UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD. LYON 1
INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION
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Directeur : Professeur Yves MATILLON
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REEDUCATION DES TROUBLES DE LA DEGLUTITION APRES
CRICO-HYOIDO-EPIGLOTTO-PEXIE (CHEP). ETUDE DU SUIVI
AU CENTRE DE SOINS DE SUITE ET DE READAPTATION BEAULIEU A MORANCE
ET EN CABINET LIBERAL
MEMOIRE présenté pour l’obtention du
CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONISTE
par
DEMOUTIEZ Séverine Autorisation de reproduction LYON, le 27 septembre 2007 N°1411 Professeur Eric TRUY Responsable de l’enseignement
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON I
Président Vice-Président CA Vice-Président CEVU Vice-Président CS Secrétaire Général
Pr. Lionel COLLET Pr. Joseph LIETO Pr. Daniel SIMON Pr. Jean-François MORNEX M. Gilles GAY
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FEDERATION SANTE
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FEDERATION SCIENCES
Centre de RECHERCHE ASTRONOMIQUE DE LYON - OBSERVATOIRE DE LYON U.F.R. des SCIENCES ET TECHNIQUES DES ACTIVITES PHYSIQUES ET SPORTIVES I.S.F.A. (Institut de SCIENCE FINANCIERE ET d’ASSURANCES) U.F.R. de GENIE ELECTRIQUE ET DES PROCEDES U.F.R. de PHYSIQUE U.F.R. de CHIMIE ET BIOCHIMIE U.F.R. de BIOLOGIE U.F.R. des SCIENCES DE LA TERRE I.U.T. A I.U.T. B INSTITUT des SCIENCES ET DES TECHNIQUES DE L’INGENIEUR DE LYON U.F.R. de MECANIQUE U.F.R. de MATHEMATIQUES U.F.R. D’INFORMATIQUE
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INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE READAPTATION
FORMATION ORTHOPHONIE
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RESPONSABLES de la FORMATION CLINIQUE PERDRIX Renaud
MORIN Elodie
CHARGEE du CONCOURS D’ENTREE PEILLON Anne
SECRETARIAT DE DIRECTION ET DE SCOLARITE BADIOU Stéphanie
CLERC Denise
Remerciements Je tiens à remercier les personnes qui m’ont permis d’arriver au bout de ce travail : Madame Baldy, ma maître de mémoire, pour ses lectures avisées. Madame Gentil pour le temps qu’elle m’a accordé, ses remarques et ses conseils qui ont contribué à ma réflexion et guidé l’élaboration de ce mémoire. Madame Goyet pour sa gentillesse, ses lectures, ses conseils. Monsieur Perdrix pour m’avoir reçue, soutenue, écoutée et conseillée. Madame Tain pour son aide méthodologique. Les orthophonistes qui m’ont accueillie, qui m’ont gentiment accordé du temps pour répondre à mes questions. Les patients qui ont participé à cette étude, très accueillants et coopératifs. Mes parents pour leur soutien continuel, leurs lectures et leurs encouragements dans les moments difficiles. Erik pour sa présence, pour son aide informatique lors de la mise en page, pour sa patience et l’énergie qu’il me transmet.
SOMMAIRE INTRODUCTION...........................................................................................................1 PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE
1.1 ANATOMIE : Eléments constituants du larynx ..............................................2 1.2 CONFIGURATION INTERNE DU LARYNX ...............................................7 1.3 LES FONCTIONS DU LARYNX....................................................................8 1.4 LA DEGLUTITION NORMALE DE L’ADULTE..........................................9 1.5 LES CANCERS DU LARYNX, A L’ETAGE GLOTTIQUE .......................12 1.6 L’ENQUETE PAR ENTRETIENS ................................................................17 1.7 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE.........................................................19
DEUXIEME PARTIE : EXPERIMENTATION19
2.1. METHODE EXPERIMENTALE ...................................................................20 2.2. CHOIX DE LA POPULATION .....................................................................20 2.3. PROTOCOLE EXPERIMENTAL..................................................................23
TROISIEME PARTIE : PRESENTATION DES RESULTATS
3.1. ENTRETIENS AVEC LES ORTHOPHONISTES ........................................29 3.2. LES SONDAGES TELEPHONIQUES..........................................................42 3.3. DOSSIERS DES PATIENTS .........................................................................46 3.4. RENCONTRES AVEC LES PATIENTS.......................................................51
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION DES RESULTATS
4.1. CONCLUSION DU PROTOCOLE EXDPERIMENTAL .............................58 4.2. VALIDATION DES HYPOTHESES.............................................................60 4.3. PISTES DE REFLEXION ..............................................................................61 4.4. LES LIMITES DE L’EXPERIMENTATION................................................64 4.5. INTERET DE CETTE ETUDE ......................................................................65 4.6. APPORTS PERSONNELS.............................................................................66
CONSEILS AUX ORTHOPHONISTES LIBERAUX SOUHAITANT PRENDRE EN CHARGE DES CHEP............................................................................................67
4.7. OUVERTURE ................................................................................................68 CONCLUSION..............................................................................................................70 BIBLIOGRAPHIE GLOSSAIRE ANNEXES TABLES
Table des matières Listes des illustrations Listes des tableaux Listes des annexes
1
Une laryngectomie est une mutilation après laquelle le patient va devoir apprendre à
vivre différemment, compte tenu d’un schéma corporel modifié.
Dans ce mémoire, nous nous intéresserons aux laryngectomies partielles reconstructives
de type crico-hyoïdo-épiglotto-pexies (CHEP). Celles-ci provoquent assez fréquemment
des troubles de la déglutition qui, s’ils ne sont pas diagnostiqués et pris en compte,
mettent en jeu le pronostic vital du patient. En effet, si le patient fait des fausses routes
répétées, il peut développer une pneumopathie.
L’orthophoniste va notamment aider le patient dans un apprentissage : celui de la
déglutition, en tenant compte de l’anatomie modifiée, des structures manquantes et des
difficultés ou impossibilités que cela entraîne. Un médecin ORL travaille en étroite
collaboration avec l’orthophoniste, donnant le feu vert à la rééducation. Il aide à
l’adaptation de la texture des aliments au cours de la rééducation orthophonique. En
effet, ce médecin peut, grâce à diverses techniques comme la vidéo-radiographie de la
déglutition, visualiser les fausses routes qui, si elles sont silencieuses (pas de réflexe de
toux), pourraient ne pas être perçues par l’orthophoniste.
« La fonction digestive est l’une des plus archaïques dans l’espèce animale et pouvoir
s’alimenter relève d’un réflexe de survie.
L’impossibilité d’une alimentation naturelle renvoie inévitablement à l’angoisse de
mort, verbalisée ou non par les patients qui préfèrent parfois une totalisation de leur
laryngectomie partielle plutôt que les difficultés aiguës permanentes dans l’acte de
déglutition. »
(Traissac, 1992, p.138)
La prise en charge des dysphagies nous intéressait car nous trouvions que l’aspect
relationnel qui s’en dégage est extrêmement fort. En effet, dans le cadre des CHEP,
nous sommes face au cancer, une maladie redoutée que la médecine ne sait pas toujours
soigner. L’orthophoniste a une fonction essentielle pour les laryngectomisés : un rôle de
soin direct, déterminé par son savoir théorico-clinique ; mais aussi indirect à travers les
2
séances régulières où un lien se tisse entre le thérapeute et son patient, offrant ainsi un
lieu d’écoute privilégié.
Par ailleurs, un stage effectué au centre de Morancé, nous a largement guidée dans ce
travail, tout en renforçant notre attrait pour ce type de prise en charge.
Dans ce mémoire, nous nous sommes donc intéressée aux troubles de la déglutition
induits par une CHEP et à la rééducation dispensée par l’orthophoniste, en tenant
compte du lieu de son exercice : en centre ou en libéral.
Les orthophonistes en centre et les orthophonistes en libéral ne mènent pas exactement
le même type de rééducation. Après une CHEP, le patient va faire ses premiers essais
alimentaires à l’hôpital. C’est l’acquisition d’un geste de déglutition adapté ou non qui
va permettre de décider de l’orientation du patient en centre ou en cabinet, lorsque son
état général lui permettra de sortir du milieu hospitalier. Dans la région lyonnaise, la
proximité du centre de Morancé, spécialisé dans ce type de rééducation, fait que nombre
des patients y séjournent à leur sortie de l’hôpital. Dans la région Rhône-Alpes, on note
deux autres centres spécialisés : à Saint-Hilaire-du-Touvet et à Plateau d’Assy.
Nous aborderons ainsi, dans une première partie théorique, l’anatomie laryngée, la
physiologie de la déglutition de l’adulte et une présentation des CHEP. Puis, dans une
seconde partie expérimentale, nous définirons notre méthodologie de travail : les grilles
d’analyses que nous avons réalisées, ainsi que les personnes à qui nous les avons
destinées. Enfin, nous exposerons les conclusions que nous ont permis d’établir ces
grilles.
3
1.1 ANATOMIE : Eléments constituants du larynx (Legent, Perlemuter et Vandenbrouck, 1986 ; Bonfils et Chevalier, 2005)
Le larynx est une structure mobile qui fait communiquer le pharynx et la trachée au
niveau du carrefour aéro-digestif. Il est amarré en haut à l’os hyoïde -qui ne fait pas
partie à proprement parler du larynx-, à la base de langue, à la mandibule et à la base du
crâne. Il se prolonge en bas par la trachée.
1.1.1 Les cartilages du larynx
On trouve, de bas en haut :
1.1.1.1 Le cartilage cricoïde
Il a la forme d’une bague chevalière composée d’un arc antérieur d’environ 5 mm de
haut et d’un chaton postérieur mesurant 2 cm de haut et 3 à 5 mm d’épaisseur. Il se
trouve sous le cartilage thyroïde et lui est relié par la membrane crico-thyroïdienne. Le
cartilage cricoïde est ensuite en continuité avec la trachée. Il assure le diamètre de la
filière laryngée. Il est indispensable à la respiration car il maintient le larynx en position
ouverte. Sa conservation est donc nécessaire dans les chirurgies partielles du larynx.
1.1.1.2 Les cartilages aryténoïdes
Ce sont deux pyramides triangulaires à base inférieure, hautes d’environ 15 mm,
disposées verticalement au-dessus des parties latérales du chaton cricoïdien et visibles
sur la face postérieure du cartilage cricoïde. L’angle antérieur de la base de l’aryténoïde
se prolonge en une apophyse vocale et son angle postéro-latéral en une volumineuse
apophyse musculaire.
4
1.1.1.3 Le cartilage thyroïde
Il a la forme d’un dièdre ouvert. Il dessine un angle de 110 à 120° chez la femme et de
80 à 90° chez l’homme, formant une proéminence au niveau du cou plus ou moins
visible selon les individus, communément appelée la pomme d’Adam. Ce cartilage
occupe la majeure partie de la face antérieure du larynx. Il est relié en haut aux grandes
cornes de l’os hyoïde par la membrane thyro-hyoïdienne. Il présente de chaque côté
deux cornes postérieures, l’une dirigée vers le haut, la grande corne, l’autre dirigée vers
le bas, la petite corne, qui s’articule avec le cartilage cricoïde. Cette articulation permet
la bascule du cartilage thyroïde sur le cartilage cricoïde.
1.1.1.4 Le cartilage épiglottique ou épiglotte
C’est une lamelle de cartilage mince et souple, de forme ovalaire, qu’on a souvent
comparée à un pétale à sommet inférieur. L’épiglotte est fixée entre les deux lames du
cartilage thyroïde.
1.1.1.5 Liaisons entre les cartilages
Ces différents éléments cartilagineux du larynx sont réunis entre eux par des ligaments
(thyro-épiglottique, ary-épiglottique, thyro-aryténoïdien supérieur et inférieur) et par des
membranes (thyro-hyoïdienne, crico-thyroïdienne, crico-trachéale et hyo-épiglottique).
1.1.2 Les articulations du larynx
Il existe deux principales articulations laryngées (Wolz, 1991).
1.1.2.1 Les articulations crico-aryténoïdiennes
Elles unissent la base de chaque aryténoïde au bord supérieur du cricoïde. Elles sont
responsables des mouvements de rotation par lesquels l’aryténoïde pivote autour de son
5
axe vertical ; et des mouvements de glissement ou de translation. Par le glissement en
avant, les deux aryténoïdes s’éloignent l’un de l’autre, par celui en arrière, ils se
rapprochent.
1.1.2.2 Les articulations crico-thyroïdiennes
Elles sont le siège des mouvements de bascule, responsables de la tension des cordes
vocales.
1.1.3 Les différents muscles du larynx
1.1.3.1 Les muscles extrinsèques
Ils fixent le larynx au squelette avoisinant constitué par l’os hyoïde, la base du crâne, le
sternum, le pharynx. On distingue les muscles élévateurs et les muscles abaisseurs du
larynx.
Les muscles élévateurs prennent appui sur la base du crâne ou sur la mandibule. Ils
élèvent le larynx au cours de la déglutition à condition que la bouche soit fermée. Cinq
muscles participent à cette action : le muscle stylo-hyoïdien, le muscle digastrique, le
muscle mylo-hyoïdien, le muscle génio-hyoïdien et le muscle thyro-hyoïdien.
Les muscles abaisseurs prennent appui sur la ceinture scapulaire. Leur rôle est
d’abaisser le larynx. On distingue trois muscles abaisseurs du larynx : le muscle sterno-
hyoïdien, le muscle sterno-thyroïdien et le muscle omo-hyoïdien.
1.1.3.2 Les muscles intrinsèques
Ils ont leur insertion sur le squelette laryngé. On distingue trois groupes de muscles
intrinsèques :
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Les muscles constricteurs de la glotte
Les muscles thyro-aryténoïdiens constituent le sphincter laryngé. Insérés en avant dans
l’angle rentrant du cartilage thyroïde et en arrière sur l’aryténoïde, ils se disposent en
trois plans :
Le thyro-aryténoïdien médial qui, par sa contraction, augmente le volume des
cordes vocales, les tend et rétrécit la glotte.
Le thyro-aryténoïdien latéral dont la tension va modifier le volume du ventricule
du larynx.
Le thyro-aryténoïdien supérieur qui tire l’apophyse musculaire du cartilage
aryténoïde en avant et en dehors, faisant ainsi pivoter l’apophyse vocale de
l’aryténoïde et fermant la glotte en rapprochant les cordes vocales.
Le muscle crico-aryténoïdien latéral s’insère en avant sur la partie latérale de l’anneau
cricoïdien. Ses fibres se dirigent en arrière et en haut pour aller se fixer sur le versant
antérieur de l’apophyse musculaire de l’aryténoïde. Sa contraction attire l’apophyse
musculaire aryténoïdienne en dehors, donc l’apophyse vocale de l’aryténoïde en dedans,
ce qui ferme la glotte.
Le muscle inter-aryténoïdien comble l’espace libre laissé entre les deux aryténoïdes au-
dessus du bord supérieur du chaton cricoïdien. Lors de sa contraction, il rapproche les
aryténoïdes.
Un muscle dilatateur de la glotte
Il s’agit du muscle crico-aryténoïdien postérieur ou posticus. Il s’insère sur la crête du
bord postérieur du cartilage cricoïde. De là, ses fibres convergent en un tendon qui va se
fixer sur la face postérieure de l’apophyse musculaire de l’aryténoïde. Ce muscle
antagoniste des constricteurs de la glotte tire l’apophyse musculaire aryténoïdienne en
arrière et en dehors. Il écarte donc les deux apophyses vocales des aryténoïdes.
7
Un muscle tenseur des cordes vocales
Il s’agit du muscle crico-thyroïdien. Il est inséré sur la partie antérieure de l’anneau
cricoïdien en avant. De là, ses fibres partent en arrière et en haut pour s’insérer sur le
bord inférieur des ailes thyroïdiennes. Il fait basculer le thyroïde sur le cricoïde. Il
assure donc la tension des cordes vocales.
1.1.4 La vascularisation du larynx
L’irrigation artérielle est assurée par les artères laryngées supérieure et antéro-inférieure
issues de la thyroïdienne supérieure et par l’artère laryngée postérieure issue de la
thyroïdienne inférieure.
La vascularisation lymphatique est très riche dans les étages sus et sous-glottiques, mais
relativement pauvre au niveau des cordes vocales.
1.1.5 L’innervation du larynx
L’innervation du larynx est assurée par deux branches du X (nerf pneumogastrique ou
nerf vague) :
le nerf laryngé supérieur, essentiellement sensitif et classiquement moteur pour
le seul muscle crico-thyroïdien,
le nerf laryngé inférieur ou nerf récurrent qui innerve tous les autres muscles
intrinsèques du larynx.
1.2 CONFIGURATION INTERNE DU LARYNX (Legent, Perlemuter et Vandenbrouck, 1986 ; Bonfils et Chevalier, 2005)
Le larynx est divisé en trois étages par les deux cordes vocales : l’espace sus-glottique,
l’espace glottique et l’espace sous-glottique.
A B
Figure 5 : Les différents étages du larynx
A : coupe sagittale gauche
B : coupe frontale
(site Internet : fnclcc).
8
1.2.1 L’étage sus-glottique
Aussi appelé étage supra-glottique, ou supérieur ou encore vestibule, il a une forme
d’entonnoir rétréci par deux bourrelets latéraux situés au-dessus des cordes vocales,
séparés d’elles par le ventricule de Morgagni et constituant les bandes ventriculaires.
Cet étage comprend le vestibule laryngé qui s’ouvre dans le pharynx par l’orifice
supérieur du larynx appelé margelle laryngée et le ventricule de Morgagni.
1.2.2 L’étage glottique
C’est l’étage moyen qui correspond aux deux cordes vocales (ou plis vocaux) :
ligaments blancs nacrés qui soulèvent de chaque côté la muqueuse du larynx vers
l’intérieur formant ainsi des saillies et qui s’étendent de l’aryténoïde en arrière à l’angle
rentrant du cartilage thyroïde en avant. L’espace délimité par le bord libre des cordes
vocales constitue la glotte.
1.2.3 L’étage sous-glottique
Aussi appelé étage inférieur ou infra-glottique, il s’étend sous la face inférieure des
cordes vocales et communique avec la trachée. La sous-glotte est la portion la plus
rétrécie de la filière laryngée.
1.3 LES FONCTIONS DU LARYNX (Woisard et Puech, 2003 ; Bonfils et Chevalier, 2005)
1.3.1 La fonction respiratoire
Le larynx représente la partie supérieure de la trachée. La fonction respiratoire
intervient lorsque les cordes vocales sont écartées.
9
1.3.2 La fonction sphinctérienne
Le larynx constitue une barrière de protection pour la trachée. L’occlusion laryngée
relève de deux mécanismes :
Le mécanisme passif, de par l’ascension du larynx vers le haut et l’avant qui
vient se mettre à l’abri sous la base de la langue, tandis que l’épiglotte bascule
en arrière, venant recouvrir le larynx.
Le mécanisme actif de protection laryngée correspond à la fermeture glottique
lors de la déglutition, par rapprochement des bandes ventriculaires et des cordes
vocales. Le bol alimentaire est alors dirigé vers l’œsophage.
1.3.3 La fonction phonatoire
Le passage de l’air expiré à travers la cavité laryngée provoque la vibration des cordes
vocales lorsque celles-ci se rapprochent. Cette vibration est à l’origine d’un son
fondamental qui est ensuite modifié par les résonateurs sus-jacents que sont le pharynx
et les fosses nasales et par les mouvements du voile du palais, de la langue et des lèvres.
1.4 LA DEGLUTITION NORMALE DE L’ADULTE
1.4.1 Les différents niveaux de fermeture laryngée
Il existe 4 niveaux de fermeture laryngée : des volets latéraux (cordes vocales et bandes
ventriculaires), un volet postérieur (aryténoïdes) et un volet antérieur (épiglotte).
La protection des voies aériennes inférieures est assurée par l’apnée centrale, la
fermeture laryngée, l’ascension et la projection en avant du larynx, le recul de la base de
langue.
10
1.4.2 Physiologie
(Woisard et Puech, 2003 ; Senez, 2002)
La déglutition est l’acte par lequel le bol alimentaire va être acheminé de la cavité
buccale à l’estomac après la mastication. Cela nécessite la coordination d’un grand
nombre d’activités motrices volontaires et involontaires. L’acte de déglutition, qui peut
être répété jusqu’à 2 000 fois par jour (d’après Brin, Courrier, Lederlé et Masy, 2004),
est fortement automatisé et habituellement non conscient. Il requiert cependant une
coordination extrêmement précise et rapide de l’ensemble des structures buccales et
pharyngo-laryngées.
La description classique de la déglutition en trois temps (oral, pharyngé et oesophagien),
repose sur des bases anatomiques. Si l’on tient compte des données de biomécanique et
de celles du contrôle neurologique de la déglutition, il faut alors séparer le temps de
préparation du bol alimentaire du temps de transport oropharyngé.
1.4.3 Le temps de préparation du bol alimentaire
Ce temps permet de donner aux aliments des propriétés physico-chimiques appropriées
à une bonne déglutition. Il est constitué d’une série d’actions volontaires : la préhension
des aliments et leur introduction dans la cavité buccale, la mastication, l’insalivation.
Durant ce temps de préparation du bol alimentaire, les aliments sont maintenus dans la
bouche.
Cette phase nécessite une bonne fermeture labiale, la tonicité de la musculature faciale
(notamment labiojuguale), les mouvements de la mandibule et de la langue et le
bombement antérieur du palais mou pour que le bol ne se dirige pas dans le
nasopharynx.
Ce temps est variable, il est surtout fonction de la consistance des aliments.
11
1.4.4 Le temps de transport oropharyngé
1.4.4.1 Le temps de transport oral
Il s’agit du transport du bol alimentaire formé dans la cavité buccale vers le pharynx.
Les lèvres sont hermétiquement fermées et la mandibule est fixée. La pointe de la
langue se relève et s’applique contre la crête alvéolaire des incisives supérieures. La
langue va se plaquer d’avant en arrière contre le palais, entraînant ainsi le bol
alimentaire. En arrière, le voile du palais est plaqué sur la base de la langue, empêchant
ainsi le bol alimentaire de se diriger vers le pharynx alors que le larynx est ouvert.
Le temps oral se termine au moment où le bol alimentaire franchit l’isthme du gosier.
La base de la langue s’écarte de la colonne vertébrale, formant un plan incliné en bas et
en arrière. Le bolus va ainsi passer de la cavité buccale à la cavité oropharyngée. Le
voile du palais se relève pour prévenir le reflux nasal des aliments.
Le temps pharyngé est déclenché par le contact du bol avec les récepteurs sensitifs de
l’isthme du gosier, de l’oropharynx et de la margelle laryngée (zone réflexe de
Wassilief).
Ce temps dure environ 1 seconde.
1.4.4.2 Le temps pharyngé
Le temps pharyngé est réflexe : une fois l’isthme du gosier franchi, le sujet n’a plus de
contrôle sur sa déglutition.
Ce temps est caractérisé par l’acheminement du bol alimentaire dans le pharynx jusqu’à
l’œsophage. Les aliments vont passer par le carrefour aéro-digestif, ce qui va provoquer
la mise en place de la protection des voies aériennes.
12
La fermeture vélo-pharyngée est complète au moment où débute le péristaltisme
pharyngé, qui est une succession de contractions involontaires de haut en bas des
muscles constricteurs du pharynx permettant au bol alimentaire de descendre jusqu’à
l’œsophage. Le plan glottique va se fermer : les cordes vocales et les bandes
ventriculaires se rapprochent, les aryténoïdes basculent en avant et l’épiglotte bascule en
arrière. Le larynx va venir se placer sous la base de langue, en se dirigeant vers le haut
et l’avant tandis que la base de langue recule. Le sphincter supérieur de l’œsophage
(SSO) s’ouvre. Le bol alimentaire va se déplacer sous l’effet du péristaltisme pharyngé.
La contraction propagée des muscles constricteurs du pharynx est de l’ordre de 10 à 15
cm/s. Cette vitesse varie peu, quels que soient le volume ou la viscosité du bolus.
Ce temps pharyngé dure entre 500 et 1000 millisecondes.
1.4.5 Le temps œsophagien
Cette dernière phase est également réflexe. Le passage du bol alimentaire de l’œsophage
à l’estomac s’effectue sous l’influence d’une succession de contractions propulsant le
contenu du pharynx vers l’estomac.
Le temps oesophagien dure entre 8 et 20 secondes, selon la consistance et l’importance
du bol alimentaire.
1.5 LES CANCERS DU LARYNX, A L’ETAGE GLOTTIQUE
1.5.1 Epidémiologie
Selon une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (2006), les
cancers du larynx sont fréquents en France : 4 226 cas en 2000. Cette même année, le
nombre de nouveaux cas de cancers a été estimé à 280 000, tous cancers confondus.
13
Ils sont principalement liés au tabagisme chronique, ou à une consommation excessive
d’alcool. Lorsque ces 2 facteurs sont combinés, le risque est plus élevé.
Le cancer du larynx s’observe surtout entre 45 et 70 ans. Il existe une nette
prédominance masculine (Ayache et Bonfils, 2006).
1.5.2 Les signes d’appel
L’enrouement constitue le symptôme révélateur primordial. La dyspnée laryngée
représente un symptôme beaucoup plus tardif, longtemps précédé par la dysphonie.
1.5.3 Classification TNM des cancers des voies aérodigestives supérieures
Le TNM est un système de classement reposant sur l’extension tumorale locale,
ganglionnaire et métastatique. Il a été établi pour permettre des comparaisons, en
particulier internationales.
La tumeur primitive : de T1 à T4 selon l’extension locale.
Les ganglions régionaux : de N0 à N3 selon la taille et le siège des adénopathies.
Les métastases à distance : absence (M0) ou présence (M1) de métastases.
1.5.4 Traitements
Le jugement porté sur un traitement carcinologique s’effectue sur son efficacité, mais
aussi en fonction des séquelles qu’il induit (Herlemont, 1996).
Les traitements contre le cancer visent à éliminer la tumeur sur l’organe atteint, mais
aussi à limiter son extension vers d’autres organes. Pour cela, les traitements prescrits
sont principalement : la chirurgie, qui permet l’ablation de la tumeur, partiellement ou
dans sa totalité si possible ; la chimiothérapie qui consiste en l’administration de
14
substances chimiques qui ont pour rôle d’éliminer les cellules malades ; et la
radiothérapie qui est le fait d’exposer la tumeur à des rayons de haute énergie de type X
ou gamma pour l’éradiquer.
Dans le cadre de notre mémoire, nous nous intéressons à un type précis de chirurgie :
les chirurgies reconstructives. Elles sont généralement utilisées dans le but d’éviter
l’exérèse de tout le larynx afin d’en conserver les fonctions, même imparfaitement. Par
ailleurs, cette chirurgie a l’avantage de ne pas engendrer un trachéostome définitif
contrairement à une laryngectomie totale. L’ablation entière du larynx conduit à
modifier le carrefour aéro-digestif : l’air qui sert à respirer entre et sort dans ce cas
directement par le trachéostome. Mais l’inconvénient majeur de ce type de chirurgie est
que l’on va souvent retrouver des troubles de déglutition postopératoires survenant lors
de la reprise de l’alimentation (Ayache & Bonfils, 2006). En effet, le larynx jouant un
rôle primordial dans la déglutition, des modifications sur sa structure vont interférer
avec le bon déroulement de celle-ci. Les troubles de la déglutition vont surtout
s’observer pendant le temps pharyngé, avec un défaut au niveau de la mise en place des
mécanismes de protection des voies aériennes.
1.5.5 Les CHEP
1.5.5.1 Historique
Les CHEP, aussi appelées intervention de Piquet, sont un type de laryngectomie
partielle relativement récent.
Les laryngectomies partielles reconstructives furent décrites pour la première fois en
1959 par les Docteurs autrichiens Majer et Rieder. En France, ces chirurgies attirent
l’attention et des chirurgiens y apportent d’importantes modifications : les Docteurs
Labayle, Laccourreye et Piquet. Le Professeur Laccourreye a décrit dans le début des
années 80 les CHP et les CHEP, toutes deux des laryngectomies partielles
reconstructives. La différence entre la CHP et la CHEP tient au « E », c’est-à-dire au
cartilage épiglottique qui est conservé uniquement dans la CHEP.
Figure 8 : Coupe schématique de profil des structures cartilagineuses avant et après
laryngectomie partielle supracricoïdienne avec reconstruction par CHEP
(Brihaye, Crevier-Buchman et Tessier, 2003).
15
Les laryngectomies partielles sont apparues après les laryngectomies totales. Elles ont
pour avantage par rapport aux laryngectomies totales de préserver une voix et de ne pas
engendrer de trachéostome définitif ; mais en revanche elles entraînent souvent des
troubles de la déglutition. En effet, comme le larynx n’est pas conservé dans sa totalité,
ses fonctions sont altérées.
C’est le chirurgien qui va décider du type d’opération à effectuer, en fonction de la
tumeur.
1.5.5.2 Définition
Dans le cadre des laryngectomies reconstructives de type CHEP, on enlève dans un
premier temps le plan glottique, c’est-à-dire la partie fonctionnelle du larynx : fermeture
laryngée, voix produite grâce aux cordes vocales. Il s’agit de relier le cartilage cricoïde,
l’os hyoïde et l’épiglotte. Le chirurgien va enlever le cartilage thyroïde dans sa totalité,
les cordes vocales, un des aryténoïdes (selon les cas), les bandes ventriculaires et le tiers
inférieur de la loge hyo-thyro-épiglottique. Le cartilage cricoïde doit être conservé afin
de conserver le diamètre du larynx et la filière respiratoire en ouverture.
Dans un deuxième temps, une pexie crico-hyoïdienne ascensionne le cartilage cricoïde
et étire la trachée. Cette traction permanente peut participer à l’hyporéactivité des
mécanorécepteurs et perturber le réflexe tussigène en cas de fausse route. On retrouve
cette modification dans le temps que met le bol alimentaire pour passer cette zone :
celui-ci arrive plus tôt que prévu, la bouche oesophagienne n’est pas encore ouverte, ce
qui favorise les fausses routes puisque le bol alimentaire peut déborder dans le larynx.
1.5.5.3 Conséquences d’une CHEP
Les zones tussigènes les plus importantes sont situées au niveau des fosses
aryténoïdiennes et de la bifurcation trachéale. Ainsi, dans le cadre d’une laryngectomie
reconstructive de type CHEP, l’ablation des structures laryngées supprime tout le
système sensitif de protection (les cordes vocales, un aryténoïde, le cartilage thyroïde et
16
leurs muqueuses). La reconstruction est réalisée avec de la muqueuse dépourvue de
récepteurs tussigènes.
Par ailleurs, le patient est trachéotomisé dans un premier temps par sécurité pour lui
permettre de respirer en cas d’œdème laryngé ou de sténose trachéale. La présence
d’une canule de trachéotomie épuise les zones réflexogènes mécaniques qui déclenchent
habituellement le réflexe de toux dans cette région. L’absence d’occlusion étanche de la
néoglotte par un aryténoïde qui bascule insuffisamment sur le bourrelet muqueux
empêche l’augmentation de la pression intrapulmonaire. Ce phénomène retentit sur la
toux qui devient plus ou moins efficace.
La perte du plan glottique et des bandes ventriculaires supprime les deux premiers
niveaux de la fermeture laryngée. Ce défaut de fermeture induit lors de la déglutition
une mauvaise protection des voies aériennes à l’origine de pénétrations laryngées des
aliments et de la salive avec risque majeur de fausses-routes trachéales, tant que les
mécanismes de compensation ne sont pas mis en place à partir des deux niveaux de
fermeture sus-glottiques restants : la bascule de l’aryténoïde et celle de l’épiglotte. La
compensation se caractérise par une fermeture du néolarynx grâce au recul de la base de
langue, à la contraction de la paroi pharyngée et à l’ascension et la bascule en avant du
néolarynx. Du fait de la désinsertion de certains muscles pharyngés, ce défaut de
fermeture est associé à une diminution de l’ascension laryngée et à des modifications du
péristaltisme pharyngé qui ont un retentissement sur l’ouverture du SSO.
Enfin, la voix du patient est modifiée : ses cordes vocales lui ont été enlevées, il parle
désormais grâce aux vibrations produites par les muqueuses de l’unité fonctionnelle
crico-aryténoïdienne.
1.5.5.4 Indications
Cette chirurgie est effectuée dans le cas des tumeurs des deux tiers antérieurs des cordes
vocales et des tumeurs du plan glottique développées sur une laryngite chronique et
diffusées aux cordes vocales et aux bandes ventriculaires.
17
1.5.5.5 Contre-indications
En cas d’immobilité de l’hémilarynx, d’une extension sous-glottique ou d’une
radiothérapie avant l’intervention, la CHEP n’est pas le traitement approprié. De plus,
les CHEP, comme toute autre laryngectomie reconstructive, du fait de la mauvaise
protection des voies respiratoires, seront évitées chez le sujet âgé et chez l’insuffisant
respiratoire.
1.5.5.6 Evolution
Selon une étude de L. Bron, E. Brossard, P. Monnier P. Pasche, après un an, plus de
90% des patients ayant subi une CHP ou une CHEP n’ont plus de troubles de
déglutition ni de respiration. Ces opérations peuvent donc être une alternative à la
radiothérapie et ce, notamment lorsqu’il y a un envahissement de la commissure
antérieure.
1.6 L’ENQUETE PAR ENTRETIENS (Leclerc, 2003)
Nous avons voulu clore cette partie théorique par une présentation de l’enquête par
entretiens, méthode que nous utilisons dans le cadre de ce mémoire.
Cette méthode consiste à recueillir des informations grâce à des interviews, ici auprès
d’orthophonistes. Ces interviews sont enregistrées afin d’être retranscrites en totalité, ce
qui permet leur analyse qualitative. L’objectif est de mettre en évidence les logiques
transversales des personnes interviewées. La démarche de l’enquêteur est dite
« participative » : en effet, il oscille entre la rigidité de questions pré-établies et les
réponses de la personne interviewée auxquelles il doit s’adapter avant de poursuivre. Il
doit le plus possible faire parler son interlocuteur sur un thème donné, ses interventions
ne doivent pas influencer le discours de la personne interviewée. Une grille d’entretien
est réalisée préalablement à l’entrevue : elle définit les thèmes à aborder.
18
L’analyse du contenu des entretiens s’effectue à partir des corpus obtenus. Elle consiste
à sélectionner les informations recueillies, ce qui permet de confronter les hypothèses de
la recherche aux faits connus à travers l’expérience des orthophonistes contactés.
19
1.7 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
1.7.1 Problématique
Très peu d’orthophonistes en libéral prennent en charge des rééducations de la
dysphagie dans le cadre des CHEP. Il existe donc un paradoxe entre une culture
professionnelle commune à toutes les orthophonistes, transmise par la formation initiale
et une difficulté d’exercice dans la pratique spécialisée des CHEP.
1.7.2 Hypothèses
- Hypothèse 1 :
Les centres offrent un contexte facilitant la prise en charge par les orthophonistes
salariés. - Hypothèse 2 :
Le peu d'exercice spécialisé en libéral est en lien avec le contexte difficile de cette prise
en charge.
- Hypothèse 3 :
Les orthophonistes exerçant en milieu rural, de par leur faible densité, sont davantage
amenés à prendre en charge ce type de rééducation que les orthophonistes lyonnais car
ils ne peuvent adresser leurs patients vers un autre professionnel.
20
2.1. METHODE EXPERIMENTALE
Nous avons procédé à une étude de la prise en charge de la dysphagie dans le cadre de
CHEP et du vécu du patient face à sa chirurgie.
2.2. CHOIX DE LA POPULATION
2.2.1. Les orthophonistes participant à notre étude
2.2.1.1. Les entretiens
Nous recherchions des orthophonistes qui exercent au centre de Morancé et en libéral
ayant déjà mené des rééducations de troubles dysphagiques engendrés par une CHEP.
A la résidence Beaulieu, 4 orthophonistes exercent à mi-temps. Leur expérience et leur
caractère personnel retentissent sur la manière dont elles mènent leur prise en charge
mais cependant, elles ont la même trame rééducative : exercices identiques, dossier
orthophonique commun pour chaque patient ; et les mêmes moyens à disposition :
matériel partagé, travail d’équipe avec les professionnels du centre. Nous avons donc
fait le choix de ne faire passer l’entretien qu’à l’une d’entre elles, de manière arbitraire,
selon les disponibilités de chacun. C’est donc Madame L. qui a participé à notre étude
dans ce centre.
Trouver un orthophoniste prenant en charge des rééducations de la dysphagie suite à
une CHEP dans le cadre d’un exercice libéral fut une tâche difficile. Nous avons appelé
de nombreux centres et hôpitaux afin de nous constituer une liste d’orthophonistes en
libéral susceptibles de pouvoir nous aider. Nombre de ces orthophonistes nous ont
répondu qu’ils rééduquaient effectivement la dysphagie, mais pas dans le cadre de
CHEP ; ou encore qu’ils rééduquaient des CHEP, mais uniquement sur le versant vocal.
Enfin, certains ont aussi évoqué un manque de temps à nous consacrer pour notre étude.
Nous avons pu trouver cinq orthophonistes :
21
Madame B., orthophoniste parisienne ayant un exercice mixte : à l’hôpital et en
libéral.
Madame C., orthophoniste à Villeurbanne ayant déjà travaillé au centre de
Morancé.
Madame E., orthophoniste à Villefranche ayant déjà travaillé au centre de
Morancé.
Madame A., orthophoniste à Lyon ayant effectué un stage à St Hilaire du
Touvet. Elle a suivi un des patients de notre étude : Monsieur M.
Madame G., orthophoniste à Villeurbanne ayant effectué un stage à Morancé.
Elle suit un des patients de notre étude : Monsieur S.
2.2.1.2. Les sondages téléphoniques
Nous avons ensuite effectué un sondage téléphonique visant à estimer le nombre
d’orthophonistes prenant en charge des CHEP en région Rhone-Alpes. L’objectif de ce
sondage est double : la population contactée se compose de 15 orthophonistes exerçant
dans des communes de moins de 10 000 habitants et éloignées des grandes
agglomérations et de 15 orthophonistes lyonnais. Au total, nous avons donc 30
sondages d’orthophonistes libéraux. Nous cherchons à mettre en évidence d’éventuelles
disparités entre ces deux milieux quant à la prise en charge de ces patients.
2.2.2. Les patients
2.2.2.1. Critères de sélection
Nous recherchions des patients ayant subi une CHEP pour suivre leur rééducation de la
déglutition afin de comparer les prises en charge menées au centre de Morancé ou en
cabinet libéral.
22
Cependant, aucune CHEP ne fut pratiquée au moment de la recherche de ces patients.
Nous avons finalement cherché des dossiers de patients pour lesquels la rééducation de
la déglutition était terminée. Cela permettait d’avoir un point de vue global sur les
rééducations menées.
2.2.2.2. Les dossiers de notre étude
Une recherche dans les archives du centre de soins de suite et de réadaptation Beaulieu
à Morancé nous a permis de trouver des dossiers de patients ayant subi cette chirurgie et
ayant séjourné dans ce centre. Nous voulions retenir les dossiers les plus récents, mais
les archives ne sont pas informatisées : nous avons trouvé dix dossiers de patients
opérés entre 1999 et 2006. Il y a eu d’autres CHEP durant cette période mais nous
n’avons pas pu savoir combien.
