pallier le sentiment de Pisolement Le fait de

vivre seul implique-t-il oui ou non le sentiment subjectif de se sentir isoleacute

200

Dabord le fait dhabiter seul eacutetait pour la plupart des jeunes adultes rencontreacutes le

reacutesultat dune rupture conjugale Pour certains il sagissait du reacutesultat de circonstances

inattendues ou deacutevegravenements particuliers Il reste que pour la majoriteacute des jeunes adultes

rencontreacutes il sagissait dun choix deacutelibeacutereacute voire mecircme dun projet dans lequel on retrouvait

lideacutee dassumer un nouveau statut de ceacutelibataire et une nouvelle autonomie

Cette distinction entre les reacutepondants ayant laquo choisiraquo et ceux ayant laquo subiraquo leur mode

de vie de mecircme que le temps passeacute seul et avec dautres suscitent des questions sur les maniegraveres

de se repreacutesenter le fait de vivre seul et le sentiment de solitude dans une perspective de la

transition vers la vie de couple de mecircme que sur la repreacutesentation de lautre dans un contexte ougrave

la liberteacute dagir est valoriseacutee Agrave cet effet on peut se demander si ceux qui subissent sinscrivent

davantage dans la norme de la mise en couple et en famille et sils sont en attente dune

transition vers la vie de couple Dun autre cocircteacute on peut se demander pour ceux qui ont choisi

sils envisagent de revivre avec dautres plus tard Les plus vieux avec qui ont a compareacute les

plus jeunes ont simplement plus dexpeacuterience en la matiegravere et en sont venus agrave un constat ougrave il

nest plus envisageable de vivre avec dautres Agrave cet effet les analyses de Molgat et Veacutezina

(2007b) reacutealiseacutees sur ces mecircmes donneacutees que la preacutesente eacutetude ont deacutegageacute trois types de

repreacutesentation de la vie en solo Living free and together or a youth way of life A

transitional period et Solo living for the long term

Les analyses ont mis en lumiegravere quune petite partie des jeunes adultes rencontreacutes (3)

envisageaient leur mode de vie comme une peacuteriode de transition dont ils souhaitent quelle

deacutebouche sur une mise en couple et une vie de famille Ces personnes navaient pas choisi de

vivre seules et posseacutedaient en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux plus restreints que les autres

reacutepondants Ils passaient plus de libres seuls et ils avaient tendance agrave se sentir isoleacutes ou seuls

Certains appreacuteciaient cependant ce mode de vie dans la mesure ougrave il demeurait temporaire Ce

type de repreacutesentation se retrouvait eacutegalement chez quatre de leurs homologues plus acircgeacutes Par

ailleurs cette repreacutesentation de la laquotransitionraquo neacutetait pas le fait de la majoriteacute des jeunes

adultes rencontreacutes

201

La repreacutesentation selon laquelle habiter seul est un mode de vie que lon a dans une

perspective agrave long terme Solo living for the long term correspondait agrave un plus grand nombre

de jeunes adultes rencontreacutes (9) Pour eux le fait dhabiter seul renvoie agrave un mode de vie

reacutesultant de circonstances inattendues mais qui laquosapprend raquo au moyen dune routine

personnaliseacutee qui permet de contrer le sentiment de solitude veacutecue au deacutepart En geacuteneacuteral ces

personnes deacutetiennes des reacuteseaux sociaux de taille moyenne et leur mode de vie correspondait agrave

un eacutequilibre entre les temps passeacutes seuls et agrave avec dautres

Enfin les analyses de Molgat et V eacutezina (2007b) ont deacutegageacute une troisiegraveme

repreacutesentation laquo Living free and together raquo or alaquo youth raquoway of life raquo Ces jeunes adultes (4)

ont choisi leur mode de vie posseacutedaient des reacuteseaux sociaux plus grands par rapport agrave la

moyenne passaient tregraves peu de temps seul valorisaient lautonomie que leur procurait leur

mode de vie et ne ressentaient pas le sentiment de solitude et disolement

Bref le sentiment subjectif de lisolement nest pas le fait de la majoriteacute de nos

reacutepondants mais demeure existant selon les repreacutesentations de l habiteacute en solo Les

caracteacuteristiques sociales des reacutepondants peuvent aussi expliquer pourquoi le sentiment de

lisolement nest pas partageacute par la majoriteacute des personnes rencontreacutees En effet les personnes

que nous avons rencontreacutees sont en geacuteneacuteral tregraves scolariseacutees et possegravedent une situation

eacuteconomique relativement stable Dautres analyses reacutealiseacutees par Molgat et Veacutezina (2007a) sur

les strateacutegies de soutien pour faire face aux difficulteacutes lieacutees au fait de vivre seul dont

lisolement ont montreacute que les personnes de notre eacutechantillon ayant de mauvaises conditions de

logement et une situation socio-eacuteconomique preacutecaire vivaient de lisolement et de la solitude

Ces personnes quoique tregraves peu nombreuses appartenaient aux groupes dacircge de plus de 35 ans

