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Par Hubert Jouan
Directeur : Maurice Porchet
M2EGEDD Année 2009-2010
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Je tiens tout d’abord à remercier le cabinet de consultants I Care
Environnement, et plus spécifiquement, Guillaume Neveux et Benjamin
Lévèque, qui m’a offert l’opportunité d’étudier cette question : vos
ressources, vos encouragements et vos conseils me sont très précieux.
Je remercie, également, Monsieur Maurice Porchet, mon directeur de
mémoire, et professeur de Biologie, qui m’a enseigné les bases théoriques
nécessaires pour la poursuite sereine de mes recherches, Monsieur
Jérôme Foncel, professeur d’Economie des Risques, qui a pris le temps de
m’accompagner dans la lecture de rapports sur l’économie de la
biodiversité, et l’ensemble de l’équipe pédagogique du Master Economie
et Gestion de l’Environnement et Développement Durable, de l’Université
de Charles De Gaulle, Lille 3 pour les notions enseignées durant l’année,
qui m’ont été utiles pour le bon déroulement de mon étude.
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La biodiversité c’est l’ensemble des êtres vivants, interagissant entre eux,
au cœur d’habitats très diversifiés. La biodiversité et les services que la
nature nous rend gratuitement (ex : pollinisation) s’érodent : la crise
d’extinction constatée était peu audible au début de l’année 2010.
Les instances publiques et les entreprises, grâce aux efforts synergétiques
des associations, des scientifiques, mobilisés grâce à l’Année
Internationale, organisée par les Nations Unies, 2010 : Année de la
biodiversité, commencent à comprendre l’urgence d’agir, et quels efforts
il est urgent de mettre en œuvre pour enrayer ou, tout du moins, freiner
ce phénomène.
L’Entreprise a des interactions avec son environnement, et avec la
biodiversité. Les dommages sur celle-ci peuvent être sources de risques
pour la pérennité de l’activité de l’Entreprise, la conservation des services
écologiques peut être source d’opportunités.
Les moyens pour intégrer la biodiversité sont déjà là, parfois naissants,
mais toujours en démarche de progrès. Il est urgent d’agir, si l’on veut
préserver le bien-être de notre génération et de celles à venir.
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Partie N°1 : Etat des lieux de nos connaissances sur la
biodiversité et la crise d’extinction actuelle
I Un regard sur la nature qui a changé
A) Comment le naturalisme s’est-il détaché du Grand Inventaire
de l’Œuvre du Créateur ?
B) La contribution de la théorie évolutionniste
C) Une nouvelle perspective permise par le fonctionnalisme
II L’évaluation de l’état de santé de la biodiversité
A) L’état des lieux global de la biodiversité
L’importance des inventaires
L’ensemble de la diversité biologique est menacé
Les menaces qui pèsent sur la diversité des habitats
Les menaces qui pèsent sur la diversité végétale et
animale
B) L’état de la biodiversité européenne
C) L’état de la biodiversité en France
La responsabilité de la France
L’état de la biodiversité remarquable, protégée par la
Directive Habitats, en France
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III L’étude des causes de l’érosion de la biodiversité
A) La dégradation, la fragmentation, la perte des habitats
L’explication du phénomène
Les espèces particulièrement sensibles à ces phénomènes
B) Le changement climatique
Une explication du phénomène encore délicate
La fragmentation des habitats aggrave le phénomène
normalement compensable du changement climatique
Le changement climatique favorise le maintien des
espèces invasives sur le territoire
Les espèces particulièrement sensibles au changement
climatique
Création d’un indicateur européen mesurant l’impact des
changements climatiques sur les êtres vivants du
continent
Un impact sur les milieux marins encore incertain
Le changement climatique va menacer une grande
quantité d’espèces
Les espèces peuplant les régions polaires et tropicales
sont d’ores et déjà touchées, et seront les plus affectés
dans l’avenir
Impact sur les espèces incapables de migrer, de
s’adapter
C) La dissémination d’espèces envahissantes ou invasives
L’explication du phénomène
Distinction entre espèce envahissante et espèce invasive
Il existe différents types d’espèces invasives
L’étude des causes de leur prolifération
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Les espèces et les habitats particulièrement sensibles à la
prolifération des espèces invasives
Apparition fréquente dans les milieux endommagés par
les activités humaines
Apparition dramatique dans les espaces insulaires
Les espaces littoraux et lacustres sont fréquemment
touchés par les espèces invasives
Les espaces naturellement variés sont particulièrement
touchés par les espèces exotiques
D) La surexploitation des ressources naturelles
Les différentes formes d’exploitation, fonction des
objectifs :
La consommation par la chasse, la pêche ou la
cueillette
La commercialisation
Les collections
Les craintes ou superstitions
Les espèces les plus touchées par la surexploitation
Les espèces marines sont particulièrement
menacées.
Partie N°2 : Les raisons pour lesquelles une entreprise
française doit intégrer la conservation de la biodiversité et
des services écologiques dans sa stratégie de
développement
I Les interactions de l’entreprise avec la biodiversité et les
services écologiques
A) La protection des écosystèmes au service de la conservation
de la biodiversité
B) Les interactions de l’entreprise avec les écosystèmes
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Comprendre le fonctionnement d’un écosystème
L’importance de la conservation des écosystèmes pour les
entreprises
Découverte de l’importance du capital naturel pour l’activité
économique
L’évaluation économique des services rendus par les
écosystèmes
La biodiversité est source d’opportunités et de risques pour
l’entreprise
Quels sont les services écologiques ?
Quel est l’état des lieux des services écologiques
II La pression publique demande aux entreprises de s’investir sur
cette question
A) Un effort institutionnel insuffisant
Quels ont été les efforts mis en œuvre.
La Convention pour la Diversité Biologique et la Convention
CITES
La Directive Habitats, la Directive Oiseaux
Directive Responsabilité Environnementale
La Stratégie Nationale pour la Biodiversité et le Grenelle de
l’Environnement
Un échec relatif des efforts institutionnels
Malgré cette mobilisation, les multiples menaces pesant sur
la biodiversité persistent.
A l’échelle globale
A l’échelle régionale
A l’échelle locale
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Les raisons d’espérer
La Conférence de Nagoya est préparée activement :
- La 6e conférence de Trondheim
- La Conférence de Libreville, septembre 2010
- Les préparatifs de l’Union Européenne
- La création de l’IPBES
- Mise en place de nouveaux outils
Les inventaires :
Financement de nouveaux projets
B) Pression sociale
Réalisation d’un sondage TNS-Sofres en mai 2010, à destination des
citoyens français
Réalisation d’un sondage Eurobaromètre le 9 avril 2010 à destination
des citoyens européens
Organisation de colloques, de conférences, d’une université d’été
III L’entreprise doit respecter la réglementation
A) Le respect de la réglementation européenne
La directive Responsabilité Environnementale (2004)
La directive Habitats
B) Le respect de la réglementation française
• Les principales lois françaises en matière de protection de la biodiversité
• Le durcissement des réglementations
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Partie N°3 : Les moyens, à la disposition de l’entreprise,
pour comprendre et intégrer la biodiversité et les services
écologiques dans sa stratégie de développement.
I Mise en place d’un audit interne
A) L’indicateur d’interdépendance de l’entreprise à la
biodiversité (IIEB)
B) L’Evaluation des Services Rendus
C) L’Evaluation Biodiversité de l’Entreprise
II Recours aux indicateurs
A) Les indicateurs au service de l’entreprise
Les indicateurs d’état, à paramètre unique
L’étude de l’abondance d’une espèce, d’un groupe d’espèces
(groupe fonctionnel)
Les indicateurs d’état composites, ou multiples
Les indicateurs d’état-pression-réponses
B) Les limites des indicateurs
C) Les indicateurs en développement
Projet de caractérisation des fonctions écologiques par le CGDD
L’étude des fonctions et des services écologiques par le MEA-
France
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En marge du Sommet de Copenhague, en décembre 2009, le président de la 9e
Conférence des Parties à la Convention sur la Diversité Biologique (COP-9) a annoncé qu’un
cinquième des espèces animales et végétales étaient menacées de disparition si rien n’est
fait pour limiter le réchauffement climatique. Derrière la crise du climat s’en profile une
autre, moins visible mais tout aussi grave, celle de l’extinction des espèces, celle de la
biodiversité.
La biodiversité recouvre l’ensemble des formes de vie sur Terre (faune, flore, milieux
naturels, l’espèce humaine) ainsi que les relations établies entre elles. C’est la diversité
biologique, la diversité du vivant.
Elle se décline en trois niveaux : la diversité génétique (la diversité des caractères génétiques
au sein d’une même espèce), la diversité spécifique (les différentes espèces), la diversité
écologique (les différents milieux). Pour illustrer cette définition, Franck Courchamp,
directeur de recherche au CNRS a pensé à l’image de la toile d’araignée. En effet, les espèces
sont liées les unes aux autres par des liens qui tissent une véritable toile d’araignée. Si on
retire un lien, le reste de la toile peut se maintenir, mais si on retire trop de fils, un pan de la
toile risque de s’effondrer.
Les différents acteurs œuvrant pour la conservation de la biodiversité distinguent la
biodiversité dite ordinaire de celle dite remarquable : il existe un débat sur le bien-fondé
d’une telle distinction puisqu’aucune espèce n’a de valeur intrinsèque supérieure à une
autre. En revanche, les décideurs politiques considèrent qu’une espèce, à partir du moment
où ses effectifs sont restreints, ou menacés, est plus remarquable qu’une autre.
La biodiversité est le résultat d’une double-dynamique : le patrimoine génétique de chaque
espèce évolue au contact du milieu qui l’héberge. Et le milieu change lui aussi. Ces
évolutions sont des phénomènes lents, alors, si le milieu change trop vite, une espèce peut
disparaître faute d’avoir pu s’adapter. Présente dans tous les milieux (air, terre, mer) la
biodiversité s’adapte aux conditions d’existence les plus rudes : elle est présente dans les
milieux les plus inhospitaliers, comme les abysses océaniques. Si la disparition des espèces
est un processus naturel, maintes fois observée et parfois nécessaire, aujourd’hui, le rythme
de dégradation des écosystèmes, de la perte de la biodiversité animale et végétale s’est
accélérée (100 à 1000 supérieur à la normale). Son rythme est tel que certains experts
craignent qu’une « sixième extinction massive » des espèces soit en marche, la dernière
ayant vu la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années. Elle est globale, et devrait
mobiliser l’ensemble des acteurs de nos sociétés, puisque l’homme est responsable de ce
phénomène ; mais il n’en est rien : en effet cette crise est inaudible car « l’homme n’a pas
encore compris sa dépendance à l’égard de la biodiversité », estime Mme Jouanno,
secrétaire d’état à l’écologie, alors qu’il s’agit d’un enjeu crucial sur des problématiques
telles que l’alimentation, la santé, ou encore l’approvisionnement en eau potable pour
l’homme. Le bien-être de notre société et l’activité prospère des entreprises ne sont
possibles que grâce aux services offerts par la nature.
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Le caractère dramatique de la crise de la biodiversité est qu’il est difficile de la mesurer : un
indicateur façonné, à l’origine, pour une échelle, une espèce, un habitat en particulier est
très difficilement transposable à une autre échelle, une autre espèce, ou un autre habitat.
De plus le caractère infongible de la biodiversité et des services qu’elle nous offre rend la
définition de valeurs économiques très délicate, éthiquement et contestable,
techniquement. La biodiversité est considérée par une majorité de naturalistes, écologistes,
scientifiques comme possédant une valeur intrinsèque, c’est-à-dire qu’on ne peut lui
accorder de valeur monétaire, qui la rendrait ainsi potentiellement substituable aux autres
capitaux dont dispose une entreprise ou un Etat (concept de durabilité faible).