En ce qui concerne les dossiers de patients en libéral, la recherche fut plus limitée. Sur
les trois orthophonistes contactées : Mesdames B., C. et E., seule Madame B. a pu
retrouver un dossier de patient qu’elle avait rééduqué pour une dysphagie suite à une
CHEP. Les autres dossiers proposés par les orthophonistes ne rentraient pas dans le
cadre de notre étude : la chirurgie était autre qu’une CHEP, le patient était venu pour
une rééducation vocale suite à une rééducation de la dysphagie satisfaisante dans le
milieu hospitalier, etc.
Pour Mesdames A. et G., la démarche était un peu différente puisque ce sont les patients
eux-mêmes qui nous ont permis de remonter jusqu’à leur orthophoniste. Mais ni l’une ni
l’autre n’ont pu nous fournir leur dossier.
Nous avons donc un déséquilibre assez important entre le nombre de dossiers
disponibles en centre et ceux en libéral. Cet élément sera à prendre en compte dans les
comparaisons des dossiers.
23
2.2.2.3. Les patients de notre étude
Nous souhaitions ensuite rencontrer les patients : la consultation de leur dossier nous a
fourni leurs coordonnées à la date de leur opération. Certains patients sont décédés,
d’autres habitent trop loin pour qu’il nous soit possible de les rencontrer.
Pour un des patients, nous nous sommes heurtée à la barrière de la langue : le français
n’était pas la langue maternelle de cet homme. Des difficultés de phonation dues à la
CHEP associées à ses imprécisions linguistiques le rendaient difficilement
compréhensible. Nous n’avons de toute façon pas pu le contacter autrement que par
téléphone ; il n’était pas intéressé par notre étude.
Nous avons donc pu rencontrer quatre patients : Messieurs S., Cha., U. et M.
2.2.3. Champ d’expérimentation
Nos recherches se sont d’abord portées sur Lyon et sa périphérie, puis sur la région
parisienne afin d’augmenter nos chances de trouver des orthophonistes entrant dans
notre étude.
2.3. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
Notre procédure expérimentale se divise en quatre parties :
2.3.1. Les entretiens
Nous avons fait passer un entretien à chaque orthophoniste, durant approximativement
45 minutes et enregistré sur dictaphone. Les orthophonistes nous ont toutes directement
accueillies dans leur cabinet. Nous avons transcrit l’échange recueilli sous la forme d’un
corpus (cf. annexes).
24
L’entretien a pour avantage de garantir un contexte de communication spontanée, avec
une participation mutuelle des interlocuteurs qui influent tous deux sur la poursuite de
l’échange. De plus, il est aisé de faire préciser les points qui ne correspondraient pas à
notre attente initiale et de provoquer des réponses plus complètes. Les corpus ainsi
obtenus ont permis d’extraire les renseignements dont nous avions besoin pour remplir
notre grille d’analyse, divisée en 7 grands thèmes :
Les formations et l’expérience de l’orthophoniste,
Les aspects pratiques de la rééducation,
La méthode de rééducation,
Les relations avec les patients,
Les relations avec le chirurgien,
Les habitudes nocives,
Le suivi.
Le nombre d’entretiens que nous avons pu faire passer ne nous permet pas de faire une
analyse quantitative, mais plutôt une analyse qualitative. Nous ne tirerons aucune
conclusion générale, nous nous limiterons à des observations concernant notre
échantillon restreint.
2.3.1.1. Les formations et l’expérience de l’orthophoniste
Il nous a paru important de commencer par une prise de contact concrète avec
l’orthophoniste afin de faire connaissance. Cela permet de mieux cerner ses
formations (initiale et complémentaires) et l’orientation de son parcours professionnel,
notamment pour ce qui a trait au domaine ORL.
2.3.1.2. Les aspects pratiques de le rééducation
Dans cette seconde partie, nous cherchions à savoir où les rééducations se déroulent, à
quelle fréquence, combien de temps durent les séances. Nous avons également demandé
aux orthophonistes leur point de vue sur les points forts et faibles qu’une rééducation en
centre ou en libéral engendrait.
25
2.3.1.3. La méthode de rééducation
Nous nous sommes ensuite intéressée au déroulement d’une séance de rééducation : une
trame identique se retrouve-t-elle dans toutes les rééducations ? Nous avons également
recherché ce qui personnalise les séances : l’éventuelle utilisation de techniques
manuelles, la pratique de kinésithérapie respiratoire.
Nous nous sommes renseignée sur la posture que l’orthophoniste faisait généralement
prendre à ce type de patient, ainsi que la progression alimentaire suivie afin de voir si
cela variait suivant les orthophonistes ou s’il y avait des constantes.
La dernière question de cette partie portait sur les fausses routes : quels sont les moyens
de savoir que le patient fait une fausse route et comment réagir alors ?
2.3.1.4. Les relations avec le patient
Dans cette partie, nous voulions savoir d’où venaient les patients adressés aux
orthophonistes : avaient-ils déjà eu une rééducation de la déglutition auparavant ?
L’orthophoniste accepte-il ces patients sous certaines conditions ? Lors de la première
séance, va-t-il expliquer la chirurgie et les conséquences que cela entraîne sur le
patient ? Quelle place joue la rééducation dans la réintégration socio-professionnelle du
patient ?
2.3.1.5. L’accès au dossier médical du patient et les relations avec le chirurgien
Les orthophonistes ont-ils accès aux renseignements chirurgicaux dont ils ont besoin ?
Peuvent-ils facilement joindre le chirurgien pour leur demander des informations
complémentaires ?
26
2.3.1.6. Les habitudes nocives du patient
Comment se place l’orthophoniste par rapport aux habitudes nocives du patient :
principalement l’alcool et le tabac ? A-t-il un rôle à jouer au niveau du sevrage, de
l’accompagnement, etc. ?
2.3.1.7. Le suivi
Quand juger que la rééducation orthophonique est terminée ? Le patient peut-il
néanmoins être amené à revenir consulter après ?
2.3.2. Les sondages téléphoniques
Nous souhaitions nous faire une idée du nombre d’orthophonistes de la région Rhône-
Alpes qui connaissent ce type précis de prise en charge que sont les CHEP ainsi que le
pourcentage d’entre eux qui en rééduquent. Nous voulions comparer le secteur
d’exercice : à savoir un milieu urbain et un milieu rural dans l’hypothèse ou il y a moins
d’orthophonistes dans ce second lieu. Nous partions de l’idée qu’ils ont ainsi moins le
choix de leurs prises en charge dans la mesure où ils ne peuvent adresser les patients
ailleurs.
Nous nous sommes également renseignée sur la formation des orthophonistes contactés.
2.3.3. L’étude des dossiers
Nous avons ensuite recueilli dans les dossiers orthophoniques des patients les
informations dont nous avions besoin, pour les classer dans une grille d’analyse
organisée en six grands thèmes :
Des renseignements personnels,
Les conduites nocives,
La chirurgie,
La rééducation,
27
La progression alimentaire,
Le bilan de sortie.
Ces six thèmes résultent de notre choix initial, confronté aux possibilités offertes par les
dossiers orthophoniques recueillis. Nous n’avons cependant pas pu remplir toutes les
cases de notre grille d’analyse. En effet, en raison du secret médical, certaines
informations ne nous ont pas été communiquées. De plus, tous les orthophonistes ne
constituant pas leurs dossiers de la même façon, des renseignements n’ont pas pu être
retrouvés.
Pour cette partie encore, nos résultats nous permettrons de faire une analyse qualitative
uniquement et de dégager des grands axes.
2.3.3.1. Les renseignements personnels
Cette première partie nous permet de nous faire une idée globale du patient : son âge
lors de l’opération, sa catégorie socio-professionnelle, son statut familial. En effet, sa
réhabilitation sera différente suivant son mode de vie : le patient est-il retraité ? Est-il
très entouré ou va-t-il devoir affronter dans la solitude sa rééducation ?
2.3.3.2. Les conduites nocives
Nous recherchons la cause probable du cancer : alcool, tabac. Le patient fumait/buvait ?
Quelle était sa consommation ? Depuis longtemps ? A-t-il arrêté ?
2.3.3.3. La chirurgie
Nous recherchions des patients opérés d’une CHEP. Nous voulions des renseignements
sur l’histologie de la tumeur, les spécificités de l’opération : toutes les CHEP peuvent
avoir leurs particularités avec un geste chirurgical qui diffère légèrement. Nous
recherchions également la date d’ablation de la canule de trachéotomie, posée lors de la
chirurgie pour permettre au patient de respirer sans risque malgré un œdème plus ou
28
moins important du larynx ; et la date d’ablation de la sonde naso-gastrique qui permet
l’introduction des aliments directement dans l’estomac quand l’alimentation per os n’est
pas possible. Enfin nous nous sommes intéressée aux éventuels traitements
complémentaires à la chirurgie : une chimiothérapie et/ou une radiothérapie.
2.3.3.4. La rééducation
Nous cherchions à comparer les temps de séjours hospitaliers, les durées des
rééducations.
2.3.3.5. La progression alimentaire
Nous recherchions l’ordre dans lequel les différentes textures alimentaires sont
proposées aux patients et à quel rythme s’effectue cette progression : y a-t-il de grandes
différences interindividuelles ?
2.3.3.6. Le bilan de sortie
Nous voulions connaître l’état du patient lors de sa dernière séance de rééducation
orthophonique : à quel niveau d’alimentation per os est-il parvenu ? Peut-il boire ? Doit-
il garder une position particulière lorsqu’il déglutit ? Quel est l’état de sa voix ? Est-il
orienté ensuite vers un autre professionnel ?
2.3.4. Les rencontres avec les patients
Nous avons préparé un questionnaire pour les patients dont la passation durait
approximativement 1 heure. Nous leur posions nous-mêmes les questions et notions
leurs réponses en leur demandant parfois des précisions au fur et à mesure. Nous avons
rencontrés ces patients à différents endroits : pour Monsieur S., l’entrevue a eu lieu à la
faculté ; Messieurs Cha. et M. nous ont gentiment accueillis directement chez eux.
Enfin, nous avons vu Monsieur U. à Morancé juste avant sa sortie. Les échanges ont été
analysés sous forme de tableaux.
29
Les thèmes abordés sont :
L’alimentation,
La rééducation orthophonique,
Les habitudes nocives,
Les relations sociales,
La voix.
Ces informations sont en complémentarité avec l’étude du dossier à Morancé de ces
patients,. Elles nous permettent d’appréhender à travers le vécu du patient ses ressentis
depuis sa chirurgie et ce que celle-ci à modifié ou non dans sa vie.
29
FORMATIONS ET EXPERIENCE DE L’ORTHOPHONISTE Formation initiale
Orthos
Année du diplôme Stages (domaine de la dysphagie) Ecole
Formations complémentaires
Parcours professionnel
Mme L. 2005 Stage d'équivalence à Morancé Bruxelles Thérapie manuelle
Morancé Libéral
Mme B. 1970 Ø Paris
Durant les 5 dernières années: Amy de la Bretèque DIU Voix Parole et Déglutition Thérapie manuelle (en cours) Feldenkrais (depuis 89)
Hôpital Libéral
Mme E. 1992 Morancé Lyon Catherine Senez
7 ans à Morancé Libéral (dont polyclinique)
Mme C. 1987 Ø Lyon Thérapie manuelle
3 ans à Morancé IMP Libéral
Mme G. 1977 Morancé Lyon Ø
Libéral Bilans orthophoniques dans un institut
Mme A. 1991 St Hilaire du Touvet Lyon
Thérapie manuelle Diplôme de thérapie cognitive et comportementale Libéral
Tableau 1 : Formations et expérience de l’orthophoniste (1/2)
30
3.1. ENTRETIENS AVEC LES ORTHOPHONISTES
Notre population se compose de six orthophonistes : une exerçant au centre de Morancé
et cinq en libéral. Trouver des orthophonistes en libéral rééduquant des patients
dysphagiques suite à une CHEP ne fut pas facile, c’est pourquoi notre population est
restreinte.
3.1.1. Formations et expérience
3.1.1.1. Les formations
Les CHEP sont apparues dans les années 80. Selon l’année où les orthophonistes ont été
diplômées, elles n’ont pas toutes eu une formation initiale sur ce type de prise en
charge. Nous notons que 4 des 6 orthophonistes de notre population ont fait un stage en
laryngectomie durant leurs études : l’expérience des étudiants en orthophonie a une
incidence directe sur leur orientation professionnelle.
En ce qui concerne les formations complémentaires, on retrouve principalement :
• Les techniques manuelles
Appliquées à l’orthophonie, elles aident le praticien à rééduquer les troubles de la
déglutition. Elles consistent à mobiliser les structures du larynx de façon optimale.
Puis nous trouvons d’autres formations, spécifiques à une orthophoniste :
• La méthode Feldenkrais (Madame B.)
Cette méthode apprend à développer une meilleure conscience des mouvements,
afin de réduire les douleurs et l’inconfort causés par des problèmes
neuromusculaires et d’accroître la mobilité entre les différents segments articulaires
pour une meilleure qualité de vie.
• Le DIU voix, parole et déglutition (Madame B.)
FORMATIONS ET EXPERIENCE DE L’ORTHOPHONISTE Expérience
Orthos
Mode d'exercice
Naissance de la vocation pour la dysphagie
Fréquence de cette prise en charge Depuis quand?
Rééducation: déglutition et/ou voix ?
Mme L.
Mixte: Morancé et libéral (pas de dysphagie en libéral)
Intérêt pour le domaine ORL, d'abord en surdité, puis en voix Rare Depuis son diplôme
Objectif à Morancé: la déglutition, avec des retentissements sur la voix
Mme B. Mixte: hôpital et libéral Intérêt pour le domaine ORL Rare
Depuis que cette chirurgie existe Déglutition et voix
Mme E. Libéral (dont la polyclinique)
Attrait pour la technique et la chirurgie Rare Depuis son diplôme Déglutition et voix
Mme C. Libéral Opportunité pour travailler à Morancé Rare Depuis Morancé Déglutition et voix
Mme G. Mixte : institut (pas ORL) et libéral Hasard
Rare (1 à 2 dans son exercice) Depuis son diplôme Plutôt voix
Mme A. Libéral Imposée (stage St Hilaire du Touvet)
Rare actuellement (15 environ en 15 ans) Depuis son diplôme Plutôt voix actuellement
Tableau 2 : Formations et expérience de l’orthophoniste (2/2)
31
Ce diplôme a pour visée l’acquisition des fondements scientifiques et médicaux de
la phonologie, des connaissances des pathologies de la voix, de la parole et de la
déglutition, leur prise en charge diagnostique et thérapeutique.
• La formation d’Amy de la Bretèque (Madame B.)
Cette formation consiste en l’apprentissage d’une technique de travail vocal et de
maîtrise du souffle.
• La formation de Catherine Senez (Madame E.)
Cette formation consiste en la prise en charge de la déglutition chez des enfants IMC
ou atteints de polyhandicap.
• Le diplôme de thérapie cognitive et comportementale
Ce diplôme permet d’approcher les patients sous un angle psychologique, en
complémentarité ou non avec la prise en charge orthophonique.
La rééducation de la dysphagie étant très technique et spécifique, il n’est pas étonnant
de constater que les orthophonistes intéressés par cette pathologie suivent des
formations complémentaires à l’enseignement initial. En plus de la formation continue,
ces formations permettent des approches différentes de la rééducation, qui vont
contribuer à une prise en charge plus adaptée du patient.
Seule Madame G. n’a suivi aucune formation spécifique au domaine de la dysphagie en
complément de son stage à Morancé. Mais parallèlement, elle ne s’intéresse pas
spécifiquement à ce type de pathologie. En effet, lors de l’entretien lorsque le sujet de la
naissance de sa vocation pour les CHEP est abordé, elle répond : « C’est pas une
vocation. C’est le hasard si vous voulez ». Sa pratique professionnelle s’est donc
tournée vers d’autres types de prises en charge, ce qui explique qu’elle n’a pas poursuivi
sa formation sur la dysphagie.
ASPECTS PRATIQUES DE LA REEDUCATION D’UNE DYSPHAGIE Orthos
Lieu(x) Commodités Fréquence Durée d'une séance
Durée de la rééducation
Mme L. Morancé 5 orthophonistes dont 2 par patients 1 à 2 fois par jour 20 minutes
Environ 6 semaines, qui peuvent être prolongées Un peu moins s'il n'y a pas de radiothérapie
Mme B. Cabinet
Généralement le patient apporte de quoi faire les essais
2 fois par semaine s'il y a des problèmes de déglutition Sans problème de déglutition, très vite passage à 1 fois par semaine 45 minutes
1 à 2 mois en comptant la période d'hospitalisation pour la dysphagie (puis rééducation vocale ensuite)
Mme E. Cabinet
Le patient apporte de quoi faire les essais (pas de frigo)
2 à 4 fois par semaine selon le patient 1 fois par semaine en fin de rééducation 30 minutes
15 jours à la polyclinique pour que le patient remange normalement 1 à 2 mois pour les liquides
Mme C. Cabinet
1 fois 2 fois si l’emploi du temps le permet 30 à 40 minutes 2 ans
Mme G. Cabinet
2 à 3 fois par semaine en fonction des disponibilités 30 minutes Variable
Mme A. Cabinet
Frigo sur place Généralement l’orthophoniste fournit les essais
4 à 1 fois par semaine suivant l’avancée de la rééducation 30 minutes
Variable Quelques mois
Tableau 3 : Aspects pratiques de la rééducation d’une dysphagie (1/2)
32
3.1.1.2. L’expérience
Les orthophonistes participant à cette étude ont presque toutes l’expérience du libéral,
associée à celle d’un centre ou d’un hôpital. Nous ne pouvons évidemment pas
généraliser cette donnée à tous les orthophonistes français, cependant il ressort ici que la
maîtrise de la technique nécessaire à ce type de rééducation s’acquiert au milieu d’un
riche réseau de professionnels : médecin ORL, kinésithérapeute, infirmiers, etc. Seules
Mesdames A. et G. n’ont jamais travaillé dans un centre ou un hôpital, mais elles ont
effectué un stage en laryngectomie pendant leurs études. Pour Madame G., ce stage n’a
pas déclenché d’intérêt particulier : elle s’est tournée vers d’autres rééducations.
Madame A., quant à elle, a pratiqué des rééducations de dysphagie, mais avec le temps,
sa pratique professionnelle s’est également tournée vers d’autres domaines.
Mesdames G. et A. ne rééduquent actuellement que la voix ; les autres orthophonistes
de l’étude rééduquent la voix et la déglutition. Au centre de Morancé, le travail sur le
geste de déglutition est l’objectif premier des orthophonistes. Pour les orthophonistes en
libéral en revanche, la rééducation de la dysphagie doit avoir bien démarré à l’hôpital et
avoir donné des résultats satisfaisants. Il s’agit principalement de faire des essais aux
liquides pour la rééducation de la déglutition. Quant à la rééducation vocale dont le
bénéfice n’est pas vital, elle est effectuée plus tard. Elle prend une place de plus en plus
importante au fur et à mesure que le geste de déglutition devient sûr et efficace.
3.1.2. La rééducation
3.1.2.1. Fréquence
Au centre de Morancé, les séances ont lieu dans des pièces conçues exclusivement pour
les rééducations orthophoniques. Les patients ne sortent pas du centre pour se rendre à
leurs rendez-vous. Ils sont vus 1 à 2 fois par jour et sont suivis par 2 orthophonistes. Les
séances durent approximativement 20 minutes. Les patients séjournent en moyenne 6
semaines à Morancé et sont ensuite orientés vers un cabinet libéral.
ASPECTS PRATIQUES DE LA REEDUCATION D’UNE DYSPHAGIE Libéral Centre
Orthos
Obstacles Points forts Obstacles Points forts
Mme L.
Consultation ORL plus lente (courriers), à laquelle on n'assiste pas, à moindre fréquence Système non sécurisant pour que le patient se désencombre Pas de contacts directs avec les autres soignants Pas de matériel ou de personnel spécialisé à proximité en cas de gros problème Ø Ø
Avis du médecin à qui on peut demander des contrôles: vidéo-radioscopie, fibroscope, l’ortho-phoniste peut être présent à ces contrôles, avoir un retour en direct Contrôles faits rapidement sur demande Contrôle kiné après les essais Synthèse avec l'équipe médicale : l'orthophoniste donne son avis Personnel spécialisé à proximité en cas de problème pendant une séance
Mme B.
En cas de grosses difficultés de déglutition, ne pas avoir de contrôle visuel
Le patient est dans son propre rythme: professionnel, familial: la situation est moins liée à la maladie Ø
Rééducation quotidienne ou bi-quotidienne Patient très encadré
Mme E. Orthophoniste seule avec le patient: pas sécurisant Ø Ø
Equipe médicale sur place: sécurité en cas de fausse route (aspirations) Kiné respiratoire
Mme C. Ne pas pouvoir passer pendant les repas
Suivi ponctuel sur une durée plus longue Liberté de rapprocher ou d’espacer les séances suivant les besoins du patient : meilleure écoute du patient et de ses désirs Investissement du patient dans sa rééducation et dans son autonomie sociale Ø
Suivre le patient dans son quotidien Pouvoir passer au moment du repas
Mme G. Ø Ø Ø Contexte plus sécurisant en cas de fausse route importante
Mme A.
Moins de cas rencontrés donc spécialisation moins importante Légalité : pas de possibilité de faire 2 séances le même jour
Suivi privilégié par rapport à la rééducation Patient inclus dans un contexte de normalité
Croiser d’autres gens « comme eux » relevant leur différence
Travail en équipe Spécialisation des professionnels Facultés d’adaptation due aux nombreux cas rencontrés Rééducation intensive La présence d’autres gens « comme eux » peut être un avantage suivant le caractère du patient
Tableau 4 : Aspects pratiques de la rééducation d’une dysphagie (2/2)
33
Dans les cabinets libéraux, les patients sont vus entre 1 et 4 fois par semaine, selon la
disponibilité de l’orthophoniste et la progression de la rééducation. Chaque séance dure
entre 30 et 45 minutes. Les réponses obtenues à la question de la durée de la rééducation
ne sont pas très pertinentes en raison de la fréquence hebdomadaire variable des
rééducations. Il ne nous a pas été possible de connaître le nombre total de séances
effectuées. Nous pouvons néanmoins conclure que la durée de la rééducation est très
variable : elle dépend de la disponibilité du patient et de son orthophoniste, de la
motivation du patient, de la nécessité de refaire en cabinet des essais alimentaires.
Les patients sont donc vus plus souvent en centre, mais les séances sont 2 fois moins
longues.
3.1.2.2. Obstacles en libéral
L’impossibilité d’avoir un contrôle visuel pour observer la déglutition laisse place au
doute face à une fausse route éventuelle. Les contrôles disponibles actuellement sont
divers. Il existe l’examen vidéoradioscopique de la déglutition : cet examen dynamique
permet de visualiser en temps réel la déglutition pour constater ou non une fausse route,
observer le geste de déglutition et donner ainsi des conseils adaptés. La kinésithérapie
respiratoire permet une expectoration active du patient et le thérapeute peut qualifier et
quantifier ces expectorations. La fibroscopie de déglutition permet quant à elle une
exploration visuelle du larynx grâce à un tube métallique souple, ce qui permet au
médecin ORL de visualiser, là encore, la déglutition. Le délai pour avoir une
consultation ORL est le second obstacle cité : il faut prendre un rendez-vous fixé à plus
ou moins grande échéance , l’orthophoniste n’assiste pas à la consultation et n’a donc
pas de retour rapide. En libéral, aucun système sécurisant n’est prévu pour que le patient
se désencombre : pas de possibilité de faire une aspiration trachéale ou de la
kinésithérapie respiratoire après chaque séance. L’orthophoniste en libéral ne bénéficie
pas de la présence d’autres professionnels, ce qui n’est pas sécurisant et la crainte d’une
fausse route peut se faire ressentir tant par le thérapeute que par le patient. Par ailleurs,
l’activité libérale stricte suppose des rééducations de la dysphagie plus rares, alors qu’au
centre de Morancé, de par leurs rééducations quotidiennes de patients laryngectomisés
34
et les spécialistes côtoyés dans ce centre, les orthophonistes se « spécialisent » dans ce
type de pathologies. Enfin, en libéral les patients ne peuvent être reçus en rééducation,
légalement, qu’une fois par jour , ce qui confirme l’importance d’un séjour en centre
lorsque la prise en charge est très lourde.
3.1.2.3. Points forts du libéral
Tout d’abord, le fait que le patient reste dans son propre rythme familial et
professionnel permet une mise à distance de la maladie : le patient reste autonome. De
plus, le suivi est ponctuel et sur une durée plus longue qu’en centre, avec une liberté de
rapprocher ou d’espacer les séances : cela contribue à une meilleure écoute du patient et
de ses désirs. Enfin, il y a un réel investissement du patient dans sa rééducation et dans
son autonomie sociale : il doit être motivé pour prendre rendez-vous et se rendre de lui-
même à ses séances. Au centre de Morancé, le patient a évidemment le choix de suivre
sa rééducation, mais les orthophonistes viennent le chercher dans sa chambre s’il ne se
présente pas de lui-même : il est davantage sollicité.
3.1.2.4. Obstacles en centre
Les rééducations en centre paraissent idéales : seule Madame A. évoque un aspect
négatif. En effet, en centre, le patient est souvent amené à rencontrer d’autres gens ayant
subit la même opération que lui, ce qui peut, selon le caractère du patient et la
récupération de la personne rencontrée ne pas lui être agréable. En effet, si le patient
s’attend à remanger rapidement et rencontre une personne qui ne peut manger
normalement au bout de plusieurs mois de rééducation, cela peut lui renvoyer une
projection difficile à admettre. Mais en même temps, cela le confronte à la réalité et il
peut ainsi réadapter son jugement. Ce lieu est très sécurisant pour l’orthophoniste de par
la présence des autres professionnels. Néanmoins, on pourrait reprendre les avantages
du libéral dans cette catégorie : le patient est coupé de son milieu familier, ce qui peut
poser problème pour les visites familiales et amicales si le centre de rééducation est loin
du domicile, De plus, l’orthophoniste vient solliciter le patient dans sa chambre s’il ne
35
se rend pas de lui-même à son rendez-vous, ce qui diminue l’implication de ce dernier
dans sa rééducation.
3.1.2.5. Points forts du centre
Tout d’abord, les rééducation y sont plus intensives : quotidiennes ou bi-quotidiennes
selon la disponibilité du patient. L’orthophoniste peut suivre le patient dans son
quotidien, assister à ses repas, ce qui permet d’observer en spontané ce qui a été
travaillé en séance et d’adapter la rééducation. L’orthophoniste se spécialise de par des
rééducations nombreuses du même type, développant ainsi des facultés d’adaptation.
Les patients sont très encadrés : une équipe pluri-disciplinaire est disponible à tout
moment. De plus, ce qui est difficile pour certains patients est bénéfique pour d’autres :
le fait de pouvoir rencontrer des gens ayant subit la même opération, de pouvoir
constater les progrès des autres peut être motivant. Le médecin ORL est lui aussi
présent : l’orthophoniste peut lui demander un examen vidéoradioscopique de la
déglutition ou une fibroscopie qui seront effectués rapidement et assister à ses
consultations. Le contrôle en kinésithérapie respiratoire après les essais est sécurisant et
permet au patient d’expectorer. Les synthèses avec l’équipe médicale sont un autre
point important en centre : l’orthophoniste peut ainsi connaître l’avis des autres
professionnels et donner le sien. Enfin, la présence de personnels spécialisés à proximité
en cas de fausse route importante est un confort non négligeable pour les
orthophonistes.
3.1.3. La méthode
3.1.3.1. Description d’une séance
La trame générale d’une rééducation de la dysphagie est identique au centre de Morancé
et dans les différents cabinets qui participent à notre étude.
METHODE DE REEDUCATION Orthos Description d'une séance type
Techniques manuelles
Kiné respiratoire Posture
Progression alimentaire
Fausse route: comment savoir?
Fausse route: que faire?
Mme L.
Travail praxique, ascension laryngée, recul de langue, glottages Conditionnement à vide, essais
Techniques manuelles suivant les patients
Après chaque séance
Tête fléchie en avant
Pâteux froids Pâteux chauds Mixé Mouliné Normal Liquides en parallèle
Vidéoradioscopie quand le patient est déjà conditionné Kiné respiratoire
Le laisser tousser Souffler Kiné respiratoire
Mme B.
Entretien Praxies, ascension laryngées, recul de langue, articulation Essais Gestion de la respiration
Techniques manuelles Manœuvre de Heimlich Mendelsohn
Oui, mais pas après chaque séance
Flexion antérieure de la tête Eventuellement rotation de la tête
Eau gélifiée Lisse Mouliné Liquides
Toux Fièvre Clairance de la voix
Tousser Manœuvre de Heimlich
Mme E.
Praxies, recul de langue, fermeture glottique, respira-tion, ascension laryngée Conditionnement, toux, essais Travail respiratoire
Contre-résistance Enveloppement corporel Massage buccal Rarement
Tête tournée du côté de la lésion et penchée de l'autre côté Ou menton rengorgé
Mixé Mouliné Liquides en parallèle
Visite chez le généraliste 1 fois par semaine Radio pulmonaire au bout de 3 mois
Travail respiratoire Manœuvre de Heimlich
Mme C.
Respiration Position Thérapies manuelles (détente) Travail vocal Essais
Techniques manuelles
Rarement, choix du patient
Tête penchée sur le côté
Liquides uniquement Toux
Travailler les points faibles ORL, radio Manœuvre de Heimlich SAMU
Mme G. Essai Pas de séance type
Manipulations laryngées
Possibilité d’envoyer le patient chez le kiné du cabinet Menton rengorgé
Liquides Semi-liquides Normal Toux
Mme A.
Parle beaucoup avec ses patients Pas de séance type
Techniques manuelles
Possibilité d’envoyer le patient chez un kiné libéral (réseau de professionnels)
Position adaptée de la tête et des épaules
Semi-liquides Liquides Normal
Gêne visible du patient Bruits à la respiration Toux
Le faire tousser SAMU
Tableau 5 : Méthode de rééducation
36
Tout d’abord un travail praxique est réalisé. Il s’agit de la mobilisation des lèvres, des
joues, de la mâchoire et de la langue qui participent à la déglutition. Plus elles seront
mobiles, mieux la déglutition sera assurée.
Puis, l’orthophoniste propose un travail d’articulation qui permet l’ascension laryngée et
le recul de la langue. Il s’agit de répéter des syllabes contenant des consonnes
postérieures : ka, kra, ga, gra, aka, akra, aga, agra. On peut varier les voyelles pour
prolonger l’exercice. La CHEP aura surtout eu des effets négatifs sur l’ascension
laryngée, or celle-ci est présente dans la déglutition physiologique. C’est pourquoi il est
nécessaire de faire ces exercices.
La séance se poursuit avec des glottages : ces exercices servent à travailler la fermeture
laryngée. Le patient répète une succession de voyelles en forçant sur le coup de glotte. Il
s’agit là encore de muscler la néo-glotte qui remplace l’étage glottique après la CHEP,
cela permet de restaurer une bonne protection des voies respiratoires. Par ailleurs, ce
travail a également des retentissements sur la voix du patient, même si, au départ, la
priorité est attribuée au versant déglutition et non vocal.
Arrivent finalement les essais alimentaires : suivant l’évolution du patient, on peut
d’abord le conditionner, c’est-à-dire l’entraîner à une déglutition à vide. Le protocole de
déglutition est le suivant : inspirer par le nez, bloquer la respiration pour fermer la néo-
glotte, avaler la salive et enfin souffler par la bouche à glotte ouverte. Lors d’un essai
alimentaire, le patient doit s’en tenir strictement dans un premier temps à ce protocole.
Si une fausse route est perçue, par une voix mouillée par exemple, on peut ensuite faire
racler et tousser le patient pour essayer d’évacuer les résidus alimentaires et/ou la salive.
Cependant, chaque orthophoniste personnalise ses rééducations. Voici les points qui
diffèrent :
Madame B. fait tenir un carnet d’alimentation à ses patients pour vérifier ce
qu’ils mangent et si les aliments passent bien. Elle travaille également sur la
gestion de la respiration qui va retentir notamment sur le respect du protocole de
déglutition.
37
Madame E. fait elle aussi un travail de respiration.
Madame C. fait un travail de respiration et de détente.
Madame G. et A. quant à elle ne décrivent pas de séances type au niveau de la
rééducation de la déglutition dans la mesure où elles n’en ont pas pratiqué depuis
plusieurs années.
3.1.3.2. Utilisation de techniques manuelles
Toutes les orthophonistes rencontrées utilisent des techniques manuelles dans leurs
rééducations. On trouve :
L’utilisation de techniques laryngées qui aident à l’ascension du larynx et à
la mobilisation des structures laryngées,
La manœuvre de Mendelsohn qui consiste à insister sur la pression de la
langue contre le palais lors de la phase orale et sur le maintien volontaire de
l’ascension laryngée, légèrement prolongée à chaque déglutition,
La manœuvre de Heimlich : brusque compression abdominale permettant de
libérer les voies aériennes supérieures afin d’expulser ce qui cause leur
obstruction,
L’enveloppement corporel, selon l’approche de Madame Senez, c’est-à-dire
provoquer un contact physique sur la tête, le corps du patient : cela permet,
d’après Madame E., de sécuriser le patient,
Les massages buccaux, pour diminuer un réflexe hyper-nauséeux en cas
d’exacerbation post-opératoire de ce dernier.
3.1.3.3. La kinésithérapie respiratoire
Au centre de Morancé, les patients s’exercent à souffler avec un kinésithérapeute
systématiquement après chaque essai alimentaire, ou même sans essai en cas
d’encombrement bronchique. Les patients sont donc vus une à plusieurs fois par jour
par un kinésithérapeute.
38
En libéral, la kinésithérapie respiratoire est loin d’être automatique : le patient peut ne
pas en avoir besoin, mais il peut aussi éprouver des difficultés à trouver un
kinésithérapeute à proximité capable d’assurer ce type de rééducation. De la même
manière qu’il peut être difficile de trouver un orthophoniste libéral qui prenne en charge
un patient opéré d’une CHEP, le problème se pose également avec le kinésithérapeute.
Selon la localisation géographique du patient, il va donc parfois être impossible pour lui
de profiter des avantages du libéral pour sa rééducation.
3.1.3.4. La position « facilitatrice » à adopter lors d’une déglutition
Une position facilitatrice a pour but d’aider le patient à avaler en réduisant le risque de
fausse route. En centre comme en libéral, les mêmes positions sont utilisées : le patient
fléchit la tête, de façon à coller son menton contre sa poitrine. Cette position a pour effet
d’ascensionner le larynx et d’en réduire les dimensions d’entrée : la protection est
renforcée et le bolus alimentaire est mieux orienté. Eventuellement on peut associer à
cette posture une rotation de la tête du côté du cartilage aryténoïde conservé. Cela
permet de fermer le sinus piriforme du côté de la rotation et de provoquer le passage du
bolus dans le sinus piriforme opposé. L’une ou l’autre de ces techniques va dépendre de
la tonicité du patient et de la conservation d’un des deux cartilages aryténoïdes, qui
permettra alors une meilleure fermeture glottique, ou non.
3.1.3.5. La progression alimentaire
La progression alimentaire est semblable au centre de Morancé et en libéral. Les
patients commencent par des aliments pâteux lisses et froids comme des yaourts, des
compotes ou de l’eau gélifiée, puis chauds comme de la purée. Viennent ensuite les
textures mixées : viande hachée, puis moulinées : légumes tendres. Pour finir,
l’alimentation normale est envisagée.
Les liquides sont travaillés en parallèle, selon l’avis du médecin et l’état général du
patient.
39
Cependant, à Morancé toutes ces étapes sont généralement travaillées alors qu’en libéral
pour des raisons pratiques ainsi que le stade d’alimentation du patient, les essais se
limitent le plus souvent aux liquides.
3.1.3.6. Comment reconnaître une fausse route ?
Au centre de Morancé, les orthophonistes disposent de moyens objectifs et rapides pour
vérifier que les aliments ingérés n’aillent pas dans les poumons :
Examen vidéoradioscopique de la déglutition,
Kinésithérapie respiratoire.
Les moyens suivants sont utilisés par les orthophonistes tant en centre qu’en libéral,
mais en libéral ce sont les seuls moyens de vérification à disposition. On peut constater
qu’ils sont plus subjectifs et/ou moins immédiats à mettre en place :
Repérer la toux, mais ce réflexe n’est pas présent chez tous les patients et
n’est donc pas toujours fiable,
Surveiller l’apparition d’une fièvre éventuelle qui signe une pneumopathie
de déglutition,
Observer la clairance de la voix après un essai alimentaire : en effet, un
timbre vocal « mouillé » après un essai alimentaire témoigne d’une
déglutition incomplète, avec un risque de fausse route secondaire à la
déglutition,
Observer de la même manière les bruits éventuels à la respiration,
Visite chez le généraliste pour une auscultation pulmonaire,
Radio pulmonaire.
3.1.3.7. Comment réagir ?
Au centre de Morancé comme en libéral, les orthophonistes laissent le patient tousser si
le réflexe de toux est présent, ce qui peut permettre de faire remonter le résidu
alimentaire hors de la trachée. Ainsi le patient peut avaler ou cracher ce qu’il avait mal
dégluti.
RELATIONS AVEC LE PATIENT Orthos
D'où viennent-ils?
Conditions pour accepter le patient?
Quand le rencontrer?
Explication de la chirurgie?
Explication des conséquences?
Rôle dans la réintégration socio-profes-sionnelle?
Mme L. De l'hôpital
Le médecin ORL donne son accord pour l'entrée du patient
A sa visite d'entrée à Morancé Ou lors de sa première séance d'orthophonie
Oui, mais pas précisément Oui
Que le patient puisse remanger et boire le plus normalement possible pour ne pas être mis de côté: milieu familial, professionnel
Mme B. De l'hôpital
Rapport précis de la chirurgie Geste de déglutition en voie de récupération
Lors de sa première séance Systématique Oui
Différent selon le métier du patient
Mme E.
De la polyclinique d'Arnas De Morancé De l'hôpital
Appel de l'ORL pour l'explication du geste opératoire Essais alimentaire préalables concluantsPas de fausse route dangereuse
A sa sortie de l'hôpital
Oui: schémas, maquette en pâte Fimo
Oui + Explication des exercices
Réadaptation alimentaire essentielle sur le plan social: pour manger en famille Réadaptation vocale
Mme C. De l’hôpital De Morancé
Après une rééducation de la déglutition en milieu hospitalier Mécanisme de déglutition en place Patient mobile
A sa sortie de l’hôpital Oui Oui
Remanger à nouveau normalement Ressortir Reprendre son activité professionnelle (non retraité) ou retour social (retraité)
Mme G. De Morancé
Craint les réflexes nauséeux Habitudes de respiration/ déglutition déjà travaillées
Lors de sa première séance Oui Oui
Rapport aux autres Communication efficace
Mme A.
De Morancé Adressés par des ORL
Accepte les patients mais les réoriente si elle ne se sent pas compétente Plus de déglutition actuellement
Lors de sa première séance
Vérification de ce que les patients savent et explication du reste Oui
La récupération de la voix permet de rester dans la communication et de ne pas être isolé
Tableau 6 : Relations avec le patient
40
Au centre de Morancé, la kinésithérapie respiratoire qui suit les essais alimentaires
permet de faire cracher les sécrétions et les résidus alimentaires et salivaires qui seraient
passés dans les poumons, soit parce qu’une toux immédiate n’aurait pas suffi à les
évacuer ; soit parce qu’une toux réflexe inexistante n’aurait pas permis de les détecter
au moment où la fausse route se produisait.