Ces reacutesultats nous indiquent que les jeunes adultes sont en geacuteneacuteral moins sujets agrave se

sentir isoleacute puisquils possegravedent en geacuteneacuteral des reacuteseaux sociaux de plus grande taille et que leur

condition socio-eacuteconomique mecircme si elle demeure modeste sur le plan des revenus est

relativement stable et eacuteleveacutee en raison de leur scolariteacute Par ailleurs la maniegravere dont les jeunes

adultes se repreacutesentent le fait de vivre seul constitue un facteur qui peut contribuer au sentiment

de la solitude Pour ceux qui perccediloivent leur situation comme une transition et qui possegravedent les

202

reacuteseaux sociaux plus restreints de mecircme quune situation financiegravere plus preacutecaire sont plus

susceptibles de se sentir isoleacute Par ailleurs ces personnes repreacutesentent un petit nombre de notre

eacutechantillon (3) et cela nest pas sans lien avec la dimension geacuteographique de notre enquecircte Ces

quartiers sont occupeacutes par une population fortement scolariseacutee et jeune et fournissent des cadres

de vie propices agrave la sociabiliteacute publique et au deacuteveloppement dun mode de vie urbain

En somme nos reacutesultats soulegravevent que le fait de vivre en quartier central gentrifieacute

constitue une sorte de balise qui palie au sentiment disolement Il serait toutefois inteacuteressant de

voir ce quil en est chez les jeunes adultes qui habitent seuls dans des quartiers situeacutes plus en

peacuteripheacuterie des centres urbains comme Laval ou des quartiers centraux darrondissement

deacutefavoriseacutes ougrave le processus de gentrification na pas neacutecessairement lieu Les quartiers

peacuteripheacuteriques ont geacuteneacuteralement un cadre bacircti une dynamique sociospatiale ougrave lutilisation de la

voiture est une neacutecessiteacute et ougrave lon retrouve des proportions de personnes qui habitent seules

moins importantes Dun autre cocircteacute les quartiers comme Verdun Pointe Saint-Charles et Saint-

Henri ont une population dont la structure par acircge est plus vieille et des situations socio-

eacuteconomiques plus preacutecaires Eacutetant donneacute que la dimension geacuteographique de lhabiteacute en solo joue

un rocircle de premier plan dans la construction des modes de vie et du rapport agrave lespace ces

contextes dans lesquels dautres personnes habitent seules soulegravevent aussi des questionnements

sur la question de la sociabiliteacute et de lisolement Ces territoires possegravedent des caracteacuteristiques

tregraves diffeacuterentes de celles des quartiers centraux gentrifieacutes ou en voie de lecirctre Enfin habiter seul

est eacutegalement le fait de personnes qui demeurent dans dautres reacutegions meacutetropolitaines plus

petites que Montreacuteal et dont la proportion de meacutenages composeacutes dune personne eacutetait plus

importante en 2001 que la meacutetropole montreacutealaise Cest le cas de Shawinigan (305 ) Trois-

Riviegraveres (329 ) Queacutebec (323 ) Rimouski (305 ) et Riviegravere-du-Loup (300 ) La

compreacutehension de lhabiteacute en solo dans ces villes ou dans dautres quartiers devrait dans ces cas

passer aussi par une analyse du territoire dans lequel ces personnes habitent

203

APPENDICE A

Reacute(artition des meacutenages com(oseacutes dune (ersonne sur licircle de Montreacuteal et dans les municipaliteacutes environnantes

Terriroire Arrondissements centraux Ville-Marie 5490 Plateau-Mont-Royal 5260 Rosemont - La-Petite-Patrie 4720 Sud-Ouest 4130 Verdun 4130 Mercier - Hochelaga-Maisonneuve 4080 Cocircte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Gracircce 4050 Ahuntsic-Cartierville 4010 Lachine 3870 Outremont 3590 Montreacuteal-Nord 3570 Villeray - Saint-Michel- Parc-Extension 3560 Westmount 3550 Autres arrondissements Dorval 3390 Anjou 3350 Cocircte-Saint-Luc - Hamstead - Montreacuteal-Ouest 3330 LaSalle 3300 Saint-Laurent 3120 Pointe-Claire 2680 Mont-Royal 2590 Icircle-Bizard - Sainte-Geneviegraveve - Ste-Anne-de-Bellevue 23700 Pierrefonds - Senneville 2340 Riviegravere-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles - MTL-Est 2320 Dollard-des-Ormeaux - Roxboro 1560 Beaconsfield - Baie-Durfeacutee 1350 Kirkland 1100 Municipaliteacutes environnantes

Longueuil 3390 Sainte-Theacuteregravese 30400 Laval 2400 Saint-Eustache 2100 Brossard 1940 Saint-Hubert 1890 Terrebonne 1880 Boucherville 1700

204

APPENDICEB

Villeray

Outremont ~ -

Rosemont

~ e _ pire

_ commerce

centre-ville

PMR= Plateau Mon-Royal PP= Petite Patrie

205

APPENDICEC

Larrondissement Rosemont-Petite-Patrie

206

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