Face à tant d’obstacles méthodologiques, comment une entreprise peut-elle être
convaincue qu’il est dans son intérêt, et qu’il est possible, d’intégrer la conservation de la
biodiversité et des services écologiques dans sa stratégie de développement ? La thèse
présentée ci-après veut démontrer qu’il est possible pour une entreprise d’identifier ses
interactions avec son environnement naturel, et d’intégrer la conservation de la biodiversité
et des services écologiques dans sa stratégie de développement, cela afin de révéler de
nouvelles opportunités économiques.
L’état de nos connaissances, sur la biodiversité et la crise d’extinction actuelle, conditionne
la capacité de l’entreprise à la prendre en compte de la meilleure manière qui soit. De
nombreuses raisons amènent, aujourd’hui, l’entreprise à s’investir sur cette
problématique. Des outils d’évaluation des interactions de l’entreprise existent, ou sont en
cours de développement.
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Partie N°1 : Etat des lieux de nos connaissances sur la
biodiversité et la crise d’extinction actuelle
I Un regard sur la nature qui a changé
A) Comment le naturalisme s’est-il détaché du Grand Inventaire
de l’Œuvre du Créateur ?
Lorsque Linné publie, en 1758, sa dixième édition de Systema Naturae, le naturalisme
perçoit l’inventaire du Vivant comme l’étude du plan du Créateur. Cette conception est
fixiste : elle développe l’idée selon laquelle l’œuvre du Créateur est immuable depuis sa
création. Linné décrit 6.000 espèces végétales, principalement terrestres, et 4.400 espèces
animales, dont un tiers de vertébrés. Le principal apport de cette conception est la
démarche de classer les espèces inventoriées d’une manière binomiale : le nom du genre,
puis de l’espèce.
L’inventaire du Vivant s’affranchit progressivement de cette dimension métaphysique. Ce
projet de grand inventaire a motivé les efforts de nombreux naturalistes au XIXe et au XXe
siècle pour aboutir aujourd’hui au chiffre de 1.8 million d’espèces décrites. Considéré
comme terminé, le Grand Inventaire n’a plus su mobiliser autant les naturalistes. Il faut
attendre les années 1960, et le développement de techniques d’exploration plus
systématiques de certains écosystèmes (forêt tropicale, abysse océanique) pour comprendre
que le nombre d’espèces encore à découvrir et à comprendre est considérable. Les groupes
des vertébrés, des plantes terrestres sont facilement observables et ne représentent pas ce
qu’il reste à découvrir : principalement des invertébrés, des micro-organismes.
B) La contribution de la théorie évolutionniste
Les Encyclopédistes ont eu l’intuition que les espèces actuelles n’étaient pas immuables
mais représentaient un « arrêt sur image », c’est-à-dire l’expression de la dynamique du
Vivant à un instant donné. Des naturalistes, comme Charles Darwin, ont introduit deux
concepts :
- La diversité au sein des espèces est d’une importance cruciale : Darwin postule que la
variation entre les espèces se construit sur le long terme à partir de la variation au sein de
ces espèces. La diversité génétique, depuis lors, apparaît comme le moteur de la capacité
d’adaptation et d’évolution des espèces.
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- L’inventaire des espèces, du fait de la dynamique évolutive, est délicat à réaliser : certaines
espèces peuvent avoir divergé très récemment, et être donc similaires, alors que d’autres
auront une divergence évolutive forte et ancienne. Le groupe des insectes évolue très
rapidement, tandis que le groupe des mammifères évolue lentement. De plus, les critères
permettant de considérer un groupe d’entités biologiques comme une espèce distincte ne
font pas forcément l’objet d’un consensus de la communauté scientifique.
C) Une nouvelle perspective permise par le fonctionnalisme
Une nouvelle approche, l’Ecologie Fonctionnelle a permis de mieux comprendre le
fonctionnement de l’écosystème et le rôle qu’y jouaient les différents organismes vivants.
Un écosystème recouvre l'ensemble des espèces de faune et de flore vivant dans un
environnement physique déterminé et interagissant entre elles. Cet ensemble forme une
unité écologique fonctionnelle dynamique. Plusieurs avancées ont fait de l’étude de la
biodiversité et des services écologiques ce qu’elle est aujourd’hui :
- La compréhension des déterminants, notamment environnementaux, est
fondamentale pour expliquer la répartition des êtres vivants sur la planète. L’un des actes
fondateurs de cette vision est la carte de l’étagement de la végétation sur les flancs du
volcan Chimborazo. Plus récemment, la prise en compte de la dimension historique des
peuplements des écosystèmes est venue moduler ces approches strictement déterministes.
- Les interactions fonctionnelles de tous ordres entre les espèces, sont liées à de
multiples échanges. Les échanges alimentaires assurent la circulation de l’énergie au sein de
l’écosystème et échangent des signaux physiques et chimiques qui vont conférer à un
écosystème des propriétés spécifiques et émergentes. Cette notion d’émergence signifie
que ces propriétés ne peuvent être prédites à partir de la connaissance, même fine, de la
biologie de chaque espèce et ne résultent pas de la simple addition des activités propres à
chacune de ces espèces. Sans utiliser le terme de « super-organisme » il est clair que
l’ensemble du peuplement biologique d’un écosystème constitue un système biologique
intégré et original : la même espèce dans deux écosystèmes différents pourra avoir des
caractéristiques biologiques sensiblement différentes, par exemple en terme de résistance
aux maladies. Outre la nécessité de décrire ce nouveau niveau d’organisation du vivant, ce
constat amène à la nécessité de préserver globalement ces ensembles que sont le « tissu du
vivant » au sein de leurs écosystèmes et non pas seulement leurs composantes
indépendamment et en dehors de ces écosystèmes.
L’Ecologie Fonctionnelle, en se proposant d’identifier le rôle que joue chaque espèce au sein
d’un écosystème, est amenée à regrouper des espèces jouant un rôle similaire, et nous
amène à revenir sur l’utilisation des espèces comme métrique de la biodiversité. Ces
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« groupes fonctionnels » peuvent rassembler des espèces très proches sur un plan évolutif
(différentes espèces d’oiseaux dans une forêt) ou au contraire appartenant à des lignées
évolutives très différentes (les sauterelles et les moutons consomment tous les deux l’herbe
dans une prairie). Une relative redondance fonctionnelle existe entre les espèces du même
groupe fonctionnel : alors si une espèce venait à disparaître, une autre espèce remplissant
les mêmes fonctions qu’elle, pourrait la remplacer ; les services rendus par l’écosystème ne
s’en trouveraient pas ou peu altérés. Une fonction clé peut aussi être endommagée si
l’espèce disparue avait une fonction bien spécifique et singulière dans l’écosystème.
II L’évaluation de l’état de santé de la biodiversité
A) L’état des lieux global de la biodiversité
L’importance des inventaires
En ce début de 21e siècle, l’inventaire des espèces qui constituent le tissu vivant de
notre planète est loin d’être terminé. Les scientifiques découvrent encore tous les jours de
nouvelles espèces (10 000 espèces supplémentaires sont identifiées chaque année), dans
toutes sortes de milieux et de régions géographiques. Mais une grande partie des espèces
pourrait disparaître d’ici la fin du siècle, avant même d’être découvertes par les chercheurs.
Ceux-ci sont donc confrontés à un immense défi : accélérer l’inventaire des compartiments
méconnus et négligés de la biodiversité.
Aujourd’hui, la communauté scientifique a inventorié l’existence d’1,8 million d’espèces,
dont 1,4 million appartenant au règne animal et 350 000 au règne végétal. 95 % des
vertébrés et 85 % des plantes vasculaires ont été décrites. La communauté scientifique
estime le nombre d’espèces totales présentes sur Terre entre 8 et 30 millions et découvre
chaque année plusieurs milliers d’espèces. 230 000 espèces marines sont recensées (Etude
Census of Marine Life). Toutefois, des experts estiment le nombre d'espèces de petits
invertébrés vivant dans les grands fonds océaniques à 10 millions, et certains avancent le
chiffre de 100 millions simplement pour le nombre de nématodes (des vers).
Par exemple, en juillet 2010, ont été présentés les résultats de
l’inventaire All Taxa Biodiversity (ATBI), entrepris dans le Parc du
Mercantour : 11 nouvelles espèces ont été découvertes, un charançon
(coléoptère), 7 invertébrés aquatiques souterrains (des crustacés
vivant dans les sédiments des rivières) et 3 collemboles (des insectes
de l’ordre du millimètre). Ces nouvelles espèces sont loin d’avoir livré
tous leurs secrets. Trouvé dans l’obscurité d’une grotte, le charançon
Charançon Trachyphloeus lecciae
16
n’est pas aveugle, comme s’y attendaient les scientifiques. Les
crustacés sont dépourvus d’yeux, mais munis d’antennes servant à
percevoir leur environnement. Ils seraient susceptibles de vivre une
quarantaine d’heures sans oxygène et deux cents jours sans
nourriture.
L’ensemble de la diversité biologique est menacé
Les menaces qui pèsent sur la diversité des habitats
Les écosystèmes les plus en danger sont les grandes forêts tropicales qui abritent
plus de la moitié des espèces animales et végétales du monde, car elles ont été protégées
des périodes de glaciation. Beaucoup d’espèces endémiques, à savoir que l’on ne trouve que
dans ces milieux, y sont présentes en grand nombre.
La forêt tropicale de Bornéo, par exemple, possède l’une des plus riches biodiversités ;
celles-ci sont avant tout des micro-organismes, des végétaux, des invertébrés. Pour preuve,
depuis 2007, 123 nouvelles espèces ont été répertoriées dans le cadre du projet Heart of
Borneo du WWF. Ce recensement a permis de découvrir 29 invertébrés, 17 poissons, 67
plantes, 5 grenouilles, 3 serpents, 5 reptiles.
Malheureusement, les forêts tropicales connaissent une forte pression : elles sont exploitées
intensément par l’Homme. Selon la FAO (Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture
des Nations Unies), 13 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année (la surface
de l’Angleterre).
En outre, une étude de l’université de Stanford (Californie), menée par Greg Asner, suggère
que, d’ici 2100, le changement climatique et la déforestation pourraient avoir causé la
disparition de deux tiers des forêts tropicales d’Amérique du Sud. En Afrique, ce sont 70%
des forêts qui pourraient mourir, et 80% de la biodiversité de la région amazonienne serait
obligée de s’adapter ou de disparaître. L’étude est une première car, auparavant, aucune
projection sur l’adaptation des écosystèmes tropicaux n’avait été réalisée. Selon l’amplitude
du réchauffement, seulement 18 à 45% des plantes et des animaux des forêts tropicales
resteraient tels que nous les connaissons aujourd’hui.
D’après le rapport de la Convention pour la Diversité Biologique (CBD) Perspective mondiale
de la diversité biologique, publié en mai 2010, les pertes annuelles attribuables au
déboisement et à la dégradation des forêts peuvent varier de 2 milliards $US à 4,5 milliards
$US. Ces pertes peuvent être évitées en n’investissant que 4,5 milliards $US : un
investissement qui procure un rendement cent fois plus grand.
Les zones humides sont un espace de transition entre la terre et l’eau et constituent
un patrimoine naturel extraordinaire en raison de leur richesse biologique.
17
Elles recouvrent 6% de la planète. 35% des espèces rares et en danger trouvent refuge dans
les zones humides. En Europe, 50% des zones humides ont disparu ces 50 dernières années.