En libéral, l’orthophoniste étant seule avec son patient, l’éventuel appel du SAMU en
dernier recours est envisagé. Les orthophonistes en libéral évoquent l’utilisation de la
manœuvre de Heimlich. Nous sommes surprise par cette réponse. En effet, la manœuvre
de Heimlich sert à dégager les voies aériennes supérieures lorsque un aliment ou un
corps étranger en bouche le passage. En libéral, nous avons vu que les essais portent
principalement sur les liquides. En cas d’essai, les liquides peuvent passer dans les
poumons mais cela n’entraînera pas un étouffement : l’air entre toujours dans les
poumons. Le risque est surtout celui d’une pneumopathie qui est une infection
pulmonaire. Si cela se produit, ce ne sera pas immédiat. Cette réponse est probablement
due à la manière dont la question a été formulée et comprise. Le but de cette question
était de voir à plus ou moins long terme les moyens mis en place par l’orthophoniste
quand le patient fait une fausse route.
Certaines orthophonistes de notre étude ne prennent pas en compte les fausses routes
silencieuses. Nous avons été étonnée de cette réponse et avons cherché à en comprendre
la cause. Cela peut s’expliquer par deux raisons : ces orthophonistes pratiquent peu de
rééducations de la déglutition et ne sont donc pas forcément toujours à l’aise ; d’autre
part, les patients qui arrivent en cabinet ont déjà eu une rééducation et une surveillance
qui ont permis d’évincer les risques importants. Si les orthophonistes ne sont pas
informés des fausses routes silencieuses du patient, on peut imaginer que celui-ci n’en
fait pas.
3.1.4. Les relations avec le patient
Les patients qui arrivent au centre de Morancé viennent le plus souvent à leur sortie de
l’hôpital. Ceux qui arrivent en cabinet peuvent également venir de l’hôpital, mais aussi
RELATIONS AVEC LE CHIRURGIEN
HABITUDES NOCIVES SUIVI
Orthos
Compte-rendu opératoire
Chirurgien joignable? Rôle à jouer?
Quand juger que la rééducation est terminée?
Contacts postérieurs à la rééducation?
Mme L. Consulté
Pas utile, l'ORL de Morancé répond aux questions lors des consultations
Oriente vers le médecin ou le psychologue du centre
Quand le patient ne fait plus de fausse route (objectivé par la kiné respiratoire et la vidéoradioscopie) Non
Mme B. Oui Oui
Contrat: vous avez accepté l'opération donc vous allez jusqu'au bout!Discussion
Quand il n'y a plus de plainte
Pour une rééducation vocale exclusive
Mme E. Oui Oui
Parler, écouter, comprendre pourquoi le patient refume/reboit, ce que cela va provoquer
Plus de fausse route aux liquides, posture abandonnée, plus de doléance, patient sûr de lui
Peut arriver à la demande du patient ou du médecin
Mme C. Demandé Oui
En parler Expliquer les conséquences
Quand le patient peut manger normalement Quand il a repris du poids
Travail vocal Le patient peut revenir de sa propre initiative ou de celle du médecin
Mme G.
Pas demandé, même si le courrier du médecin est succinct
Pense que oui mais n’a pas essayé
Explication du lien de cause a effet si le patient continue l’alcool ou la cigarette
Voix sonore Patient audible et compréhensible Par convivialité
Mme A. Oui, mais sans détails Pas toujours
Possibilité d’en parler, prévention, information, mais Mme A. pense qu’une prise en charge psychologique est plus adaptée Patient à l’aise
Rarement et concerne la rééducation vocale
Tableau 7 : Relations avec le chirurgien, habitudes nocives et suivi
41
d’un centre post-hospitalier ou encore être directement adressés par leur ORL. Les
premiers essais alimentaires sont effectués à l’hôpital.
Au centre de Morancé, c’est le médecin qui prend la décision d’accepter ou non un
patient. En libéral, l’orthophoniste n’accepte une prise en charge que si le patient a déjà
fait des essais alimentaires à l’hôpital et que son geste de déglutition est en voie de
récupération. De plus, l’accès au compte-rendu opératoire est indispensable à la prise en
charge pour pouvoir adapter la technique en fonction de l’exérèse pratiquée par le
chirurgien.
Les orthophonistes ne rencontrent jamais le patient avant son opération : le premier
contact se fait lors de la première séance. Les six orthophonistes expliquent
généralement au patient sa chirurgie et les risques que cela entraîne.
3.1.5. Les relations avec le chirurgien
A Morancé, les orthophonistes n’ont pas besoin de contacter le chirurgien ORL qui a
pratiqué l’opération puisqu’elles peuvent assister aux consultations avec le médecin
ORL du centre, qui va pouvoir répondre à leurs questions après avoir examiné le
patient.
Les orthophonistes en libéral ne sont pas plus isolées de ce point de vue-là et ont accès
au compte-rendu opératoire précis du patient. Les chirurgiens ORL répondent volontiers
à leurs questions et leur apportent les précisions nécessaires. Seules Mesdames G. et A.
se contentent d’un compte-rendu imprécis dans la mesure où leurs rééducations se
portent sur le versant vocal.
3.1.6. Les habitudes nocives
Les orthophonistes prennent du temps si nécessaire pour écouter le patient, parler de ses
habitudes nocives. Elles expliquent les conséquences de la continuation de ces
42
dernières. Cependant, il semblerait qu’à Morancé il soit plus facile d’orienter le patient
vers un autre professionnel si besoin est, tel qu’un médecin ou un psychologue.
3.1.7. Le suivi
Au centre de Morancé, la rééducation orthophonique se termine lorsque le patient est
bien conditionné et réussit à manger : il peut rentrer chez lui à priori sans risque. Cela
est objectivé par le médecin grâce à l’examen vidéoradioscopique de la déglutition et à
la kinésithérapie respiratoire lorsque les kinésithérapeutes n’observent plus de traces. Le
patient est ensuite dirigé vers un cabinet libéral où l’orthophoniste se consacrera
principalement à une rééducation vocale. Les patients ne sont alors plus revus au centre
de Morancé.
En cabinet libéral, la rééducation orthophonique de la déglutition s’arrête lorsqu’il n’y a
plus de plainte de la part du patient. Un travail vocal commence alors. Ce suivi permet
de contrôler régulièrement qu’un trouble de la déglutition ne réapparaît pas.
3.2. LES SONDAGES TELEPHONIQUES
Nous avons effectué un sondage auprès de 15 orthophonistes exerçant en libéral à Lyon
et 15 orthophonistes installés en libéral en Rhône-Alpes dans des villes de moins de
10 000 habitants et éloignées des grandes agglomérations. Nous avons fait une analyse
statistique des données qui est à considérer selon l’importance de la population sondée,
c’est-à-dire 30 orthophonistes au total.
Ce sondage avait pour objectif de nous permettre de répondre à notre troisième
hypothèse : les orthophonistes exerçant en milieu rural prennent-ils plus volontiers des
prises en charge de dysphagie dans la mesure où il est moins évident d’orienter le
patient vers un autre professionnel, compte tenu de la densité plus faible des
professionnels en milieu rural ?
43
3.2.1. La connaissance de la notion de CHEP
Ces graphiques démontrent que les CHEP constituent une pathologie rare peu connue
des orthophonistes. Ceux-ci, selon leur expérience clinique, peuvent ne pas connaître le
terme précis de CHEP, ni même avoir une représentation de ce dont il s’agit. Nous
remarquons qu’à Lyon, pour près de la moitié des orthophonistes, la notion de CHEP a
une signification alors qu’en zone rurale, cette notion paraît moins connue. Nous
pouvons expliquer cette différence par le fait que les orthophonistes sont peu sollicités
pour ce type de prise en charge et plus encore en zone rurale qu’urbaine (cf. paragraphe
3.2.2.1.).
3.2.2. Les prises en charge
Zone rurale
27%
73%
Connaissanceimprécise desCHEP
Méconnaisssance des CHEP
Lyon13%
33%53%
Connaissanceprécise des CHEP
Connaissanceimprécise desCHEP
Méconnaisssancedes CHEP
53%47%
Prise en charge de la dysphagiePas de prise en charge de la dysphagie
Lyon
12%
25%
38%
25%PartiellesuniquementNeurologieuniquementAutresuniquementNeurologie +Autres
Détail des prisesen charge
44
Ces 2 graphiques permettent de se faire une représentation du pourcentage
d’orthophonistes lyonnais et ruraux qui prennent en charge des rééducations de la
dysphagie et le contexte de ces prises en charge.
Dans la catégorie « autres », nous regroupons les dysphagies des enfants, les cancers à
l’exception des laryngectomies, etc.
Nous avons voulu savoir pourquoi tant d’orthophonistes ne rééduquent pas la
dysphagie. 3 grands axes se dessinent en réponse à cette question.
3.2.2.1. Faible demande de prise en charge
Le principal motif, évoqué par 27% des orthophonistes lyonnais et 73% des
orthophonistes ruraux de notre population, est le peu de demandes pour cette pathologie.
3.2.2.2. Formation insuffisante
Ces orthophonistes se forment suivant leurs intérêts, mais aussi essentiellement suivant
leur patientièle. Or, ce type de patients est rare, les orthophonistes ne se forment donc
pas, ce qui constitue la deuxième raison du refus de prise en charge de ces patients pour
47% des orthophonistes lyonnais et 67% des orthophonistes ruraux de notre sondage. Ils
orientent les patients qui leurs sont adressés vers leurs collègues. La conséquence
47%53%
Prise en charge de la dysphagiePas de prise en charge de la dysphagie
Zone rurale
28%
15%42%
15% NeurologieuniquementAutresuniquementNeurologie +AutresPartielles +neurologie
Détail des prisesen charge
45
directe pour ces orthophonistes est qu’ils constatent un manque de compétences de leur
part dans ce domaine qu’ils n’ont pas l’occasion de combler tant que la demande de leur
patientèle est plus conséquente dans un autre domaine.
3.2.2.3. Manque d’intérêt et mal être face à cette pathologie
Le troisième axe que l’on retrouve est un manque d’intérêt, un sentiment d’être mal à
l’aise face à ces rééducations pour 47% des orthophonistes lyonnais et 27% des
orthophonistes ruraux.
3.2.2.4. Autres raisons
Par ailleurs, une orthophoniste évoque le côté psychologique lourd dans cette
rééducation à prendre en compte, auquel les orthophonistes ne sont pas spécifiquement
formés. Enfin, une orthophoniste évoque une dernière raison très personnelle : elle aime
pratiquer sur elle-même les exercices avant de les proposer à ses patients et pour des
raisons de troubles gastriques, elle évite les rééducations qui touchent à l’alimentation.
3.2.3. Orientation des patients
Les orthophonistes qui ne prennent pas en charge ces patients les adressent chez un
collègue ou un associé, vers leur médecin référent, vers le syndicat des orthophonistes,
ou encore les renvoient au lieu de l’opération. Il est important de noter ici qu’une
orthophoniste rurale nous a confié qu’elle réorienterait les patients vers une grande ville,
tout en précisant que ce serait malgré les problèmes de distance que cela implique, faute
de pouvoir trouver un professionnel apte à prendre ce patient dans les environs. 13% des
orthophonistes lyonnais et 27% des orthophonistes ruraux refuseraient ces patients mais
ne sauraient pas vers qui les orienter. En effet, ils n’ont pas été confrontés à des
demandes de la sorte et ne se sont donc pas posé la question de savoir ce qu’ils
répondraient à ces patients.
RENSEIGNEMENTS PERSONNELS CONDUITES NOCIVES Patients
Age (lors de l'opération) Profession Statut familial Alcool Tabac
Libéral
Mme M. 53 ans Conseillère en relations humaines NC Ø
3 paquets par jour Arrêt depuis 5 ans
Morancé
Mr C. 43 ans Sans profession Veuf 5 enfants Ø
1 paquet par jour Arrêt depuis 6 sem.
Mr S. 52 ans Ouvrier spécialisé en mécanique
Célibataire Sans enfant
Oui Actuellement boit un panaché à l’occasion
2 paquets par jour Arrêt pour l’opération
Mr Cha. 69 ans Chauffeur de taxi Divorcé 2 enfants 1,5 L par sem.
1 paquet par jour Arrêt depuis 5 mois
Mr P. 54 ans Dirige un garage au Congo
Marié 3 enfants Ø
1 paquet par jour Arrêt pour l'opération
Mr Ab. 65 ans Ouvrier manutentionnaire
Marié 6 enfants Ø 1 paquet par jour
Mr U. 59 ans Abattage de volailles Célibataire Sans enfant 1 L de bière par jour
2 paquets par jour Depuis l'opération: 10 cigarettes par jour
Mr Al. 58 ans Cariste Marié 1 enfant 1 L de vin par jour
1 paquet par jour Arrêt pour l'opération
Mr M. 62 ans Dans l'agrochimie Divorcé 1 enfant 7 à 8 L de vin par jour
2 paquets par jour Arrêt pour l’opération
Mme G. 80 ans Agricultrice retraitée Mariée 2 enfants Ø Ø
Mr Ché. 71 ans Cadre retraité d'usines de chaussures
Marié 2 enfants Ø
Oui Arrêt depuis plusieurs années
Tableau 8 : Renseignements personnels et conduites nocives
46
3.2.4. Le parcours professionnel de l’orthophoniste détermine-t-il ses prises en charge ?
Nous ne notons pas de corrélations entre le parcours professionnel des orthophonistes et
le fait qu’ils prennent en charge des rééducations de la dysphagie. Par exemple, certains
d’entre eux ont toujours exercé en libéral et se sentent capables de mener ces
rééducations.
3.2.5. Difficultés spécifiques liées à la prise en charge en libéral de la dysphagie
Les orthophonistes qui prennent en charge ces rééducations n’évoquent pas de
difficultés particulières engendrées par un contexte libéral à l’exception du manque de
précisions médicales qui leur sont fournies comme des résultats d’examens non
communiqués par exemple. Il est donc indispensable que les orthophonistes restent en
contact avec les médecins pour pouvoir leur demander ce type de renseignements.
3.3. DOSSIERS DES PATIENTS
Nous avons eu accès à un dossier de patient en libéral et à dix dossiers de patients en
centre. Nous avons analysé ces dossiers pour en extraire des informations dans le but de
pouvoir comparer les prises en charge entre elles, notamment au niveau de la durée de
la rééducation et de la progression alimentaire.
3.3.1. Etude du suivi de Madame M. (libéral)
3.3.1.1. Renseignements personnels
Madame M. avait 53 ans lors de son opération. Elle est conseillère en relations
humaines. Elle est encore en exercice professionnel. Dans ce contexte, elle est souvent
conviée à des cocktails dînatoires. Sa réhabilitation socio-professionnelle est donc
importante pour elle : tant au niveau de la déglutition qu’au niveau vocal.
CHIRURGIE ET TRAITEMENTS Patients
Histologie Spécificités de l'opération Canule
Sonde naso- gastrique
Traitements complémentaires
Libéral
Mme M. NC NC NC NC Chimiothérapie Morancé
Mr C. T2N0 Curage bilatéral Otée 9 jours après l'opération
Otée 50 jours après l'opération Radiothérapie
Mr S.
T2N0 Lésion corde vocale gauche Curage bilatéral
Otée 109 jours après l'opération
Otée 137 jours après l'opération Radiothérapie
Mr Cha.
T2 Lésion glotto/ sus-glottique Curage bilatéral NC
Otée 22 jours après l'opération
Radiothérapie Chimiothérapie
Mr P. Lésion bande ventriculaire droite Ø
Otée 55 jours après l'opération
Otée 31 jours après l'opération Ø
Mr Ab.
T1N0 Lésion corde vocale gauche Curage bilatéral NC NC Ø
Mr U. Lésion glottique Curage bilatéral NC NC Radiothérapie
Mr Al. NC Curage bilatéral NC NC Ø
Mr M. Lésion glottique Ø NC NC Radiothérapie
Mme G. Lésion récidivante corde vocale droite Curage bilatéral NC
Otée 123 jours après l'opération Radiothérapie
Mr Ché. NC Curage bilatéral NC Otée 168 jours après l'opération Radiothérapie
Tableau 9 : Chirurgie et traitements
47
3.3.1.2. Conduites nocives
Madame M. était une grande fumeuse. Elle fumait 60 cigarettes par jour, mais nous ne
savons pas durant combien d’années. Elle a totalement arrêté 5 ans avant l’opération et
n’a jamais repris.
3.3.1.3. Chirurgie et traitements
Elle a eu une cure de chimiothérapie pré-opératoire.
3.3.1.4. Rééducation
Madame M. est restée à l’hôpital 26 jours. Elle a été adressée à Madame B. qui l’a vue
deux fois par semaine au début de la rééducation. La dernière séance s’est déroulée 2
ans et 8 mois après son opération.
3.3.1.5. Progression alimentaire
Madame M. a suivi une rééducation de l’alimentation à l’hôpital. Madame B. devait
donc faire une rééducation des liquides. Suite à la découverte d’une fistule, Madame M.
a dû retourner à l’hôpital 2 mois après son intervention chirurgicale. Les liquides n’ont
pu être retravaillés qu’après son deuxième séjour hospitalier. Le travail intensif de
rééducation de la déglutition des liquides a duré 3 mois environ, puis la rééducation
s’est axée sur un travail vocal avec une vérification ponctuelle sur la déglutition. La
rééducation sur le plan de la déglutition a duré 9 mois, sans compter la pause due à la
fistule. Puis, seule la voix a été travaillée en séance.
REEDUCATION Patients
Temps écoulé entre la CHEP et l’entrée à Morancé Durée du séjour à Morancé
Temps écoulé entre la CHEP et la fin du séjour à Morancé
Morancé
Mr C. 40 jours 79 jours 119 jours
Mr S. 28 jours 110 jours 138 jours
Mr Cha. 25 jours 56 jours 81 jours
Mr P. 35 jours 51 jours 86 jours
Mr Ab. 50 jours 45 jours 95 jours
Mr U. 32 jours 66 jours 98 jours
Mr Al. 47 jours 16 jours 63 jours
Mr M. 39 jours 60 jours 99 jours
Mme G. 65 jours 66 jours 131 jours
Mr Ché. 120 jours 52 jours 172 jours Moyenne Morancé 48,1 jours 60,1 jours 108,2 jours
Tableau 10 : Rééducation
48
3.3.1.6. Bilan de fin de rééducation
Au niveau de l’alimentation, Madame M. a pu remanger et boire normalement, en
abandonnant sa position facilitatrice. La rééducation a donc été efficace pour cette
patiente.
Seule la voix reste grave et est une gêne pour la patiente.
3.3.2. Etude du suivi des patients en centre
3.3.2.1. Renseignements personnels
La moyenne d’âge des 10 patients se situe à 61.3 ans, ce qui est relativement jeune et le
problème se pose pour certains au niveau de la réinsertion professionnelle. En effet, 5
patients n’ont pas atteint l’âge de la retraite au moment de leur opération.
Comme nous l’avons vu dans l’étude des entretiens, la rééducation orthophonique joue
un rôle dans la réintégration socio-professionnelle du patient, tant au niveau de
l’alimentation qu’au niveau vocal. Une CHEP sera plus ou moins invalidante selon le
métier du patient.
3.3.2.2. Conduites nocives
Nous remarquons que la majorité des patients étaient de gros fumeurs, ils l’ont été
jusqu’à leur opération. L’un d’entre eux continue à fumer malgré sa CHEP. On peut se
poser la question de l’intégration pour ce patient du lien entre sa maladie et le tabac et
également de l’aide à lui apporter.
PROGRESSION ALIMENTAIRE
Lisse Pâteux Mixé Mouliné Normal
Liquides (en dehors des
repas)
Liquides avec l'orthophoniste
(cuillères)
Liquides avec l'orthophoniste
(gorgées)
Patients
1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 1 2 Morancé Mr C. NC NC NC NC J + 40 J + 0 NC NC J + 48 J + 8 J + 50 J + 10 NC NC J + 47 J + 7 Mr S. J + 28 J + 0 J + 39 J + 11 J + 40 J + 12 J + 57 J + 29 J + 82 J + 54 J + 113 J + 85 J + 40 J + 12 J + 68 J + 40 Mr Cha. NC NC NC NC J + 25 J + 0 J + 45 J + 20 NC NC NC NC J + 25 J + 0 J + 45 J + 20 Mr P. J + 70 J + 35 NC NC J + 76 J + 41 J + 37 J + 2 NC NC NC NC J + 69 J + 34 J + 70 J + 35 Mr Ab. J + 50 J + 0 NC NC J + 87 J + 27 NC NC NC NC NC NC J + 55 J + 5 J + 57 J + 7 Mr U. NC NC NC NC J + 32 J + 0 J + 62 J + 30 NC NC J + 45 J + 13 J + 35 J + 3 J + 42 J + 10 Mr Al. NC NC J + 47 J + 9 J + 45 J + 7 NC NC NC NC J + 47 J + 9 J + 40 J + 2 J + 45 J + 7 Mr M. NC NC NC NC J + 39 J + 0 NC NC NC NC NC NC J + 50 J + 11 J + 48 J + 9 Mme G. NC NC J + 65 J + 0 NC NC NC NC J + 129 J + 64 J + 129 J + 64 J + 105 J + 40 J + 112 J + 47 Mr Ché. NC NC J + 130 J + 21 J + 121 J + 12 NC NC NC NC J + 140 J + 31 J + 127 J + 18 J + 130 J + 21 1: Depuis la CHEP 2: Depuis l'entrée à Morancé Ce tableau, bien que présentant de nombreuses valeurs non communiquées, met en évidence que la progression alimentaire est très aléatoire d’un patient à l’autre. Pour le dossier de Mme M., les données ne sont pas comparables: Découverte d'une fistule après la sortie de l'hôpital Déglutition des liquides uniquement, après la cicatrisation de la fistule: 1 mois Déglutition et voix: 8 mois Puis travail vocal exclusif:
Tableau 11 : Progression alimentaire
49
3.3.2.3. Chirurgie et traitements
La majorité des patients ont subi un curage bilatéral en association avec leur CHEP. Il
s’agit de l’ablation de tout ou partie des ganglions du cou anormaux suite à l’existence
de la pathologie tumorale maligne.
Au niveau de la canule de trachéotomie, nous n’avons les renseignements que pour 3
patients, ils l’ont gardée respectivement 3, 55 et 109 jours. Une telle hétérogénéité pour
un nombre si réduit de patients ne nous donne pas une moyenne représentative. Cette
canule permet au patient de respirer par une voie non naturelle (orifice au milieu du
cou) lorsque un œdème laryngé post-opératoire gêne la respiration au niveau du larynx.
En ce qui concerne la sonde naso-gastrique, nous avons les données pour 6 patients : ils
l’ont gardée entre 22 et 168 jours. Là encore les résultats obtenus sont très hétérogènes.
Une sonde maintenue longtemps en place est révélatrice de difficultés importantes et
persistantes d’alimentation. Maintenir la mise en place de la sonde permet de satisfaire
les besoins nutritifs lorsqu’une alimentation per os est encore trop risquée.
3.3.2.4. Rééducation
Nous avons voulu calculer une moyenne de temps entre la date de l’opération et l’entrée
à Morancé, qui correspond à peu près au séjour hospitalier du patient. Nous avons
trouvé 48.1 jours, avec un maximum de 120 jours et un minimum de 25 jours. La date
d’entrée à Morancé est donc, là encore, très variable suivant les patients. Elle est
fonction de leur état général.
De la même manière, nous avons calculé la moyenne du temps passé au centre de
Morancé, nous avons trouvé un séjour moyen de 60.1 jours, avec, pour le plus long
séjour : 110 jours et pour le plus court : 16 jours. Le temps passé à l’hôpital et celui
passé à Morancé ne sont pas corrélés : le patient qui a passé le plus de temps à l’hôpital
n’est pas celui qui est resté le plus longtemps à Morancé et inversement.
BILAN DE SORTIE Patients Alimentation Liquides Position de tête Voix Orientation
Morancé Mr C. NC NC NC Soufflée Libéral Mr S. Normale Entre les repas Menton rengorgé Soufflée Libéral
Mr Cha. NC NC Tête inclinée et tournée NC Libéral
Mr P. Normale Entre les repas NC Soufflée NC
Mr Ab. NC NC NC Désonorisée
Retour à domicile (fausses routes: réhospitalisation)
Mr U. Normale Fausses routes Ø Commence à être vibrée Libéral
Mr Al. Normale Normal NC Soufflée Libéral Mr M. Normale Fausses routes Appui frontal Chuchotée soufflée Libéral Mme G. Normale Normal Ø Soufflée Libéral
Mr Ché. Normale Fausses routes Menton rengorgé, tête inclinée et tournée Soufflée Libéral
Tableau 12 : Bilan de sortie
50
Enfin, notre avons calculé la somme du temps passé à l’hôpital associé à celui passé à
Morancé : nous avons trouvé une moyenne de 108.2 jours, avec des extrêmes allant de
86 à 172 jours.
3.3.2.5. Progression alimentaire
Les orthophonistes ne tenant pas tous leurs dossiers de la même façon, il nous manque
un grand nombre de données. Nous pouvons là encore cependant observer les variations
inter-individuelles entre les patients : l’alimentation normale peut être possible dès 48
jours après l’opération, ou bien plus longue : 129 jours après.
3.3.2.6. Bilan de fin de rééducation
Sept des dix patients ont une alimentation normale à leur sortie de Morancé. Pour les
trois autres, nous n’avons pu obtenir cette donnée.
Lors du bilan de fin de rééducation à Morancé, on constate que quatre patients ont
encore une position facilitatrice qu’ils adoptent lors d’une déglutition. Cela va dans le
sens de la nécessité de continuer la rééducation orthophonique de la déglutition en
libéral à la sortie du centre. Comme nous l’avons précédemment vu avec les entretiens,
une rééducation est finie lorsque la position facilitatrice est abandonnée.
Au niveau de leur orientation après Morancé, huit patients continuent leur rééducation
en libéral. Il nous manque les informations pour un patient. Le dernier patient n’a pas
continué sa rééducation et a dû être réhospitalisé. Ici encore cela met en évidence
l’importance de la continuité de la prise en charge. Un séjour en centre post-hospitalier
est une étape dans la prise en charge du patient, mais ne se suffit pas à lui-même.
51
3.4. RENCONTRES AVEC LES PATIENTS
Après l’étude des dossiers de notre étude, nous avons cherché à rencontrer les patients
afin de connaître leur vécu, la répercussion de la chirurgie sur leur vie. Nous avons pu
en rencontrer quatre. Nous leur avons posé quelques questions d’après le questionnaire
joint en annexes.
3.4.1. La vie active
La chirurgie a eu des retentissements différents pour les patients sur le plan
professionnel : les conséquences sont fortement dépendantes de l’âge. En effet,
Monsieur M. était déjà retraité lors de son opération. Pour Monsieur Cha., la CHEP lui a
valu une retraite anticipée de 6 mois, mais il est plutôt content sur ce point : il apprécie
sa retraite qui, de toute façon était proche. Monsieur S., quant à lui, ne travaille plus et
touche la COTOREP. Enfin, Monsieur U. est toujours actif dans l’univers de l’abattage
de volailles.
3.4.2. Les habitudes nocives
L’arrêt des habitudes nocives après l’opération ne semble pas évident d’après notre
population. Messieurs M. et Cha. ont totalement abandonné leur consommation d’alcool
et de tabac, monsieur S. reste assez flou sur sa réponse mais il nous confie « boire un
panaché de temps en temps ». Quant à Monsieur U., il a arrêté sa consommation
d’alcool mais fume encore ½ paquet par jour contre 2 paquets avant l’opération.
Si Monsieur U. nous semble conscient du lien établit entre son cancer et la cigarette,
nous n’avons pas la même impression pour Monsieur S. La persistance des habitudes
nocives est un choix du patient contre lequel l’équipe médicale ne peut pas réellement
s’opposer, cette équipe joue cependant un rôle de prévention et d’information important.
Nous pouvons quand même nous poser la question d’une prise en charge psychologique
et d’aides à l’arrêt du tabac, mais pour cela, le patient doit le vouloir lui-même.
52
3.4.3. L’alimentation
3.4.3.1. Les aliments
D’après ces patients, la reprise alimentaire a été plutôt facile et ils n’en gardent pas un
souvenir pénible. Leur alimentation est quasiment identique à celle qu’ils avaient avant
l’opération, mais elle a tout de même subi quelques modifications. Monsieur S. précise
qu’il peut avoir des difficultés lorsqu’il mange trop vite, surtout le matin, avec des
textures compactes et collantes comme pour un croissant, les aliments qui s’émiettent et
lui grattent la gorge comme les biscottes et de manière générale, il évite actuellement la
nourriture épicée. Monsieur Cha. éprouve plutôt des difficultés avec les aliments en
morceaux comme le steak.
On peut noter que tous ont perdu plusieurs kilos (entre 10 à 15 kg) qu’ils ont mis de
nombreux mois à reprendre. Monsieur Cha. évoque une alimentation qu’il n’aimait pas
au centre de Morancé et il dit qu’il a repris ses kilos perdus depuis qu’il est rentré chez
lui grâce à la cuisine de sa femme. Les goûts alimentaires des patients entrent donc en
jeu dans la mesure où les menus , bien qu’adaptés, ne peuvent convenir à tous. Mais
l’alimentation n’est pas seule en cause : l’opération et le traitement y contribuent
également.
Il est assez facile d’éviter les aliments qui posent problème en les remplaçant par
d’autres et les patients le font d’ailleurs d’eux-mêmes ; en revanche le problème est plus
délicat lorsque les fausses routes sont entraînées par l’absorption de liquides.
3.4.3.2. Les liquides
Monsieur U. précise faire encore des fausses routes avec le café. Monsieur S. et Cha.,
avouent boire plus lentement qu’avant et avec concentration. Les liquides, caractérisés
par leur grande fluidité, sont souvent difficiles à contrôler dans la bouche. Ils ne
stimulent pas suffisamment le réflexe de déglutition. La rééducation a pour but
53
d’automatiser le réflexe de déglutition : ces patients peuvent donc espérer avec le temps
déglutir de façon de moins en moins consciente. Mais pour cela, ils doivent aussi savoir
se faire confiance eux-mêmes et s’autoriser à ne pas réfléchir au protocole de
déglutition.
Un protocole de déglutition est systématiquement appris au patient au centre de
Morancé. Il consiste à bloquer les voies respiratoires pendant la déglutition : le patient
inspire, bloque sa respiration, avale et souffle aussitôt après. Correctement effectué, ce
protocole diminue le risque de fausses routes et le fait de souffler après la déglutition
permet de faire remonter les stases éventuelles. Mais il perturbe certains patients qui
n’arrivent pas à le retenir, comme ce fut le cas pour Monsieur S. qui l’a très vite
abandonné. En revanche, Monsieur Cha. l’utilise toujours et il est très fier de nous le
montrer. Les patients réagissent donc de manière différente aux aides qu’on leur
propose.
Monsieur S. ne l’a pas clairement dit, mais nous pensons que son manque
d’investissement pour ce protocole vient du fait qu’il n’en a pas compris l’intérêt, ou du
moins qu’il ne l’a pas ressenti.
3.4.4. La voix
Globalement, les patients que nous avons rencontrés sont satisfaits de leur voix car elle
leur permet de se faire comprendre et pour eux, c’est le plus important, d’autant plus
qu’ils ont rencontré des personnes laryngectomisées totales au centre de Morancé, des
personnes qui ne pouvaient plus communiquer oralement au lendemain de leur
opération. Cependant, cette voix n’est plus la même qu’avant leur opération : elle est
plus grave et surtout plus fatigable, ses patients parlent moins forts et tenir une
conversation dans un milieu bruyant va donc être parfois difficile. Lorsqu’ils parlent
longtemps, leur voix se désonorise.
Mais les patients s’accommodent plus ou moins de ces modifications : pour Monsieur
M., sa voix ne peut plus être améliorée actuellement et il en est satisfait, tout comme
54
Monsieur U., mais celui-ci va continuer sa rééducation au niveau vocal en cabinet
libéral. Monsieur S. la trouve grave et pense qu’elle va encore se modifier. Il en est tout
de même satisfait mais pense que ce ne serait pas le cas s’il travaillait encore : il aurait
un usage plus important de sa voix, ce qui l’amènerait à parler trop souvent avec une
vois désonorisée. Monsieur Cha. quant à lui estime ne plus avoir de voix et « parler avec
un souffle » : il se ressent comme handicapé et s’est rendu dans une association pour y
trouver du soutien.
3.4.5. Les prises en charge
3.4.5.1. L’orthophonie
Monsieur U. partait de Morancé le jour où nous lui avons proposé le questionnaire et il
n’avait donc pas encore rencontré son orthophoniste en libéral. Il dit être content de
pouvoir continuer sa rééducation, même s’il est satisfait de sa voix. Il espère
certainement une amélioration de sa voix sans l’admettre.
Pour Monsieur M., la rééducation orthophonique est actuellement terminée.
Visiblement, une mauvaise base relationnelle s’est établie entre lui et son orthophoniste
libéral qui partageait ses séances avec des enfants et n’était pas ponctuelle. Monsieur
M. s’est vite découragé et au bout d’une dizaine de séances, il a définitivement
abandonné. Aujourd’hui, plusieurs années après, il n’a pas compris l’intérêt de
l’orthophonie en libéral.
Monsieur S. poursuit actuellement sa rééducation en libéral. Le rythme très irrégulier de
ses séances lui convient parfaitement car il est personnalisé et tient compte de ses
autres occupations. Il garde de son séjour à Morancé des journées trop chargées et
fatigantes : il fallait se rendre régulièrement aux séances de radiothérapie, les horaires
étaient toujours différents, les trajets longs et les réveils matinaux, il n’avait pas assez de
repos. Mais il reconnaît qu’il est important d’être dans une maison médicalisée lors de
la radiothérapie.
55
Monsieur Cha. a du arrêter sa rééducation en libéral suite à d’autres problèmes de santé
(AVC : rééducation orthophonique différente), mais il va la reprendre prochainement,
d’un point de vue vocal uniquement. Il sait pourtant qu’il doit se concentrer
anormalement lorsqu’il boit pour éviter une fausse route, mais il cachera volontairement
ce point à son orthophoniste car il s’est habitué à ce fait et ne souhaite pas changer : sa
méthode lui convient. Il est très enthousiaste lorsqu’il parle de l’hôpital : « magnifique,
parfait, rien à redire ». En revanche il est beaucoup plus nuancé lorsqu’il parle de
Morancé : il n’aimait pas la nourriture, le règlement était trop rigide à son goût. Il tenait
à manger de la viande mais n’en mangeait que de la moulinée : on peut donc
s’interroger sur ce qu’il a perçut des dangers de ses troubles alimentaires. Les
informations n’allaient pas assez vite à son goût : lorsque le médecin donnait son accord
pour manger un type d’aliment, le personnel n’était pas prévenu immédiatement et il
devait encore attendre. Mais il reconnaît qu’à Morancé le suivi est complet et que
lorsqu’il est sorti, il savait boire sans faire de fausse route : « c’est ensuite à nous de
faire ce qu’il faut ».
3.4.5.2. Le suivi ORL
Un suivi ORL régulier est dispensé aux patients, notamment pour surveiller une
récidive. Les patients se rendent tous les 2 à 6 mois à sa visite. Ils peuvent bénéficier
d’un suivi plus intensif pour un problème particulier : Monsieur M. par exemple y allait
plus souvent à sa sortie de Morancé car il a du subir plusieurs séances de laser pour
enlever des glaires qui le gênaient principalement pour respirer. Dans tous les cas, tous
les patients continuent d’être suivis à vie.
3.4.5.3. Les autres prises en charge
Lorsque le patient part de Morancé, les bénéfices des rééducations qui lui ont été
dispensées déterminent directement son envie de les poursuivre. Monsieur M., par
exemple, n’a pas suivi de rééducations complémentaires à l’orthophonie : « je ne le
56
souhaitais pas, je n’en voyais pas l’intérêt ». Monsieur S., de la même manière, malgré
les conseils donnés par l’ORL à sa sortie de Morancé n’a pas continué sa rééducation
respiratoire avec un kinésithérapeute.
En revanche, le kinésithérapeute semble apprécié pour ses massages cervicaux : il
soulage les tensions dues à l’opération et à la radiothérapie. Messieurs S. et Cha., pour
en avoir bénéficié, reconnaissent le bien que leur a procuré ces soins. Monsieur Cha. a
également vu un kinésithérapeute pour un jabot qui n’a toujours pas disparu et que les
médecins n’expliquent pas. En dehors de l’aspect esthétique, celui-ci le gêne parfois
pour respirer, à tel point qu’il a déjà dû faire appel au SAMU.
Le kinésithérapeute joue donc un rôle important dans la rééducation du patient, pas
uniquement au niveau de la respiration.
3.4.6. Les relations sociales
3.4.6.1. Les relations avec les soignants
Nous avons vu avec Monsieur M. à quel point la qualité du contact qui s’établit avec les
soignants et la confiance qui leur est accordée est importante dans la prise en charge.
Monsieur Cha. a été particulièrement loquace sur ce sujet. A l’époque de son séjour à
Morancé, il n’y avait que 3 patients opérés d’une laryngectomie partielle. Monsieur
Cha. a eu l’impression que l’équipe n’était pas compétente face à ce type d’opération et
qu’il était difficile d’instaurer un climat de confiance aussi bien avec l’équipe médicale
que paramédicales. Par exemple, il nous confie une histoire qui n’a pas aidé à instaurer
la confiance : il s’est plaint à Morancé qu’un discours en contradiction avec celui de
l’hôpital était tenu. En effet, à l’hôpital, plusieurs fois lorsqu’il s’est présenté pour sa
chimiothérapie, on lui a dit qu’il n’y avait pas assez d’hydratation dans son sang, ce qui
implique que la chimiothérapie ne pouvait avoir lieu. La conséquence directe est que le
séjour à Morancé s’en trouve allongé puisqu’il faisait toute sa chimiothérapie dans ce
centre. Il s’en est plaint à Morancé, croyant qu’on allait lui remettre une sonde, mais :
57
« rien ne s’est passé », ce qui n’a fait que l’inquiéter davantage. Ce patient a mal
supporté les différents avis de ses médecins qui ont nuit à sa prise en charge.
3.4.6.2. Rencontrer d’autres opérés du larynx
A l’exception de Monsieur Cha., ces patients sont indifférents à l’idée de rencontrer
d’autres personnes ayant subi la même opération qu’eux. Ils en ont rencontré durant leur
séjour à Morancé mais n’ont pas créer de lien spécifiques.
Pour Monsieur Cha. en revanche, rencontrer ces gens n’était pas plaisant après son
opération. Il craignait que l’un d’entre eux lui avoue aller « plus mal qu’avant », lui
renvoyant ainsi une projection difficile de lui-même. Mais à l’opposé, il a vu un patient
boire normalement après quelques mois de rééducation et cela lui a donné du courage et
de l’espoir à un moment où lui-même ne buvait pas encore.
58
4.1. CONCLUSION DU PROTOCOLE EXDPERIMENTAL
4.1.1. Conclusion des entretiens avec les orthophonistes
La prise en charge de la dysphagie dans le cadre d’une CHEP doit être le fruit d’un
travail pluridisciplinaire : un ORL pour les contrôles objectifs, un kinésithérapeute pour
le désencombrement, un infirmier pour les aspirations trachéales éventuelles, un
médecin généraliste pour le suivi régulier du patient, un radiologue pour les radios
pulmonaires, etc. Et parmi ces soignants, un orthophoniste prendra en charge la
rééducation de la déglutition et la rééducation vocale par la suite. Par ailleurs, le réseau
de professionnels permet une ouverture d’esprit : chaque soignant s’enrichit des
compétences et des connaissances de ses collègues et ce, afin d’assurer le meilleur soin
au patient.