En France, 67% des zones humides ont disparu depuis le début du 20e siècle (CGDD – Etudes
& Documents n°23 – Services écologiques des zones humides – juin 2010).
Les récifs coralliens ne représentent que 0,6% de la surface des océans mais ils
abritent près de la moitié des espèces marines. Mieux que cela, les coraux constituent de
véritables berceaux pour la vie marine, affirment aujourd’hui des chercheurs du Muséum
d’Histoire Naturelle de Berlin dans la revue Science. C’est en effet là que sont apparues de
nombreuses espèces. Ces milieux sont soumis à une forte pression qui stresse les coraux et
conduit à leur blanchiment puis à leur mort. Les coraux fournissent 120 milliards d’euros de
« services » à l’humanité chaque année au niveau mondial. Malgré tout, d’après le Millenium
Ecosystem Assessment (2005), 20% des récifs de corail dans le monde ont été détruits et
20% ont été dégradés ces dernières décennies.
Les menaces qui pèsent sur la diversité végétale et
animale
Le rapport publié tous les quatre ans par l’UICN, Liste Rouge, a dressé, en 2009, un
bilan inquiétant de l’état de la biodiversité mondiale. Celui-ci analyse un échantillon de 2,7 %
représentatif des 1,8 millions d’espèces différentes recensées.
D’après le rapport Liste Rouge, dans le monde, 20% des 5487 mammifères de la planète sont
aujourd’hui menacés d’extinction ; à titre de comparaison depuis l’année 1500, seules 76
espèces se sont éteintes, et la situation pourrait s’avérer pire car il manque des données
pour plus de 800 espèces.
59% des amphibiens, 42% des reptiles d’Europe, 12,5% des oiseaux, 40% des poissons
d’eau douce sont également en déclin.
La diversité biologique a diminué de 27 % entre 1970 et 2005, selon le rapport du WWF 2010
and Beyond: Rising to the Biodiversity Challenge, qui présente les dernières données de
l'indice Planète Vivante.
De plus, le WWF a publié une liste des dix espèces les plus menacées, en janvier 2010.
Celles-ci, ainsi que beaucoup d’autres espèces, se trouvent bien plus à risque qu’auparavant
du fait de la perte de leurs habitats, du braconnage et des menaces liées aux changements
climatiques.
Les tigres, les ours polaires, le morse du Pacifique, les tortues luths ou encore le gorille des
montagnes figurent sur cette liste. « Nous disposons cette année d’une fenêtre d’opportunité
au moyen de laquelle nous allons pouvoir prendre les devants et sauver quelques animaux,
parmi les plus splendides de la planète, de l’extinction », déclare Dr Richard Dixon, directeur
18
du WWF Ecosse. Le rhinocéros de Java, le papillon monarque, le thon rouge et le manchot
de Magellan font également partie des espèces les plus menacées.
Source : UICN
19
B) L’état de la biodiversité européenne
Un rapport publié par la Commission Européenne, le 13 juillet 2009, a dressé un état
des lieux de la biodiversité remarquable de l’Union Européenne : plus de 1180 espèces et
216 habitats protégés par la législation communautaire (Directive Habitats de 1992).
Le rapport relève un manque d’information de certains membres, puisque sur l’ensemble
des évaluations, 13% des habitats et 27% des espèces ont abouti à un état de conservation
« inconnu ». Il couvre la période 2001-2006. Au total seuls 17% des espèces et des habitats
protégés par la Directive Habitats sont en bon état de conservation.
D’après le rapport, en Europe, 42% des mammifères, 43% des oiseaux, 45% des papillons,
mais aussi 30% des amphibiens, 45% des reptiles, 52% des poissons d’eau douce sont
menacés d’extinction.
Point positif, cependant, certaines espèces telles que le loup, le lynx d’Eurasie, le castor, la
loutre commencent à recoloniser leur territoire traditionnel : les pressions négatives, comme
la chasse et la pollution ont été réduites. En outre, les zones de protection Natura 2000 ont
continué de progresser légèrement, pour atteindre 17,6 % du territoire de l'Union en 2009.
De plus, commandée et financée par la Commission Européenne, la dernière Liste
Rouge européenne dresse un bilan accablant de la situation des libellules, coléoptères et
papillons d’Europe. Ce constat établit que les régions concernées devront mettre en œuvre
des politiques de conservation, vitales à la préservation de l’espèce.
Si nombre des 6000 espèces étudiées sont en danger, c’est essentiellement du fait de la
destruction de leurs habitats naturels, des changements climatiques, des incendies de forêt
et du développement du tourisme. Par exemple, coutumiers des régions d’Europe
méridionale, 31 % des espèces de papillons affrontent un grave déclin. Les experts de l’UICN
dressent un constat encore plus alarmant pour 9 % des 435 espèces étudiées qui sont déjà
au stade critique de la menace d’extinction. La situation pourrait même être pire encore
pour une espèce, celle de la piéride du chou de Madère, que l’on estime en danger critique
d’extinction étant donné qu’elle n’a pas été aperçue sur l’île portugaise depuis plus de 20
ans.
20
C) L’état de la biodiversité en France
La responsabilité de la France
Zone Economique Exclusive de la France (DIREN, Bretagne)
D’après le rapport de l’UICN Liste Rouge de 2009, la France porte une responsabilité
de premier plan aux niveaux mondial et européen pour enrayer l’extinction de la
biodiversité.
La France est le seul pays au monde à posséder des récifs coralliens dans trois océans. Notre
pays abrite 10% des récifs coralliens mondiaux. C’est le deuxième domaine maritime du
monde, avec 11 millions de km².
Preuve de l’incroyable richesse de l’île de la Réunion, début août 2010, une vaste surface de
l’île a été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La France métropolitaine rassemble, à elle seule, la moitié des zones de grande diversité en
Europe. La France occupe, aussi, la première place, en Europe, pour la diversité des
amphibiens (38 espèces), des oiseaux (357 espèces) et des mammifères (120 espèces).
Les Terres Australes et Antarctiques françaises abritent les communautés d’oiseaux marins
les plus diversifiées du monde.
778 espèces mondialement menacées sont présentes sur son territoire. Elle se situe au 8e
rang des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces animales et végétales menacées
dans le monde. Cette situation est due principalement aux collectivités françaises d’Outre-
Mer qui se trouvent presque toutes situées sur des « points chauds de la biodiversité ». Les
Caraïbes, l’Océan Indien, la Polynésie-Micronésie, la Nouvelle-Calédonie, ayant perdu au
moins 70% de leurs habitats naturels originels.
En France métropolitaine 1 espèce de poisson d’eau douce sur 5 est menacée de
disparition. 36% des mammifères, 18% des oiseaux nicheurs sont menacées de disparition
21
en France. Le pays a perdu 30% de ses prairies en 30 ans, 75% des rivières contiennent des
pesticides, la moitié du territoire est pollué par les nitrates.
L’état de la biodiversité remarquable, protégée par la
Directive Habitats, en France
La première évaluation de la directive Habitats publiée par le Service d’observation et des
statistiques de l’environnement (SOeS), en avril 2010, pour la période 2000-2006, révèle que
plus de 50 % des espèces et près de 75 % des habitats, parmi les plus menacés d’Europe, ne
sont pas en bon état de conservation en France, premier pays européen abritant cette
biodiversité ( 1 habitat sur 6 et 1 espèce sur 5 d'intérêt communautaire sont en bon état de
conservation en France).
Les 3 états de conservation « favorable », « défavorable inadéquat », « défavorable
mauvais » sont établis en fonction de paramètres comme la surface estimée, la viabilité à
moyen terme des habitats, ou l’état de population et de leurs habitats pour les espèces.
La région atlantique qui correspond grossièrement à la moitié ouest de notre pays est la
région biogéographique la plus mal classée, avec 53 % d’habitats en mauvais état.
L’agriculture et l’urbanisation du littoral sont notamment pointées du doigt.
La région alpine (Alpes et Pyrénées) est en revanche celle qui regroupe la plus forte
proportion d’évaluations favorables, en France mais aussi en Europe.
Sur l’île de la Réunion, plus d'un tiers des poissons d'eau douce et près de la moitié des
crustacés sont en danger d'extinction et le quart des espèces d'oiseaux a déjà disparu, selon
le recensement de l'UICN publié le 1er juillet 2010, réalisé avec le Muséum national
d'Histoire naturelle et des organisations locales.
L’Apron du Rhône a connu une régression de 90% de son aire de répartition historique
La tortue cistude est une espèce Quasi Menacée d’après la Liste Rouge française
Roussette noire, chauve-souris la
plus menacée de la Réunion
22
Globalement, ce sont les habitats marins et côtiers, les dunes, les tourbières et bas-marais,
les habitats d’eau douce ainsi que les prairies qui sont les plus dégradés.
III L’étude des causes de l’érosion de la biodiversité
A) La dégradation, la fragmentation, la perte des habitats
L’explication du phénomène
Elle constitue la principale cause d’extinction des espèces dans le monde, en
particulier les espèces aux répartitions géographiques restreintes.
La dégradation, la fragmentation et la perte des habitats peut être importante face à
l’urbanisation, à l’expansion des surfaces agricoles, la conception d’infrastructures linéaires
de transport, et aux pollutions qu’elles engendrent.
La fragmentation se manifeste lorsqu’un écosystème de large étendue est transformé par
l’action humaine en de nombreux fragments, de taille réduite, isolés spatialement.
La fragmentation des milieux naturels affecte la biodiversité selon 4 mécanismes :
- L’effet « mécanique » est la destruction de l’habitat par l’homme, qui se manifeste par
exemple par la déforestation. Un des effets les plus rapides et les plus évidents de la
fragmentation est l’élimination des espèces présentes seulement dans les parties du paysage
détruites. Puis, la disparition d’un certain nombre d’éléments, suite à la fragmentation, qui
était nécessaire à la survie de ces espèces peut engendrer une diminution (ou une
disparition) des espèces endémiques à la zone fragmentée.
- Une perturbation des processus de dispersion. Les espèces qui exigent une mosaïque
d’habitats (présence de plusieurs habitats différents) pour leur développement peuvent être
menées vers l’extinction si une barrière physique sépare un habitat des autres. De plus ces
espèces peuvent être mises en danger quand la fragmentation provoque la séparation d’une
grande population en plusieurs petites populations qui ne sont plus reliées entre elles et
dont les effectifs ne sont plus assez importants pour avoir une population viable. Ces
populations ne pourront pas survivre sur le long terme du fait de leur faible effectif, et du
fait de l’uniformité génétique que cela va induire qui les rendra plus sensibles aux conditions
extérieures.
- Une diversité d’habitats réduite avec des populations restreintes. La diversité des habitats
contribue à la diversité des espèces. Dans certains cas, les espèces exigent la présence d’une
diversité d’habitats pour vivre : un habitat lié à la nidification, un autre à l’alimentation, un à
23
la reproduction… Une réduction des potentialités d’habitats entraînera donc la disparition de
ces espèces. Un autre facteur devant être considéré est la taille des animaux. Une espèce de
grande taille nécessitant souvent un espace plus important pour sa survie, qu’une espèce de
petite taille. La fragmentation des milieux occasionnant la création de plusieurs fragments
de petite taille, le milieu deviendra donc défavorable aux espèces ayant besoin de grands
espaces.