La prise en charge en centre est plus sécurisante que celle en libéral, mais cette dernière
présente des avantages non négligeables pour le patient qui peut ainsi rester dans son
milieu familial et s’investir plus profondément dans sa rééducation : il est moins
sollicité qu’en centre et plus acteur dans son soin. Par ailleurs, la rééducation en libéral
n’est possible que lorsque le patient a acqui un geste de déglutition suffisamment
efficace.
4.1.2. Conclusion des sondages téléphoniques
Au sein de la profession, les spécialités officiellement reconnues n’existent pas. Dans la
pratique, les orthophonistes ont leurs domaines de prédilection souvent définis par la
demande de leur patientèle.
59
4.1.3. Conclusion des dossiers
Nous avons pu voir, grâce à l’étude des dix dossiers du centre de Morancé qu’un patient
opéré d’une CHEP ne peut être comparable à un autre patient tant au niveau de sa
chirurgie, qui peut légèrement différer selon notamment que le chirurgien conserve ou
non un des deux cartilages aryténoïdes, qu’au niveau de sa récupération post-opératoire.
Les temps de rééducation orthophonique sont très variables. Nous n’avons pu étudier
qu’un seul dossier de patient en libéral mais pouvons supposer que d’autres dossiers
auraient montré également une grande hétérogénéité.
Nous avons essayé de dégager un profil-type du patient opéré d’une CHEP. Il en ressort
un homme âgé d’une soixantaine d’année, gros fumeur de longue date. Ce profil n’est
pas représentatif de l’ensemble de la population, il est le résultat de nos données. De
plus, toutes les personnes correspondant à cette description ne vont pas forcément être
opérées d’une CHEP. Le tabac est cependant le principal facteur des cancers des voies
aéro-digestives supérieures (VADS). La CHEP est une solution face à un cancer étendu
à l’étage glottique.
4.1.4. Conclusion des rencontres avec les patients
Rencontrer ces patients nous a permis de voir l’évolution à plus ou moins long terme de
l’opération : entre 5 mois après l’opération pour Monsieur U. qui sortait de Morancé
lors de notre rencontre et 6 ans pour Monsieur M. Chaque patient a un ressenti différent
de sa maladie et des conséquences qu’elle a engendré. Cependant, nous avons pu
constater qu’ils n’avaient plus de plainte : ni pour leur alimentation, ni pour leur voix.
Seule la boisson reste difficile.
Par ailleurs, nous avons pu nous rendre compte par nous-même de la voix de ces
patients, d’abord au téléphone lors de la prise de contact, puis lors de nos rendez-vous.
Effectivement ces patients étaient compréhensibles, à condition qu’il n’y ait pas de bruit
autour, mais on a pu noter une fatigabilité dans la voix après un échange prolongé.
60
4.2. VALIDATION DES HYPOTHESES
4.2.1. Hypothèse 1
Les centres offrent un contexte facilitant la prise en charge par les orthophonistes
salariés.
En centre, l’équipe pluridisciplinaire disponible sur place est le plus gros point fort.
Cela constitue une sécurité tant pour l’orthophoniste que pour le patient lors des essais
alimentaires.
En libéral, à l’inverse, l’absence de milieu sécurisant avec une équipe performante à
proximité de l’orthophoniste et du patient nécessite que la reprise alimentaire ait déjà
progressé et que les essais puissent être menés sans risque pour la santé du patient dans
un contexte moins médicalisé. C’est pourquoi la plupart du temps, les patients qui sont
orientés vers le libéral en sont déjà au stade d’une alimentation normale ou quasi-
normale ; il ne leur reste que la déglutition des liquides à perfectionner.
Les moyens disponibles en libéral sont différents de ceux du centre : il n’y a pas d’autre
personnel spécialisé que l’orthophoniste lui-même, pas de matériel pour visualiser les
déglutitions, etc. Parallèlement, les besoins en libéral sont également différents de ceux
du centre puisque nous avons vu que les patients n’en étaient pas au même stade de
récupération du geste de déglutition.
4.2.2. Hypothèse 2
Le peu d'exercice spécialisé en libéral est en lien avec le contexte difficile de cette prise
en charge.
Nous avons montré que la principale raison du refus de prise en charge de la dysphagie
en cabinet est liée à une très faible demande, due à l’orientation d’un plus grand nombre
61
de patients en centre de rééducation qu’en libéral. Cela implique que les orthophonistes
ne vont souvent pas se former dans un domaine où les rééducations sont rares. Notre
hypothèse n’est pas validée.
4.2.3. Hypothèse 3
Les orthophonistes exerçant en milieu rural, de par leur faible densité, sont davantage
amenés à prendre en charge ce type de rééducation que les orthophonistes lyonnais car
ils ne peuvent adresser leurs patient vers un autre professionnel.
Nous avons montré que les orthophonistes exerçant dans un milieu rural adressent le
plus souvent leurs patients à un collègue s’ils ne veulent pas ou ne peuvent pas mener la
rééducation. Le problème de la distance dû à une plus faible densité de professionnels
en zone rurale a été évoqué, mais il semble mineur face au manque de formation que
ressent l’orthophoniste avec ce type de prise en charge. Notre hypothèse n’est donc pas
validée.
4.3. PISTES DE REFLEXION
4.3.1. Un exercice mixte
Les orthophonistes ayant participé à cette étude ont ou ont eu presque toutes un exercice
mixte en centre ou à l’hôpital. Ce type de rééducation, technique et à risque, nécessite
une formation spécifique pour que les prises en charge soient correctement menées.
L’orthophoniste doit être conscient de ses capacités et des moyens dont il dispose avant
de recevoir un patient. C’est ce qui lui permet d’être efficace et de refuser un patient à
risque. Nous l’avons vu, un patient qui ne mange pas du tout ne peut pas être pris en
charge en libéral : les pneumopathies de déglutition ne pourraient être prévenues et ce
serait risquer de mettre le patient en danger que de le recevoir dans le cadre d’un
exercice libéral.
62
4.3.2. Les fausses routes
Il nous paraît intéressant de citer des extraits d’entretiens en rapport avec la question des
fausses routes, afin d’insister sur le côté à risque de ces prises en charge de la
déglutition :
Madame B. :
« Le fait de ne pas pouvoir contrôler visuellement ce qui se passe (…) ça peut être
quand même très anxiogène et pour l’orthophoniste et pour le patient. »
Madame E. :
« Le point fort du centre c’est que : il y a l’équipe médicale sur place. (…) Je suis
sécurisée : il y a les infirmières qui sont là, elles peuvent faire des aspirations, c’est
des gestes qu’on peut pas faire s’il y a une fausse route. Quand je fais l’essai
alimentaire, je demande à l’infirmière tout de suite après de venir avec moi. Elle
enlève la canule, on regarde s’il y a des traces d’aliments (…). Ca, c’est vital. C’est
pour ça que je ne les prends pas ici en libéral. J’ai pas ça. Moi s’il y en a un qui
fait une fausse route, je fais quoi ?Je le prends par les pieds ! (…)Et je pense que
de laisser sortir un patient du milieu hospitalier après l’opération, le ramener chez
lui, sans qu’il mange, avec une sonde naso-gastrique ou gastrique et envoyer ce
patient en libéral pour reprendre l’alimentation, c’est maltraitant, enfin il ne faut
pas. (…) Je ferais quoi? J’appelle les pompiers? Qu’est-ce que vous voulez que je
fasse ?Ba j’ai la manœuvre, enfin moi j’ai mon brevet de secourisme, mais… C’est
pour ça que je les prends pas en départ ici, je ne veux surtout pas ! »
Madame C.:
« Je ne sais pas moi. Franchement c’est ça qui est délicat. Aider à tousser, ou
appeler vite le SAMU. Je sais pas. »
63
Madame L. n’a pas montré d’inquiétude face à la question des fausses routes,
contrairement aux orthophonistes libérales. Comme nous en avons parlé précédemment,
ces réponses viennent probablement du fait que la question n’était pas clairement posée.
Et cependant, pour Mesdames E. et C., la question de la fausse route rime clairement
avec l’étouffement. Alors qu’elles disent n’avoir jamais été confrontées à un tel cas,
elles l’imaginent tout de même. Or, elles disent elles-mêmes que cela ne peut leur
arriver puisqu’elles n’acceptent les patients que sous la condition que le geste de
déglutition soit en voie de récupération. Cela implique des contrôles préalables ayant
objectiver le fait que le patient ne fasse plus de fausses routes massives.
Nous attendions pour cette question des réponses axées sur la kinésithérapie
respiratoire. Il est dommage que nous n’ayons pas rebondi sur l’occasion durant
l’entretien pour faire davantage préciser aux orthophonistes leur réponse.
Nous pensions (et pensons toujours actuellement) que ce travail est très important. Si le
patient ne trouve pas de kinésithérapeute dispensant ce type de soins, nous savons qu’il
est possible pour l’orthophoniste de créer facilement une station respiratoire : il suffit de
faire souffler le patient dans une large paille placée dans une bouteille. Cela lui
permettra de visualiser son souffle. C’est ce que nous avons vu faire au centre de
Morancé, bien que le matériel y soit plus adapté. Ensuite le patient pourra tousser et
cracher pour vider ses poumons. Il est possible de lui montrer comment faire et ainsi il
verra de lui-même s’il lui arrive de recracher. L’orthophoniste aura ainsi à disposition
un nouveau moyen de contrôle des fausses routes. De plus, cela contribue à
l’autonomisation du patient en le rendant acteur dans son soin.
4.3.3. L’ambulatoire
Une possibilité pour la rééducation des patients ayant subi une CHEP, autre que le
centre post-hospitalier ou le cabinet libéral serait l’ambulatoire. Il s’agirait d’un lieu de
soins en centre-ville : cabinet de ville, dispensaire ; où seraient réunis un certain nombre
de professionnels médicaux permettant à ce type de patients de pouvoir bénéficier d’une
64
prise en charge optimale sans pour autant quitter leur domicile familial. Dans le cadre
de ces rééducations spécifiques de la déglutition, cela nécessiterait la présence d’une
équipe pluri-disciplinaire, comme dans un centre post-hospitalier, composée au
minimum d’un médecin ORL, d’un kinésithérapeute, d’un infirmier et d’un
orthophoniste.
4.4. LES LIMITES DE L’EXPERIMENTATION
4.4.1. La procédure expérimentale
En ce qui concerne l’étude des dossiers, nous avons recueilli des données relevées par
les orthophonistes, tout en préservant le secret médical. Il n’a pas été possible de suivre
un patient à Morancé et un patient en libéral car, pendant la période d’expérimentation,
nous n’avons pu trouver de patients opérés d’une CHEP. C’est pour cela que nous
n’avons pas toutes les informations que nous aurions pu noter en observant directement
les rééducations des patients. Ces dossiers permettent à l’orthophoniste de mener
correctement sa rééducation : ils n’étaient pas tous remplis de la même manière.
L’observation directe des patients en séances nous aurait notamment permis de pouvoir
remplir rigoureusement nos grilles d’analyse et d’avoir des données comparables entre
les patients. Nous aurions de même pu faire un bilan d’entrée complet et comparer
objectivement l’état du patient à sa sortie de l’hôpital.
A l’origine de notre expérimentation, nous avions préparé un questionnaire par
orthophoniste et trois par patient : avant, pendant et après sa rééducation. Pour les
orthophonistes, il nous est apparu que les réponses obtenues avec un questionnaire
seraient moins spontanées et moins développées que lors d’un entretien, comme nous
l’avons déjà expliqué. Cependant, nous aurions peut-être eu plus de retours qui auraient
permis de chiffrer nos résultats. Nous avons préféré les entretiens et l’analyse
qualitative que cela impliquait.
65
Pour les patients, les questionnaires avant et pendant la rééducation s’avéraient
inadaptés puisque nous avons étudié des dossiers de patients dont la rééducation était
terminée. Quant au questionnaire après la rééducation, il n’était pas pertinent du fait que
la rééducation terminée à Morancé ne signifie pas la même chose que la rééducation
terminée en libéral puisqu’un patient poursuit généralement sa rééducation de la
déglutition en sortant de Morancé.
4.4.2. La population
Le nombre restreint de dossiers et d’orthophonistes de cette étude nous empêche de
faire une étude statistique. Nous ne pouvons donc généraliser nos observations : nos
conclusions s’appliquent à cette étude uniquement.
Cependant, il est intéressant de noter que les orthophonistes qui ont participé à l’étude
ont été diplômées à des dates différentes et viennent de trois écoles, ce qui permet une
diversité de l’échange.
4.5. INTERET DE CETTE ETUDE
Lors de la recherche de notre sujet, nous avons pu constater que très peu de mémoires
d’orthophonie étaient consacrés à l’étude des laryngectomies partielles. Le choix de ce
sujet permettait donc de faire le point sur les connaissances théoriques et pratiques
actuelles sur ces chirurgies et sur le retentissement que cela occasionne d’un point de
vue orthophonique.
Nous espérons à travers cette étude « démystifier » cette pathologie. Il ne faut pas
refuser ces prises en charge pour leur côté dangereux : cette pathologie peut être
rééduquée en libéral lorsqu’un travail préalable sur le conditionnement à la déglutition a
été mis en place. Si celui-ci n’est pas entièrement efficace, l’orthophoniste en libéral
peut continuer à conditionner le patient en l’aidant à trouver sa position facilitatrice et
en automatisant le protocole de déglutition. Nous avons le souhait d’en faire prendre
66
conscience aux étudiants en orthophonie, voire aux orthophonistes eux-mêmes, pour
peut-être les motiver à s’investir davantage dans ce type de rééducation.
4.6. APPORTS PERSONNELS
En tant que future orthophoniste nous nous sommes enrichie de cette expérience pour
approfondir nos connaissances sur la méthode de rééducation d’une CHEP, ce qui nous
sera utile dans un avenir proche. De plus, le fait que peu d’orthophonistes prennent en
charge ce type de rééducation nous offre une pratique professionnelle recherchée.
Les entretiens avec les orthophonistes furent l’occasion d’un échange riche sur les
possibilités concrètes offertes pour cette pathologie. Nous avons pu saisir les nuances
des rééducations en fonction de l’orthophoniste et de ses formations, nous avons ainsi
découvert différentes manières d’appréhender le patient : du massage buccal aux
techniques manuelles.
Par ailleurs, un stage au centre de Morancé nous a permis de nous construire une
pratique à partir de nos apprentissages théoriques. Nous avons côtoyé une équipe de
professionnels, participé à leurs réunions, assisté à des consultations ORL, observé le
fonctionnement de ce centre et contribué aux rééducations orthophoniques.
Rencontrer les patients a été le moyen d’obtenir des informations qu’ils ne nous auraient
probablement pas dévoilé dans un autre contexte : nous pensons spécifiquement à ce qui
nous a été dit sur la nécessité de la confiance avec le thérapeute. Nous garderons cette
idée très présente lors de notre futur exercice.
Notre formation, notre stage à Morancé ainsi que l’apport de l’élaboration de notre
mémoire, nous ont amené à conclure sur quelques remarques qui pourraient aider les
orthophonistes en libéral à prendre en charge des rééducations de CHEP. Nous nous
sommes également inspirée du mémoire de F. Frederic et de M. Piastrino (1996).
67
CONSEILS AUX ORTHOPHONISTES LIBERAUX SOUHAITANT PRENDRE EN CHARGE DES CHEP
Recueil du maximum de données médicales :
L’orthophoniste doit obtenir le compte-rendu opératoire du patient afin de
connaître l’exérèse exacte, les structures anatomiques conservées, l’innervation
sacrifiée. En effet, la rééducation orthophonique vise à renforcer et à remuscler
les structures restantes : il est primordial pour l’orthophoniste de connaître ces
structures.
Recueil du bilan de la réadaptation fonctionnelle de la déglutition et de la
phonation du patient :
Connaître le type de fausses routes éventuelles, l’efficacité de la toux, les
stratégies de compensation efficaces et la position facilitatrice a adopter vont
permettre à l’orthophoniste de poursuivre la prise en charge dans la continuité de
ce qui a été entrepris en centre.
Entrer en contact avec l’équipe pluridisciplinaire de l’hôpital ou du centre d’où
vient le patient :
L’orthophoniste peut ainsi recevoir des conseils, demander des précisions aux
spécialistes qui ont déjà pris en charge ce patient.
Entrer en contact avec les autres professionnels qui vont prendre en charge ce
patient (kinésithérapeute) :
Les professionnels peuvent ainsi échanger leurs observations dans le but d’une
prise en charge globale du patient.
Suivre une formation complémentaire à la formation initiale.
L’orthophoniste peut ainsi développer sa pratique professionnelle et se tenir
informé de l’actualité thérapeutique dans ce domaine.
68
4.7. OUVERTURE
Cette étude pourrait être poursuivie de différentes manières. Nous avons notamment
trois pistes qui mériteraient d’être explorées pour compléter nos données et notre
recherche.
4.7.1. Les CHEP sans troubles de déglutition post-opératoires
Après une CHEP, un certain nombre de patients n’ont pas de troubles de la déglutition
post-opératoire. Dans notre mémoire, nous ne nous sommes pas intéressée à cette
population. Il est important de prendre note de ce constat. Nous n’avons pas de chiffres
concernant ces cas, mais une étude à ce sujet pourrait être intéressante : quelle
proportion ces patients représentent-ils parmi tous les patients opérés d’une CHEP ?
Comment expliquer ces variations de délai dans la reprise alimentaire?
4.7.2. Les apports des différents lieux de rééducation
Dans le cadre de cette étude, nous n’avons retenu que le centre de Morancé. Une
nouvelle recherche menée dans d’autres centres pourrait permettre de comparer les
prises en charge afin de voir s’il est possible d’améliorer encore les rééducations des
patients en mettant en commun les expériences des différents lieux de rééducation.
De la même manière, une étude sur la rééducation de la déglutition en ambulatoire
permettrait d’appréhender ce type de prise en charge sous un angle nouveau et une
comparaison plus fine du soin apporté selon le lieu de rééducation.
4.7.3. Les bénéfices de la rééducation de la déglutition à long terme
Pour finir, une étude longitudinale serait intéressante à mener auprès de patients opérés
d’une CHEP. Cela permettrait de mieux appréhender les effets à long terme de la
rééducation de la déglutition et d’observer l’efficacité de cette dernière à distance de
69
l’opération. Les questions suivantes pourraient être explorées : quelle est l’espérance de
vie du patient après une CHEP ? Les pneumopathies sont-elles fréquentes ? Des
réponses à ces questions permettraient de mesurer l’efficacité de la rééducation
orthophonique au niveau de la déglutition, l’objectif étant que le patient parvienne à se
nourrir sans risque à terme.
70
Le développement récent des chirurgies partielles reconstructives est une grande
avancée chirurgicale. Celles-ci permettent la conservation des trois fonctions du larynx :
respiratoire, sphinctérienne et phonatoire. Le carrefour aéro-digestif est préservé.
Cependant, cette opération laryngée occasionne fréquemment des troubles de la
déglutition. Leur prise en charge est inscrite dans le décret de compétences des
orthophonistes. « Art. 3. - L'orthophoniste est habilité à accomplir les actes suivants :
(…) 2. Dans le domaine des pathologies oto-rhino-laryngologiques : la rééducation des
troubles de la déglutition (dysphagie(…) ) » ( site internet , 2002).
Après son opération, le patient va faire des essais alimentaires à l’hôpital. Selon
l’efficacité du geste de déglutition qu’il met en place, il sera ensuite orienté vers un
centre ou un cabinet libéral. En centre, il va suivre une rééducation intensive de
l’alimentation. En libéral, la rééducation porte plutôt sur l’alimentation liquide et sur un
travail vocal.
Le centre et le cabinet libéral sont donc deux lieux d’accueil différents pour deux
catégories de patients. Les rééducations menées dans l’un ou dans l’autre n’ont donc pas
les mêmes objectifs. Cependant, elles ont certaines similitudes.
Dans le cadre de notre étude, nous avons cherché des orthophonistes qui rééduquent ces
patients. Notre difficulté face à cette recherche et le nombre d’orthophonistes qui ont
favorablement répondu à notre requête est le reflet du manque d’orthophonistes qui
mènent ce type de rééducation. Et l’on peut alors facilement imaginer la difficulté du
patient à poursuivre sa rééducation près de chez lui.
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la profession d'orthophoniste :
http://www.orthophonistes.fr/Theme.php?NumTheme=20&Article=7
Adénopathies : affection des ganglions lymphatiques.
Glotte : espace compris entre les bords libres des deux cordes vocales à l’avant et les
deux cartilages aryténoïdes à l’arrière. La glotte fait partie de l’étage moyen du larynx.
Ceinture scapulaire : ensemble formé par les deux clavicules et les deux omoplates,
reliant les membres supérieurs au tronc par l’intermédiaire du sternum.
Examen vidéoradioscopique de la déglutition : examen radiologique dynamique qui
opacifie la première partie du tube digestif et permet d’observer la manière dont le
patient déglutit.
Fistule : orifice faisant communiquer la trachée et l’œsophage.
Jabot post-radiothérapique : augmentation de volume visible, molle ou souple, de la
région située sous le menton à la partie antérieure du cou.
Per os : par la bouche.
Pexie : fixation (CHEP : fixation des cartilages préservés entre eux).
Sinus piriformes : situés dans l’hypopharynx, ils sont le lieu de passage des aliments
avant leur transit dans l’œsophage.
Stase pharyngée : amas de salive ou d’aliments dans les replis muqueux du pharynx en
raison d’une mauvaise progression du bol alimentaire.
Sténose : rétrécissement d’un conduit ou d’un organe naturel.
TO : Transit Œsophagien, terme obsolète employé par abus de langage. On parle
aujourd’hui d’examen vidéoradioscopique de la déglutition.
Trachéostome : orifice définitif dans le cou par lequel l’air va pouvoir parvenir aux poumons. Trachéotomie : incision créant un orifice provisoire permettant à l’air d’arriver aux poumons, effectuée lors de l’opération chirurgicale.
Annexe 1 : Corpus de l’entretien avec Madame L.
Annexe 2 : Corpus de l’entretien avec Madame B.
Annexe 3 : Corpus de l’entretien avec Madame E.
Annexe 4 : Corpus de l’entretien avec Madame C.
Annexe 5 : Corpus de l’entretien avec Madame G.
Annexe 6 : Corpus de l’entretien avec Madame A.
Annexe 1 : Corpus de l’entretien avec Madame L.
S : Si je te dis Orthophonie et CHEP, à quoi ça te fait penser ? A : Orthophonie et CHEP… Rééducation de la déglutition dans un premier temps, de la voix ensuite. S : Au niveau de la rééducation orthophonique, donc toi tu travailles à Morancé. A : Oui. S : Est-ce que tu peux m’expliquer la manière dont tu vois les patients, quand, comment, etc. A : Alors, à Morancé les patients sont vus une ou deux fois par jour, deux fois par jour quand c’est possible. Donc on est 5 orthophonistes, ils sont vus à priori par 2 orthophonistes, on essaie de tourner comme ça. On les voit par séances de 20 minutes puisque ce sont des séances assez techniques, donc c’est fatiguant. D’abord il y a un travail de praxies qui est fait. Donc là est-ce que tu veux que j’approfondisse les différentes praxies qu’on fait? S : Oui, je veux bien. A : Le travail de praxies, alors ça comprend les praxies de tout le visage, donc les lèvres, les joues, la mâchoire, et puis un travail de la langue aussi, surtout pour ce qui est du recul de la langue. Et puis ensuite, il y a un travail qui est praxique aussi : la répétition de syllabes, qui aide à l’ascension du larynx, et aussi au recul de la langue. On peut y associer un travail de glottages, donc sur des voyelles, et là aussi c’est pour travailler finalement le sphincter qui a été modifié, et étant donné que les cordes vocales ont été supprimées, il faut qu’il y ait un nouveau sphincter qui se fasse et qui soit étanche. Donc ces glottages et ces exercices un petit peu en force servent à remuscler pour que la fermeture puisse être efficace. Donc ça, c’est la première partie. Alors on commence par ça et puis au bout d’un moment on introduit les essais alimentaires avec l’accord du médecin en général. Donc pour ça il faut que le patient ne soit pas trop encombré, et puis qu’on ait l’impression que sur les déglutitions à vide, ça ne se passe pas trop mal. C’est-à-dire que le conditionnement est déjà un petit peu en place. En général le conditionnement, on essaie de l’avoir un peu à vide, et puis ensuite avec les essais pâteux pour commencer. S : Et alors justement, comment tu sais quand c’est bon ? A : Comment je sais, une fois que j’ai fait les essais ? S : Quand tu les as fait à vide, comment tu sais que tu peux passer à l’étape suivante ? A : En général, parce qu’il y a l’avis du médecin qui dit qu’effectivement l’état du patient permet de faire des essais. C’est vraiment au niveau de l’encombrement : s’il est très encombré, on ne va pas faire des essais et risquer qu’il fasse une pneumopathie parce qu’il ne peut pas bien se dégager. Donc on vérifie aussi qu’il sait, qu’il peut se dégager efficacement. Et puis, en général, les médecins eux-mêmes essaient une première cuillère de pâteux et regardent comment ça se passe. Si jamais on voit que vraiment il n’y a pas du tout de toux réflexe, que finalement le patient n’évacue pas bien, on peut aussi décider d’attendre encore un peu avant de commencer. S : D’accord, donc finalement c’est assez subjectif ? A : Oui, c’est assez subjectif, sauf si on fait un TO. Mais souvent on ne fait pas le TO tout de suite au début quand même. On attend de faire quelques essais aux pâteux parce que… Ben sinon le patient n’est pas assez conditionné donc il risque de faire quelque chose qui n’est pas représentatif au TO. Et finalement, un TO qui n’est pas représentatif
de ce qui est fait pendant les séances, ça ne sert à rien. Donc l’idée c’est de faire quelques essais. Alors au début, on fait très peu de cuillères. On peut faire une cuillère, deux cuillères ou trois si on a un patient avec qui ça se passe bien. Un patient avec qui ça se passe bien, on le vérifie aussi avec les kinés. Donc on a une feuille de transmission, on note l’essai qui a été fait, et les kinés, après avoir fait souffler le patient notent s’il y avait des traces ou pas. S : Et les kinés alors ils interviennent quand ? A : Ils interviennent après chaque essai alimentaire. Ils peuvent déjà intervenir avant, c’est-à-dire qu’on conseille aux patients d’aller travailler chez les kinés pour se désencombrer, même s’il n’y a pas d’essai. Et ensuite, à chaque fois que l’on fait un essai, on leur demande de descendre chez les kinés souffler, et puis éventuellement cracher ce qu’ils ont envie de cracher. Alors ça peut être de la salive, ça peut être muqueux, ça peut être muqueux purulent, donc ça, ça permet de vérifier éventuellement s’il y a une infection ou pas. Et puis en plus, ils vérifient s’il y a des traces d’aliments ou pas. S : D’accord. Alors après, tu parlais de cuillères, d’aliments, etc. As-tu une progression alimentaire particulière ? A : Ben là, on commence toujours par des pâteux froids, donc en général toujours sucrés au début : donc soit des flans, soit des yaourts ou des compotes. Une fois qu’on voit que ça se passe bien avec tous les contrôles possibles : le TO, les kinés, etc., progressivement on propose au patient des essais chauds. Ensuite c’est chaud et salé : de la purée, là on est présent et on peut faire aussi un nombre très restreint de cuillères, ensuite on élargit petit à petit la quantité. Il peut y avoir aussi des essais salés froids, de flans de légumes ou de choses comme ça. Et puis ensuite en général on passe à la rééducation des liquides : en séance, et puis progressivement le patient va passer… Enfin, donc une fois qu’il a élargit ce qu’il mange, parce que progressivement il va manger seul, ce qui est mixé, même s’il ne boit pas encore, et petit à petit on va l’amener à du mouliné : donc de la viande hachée, des légumes tendres ou très cuits, pour éventuellement ensuite arriver à une alimentation normale. Donc ce qui veut dire que finalement, les liquides sont travaillés en parallèle en séance. Oui, il y a deux progressions : il y a ce que le patient peut manger petit à petit, donc il peut encore en être à une texture mixée, et puis commencer à avoir le droit de boire des liquides entre les séances, tout comme il peut manger parfaitement, avoir une alimentation normale et ne pas encore être autorisé aux liquides. Ca évolue un peu en parallèle. S : D’accord. Alors après, donc toi tu travailles uniquement en centre ? A : Au niveau de la déglutition oui. S : Donc toi qui n’a pas de point de vue peut-être pratique au niveau du travail sur la déglutition en libéral, est-ce que tu imagines des points forts ou faibles au centre et au libéral ? Pour l’ortho dans un premier temps. A : Ben moi, surtout en tant que débutante dans ce milieu là, ce que je trouve hyper important en centre c’est déjà qu’il y ait l’avis d’un médecin à qui on peut demander des contrôles : donc le TO. Ca peut aussi être des contrôles au fibroscope pour vérifier comment est la fermeture, etc. C’est sûr qu’en libéral on peut envoyer le patient reconsulter son ORL, etc., mais c’est quand même beaucoup moins pratique : déjà on n’est pas présents, ça prend plus de temps, le retour est par courrier, pas en direct, et puis c’est à moindre fréquence, c’est-à-dire qu’on ne peut pas l’envoyer toutes les semaines chez son ORL. Donc c’est le point négatif pour le libéral, et en même temps positif pour le centre. Et puis surtout, très important aussi, pour les essais alimentaires,
c’est qu’il y ait le contrôle kiné après. Finalement donc, les patients se désencombrent ; et puis qu’on puisse vérifier s’il y a une trace dans les poumons ou pas. Donc là, c’est sûr que moi je m’imagine mal faire des essais alimentaires avec quelqu’un, même si je sais qu’il a une toux réflexe, si je ne sais pas comment il va se désencombrer après. J’imagine qu’en libéral, c’est l’orthophoniste qui s’occupe d’inventer un système pour que le patient puisse se désencombrer, mais ça me paraît être moins sécurisant finalement. S : D’accord. Donc c’est tout ce qui te vient ? A : Oui, alors attend, est-ce qu’il y a d’autres choses ?Ben il y a aussi quand même le travail en synthèse pour l’équipe, donc le fait qu’on ait des contacts avec l’équipe soignante, avec la psychologue, et qu’on ait aussi un avis à donner sur ce qui se passera pour le patient ensuite. Alors en libéral aussi on aura un avis à donner, mais enfin quand on n’est pas en contact directement avec les autres intervenants, ça me paraît bien plus compliqué et finalement peut-être que les adaptations sont pas toujours faciles à mettre en place du coup en libéral. Qu’est-ce qui pourrait me venir d’autre ? Ben le fait que si vraiment il y avait un problème ici, c’est-à-dire un patient qui, je sais pas, qui a un problème en séance, qui vraiment s’étouffe, etc., il y a du monde qui est spécialisé. Il y a toujours quelqu’un quoi. C’est vrai qu’en libéral, on n’a pas ni le matériel, ni les personnes autour qui peuvent venir en aide s’il y a un problème. S : D’accord. C’est bon ? A : Je crois que c’est tout ce qui me vient oui. S : Maintenant au niveau de toi et de ta formation, est-ce que tu peux nous expliquer d’où tu viens, ce que tu as vu en stage, à l’école, etc. A : Dans le domaine de la déglutition ? S : Oui. A : A ben ça va être très bref ! Donc moi j’ai fait ma formation en partie en Belgique. Je suis entrée à l’université de Bruxelles, directement en licence, en troisième année et donc j’ai fait 3 ans de formation spécialisée. C’est pas très clair ce que je raconte !J’ai fait d’abord l’équivalent de 2 ans en France, donc une licence de psycho qui équivalait aux 2 premières années en Belgique et ensuite j’ai fait 3 ans là-bas. Sur la déglutition, on a eu des cours sur la physiologie et on a eu quasi pas voire, pas du tout de cours sur la déglutition. Sachant que l’approche là-bas est un peu différente de l’approche ici, c’est-à-dire que là-bas, ils considèrent que pour les choses très spécialisées, comme la rééducation de la déglutition, si on n’a pas fait de stage dans ce domaine, on ne peut pas imaginer rééduquer ce genre de pathologie, et que on ne peut pas non plus se spécialiser dans tous les domaines. Donc il y a des personnes de ma promo qui ont fait des stages dans des centres spécialisés, et qui se sont formés finalement à ce moment-là. J’imagine qu’on leur a donné une bibliographie, etc. et elles se sont vraiment formées sur le terrain. Donc ils n’estimaient pas que c’était nécessaire de connaître la physiologie, les opérations, les différents problèmes qu’il pouvait y avoir, mais au niveau rééducation, on ne nous a pas donné tellement de pistes. Donc finalement, moi c’est en faisant mon stage d’équivalence ici à Morancé que j’ai appris comment faire. S : D’accord, donc une fois diplômée en fait. A : Oui. Enfin oui, j’avais pas encore mon équivalence pour travailler en France, je l’ai eu suite au stage que j’ai fait ici. S : D’accord. Et comment est née ta vocation pour t’intéresser à ce domaine ? A : Je me suis toujours intéressée aux problèmes ORL, mais au départ c’était plutôt la voix, la surdité en fait tout d’abord, puis la voix. Mon stage spécialisé en Belgique je
l’ai fait dans le domaine de la voix, et j’assistais aux consultations ORL. Je faisais les compléments au bilan, donc c’est vrai que j’ai vu entre autres des patients qui allaient subir des opérations suite à des cancers puisqu’ils étaient dépistés lors de ces consultations-là. Donc je dirai que c’est pendant les stages finalement, même si ce n’était pas un stage vraiment dans ce domaine. Et pourquoi j’ai postulé ici, c’était plutôt pour la rééducation de la voix oesophagienne au départ, et puis en même temps je n’avais jamais vraiment rééduqué de déglutition, mais je ne savais pas trop, mais finalement j’ai trouvé que ça allait de pair. En fait il y a quand même beaucoup d’exercices qui se retrouvent et dans la rééducation de la voix, et dans celle de la déglutition. S : D’accord. Donc maintenant, l’année de ton diplôme ? A : 2005, septembre 2005 en Belgique, puis j’ai eu l’équivalence au mois d’avril/mai. S : Et donc actuellement, quel est ton mode d’exercice ? A : Alors j’exerce ici à mi-temps, à Morancé à mi-temps, et puis à mi-temps en libéral dans un cabinet, je suis collaboratrice. S : Donc, qui n’a aucun rapport avec la déglutition ? A : Non. S : Donc, maintenant au niveau de ta fréquence de prise en charge des CHEP ? A : Alors ça je n’en sais rien du tout. Tu veux dire, combien j’en ai vu ? Ou combien j’en vois là par semaine par exemple ? S : Est-ce que tu estimes en avoir vu beaucoup, pas beaucoup, souvent, etc. ? A : Ben on n’en a pas vu tant que ça en fait, mais faudrait que je regarde, si tu veux je pourrai te le préciser. S : Maintenant donc au niveau des CHEP, tu les prends « toujours » depuis ton… A : Depuis que je travaille ici, oui. S : Donc quasiment depuis que tu es diplômée ? A : Oui. S : Donc au niveau de la rééducation des CHEP, il y a plusieurs choses à rééduquer, on est d’accord ? A : Oui. S : Et donc toi, tu rééduques plutôt la voix, la déglutition, les deux ? A : Et bien ici, en général quand ils arrivent c’est pour des problèmes de déglutition. Il y a certains exercices qui serviront pour la voix, c’est-à-dire que la voix en général elle s’améliore au cours du séjour ici, mais enfin ce n’est pas notre objectif. En même temps par exemple si on me proposait une rééducation de CHEP en libéral pour la voix (xxx). D’ailleurs j’ai, enfin ce n’est pas une CHEP, mais j’ai rééduqué un monsieur pour la voix en libéral qui a eu une chirurgie, mais une laryngectomie partielle. S : D’accord. Donc à Morancé tu fais déjà déglutition, ça induit un petit peu sur la voix, mais tu n’approfondis pas plus. A : En général, il n’y a pas vraiment le temps, parce que le temps de leur séjour… Si le séjour est prolongé justement, c’est parce que le plus souvent il y a des problèmes de déglutition, donc, du coup, on se concentre vraiment là-dessus. S : Et justement, au niveau du séjour moyen, tu le situerais à combien de temps ? A : Alors quand il y a des rayons, c’est 6 semaines. Enfin c’est ce qui est prévu, ça peut être prolongé. Sinon, sans rayons c’est parfois un peu plus court, mais 6 semaines disons, c’est ce qui est prévu. C’est vrai que je pense qu’il y a souvent des prolongations quand même. Donc je pense que le temps moyen va être supérieur à ça.
S : Et donc après, quand les patients sortent de Morancé, ils se dirigent autre part où ils rentrent chez eux ? A : Non, en général ils rentrent chez eux et on les oriente vers une orthophoniste qui va continuer à les rééduquer. Alors ce qui se passe, c’est que quand ils mangent pas trop mal, ça va bien. Par contre, quand la rééducation a été très difficile, et que, finalement, il y a eu peu de résultats, du coup ils rentrent chez eux sans manger. En général, on leur pose une sonde de gastro. Et là, c’est difficile de savoir ce qui se passe ensuite. Parce que… Ben il y a un monsieur comme ça, je ne sais pas si tu l’as connu qui est parti là, il continue la rééducation en libéral, sauf que c’est difficile de faire les essais. Les orthophonistes, je pense qu’elles sont confrontées à pas mal de problèmes quand il s’agit de rééduquer encore les pâteux et qu’il y a des fausses routes à chaque cuillère. C’est compliqué. S : D’accord. Donc, après au niveau de l’opération, est-ce que toi tu as accès au compte-rendu opératoire précis. Est-ce que tu connais la chirurgie précise qui a été faite sur le patient ? A : J’y ai accès en tout cas, puisqu’on a accès au dossier médical. Oui, en général je la connais, ça peut m’arriver d’oublier. S : Est-ce que si tu estimes qu’il te manque une information dont tu as besoin pour ta rééducation dans le dossier, est-ce que tu as la possibilité de demander au chirurgien facilement des renseignements ? A : Je ne l’ai jamais fait. Je crois que ce qu’on fait plutôt en général, c’est que les médecins ici, quand ils font la fibroscopie, ils nous donnent les éléments qui manquent. C’est-à-dire que finalement, eux ils voient bien ce qui reste et ils nous le disent. Et ça, ça suffit. S : D’accord. Alors maintenant, tout à l’heure au niveau de ta formation, j’ai oublié de te demander si tu avais suivi une autre formation dans le cadre de la déglutition. A : Ben oui j’ai suivi la formation avec Alain PIRON et Jean-Blaise ROCH, qui s’appelle Ostéovox1. Et puis, ben il n’y a pas longtemps on a eu une journée spécifiquement sur la déglutition. S : D’accord. Et donc Ostéovox, tu peux nous en dire un peu plus ? A : En gros l’idée, c’est de pouvoir utiliser des thérapies manuelles pour rendre de la mobilité là où elle est perdue. Donc, entre autre, par exemple là où il y a eu une opération, au niveau musculaire, au niveau des tissus, il y a beaucoup de perte de mobilité. Donc on peut effectivement assouplir –assouplir ce n’est pas le mot-. En fait je n’arrive pas à aller plus loin. L’idée c’est de rendre la mobilité. Maintenant ça ne peut pas se faire sur des tissus abîmés, donc sur des chirurgies trop récentes où quand il y a des rayons. Donc ici ce n’est pas toujours possible de l’appliquer avec les patients. Et puis, l’idée aussi c’est de pouvoir travailler en fonction : donc soit en fonction de phonation, soit pendant la déglutition, faire des manipulations qui permettent d’aider à la déglutition où trouver une position facilitatrice avec éventuellement une manipulation associée qui permette de rendre la déglutition plus facile. S : D’accord, donc ça peut t’arriver de faire avec des patients qui ont une CHEP des manipulations manuelles. A : Oui, ça dépend du coup. S : Après, j’ai aussi oublié de te demander la posture. Est-ce que tu fais prendre une posture particulière au patient ?
1 Techniques manuelles
A : Tu vois, c’est là que j’ai du mal à généraliser, à dire oui, avec les CHEP en général je fais comme ça, avec ces chirurgies je fais comme ça, parce que je n’ai pas du tout assez de recul. Maintenant, il me semble que la position facilitatrice la plus adaptée c’est la tête penchée en avant. S : Pour en revenir au niveau des fausses routes, si tu vois qu’il en fait une devant toi, qu’est-ce que tu lui fais ? Si tu vois que le patient va tousser, donc il a avalé de travers on va dire, qu’est-ce que tu fais ? A : Alors je le laisse tousser pour que ça remonte, puis parfois je lui demande de souffler comme ça (elle fait un grand souffle, comme pour mettre de la buée sur une vitre) pour encore faire monter un peu. Quitte à finalement fausser la petite fiche kiné, puisque peut-être qu’il va tout faire ressortir en séance, mais ce n’est pas grave. Finalement quand il vient de faire la fausse route, s’il souffle tout de suite après, ça ressort facilement. Plus on attend, plus ça risque d’être difficile à ressortir. S : D’accord. Alors au niveau de la relation avec le patient maintenant. Quand es-tu amenée à le rencontrer pour la première fois ? A : Soit à sa visite d’entrée, soit juste après, quand on a autorisation de le voir. S : Donc, jamais avant l’opération ? A : Non. S : Au niveau du patient toujours, est-ce qu’il a certaines demandes quand il arrive pour la première fois ? Au niveau de quelque chose qu’il n’aurait pas compris au niveau de sa chirurgie, ou est-ce qu’il peut avoir des demandes spécifiques ou pas spécialement ? A : Je trouve qu’ils n’en ont pas beaucoup. Il y en a plus pour les laryngectomies totales, il me semble. S : Donc toi est-ce que tu vas expliquer des choses sur la chirurgie et sur ses conséquences sans qu’il te demande ou pas ? A : J’explique pourquoi c’est difficile de manger, même si je n’explique pas très précisément la chirurgie. J’explique qu’il y a eu une modification. J’explique en gros si tu veux. Oui, je lui explique pourquoi finalement ça peut arriver qu’il fasse des fausses routes, et du coup pourquoi c’est important de travailler avant qu’il puisse manger. S : Et tu expliques systématiquement ou ça va dépendre du patient que tu as en face de toi ? A : Ca dépend du patient. Il me semble que je n’explique pas forcément toujours à son arrivée. Souvent, à la première rencontre on fait un peu le bilan de comment ça bouge. Voilà, il me parle de ce dont il a envie de parler, des fiches administratives, etc. Et c’est vrai que, oui je pense qu’en n’en parle pas toujours de prime abord. S : Alors, toi, quand juges-tu que la rééducation est terminée ? A : Quand le patient ne fait pas de fausse route, donc qu’il n’y a pas de toux pendant les séances, et puis qu’il y a eu un contrôle, enfin qu’il n’y a pas de trace pour les kinés non plus, donc on sait qu’il n’y a pas de fausse route silencieuse. Et puis qu’il y a eu un contrôle TO quand même. S : D’accord. Donc ça c’est pour la rééducation au centre de Morancé. A : Oui. C’est-à-dire finie… En général, ça arrive qu’elle soit finie, mais souvent quand même, ils partent et ce n’est pas tout à fait fini, c’est-à-dire qu’ils mangent, mais mixé, donc en général on les oriente quand même vers une orthophoniste pour continuer en libéral pour justement arriver au bout du travail. S : Et justement en t’imaginant en libéral quand est-ce que tu pourrais juger que c’est fini ?
A : Alors ça je n’en sais rien justement ! Ben oui quand j’aurai l’impression que ça se passe bien et, les mêmes raisons finalement mais sans les contrôles autour, donc je serai moins sûre de moi j’imagine ! S : Et au niveau du contact postérieur à la rééducation, est-ce que tu peux en garder ? A : On peut… C’est soit à travers les orthophonistes vers qui on a orienté les patients, soit parce qu’ils donnent des nouvelles spontanément. En général pas tellement. S : D’accord. Et à travers les orthophonistes ce serait dans un objectif précis ? A : En général ça ne vient pas de moi, c’est plus les orthophonistes qui nous contactent. S : D’accord. Alors maintenant au niveau des habitudes nocives, est-ce que tu penses avoir un rôle à jouer à ce sujet ? A : Bien oui, oui et non. C’est-à-dire que c’est le médecin quand même qui explique que par exemple le tabac ou l’alcool, ça a des conséquences nocives, que ça a été probablement une des causes de la maladie, et que s’ils continuent à fumer –en général c’est ça-, que ça risque effectivement de se rétablir moins vite, et puis qu’il peut y avoir des récidives. Donc ça, c’est au médecin de l’expliquer. Maintenant nous finalement, quand on fait une anamnèse, on lui parle vraiment de ça, et déjà on demande s’ils sont dans une démarche d’arrêt, etc. et ça peut arriver qu’au cours de la rééducation ce soit évoqué. Mais moi je ne permets pas de donner beaucoup de conseils par rapport à ça et je n’insiste pas tellement en fait. Souvent, je propose éventuellement qu’ils en reparlent au médecin s’ils me font part de leur envie d’arrêter de fumer, mais je sais que c’est difficile. Par exemple, je propose une rencontre avec la psychologue éventuellement. S : D’accord. Alors maintenant, au niveau du rôle de la réintégration socioprofessionnelle, Comment penses-tu que la rééducation joue un rôle ? A : La rééducation , finalement un de ses objectifs, c’est que le patient puisse remanger le mieux possible, et boire aussi. Donc c’est sûr qu’une personne qui ne peut ni manger ni boire, elle est vraiment mise de côté, ne serait-ce que déjà dans son milieu familial. Mais c’est pareil finalement au boulot. Souvent, il y a des repas entre collègues, etc., donc c’est finalement l’objectif qui fait que au milieu de la rééducation, ça n’a pas tellement d’incidences finalement. Ce qui a une incidence, c’est au moment où le patient peut se remettre à manger. Alors après, ça peut être des choses qui sont abordées aussi avec lui, justement la difficulté d’être à table avec des gens qui mangent et de pas pouvoir manger, des choses comme ça. Mais là on a plus rôle d’écoute à ce moment-là de ses difficultés et c’est vrai qu’on ne peut pas y faire grand chose. S : Merci, et bien c’est tout. J’aimerai juste savoir si tu as d’autres choses à rajouter, qui te viennent en tête ? A : Non…
Annexe 2 : Corpus de l’entretien avec Madame B.
S : La première question : si je vous dis orthophonie et CHEP, à quoi ça vous fait penser ? C : A la prise en charge, à la rééducation post-opératoire, essentiellement un travail hospitalier, et rééducation donc de la voix et de la déglutition. S : D’accord. Donc vous, au niveau de votre formation, initiale, est-ce que… C : Ca remonte très loin ! S : Voilà, donc l’année du diplôme, l’école ? C : Donc moi je suis diplômée de 70 et je me suis tout de suite orientée sur l’ORL. S : Donc quand vous étiez à l’école vous avez fait des stages dans ce domaine ? C : Les CHEP n’existaient pas à ce moment-là. S : Oui. C : Puisque moi j’ai travaillé dans l’équipe du Docteur Labayle qui a mis au point la CHP, et donc c’était quelque chose qui naissait. Donc ça c’est développé progressivement, mais au moment où moi j’étais à l’école, il n’y avait ni CHEP ni CHP. S : D’accord. Mais vous vous êtes déjà beaucoup intéressée à la partie ORL à ce moment-là où c’était après ? C : A ce moment-là oui. Là déjà j’étais en stage et j’ai eu la chance d’être embauchée justement dans l’équipe de Monsieur Labayle à l’hôpital (xxx). S : D’accord. C : J’ai tout de suite choisi l’ORL. S : D’accord. Et donc, votre parcours professionnel : vous avez travaillé à l’hôpital ? C : Oui. S : Et après vous êtes venue directement en cabinet ? C : Non, je garde un mi-temps hospitalier et un mi-temps libéral. S : D’accord. Donc encore actuellement. C : Oui. S : Et est-ce que vous avez suivi des formations complémentaires en rapport avec la partie ORL ? C : Pas mal oui ! S : Des apprentissages spécifiques ? C : Bien apprentissages spécifiques…Oui ça a dû m’arriver. Par exemple si je reprends dans les 5 dernières années pour pas aller au-delà parce qu’après bon je ne me rappelle plus trop vous savez, mais dans les 5 dernières années j’ai fait la formation d’Amy de la Bretèque, j’ai fait ensuite un DIU qui s’appelle voix parole et déglutition qui donc se fait dans les universités de Toulouse, Montpellier, Marseille et Bordeaux. Et puis là cette année j’ai pris une formation Ostéovox, que vous devez connaître, à Lyon. S : Oui. C : C’était à l’époque où elle se faisait à Saint-Etienne. Voilà. Donc ça c’était (xxx) les 5 dernières années. Et puis sinon je suis, mais c’est peut être moins ciblé ORL, depuis 89, je fais une formation Feldenkrais, que j’entretiens tous les ans. Je continue les stages de Feldenkrais. S : D’accord. C : Voilà. S : Alors ensuite, donc, la vocation… Vous m’avez dit dès le début. Alors à peu près à quelle fréquence vous prenez en charge des CHEP ? En cabinet ?
C : S’il y a des problèmes de déglutition : 2 fois par semaine. S : Oui. C : S ‘il n’y a pas de problème, très vite je passe à 1 fois par semaine. S : D’accord. C : Ca dépend si le patient, si je sens que le patient est très anxieux, a besoin d’être rassuré, etc. Mais comme je vous dis généralement quand ils sortent de l’hôpital ils ont déjà quand même un bon geste de déglutition. Ils ont peu de soucis sauf notamment avec les liquides. S : D’accord. Donc depuis quand ? Vous m’avez répondu : depuis que ça existe. Vous rééduquez la voix et la déglutition ? C : Oui. S : Alors au niveau du lieu de la rééducation, est-ce que ça se passe toujours à votre cabinet ou est-ce que vous pouvez, selon les cas, allez chez le patient ? C : Non, je ne fais jamais à domicile, mais sinon, comme je vous ai dit, il se peut que ce soit des patients que j’ai suivi à l’hôpital, et puis après quand ils sortent de l’hôpital, si le chirurgien les envoie ici en ville, je les prends ici. Je ne vais jamais à domicile. S : D’accord. Et donc au niveau de ce que vous faites, tout à l’heure vous me parliez d’essai avec du thé, est-ce que vous faites des essais avec d’autres textures ? C : Oui bien sûr. Ca ça dépend, parce que quand je fais avec du thé, c’est que le patient arrive déjà à manger le reste. Donc sinon ça peut être yaourt, crème, enfin des… J’allais dire les basiques. S : D’accord. C : Les fondamentaux de la rééducation de la déglutition. S : Et donc à ce moment-là c’est le patient qui les amène où c’est vous qui les fournissez ? C : Ca dépend, généralement c’est le patient qui les apporte. S : D’accord. C : Parce que au moins je suis sûre que… S : Il prend ce qu’il aime. C : Voilà. Il n’a pas que les choses qu’il aime. S : Alors donc, la fréquence vous me l’avez dit. La durée d’une séance à peu près ? C : ¾ d’heure. S : Oui, et est-ce que vous auriez une approximation d’un temps d’une rééducation dans le temps ? C : Sur la dysphagie c’est difficile. Je dirai que l’ensemble, les 2, faut compter une bonne année. Entre 1 an et 18 mois. Une bonne année. Pour la dysphagie comme je vous ai dit, ils sont déjà bien entraînés quand ils sortent de l’hôpital, donc 1 mois à peu près d’hospitalisation et de rééducation. Si vraiment ça se passe mal, il va y avoir 1 mois ou 2 en maison de convalescence où on va redynamiser la fonction. Et donc généralement la rééducation de la dysphagie, on y revient ponctuellement, mais généralement 2 mois ça devrait être bouclé. S : D’accord. Donc après vous travaillez plus sur la voix ? C : Plus sur la voix, mais bien sûr en restant toujours à l’écoute des difficultés que peut encore rencontrer le patient et s’il dit : bien oui je me suis étouffé hier, bon alors sur quoi, etc. ? Quelle texture? Donc on le travaille. S : D’accord. Donc après est-ce que vous voyez des points forts ou des obstacles aussi bien en cabinet que vous connaissez qu’en centre ?
C : Le point fort du centre, c’est que la rééducation, elle est généralement quotidienne, voire bi-quotidienne,le patient est très encadré. Le point fort de la rééducation en cabinet, c’est que justement le patient est dans son rythme à lui, dans son rythme professionnel, dans son rythme familial, et que donc du coup la situation est moins liée à la maladie. C’est quelque chose de, c’est une fonction normale qu’on a là. S : D’accord donc pour ce qui est des points forts. Et au niveau des obstacles ? C : Au niveau des obstacles ben, c’est quand il y a des grosses difficultés de déglutition, le fait de ne pas pouvoir contrôler visuellement ce qui se passe par exemple avec une fibro de déglutition, se dire : bien, est-ce que ça passe bien ? Est-ce qu’il fait une fausse route silencieuse ?etc. Ca peut être quand même très anxiogène, et pour l’orthophoniste, et pour le patient. Et donc comme je vous disais, je n’ai pas d’aspiration (xxx), je n’ai pas de… Donc c’est éventuellement une manœuvre de Heimlich pour dégager. S : D’accord. Alors après au niveau des méthodes, est-ce que vous utilisez des techniques manuelles ? C : Ca m’arrive oui. Que ce soit la (xxx), soit une contre-résistance ça peut arriver. S : D’accord. Et au niveau des manipulations laryngées ? C : Déjà la (xxx) elle remonte. Au niveau sinon des manipulations droite/gauche, comme un petit peu dans les paralysies, ça, généralement, il n’y en a pas besoin. S : D’accord. C : Par contre développer la posture oui. S : D’accord. Donc au niveau de la posture, quelle est la posture que vous leur faites prendre généralement ? C : Ben, là encore ça dépend de la CHEP. C’est-à-dire que si on a conservé 1 ou 2 aryténoïdes… Donc de toute les façons, en premier lieu c’est la flexion antérieure de la tête, avec le menton bien écrasé sur la poitrine. Et après, il peut y avoir une petite rotation d’un côté ou de l’autre en fonction de s’il y a un aryténoïde de préservé et pas l’autre et que je sens que ça bouge mieux s’il y a une petite inclinai…, une petite rotation. L’inclinaison ça ne donne pas grand chose. S : Plutôt comme ça ? (je penche la tête sur le côté). C : Non, ça s’est une inclinaison. Ca, ça marche pas. La rotation : c’est ça. (Elle tourne sa tête). S : D’accord. C : La rotation c’est comme ça, l’inclinaison latérale comme ça. S : D’accord. Donc vous êtes plus en rotation qu’en inclinaison. C : Oui. S : Au niveau de la progression alimentaire donc ? C : Oui. Donc : pratiquement, à l’hôpital, ce qu’on fait c’est qu’on les démarre tous avec de l’eau gélifiée en premier lieu, parce que bon ben ça si ça passe de travers c’est que de l’eau, ce n’est pas trop problématique au niveau des infections. Donc, une fois que les eaux gélifiées passent bien, on propose, et là bien c’est pareil pour le libéral, soit des compotes, soit des crèmes donc, qui sont quand même un petit peu consistantes. Après, bon c’est après en fonction de la difficulté et du goût du patient. Ca peut être les yaourts, euh il y en a qui n’aiment pas du tout les yaourts. A ce moment-là bon ça sera plus la compote qui est un peu liquide, et puis après bon ben on passe… Bien sûr donc, on surveille en même temps la fiche alimentaire, voir comme vous avez vu là ce que je notais dans l’alimentation de cette dame. Effectivement, voir ce qu’elle élimine, est-ce qu’elle met quand même, est-ce qu’elle prend beaucoup de purée, est-ce qu’elle met de
la viande, est-ce qu’elle met du poisson, est-ce que, etc. Qu’il y ait quand même une alimentation suffisamment équilibrée. Donc éventuellement, quand il y a une grosse difficulté je demande (xxx), je demande à la patiente, je me débrouille pour lui donner un rendez-vous dans une heure décente par rapport à un repas et je lui demande d’apporter un plat. Et à ce moment-là, on voit ce qui se passe. Donc après c’est éventuellement des morceaux, mais généralement bon quand ça passe c’est parfait. Et en dernier lieu les liquides donc avec démarrage par de l’eau pétillante, des jus (xxx). S : D’accord. Et les liquides chauds en dernier ? C : Les liquides chauds, non, pas forcément en dernier. Parce que les liquides chauds ils ont généralement du goût. C’est comme le café, c’est comme le thé, c’est surtout l’eau plate qui (xxx). S : D’accord. C : Le chaud c’est quand même une référence au niveau des récepteurs kinesthésiques. Donc le chaud, souvent c’est quand même pas si dramatique que ça. S : D’accord. C : Chaud et glacé. S : Alors après justement, quand vous faites vos essais, donc les patients vous arrivent de l’hôpital avec un avis médical qui dit que c’est bon, mais quels sont vos moyens de voir si ils continuent de faire des fausses routes ou pas ? C : A bien déjà il y a la façon dont il avale : est-ce qu’il tousse ? Bon, quel est le moyen ? S’il fait une fausse route silencieuse, très vite il va faire de la fièvre. Donc là effectivement, si à l’hôpital on m’a dit que c’était bon, à priori il fait pas de fausse route silencieuse. Donc sinon, ben quand il avale je le fais parler tout de suite pour un petit peu observer la clairance, donc éventuellement tousser, réavaler. Donc c’est surtout la clairance que je teste tout de suite, enfin, assez vite après la déglutition. S : D’accord. Mais est-ce que ça peut vous arriver par exemple de demander un TO, ou ce n’est plus du tout dans vos besoins ? C : Euh… Ca ne m’est jamais arrivé. S : D’accord. C : Non, je n’ai jamais eu ce problème-là dans les quelques cas de CHEP que j’ai vu ici. J’ai jamais eu besoin de ça. S : D’accord. Et sinon est-ce que vous pouvez avoir recours à de la kiné respiratoire ? C : A oui. S : Donc vous les envoyez chez le kiné ou vous les faites souffler avec un… C : Non non non. C’est le kiné. S : Donc, à quelle fréquence à peu près ? C : A bien ça ça dépend d’eux. C’est le médecin qui prescrit. S : Donc ce n’est pas forcément toujours en sortant de chez vous ? C : A non ! Non, a oui vous voulez, dans ce sens-là, systématiquement que je me mette en rapport avec la kiné, je l’étouffe, je te l’envoie : non ! Non, ça ne m’est jamais arrivé de cette façon-là. Sinon oui qu’ils aient besoin de kiné respiratoire oui. Ca, ça arrive souvent. S : D’accord. Donc ensuite les patients généralement, donc ils vous arrivent de l’hôpital. C : Oui. S : Est-ce que vous acceptez ces patients sous certaines conditions ? Donc : qu’ils aient déjà fait des essais à l’hôpital ?
C : A bien oui, et je veux un bilan, un rapport précis et (xxx) de l’hôpital me disant que le patient, bon a des difficultés mais son geste est en voie de récupération et il faut travailler telle ou telle chose. S : D’accord. Donc à partir du moment où vous avez l’avis médical qui dit OK.. C : Oui S : Après le patient vous le rencontrez quand ? Plutôt après sa chirurgie ou est-ce que ça peut vous arrivez de le rencontrer avant ? C : Ca m’est arrivé une seule fois de rencontrer le patient avant. A euh, à l’hôpital vous voulez dire ? Si je le vois avant qu’il soit opéré ? Ou si c’est une rééducation qui avait eu lieu avant ? S : Ben dans le… En fait, en imaginant hors contexte de l’hôpital, mais juste par rapport à ce que vous faites en libéral, si un patient va se faire opérer et ensuite va venir chez vous, est-ce que vous… C : Non, ça on ne le sait pas. S : Non, vous ne le savez pas. Donc c’est systématiquement : il prend contact pendant qu’il est encore à l’hôpital. C : Oui. S : Donc, rendez-vous avant l’opération: non. Est-ce que ensuite quand il vient vous voir, vous lui expliquez un petit peu la chirurgie et les conséquences ? C : A oui. S : Donc systématiquement? C : Systématiquement. S : A l’aide d’un petit schéma ou? C : Un schema et puis… Oui oui. S : D’accord. Après en ce qui concerne les habitudes nocives du patient, est-ce que vous pensez que vous avez un rôle à jouer ? Et si oui, de quelle manière ? C : Les habitudes nocives, c’est le tabagisme? S : Oui principalement. C : Tabagisme, alcoolisme, etc. Oui ben bien sûr, c’est-à-dire qu’il y a une espèce de contrat qui est passé au démarrage en disant bon ben écoutez, vous avez accepté l’opération, donc maintenant vous allez jusqu’au bout. Sinon c’était vraiment pas la peine (xxx) qui est quand même importante : c’est une grosse chirurgie. Donc généralement (xxx). Mais la plupart du temps les patients qu’on voit ils ont arrêté de fumer , au moins 1 mois avant l’opération. Ca veut pas dire qu’ils ne replongeront pas après, mais à ce moment-là j’allais dire, ils ne le disent pas forcément. Mais on en reparle souvent. S : Oui c’est vrai qu’ils ne le disent pas forcément, mais après éventuellement, vous pouvez peut être le sentir sur eux et donc à ce moment-là vous intervenez. C : Oui, mais ils vont toujours vous dire qu’ils sortaient du bistrot, qu’ils sont allés au café en face et puis vous savez on en prend, ça sent toujours plein les vêtements, etc. S : Oui mais maintenant l’excuse n’est plus valable ! C : Oui ! Ca va devenir de moins en moins valable ! S : Oui. Alors après, donc à partir, enfin : quand jugez-vous que la rééducation est terminée en ce qui concerne la dysphagie ? C : O ben c’est quand il n’y a plus de plainte. S : Quand il n’y a plus de plainte, d’accord. Et est-ce que, vous après vous continuez sur le travail vocal ? C : Oui.
S : Mais est-ce que à la fin même du travail vocal vous pouvez être amenée à revoir ce patient, est-ce que quand vous prenez vos derniers rendez-vous, vous lui dîtes, enfin vous lui refixez des séances plus loin dans le temps ou vous… Je suis assez floue… C : Non non non. Vous voyez cette dame je l’ai vue régulièrement pendant un an, et l’année d’après, on a commencé à se voir tous les 15 jours, puis une fois par mois, et puis après ça a été 3 mois après, puis on a arrêté. S : D’accord. Donc vous espacez graduellement. C : Très progressivement. Et puis, bien de toutes les façons bon, je garde les gens ¾ d’heure. ¾ d’heure : on a quand même un peu le temps de bien voir tout ce qui se passe, et même si je fais des rééducations de la voix, il y a toujours un petit entretien au démarrage : comment ça va en ce moment, etc. Et donc là à ce moment-là, c’est là où je vais voir s’il y a une plainte au niveau de la déglutition. Ce serait pas mal qu’on en refasse un petit coup aujourd’hui, allez hop. A ce moment-là, on réessaie, alors effectivement si la personne vient sans rien, juste avec une petite plainte, ça va être avec des liquides chauds : ou du thé ou du café et on essaie de voir un peu ce qui se passe. De réajuster le tir. S : Ok. Donc en fait ce sont des contacts postérieurs mais le fait que vous espaciez graduellement les rééducations, donc c’est sur votre initiative ? C : Oui. S : Des fois, est-ce que ça peut venir du patient aussi qui a besoin d’être rassuré encore ? C : Ca peut. S : D’accord. Donc vous espacez progressivement pendant combien de temps? C : Euh, généralement, disons que les 10 dernières séances vont s’étaler sur 1 année quoi. S : D’accord. Euh ensuite j’ai oublié, je ne l’ai pas noté dans mes questions, mais quand vous recevez un patient pour ce type de trouble, typiquement en séance dans quel ordre vous faites les choses quand vous l’accueillez ? Donc tout à l’heure vous me parliez des praxies ? C : Là ça dépend aussi de là où il en est. Bon si c’est vraiment ciblé déglutition, donc il y a toujours un petit entretien préliminaire : comment ça va, on prend la température, qu’est-ce que vous avez mangé de bon ? S : Vous prenez la température ? C : La température de la voix. S : Ah d’accord ! C : Là ce que je leur fais aussi très souvent, c’est que je leur demande de tenir un petit carnet d’alimentation, où ils doivent noter tous les jours ce qu’ils mangent, matin, midi et soir, s’il y a des petites collations, tout ce qu’ils ont grignoté, etc. Et à partir de là moi je regarde ce carnet en début de séance. Et là on va dire : ben tiens, là vous avez été un peu paresseux sur, je sais pas moi, sur la viande, ou, rajoutez un petit peu tel truc parce que là il n’y en a pas assez. Donc on adapte ça. Bon. Ca, ça permet d’entendre la voix du patient, de voir justement si la toux, parce qu’il y aura toujours une toux qui va venir à un moment quelconque, si elle est efficace, etc. Donc ça me renseigne sur pas mal de petites choses. Et puis après donc, il va y avoir effectivement les praxies, les /kr/ /gr/, ce mouvement que je vous montrais tout à l’heure, c’est-à-dire de prise d’appui de la pointe de langue sur les dents du bas pour pousser avec la partie postérieure de la langue et donc provoquer l’ascension du larynx. Tout ça : bon ben de face, un peu à droite, un peu à gauche, etc., compter les dents du haut, compter les dents du bas, tout ce qui va bien libérer la langue. Donc un peu de travail d’articulation, ce qui permet en
même temps de travailler la voix, et puis en fonction de ce que ça donne : 1 ou 2 exercices de déglutition, donc soit avec une crème, soit avec du thé, soit avec quelque chose quoi. S : D’accord. Quand vous dîtes exercices d’articulation, c’est justement tout ce qui est /kra/ /gra/ et tout ça ? C : Oui. S : D’accord. C : Essentiellement. Et puis on part bien sûr des textes : il ne faut pas oublier aussi qu’il y a un problème de gestion de la respiration, donc ça aide de travailler des textes pour les amener à gérer leur souffle. Ca va nous servir aussi : prenez un petit peu d’air, mettez en bouche, arrêtez la respiration, gardez en bouche laissez respirer, quand vous êtes prêt à arrêter de respirer : avalez. Hein : tout ça c’est pour que le geste respiratoire soit assez précis. S : D’accord. Donc ensuite, au niveau de votre rôle dans la réintégration socio-professionnelle du patient, tout à l’heure vous me parliez de cette dame, c’était principalement du côté de la voix. C : Oui. S : Mais du côté de la dysphagie est-ce que vous pensez qu’il y a quelque chose aussi à jouer là-dedans ? C : Bien sûr ! Ca dépend du métier de la personne. Cette dame donc, elle était, elle travaillait à la DRH d’un grand groupe pharmaceutique, et elle est sans arrêt en représentation : cocktails, déjeuners, etc. Donc le problème de la dysphagie se posait quotidiennement à elle. S : D’accord. Interruption suite à une patiente qui arrive et sonne à la porte. S : Donc pour cette dernière question, c’est simplement si vous aviez des remarques et des choses à ajouter pour m’aider à avancer ou que j’aurai oublié de vous demander ? C : Non.
Annexe 3 : Corpus de l’entretien avec Madame E.
S : Ma première question : si je vous dis orthophonie et CHEP, à quoi ça vous fait penser ? F : Orthophonie et CHEP. Ben moi ce que je vous avais dit l’autre jour, c’est que tout ce qui est laryngectomie partielle, CHEP et tout le reste, je n’aime pas du tout et je refuse de les prendre en libéral tant que le problème de déglutition n’est pas résolu au moins en partie, quand il y a trop de danger à la reprise alimentaire. Donc au cabinet je les reprends soit suite à une rééducation comme à Morancé en centre de soins, donc après la rééducation ; ou alors si la personne sort de l’hôpital en mangeant sans avoir de fausses routes trop dangereuses. S : D’accord. Donc ça c’était pour l’introduction. Maintenant au niveau de vous, de votre formation initiale : est-ce que vous pouvez me dire en quelle année, de quelle école vous venez? F : Je viens de l’école de Lyon, je suis sortie en octobre 92. Ma formation sur la rééducation de la déglutition je l’ai faite à Morancé pendant mes années d’études, donc ça devait être en 89-90 si je ne me trompe pas. Enfin en tout cas j’étais en 3ème année, donc peut-être plus 90. Et puis en sortant de l’université, donc le 18 octobre 92 exactement, j’ai eu un contrat d’embauche à Morancé. Et j’y suis restée jusqu’en 99. S : D’accord. Donc après vous êtes partie vous installer en libéral uniquement ? F : Non mais moi j’ai commencé en libéral tout de suite également. S : D’accord, donc au début vous étiez mixte. F : Voilà, et puis quand mon activité en libéral était difficilement gérable avec les 2, j’ai laissé Morancé. S : D’accord, donc actuellement vous êtes uniquement en libéral. F : Alors, voilà, et dans le cadre du libéral ici, je fais des soins à la polyclinique d’Arnas, donc c’est juste à côté de Villefranche. Il y a un service ORL, avec un chirurgien qui opère et qui fait des laryngectomies partielles, donc je continue. Alors là je les vois vraiment à la sortie de l’opération en soins intensifs. Alors moi, pour habitude, je n’autorise sa sortie, bon j’en discute avec le chirurgien, mais je n’autorise sa sortie que quand il peut manger à la maison sans danger. Si le danger persiste je ne les prends pas en cabinet, mais je les envoie en centre de rééducation. Et moi souvent je les récupère après : en général quand je les récupère en libéral il n’y a plus de trouble de déglutition, ou juste des petites fausses routes aux liquides mais des fausses routes secondaires, pas des choses très graves. Et puis on travaille surtout la voix, et puis le renforcement quoi. S : Le renforcement, c’est-à-dire? F : Bien tout ce qui est musculaire, la remise en route du néo larynx. Et je continue à travailler la déglutition, mais c’est des gens qui s’alimentent. Ils n’ont plus de sonde gastrique, voilà. S : D’accord. Alors ensuite donc vous avez fait un stage à Morancé pendant vos études, et est-ce que c’est ce qui a déclenché un petit peu votre attrait pour l’ORL, ou est-ce que? F : Alors moi j’avais demandé le stage à Morancé, parce que j’étais attirée par tout ce qui était très technique et chirurgie, donc ça, ça me plaisait bien. Je m’étais dit que ça me changerait aussi de tout ce qui est dyslexie, plus classique quoi. Voilà. Puis le stage m’a vraiment emballée. Mais moi à l’époque où j’ai fait mon stage en 90, les laryngectomies partielles, c’était le tout début, et donc en fait quand j’ai commence à
travailler, donc en 92, mes collègues orthophonistes commençaient juste à être formées elles aussi, et donc après, moi, j’ai suivi. Donc j’ai été formée sur le tas, en direct ! Mais c’était vraiment le début des partielles. S : D’accord. Donc depuis quand vous les prenez finalement : depuis toujours. F : Depuis 92. S : A la fois depuis que ça existe et depuis que vous êtes diplômée. F : Voilà. Mais je peux pas dire que… Si on parle vraiment de ma formation pendant mes études, j’en n’ai pas vu moi de partielle. J’ai dû en voir 1 ou 2. C’était tout nouveau. Et les orthophonistes qui exerçaient à l’époque à Morancé ne connaissaient pas non plus. Elles étaient novices aussi, donc ce n’est pas là que j’ai été formée. Moi j’ai été formée quand j’ai été diplômée, je travaillais à Morancé et on s’est toutes formées sur le tas. Voilà. S : D’accord. Donc après vous m’avez répondu : donc vous rééduquez à la fois la voix et la déglutition. F : Oui. S : Au niveau du lieu de la rééducation, donc pour les patients que vous voyez dans le cadre du libéral, vous les voyez ici ou plutôt chez eux ? F : Ici. Non ici. Je ne les vois pas à la maison non. S : D’accord. Après donc, au niveau de l’alimentation vous dîtes que ce sont des patients qui mangent, est-ce que ça va quand même vous arriver de faire des… Donc quand vous travaillez la déglutition, vous faîtes des essais alimentaires ? F : Oui. S : Donc à ce moment-là, est-ce que c’est vous qui fournissez, ou est-ce que vous demandez au patient d’apporter… F : Ils apportent. Je ne stocke rien là parce que en fait, je n’ai pas de frigo déjà. Et même si j’avais un frigo, enfin c’est tellement draconien les règles d’hygiène et de stockage d’aliments. Alors je prévois hein : pour la rééducation prochaine, soit c’est du froid, soit c’est du chaud. On prévoit. Je lui dis ce qu’il faut amener et il amène. J’ai un micro-ondes, on réchauffe dans le micro-ondes si c’est du chaud, voilà. La seule chose que je leur demande pas d’apporter c’est tout ce qui est café, tisane, thé, je le fais ici. Et puis voilà. S : D’accord. Donc après au niveau de la fréquence des rééducations, dans ce cadre-là, vous les voyez tous les combien? F : Alors ça varie. J’en ai certains que je vois ¾ fois par semaine si c’est possible. Ceux qui n’ont pas de soucis particulier 2 fois par semaine. Et puis en fin de rééducation 1 fois par semaine, 1 fois tous les 15 jours. J’étire, j’espace. Je ne fais pas une coupure nette parce qu’ils ont du mal à le supporter. Ca les sécurise. S : Ok. Alors ça c’est pour la fréquence, et au niveau de la durée de la séance? F : Une demi-heure. En sachant que… Alors quand j’interviens en tant que libérale, mais dans la clinique c’est un peu particulier. Là c’est quand même du libéral, mais en clinique. Alors là j’y reste longtemps. Normalement c’est une demi-heure mais ça m’arrive de rester plus d’une heure. Parce que en fait à la clinique, moi j’essaie aussi d’y aller à midi, assez tard le soir pour assister aux repas. J’aime bien être là quand il y a le plateau. Et je travaille en relation avec la diététicienne, donc je vois la diététicienne, je lui dis : pour demain, tu me prépares ça, je veux ça, ça sur le plateau. Donc au début on est dans le mixé, après viande hachée mixée, après… Puis j’essaie de les amener : en général, quand ils rentrent chez eux, ils ont même testé les morceaux, s’ils ont des dents. Mais voilà : quand ils rentrent chez eux, c’est clair, c’est net, il n’y a
pas de soucis. Donc finalement, après, quand ils continuent de venir me voir en libéral, on fait peu d’essais. On travaille surtout les liquides parce que c’est ça qui persiste le plus, mais sur le plan des aliments consistants, il n’y a pas vraiment de soucis. En général ce qu’ils veulent travailler la plupart, c’est le croissant pour le petit déjeuner. Alors je les fais venir à 10 heures, je dis vous amener 2 croissants : un pour moi, un pour eux. S : Ca va c’est agréable ! F : Avec le café, ou voilà, le chocolat, comme ils ont envie, et puis voilà : on mange ensemble. S : C’est une bonne rééducation ! F : Oui mais moi j’aime bien, et j’aime bien travailler autour de la nourriture parce qu’il se passe plein de choses. Enfin, on est quand même dans des choses primaires : donner à manger et puis manger, c’est quand même… Donner à manger c’est très féminin, donc je pense qu’il y a une part très maternelle en nous pour nous occuper de ça. Enfin moi j’ai toujours mis ça en lien, parce que même la déglutition que je fais chez les enfants handicapés c’est un peu ça quoi. Et puis pour eux, manger c’est vital, même avant la voix. Leur demande au niveau de la voix, c’est une fois qu’on a rétabli la déglutition. Ce n’est pas pendant. S : Ok. Alors après en ce qui concerne approximativement la durée totale de la rééducation ? Est-ce que ça se compte plutôt en mois ? En années ? F : Alors moi je trouve qu’au niveau des CHEP, heureusement, il y a beaucoup plus de cas qui fonctionnent très vite, que de cas qui galèrent. Finalement j’en envoie peu à Morancé, le travail que je fais à la polyclinique suffit : quand ils rentrent chez eux, ils mangent. Et quand ils ne sont pas passés aux morceaux, c’est simplement parce qu’il n’y a pas de dents. Alors, combien de temps ça me prend à la polyclinique ? En moyenne : 15 jours. S : Donc, c’est rapide. F : Oui. S : Et à la polyclinique vous les voyez tous les jours? F : Oui, sauf le week-end. Du lundi au vendredi. S : D’accord. Donc après quand ils ressortent de là, vous les prenez… F : Ils viennent ici. On continue à travailler, à renforcer. On fait tous les exercices que moi j’ai commencé en clinique, euh, c’est-à-dire toutes les praxies, le travail de renforcement musculaire, la base de langue, enfin le coup de piston, enfin tout : les positions, les mouvements de déglutition, etc. Tout ça, on travaille, tout de suite, d’abord à vide. Souvent dans les 15 jours, la reprise alimentaire ne se fait pas tout de suite : moi d’abord les premiers jours je travaille tout ce qui est praxies. On remet tout en route. C’est 15 jours, 15 jours et demi quoi. C’est moins de 3 semaines quand même. S : Sans essai ? F : Avec essai, non, tout compris. Donc en général on va dire que la première semaine, c’est surtout des exercices, mais souvent je commence à les voir en soins intensifs, donc c’est déjà se réapproprier la bouche, la langue, ils sont très traumatisés en soins intensifs. Ils ont des pansements qui sont assez violents avec des colliers de serrage, des choses comme ça. Ils ont la canule, bon, on leur enlève la canule souvent. Enfin moi j’ai un chirurgien qui aime bien enlever la canule rapidement. Je me bats pour la garder le plus longtemps possible, mais… Donc voilà. Et puis au bout d’une semaine quand je vois que bon ça y est : ça commence à bien avancer, je commence. A la fin de la première semaine je commence les petits essais alimentaires, et puis la deuxième
semaine ça va assez vite. Et puis en général, au bout de 15 jours 3 semaines, 3 semaines tout au plus, ils sortent. Ils boivent, ils mangent. Et quand ils viennent en libéral, c’est surtout les liquides qu’on finit de travailler et puis tout le renforcement musculaire et la voix. S : Et en libéral les liquides vous les travaillez pendant combien de temps à peu près ? F : Ben les CHEP ils restent assez longtemps pour la voix. Des fois 1 an. S : Oui, pour la voix, mais pour les liquides ? F : Ben ça va vite ça. Je fais tout en même temps, mais en général au bout de 2 mois, 1 mois, 2 mois après l’opération c’est bon. S : D’accord, ok. Donc alors après, vous qui avez l’expérience à la fois de Morancé, et à la fois du libéral, qu’est-ce que vous retiendriez à la fois comme points forts ou comme obstacles, dans le centre et dans le libéral ? F : Le point fort du centre c’est que : il y a l’équipe médicale sur place. Et comme à la polyclinique d’ailleurs. Donc quand je fais mes essais alimentaire, je suis sécurisée : il y a les infirmières qui sont là, elles peuvent faire des aspirations, c’est des gestes qu’on peut pas faire s’il y a une fausse route. Quand je fais l’essai alimentaire, je demande à l’infirmière tout de suite après de venir avec moi. Elle enlève la canule, on regarde s’il y a des traces d’aliments. S’il n’y a plus de canule comme à la clinique, on enlève le pansement et on regarde parce que le trachéostome n’est pas fermé. Donc s’il y a du yaourt qui passe, ça ressort dans le pansement. Voilà. Ca, c’est vital. C’est pour ça que je ne les prends pas ici en libéral. J’ai pas ça. Moi s’il y en a un qui fait une fausse route, je fais quoi ?Je le prends par les pieds ! Je peux pas ! (rires) Ca c’est le gros point fort, et c’est le point faible du libéral. On n’a pas ça. Voilà, et puis l’avantage du centre et de la polyclinique, parce que moi à la polyclinique je les ai bien briefés, j’ai montré aux infirmières et aux aides-soignantes, comme à Morancé, j’explique comment chaque patient avale, quelle est sa position, quelle est sa technique, et finalement quand je ne peux pas assister aux prises de repas parce que je ne peux pas venir à tous les repas, c’est compliqué, et bien il y a toujours quelqu’un pour assister aux repas et regarder ce qui reste sur le plateau, noter ce qui est bien passé, pas bien passé, faire le lien avec la diététicienne. Moi je ne peux pas toujours le faire non plus parce que, quand je passe à la polyclinique par exemple, au moment où j’y suis, elle, elle n’est pas forcément libre, donc je laisse une feuille de suivi, mais je l’explique toujours aux infirmières. L’équipe médicale elle est essentielle pour la reprise alimentaire. S : Donc évidemment c’est plus facile en centre. F : Moi je pense que c’est même… Enfin moi je ne le ferai pas en libéral, parce que s’il arrive quelque chose, nous on n’est pas protégés. S : Selon vous donc, il n’y a aucun avantage à faire ce type de rééducation en libéral. F : Je pense que c’est même dangereux. Et je pense que de laisser sortir un patient du milieu hospitalier après l’opération, le ramener chez lui, sans qu’il mange, avec une sonde naso-gastrique ou gastrique, et envoyer ce patient en libéral pour reprendre l’alimentation, c’est maltraitant, enfin il ne faut pas. S : Oui, bien sûr oui, s’il ne mange pas du tout. Ok. Alors après au niveau de vous, de votre méthode, donc est-ce que vous pourriez me décrire une séance type, ce que vous faites du début à la fin (xxx) quand il y a un essai dans votre séance ? F : Alors l’essai, je le fais toujours en fin de séance. Donc au départ, je travaille les praxies de la langue, des lèvres, je travaille la base de langue. Faut que je vous décrive tous les exercices que je fais ? S : Non, pas tous les exercices, ce que vous travaillez, oui, comme ça.