- Un effet de lisière : on augmente la part représentée par la lisière dans l’écosystème en cas
de fragmentation. Des conditions écologiques spécifiques sont présentes dans l’écosystème
de lisière par rapport à la zone centrale : l’ensoleillement, le régime des vents ou encore le
régime de température vont varier. Ces conditions différentes entre la lisière et la zone cœur
induisent la présence d’une faune et d’une flore différentes. L’habitat initial sera par
conséquent dénaturé du fait de l’augmentation de l’effet de lisière, qui va altérer les patrons
locaux de diversité et la dynamique des populations. Un nouveau cortège d’espèces sera
donc présent sur cet espace au détriment de celui de l’espace cœur. Si ce dernier abrite des
espèces endémiques, la réduction de la surface de l’habitat peut mettre en danger ces
populations, et provoquer leur extinction.
Les espèces particulièrement sensibles à ces phénomènes
Les espèces les plus sensibles sont les premières qui seront affectées par la
fragmentation. Une perte d’habitat va donc provoquer une diminution de la diversité
spécifique et un changement de la composition des communautés.
Ces espèces sensibles à la fragmentation sont :
- les espèces naturellement rares qui ont une faible densité de population ou une
distribution géographique limitée,
- les espèces qui ont une faible fécondité ou un cycle de vie court,
- les espèces ayant besoin d’une grande superficie d’habitat pour assurer une viabilité
de la population sur le long terme,
- les espèces ayant de faible capacités de dispersion, et qui ne pourront donc pas
rejoindre un habitat non fragmenté,
- les espèces qui ont besoin pour vivre de ressources présentes de manière
imprévisible,
- les espèces ne pouvant vivre que dans les espaces cœur (et donc pas dans les zones
de lisières)
- les espèces qui seront vulnérables aux prédateurs présents dans les zones de lisières,
- les espèces vulnérables à l’exploitation humaine.
La fragmentation des habitats par la création de routes peut également favoriser
l’exploitation des espèces, et donc leur extinction, en rendant accessibles à l’homme des
zones jusqu’à présent inaccessibles.
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En outre, la fragmentation des habitats nuit à la capacité d’adaptation des espèces au
changement climatique.
Enfin, l’apparition d’espèces envahissantes autochtones ou allochtones peut profiter de la
dégradation, de la fragmentation, de la perte des écosystèmes.
B) Le changement climatique
Une explication du phénomène encore délicate
Il est difficile d’isoler les impacts du changement climatique des autres pressions
subies par les écosystèmes et bien que la problématique soit très différenciée selon les
écosystèmes et les espèces, des signes de modification de la biodiversité attribuable aux
changements graduels induits par le changement climatique sont d’ores et déjà observables.
De nombreuses études sont entreprises pour déterminer le lien entre changement
climatique et érosion de la biodiversité. Celles-ci sont arrivées à plusieurs conclusions :
La fragmentation des habitats aggrave le phénomène
normalement compensable du changement climatique
D’après une étude, réalisée par des chercheurs de l’Université d’Oxford, l’avenir serait
moins sombre : la résilience des écosystèmes aurait été sous-estimée.
Les modèles actuels ne prendraient pas encore, correctement, en compte les effets des
facteurs locaux comme la topographie et les effets tampon des microclimats.
Leur synthèse des études récentes sur cette question met en évidence des contradictions
dans les résultats suivant l’échelle d’analyse des territoires choisis. Leur prise en compte de la
qualité des milieux avoisinants le territoire étudié est, d’autre part, insuffisante.
L’étude explique que nous devons nous attendre à voir des espèces migrer, être remplacées,
et former de nouvelles communauté. Le Pr. Kathy Willis explique que c’est la fragmentation
des habitats qui menacent le plus les espèces. En bloquant leur migration, cette
fragmentation les empêcherait de s’adapter aux variations climatiques et pourrait causer leur
disparition.
Le changement climatique favorise le maintien des
espèces invasives sur le territoire
Selon une étude du Global Invasive Species Program (GISP), le changement climatique
25
favorise le maintien d’espèces sur un territoire qui leur était auparavant inaccessible.
Ce phénomène se produit dans tous les écosystèmes terrestre, marin, végétal, animal, micro-
organique. Lorsqu’elles sont installées, ces espèces, comme la dendroctone du pin
ponderosa, un insecte de la taille d’un grain de riz qui altère son écosystème et provoque une
mortalité généralisée des forêts de pins dans le nord-ouest du Canada, causent des
dommages extrêmement importants à leurs nouveaux environnements.
Plus proche de nous, en France, le nombre d’espèces de pucerons augmente : leur
développement est précoce (trois semaines) mais il est heureusement compensé, car, ceux-ci
sont les proies de nombreuses autres espèces comme les guêpes ou les coccinelles.
Les espèces particulièrement sensibles au changement
climatique
Création d’un indicateur européen mesurant l’impact des
changements climatiques sur les êtres vivants du
continent
Frédéric Jiguer, maître de conférences au MNHN, a participé à l’étude commandée
par la Commission Européenne, élaborant un nouvel indicateur montrant comment les
changements climatiques affectent les espèces vivantes à travers l’Europe. L’Union
Européenne considère cet indicateur comme une mesure officielle, le premier du genre.
L’indicateur de changement climatique combine deux jeux de données indépendants :
- des prédictions de distribution future basée sur des modèles dits d’enveloppe
climatique,
- des données sur les tendances européennes d’évolution des populations d’oiseaux
nicheurs, à l’instar de ce que fait le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs) en
France.
Les résultats montrent que le nombre d’espèces touchées de manière négative est presque
trois fois plus grand que le nombre d’espèces qui bénéficient des changements climatiques.
L’impact se fait déjà sentir sur les oiseaux nicheurs d’Europe.
Un impact sur les milieux marins encore incertain
Aujourd'hui, les observations indiquent que 84% du réchauffement du système
planétaire a eu lieu dans les océans.
De nombreux résultats attestent déjà d'une réponse des organismes marins vis-à-vis de
cette augmentation de température. Cependant, peu d'études ont été conduites sur les
conséquences du changement climatique global sur l'évolution de la biodiversité marine à
grande échelle spatiale.
Cette étude révèle ainsi qu'une augmentation de la biodiversité taxonomique pourrait, si elle
est généralisable à l'ensemble de l'océan mondial, altérer temporairement certaines
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fonctions importantes pour l'homme (telles que la régulation du dioxyde de carbone et
l'exploitation des ressources marines). Cette augmentation, jamais constatée à une aussi
grande échelle spatiale, constitue l'empreinte d'un bouleversement structurel profond des
systèmes biologiques en Atlantique Nord en réponse à l'augmentation des températures.
Le réchauffement climatique des dernières décennies s'est accompagné d'une augmentation
de la biodiversité de plancton végétal et animal de l'océan Atlantique Nord et d'une
diminution de la taille moyenne de ces organismes.
Ces résultats ont été obtenus grâce au programme Continuous Plankton Recordersuit qui,
tous les mois, a étudié, depuis 1946, la présence et l'abondance de près de 450 espèces
planctoniques dans l'océan Atlantique Nord. Leurs analyses révèlent pour la première fois
que le réchauffement des températures s'est accompagné d'une augmentation de la
biodiversité de ces groupes planctoniques dans l'océan Atlantique Nord et d'une diminution
de 25 à 33% de la taille moyenne des copépodes, dont une centaine d'espèces peuple cette
partie de l'océan. La taille de ces organismes est en effet passée d'une moyenne de 3-4 mm
à 2-3 mm dans certaines régions situées à la limite entre les systèmes tempérés et polaires.
Les chercheurs montrent que cette modification structurelle des systèmes biologiques
pourrait entraîner une altération du puits de carbone en Atlantique Nord et une diminution
de la présence des poissons subarctiques tels que la morue.
Le changement climatique va menacer une grande
quantité d’espèces
D’après une étude, coordonnée par les laboratoires du CNRS et du MNHN, publiée
dans le journal Global Change Biology, du mois d’octobre 2009, 20% de la biodiversité
végétale n’aurait pas été renouvelé en 10 ans. Ce phénomène s’expliquerait par le
changement climatique qui touche largement la Guyane avec une hausse des températures
27
de 2°C en 50 ans. Les très fortes années sèches s’avèrent de plus en plus fréquentes et ne
permettent plus le renouvellement normal des populations végétales.
Le rapport « Conservation pour une nouvelle ère », publié par l’UICN explique, dans le
chapitre consacré au changement climatique et à la biodiversité, que la menace est réelle.
A +2 degrés, « plus de 30 % des espèces seront menacées d’extinction » et « 15 % des écosystèmes
de la planète seront affectés ».
Une part importante des espèces non menacées d’extinction est sensible au changement climatique
(30% des oiseaux, 51% des coraux, 41% des amphibiens), le réchauffement pourrait à l’avenir
toucher gravement un plus grand nombre d’espèces sauvages.
Le saumon est menacé par la hausse de température de l’eau, qui réduit les niveaux
d’oxygène, accroit le risque de maladies, et nuit à leur capacité respiratoire.
Le koala est victime de malnutrition et ultimement meurt de faim car la qualité
nutritionnelle des feuilles d’eucalyptus diminue à mesure que le niveau de CO² augmente.
La tortue luth est affectée par la montée du niveau des mers, et l’accroissement de l’activité
des tempêtes du fait du changement climatique, qui détruit leur habitat. L’accroissement de
températures peut également mener à un accroissement de la proportion de mâles par
rapport aux femelles.
L’arbre aloe dichotoma, que l’on trouve dans le désert namibien, voit sa population
décroître, à cause de la sécheresse.
Le phénomène toucherait de manière indistincte tous les types de végétaux, laissant
supposer qu’il s’agit d’une crise écologique majeure.
Les espèces peuplant les régions polaires et tropicales
sont d’ores et déjà touchées, et seront les plus affectés
dans l’avenir
Un rapport de l’UICN Changement climatique et espèces explique que les espèces
polaires sont les plus affectées par la diminution de la glace.
Le phoque annelé, le pingouin empereur doivent se déplacer plus vers le nord, à mesure que
la mer de glace recule.
Lorsque la toundra laisse place à la forêt, le renard polaire rentre en concurrence avec le
renard roux, pour s’alimenter.
Le bélouga sera profondément affecté : la recherche de proie sera plus difficile, l’activité
humaine se développera sur son territoire autrefois inaccessible.
Le poisson-clown est aussi victime de l’acidification des océans, qui perturbe leur odorat, et
les empêche de trouver leur refuge de prédilection, l’anémone, dont ils ont besoin pour se
protéger.
Impact sur les espèces incapables de migrer, de
s’adapter
28
Avec le changement climatique la répartition des espèces se modifient, or toutes ne
sont pas capables de migrer ou de s’adapter (citons notamment les espèces montagnardes).
C) La dissémination d’espèces envahissantes ou invasives
L’explication du phénomène
Distinction entre espèce envahissante et espèce invasive
Selon la Liste Rouge de l'Union mondiale pour la nature (UICN), les espèces exotiques
envahissantes sont la troisième cause de perte de la biodiversité dans le monde.
Le coût annuel des dommages engendrés par les espèces invasives est estimé à 138 milliards
de dollars aux États-Unis et à 1400 milliards de dollars, au niveau mondial.
D'après le GISP, les espèces invasives peuvent transformer entièrement des écosystèmes, en
altérant l'hydrologie, les régimes de feu, les cycles nutritifs et d'autres processus
écologiques. Ces invasions engendrent alors des coûts énormes dans les domaines de
l'agriculture, de l'activité forestière, de la pêche ou de la santé humaine.
Les deux termes, invasive et envahissante, désignent la capacité d’une espèce à accroître son
aire de répartition.
Le terme invasif (ou invasive) est initialement employé dans la langue anglaise. En France, il
est utilisé depuis les années 1970 en particulier dans le domaine médical (méthodes
d’investigation invasives).
La langue française utilise donc les deux termes, mais avec une signification différente :
- Une espèce envahissante est une espèce qui a agrandi son aire de répartition
naturellement ou à la suite d’une modification anthropique du milieu. Elle peut être
autochtone ou allochtone de la zone considérée.
- Une espèce est dite invasive si elle a été introduite, intentionnellement ou non, dans un
territoire qui se situe hors de son aire de répartition naturelle, si elle se multiplie sur ce
territoire, sans intervention de l'homme, y forme une population pérenne, et si elle
constitue un agent de perturbation des activités humaines ou nuit à la diversité biologique.
Une espèce invasive est donc une espèce introduite, envahissante et perturbatrice.
L’UICN élargit la définition d’espèce invasive à toute espèce qui, s’étant établie dans un
nouveau domaine géographique pour elle, y est un agent de perturbation et nuit à la
diversité biologique. Ce sont généralement des espèces introduites mais pas uniquement.
La menace posée par les espèces invasives, plus résistantes face au changement climatique,
s’accroît. Une espèce peut être invasive en un lieu donné et ne pas être invasive sur son aire
de répartition initiale. Le phénomène d’invasion biologique concerne donc des populations
(des sous-ensembles) et non l’ensemble de l’espèce.
29
La croissance rapide de ces plantes, leur capacité d'adaptation et de multiplication végétative
supérieure à celle des plantes indigènes, mais aussi l'absence de prédateurs ou de parasites
naturels ont permis leur émergence.
Les espèces introduites après 1500 sont considérées comme envahissantes en Europe,
depuis la découverte de l'Amérique à partir de laquelle les échanges d'espèces entre
continents se sont intensifiés.
Il existe différents types d’espèces invasives
Les botanistes utilisent des termes complémentaires pour qualifier le caractère invasif de
telle ou telle espèce.
- Les espèces invasives avérées sont des plantes allochtones montrant actuellement un
caractère invasif avéré dans le territoire considéré. Ce caractère se traduit par une
dynamique d’extension rapide de ces plantes dans leur territoire d’introduction.
Celles-ci forment localement des populations denses, souvent bien installées, qui se
maintiennent par reproduction sexuée ou multiplication végétative. Ces espèces
peuvent produire des changements significatifs de composition, de structure et/ou
de fonctionnement des écosystèmes, des problèmes graves à la santé humaine ou
encore causer des préjudices à certaines activités économiques.
- Les espèces invasives potentielles sont des espèces allochtones qui ne présentent pas
actuellement de caractère invasif avéré dans le territoire considéré, mais dont la
dynamique dans des régions limitrophes ou climatiquement proches, laisse penser
qu’elles risquent néanmoins de devenir à plus ou moins long terme des invasives
avérées. Ces plantes se maintiennent par reproduction sexuée ou multiplication
végétative. La présence d’invasives potentielles sur le territoire considéré justifie une
forte vigilance et peut nécessiter des actions préventives.
- Les espèces à surveiller sont des espèces allochtones qui ne présentent actuellement
pas (ou plus) de caractère invasif avéré dans le territoire considéré pour les milieux
naturels ou semi-naturels. Toutefois, la possibilité de développer un caractère invasif
dans ces milieux n’est pas totalement écartée, compte tenu notamment du caractère
invasif de ces plantes dans d’autres régions du monde. La présence de telles plantes
sur le territoire considéré nécessite une surveillance particulière.
L’étude des causes de leur prolifération
L’introduction involontaire d’espèces invasives est fréquente : activités industrielles,
échanges commerciaux et transports de marchandises (fixation de graines sur les colis,
30
navires, véhicules, voyageurs…) figurent parmi les causes d'introductions accidentelles de
ces plantes invasives dans un nouveau territoire. Ce phénomène accompagne depuis
longtemps toute migration humaine. L’intensification du commerce mondial (le montant des
échanges a été multiplié par 17 entre 1965 et 1990) multiplie les risques d’introduction
d’espèces envahissantes, avec le commerce du bois ou de semences, le tourisme, ou même
l’eau des ballasts des navires marchands.
L’introduction peut aussi être volontaire, à des fins alimentaires ou ornementales.
Le topinambour est cultivé comme légume pour ses tubercules riches en éléments minéraux
et en glucides et sa prolifération reste, toutefois, maîtrisée de manière à éviter sa
propagation.
Dans les jardins sont plantées la buddléia du Père David ou l'herbe de la Pampa, pour la
constitution de collections botaniques (renouée du Japon) ou dans les aquariums
(myriophylle du Brésil). Toutes ces plantes invasives sont vendues dans le commerce.
L’introduction peut également être naturelle : les graines des plantes peuvent être
dispersées par le vent, l'eau ou les animaux.
Les espèces et les habitats particulièrement sensibles à la
prolifération des espèces invasives
Du Nord au Sud, tous les pays sont concernés par le phénomène des invasions
biologiques.
Vertébrés, insectes, champignons, bactéries, algues ou plantes, ces espèces sont impliquées
dans la moitié de toutes les extinctions des 400 dernières années, selon l'UICN.
Apparition fréquente dans les milieux endommagés par les
activités humaines
« Introduites hors de leur aire de répartition naturelle par l'Homme, les plantes
invasives peuvent se reproduire. Celles-ci s'installent majoritairement dans des milieux déjà
perturbés tels que les bords de route, les terrains nus, les chantiers mais aussi les cours
d'eau… » a expliqué Enora Leblay, chargée de mission espèces exotiques envahissantes à la
fédération des Conservatoires botaniques.
Apparition dramatique dans les espaces insulaires
Les iles sont particulièrement sensibles à ce phénomène qui peut entraîner la
disparition totale de certaines espèces et une banalisation générale des milieux naturels.
La dissémination d’espèces invasives est la première cause d’extinction des espèces
insulaires, en particulier pour les oiseaux. En effet, les systèmes insulaires sont très différents
des autres, parce qu’ils renferment des espèces endémiques, ne se trouvant nulle part
ailleurs. Une espèce insulaire disparue, l’est, bien souvent, à l’échelle mondiale.
31
Les espèces exotiques envahissantes sont une des causes principales de la perte de
biodiversité en Outre-Mer. L’ile de Tahiti est recouverte aux deux tiers par une plante
envahissante, le miconia calvescens.
Les espaces littoraux et lacustres sont fréquemment touchés par
les espèces invasives
Les littoraux, écotones de l’écosystème marin et de l’écosystème terrestre est aussi
sujet à invasion.
En Méditerranée, la présence importante d’espèces invasives est un facteur crucial qui va
continuer à modifier la biodiversité. Venues d’autres mers, via le détroit de Gibraltar ou le
canal de Suez, elles sont estimées à plus de 600, soit 4% du total des espèces recensées.
Certaines d’entre elles, notamment les méduses sont problématiques : la Mnemiopsis Leidyi
(méduse américaine), en 2009, a provoqué de grandes inquiétudes en raison de son impact
connu sur les écosystèmes et les zones de pêche.
La dispersion de la vendue comme plante ornementale et de la jacinthe d’eau sont
aujourd’hui un fléau grave sur de nombreux fleuves et lacs de régions chaudes, en Afrique,
en Asie.
D’autres espèces, comme l’huître ou la palourde japonaise, ont été volontairement
introduites avec le développement de l’aquaculture et ont entraîné avec elle de nouvelles
espèces non adaptées à la vie en Méditerranée: les fermes à huîtres sont devenues de
véritables portes d’entrée dans les eaux côtières pour toute une série d’algues.
Au Botswana, une fougère envahissante, la Salvinia Molesta menace la pêche et le tourisme
dans le Delta de l’Okavango, en raison de sa reproduction fulgurante qui limite la
biodiversité. La fougère originaire d’Amérique du Sud se développe en formant un matelas
épais à la surface de l’eau, asphyxiant les espèces animales et végétales situés en-dessous, à
commencer par les poissons.
Les espaces naturellement variés sont particulièrement touchés
par les espèces exotiques
Le phénomène "se produit dans tous les types d’écosystèmes : terrestre, marin,
végétal, animal, micro-organique", précise Stas Burgiel, directeur du Global Invasive Species
Program (GISP).
Ainsi, l’Aquitaine est fortement touchée : ses côtes exemptes d'urbanisation, ses massifs
montagneux et sa forêt landaise en font un territoire riche en proie aux espèces exotiques.
32
D) La surexploitation des ressources naturelles
Au cours des siècles l’homme a augmenté de manière croissante son emprise sur le
milieu naturel en exploitant de plus en plus les espèces. C’est la troisième cause d’extinction
des espèces sur terre, bien que ce soit, de manière générale, celle qui vient en premier à
l’esprit du public.
Les différentes formes d’exploitation, fonction des objectifs :
La consommation par la chasse, la pêche ou la
cueillette
La pression de la chasse représente encore de nos jours un facteur de déclin pour
certaines espèces vulnérables, et notamment l’avifaune.
La pêche a également un impact très important puisqu’on constate un état très préoccupant
d’un bon nombre d’espèces exploitées, au point qu’il existe un risque d’effondrement de
certaines espèces.
Alors que les stocks diminuent, les pêcheurs cherchent à maintenir constant le prélèvement
de poissons et utilisent par conséquent des méthodes de plus en plus élaborées et vont
pêcher de plus en plus loin. Ceci laisse donc craindre qu’une fois les zones côtières
appauvries par la pêche, le large le sera à son tour.
Les données actuelles indiquent l’effondrement massif de tous les poissons et fruits de mer
aujourd’hui pêchés, avant 2050. D’une manière générale, la perte de biodiversité réduit en
profondeur la capacité de l’océan à produire de la nourriture, à résister aux maladies, à
filtrer les polluants et à rebondir suite aux dommages tels ceux causés par la surpêche et le
changement climatique.
Les chercheurs indiquent que la perte d’une espèce est une atteinte à la capacité à produire
et à la stabilité de l’ensemble de l’écosystème. L’analyse permet de prédire une disparition
d’au moins 90% de chaque espèce de poissons et fruits de mer actuellement pêchés (Centre
International de la Recherche Scientifique, Novembre 2005).
La commercialisation
Le principal problème réside dans l’effet ricochet qui existe avec la chasse et la
pêche.
On pourrait qualifier de dommages collatéraux ces activités touchant certaines espèces, par
erreur, alors qu’elles ne sont pas visées.
On peut citer par exemple les dauphins ou les tortues qui meurent en s’accrochant dans les
filets de pêche, ou encore les captures de pétrels liées à la pêche à la palangre dans les zones
australes et antarctiques.
33
Ce problème continue d’exister encore aujourd’hui et concerne parfois des espèces
menacées d’extinction, malgré les recherches pour améliorer la sélectivité des engins et des
techniques de pêche.
Les collections
Les pays développés participent au pillage de la faune et de la flore pour la
constitution de collections. On pourrait également insérer dans cette catégorie le problème
important du commerce d’animaux sauvages, ou encore celui des bois tropicaux qui mettent
à mal les politiques de gestion durable.
Ce commerce s’est par ailleurs accentué avec le développement d’internet. Chaque jour, des
milliers d'animaux et des produits d'origine animale - qu'il s'agisse de chimpanzés vivants, de
défenses gigantesques ou de minuscules hippocampes séchés - sont vendus et achetés dans
le cyberespace international.