F : Base de langue, fermeture glottique, néo glottique, la respiration, l’élévation laryngée. Et puis ensuite je travaille la déglutition à vide. Donc on reprend : la position, le blocage respiratoire, la déglutition, et puis ensuite la toux, enfin tout ce qui se passe après la déglutition pour évacuer les fausses routes éventuelles. Voilà. Et puis ensuite, ba on fait les essais alimentaires. Et puis alors moi ce que je fais en libéral quand je fais des essais alimentaires ou quand je le fais en polyclinique : systématiquement je… quand on a fait des essais alimentaires, je fais ce que normalement fait un kiné parce qu’on n’a pas toujours un kiné sous la main ! Il y en a à Morancé, ça aussi c’est un point fort de Morancé le kiné. Parce qu’à Morancé, on envoie directement les patients sur leur station respiratoire pour évacuer. Alors moi ça, je le fais ici, ou à la polyclinique : je le fais. Donc je n’ai pas de station respiratoire, mais bon je leur fais travailler la respiration : évacuer, tousser, voilà. Travail du diaphragme, etc. S : Pour travailler la respiration vous faîtes comment à ce moment-là ? F : Ben en fait je leur apprends à souffler fort (elle souffle comme pour faire de la buée sur un miroir), comme ça, à tousser, à … Voilà, je leur montre la position qu’il faut avoir, à pas faire (petit souffle) comme ça, mais (souffle énergique). Voilà, tout ça pour bien faire… C’est l’expulsion : expulser l’air de manière vigoureuse pour rejeter ce qui a pu passer(xxx). S : Ok, non parce que quand vous parliez de ça je me demandais si justement vous aviez fait une station respiratoire personnalisée genre souffler dans une bouteille. F : Non, je ne l’ai pas fait. Par contre ce que j’aime bien moi, c’est quand les patients reviennent de Morancé, ils l’ont leur station. Alors bon faudrait peut être que je la fasse fabriquer, mais alors moi je m’en sors plus. Si je fais tout… S : Ok. Alors après, est-ce qu’il peut vous arriver d’utiliser des techniques manuelles ? F : Pour manger? S : Pour aider à manger oui. F : A ben moi pendant toute la rééducation je manipule effectivement. Ben déjà pour la voix, on manipule beaucoup au niveau des CHEP, et puis, ben quand je travaille par exemple, allez je vous donne un exemple : la base de langue, ou la fermeture glottique, manuellement je vais faire de la contre-résistance au niveau du front. Vous connaissez tout ça ? S : Oui, je suis allée en stage à Morancé. F : A ben c’est bon! Donc au niveau du front. Moi quand je leur fais avaler, je les prends beaucoup dans mes bras. Ben déjà je leur apprends la bonne posture aussi : comment bien s’asseoir. Et puis je leur prends beaucoup la tête, enfin je coince la tête, j’appuie sur le front, je leur apprends à bien respirer, avaler, puis quand ils avalent je fais une contre-résistance, enfin, je travaille aussi beaucoup la tête pour leur apprendre la position aussi, pour fermer un sinus piriforme, s’ils tournent la tête d’un côté, pencher d’un côté. S’ils ont une base de langue trop faible, je travaille aussi directement dans la bouche, au niveau de la langue pour leur faire sentir leur langue, et ça je le fais beaucoup quand ils sortent de l’opération en soins intensifs, pour qu’ils se réapproprient un peu tout ça. Je travaille beaucoup la sensibilité au niveau de la bouche, et ça je travaille au doigt, les lèvres, les… Parce que après l’opération, ils sont figés. Vous n’avez jamais vu en soins intensifs. S : Non, et je n’ai pas vu le travail au doigt justement. F : Mais moi, ça m’a marquée. Parce que j’ai commencé par Morancé. A la polyclinique, j’ai commencé à y aller en 97, quelque chose comme ça. Donc je faisais
les 2, enfin je faisais les 3. Et quand je suis arrivée en soins intensifs, un monsieur qui a été opéré 8 jours avant, ben je peux vous dire que c’est autre chose, hein Morancé : ils arrivent guillerets, hein ça fait 3 semaines qu’ils sont opérés. Ils sont sidérés : ils avalent pas leur salive, ils parlent plus, ils n’articulent plus, ils ont l’impression… Ils sont mutilés quoi, ils sont traumatisés et il faut vraiment faire tout un travail au niveau de la bouche, se réapproprier cette bouche, ce cou, cette gorge, cette langue qui est, qui a eu mal, à qui on a fait mal. Et j’y vais beaucoup en massage tout doux. C’est intéressant, moi j’aime bien ce travail. S : D’accord. Alors en fait quand je vous parlais des techniques manuelles ça m’a fait penser que j’ai oublié cette petite question là : au niveau de vos formations complémentaires, en fait est-ce que vous avez fait des formations en rapport avec la déglutition justement ? F : Oui, mais plus axées sur l’handicap et les enfants avec Catherine Senez. Vous connaissez ? S : Non, je veux bien vous demander comment ça s’écrit ? F : SENEZ. Donc c’est des formations post-universitaires qui sont données par la fac de Claude Bernard. Alors elle, elle travaille la déglutition, et tout ce qui est réflexe hyper-nauséeux, ces choses comme ça, et moi ça m’aide beaucoup pour ça. Beaucoup justement après l’opération quand ils sont… Dès qu’on leur touche la bouche ou les lèvres, ça leur donne envie de vomir. Donc (xxx) on travaille tout ça. Et tous ces massages là, moi je les ai appris avec elle. L’enveloppement des bras aussi, de la tête, du corps, du dos, enfin quand je les prends, ça, moi je l’avais vu à Morancé. Enfin je l’ai travaillé à Morancé, mais elle c’est une autre approche. Alors, c’est vrai qu’elle elle le fait avec les bébés, les petits, les, vous savez les IMC. Mais c’est travailler sur le plan du corps, moi ça m’a beaucoup apporté avec ces gens qui sont vraiment mal quoi, où on ne peut pas trop les toucher. Alors il faut faire attention de pas les infantiliser, mais c’est vrai qu’ils apprécient en fait, ça les sécurise. Moi j’ai eu des patients à la polyclinique, ils arrivaient à avaler quand je les maintenaient, je leur tenais la tête, le cou, tout ça, parce qu’ils se sentaient protégés, et dès que je leur faisais : aller maintenant vous faîtes tout seuls, impossible ! Donc je suis obligée petit à petit d’enlever 1 main, 2 mains, 3 mains, je m’écarte. S : 3 mains ! F : C’est presque ça ! Des fois je dis j’ai plein de mains! S : Ca ne doit pas être pratique! (Rires). F : Mais on enlève petit à petit les points d’appui en fait. Mais c’est vrai, des fois j’ai l’impression d’avoir 4 mains ! S : Vous utilisez les pieds! F : Non, pas encore! (Rires). S : Alors, après donc, tout à l’heure on parlait de la kiné respiratoire, donc vous, vous disiez que vous les faisiez souffler dans le cabinet. F : Alors moi ça j’ai juste appris à Morancé quand je voyais Marie-Christine, tout ça, en bas. S : D’accord. Donc ça veut dire qu’il n’y a pas de… Vous envoyez pas les patients chez un kiné ? F : Alors moi, à la clinique je veux que le kiné passe 2 fois par jour, j’oblige, je demande au chirurgien de faire la prescription, et quand il passe pas : je râle ! Et puis quand ils sont ici, parfois, je demande à ce qu’il y ait une poursuite en libéral, mais
alors trouver des kinés en libéral qui sachent ce que c’est ! C’est le parcours du combattant ! S : Donc en fait, vous ne le faîtes pas systématiquement, et quand ils y vont, c’est pas systématiquement après chaque séance. F : Non. En fait, eux ils font leurs séances. Mais il y a peu de kinés qui savent travailler ça. Très peu en libéral. S : Je ne me rends pas compte, moi je pensais que c’était pour tous les kinés en fait. F : A non, mais même une laryngectomie totale, il y en a plein quand on leur dit : allez, faut travailler les épaules et tout : pourquoi ?Je vous ai dit que je travaillais l’ascension laryngée dans ma rééducation ? S : Oui. Alors après au niveau de la posture que vous leur faîtes prendre : généralement, est-ce qu’il y a une posture particulière ? F : Oui. J’essaie pour me protéger au début dans les premiers essais alimentaires d’avoir la posture technique-théorique : donc on tourne la tête du côté de la lésion, on regarde la lésion, et on penche de l’autre côté. Voilà. Et puis, parfois ça fonctionne pas ! Donc j’essaie d’autres techniques : engorgement. Voilà, on essaie de trouver ensemble et le patient souvent, voilà quand on commence à faire les essais alimentaires, comme on a déjà bien travaillé la sensibilité, se réapproprier de son corps, ils commencent à mieux ressentir, ils me disent oui mais attendez là ça va pas. Donc je ferai plutôt comme ça, comme ça, et ensemble, à 2, on trouve la bonne position. Mais moi, par habitude et par sécurité je fais bien ça : je prends, bon voilà, il a été opéré de tel côté, donc je fais comme ça. C’est ce que vous avez appris à Morancé ? S : Oui. F : On regarde la lésion, et on penche de l’autre côté. S : C’est ça. Alors après, au niveau de la progression alimentaire, donc, dans quel ordre vous faîtes ça, sachant que donc ici vous n’allez pas reprendre depuis le début ? Puisque quand ils arrivent au cabinet ils mangent déjà. F : Oui, donc on ne fait plus que les liquides ou alors je vous dis il y en a certains… S : Les croissants ! F : Oui, enfin tout ce qui est plus en morceaux, un peu plus compliqué. Bon ils viennent pas pour ça. Mais autrement, ce que je fais à la polyclinique, ben comme à Morancé : pareil. Je change pas : on est d’abord en tout mixé, après purée avec la viande hachée à coté qu’on mélange, et puis après, quand je commence les morceaux, c’est avec les légumes tendres, et puis voilà et puis après on arrive (xxx) s’il y a des dents. S : D’accord. Et après les liquides. F : Et après les liquides, mais, les liquides, souvent, je les fais en même temps S : D’accord. Alors après, quels sont vos moyens ici justement de savoir si le patient fait une fausse route ? F : En fait moi quand je les prends ici, ils ont eu des contrôles, donc soit Morancé m’envoie la lettre détaillée en me disant quand il y a des fausses routes ; à la polyclinique moi je demande à ce que le chirurgien vérifie en radio, c’est difficile pour moi d’aller en radio. Ca, c’est hyper compliqué. Morancé c’est le top quoi ! Donc lui je lui dis vous vérifiez, ou… Et puis systématiquement : prise de température, tous les jours je veux que l’interne…, et si c’est en libéral ici, uniquement en libéral, je veux que le patient aille au moins 1 fois par semaine voir son généraliste pour qu’il écoute au stéthoscope, et puis 1 fois de temps en temps quand même, par exemple au bout de 3 mois une petite radio pulmonaire c’est pas mal. Mais malheureusement, on y va un peu à l’aveugle.
S : Donc dans l’idéal, ils viennent ici sans faire de fausse route, mais en fait vous les surveillez quand même. F : Oui, et quand ils arrivent ici et qu’on m’ a dit il y a encore des fausses routes, moi je demande à ce que le médecin généraliste vérifie, et prescrive de temps en temps une radio pulmonaire : il n’y a rien d’autre comme solution, y a rien d’autre.. S : Ben après il y a le TO, mais… F : Mais le TO on le fait où ? S : Mais pas ici oui ! F : Et même à la polyclinique moi j’aime pas le faire le TO parce qu’ils ont pas le matériel pour. Ils sont en numérique. Alors les images en numérique : elles sont séquencées, c’est-à-dire qu’on a des trous. Alors qu’à Morancé, c’est pas en numérique, c’est en je sais pas comment, c’est qu’on voit tous les mouvements. Moi quand je suis à la polyclinique, je vois : une première image, ça s’éteint, une deuxième, ça s’éteint. Ben si la fausse route elle a lieu pendant que ça s’est éteint, j’ai rien vu ! Je ne vois pas la progression du bol alimentaire. S : D’accord. Donc, toujours au niveau de ces fausses routes, si vous voyez que, malgré tout, le patient fait une fausse route devant vous, donc comment vous allez réagir? F : S’il fait une fausse route devant moi? S : Oui. F : Euh… Comment je réagirai?Ils en font des fois des fausses routes, mais c’est des toutes petites fausses routes, ben allez: on travaille sur la respiration, pour faire évacuer. Mais ils se sont jamais étouffés. S : Encore une chance! F : Je ferais quoi? J’appelle les pompiers? Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ?Ba j’ai la manœuvre, enfin moi j’ai mon brevet de secourisme, mais… C’est pour ça que je les prends pas en départ ici, je ne veux surtout pas ! S : Ben oui : respiration, forcer sur la toux et puis… F : Ben non moi j’ai pas d’autre… S : Ok. Alors après donc les patients quand ils viennent vous voir ici, ils viennent d’où ? Donc de la polyclinique d’Arnas. F : Oui, de Morancé, ou des hôpitaux de Lyon. S : Donc parfois directement des hôpitaux alors. F : Oui, mais ils arrivent en mangeant. Nous on en a un par exemple, un jeune, donc lui c’est une CHEP, ben jeune il a 50 ans, il vient de l’hôpital de Saint-Etienne. Il a été opéré par le Docteur Michel mais il est arrivé il mangeait, il buvait. Petite fausse route secondaire sur les liquides, mais bon on a bien retravaillé surtout la technique systématique : quand j’avale, je tousse pour évacuer la petite goutte. Et ça va. S : Donc après quand vous acceptez les patients, donc c’est sous certaines conditions, quand vous les acceptez ici : le fait que déjà ils aient déjà fait des essais et que ça se passe bien. F : Alors moi quand je les accepte ici, je veux absolument que ce soit l’ORL chirurgien qui me téléphone. Je le demande, et ils m’appellent tous. Parce que moi j’ai plein de questions à leur demander. Parce que CHEP ça veut dire quoi CHEP ?Moi je veux le détail. Le geste il peut être très simple, très réduit, dès fois par exemple ils vont me dire a ben il reste 1 aryténoïde. Ah, génial il reste 1 aryténoïde, ben moi j’ai besoin de le savoir ça , pour mes manipulations, quand on manipule dans la rééducation, pour savoir de quel côté on va pencher la tête, on va tourner la tête. J’ai besoin de savoir où était la lésion, tout ce qu’il a enlevé, tout ce qui reste, comment il a fait son geste. Parce
que même au niveau par exemple des pexies : il y a plusieurs techniques, enfin vous l’avez appris ça. Il y en a qui rapprochent les structures, puis il y en a qui créent des grilles de soutènement. Et ça, ça ne fait pas du tout le même néo larynx et on ne rééduque pas du tout de la même manière. Donc moi je veux avoir le compte-rendu opératoire et j’aime bien avoir le chirurgien au téléphone. Et quand je leur dis ils m’appellent hein, moi j’ai pas de soucis. Puis ils le savent. Donc en général en plus, quand le patient sort directement de l’hôpital, c’est souvent la secrétaire du chirurgien qui m’appelle pour prendre le rendez-vous, et donc je leur dis tout ce que je veux, que je veux avoir des précisions ou… S : D’accord. Donc maintenant le moment où vous rencontrez le patient généralement pour la première fois, c’est quand ? F : En libéral ici ? S : Oui. F : Et ben quand il sort de l’hôpital. S : Donc c’est toujours après l’opération. F : Oui. A oui j’ai jamais eu avant, ça ça ne m’est jamais arrivé. S : D’accord. Donc après quand vous les voyez pour la première fois, donc ça va être un petit peu biaisé si ça va être des patients que vous avez déjà vu à la polyclinique, mais est-ce que vous leur expliquez à eux leur chirurgie ? F : Oui. S : Et ses conséquences? F : A ben j’explique tout, je leur fais des croquis, des schémas, euh on a une petite maquette que Cécile a fabriquée avec de la pâte qui durcit là, je me rappelle plus comment ça s’appelle, ça fait comme de la pâte à modeler ça devient très très dur. S : Pâte Fimo non? C’est ça je crois. F : Oui, c’est ça. Donc on a notre larynx, on leur dit voilà : la tumeur était là, on a enlevé ça. Voilà comment c’est maintenant. Voilà comment on va faire pour avaler, et j’explique tous les mouvements : pourquoi on fait « ka ka ka », pourquoi on fait les praxies. Qu’est-ce qui bouge ? Et puis je leur fais sentir : par exemple quand on fait lécher le palais d’avant en arrière en appuyant sur la pointe de langue. Qu’est-ce que ça fait travailler ? Est-ce que vous le sentez ? Je leur fais toucher leur cou. L’ascension laryngée : je leur explique pourquoi on fait ces mouvements pour faire l’ascension laryngée. C’est eux qui font les exercices, moi donc je veux qu’ils sentent quoi. S : Ok. Alors ensuite donc au niveau des habitudes nocives, donc est-ce que vous vous pensez avoir un rôle à jouer à ce sujet ? F : Les attitudes nocives. S : Oui. Généralement c’est le tabac. F : Refumer, reboire. J’en parle beaucoup avec eux . ben nous là, le jeune dont je vous parle qu’on voit depuis 3 semaines 1 mois, il a recommencé à fumer, beaucoup, à mon avis il a recommencé un peu à boire. On a eu 2/3 doutes là. On en parle, ils en parlent volontiers. Mais ils en parlent tout seuls hein ! Il est arrivé il m’a dit : j’ai fait une connerie. Je lui dis quoi ? Ben j’ai refumé. Je lui dis oui j’ai senti. Il venait de fumer là, dehors, en attendant. Ben on en parle oui, mais bon, je ne veux pas non plus être une maman qui… On en parle : pourquoi il refume ? Qu’est-ce qu’il en pense ? Est-ce qu’il connaît les conséquences ? Et, quelles conséquences ? Ben oui je vais retomber malade. Donc qu’est-ce qu’on fera ? Est-ce qu’on réopérera ? Est-ce que lui il acceptera l’opération ? Quelle sera la future mutilation ? Comme je leur dis vous avez eu le moins
pire, il existe pire. Ils en croisent des totaux en plus, des laryngectomies totales. Ils les croisent dans la salle d’attente. S : Donc ils savent. F : Et oui, ils savent. Puis ils en ont vu à l’hôpital. S : En même temps la laryngectomie partielle, quand la déglutition se passe pas bien, c’est pas génial non plus. F : Oui. Alors moi je leur fais un peu peur là. Lui je lui fais peur, puis Cécile elle fait pareil. Quand je lui dis : vous avez-vous fumé ? Oui. Ben je vous manipulerai pas ! Pourquoi ? Je dis ben parce que vous avez brûlé votre larynx, vous l’avez maltraité avec le tabac mais aussi avec la chaleur d’une cigarette. C’est ça qui est nocif aussi. Je sais pas à quel degré ça monte mais ça monte fort ! Donc je vais pas manipuler, je vais vous abîmer. Alors ça ils aiment pas. Lui il aime pas, parce qu’hier soir il me dit bien on a presque rien fait. Je lui dis non je vais pas manipuler vous avez fumé ! La prochaine fois vous fumez pas. Alors la prochaine fois il arrive il dit j’ai pas fumé ! Vous pouvez me manipuler. (Rires). S : Au moins ça marche ! Le rôle que vous jouez. F : Ben j’essaie de leur… Surtout quand on en parle, si le rôle qu’on a c’est surtout de mettre l’accent sur ok, ça les a calmé. Ils ont fumé une cigarette, ils en avaient envie. Ils ont eu du plaisir. Ca les a calmé, mais qu’est-ce que ça a fait d’autre à côté ? Je pense que nous, notre rôle, c’est plus ça. Après ils font ce qu’ils veulent quoi. Faut pas les disputer ! C’est peut-être plus une prise de conscience. En même temps ils l’ont la conscience. C’est dur. S : Ok. Donc alors après au niveau du suivi : donc au niveau, pas de la voix, donc seulement dans la déglutition, à quel moment est-ce que vous jugez que la rééducation est terminée ? F : Pour la déglutition ? Quand moi je vois qu’effectivement il n’y a plus de fausse route aux liquides, qu’ils me disent que les repas se passent très bien, qu’ils mangent de tout, qu’ils peuvent aller au restaurant, qu’ils peuvent manger en famille. Souvent je les vois abandonner la posture. Donc ils remangent pratiquement normalement. Souvent je fini par connaître le conjoint parce qu’ils me l’ont présenté, tout ça, donc je vois un petit peu au niveau du conjoint comment ça se passe, si la préparation des repas est pas trop galère, si la prise des repas est pas trop galère. Enfin s’il n’y a plus de doléances. Moi je fais confiance au patient aussi quoi, ils me le disent. Et puis j’en discute avec le chirurgien. Voilà, c’est plutôt dans ce sens-là, quand il n’y a plus de soucis particulier visible et que le patient se sent sûr de lui, parce que, on a aussi des fois des patients où il n’y a plus de fausse route, mais ils sont encore très craintifs. Et moi je pense que notre rôle, c’est de continuer à travailler la déglutition pour leur montrer que non : il peuvent manger, qu’il n’y a pas de fausse route. C’est ça aussi la rééducation : c’est de rétablir mais c’est aussi d’avoir ce confort concret dans la déglutition, mais psychique. Ca, ça fait partie à mon avis du rôle qu’on a. Et moi je les abandonne pas dans l’accompagnement de la déglutition temps que eux ne sont pas sûrs d’eux, moi je sais qu’il n’y a plus de fausse route, mais que eux ils en ont conscience et qu’ils sont tranquilles. Et en même temps, je fais très attention : je ne les abandonne pas temps qu’ils n’ont pas compris aussi que même s’ils ont abandonné la posture et qu’ils mangent des morceaux et tout ça, c’est qu’il faut qu’ils aient conscience que c’est plus comme avant et qu’il faut quand même être vigilants. Voilà.
S : D’accord. Donc après, au niveau des contacts postérieurs à la rééducation, donc tout à l’heure vous me disiez que vous les libériez progressivement, donc est-ce que c’est sur des objectifs précis peut-être vérifier dans le temps que… F : Au niveau de quoi vous m’avez dit? S : Des contacts postérieurs à la rééducation. Est-ce que vous pouvez être amenée à les revoir une fois que la rééducation est finie ? F : Ah! En consultation? S : Oui, donc pour les revoir, est-ce que, par exemple, vous vérifiez à des intervalles réguliers que la déglutition c’est bon, ou une fois que vous les avez lâchés… F : Alors moi je leur propose effectivement. Je leur propose de venir par exemple 1 fois par mois ou 1 fois tous les 2 mois. Ou simplement un contact téléphonique. Donc ça, ce n’est plus une consultation facturée, ou sur l’agenda. Je leur dis : ben vous m’appelez, tenez-moi au courant, vous m’appelez. Ou des fois par mail, moi j’en ai plein qui sont par mail et ils m’envoient des messages. Ils me disent si ça se passe bien, et puis moi, j’en ai jamais eu, mais ils savent qu’ils peuvent revenir si ça va pas. Mais j’en ai… Une fois qu’on a arrêté on a arrêté. Et puis j’en ai eu 2/3, j’ai même une dame là de temps en temps, on va boire un coup au café ensemble. S : D’accord. Donc si vous les revoyez en fait vous leur faîtes comprendre qu’ils peuvent venir s’ils ont des problèmes ou des questions, mais généralement c’est sur leur initiative finalement, vous leur laissez… F : Ou du médecin, toute façon je fais un courrier au médecin. S : Ou du médecin, d’accord. F : Et puis ils revoient leur chirurgien, ils sont jamais…Ils revoient leur chirurgien tous les 3 mois, tous les 6 mois. En général, le chirurgien, même si moi j’ai arrêté la rééducation, il m’envoie une feuille de… Un compte-rendu de visite. Donc moi je la lis et je vois. S : D’accord. Donc, alors après au niveau de l’opération en fait : ça vous avez déjà répondu. Est-ce que vous avez accès au compte-rendu opératoire : donc finalement c’est le chirurgien qui vous appelle et à qui vous demandez… F : Je demande systématiquement et j’ai jamais eu de soucis, on ne me l’a jamais refusé. Et, par exemple, quand je vais à la polyclinique, ben la semaine prochaine à partir de mercredi j’y vais, c’est pas une CHEP c’est une BPTM, mais quand j’arrive, dans le dossier médical il y a une enveloppe pour moi : dedans, il y a le compte-rendu opératoire. Il me fait même un schéma. Je lui dis : dessinez-moi, alors il me dessine de profil. C’est vrai que j’aime bien moi ça. Voilà, comme ça après je réexplique aux infirmières, qu’elles sachent bien. Et puis… Oui le compte-rendu opératoire c’est vrai que je le veux systématiquement. Je ne prends pas en charge un patient s’il n’y a pas le compte-rendu opératoire. On sait pas quoi faire après. S : Ok. Donc après est-ce que vous pensez que cette rééducation, elle joue un rôle dans la réintégration socioprofessionnelle. F : Oui. S : Donc et de quelle manière ? F : Moi je pense que la réadaptation sur le plan alimentaire, c’est essentiel sur le plan social quoi. Vous allez au resto, manger en famille, ben ne serait-ce qu’avec son conjoint, pour les petits-enfants, plein de choses ! Et puis euh, mais par exemple socialement, par exemple ça c’est un truc que nous on fait bien. Quand ils me disent ouais les liquides super, super ça passe bien. Ok, ben un jour sans rien dire je dis : vous avez envie d’un café ? A ouais, tiens, je prendrai bien un café ! Et je leur fais boire le
café en discutant avec eux. Ca, ça peut être une séance complète hein, on n’a pas travaillé forcément… Ca c’est sur la fin. On n’a pas forcément travaillé tout ce qui est praxies et tout ça mais j’ai vu un peu leur comportement : est-ce qu’ils peuvent boire un liquide chaud, en discutant, sans cracher, sans s’étouffer, sans prendre une posture comme ça complètement (xxx). S’ils boivent normalement c’est gagné ! Autrement c’est qu’il y a encore des choses à travailler. Alors, c’est vrai que j’ai jamais eu de stagiaire qui assistait à ça, mais je me dis si j’ai une stagiaire j’ai intérêt de bien lui expliquer quoi, parce qu’on a l’impression qu’on taille la bavette, et on boit un café ! Moi je travaille. C’est une séance. Pour moi c’est une séance. Ca, c’est de la réhabilitation sociale je pense, je vérifie. Ou alors je vais leur proposer d’aller boire un café à l’extérieur. J’ai eu une dame une fois, on est allées au salon de thé un peu plus loin. Oui, parce que je regarde les choses quoi, je vois. Voilà et puis, socioprofessionnel c’est surtout : ben l’alimentation et la voix. On a eu un patient par exemple, moi je l’ai très très peu vu, mais c’est surtout Cécile. Je pense à lui, pour travailler beaucoup au téléphone. Sa voix c’était énorme. Et on a eu fait des séances au téléphone. Il venait là, mais on se passait des… Interruption suite à un appel téléphonique. S : Pour la dernière question je voulais simplement vous demander si vous aviez des choses à ajouter ? F : Non, simplement ce que j’ai déjà dit.
Annexe 4 : Corpus de l’entretien avec Madame C.
S : Ma première question, c’est si je vous dis orthophonie et CHEP, à quoi ça vous fait penser ? L : Chirurgie partielle du larynx, donc des personnes qui ont été opérées partiellement du larynx, donc à différents niveaux, et suite à ça on peut avoir des problèmes de déglutition, des problèmes de voix, donc intervention de l’orthophoniste : tout de suite après l’intervention chirurgicale. Voilà. S : Ok, ben c’est déjà une bonne intro ! Alors après donc au niveau de vous, de votre formation, est-ce que vous pouvez me dire quand c’était ? Ou c’était ? Un petit peu comment ça c’est passé ? L : Donc je suis sortie en 1987, à Lyon. Suite à ma formation bien j’ai fait plusieurs formations derrière, j’ai enchaîné. J’ai fait des formations donc entre autre, sur tout ce qui est langage écrit, maths, et puis après je me suis un peu spécialisée dans tout ce qui est problèmes de voix, et j’ai travaillé ensuite 2 ans à Morancé de 91 à 93. Essentiellement c’était à l’époque de la voix oesophagienne, mais il y avait déjà des démarrages de rééducation de CHEP puisque certains patients commençaient déjà à être opérés partiellement à cette époque-là. Voilà, donc on était un peu novice, et on se lançait dans les techniques de déglutition, et donc vocales. Voilà. Quoi dire de plus ? Oui que j’ai été en milieu aussi IMP, donc activité mixte libérale et salariée, et maintenant depuis 2000, je fais que du libéral. S : D’accord. Interruption suite à un appel téléphonique. S : Alors voilà, donc vous me parliez de votre diplôme. Vous ne m’avez pas parlé de vos stages donc que vous avez effectués pendant votre formation initiale ? L : Oui ! Alors, mon dieu c’est loin donc je m’en souviens pas. S : A peu près quoi. Si vous en avez fait en rapport avec les CHEP ? Enfin la déglutition ? L : J’ai dû… Oui, j’ai fait… Non, non pas du tout. Non, non, j’ai fait des stages donc en hôpital, donc à neuro, un autre en CMPP, un autre avec les enfants sourds, un autre à la maisonnée de Francheville, un 2ème CMPP il me semble. Voilà, donc en fait c’était assez courant hein c’était sur tout ce qui était langage écrit, langage oral. Et puis chez les adultes plutôt aphasiques avec l’hôpital neuro. Mais rien concernant la voix. S : D’accord. Alors voilà, donc au niveau de votre parcours professionnel, vous m’avez expliqué : donc actuellement vous m’avez dit que vous étiez en libéral uniquement. L : Oui. S : Donc voilà. Comment est née votre vocation un petit peu pour la prise en charge de la dysphagie ? Est-ce qu’il y a eu un déclic ou est-ce que ça c’est fait parce que l’occasion s’est présentée L : Ben en fait ça s’est fait parce que oui, l’occasion s’est présentée puisque comme j’ai attaqué à Morancé : d’abord par un petit stage, et ensuite en étant titulaire, voilà pendant 2 ans. Du coup la clientèle venait pour cette pathologie-là, et du coup on s’est formés au fur et à mesure et voilà. Ca s’est fait sur le tas quoi. Et puis ensuite donc en libéral j’ai toujours pris des patients qui venaient soit de Jules Courmont ou de Morancé, et toujours en deuxième intention, c’est-à-dire qu’ils avaient toujours fait une
rééducation sur la déglutition ou sur la voix dans un milieu hospitalier, et voilà. Mais jamais en première intention parce que je trouve qu’en libéral, ça serait trop lourd et délicat avec les problèmes de fausses routes. S : D’accord. Donc, actuellement en libéral, à quelle fréquence vous diriez que vous voyez ce type de pathologie ? L : … S : Sinon approximativement combien vous en avez déjà vu en libéral ? L : Peut-être une dizaine. S : D’accord. Donc depuis quand vous êtes en libéral uniquement vous m’avez dit ? L : Depuis 2000, mais sinon je fais du libéral depuis 1988. Au même endroit. S : D’accord. Et donc vous quand vous prenez un patient qui a eu cette opération, vous rééduquez à la fois la voix et la déglutition. L : Oui. Selon où il en est par rapport à ce qu’il a appris dans le centre hospitalier oui. S : D’accord. Donc après au niveau de la rééducation orthophonique : donc le lieu de la rééducation, est-ce que ça se fait toujours ici ? L : Oui oui, toujours au cabinet. S : D’accord. Donc vous n’allez jamais chez les patients. L : Non. Non, parce qu’en fait ils sont autonomes. Enfin, ceux que j’ai eu étaient autonomes, et donc ils venaient directement au cabinet. S : D’accord. Donc, quand vous voyez un patient pour rééduquer la déglutition, à quelle fréquence vous le prenez dans la semaine ? L : Malheureusement 1 fois. Ou alors si il y a des absents une deuxième fois dans la semaine, mais après c’est…Si la personne déjà est quand même assez autonome par rapport à sa technique, du coup je le prends qu’une fois dans la semaine pour superviser un petit peu, faire le point avec lui sur son alimentation, sur d’éventuelles fausse routes. Voilà. Et si vraiment c’était très très délicat, à ce moment-là on essaie de se voir une deuxième fois dans la semaine. Mais en principe ils sont assez autonomes parce que en cas de problème ils savent qu’ils doivent tousser, ils savent, ils connaissent les réflexes donc ça se passe assez bien. S : Ok. Alors après, donc vos séances combien de temps elles durent ? L : En tout ça fait, entre 1 demi-heure et 40 minutes. Avec une partie déglutition, une partie voix. S : Ok. Après une question un petit peu plus générale, donc est-ce que vous voyez, vous qui avez fait justement Morancé et le libéral, des obstacles comme des points forts à l’un ou à l’autre ? Au centre ou au libéral ? L : Le fait d’être rééduqué ? S : Le fait de pouvoir suivre un patient qui a une CHEP en libéral ou en centre : quels sont les avantages et les inconvénients de chaque côté ? L : Ben l’avantage oui, c’est de pouvoir suivre le patient dans son quotidien dans un centre ça c’est sur, de pouvoir le suivre, être près de lui au moment des repas même si on passe peut-être que 5 minutes. Voilà, mais c’est vrai que ça c’est un point fort pour démarrer au centre de rééducation, d’autant plus que c’est souvent quand même angoissant que de pouvoir remanger à nouveau, ou peur de faire une fausse route. Voilà, donc ça c’est vraiment le point fort, ce qu’on pourrait pas faire en libéral. C’est impossible à faire en libéral. Voilà. Après les points forts en libéral, c’est un suivi ponctuel j’ai envie de dire, bon sur une durée plus longue, avec cette liberté de pouvoir se voir un peu plus intensément s’il y a besoin, ou d’espacer davantage selon les besoins du patient : donc peut-être une écoute plus du patient et de ses besoins et de ses
désirs, parce qu’il est à ce moment-là sorti du milieu hospitalier ; il va mieux et du coup on essaie de l’investir complètement dans sa rééducation et dans son autonomie sociale quoi. S : D’accord. Donc après au niveau de votre méthode, est-ce que vous pourriez me décrire une séance type pour un patient que vous recevez dans ce cadre-là ? L : Alors déjà j’essaie de voir comment est la respiration: savoir comment il respire, comment il se détend. Voilà au niveau respiratoire, au niveau thoracique, bon voilà. Après je pars toujours de ce que lui sait faire : voilà il me montre où il en est, et à partir de là on affine les points faibles. Voilà au niveau de la technique. Faire attention souvent à la position de la tête, parce que ils pensent bien souvent à mettre la tête du bon côté, c’est sur, et d’avaler en ayant la tête sur le côté, par exemple, mais ils la relèvent souvent trop tôt, et à ce moment-là on peut avoir le risque d’une fausse route. Donc voilà, corriger en fait les défauts on va dire. Voilà. Après , ce que j’essaie de faire aussi maintenant avec eux, c’est les techniques un petit peu de thérapie manuelle que j’ai apprises avec la formation d’Ostéovox : donc la détente de la base du crâne, de tout ce qui est cervical, omoplates, épaules, détente de tous les fascias, hein donc de tout ce qui est détente de la peau, des muscles laryngés. Voilà. Et c’est vrai que j’ai un cas là très particulier d’un patient qui vient après une radiothérapie, et cette technique-là de détente des fascias, d’étirements de tous ces muscles laryngés m’a permis de plus avoir le cou dans un étau et d’avoir tout à coup un relâchement de tous les muscles, et de se sentir libéré, pour pouvoir respirer (xxx). Voilà. Et puis donc après : le temps vocal, donc là avec des exercices très toniques, classiques que l’on fait en CHEP, je veux dire des /kr/, /gr/, des /r/ (xxx). Voilà, après je sais pas si vous avez de tout ça ? S : Bien le but des exercices, pas forcément spécifier tous les exercices dans les détails mais bon. L : Ben le but des exercices, c’est de muscler cette bouche, on va dire cette pseudo glotte dans tous les sens donc faire le mouvement du rideau, des exercices spécifiques. S : Le mouvement du rideau, je connais pas ça. L : La glotte se referme complètement latéralement comme ça (xxx). Faudrait que je recherche parce que c’est vrai que je fais ça tellement intuitivement (xxx). S : Ok. Donc après vous faîtes des essais alimentaires ? L : Alors oui. Tout dépend où ils en sont. Alors c’est vrai que souvent quand ils viennent, ils en sont souvent aux liquides. Parce que les é… A part une dame oui où il avait continuer un petit peu avec de la mixture un peu moulinée, donc il y avait des flans, voilà des choses comme ça. Mais sinon c’est vrai que souvent c’était le passage (xxx), donc on travaillait avec (xxx). Voilà avec la technique ben la tête sur le côté sain, inspirer, bloquer, avaler, rester sur le côté, souffler, relever la tête. S : Donc, après une séance justement, est-ce que vous envoyez les patients chez un kiné faire la kiné respiratoire ? L : Alors, ça c’est des questions que je leur pose aussi : savoir s’ils continuent ou pas la kiné respiratoire. Alors souvent ils la continuent pas, ou alors ils vont faire de la kiné pour autre chose, c’est-à-dire pour leurs épaules, pour détendre les muscles du cou. Voilà, donc ils font de la kiné plus à ce niveau-là, parce que souvent ils ont des problèmes aussi de bras, enfin d’élévation de bras ou autre. S : Ca vous dîtes vous leur demandez s’ils continuent c’est un choix de leur part ou c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé de kiné qui faisait ça, ou ? L : En fait c’est un choix de leur part je pense. Ou alors ils ont eu une ordonnance disant qu’il fallait continuer la kiné : ils la continuent. Ou alors ils ont pas eu
d’ordonnance et ils font rien. Ou alors après s’ils se plaignent de douleur particulière, moi je leur conseille à ce moment-là de refaire de la kiné. Euh, kiné respiratoire, et bien en fait les cas que j’ai rencontrés n’avaient pas forcément besoin parce qu’ils étaient libérés de toutes ces sécrétions. Voilà, mais sinon c’est vrai que c’est plus de la kiné pour la posture, pour les muscles thoraciques (xxx). S : Et donc vous, est-ce que vous, du coup vous n’avez pas réalisé de petite station respiratoire ? L : Non, ça non, pas du tout. S : La posture, donc ça vous m’en avez parlé. Au niveau de la progression alimentaire, donc vous me dîtes que généralement ils ne viennent que pour les liquides. L : Oui, parce qu’ils en sont là. Autrement ils se débrouillent bien pour tout ce qui est alimentation mixée, et puis après morceaux s’ils ont des dents (xxx). Donc ça se passe bien. Donc c’est plutôt les liquides qu’on surveille en fait. S : D’accord. Donc vous en libéral ici, quels sont vos moyens de savoir si le patient fait une fausse route ? L : Alors, et bien déjà voir si en séance il y en a ou pas. Parce que c’est vrai que si systématiquement c’est mis en place à ce moment-là et qu’il y ait pas de toux derrière ou qu’il y ai pas de… Qu’il y ait pas de toux légère, on va dire, ça veut dire que c’est acquis quand même. Si effectivement il y a encore des petites toux ou des petites fausses routes malgré tout, à ce moment-là je leur demande vraiment de… J’essaie d’affiner avec eux vraiment les points faibles pour améliorer ça. Je leur demande vraiment d’être vigilants par rapport à eux. Et puis si vraiment ça dure un peu trop, à ce moment-là je les renvoie vers l’ORL pour peut-être passer une radio, ou… Pour vérifier. Je leur dis quand même que c’est délicat pour eux, qu’il faut vraiment faire attention pour éviter d’avoir des problèmes pulmonaires. Mais c’est vrai que souvent quand ils arrivent ils sont quand même bine entraînés. S : Et donc, toujours dans le cadre de ces fausses routes, si vous voyez qu’il y a un patient qui en fait une devant vous, comment allez-vous réagir ? L : Et bien, (xxx) si vraiment il y arrive pas, ben essayer de, ben de faire la technique manuelle. Je sais pas comment ça s’appelle ? S : La manœuvre de Heimlich ? L : Voilà Heimlich. Je pense qu’il faut en arriver là. S : Mais manœuvre de Heimlich ça me paraît plus pour un morceau qui est bloqué. L : Oui, que des liquides. Ben oui, donc après je ne sais pas moi. Franchement c’est ça qui est délicat. Aider à tousser, ou appeler vite le SAMU. Je sais pas. S : Ok. Alors vous les patients que vous recevez, vous m’avez dit tout à l’heure, ils viennent donc soit de… L : Alors souvent de Morancé. Ca m’est arrivé qu’ils viennent de Jules Courmont. S : Jules Courmont c’est une ville ? L : Non, l’hôpital Jules Courmont : Lyon Sud. Ou alors il me semble que ça m’est arrivé qu’ils viennent de Croix-Rousse aussi. S : Ok, donc soit de l’hôpital, soit d’un centre. L : Oui, autrement je ne les prends pas, parce que bon ! S : Alors donc vous justement, acceptez-vous les patients sous certaines conditions. Donc : à priori s’ils ont déjà fait une rééducation. L : Qu’ils aient démarré voilà. Ca c’est sur. C’est tout. Après qu’ils puissant se déplacer parce que c’est vrai que je ne peux pas faire de domicile. Euh, mais sinon qu’ils aient vraiment mis en place le mécanisme au centre.