Le commerce international légal d’espèces de faune et de flore représente 15 milliards € par
an (et plus de 350 millions de spécimens). Cela représente entre autre 1,5 million d’oiseaux
et 640 000 reptiles chaque année. En outre, le trafic illégal d’animaux et de plantes sauvages,
3ème de par son importance après la drogue et les armes, est une des premières causes de
disparition des espèces.
Pendant trois mois, le Fond International pour la Protection des Animaux (IFAW) a mené au
Royaume-Uni une enquête qui a montré qu'en une semaine seulement, plus de 9000
animaux vivants ou produits issus de la faune sauvage avaient été proposés à la vente sur
des sites Web de langue anglaise, notamment des forums de discussion et le célèbre site
d'enchères eBay. Au moins 70% de ces animaux étaient des espèces protégées par la
législation internationale. L'enquête a été restreinte à cinq catégories d'animaux ; ses
conclusions ne représentent donc que la partie visible de l'iceberg.
Le rapport, "Caught in the web: wildlife trade on the Internet" ("pris dans la toile, le
commerce de la faune sauvage sur l'Internet") confortera les craintes des écologistes : le
commerce sur Internet, toujours croissant et très peu contrôlé, pourrait être une
catastrophe pour les espèces menacées. Il ouvre de nouveaux marchés aux trafiquants
d'animaux sauvages et beaucoup de ces animaux sont visés par les braconniers pour
répondre aux demandes de riches consommateurs étrangers et pour être commercialisés
comme "animaux de compagnie".
IFAW a découvert que certaines des espèces les plus menacées au monde sont proposées en
ligne, à partir de sites Web basés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Inde, en Israël et en
Allemagne, et que la plupart d'entre elles sont vendues ou échangées de manière illégale.
Les enquêteurs d'IFAW ont trouvé des animaux exotiques, notamment un gorille vivant en
vente à Londres, un tigre de Sibérie et quatre bébés chimpanzés sur un site américain, ainsi
que d'autres espèces sérieusement menacées (IFAW, 2006).
34
Les craintes ou superstitions
Il s’agit des espèces exploitées pour leurs prétendus effets bénéfiques liés à certaines
croyances.
La liste des espèces concernées par ces coutumes est longue, mais on pourra citer, par
exemple, la tête des singes, le pénis des phoques, la corne des rhinocéros, l’ivoire des
éléphants, les peaux de tigres, les mains de gorilles. La très grande majorité de ces artefacts
concernent les espèces menacées ce qui augmenterait leur pouvoir.
Les espèces les plus touchées par la surexploitation
Les espèces les plus rentables sont exploitées, par la pêche, l’agriculture, l’élevage.
Les habitats dédiés à ces activités sont donc repensés pour accueillir ces espèces, au
détriment de la diversité spécifique, et de la santé des écosystèmes.
En outre, une étude menée par Morgan Trimble, de l’université de Prétoria (Afrique du Sud)
explique que les scientifiques et les ONG mettent d’abord en avant les espèces les plus
« jolies », celles qui toucheront le mieux le public : ainsi les espèces les plus populaires sont
mieux protégées au détriment des autres, ne représentant pas leur degré d’importance pour
le maintien de la santé des écosystèmes.
Les espèces marines sont particulièrement
menacées
En ce qui concerne l’état des espèces marines, la situation est préoccupante.
Ce cauchemar d'océans d'où tous les poissons auraient disparu pourrait se concrétiser, en
l'absence d'une restructuration profonde du secteur de la pêche : 30% des réserves
halieutiques ont déjà disparu et l'ensemble des activités de pêche risque de ne plus être
rentable d'ici 2050, d’après l’ONU. Si on tient compte de la progression démographique d'ici
à 2050, et de la progression du niveau de vie, il faudrait alors doubler notre prélèvement. Or
on est déjà proche du maximum.
"Si les différentes estimations que nous avons reçues (...) se réalisent, alors nous sommes
dans une situation où effectivement, dans 40 ans, nous n'aurons plus de poisson", a déclaré à
des journalistes, à New York, Pavan Sukhdev, directeur de l'Initiative pour une économie
verte du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue).
La chute des réserves de poissons de la planète est un problème écologique mais aussi une
question de subsistance pour un milliard de personnes, souvent originaires de pays en
développement et dont le poisson constitue la seule source de protéines, selon l'ONU.
Le rapport sur l'économie verte estime que 35 millions de personnes vivent de la pêche dans
le monde, que 170 millions d'emplois en dépendent de manière directe ou indirecte et qu'en
tout 520 millions de personnes y sont financièrement liées.
35
Les subventions des gouvernements à des flottes sont toujours plus grosses pour des prises
toujours plus maigres, et qui ne laissent pas le temps aux ressources de se reconstituer. Les
capacités des flottes de pêche sont "50 à 60%" supérieures à ce qu'elles devraient être.
36
37
Partie N°2 : Les raisons pour lesquelles une entreprise
française doit intégrer la conservation de la biodiversité et
des services écologiques dans sa stratégie de
développement
I Les interactions de l’entreprise avec la biodiversité et les
services écologiques
A) La protection des écosystèmes au service de la conservation
de la biodiversité
La Stratégie mondiale de la conservation, publiée en 1980, jette les bases de la
conservation de la nature associée au développement et propose une première définition du
développement durable. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)
souligne alors l’importance de respecter la capacité de charge des écosystèmes, ce qui
renvoie à la notion écologique fondamentale de limites de l’environnement, mesurées
notamment par l’empreinte écologique.
Tous ces principes ont été affinés dans le document Sauver la Planète, stratégie pour l’avenir
de la vie, publié en octobre 1991 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement
(PNUE) et le World Wild Fund for Nature (WWF).
C’est dans ce document qu’est approfondie la définition du développement durable, mise en
rapport avec la capacité de charge et les limites de la biosphère, dans le cadre d’une
économie ''qui préserve le capital des ressources dont elle dépend''. Il souligne que la
conservation de la biodiversité ne se réduit pas à la protection d’espèces sauvages dans des
réserves naturelles, mais qu’elle consiste aussi et surtout à sauvegarder l’intégrité des
grands écosystèmes de la planète, appréhendés comme conditions de la vie sur Terre. La
diversité des cultures humaines, des représentations, des imaginaires est indissociable de la
diversité biologique. La biodiversité désigne une politique de la coexistence des êtres vivants
sur une planète aux ressources limitées.
B) Les interactions de l’entreprise avec les écosystèmes
Comprendre le fonctionnement d’un écosystème
L'ensemble des espèces de faune et de flore, vivant dans un environnement physique
déterminé et interagissant entre elles, forme une unité écologique fonctionnelle dynamique
appelée l’écosystème.
38
Les interactions, au sein d’un écosystème, sont à l’origine de processus biologiques - de
fonctions écologiques - dont la bonne santé est indispensable pour le maintien de
l’écosystème, de sa capacité de résilience (capacité d’un écosystème à lutter contre les
perturbations extérieures), de la production de services écologiques.
Ces services dits écosystémiques ou écologiques désignent l'utilisation humaine - des
processus naturels – des fonctions écologiques - à travers la fourniture de biens matériels, la
valorisation des modes de régulation écologique, l'utilisation des écosystèmes de support à
des activités non productrices de biens matériels (art, éducation).
Les services écologiques se rapportent uniquement aux impacts positifs des écosystèmes sur
le bien-être humain à travers la fourniture de biens et de services.
Si on considérait plus attentivement la biodiversité remarquable par le passé, la diffusion
récente du concept de service écosystémique donne à la biodiversité ordinaire une
importance considérable, car c’est elle qui, par le biais des interactions entre les espèces, et
l’homme en fait partie, permet aux écosystèmes d’apporter toutes sortes de bienfaits à
l’humanité.
Le maintien durable des écosystèmes et de leur bon fonctionnement représente donc un
enjeu majeur pour la conservation de la biodiversité, mais également pour les entreprises
qui emploient les écosystèmes, afin de produire des biens et des services.
39
L’importance de la conservation des écosystèmes pour les
entreprises
Découverte de l’importance du capital naturel pour
l’activité économique
L’apprentissage de la « nature de la valeur » se poursuit à mesure que les études
élargissent le concept de capital pour engendrer le capital humain, le capital social, le capital
naturel.
En reconnaissant l’existence de ces autres formes de capital et en cherchant à les améliorer
ou les préserver, l’homme utilise plus durablement les ressources naturelles dont il a besoin.
Par ailleurs, la « valeur de la nature » reste encore à découvrir. Elle est une source de valeur
importante au quotidien mais il n’en demeure pas moins qu’elle n’apparaît guère sur les
marchés, échappe à la tarification et représente un défi pour ce qui est de l’évaluation. Cette
absence d’évaluation est une cause sous-jacente de la dégradation observée des
écosystèmes et de la perte en biodiversité.
Le système de pensée économique imaginé par Adam Smith est obsolète : au 18e siècle les
flux financiers internationaux se comptaient en millions et non en milliards. A son époque, la
terre était disponible en abondance, l’énergie ne constituait pas un facteur décisif pour la
production.
L’émergence du concept de croissance économique a contribué à améliorer le bien-être
d’une part importante de l’humanité, et devient le critère de progrès de prédilection.
Cependant, la croissance du PIB ne prend pas en compte de nombreux aspects essentiels de
la richesse et du bien-être comme les modifications du niveau de la qualité et de la quantité
de nos ressources naturelles. Notre boussole est défectueuse, elle affecte notre capacité à
bâtir une économie durable en harmonie avec la nature.
L’Etude de l’Economie de la Biodiversité, commandée par la Commission Européenne en mai
2007, et dont les premiers résultats ont été publiés en mai 2008, a pour tâche d’améliorer
notre capacité à évaluer la valeur du vivant, cela afin de façonner une nouvelle boussole
pour notre société, et permettre aux entreprises de prendre conscience de l’importance de
la contribution des écosystèmes et de leur conservation pour la bonne santé de leur activité
économique.
Pour Pavan Sukhdev, directeur de cette étude « nos économies ne reconnaissent pas
suffisamment le lien de dépendance de cette relation – il n’y a pas d’économie sans
environnement, mais il existe des environnements sans économie. »
40
L’évaluation économique des services rendus par les
écosystèmes
En 1997, l’économiste Robert Costanza et son équipe ont évalué à quelque 33 000
milliards de dollars par an (estimation minimale) la totalité des services rendus à l’humanité
par les écosystèmes de la planète. Cette estimation démontre que la valeur du capital
naturel est supérieure au PIB mondial annuel, de l’ordre de 18 000 milliards de dollars par
an. Divisés par six milliards d’individus, ces 33 000 milliards offrent environ 5 500 dollars par
personne et par an de services offerts par la nature. Cela n’est pas cher pour ces services
vitaux rendus par les écosystèmes, comme, par exemple, le traitement des déchets, la
pollinisation, ou la production de nourriture.
L’Etude de l’Economie de la Biodiversité a révélé, en mai 2008, quel serait la valeur des
services écologiques perdus si rien n’est entrepris pour enrayer leur dégradation : le coût de
l’inaction se monte entre 1 350 et 3 100 milliards d’euros par an, aujourd’hui et se monterait
à 7% du PIB mondial à l’horizon 2050, soit 13 938 milliards d’Euros par an.
Investir quelque 45 milliards de dollars par an dans le développement des zones protégées
sur terre et en mer permettrait d’assurer des bénéfices de l’ordre de 4 à 5 000 milliards de
dollars par an après quelques dizaines d’années. Et dépenser des milliards pour protéger la
diversité de la vie animale et végétale permettrait un retour sur investissement cent fois
supérieur sur le long terme. L’EEB a estimé la valeur totale des services écologiques à 25 000
milliards d’euros par an, soit environ la moitié du PIB mondial.
Dans une étude publiée à l'occasion de la Journée mondiale de l'Environnement célébrée
tous les 5 juin, ''Planète morte, planète vivante'', le Programme des Nations Unies pour
l'environnement (PNUE) estime entre 21 000 et 72 000 milliards de dollars la valeur annuelle
des services rendus à l'Homme par les écosystèmes dans le monde : apport en nourriture, en
eau potable ou en médicaments naturels, régulation, piégeage du carbone, services culturel.
Selon le rapport, ces chiffres peuvent être comparés au Revenu National Brut mondial qui,
en 2008, s'élevait à 58 000 de milliards de dollars.
L’estimation de la valeur de la biodiversité et des services qu’elle nous rend peut être
contestée (éthiquement et techniquement) mais il importe de considérer l’ampleur de la
somme, plutôt que la somme elle-même.
41
La biodiversité est source d’opportunités et de risques
pour l’entreprise
L’entreprise, par son emprise au sol et son activité économique a des impacts (positifs et
négatifs) sur les écosystèmes (les espèces, les habitats, les interactions) et sur les services
écologiques associés. En outre, pour la bonne production des biens et services qu’elle
propose, l’entreprise a besoin que les services écologiques soient en bonne santé : elle en
est dépendante.
- Les services d’approvisionnement fournissent à l’entreprise les ressources naturelles
nécessaires (bois, métaux, denrées alimentaires primaires, etc).
- Les services de régulation maintiennent la qualité des eaux (épuration), des sols
(lutte contre l’érosion et les inondations), de l’atmosphère (purification de l’air),
indispensables pour le bon fonctionnement de l’entreprise.
- Les services culturels peuvent servir à la recherche d’innovations (bio-mimétisme).
Si la dégradation des éléments constitutifs de l’écosystème, et des services écologiques qu’il
produit peut représenter pour l’entreprise un risque, alors les mesures prises pour prévenir
ou corriger cette dégradation peuvent représenter une opportunité économique.
Les risques et les opportunités sont de cinq différents ordres, pour l’entreprise :
1. Opérationnel :
- Si une ressource vient à manquer, son coût augmentera. Son absence modifiera
l’équilibre ténu de l’écosystème-source et provoquera des perturbations nuisibles
pour la poursuite sereine de l’activité de l’entreprise, et pour le bien-être d’autres
agents utilisateurs de l’écosystème ou de la ressource.
- Si l’usage d’une ressource est optimisé, les coûts de production diminueront et la
compétitivité de l’entreprise grandira. En outre, il sera moins nécessaire de
construire les infrastructures de recyclage, d’épuration, ou de compensation (suite à
l’absence de la ressource).
2. Réglementaire :
- La réglementation en faveur du maintien des écosystèmes et des services
écologiques peut se durcir : des risques liés à la mise en place de nouvelles amendes,
42
de nouveaux droits d’usage (paiements des services rendus par la nature), des
poursuites judiciaires peuvent émerger.
- Si la réglementation évolue en faveur de la conservation de la biodiversité, il est dans
l’intérêt de l’entreprise d’embrasser ce changement de paradigme pour bénéficier de
subventions, d’incitations financières, d’avantages fiscaux.
3. Image et réputation :
- Une entreprise qui ne prend pas en compte ses impacts sur la biodiversité et les
services écologiques peut faire l’objet de campagnes d’informations menées par les
associations, dénonçant les mauvaises pratiques : l’impact sur le comportement des
consommateurs est important.
- La mise en place d’une politique de gestion durable des services écologiques et de
conservation de la biodiversité peut être utile pour communiquer auprès des
consommateurs, et se différencier de ses concurrents.
4. Marchés et produits :
- Le comportement du consommateur tend à préférer un produit dont la conception
est respectueuse du maintien de la biodiversité, des écosystèmes et des services
écologiques. Ceux-ci font l’objet d’éco-labels qui les différencie des autres produits
non-durables.
- De nouveaux produits durables, de moindre impact pour la biodiversité et les
services écologiques, éco-labellisés, permettent à l’entreprise de se différencier, et
de se positionner sur un marché de niche.
5. Financement :
- Les banques et les compagnies d’assurance peuvent durcir leurs critères en matière
de crédit ou de contrat d’assurance aux entreprises.
- Les banques et les compagnies d’assurance peuvent proposer des produits financiers
avantageux pour les entreprises intégrant la conservation de la biodiversité et des
services écologiques dans leur stratégie de développement. Les agents privés
peuvent être plus enclins à investir dans l’entreprise.
43
Quels sont les services écologiques ?
Le 5 juin 2001 Kofi Annan lance le Millenium Ecosystem Assessment, premier
programme, à l'échelle mondiale, évaluant les interactions entre le fonctionnement des
écosystèmes et le bien-être social et économique, en quantifiant les biens et les services
produits par les écosystèmes qui ont un impact positif sur le bien-être humain. Il s'est
achevé en 2005.
Son objectif était, alors, de mettre en évidence l'importance de la conservation de la
biodiversité, d'un bon fonctionnement des écosystèmes pour le maintien de l'activité
économique et le bien-être des populations.
Le MEA a évalué l'état de 35 services, parmi les plus importants, qu'il a classé en 4
catégories. Il a démontré le rôle fondamental des écosystèmes dans la production de la
plupart des biens et des services fournis à la société.
- Les services d'approvisionnement : la production par les écosystèmes de biens
consommés par l'être humain (ex: terres fertiles pour l'activité agricole, fourniture
d'eau potable pour d'autres usages).
- Les services de régulation : processus qui canalisent certains phénomènes naturels,
qui ont un impact positif sur le bien-être humain (ex: protection contre les
catastrophes naturelles, atténuation des pollutions de l'eau et de l'air)
- Les services culturels : bénéfices immatériels que l'être humain tire de la nature en
termes de santé, de liberté, d'identité, de connaissance.
- Les services de support (ou d’auto entretien) : cycle nutritif et production primaire, sur
lesquels reposent la production de tous les autres services mais qui ne sont pas directement
accessibles aux usagers (photosynthèse, formation des sols).
44
Quel est l’état des lieux des services écologiques
Au cours de ces 50 dernières années, l'homme a modifié l'équilibre de ces
écosystèmes de manière plus rapide et plus extensive que sur aucune autre période
comparable de l'histoire de l'humanité. La source de ces déséquilibres est la nécessité de
satisfaire une demande croissante en nourriture, en bois, en construction, en énergie.
Les gains nets sont substantiels sur le niveau de bien-être de l'homme et sur l'économie.
Cependant toutes les régions du monde et toutes les communautés humaines n'ont pas tiré
profit de ce processus : beaucoup ont subi des préjudices.
60% des services écologiques étudiés (soit 15 sur 24) sont en cours de dégradation ou en
cours d'exploitation de manière non rationnelle.
Beaucoup de services écologiques ont subi des dégradations par suite des mesures prises en
vue d'accroître la provision d'autres services tels que la nourriture. Les coûts de dégradation
d'un groupe d'individus va vers un autre ou est transféré aux générations futures.
Par exemple, selon une étude de l’INRA et du CNRS, la pollinisation est un service rendu par
la nature qui est estimé par cette même étude à 153 milliards d'euros, soit 9,5 % de la valeur
de la production agricole mondiale. Il faut savoir que depuis quelques années, la population
d'abeilles est en très forte diminution, avec une disparition très importante dans certaines
zones. Ce phénomène appelé « Syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles » ou CCD
(Colony Collapse Disorder) reste un casse-tête pour la communauté scientifique :
subitement, les ruches se vident de leurs abeilles sans que l’on ne retrouve aucun cadavre à
proximité. Ce syndrome est très préoccupant en raison de l'importance écologique de
l'abeille en tant qu’insecte pollinisateur. En France, depuis 1995, près de 30 % des colonies
45
d’abeilles disparaissent chaque année. En 10 ans, 15000 apiculteurs ont cessé leur activité.
Un tiers de l'alimentation mondiale dépend de la pollinisation par les insectes. 80% des
plantes sont pollinisées par les abeilles. Quelle est la cause de la surmortalité des abeilles
sauvages et domestiques qui, partout dans le monde, menace la biodiversité et la sécurité
alimentaire de l'humanité ? Pour répondre à cette question, les autorités anglaises et
écossaises viennent de lancer un programme d'une envergure sans précédent. Rassemblés
sous l'intitulé "Initiative pour les insectes pollinisateurs", neuf projets de recherche, qui
bénéficieront d'un financement de 12 millions d'euros sur trois ans, tenteront d'apporter des
réponses. On voit déjà les conséquences du manque de pollinisateurs en Angleterre : les
producteurs de pommes doivent ainsi importer des abeilles.
46
47
II La pression publique demande aux entreprises de s’investir sur
cette question
A) Un effort institutionnel insuffisant
Les instances politiques se mobilisent depuis une vingtaine d’années pour étudier le
phénomène de l’érosion de la biodiversité et convaincre l’ensemble de la communauté
internationale de l’urgence d’agir à l’échelle locale, mais de manière synergétique.
La communauté internationale s’est dotée d’une Convention pour la Diversité Biologique,
qui est complétée par la Convention Internationale pour le commerce des espèces en danger
(CITES).
L’Union Européenne a voté, en 1979, la directive « Oiseaux » et en 1992, la directive
« Habitats » qui permettent de protéger nombre d’espèces et d’habitats remarquables.
La France s’est dotée d’une Stratégie Nationale pour la Biodiversité en 2004.
Quels ont été les efforts mis en œuvre.
La Convention pour la Diversité Biologique et la Convention
CITES
Pour parler de cette convention, on emploie bien souvent le terme de « convention-
chapeau», parce qu'elle comble une série de vides juridiques fondamentaux dans la
protection des espèces de faune et de flore.
Adoptée à Nairobi en mai 1992, ouverte à la signature au cours de la conférence de Rio et
entrée en vigueur le 29 décembre 1993, cette Convention est désormais quasiment
universelle (191 Etats signataires) car, à l'exception de rares pays, dont celle notable des
États-Unis, elle jouit aujourd'hui de l'adhésion de presque tous les États de la planète.
La Convention assure de la souveraineté des États concernant la gestion des ressources
biologiques (Alinéa 4 du préambule et art.3).
La Convention pose d'adopter des stratégies, des plans et des programmes de conservation
et de les distinguer clairement dans leur politique de développement (Art.6).
Elle demande la création de mesures permettant une utilisation responsable de leur
biodiversité (Art.10).
La Convention établit les modalités de la gestion dans la conservation des espèces (Art. 8 &
9), une coopération scientifique avancée (Art.18) et un accès aux ressources génétiques
(Art.15), l'éducation et la sensibilisation du public (Art.13).
La convention enfin, dans l'article 8, encourage une protection large pour le maintien des
populations viables d'espèces dans leur milieu naturel et ainsi prévoit la mise en place d'un
système d'aires protégées.
48
En 2002, pour la 10è Conférence des parties de la Convention pour la Diversité Biologique, à
Johannesburg, les Etats signataires se sont engagés à ''ralentir significativement'' d'ici 2010
l'érosion de la biodiversité.
La Convention de Washington (CITES) a été signée en 1973 et est entrée en vigueur le 17
septembre 1978. 172 États l'ont ratifié.
L'objectif de cette Convention est d'interdire, sinon de réglementer strictement les
exportations et les importations des espèces de faune et flore sauvages menacées
d'extinction.
A ce titre, la Convention prévoit la création de deux catégories d'institutions nationales :
d'une part des organes de gestion chargés de délivrer les autorisations requises, d'autre part
des autorités scientifiques, dont la mission est de conseiller les organes de gestion (Art. 9).