S : Ok, donc vous, quand rencontrez-vous les patients généralement, pour la première fois ? L : A sa sortie. S : Voilà, donc c’est jamais avant l’opération, en prévision? L : A non, non. Oui, toujours après, à sa sortie du centre. C’est le centre qui nous contacte pour nous dire, est-ce que vous avez une place pour recevoir telle personne. S : D’accord. Donc quand vous le voyez pour la première fois, est-ce que vous allez lui expliquer sa chirurgie et ses conséquences, ou pas, ou est-ce que ça dépend des fois ? L : A mais si, j’essaie de voir quand même un peu ce qu’il sait, de ce qu’il a compris, de comment ça se passe à l’intérieur, on peut faire des schémas. Oui, j’explique bien tout ça. S : D’accord. Donc généralement, vous le faites. Alors ensuite au niveau des habitudes nocives, est-ce que vous pensez avoie un rôle à jouer à ce sujet ? L : L’alcool, tout ça ? La cigarette. S : Oui, généralement c’est surtout le tabac. L : Oui, ou l’alcool hein ! S : Ou les 2. L : Ou les 2 oui. Ben si, on essaie d’en parler un peu, c’est délicat, tout dépend de… Euh, à vrai dire, à part peut-être une… C’est vrai que jusqu’à présent, ceux que j’ai eu, ils avaient quand même fait l’effort d’arrêter de fumer, et de boire. Après c’est vrai que ils vont commencer à boire un peu de vin (xxx), mais c’était juste un petit verre comme ça. Bon ils sont jamais arrivés bon voilà, saouls, quoi que ce soit. J’ai eu le cas d’une dame où il a fallu quand même bien expliquer, mais en théorie ça s’est passé. Parce qu’après dans la pratique, je suis pas tout à fait sûre qu’elle ne buvait pas quand même. Mais en théorie elle entendait le discours, ça restait très… Très superficiel quoi. Mais le discours était dit quand même. Voilà. Mais sinon, c’est le seul cas où j’ai eu un doute on va dire. S : Donc votre rôle alors, ça serait donc d’expliquer ce qui peut se passer si ils continuent à fumer et à boire. L : Voilà, et puis en même temps c’est vrai que normalement ils ont mal quoi, ça leur brûle quand même les muqueuses. Donc ils coupent le vin avec de l’eau ou voilà. Donc après j’essaie oui d’expliquer les conséquences. S : Ok. Alors au niveau du suivi, quand est-ce que vous jugez que la rééducation est terminée? Au niveau de la déglutition ? L : Ben quand le patient peut manger normalement, a bien repris du poids aussi, ne fait plus de fausse route, dit qu’il n’y a plus de soucis. Et puis au niveau vocal, ben quand la voix elle est quand même satisfaisante. Souvent ce que je fais, c’est que je fais un suivi après dans le… En espaçant les séances, donc ça va être tous les 15 jours, après toutes les 3 semaines, 1 fois par mois, donc pour euh… Et ça sur, ça peut durer sur 6 mois ou 1 an. Donc je les ai souvent sur 2 ans, 2 ans 3 ans. Voilà. S : 3 ans donc à partir du moment où ils viennent? L : Oui oui. 2 ans on va dire. S : La rééducation dure 3 ans avec une fin espacée. L : 2 ans on va dire. Ou plus si après c’est un problème de voix qu’est pas encore complètement résolu et si le patient n’est pas complètement satisfait de sa voix. Et ça on peut toujours le travailler. S : D’accord. Donc quand vous avez des contacts postérieurs à la rééducation, est-ce que ça peut arriver que vous en ayez, donc à la fin de ces 2 ans à peu près ? En fait
quand vous voyez le patient pour la dernière fois, après est-ce que vous pouvez être amenée à le revoir ? L : Alors… Il a un suivi toujours avec son chirurgien qui le voit 1 fois par an, 1 fois tous les 6 mois, ça dépend, donc après, c’est le chirurgien qui va peut-être dire : ben ça serait peut-être intéressant de reprendre, si… Ou le patient peut peut-être se plaindre au chirurgien en disant j’ai l’impression que ma voix baisse ou voilà. C’est surtout un problème de voix souvent chez les gens à ce moment-là. Et à ce moment-là bon ben ils peuvent revenir pour faire quelques séances. Ca m’est arrivé ça qu’ils reviennent. 2 ou 3 ans plus tard. S : D’accord. Et donc c’est à l’initiative du chirurgien alors? L : Voilà, ou alors un autre monsieur que j’ai eu récemment qui a été à nouveau réopéré parce qu’il y avait un petit problème : il a fallu refaire tout ce travail de rééducation. Mais vocal, pas de déglutition. S : D’accord. Donc, ça c’est bon. Alors après donc, au niveau de la rééducation, est-ce que vous pensez qu’elle joue un rôle dans la réintégration socio-professionnelle du patient ? L : Ben en fait, le fait de réapprendre à manger : si le but est de manger à nouveau normalement, ou même sans avoir trop la tête penchée, le patient peut à nouveau se permettre d’aller au restaurant, ou peut-être de ressortir ou peut-être de reprendre son activité professionnelle. Voilà. Je réfléchis s’ils étaient pas en pré-retraite tous, ou retraite ceux que j’ai eu. Non, c’est plus une activité, plus un retour social, parce que oui ils étaient à la retraite les miens. Ou pré à la retraite, ils en ont profité pour se mettre à la retraite. Mais… S : Plus sociale que professionnelle? L : Plus sociale. S : Ok. Donc ben c’est fini en fait. Après c’est juste savoir si vous aviez des remarques ou des choses à ajouter ? Que j’aurai peut-être oublié de vous demander ? L : Non. Je pense pas. S : Alors ben s’il y a quelque chose d’autre qui vous revient, allez-y ! Sinon je vois que j’ai oublié aussi : au niveau de l’opération, donc est-ce que vous avez accès au compte-rendu opératoire chirurgical ? L : Oui, je leur demande. Donc soit ils l’ont,ou s’ils l’ont pas j’essaie de l’obtenir par le chirurgien. Si si, pour savoir exactement comment ils ont procédé, savoir exactement ce qu’ils ont fait parce que je trouve que c’est important ben de savoir exactement comment ça s’est passé pour pouvoir travailler peut-être même en thérapie manuelle après derrière ou… Je ne vois pas comment on pourrait travailler sans, c’est un peu compliqué. S : Et si en lisant ce compte-rendu il y a quelque chose qui vous manque, est-ce que vous avez une possibilité d’appeler facilement ? L : D’appeler ? Oui oui. Il y a toujours une secrétaire oui. S : Donc finalement vous arrivez toujours à savoir. L : Oui oui. Ca j’essaie parce que c’est important.
Annexe 5 : Corpus de l’entretien avec Madame G.
S : Dans un premier temps si je vous dis orthophonie et CHEP à quoi ça vous fait penser ? C : Et bien rééducation vocale, et puis laryngectomie effectivement. Pour l’instant c’est tout. S : D’accord, c’est déjà un début. Alors après au niveau de vous, de votre formation. Donc est-ce que vous pouvez me dire quand et où vous avez été diplômée ? C : Alors j’ai été diplômée à Lyon en 1977 et j’avais effectué un stage à Morancé, donc je connaissais le problème. S : Du coup à Morancé à cette époque vous aviez déjà vu des partielles ? C : Euh oui certainement mais je vous avoue que c’est quand même loin donc j’ai pas un souvenir précis, mais je suppose que oui. S : Ben en fait c’était le début c’est pour ça que j’ai posé la question. C : Oui. S : D’accord. Donc au niveau de votre parcours professionnel depuis votre diplôme, est-ce que vous avez toujours été en libéral ? C : Alors j’ai une activité libérale et une activité salariée mais qui ne concerne que des bilans orthophoniques à la cité de l’enfance, enfin actuellement l’IDEF, l’Institut Départemental de l’Enfance et de la Famille. Et là-bas il n’y a pas de laryngectomisé. S : Ok. Et donc finalement vous faîtes ces deux modes d’exercice depuis votre diplôme. C : Tout à fait. S : Donc, d’abord au niveau des CHEP, comment est née votre exp… Votre vocation on peut dire ? C : C’est pas une vocation. C’est le hasard si vous voulez. J’en n’ai pas eu énormément en rééducation parce qu’en principe ils sont tous en centre et en fonction du lieu d’habitation ils sont dirigés dans les cabinets libéraux. J’ai plus eu de laryngectomies totales que partielles. J’en ai eu très peu de partielles. S : D’accord. Donc au niveau de la fréquence de prise en charge c’est donc rare. C : Rare. S : Depuis quand ? C : Ca je ne peux pas vous donner de date, je ne sais pas. S : En fait j’imagine depuis que vous êtes diplômée finalement si vous avez fait un stage là-bas ? C : A ben oui, depuis le début je prends en charge des laryngectomies mais vous voulez partielles ou totales ? S : Ben ce type de chirurgie donc plutôt partielles en fait parce que la rééducation est différente. C : Partielles, je pense que j’en ai eu une ou deux dans mon exercice hein pas plus. Donc je n’ai pas une expérience… S : Oui. Et donc quand vous voyez une partielle vous rééduquez à la fois la voix et la déglutition ou l’un ou l’autre ? C : Les deux ! Enfin si besoin est, parce que Monsieur S. il n’en a pas besoin de déglutition. Ou le travail a été fait auparavant ou là bon, il en n’avait pas besoin. On ne travaille que la voix. S : D’accord. Et donc j’ai oublié de vous demander au niveau de votre formation complémentaire: est-ce que vous en avez fait dans ce domaine?
C : Non. S : D’accord, donc uniquement votre formation vous l’avez eue à l’école et à Morancé? C : Tout à fait. J’ai fait des formations mais pas à ce niveau-là. S : D’accord. Donc ensuite, spécifiquement dans le cadre de ces laryngectomies partielles même s’il n’y en a pas eu beaucoup, vous les rééduquez uniquement ici au cabinet ? C : Oui. S : D’accord. Alors après au niveau des commodités, donc par exemple pour Monsieur S. vous me dîtes que vous avez travaillé uniquement la voix, et pour vos autres laryngectomies partielles est-ce que vous avez déjà fait des essais alimentaires ? C : Je crois que je n’en ai pas eu hein… De déglutition pas au niveau, pas avec les laryngectomisés hein, parce que… Non. J’ai pas souvenir. S : D’accord. Donc si quelqu’un vous appelait pour vous dire qu’il avait besoin de travailler un petit peu la déglutition en libéral, comment vous répondriez ? C : Et ben je le ferais. S : Vous le feriez. C : Oui bien sûr. S : D’accord. Alors au niveau de la fréquence de prise en charge? C : Et bien Monsieur S. je le prends 2 à 3 fois par semaine. C’est variable, en fonction… Lui est très disponible, moi parfois moins, c’est un petit peu en fonction. Mais c’est deux fois par semaine de toute façon. S : D’accord. La durée d’une séance? C : Une demi-heure. S : D’accord. Et la durée totale à peu près de la rééducation, donc là elle n’est pas finie. C : Elle n’est pas terminée, non et… C’est variable. Tout depend du sujet. Alors avec Monsieur S. on a le cas de quelqu’un de très coopérant qui fait ses exercices régulièrement à la maison, enfin qui est très consciencieux, qui veut vraiment y arriver et s’en sortir. Donc ça se passe bien. Ce n’est pas toujours le cas. S : Ok. Et donc là ça fait combien de temps qu’il vient vous voir? C : Ca va faire un an il me semble. De mémoire ça fait un an oui. S : Et vous pensez que la rééducation elle va durer encore? C : Non. Là il est en train de… Enfin je ne sais pas ce que vous en avez pensé? Mais il y a une voix qui est quand même plus sonore. S : Oui. C : Mais qu’il n’ose pas utiliser en fait. Il a tendance à parler en voix chuchotée alors qu’il peut parler plus fort. Donc c’est en fait une habitude qu’il a prise et qu’il a du mal à quitter. S : C’est peut-être aussi le fait que comme il est très compréhensible… C : Il fait pas trop d’efforts? S : Oui. C : C’est ce que vous voulez dire. Peut-être oui mais ce serait bien que ce soit plus non ?Enfin je pense que même au téléphone, ça passe. S : Oui. En fait hier c’est bien passé sauf au début il voulait me parler dans la rue, donc avec les voitures, je n’entendais rien. Mais sinon oui ça passe bien. C : Oui c’est clair qu’il faut quand même choisir son lieu. S : Oui. Donc au niveau, alors même si vous n’avez jamais rééduqué vraiment la déglutition ici, quels sont les obstacles ou les points forts que vous verriez aussi bien à Morancé qu’en libéral ? En centre qu’en libéral ?
C : A quel niveau? Je ne comprends pas la question là ? S : Bien aussi bien de la manière dont vous menez la rééducation que pour le patient quand il la reçoit ? C : Oui. Est-ce que c’est mieux en libéral ou en centre ? S : Pas forcément si c’est mieux en libéral ou en centre mais les obstacles et les points forts que vous verriez de chaque côté. C : Je ne vois pas particulièrement ni de points forts ni d’obstacles… Si, sauf s’il régurgite, s’il y a des problèmes de xxx. S : Donc à ce moment-là ce serait mieux… C : Ce serait mieux d’être en centre s’il y a un souci, s’il s’étouffe, s’il y a une fausse route importante quoi mais bon. S : D’accord. C : Ce serait plus sécurisant. S : Plus sécurisant à cause de quoi ? C : Ben d’un risque d’étouffement. S : Du fait des professionnels autres à côté ? C : A ben bien sûr oui. Tout à fait oui. S : C’est ça que vous voulez dire. Alors c’est embêtant parce que vous n’en avez jamais fait, mais du coup mes questions elles sont un petit peu basées là-dessus. Alors du coup en imagination comment vous décririez une séance pour la déglutition ? A laquelle vous pourriez finir par la voix d’ailleurs. C : Et bien on commencerait par des liquides de toute façon, puis introduire ensuite des semi-liquides on va dire style yaourt, et puis pour passer à de la nourriture plus consistante comme des biscuits… S : Est-ce que vous auriez des exercices spécifiques à faire pendant la séance ou juste vous feriez l’essai ? C : Faire l’essai et puis expliquer tout de même le fonctionnement de la déglutition à l’aide de dessins et de… Montrer. Et puis, c’est tout. S : Et quand vous travaillez la voix, comment vous faîtes ? C : Alors on a des exercices de respiration au départ, respiration abdominale, de gymnastique bucco-faciale et cervicale. Ensuite on a des exercices de répétition de mots, de phrases, des exercices de blocages glottiques xxx. S : D’accord. Vous, est-ce que vous utilisez les techniques manuelles ? C : Oui. Pour les manipulations laryngées ? S : Oui. C : Oui bien sûr. Pour faire sentir, pour que le patient à la limite puisse s’aider lui si besoin est, pour bloquer d’un côté, pousser. Qu’il sente les différences en plus. Quand on manipule on obtient tout de suite un son différent et il faut que le patient puisse le sentir pour pouvoir le reproduire ensuite et éventuellement s’aider lui si besoin est. S : Donc vous faîtes les manipulations dans le cadre de la voix. C : Oui. S : Et est-ce que vous seriez prête à les faire aussi dans le cadre de la déglutition ? C : Oui. S : Je vois en fait que vous êtes dans un cabinet avec deux kinés. C : Oui. S : Donc je ne sais pas s’ils font de la kiné respiratoire ? C : Un oui, l’autre pas.
S : Parce que, en imaginant qu’un jour vous ayez un patient qui vienne pour la déglutition vous pensez que ce serait faisable et pratique peut-être de l’envoyer là ? C : Monsieur S. va chez le kiné. S : Ah, c’est chez ce kiné là. C : Voilà, donc il y a le côté pratique et puis, ben c’est bien parce qu’on peut en parler. S : C’est vrai que parfois comme il y a peu de kinés qui font ça c’est un petit peu délicat. C : Non non mais là il est suivi par le kiné avec qui je travaille. S : Ok. Donc au niveau de la posture, mais c’est pareil toujours en imagination quelle posture vous pourriez leur faire prendre suite à une CHEP. C : Posture pour travailler la voix ou pour… S : Pour manger. C : Pour manger? A ben plutôt comme ça je dirais (elle rengorge son menton). S : Donc menton rengorgé. C : Oui. S : Donc au niveau de la progression alimentaire vous me l’avez dit tout à l’heure. C : Oui. S : Quels seraient ici en libéral vos moyens de savoir si le patient fait une fausse route? C : Ben je pense que ça doit se voir très vite parce que s’il se met à tousser, à s’étrangler… S’il fait une fausse route on s’en rend compte. Il tousse. Non? S : Ben ça dépend, si c’est une fausse route silencieuse justement. C : A ben j’en connais pas. S : D’accord. C’est pour ça en fait que je trouve que le kiné c’est super important parce que si la fausse route elle passée et que le patient et l’orthophoniste ne s’en rendent pas compte, après il va recracher en kiné et là ça se voit. C : D’accord. S : Donc voilà. Les patients qui vous sont adressés généralement d’où viennent-ils? Donc là Monsieur S. il vient de Morancé. C : Oui. Ben c’est Morancé qui m’envoie généralement. S : Toujours Morancé donc jamais directement de l’hôpital. C : J’en ai eu très peu donc… S : Oui, c’est sûr que… C : Je me demande si j’ai pas eu un laryngectomisé directement mais xxx. Généralement c’est Morancé je dirais. S : D’accord. Donc ces patients est-ce que vous les acceptez sous certaines conditions? C : Oui parce que je crains un petit peu les réflexes nauséeux donc je suis prudente. Je me suis faite piégée une fois ou deux donc je fais attention. C’est vrai que c’est pas très agréable. Je suis assez sensible à ce genre de choses. S : Donc c’est-à-dire que vous ne prenez pas les patients qui auraient un réflexe trop… C :Trop important oui je pense. Mais bon ça on ne peut pas le savoir avant de les voir donc c’est un petit peu délicat. Alors par contre ce que je j’aime c’est quand même qu’ils soient passés à Morancé avant parce que bon il y a déjà une grosse partie de faite au niveau du travail et donc ils arrivent quand même avec un… Déjà des habitudes de respiration et de déglutition sympathiques. S : D’accord. Vous quand est-ce que vous rencontrez le patient ? Donc jamais avant sa chirurgie ? Jamais avant Morancé ? C : Ben je les ai toujours eu après intervention. Jamais avant.
S : D’accord. La première fois que vous les voyez, sachant qu’ils sont déjà passés à Morancé, est-ce qu’ils peuvent être quand même en demande d’explications par rapport à leur chirurgie ? C : Euh par rapport à la chirurgie non. Par rapport à la rééducation oui mais ils me posent peu de questions par rapport à la chirurgie. Hein bon souvent pourquoi c’est, bon souvent des cicatrices, des choses un petit peu qui tirent, des choses comme ça mais pas vraiment au niveau intervention. Je pense que c’est plus … Enfin c’est au médecin qu’ils posent les questions. S : D’accord. Et même les conséquences de l’intervention ça revient pas non plus? C : A si, les conséquences oui. Mais pas des détails précis sur l’intervention. S : D’accord. Et quel genre de questions ça pourrait être sur les conséquences ? C : Ben pourquoi je… Ca va pas plus vite? Pourquoi de ce côté pourquoi ceci quoi c’est… Bon au niveau des cordes vocales, souvent ils connaissent pas trop le fonctionnement donc ils sont demandeurs au niveau du fonctionnement. Mais même au fonctionnement normal on va dire, pas spécialement par rapport à leur situation. S : Et à ce moment-là ça peut vous arriver de répondre par des schémas ? C : Oui ben là j’ai déjà un petit tableau qui explique, qui permet de visualiser et puis j’ai d’autres documents (elle me montre une affiche ORL accrochée au mur). S : D’accord. Et donc vous disiez ils posent des questions par rapport à la rééducation, donc peut-être savoir pourquoi vous faites tel et tel exercice non c’est ça ? C : Oui et… Toute façon moi je leur explique toujours pourquoi on le fait donc à la limite ils ont pas besoin de poser la question. Mais c’est vrai qu’ils sont curieux de savoir et puis bon je pense que c’est important de leur dire avant qu’ils questionnent d’ailleurs. Qu’ils comprennent l’utilité et l’importance. S : D’accord. Alors après au niveau des habitudes nocives: principalement le tabac et l’alcool, est-ce que vous pensez vous avoir un rôle à jouer ? C : Bien sûr! S : Comment, quel rôle ? C : Ben la je joue sur du velours avec Monsieur S. parce que il a tellement, je crois, eu peur, il a tellement envie de s’en sortir qu’il a arrêté le tabac du jour au lendemain xxx. S : Oui c’est ce qu’il m’a dit C : Et puis il est hors de question qu’il reprenne. Quand il rencontre d’autres laryngectomisés, partielle ou non, qu’il voit encore fumer, il est outré. S : Il comprend pas oui. C : Il comprend pas. Il dit vraiment il a rien compris, il est fou. Il me dit qu’il a pas d’appétit mais c’est évident parce qu’il continue de fumer… C’est surtout le tabac plus que l’alcool. Il parle peu de l’alcool. S : Et du coup, votre rôle ce serait peut-être de reexpliquer les conséquences, le lien… C : Bien sûr. Hein si tel était le cas bon ben c’est sûr que… Un patient qui continuerait à fumer je pense que je lui expliquerais deux trois petites choses. S : Parce que… Peut-être que ceux qui continuent à fumer c’est qu’ils n’ont pas compris. C : Mais vous savez je crois que ceux qui... Oui mais ceux qui continuent à fumer ils sont incurables. Parce que la personne qui a envie de s’en sortir à compris l’importance de s’arrêter. Y en a qui disent de toute façon foutu pour foutu… Donc tout dépend du mental du sujet. S : Alors ensuite au niveau du suivi de la rééducation : quand est-ce que vous jugez qu’elle est terminée.
C : Ben quand la voix est belle et quand on n’a plus rien à apprendre au patient hein. Quand il sait tout, ce n’est pas la peine de faire de l’acharnement pour lui expliquer ce qu’il connaît déjà. Mais souvent le patient est très demandeur parce que ça le rassure et puis bon c’est un contact : bon ça va, il vient. Ca le conforte. Et… Bon je pense également qu’ils font plus d’efforts quand ils sont suivis qu’ensuite. C’est pour ça que c’est important peut-être de garder quelques séances pour dire je vous revois dans un mois, dans deux mois. Pour maintenir un lien et qu’il y ait quand même cette échéance qui les force à continuer le travail. S : D’accord. Donc vous dîtes quand la voix est belle : qu’est-ce que c’est qu’une voix belle ? C : Belle, euh : sonore. Que le patient soit apte à se faire comprendre quand il va chez un commerçant, qu’il soit entendu et qu’il n’y ait pas de soucis. S : D’accord. Donc est-ce que ça peut quand même vous arriver une fois que la rééducation est terminée d’avoir des contacts ensuite ? C : Ben de rencontrer quelqu’un par hasard dans la rue ?Oui ça m’est arrivé souvent ! S : Oui ou plutôt que le patient ait besoin de revenir. C : Ah. Ben certains reviennent me faire un petit coucou oui. S : D’accord, donc ce serait plus pour garder le contact. C : Le contact oui, c’est plus sympathique et puis ici ils sont contents aussi de montrer… Moi je sais que j’ai suivi une dame qui est revenue me voir souvent parce qu’elle était vraiment contente. S : D’accord. Donc en fait c’est pas dans le but de revenir faire une séance parce qu’il y aurait eu un problème. C : Non, c’est plutôt sur le plan de la convivialité. S : Ben c’est déjà bien. Donc ensuite au niveau de la rééducation dans ce cadre-là, est-ce que vous pensez qu’il y a un rôle dans la réintégration socioprofessionnelle du patient. C : Bien sûr. Euh j’ai pas eu de patients qui ont repris le boulot, parce que Monsieur S. ne travaille pas. S : Oui, c’est ce qu’il m’a dit. C : La dame que je voyais ne travaillait pas non plus. Un autre monsieur qui était plus âgé, donc qui était à la retraite. J’ai… Non, les autres étaient tous à la retraite. Donc, j’ai pas eu à me confronter à ce problème. Mais bon ça fait partie, de toute façon c’est le rapport aux autres hein donc que ce soit professionnel ou amical, c’est un petit peu le même phénomène. S : Donc avec la voix ça permet de garder une communication. C : Oui. S : Ensuite au niveau de l’opération est-ce que vous vous avez accès facilement au compte-rendu opératoire ou est-ce que vous n’en voyez pas l’utilité ou… C : Ben si c’est important, ce serait important mais c’est vrai qu’on nous l’envoie pas souvent. S : D’accord. Et donc après vous vous ne le redemandez pas par derrière. C : Pas forcément non. S : Donc en faite, quand le patient… Vous ne savez pas exactement… C : Ce qui a été fait non. Bon on a un petit courrier généralement quand même, mais explicite. On n’a pas de détails très précis. C’est vrai que je pense qu’on peut les obtenir sans problème si on téléphone. S : Voilà, ben c’était ma question suivante. Auriez-vous des choses à rajouter ? C : Bien, non rien de particulier, pas qui puisse s’enregistrer.
Annexe 6 : Corpus de l’entretien avec Madame A.
S : Ma première question c’est d’abord si je vous dis orthophonie et CHEP, à quoi ça vous fait penser ? A : Lourde prise en charge. Sachant qu’on sait très bien à quel point ces gens sont mutilés, aussi bien physiquement que psychologiquement donc forcément on en tient compte. C’est difficile pour tout le monde : pour les thérapeutes, orthophonistes et pour les patients. Donc on sait déjà qu’il va falloir être d’une attention particulière pour ces gens-là. Voilà, ça me fait penser à ça. S : Alors maintenant plus spécifiquement au niveau de vous donc, de votre formation, est-ce que vous pouvez m’expliquer votre année de diplôme, votre école ? A : Alors moi je suis diplômée de 91, de Lyon. J’ai fait un stage en voix à E. Herriot et en laryngectomie à St Hilaire du Touvet. Par contre, j’ai fait avant St Hilaire du Touvet et c’était extrêmement difficile de faire en deuxième année, parce qu’à l’époque on avait deux stages obligatoires de six mois, sans avoir fait les pathologies, d’arriver sur un terrain avec des pathologies aussi difficiles, tout de suite, en deuxième année, dès le mois d’octobre je crois. Donc c’est extrêmement choquant au départ quand on n’est pas habituée à voir toute cette symptomatologie, toute cette pathologie bien compliquée pour nous quand on n’y connaît rien au départ. Donc c’était perturbant en tant qu’étudiante. Et puis après on s’y fait et puis après on rentre dans le métier et on prend les choses par l’expérience, par les professionnels qui nous aident et qui nous laissent facilement la main. Ca, c’était bien. Euh, donc j’ai fait six mois de stage à St Hilaire du Touvet, j’en garde un souvenir riche d’expérience mais difficile dans la précocité du stage par rapport aux études et sinon difficile aussi parce qu’il faut pas se leurrer : c’est quand même difficile de prendre en charge ce genre de patients au plan émotionnel en tant qu’orthophoniste. Et puis après, on s’y fait bien sûr, on se blinde et c’est lourd quand même. Après ben vous les voyez dans une structure ces gens, donc vous les voyez en chaîne. Vous ne voyez que de ça, donc c’est pour ça que vous vous y faîtes. En cabinet quand on les reçoit après, c’est plus rare. Ils ont déjà : soit bien avancé, soit ils ont abandonné. Donc ils ont déjà passé toutes les étapes que vous avez vu vous avant. Donc c'est différent je trouve. S : Au niveau de votre formation complémentaire, est-ce que vous êtes formée spécifiquement dans ce domaine? A : En voix, j'ai développé la voix mais par rapport à la déglutition et aux laryngectomies j'ai rien fait d'autre après Mo-, après, j'allais dire Morancé, après St Hilaire parce que j'ai développé plutôt les pathologies moins lourdes en voix. J'ai fait l'ostéovox, j'ai fait tout ça, je fais du chant moi-même, des choses comme ça. Mais c'est vrai que le diplôme de thérapie cognitive et comportementale m'aide dans la prise en charge en termes psychologiques et je trouve que c'est quelque chose à ne pas négliger dans l'approche. Après en termes techniques, je n’ai rien fait de plus que ce que j'ai appris sur place parce qu'ils étaient extrêmement compétents. Et peut-être que ça date un peu, certes, mais après quand j'ai eu des soucis, j'ai appelé des gens que je connais, qui sont restés branchés sur ces pathologies-là plus spécifiquement comme Madame V. et voilà, après on se fait aider par les copines et ça va bien mais sur le… Comment dire. Les gens savent que j'en fais, mais je pense que c'est mieux de les laisser aller vers des gens qui font que ça. Bon moi je veux les recevoir pour ce que je sais faire, après je pense qu'ils sont quand même orientés vers des cabinets spécialisés ou des centres. Je prends : s'il faut prendre je prends, euh sinon j’ai pas eu envie d'aller plus loin.
S : Donc au niveau de votre parcours professionnel : donc là actuellement vous êtes en libéral, est-ce que c'est votre seul mode d'exercice? A : Oui. S : Donc depuis votre diplôme? A : Oui. S : Au niveau... Alors voilà donc, la vocation pour les CHEP un petit peu, comment est-ce qu'elle est née? A : Elle est pas née, on me l'a imposée. S : D'accord, donc par rapport à votre stage. A : Ben à l'époque, on nous imposait les stages. En deuxième année moi j'étais jamais partie de Lyon, aller à Grenoble, bon fallait y rester coucher c'était compliqué, j'avais pas envie. Mais finalement j'ai dit faut y aller parce que c'est un milieu hospitalier intéressant, il y a des choses à apprendre, moi j'ai envie d'apprendre, voir ce que c'est les choses plus graves. J'ai joué le jeu parce que c'est très formateur et c'était un très très bon stage et j'ai beaucoup appris. Ce qui est bien c'est qu'on apprend avant les autres en tant que deuxième année su… Et la rééducation et la pathologie et la prise en charge et donc j'ai xxx. S : Au niveau de votre fréquence de prise en charge de cette pathologie des CHEP vous en avez… A : Alors en ce moment j'en ai bien moins parce que je suis tellement spécialisée dans autre chose que les gens le savent et, et je crois que donc voilà je laisse la main hein. Maintenant si, enfin ça m'est arrivé, mais pas récemment effectivement, le dernier patient que j'ai eu c'était il y a deux ans. Et ça a duré bien six mois. Il a persévéré pendant six mois puis après c'était un étranger donc il est reparti dans son pays. J'en n'ai pas vu d'autre mais les ORL sont plu-, enfin je crois qu'après ils vous envoient les gens, comment dire, par spécialité. Moi c'est plutôt le vocal simple. Mais, qu'est-ce qu'on peut dire par rapport à ça? xxx . Chacun son truc. S : Et la personne que vous aviez vue il y a deux ans c'était spécifiquement une CHEP ou c'était une laryngectomie partielle? A : CHEP. S : D'accord. Donc sinon combien vous en avez vu à peu près? A : En tout? Depuis 10 ans? Plus même, 15 ans? Oh, je dirais une quinzaine. S : A quand même! A : Oui oui. Après il y a des endroits où il y en avait plus parce qu'avant j'étais à Ambérieux, et à Ambérieux comme il y avait un seul cabinet les ORL ben ils les envoyaient qu'à nous donc on en voyait plus. S : Donc finalement vous les prenez depuis votre diplôme. A : Oui. S : Et vous rééduquez la voix et la déglutition ou seulement l'un ou l'autre? A : Euh, à priori les deux mais quand c'est trop compliqué pour moi la déglutition, je délègue. Donc soit c'est simple et je me débrouille, soit c'est complexe et je donne le relais. S : Donc vous envoyez vers qui à ce moment-là? A : Ben j'appelle les amis que je connais dans le milieu et qui m'orientent en fonction de la zone du patient où il habite, que ce soit pas trop compliqué pour lui. S : D'accord, donc peut être vers un autre cabinet libéral. A : Oui oui tout à fait.
S : Au niveau de la rééducation : donc vos patients, est-ce que vous les voyez toujours ici ou vous faites des domiciles pour les CHEP? A : Non, je ne fais pas de domicile. S : Au niveau des commodités par exemple pour les essais alimentaires est-ce que ici vous avez un frigo ou est-ce que c'est le patient qui amène? A : Oui oui. Non en principe c'est moi qui… Et puis en fonction de ses goûts, je lui dis ben si vous préférez amener des choses vous, vous les amenez. Mais je prévois en principe: compotes, … S : Donc vous n'avez pas spécialement de soucis par… A : Non. On essaie de rendre sympa aussi hein c'est vrai qu'on leur donne pas des trucs déguelasses, on essaie de f-. Parce que déjà le menu il est modifié, donc faire des choses qu'ils aiment. On leur demande, on fait en fonction d'eux. On trouve des trucs qu'ils aiment en principe. S : Donc après, au niveau de la fréquence à laquelle vous voyez le patient? A : Alors en début moi je les voyais 3 fois par semaine parce que je trouve que c'est un bon rythme et en dessous je trouve que c'était pas efficace. Vaut mieux les voir plus: 4 fois en tout début, puis après on espaçait en fonction de l'évolution donc j'ai une tendance à faire peut-être condensé au début. Puis dès que je sens que le patient avance bien, j'espace. S : Puis après, ça peut-être une fois par semaine ou encore moins? A : Pas moins non. S : Donc toujours minimum une fois. A : Une fois. S : Et la rééducation globalement elle dure combien de temps? A : Ben ça dépend : ça dépend de la motivation du patient, ça dépend des résultats, ça dépend de son état de santé. Heu, moi il y a eu des patients qui, malheureusement, ont récidivé, des choses comme ça, donc il y a des interruptions, après si vous voulez… Donc ça, c'est tellement aléatoire. Ca dépend beaucoup beaucoup de l'état du patient. S : Mais globalement ça se compte plutôt en mois, en années? A : En mois c'est sûr. En années, quand ils sont ultra motivés pourquoi pas. Je pense que tant qu'ils ont besoin de soutien xxx faut leur laisser le droit d'aller plus loin. Moi je suis pour en fonction d'eux : ce qu'ils disent, ce qu'ils veulent, ce qu'ils ressentent. Si nous on les sent motivés, on les pousse à continuer. Après, faut les autonomiser aussi. Enfin voilà. S : D'accord. Et vos séances elles durent combien de temps? A : Une demi-heure. S : Alors maintenant, vous qui avez eu un stage en centre et qui avez l'expérience du libéral, donc quels seraient les points forts ou les obstacles que vous verriez à l'un ou à l'autre ? A : Alors, les points forts de l'institution, ce serait évidemment le travail en équipe, la spécialisation, euh ce qui fait qu'on devient performant parce qu'on fait que ça et qu'on connaît encore mieux le domaine. Plus on en fait, mieux on sait faire. Et plus on se heurte à différentes choses auxquelles il faut qu'on s'adapte, donc plus on connaît la question et plus on développe euh… Ou plus on a à développer des stratégies d'adaptation pour eux et en fonction des contextes nombreux qu'on rencontre. Alors qu'en libéral, comme on en rencontre bien moins, on va moins loin. Donc moi, je pense que c'est peut-être plus intéressant le libéral pour le suivi que pour la rééducation à proprement parler. Il faut qu'ils aillent dans des endroits où ils sont pris en charge.
Enfin de ce que je me rappelle à St Hilaire c'était deux fois par jour, et moi je trouve que c'est très très bien. En libéral, on ne peut pas les pendre deux fois par jour et puis il y a un problème de coût. Vous ne pouvez pas faire deux séances dans la même journée alors que c'est des gens des gens qui ont énormément besoin d'être entourés, encadrés, soutenus, pris en charge. Donc, les conditions sont xxx, même en terme économiques et l'avantage toutefois du libéral c'est que le patient est inclus dans un contexte de normalité plus facilement. C'est-à-dire que même si c'est difficile pour lui de se sentir exclus par sa mutilation, ben il continue à avoir une vie à peu près normale, à vouloir essayer de s'intégrer. Et malheureusement pour lui quand il en est soucieux, on voit que des gens comme lui et… Alors ça a son intérêt parce qu'il partage des choses en se retrouvant ensemble avec d'autres qui ont les mêmes problèmes et à la fois ça les exclue … En tout cas, ça leur montre à quel point ils sont plus comme nous. Donc ça dépend des gens, mais il y en a ils ont pas trop envie d'être avec des gens qui ont le même problème qu'eux, ils préfèrent s'intégrer et donc revenir à une vie encadrée certes, mais entre parenthèses normale et puis il y en a d'autres qui ont besoin d'être avec des gens comme eux. A priori, moi j'ai plutôt rencontré des gens qui n’avaient pas envie d'être étiquetés, donc qui ont insisté pour xxx. S : Alors après, donc au niveau de votre méthode, est-ce que vous pourriez me décrire à peu près une séance xxx? A : C'est un peu long ça à expliquer! Euh, ben moi je parle beaucoup avec lui, j'essaie de le connaître pour voir quelles sont ses difficultés, voir ce qui le gêne plus et après, une fois que j'ai cerné où étaient ses priorités, je vais dans son sens et j'essaie de rendre autant que faire se peut les choses : donc j'applique des techniques en m'adaptant à la personne. C'est comme ça que je fais. Après, moi je peux pas vous décrire une séance, c'est pas possible pour moi parce qu’on a tous des techniques qu'on apprend à l'école et qu'on adapte à ses patients. Donc j'applique des techniques mais je les adapte avec d'autres outils que j'ai appris à utiliser au cours de mon parcours personnel et professionnel. Et si j'ai besoin d'en utiliser d'autres que les techniques simples d'orthophonie, je le fais. Par exemple : si un jour ce patient est très mal au niveau des tensions qu'il peut ressentir à cause de la radiothérapie, à cause de choses comme ça et si il y a besoin de faire de la thérapie manuelle, je le fais. Parce que le but, c'est d'être à l'écoute et pas d'appliquer des techniques scolaires. S : D'accord. Mais il n'y aura pas des exercices qui reviennent toujours quand vous faîtes par exemple pour la déglutition? A : Si bien sûr mais, si bien sûr que si. Je suis pas quelqu'un qui systématise. Je ne peux pas le faire, c'est pas mon truc. Evidemment j'ai une base sur laquelle je… C'est la base de notre apprentissage, de nos connaissances théoriques, mais après vous pouvez pas faire quelque chose de… Je suis pas pour en plus. Je suis d'accord pour apprendre une méthode, et après cette méthode-là, il faut s'en détacher pour s'adapter à son patient. Mais évidemment que je fais faire des exercices répétitifs, mais adaptés à lui. C'est-à-dire que ptêt que je vais lui faire, je sais pas moi, un truc spécifique, mais d'une certaine façon pour lui alors que pour un autre je ne ferais pas la même chose. C'est pas possible. Enfin, pour moi hein. S : D'accord. Donc sinon vous me parlez de thérapies manuelles donc c'était ma question suivante : si vous l'utilisiez. Tout à l'heure vous m'avez parlé d'ostéovox aussi donc vous faîtes… A : Je fais de la thérapie manuelle oui. J'ai fait donc cette formation, mais régulièrement en supervision des choses comme ça, enfin on continue après une fois
qu'on a cette formation : on y retourne pour, bah pour continuer à se former tout le temps, rester dans le train. Et voilà, après c'est pas du systématique non plus, ça dépend des besoins. S : D'accord. Mais vous êtes amenée à l'utiliser aussi bien pour la déglutition que pour la voix? A : Oui. S : Est-ce qu’après un, enfin quand vous faîtes une rééducation de la déglutition est-ce que ça vous arrive d'envoyer un patient chez un kiné pour faire de la kiné respiratoire? A : Ah oui. S : Est-ce que c'est toujours, ou... ? A : Ben non, pas toujours. S'il est très encombré et qu'on sent qu'on n'y arrive pas, oui je trouve que c'est très très bien de le faire. S : D'accord. Donc ici, vous n'avez pas de problème pour savoir où orienter les patients dans ce cas-là? A : Non parce que moi j'ai plein, j'ai un réseau donc je connais plein de gens qui sont chacun dans leur domaine. S : Donc pour un patient opéré d'une CHEP et un essai alimentaire est-ce que vous lui faîtes pendre une posture particulière? A : Oui, en principe. Euh mais je regarde comment il se tient, j'essaie de trouver des postures qui facilitent. S : Donc ça peut être de quel genre? A : Précisez votre question? S : Quelle posture vous pourriez lui faire prendre? A : Euh pour quoi? Pour la déglutition ou pour parler? S : La déglutition. A : La déglutition? Euh, en fait l'orientation de la tête xxx, les épaules, enfin voyez en fonction du geste aussi comment il a fait. Donc je regarde comment il peut faire d'abord et après je lui dis non faîtes comme si faîtes comme là xxx son geste. Mais je regarde d'abord comment il s'y prend. Si ça va tout seul, je donne quelques petites indications : mettons plus comme ça plus comme ça et en fonction de ce qui ce passe, je vais lui faire modifier son comportement. Parce que je crois que c'est aussi à lui de trouver. Et si je sens que ça bute, je vais l'aider, parce qu'il y a parfois la technique qui dit quelque chose et ben on s'aperçoit qu'il trouve tout seul une autre façon de faire qui va lui convenir aussi. S : D'accord. Donc ensuite au niveau de la progression alimentaire donc... A : Ouais, ben ça fait longtemps que j'en n'ai pas vu hein de déglut. Progression alimentaire : on partait de choses semi-liquides, l'eau c'était extrêmement difficile donc c'était pas tout de suite. Euh, je crois qu'en fait on… Ca fait très longtemps que j'en n'ai pas fait de la déglutition hein. Donc c'est un peu loin pour moi maintenant, mais je me rappelle qu'on démarrait pas sur les liquides purs, on démarrait sur les semi-liquides, donc les compotes les choses comme ça, mais un tout petit peu. Et une fois que ça ça commençait à aller, on passait aux liquides et après aux solides. Enfin, semi, parce que… Les purées, … Alors après ça, c'est plus difficile en cabinet. Donc tout ce qui est compotes et liquides ça va, après on les laisse un peu se débrouiller parce qu’on peut pas nous faire une purée ici, ça va pas être possible. S : C'est plus un problème de pratique que... A : Ouais. Ca, à partir du moment où on a vu qu'il s'en sortait bien avec le semi-liquide, semi-solide, et ben on avance aussi avec ce qu'on a comme possibilité en terme de…
Effectivement, en terme de commodités. Les liquides il n'y a pas de problème, mais effectivement je n'ai jamais été plus loin donc tout ce qui est purée et choses comme ça ou viande hachée ou… Ben voilà. Si, si je vous dis une bêtise parce qu'après, il y avait les gâteaux, les petits gâteaux, les…, ça oui. Mais après, tout ce qui est salé, la viande, non ça j'avoue que je l'ai pas fait. J'ai fait, je suis allée voir les petits bouts de jambon tout petits petits, les biscuits, les choses comme ça, bon, pour vérifier que tout se passait bien et si les manœuvres facilitatrices étaient bonnes et s'il utilisait bien les verrous, enfin tout ça. S : Ok. Donc ensuite quand vous faîtes un essai alimentaire quels sont vos moyens de voir si le patient fait une fausse route? A : C'est vieux! Vous m'en posez trop des questions c'est trop vieux pour la déglut j'en fais plus. Euh, alors les fausses routes, euh. Ben toute façon c'est clair que le patient est gêné, ça se voit et on le faisait tousser, enfin bon. Mais euh xxx. On voit sur lui qu'il y a quelque chose qui se passe mal donc en fait on lui apprend à tousser, faire sortir pour qu'il s'y retrouve un peu mais... Enfin bon, ça me rappelle des choses pas très agréables et en terme de danger je trouve que quand ils sortent des centres, ils sont mieux, ils savent faire, ils sont moins inquiets parce qu'au début je trouve qu'ils sont très très inquiets sur ça, mais après ils savent se débrouiller tout seuls parce qu'ils ont tellement vécu ça déjà au départ que nous, on revient moins en arrière. Donc, honnêtement, la déglutition moi j'en ai fait bien moins que de la laryngectomie donc je connais… S : Les laryngectomies totales. A : Ouais ouais totales. Donc il n'y a pas de problème de déglutition chez le laryngectomisé total. Ce qui était terrible c'était les coloplasties. Donc euh ça je trouve ça assez atroce quand même donc euh, j'en ai vu quelques unes mais c'est des gens qui avaient, qui ont du mal à manger. Qui étaient, qui avaient des mauvais pronostics et tout donc nous, on faisait vachement gaffe quoi parce qu'on faisait, ils sortaient juste d'intervention. Je trouve que c'est un, honnêtement c'est encore plus dur quoi que la laryngectomie totale. Et la partielle donc euh, alors la partielle : je trouve que c'est compliqué pour eux pour la déglutition au début. Après ils trouvent le truc et bing c'est bon il n'y a pas grand-chose à faire, je trouve. Ca me rappelle des vieux souvenirs en fait. Mais euh, pour la coloplastie je trouve ça extrêmement difficile quand il y a une invasion plus large, la déglutition, et pour la laryngectomie partielle, je trouve que c'est très difficile au début, plus, forcément plus difficile que pour un laryngectomisé total et après, ils trouvent le truc. Donc il faut attendre le passage où ça sort plus par le nez quoi en gros. S : D'accord. Et parce que sinon donc les fausses routes vous me dîtes que ça se voit, et je pensais aussi aux fausses routes silencieuses, donc est-ce que vous avez un moyen objectif de les… A : Je ne m'en rappelle plus, alors là les fausses routes, qu'est-ce qu'on faisait pour les fausses routes? Euh, c’est la première fois vous voyez que… Je sais pas trop xxx. S : Tout à l’heure vous m’avez parlé de la kiné respiratoire, donc c’était déjà un début. A : Pour l’encombrement oui, l’encombrement bronchique mais… S : Donc ça me faisait penser sinon à un transit oesophagien donc avec les radios mais ça c’est un peu difficile à mettre en place en cabinet. A : Oui, on n’a pas tout ce qu’il faut. Si, quand on sent le patient encombré bien sûr. Si, c’est une des pistes mais je pensais que vous vouliez quand il vient de manger. C’était ça votre question ? S : Bien c’est les deux en fait : ce que vous pouvez faire sur le moment et puis derrière.
A : Et ben moi, enfin en fait je sens que quand il respire, il est encombré parce qu’on entend des bruits, qu’il est gêné, qu’il tousse beaucoup. Ben ça oui, ça va nous donner des indications. Après, sur les fausses routes, ben ça peut être lié mais ils sont pas très encombrés en termes de mucosités ces gens-là. Donc après, est-ce que c’est de la fausse route ou est-ce que c’est de l’encombrement bronchique… Moi je pensais plutôt à l’encombrement bronchique lié aux mucosités qu’aux fausses routes. S : D’accord. A : Mais vous avez raison c’est parfois, enfin… La vraie fausse route on la voit tout de suite et il est très gêné et il fait quelque chose pour que ce soit évacué rapidement. S : S’il a le réflexe de toux. A : Voilà, s’il a le réflexe de toux. Et après, … Oui. Je pensais moi plutôt à l’aspect mucosités qui s’entend bien, qui se repère bien par des signes qui se voient, plutôt qui sont visibles. Ce qui n’est pas visible : je pense qu’après ils sont régulièrement vus par des gens qui les orientent quand il y a suspicion d’infection, choses comme ça ou sinon… S : De toute façon ils revoient régulièrement ceux qui les… Leur ORL. A : Voilà, leur ORL. Puis si ils, enfin je sais pas, si tout à coup ils ont de la fièvre, des choses qui vont montrer qu’il y a un soucis, après c’est plus tellement nous qui décidons. Nous on a des repères plus… Soit c’est dans l’instant : vous venez de faire un exercice et ben voilà ça a posé problème, vous vous débrouillez avec ce qui se passe sur l’instant, vous faites en sorte que la fausse route vous puissiez la ramener ; soit c’est plutôt en fonction de comment vous le sentez votre patient : s’il tousse beaucoup, vous l’entendez beaucoup tousser, si quand il respire vous sentez que c’est très chargé… Voilà, ce sont des signes plutôt comme ça moi auxquels je pense. S : Alors sinon, au niveau des patients donc généralement quand ils vous sont adressés d’ou est-ce qu’ils viennent? A : Morancé c’était. Euh ou après, j’ai eu des patients qui reprenaient des rééducations, qui étaient adressés par les ORL. Donc du style : ils avaient fait plusieurs stages donc Morancé etc. et au bout d’un certain nombre de stages, l’ORL dit ça serait bien de retourner voir l’orthophoniste, en libéral. Donc moi, j’ai vu des gens qui étaient évolués plutôt. Donc, j’ai peu vu de déglut, c’est pour ça que je ne connais pas très bien et que je ne sais pas trop quoi vous dire parce que en fait, je ne me rappelle plus trop du stage et c’est vieux et comme j’en n’ai pas tellement fait après euh… Je, voilà. Et puis comme j’en vois plus depuis longtemps, vous savez quand on pratique pas, on sait plus faire. Après, s’il fallait que je m’y réinteresse, je me rebrancherais sur la question au plan technique et j’irais voir les gens pour me reformer carrément xxx. S : Euh, donc ces patients est-ce que, donc en dehors de la formation que vous referiez si on vous appelait demain pour vous proposer un patient comme ça, mais est-ce que vous les accepteriez sous certaines conditions ou si on vous demande vous acceptez ? A : Spontanément j’ai du mal à refuser s’ils sont indiqués. Mais après, en fonction de ce à quoi je me heurte, je n’hésite pas à les réorienter. C’est-à-dire : je veux bien les recevoir une fois, voir ce que je peux faire pour eux. Si je m’en sens pas capable, je les réoriente. C’est-à-dire qu’effectivement je ne prendrais peut-être pas aujourd’hui des déglutitions parce que c’est loin pour moi et je ne suis pas demandée pour ça en ce moment. Par contre, ça ne me fais rien de prendre un laryngectomisé total. Parce que ça, j’ai aucun problème avec ça. En revanche la déglut comme ça fait trop longtemps que j’en n’ai pas vu et que je trouve que c’est, qu’il y a des gens beaucoup plus professionnels que moi, je ne vois pas trop l’intérêt à ce qu’ils viennent ici.
S : D’accord. Enfin peut-être tout simplement la proximité de leur domicile ou… A : Oui oui, c’est pour ça que je refuse pas spontanément. Mais après, si moi je trouve que, bon voilà, j’assure pas suffisamment, que ma compétence ne me permet pas en m’y remettant franchement, je xxx. S : D’accord. Donc quand vous voyiez des patients pour des CHEP, donc quand est-ce que vous les rencontriez la première fois ? A : Vous me parlez de quand là ? S : Les patients que vous voyiez par rapport aux troubles de la déglutition qui ont une CHEP. Est-ce que vous les voyiez plutôt avant l’opération, ou toujours après ? A : Toujours après. S : D’accord. Donc la première fois que vous les voyez c’est le jour où ils viennent en séance chez vous. A : Oui, on nous les envoie toujours après. S : Donc, pas de rendez-vous avant l’opération. Est-ce que la première fois que vous les voyez, … A : Non parce que les structures sont pas… Enfin logiquement, j’espère que c’est prévu pour eux qu’ils aient des gens, des orthophonistes sur place dans les centres avant quoi. Enfin ça me paraît logique. D’ailleurs euh, comment ça se passait à St Hilaire ? Je sais pas s’ils les voyaient avant. Je suis pas sûre. S : A priori, c’est rare quand même. Est-ce que quand ils viennent vous voir ils sont en demande d’explications ou vous leur en donnez spontanément par rapport à leur chirurgie xxx. A : Euh ben je vérifie ce qu’ils savent. Et après, s’ils sont pas très à l’aise avec tout ça, je recommence tout. Je reexplique tout. Ils aiment bien. S : D’accord. Vous prenez des schémas ou des choses comme ça? A : A oui oui, j’en ai plein là. Je leur remontre tout et… Ou alors ils ont très très bien compris et on reparle comme ça ou… S : D’accord. Ensuite, au niveau des habitudes nocives, donc principalement alcool et surtout tabac, est-ce que vous pensez avoir encore un rôle à jouer à ce sujet ? A : Oui et non. C’est-à-dire qu’on le sait que ce sont des gens très souvent éthylo-tabagiques. Après, moi je leur demande où ils en sont par rapport à ça. Et des fois ils vous disent pas la vérité. Et vous le savez. Donc je pense qu’après, c’est une prise en charge psychologique dont ils ont besoin. Nous, on peut en parler, mais si en les sollicitant on sent qu’ils veulent pas en parler, qu’est-ce que vous voulez faire ? On va pas les forcer. En plus, si c’est pour qu’ils disent pas la vérité alors qu’on sait qu’ils font le contraire ! Bon alors après effectivement, si vous estimez qu’en poursuivant les conduites additives comme ça elles sont néfastes, vous pouvez leur dire : écoutez si vous continuez, je ne vois pas l’intérêt parce que ça va vous aggraver, donc, je ne sais pas si c’est utile que vous continuiez ! On peut après mettre des limites comme ça, donc oui on a un petit rôle à jouer. En terme de prévention, en terme d’information, tout ça (on sonne à la porte, elle part ouvrir). S : Euh d’accord donc pour les habitudes nocives. Ensuite, au niveau du suivi donc, donc à partir de quand vous jugez que la rééducation est terminée ? A : Pour les deux types de rééducation ? S : Ben quand vous avez un patient opéré d’une CHEP en faite. A partir de quand vous les lâchez ?
A : Euh quand je les sens à l’aise xxx, je donne un petit suivi complémentaire donc euh… Ben j’espace progressivement, j’arrête pas net puisqu’ils ont besoin de venir contrôler les xxx, ils sont à l’aise avec ce qu’ils font. S : D’accord. Donc une fois toutes ces séances finies, même les séances espacées, est-ce qu’il peut vous arrivez de les revoir ensuite parce qu’ils auraient une demande ? A : A ben je leur dis s’ils en besoin ils peuvent, je suis ouverte. S : D’accord. Et c’est déjà arrivé ? A : Rarement. Ou alors, des fois j’ai eu des cas je me rappelle ou les gens ont arrête un moment et ils ont eu envie de revenir. Donc, moi je fais comme ils veulent. Xxx. S : Et à ce moment là donc, c’était plus pour la voix ou la déglutition ou les deux? A : Je vous ai dit la déglutition je suis pas accro de ça, je ne m’en rappelle plus trop. S : Non, mais quand vous en faisiez avant? A : Quand j’en faisait avant euh… C’était quoi déjà la question? S : C’était si quand ils revenaient vous voir, c’était plus pour la voix ou la déglutition ou les deux? A : Ben, en principe la déglutition, non. Xxx. La voix, oui. Parce qu’après, c’est des questions en terme de qualité. La déglutition, j’ai envie de dire : soit on y arrive, soit on n’y arrive pas. Si il faut qu’ils y arrivent parce que c’est vital. La voix euh… S : Mais il y a beaucoup d’entraînement quand même à la déglutition qui fait qu’ils y arrivent quand même de mieux en mieux. A : Voilà, donc après, à la limite c’est rapide et plus gratifiant la déglutition parce que vous savez qu’on n’a pas le choix. Donc ça, c’est vital, c’est important et vous parlez d’une composante euh… La voix, ben y a pas… Soit ils abandonnent rapidement parce qu’ils trouvent pas le truc, parce qu’ils sont trop mal à pouvoir parler comme ça, soit ils persévèrent, ils y arriveront pas et après ils vont chercher d’autres solutions : l’implant phonatoire ou autre xxx. Il y a ceux qui persévèrent, ceux qui persévèrent pas. S : Mais pour le, je ne sais plus comment ça s’appelle mais ça ça sera pour les laryngectomies totales du coup pas partielles. A : Oui, oui bien sûr. Je pensais, moi je parle beaucoup des laryngectomies totales justement. S : Oui, c’est vrai que du coup la rééducation n’est pas du tout la même, même pour la voix. A : Non non, c’est clair. Donc si je devais repréciser la distinction entre les deux, euh pour la partielle on est plus dans une stimulation. Ca n’a rien à voir. Le total il va apprendre une nouvelle façon de parler. Il y arrive ou il y arrive pas. Il persévère ou il persévère pas. Le partiel, en principe, il récupère une moitié de voix quand même. Donc, on est dans une espèce de stimulation, de quelque chose ou il y aura… Enfin on passe pas par les mêmes procédés parce que euh, on a un reste. Donc, dans l’état d’esprit c’est pas du tout la même chose pour le sujet. Dire que plus vous le stimulez plus il va y arriver dans la partielle, alors que le laryngectomisé c’est… Y a plus rien quoi. Donc c’est pas du tout la même chose. Donc on est beaucoup dans la stimulation pour la partielle, euh dans l’encouragement. Enfin vous voyez la dynamique elle n’est pas du tout la même. S : Alors ensuite est-ce que vous pensez que la rééducation dans ce cadre-là, de partielles, elle joue un rôle dans la réintégration socio-professionnelle du patient ? A : Ben oui moi je trouve. S : A quel niveau ?
A : Et ben quand il récupère une voix même si elle n’est pas extraordinairement claire et si elle restera toujours rauque et toujours, enfin si… Même si la voix est mauvaise il y a une voix et c’est très important pour eux parce que même si on les regarde un peu bizarrement avec leur drôle de voix, ils ont une voix : une vraie voix. Alors après elle est comme elle est : rocailleuse xxx, ça va être en terme de qualité après. Mais ils restent dans la communication beaucoup plus que les laryngectomisés totaux. Je trouve. S : Oui, ils arrivent à s’exprimer. A : Oui, et ça les isole beaucoup moins que les laryngectomisés totaux. Parce qu’ils gardent une façon assez naturelle de s’exprimer même si forcément ils, ben ils sont regardés avec leur voix autrement. Les gens sentent qu’il y a un problème donc eux ils le savent que les gens sentent qu’il y a un problème mais ils restent dans la communication. Beaucoup plus. S : Ok. Donc ensuite au niveau de l’opération pure, est-ce que vous avez accès au compte-rendu opératoire chirurgical ? A : Oui, je crois qu’on les a eu, les dossiers oui. Mais on nous faisait passer des documents pour nous expliquer ce que le patient avait eu. Après c’est pas très détaillée hein. Faut qu’on se démerde et qu’on reprenne les schémas : dire a oui, a ben ça c’est ça. Nous on avait eu de la chance parce qu’on nous avait bien expliqué comme ça se passait mais, enfin ça manque de détails je trouve. S : Et à ce moment-là quand c’est pas assez détaillé est-ce que vous avez la possibilité assez rapidement de contacter le chirurgien, est-ce qu’il vous donne ce qui vous manqué? A : Au moins la secrétaire oui pour des précisions pour lui demander plus d’éléments. Est-ce qu’ils sont joignables facilement ces gens ? Euh pas toujours. Après faut se débrouiller s’il nous manque des infos pour aller les chercher. S : D’accord. Ben en fait c’était ma dernière question, maintenant c’est juste si vous aviez encore des choses à ajouter ou ? A : Non. Lors de cet entretien j’ai pu me rappeler des choses que personnellement moi la déglutition xxx parce que j’en ai fait peu et il y a longtemps et que on oublie. Mais que je pense que si je me remettais dans le bain ben ça revient vite et xxx. Mais je crois qu’après quand vous avez le patient en face de vous ben vous allez retrouver, enfin c’est comme une leçon qu’on vient de vous expliquer. Vous savez l’expliquer et puis vous lâchez, vous êtes pas dans la bain et puis… Donc je dois dire que je ne suis pas, plus trop concernée par ce genre de rééducation parce que les gens qui nous envoie ces patients-là ils les envoient à des gens spécialisés. Et c’est pas que je ne le suis plus mais ce que je prends c’est plutôt des totales ou des partielles. Alors les partielles c’est assez simple, les totales ben c’est plus compliqué parce que souvent ils sont xxx. Je trouve que c’est mieux un encadrement autre que libéral pour la déglutition parce que je trouve que c’est mieux que ce soit dans une structure parce que je trouve ça plus compliqué pour eux. Puis ils ont besoin d’être rassurés par l’équipe médicale s’il y a quoi que ce soit. Moi il me semble que le libéral c’est moins adapté pour la rééducation de la déglutition chez ces gens-là je trouve. Parce que nous on est tout seul quoi, et puis qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse dans un cabinet s’il y a un soucis ?Donc voilà oui : soit on appelle le SAMU s’il y a un souci. Sur place il y a tout quoi. Je vois pas pourquoi ils se priveraient de l’équipe pluri-disciplinaire. Quelque part c’est trop grave comme maladie pour aller s’embêter dans un cabinet où il n’y aura pas tout ce qui faut. Je trouve que c’est pas une bonne indication pour la déglutition au départ, l’alimentation les trucs comme ça. Pour compléter, pour un petit souci à régler je veux
bien mais je suis pas trop… Chacun son truc hein, peut-être que c’est moi qui pense comme ça. Il y a peut-être des orthophonistes très très formés qui seraient tout à fait d’accord pour prendre post-chirurgical, tout de suite.
Table des matières INTRODUCTION...........................................................................................................1 PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE
1.1 ANATOMIE : Eléments constituants du larynx ..............................................2 1.1.1 Les cartilages du larynx ............................................................................3
1.1.1.1 Le cartilage cricoïde..............................................................................3 1.1.1.2 Les cartilages aryténoïdes .....................................................................3 1.1.1.3 Le cartilage thyroïde .............................................................................4 1.1.1.4 Le cartilage épiglottique ou épiglotte....................................................4 1.1.1.5 Liaisons entre les cartilages ..................................................................4
1.1.2 Les articulations du larynx ........................................................................4 1.1.2.1 Les articulations crico-aryténoïdiennes.................................................4 1.1.2.2 Les articulations crico-thyroïdiennes ....................................................5
1.1.3 Les différents muscles du larynx ..............................................................5 1.1.3.1 Les muscles extrinsèques ......................................................................5 1.1.3.2 Les muscles intrinsèques.......................................................................5
1.1.4 La vascularisation du larynx .....................................................................7 1.1.5 L’innervation du larynx ............................................................................7
1.2 CONFIGURATION INTERNE DU LARYNX ...............................................7 1.2.1 L’étage sus-glottique.................................................................................8 1.2.2 L’étage glottique .......................................................................................8 1.2.3 L’étage sous-glottique...............................................................................8
1.3 LES FONCTIONS DU LARYNX....................................................................8 1.3.1 La fonction respiratoire .............................................................................8 1.3.2 La fonction sphinctérienne........................................................................9 1.3.3 La fonction phonatoire ..............................................................................9
1.4 LA DEGLUTITION NORMALE DE L’ADULTE..........................................9 1.4.1 Les différents niveaux de fermeture laryngée...........................................9 1.4.2 Physiologie..............................................................................................10 1.4.3 Le temps de préparation du bol alimentaire............................................10 1.4.4 Le temps de transport oropharyngé.........................................................11
1.4.4.1 Le temps de transport oral...................................................................11 1.4.4.2 Le temps pharyngé ..............................................................................11
1.4.5 Le temps œsophagien..............................................................................12 1.5 LES CANCERS DU LARYNX, A L’ETAGE GLOTTIQUE .......................12
1.5.1 Epidémiologie .........................................................................................12 1.5.2 Les signes d’appel ...................................................................................13 1.5.3 Classification TNM des cancers des voies aérodigestives supérieures...13 1.5.4 Traitements..............................................................................................13 1.5.5 Les CHEP................................................................................................14
1.5.5.1 Historique............................................................................................14 1.5.5.2 Définition ............................................................................................15 1.5.5.3 Conséquences d’une CHEP ................................................................15 1.5.5.4 Indications ...........................................................................................16 1.5.5.5 Contre-indications ...............................................................................17 1.5.5.6 Evolution.............................................................................................17
1.6 L’ENQUETE PAR ENTRETIENS ................................................................17 1.7 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE.........................................................19
1.7.1 Problématique .........................................................................................19 1.7.2 Hypothèses ..............................................................................................19
DEUXIEME PARTIE : EXPERIMENTATION
2.1. METHODE EXPERIMENTALE ...................................................................20 2.2. CHOIX DE LA POPULATION .....................................................................20
2.2.1. Les orthophonistes participant à notre étude...........................................20 2.2.1.1. Les entretiens ..................................................................................20 2.2.1.2. Les sondages téléphoniques ............................................................21
2.2.2. Les patients .............................................................................................21 2.2.2.1. Critères de sélection ........................................................................21 2.2.2.2. Les dossiers de notre étude .............................................................22 2.2.2.3. Les patients de notre étude..............................................................23
2.2.3. Champ d’expérimentation.......................................................................23 2.3. PROTOCOLE EXPERIMENTAL..................................................................23
2.3.1. Les entretiens ..........................................................................................23 2.3.1.1. Les formations et l’expérience de l’orthophoniste..........................24 2.3.1.2. Les aspects pratiques de le rééducation ..........................................24 2.3.1.3. La méthode de rééducation .............................................................25 2.3.1.4. Les relations avec le patient ............................................................25 2.3.1.5. L’accès au dossier médical du patient et les relations avec le chirurgien 25 2.3.1.6. Les habitudes nocives du patient ....................................................26 2.3.1.7. Le suivi............................................................................................26
2.3.2. Les sondages téléphoniques ....................................................................26 2.3.3. L’étude des dossiers ................................................................................26
2.3.3.1. Les renseignements personnels .......................................................27 2.3.3.2. Les conduites nocives .....................................................................27 2.3.3.3. La chirurgie .....................................................................................27 2.3.3.4. La rééducation.................................................................................28 2.3.3.5. La progression alimentaire..............................................................28 2.3.3.6. Le bilan de sortie.............................................................................28
2.3.4. Les rencontres avec les patients ..............................................................28 TROISIEME PARTIE : PRESENTATION DES RESULTATS
3.1. ENTRETIENS AVEC LES ORTHOPHONISTES ........................................29 3.1.1. Formations et expérience ........................................................................30
3.1.1.1. Les formations.................................................................................30 3.1.1.2. L’expérience....................................................................................32
3.1.2. La rééducation.........................................................................................32 3.1.2.1. Fréquence ........................................................................................32 3.1.2.2. Obstacles en libéral .........................................................................33 3.1.2.3. Points forts du libéral ......................................................................34 3.1.2.4. Obstacles en centre..........................................................................34 3.1.2.5. Points forts du centre.......................................................................35
3.1.3. La méthode..............................................................................................35
3.1.3.1. Description d’une séance ................................................................35 3.1.3.2. Utilisation de techniques manuelles................................................37 3.1.3.3. La kinésithérapie respiratoire..........................................................37 3.1.3.4. La position « facilitatrice » à adopter lors d’une déglutition ..........38 3.1.3.5. La progression alimentaire..............................................................38 3.1.3.6. Comment reconnaître une fausse route ? ........................................39 3.1.3.7. Comment réagir ?............................................................................39
3.1.4. Les relations avec le patient ....................................................................40 3.1.5. Les relations avec le chirurgien ..............................................................41 3.1.6. Les habitudes nocives .............................................................................41 3.1.7. Le suivi....................................................................................................42
3.2. LES SONDAGES TELEPHONIQUES..........................................................42 3.2.1. La connaissance de la notion de CHEP...................................................43 3.2.2. Les prises en charge ................................................................................43
3.2.2.1. Faible demande de prise en charge .................................................44 3.2.2.2. Formation insuffisante ....................................................................44 3.2.2.3. Manque d’intérêt et mal être face à cette pathologie ......................45 3.2.2.4. Autres raisons..................................................................................45
3.2.3. Orientation des patients...........................................................................45 3.2.4. Le parcours professionnel de l’orthophoniste détermine-t-il ses prises en charge ? ................................................................................................................46 3.2.5. Difficultés spécifiques liées à la prise en charge en libéral de la dysphagie ................................................................................................................46
3.3. DOSSIERS DES PATIENTS .........................................................................46 3.3.1. Etude du suivi de Madame M. (libéral) ..................................................46
3.3.1.1. Renseignements personnels ............................................................46 3.3.1.2. Conduites nocives ...........................................................................47 3.3.1.3. Chirurgie et traitements...................................................................47 3.3.1.4. Rééducation.....................................................................................47 3.3.1.5. Progression alimentaire...................................................................47 3.3.1.6. Bilan de fin de rééducation .............................................................48
3.3.2. Etude du suivi des patients en centre ......................................................48 3.3.2.1. Renseignements personnels ............................................................48 3.3.2.2. Conduites nocives ...........................................................................48 3.3.2.3. Chirurgie et traitements...................................................................49 3.3.2.4. Rééducation.....................................................................................49 3.3.2.5. Progression alimentaire...................................................................50 3.3.2.6. Bilan de fin de rééducation .............................................................50
3.4. RENCONTRES AVEC LES PATIENTS.......................................................51 3.4.1. La vie active ............................................................................................51 3.4.2. Les habitudes nocives .............................................................................51 3.4.3. L’alimentation .........................................................................................52
3.4.3.1. Les aliments ....................................................................................52 3.4.3.2. Les liquides .....................................................................................52
3.4.4. La voix ....................................................................................................53 3.4.5. Les prises en charge ................................................................................54
3.4.5.1. L’orthophonie..................................................................................54 3.4.5.2. Le suivi ORL...................................................................................55 3.4.5.3. Les autres prises en charge..............................................................55
3.4.6. Les relations sociales ..............................................................................56 3.4.6.1. Les relations avec les soignants ......................................................56 3.4.6.2. Rencontrer d’autres opérés du larynx .............................................57
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION DES RESULTATS
4.1. CONCLUSION DU PROTOCOLE EXDPERIMENTAL .............................58 4.1.1. Conclusion des entretiens avec les orthophonistes .................................58 4.1.2. Conclusion des sondages téléphoniques .................................................58 4.1.3. Conclusion des dossiers ..........................................................................59 4.1.4. Conclusion des rencontres avec les patients ...........................................59
4.2. VALIDATION DES HYPOTHESES.............................................................60 4.2.1. Hypothèse 1.............................................................................................60 4.2.2. Hypothèse 2.............................................................................................60 4.2.3. Hypothèse 3.............................................................................................61
4.3. PISTES DE REFLEXION ..............................................................................61 4.3.1. Un exercice mixte ...................................................................................61 4.3.2. Les fausses routes....................................................................................62 4.3.3. L’ambulatoire..........................................................................................63
4.4. LES LIMITES DE L’EXPERIMENTATION................................................64 4.4.1. La procédure expérimentale....................................................................64 4.4.2. La population ..........................................................................................65
4.5. INTERET DE CETTE ETUDE ......................................................................65 4.6. APPORTS PERSONNELS.............................................................................66
CONSEILS AUX ORTHOPHONISTES LIBERAUX SOUHAITANT PRENDRE EN CHARGE DES CHEP............................................................................................67
4.7. OUVERTURE ................................................................................................68 4.7.1. Les CHEP sans troubles de déglutition post-opératoires ........................68 4.7.2. Les apports des différents lieux de rééducation ......................................68 4.7.3. Les bénéfices de la rééducation de la déglutition à long terme...............68
CONCLUSION..............................................................................................................70 BIBLIOGRAPHIE GLOSSAIRE ANNEXES TABLES
Table des matières Listes des illustrations Listes des tableaux Listes des annexes
Listes des illustrations
Les illustrations sont en regard des pages indiquées.
Figure 1 : Situation du larynx, coupe sagittale médiane tête et cou……………………..3
Figure 2 : Le squelette laryngé, vue postérieure droite………………………………….4
Figure 3 : Les muscles intrinsèques du larynx…………………………………………..5
Figure 4 : Action des muscles intrinsèques du larynx…………………………………...6
Figure 5 : Les différents étages du larynx : coupe sagitale droite et coupe frontale…….8
Figure 6 : Les différents niveaux de fermeture laryngée………………………………..9
Figure 7 : Les temps de la déglutition………………………………………………….11
Figure 8 : Coupe schématique de profil des structures cartilagineuses avant et après
laryngectomie partielle supracricoïdienne avec reconstruction par CHEP…………….15
Listes des tableaux
Les tableaux sont en regard des pages indiquées.
Tableaux remplis d’après les entretiens avec les orthophonies :
Tableau 1 : Formations et expérience de l’orthophoniste (1/2)………………...………30
Tableau 2 : Formations et expérience de l’orthophoniste (2/2)………………………...31
Tableau 3 : Aspects pratiques de la rééducation d’une dysphagie (1/2)……….………32
Tableau 4 : Aspects pratiques de la rééducation d’une dysphagie (2/2) ……………….33
Tableau 5 : Méthode de rééducation……………………………………………………36
Tableau 6 : Relations avec le patient...….……………………………………………...40
Tableau 7 : Relations avec le chirurgien, habitudes nocives et suivi…………………..41
Tableaux remplis d’après les dossiers des patients :
Tableau 8 : Renseignements personnels et conduites nocives…………………………46
Tableau 9 : Chirurgie et traitements………….………………………………………...47
Tableau 10 : Rééducation………………………………………………………………48
Tableau 11 : Progression alimentaire…………………………………………...……...49
Tableau 12 : Bilan de sortie............................................................................................50
Listes des annexes
Annexe 1 : Corpus de l’entretien avec Madame L.
Annexe 2 : Corpus de l’entretien avec Madame B.
Annexe 3 : Corpus de l’entretien avec Madame E.
Annexe 4 : Corpus de l’entretien avec Madame C.
Annexe 5 : Corpus de l’entretien avec Madame G.
Annexe 6 : Corpus de l’entretien avec Madame A.
Séverine DEMOUTIEZ REEDUCATION DES TROUBLES DE LA DEGLUTITION APRES CRICO-HYOIDO-EPIGLOTTO-PEXIE (CHEP). ETUDE DU SUIVI AU CENTRE DE SOINS DE SUITE ET DE READAPTATION BEAULIEU A MORANCE ET EN CABINET LIBERAL 70 pages Mémoire d’orthophonie – Lyon 2007
RESUME Les laryngectomies partielles reconstructives se sont développées dans les années 80. Elles ont pour objectif de préserver les fonctions laryngées : fonctions respiratoire, sphinctérienne et phonatoire. Dans cette étude, nous nous intéressons aux troubles de la déglutition occasionnés par une CHEP. Nous avons mené une étude comparative de la prise en charge orthophonique au centre de Morancé et en cabinet libéral. Pour cela, nous avons interviewé des orthophonistes pratiquant ces rééducations et étudié des dossiers de patients qui ont séjourné à Morancé ou dont la rééducation en libéral est terminée. Le temps de latence entre l’opération et la reprise alimentaire est très variable d’un patient à l’autre et dépend de plusieurs facteurs. Il ressort avec les données recueillies que les patients orientés au centre de Morancé poursuivent le travail commencé à l’hôpital : réapprentissage du geste de déglutition compte tenu de l’anatomie modifiée. Les patients orientés en cabinet ont déjà acquis un geste de déglutition adéquat : la rééducation va porter sur les liquides et sur un travail vocal.
MOTS-CLES CHEP – Laryngectomie partielle - Dysphagie – Rééducation adulte - Cancer - Entretiens
MEMBRES DU JURY :
Claire Gentil Anne-Sophie Goyet Caroline Leclerc
MAITRE DE MEMOIRE :
Florence Baldy
DATE DE SOUTENANCE : Jeudi 27 septembre 2007