Les États, partis de la Convention, doivent également créer des centres de sauvegarde pour
recevoir les spécimens vivants confisqués suite à un commerce illicite (Art 8).
Aujourd'hui, selon le WWF, le commerce international de 800 espèces d'animaux et de
plantes est interdit, et plus de 20 000 autres espèces sont contrôlées conformément à la
législation européenne appliquant la convention de la CITES.
La Directive Habitats, la Directive Oiseaux
En Europe, la protection de la nature est régie par deux actes législatifs, la directive
«Oiseaux» et la directive «Habitats».
La dégradation continue des habitats naturels et les menaces pesant sur certaines espèces
forment une préoccupation primordiale de la politique environnementale de l’Union
européenne (UE).
La directive «Habitats» vise à contribuer au maintien de la biodiversité dans les États
membres en définissant un cadre commun pour la conservation des habitats, des plantes et
des animaux d'intérêt communautaire.
216 types d’habitats et 1 180 espèces végétales et animales sont reconnus comme étant
d’intérêt communautaire par la Directive Habitats.
En vertu de la directive « Oiseaux », les Etats membres doivent classer en zones de
protection spéciale (ZPS) les sites d’habitats et les aires de reproduction d’espèces rares ou
menacées ainsi que les milieux terrestres ou marins utilisés de façon régulière par les
espèces migratrices.
La directive «Habitats» met en place le réseau Natura 2000. Ce réseau est le plus grand
réseau écologique du monde. Il est constitué de zones spéciales de conservation et de zones
de protection spéciale instaurées en vertu de la directive «Oiseaux» 2009/147/CE.
Tous les six ans, les États membres font rapport des dispositions prises en application de la
directive. La Commission élabore une synthèse sur la base de ces rapports. Le réseau Natura
2000 représente aujourd’hui 17.6% du territoire terrestre de l’UE.
49
Directive Responsabilité Environnementale
Première législation communautaire, votée en 2004, comptant parmi ses objectifs
principaux l'application du principe du « pollueur-payeur », cette directive établit un cadre
commun de responsabilité en vue de prévenir et de réparer les dommages causés aux
animaux, aux plantes, aux habitats naturels et aux ressources en eau, ainsi que les
dommages affectant les sols.
Le régime de responsabilité s'applique, d'une part, à certaines activités professionnelles
explicitement énumérées et, d'autre part, aux autres activités professionnelles lorsque
l'exploitant a commis une faute ou une négligence.
Par ailleurs, il appartient aux autorités publiques de veiller à ce que les exploitants
responsables prennent eux-mêmes ou financent les mesures nécessaires de prévention ou
de réparation.
La Stratégie Nationale pour la Biodiversité et le Grenelle de
l’Environnement
La Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) a été adoptée par la France, en 2004,
afin de répondre à ses engagements internationaux et communautaires et en particulier à
celui d’arrêter, d’ici à fin 2010, l’érosion de la biodiversité.
Elle a ainsi pour objectifs cadres le maintien d’espaces naturels diversifiés, de leur
connectivité fonctionnelle et de leur bon fonctionnement, ainsi que la conservation des
espèces sauvages et des ressources génétiques. Elle vise particulièrement à améliorer la
connaissance opérationnelle sur la biodiversité, à faire reconnaître la valeur du vivant, à
mobiliser tous les acteurs et à intégrer la biodiversité dans l’ensemble des politiques
publiques et des secteurs d’activité.
La mise en œuvre pratique de la stratégie est réalisée grâce à des plans d’actions sectoriels.
Elaborés de façon concertée, les plans d’actions constituent un programme de travail pour
les années à venir. Tous les secteurs abordés dans la stratégie doivent, à terme, faire l’objet
d’un plan d’actions spécifique, avec des exigences de résultats.
Chaque plan est piloté par le ministère technique concerné, qui met en place un comité de
pilotage où siègent, entre autres, des acteurs économiques et des associations de protection
de la nature.
Les plans sectoriels font l’objet d’un suivi et de rapports annuels, compilés tous les deux ans
dans un rapport national sur la biodiversité. Ils relèvent d’une démarche partenariale qui
mobilise les acteurs économiques, la société civile et les associations, les collectivités
territoriales et le monde de la recherche.
A ce jour, dix plans d’actions sont en cours de mise en œuvre : agriculture, coopération
internationale, infrastructures de transports terrestres, mer, patrimoine naturel, urbanisme,
forêt, recherche, tourisme, Outre-Mer.
50
Le gouvernement a également soutenu la mise en place d’une Agence Nationale des Aires
Marines Protégées, la création du premier Parc Naturel sur l’île de la Réunion, et du Parc
Naturel Amazonien de la Guyane, en 2007.
En outre, le Grenelle de l’Environnement a soutenu la Stratégie Nationale pour la
Biodiversité en permettant la création des trames vertes et bleues : celles-ci sont deux outils
développés par le groupe de travail n°2 « Préserver la biodiversité et les ressources
naturelles », constitué dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
Ce groupe avait pour objectif de répondre aux ambitions françaises décrites dans la stratégie
nationale pour la biodiversité de 2005. Il s’agit de nouveaux outils d'aménagement du
territoire qui définissent de grands ensembles naturels à préserver et des corridors les
reliant entre eux, cela afin d'assurer une continuité territoriale qui permettrait la circulation
des espèces, leur reproduction.
La trame verte s'applique pour les espaces terrestres. La trame bleue pour les espaces
aquatiques. Des Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique détermineront lesquels des
territoires, de chacune des régions, seront concernés. Le texte a été approuvé par la
Commission Mixte Paritaire, à l’issue de nombreuses négociations.
Au plan international, la France appuie, via son aide bilatérale (Agence Française de
Développement, Fonds Français pour l’Environnement Mondial) et multilatérale (Fonds pour
l’Environnement Mondial, Banque Mondiale), les projets impliquant une utilisation durable
des ressources naturelles, renforçant l’existence du lien entre protection de l’environnement
et lutte contre la pauvreté et impliquant les populations autochtones et locales.
En pratique, il s’agit de développer les aires protégées, avec des niveaux adaptés, variables
de restriction des activités humaines, de façon à préserver des habitats et des corridors de
taille et de diversité suffisante pour permettre la survie d’espèces et de façon générale
d’adapter toutes les activités humaines (infrastructures, agricultures) de façon à assurer la
survie des espèces, y compris dans un environnement exploité par l’homme.
Enfin, elle travaille en partenariat avec les grandes ONG environnementales. Ses partenaires
privilégiés sont le World Wide Fund for Nature (WWF), le Conservation International (CI), et
l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) avec laquelle elle a signé en
2005 un accord-cadre de partenariat qui a été renouvelé en septembre 2009 pour quatre
années supplémentaires.
51
Un échec relatif des efforts institutionnels
Malgré cette mobilisation, les multiples menaces pesant sur
la biodiversité persistent.
A l’échelle globale
Selon le rapport de l’UICN « Liste Rouge », l'objectif d'enrayer la perte de
biodiversité en 2010 ne sera pas atteint par la communauté internationale.
Elle dresse un état des lieux préoccupant des conditions de survie des espèces animales et
végétales de notre planète : sur les 47 677 espèces répertoriées, 17 291 sont menacées, soit
36 %.
La dégradation des milieux naturels, la surexploitation, l’introduction d’espèces invasives, les
pollutions et le changement climatique constituent les facteurs responsables de ce fléau.
« Ces résultats ne représentent que le sommet de l’iceberg. Nous n’avons évalué pour
l’instant que 47 663 espèces, alors qu’il en existe encore des millions qui sont peut-être
sérieusement menacées », avoue Craig Hilton-Taylor, directeur du Bureau de l’UICN pour la
Liste Rouge.
La troisième édition du rapport « Perspectives Mondiales pour la Biodiversité (GBO-3) »,
éditée par la Convention sur la Diversité Biologique, confirme que le monde n’a pas réussi à
atteindre ses objectifs visant à réduire de manière significative la vitesse de disparition de la
biodiversité d’ici 2010.
Le GBO-3 prévient qu’une disparition massive de la biodiversité est de plus en plus probable
(avec un taux d’extinction avéré 1 000 fois supérieur à la normale) et qu’avec elle, sera
enregistrée une réduction importante de services essentiels rendus par la nature aux
sociétés humaines.
Les points de basculement analysés comprennent le dépérissement de vastes zones de forêt
amazonienne: la déforestation et les incendies, auront des conséquences sur le climat
mondial et sur l’extinction des espèces ; la modification de nombreux lacs d'eau douce vers
l'eutrophisation et la domination des algues pourrait conduire à la disparition des poissons,
et à l’effondrement de la pêche ; ainsi que l'effondrement de plusieurs écosystèmes de récifs
coralliens, à cause de l’acidification des océans et du réchauffement de l’eau, de la surpêche
et de la pollution, qui menace la survie de très nombreuses espèces, et l’homme.
Aucun des 21 objectifs secondaires, qui accompagnent l'Objectif biodiversité de 2010, ne
peut être confirmé comme ayant été atteint de façon définitive au niveau mondial.
En outre, 10 des 15 indicateurs principaux développés par la Convention sur la diversité
biologique montrent des tendances défavorables pour la biodiversité.
Néanmoins le document met en avant de rares progrès comme l'augmentation des zones
protégées à la fois sur terre et dans les eaux côtières.
La Conférence des parties de la Convention sur le commerce international des espèces
de faune et de flore menacées d'extinction (Cites) aura fait parler d'elle. Ce coup de
52
projecteur tient, pour beaucoup, à la focalisation sur le thon rouge, espèce convoitée et sur-
pêchée dont le sort a fait l'objet d'une intense bataille diplomatique.
Les scientifiques s’accordent aujourd’hui à dire que le thon rouge a été trop longtemps
surexploité : de 1957 à 2007, les stocks ont baissé de 75%, et de plus de 60% au cours des dix
dernières années. Son commerce pouvait être suspendu à l'occasion de cette réunion, qui
s’est tenue à Doha (Qatar) du samedi 13 au jeudi 25 mars.
L'année internationale de la biodiversité, décrétée par les Nations unies en 2010, renforce
encore l'intérêt pour la conférence.
La France s’est prononcée, après avoir fait longtemps plané le doute, sur le classement du
Thon Rouge en Annexe I de la Convention sur le Commerce International des Espèces de
Faune et de Flore Sauvages menacées d’extinction à Doha du 13 au 25 mars qui doit
débattre de l’avenir de l’espèce et de sa pêche.
La France opte pour une interdiction du commerce international du thon rouge d’ici 18 mois,
sans pour autant interdire toute pêche.
L’espoir grandit quand le 11 mars, après les Etats-Unis, l’Union Européenne prend position
en faveur de l’interdiction du commerce international de cette espèce en danger.
La décision a été prise de ne pas inscrire le thon rouge sur l’Annexe I.
En outre, après le thon rouge et le refus également d’inscrire les ours polaires, les Etats-
Partis de la CITES ont modifié une décision antérieure du comité en faveur de la surveillance
et de la régulation du commerce du requin-taupe.
A l’échelle régionale
Selon un rapport remis à la Commission Européenne, sur l’état de conservation des
habitats et des espèces protégées par la Directive Habitats, publié le 13 juillet 2009, seuls
17% de ces habitats et espèces vulnérables présentent un bon état de conservation.
En outre, un second rapport, remis le 1er octobre 2009, à la Commission des Pétitions du
Parlement Européen, s’intéresse à l’application de la directive Habitats et du réseau Natura
2000 par huit états membres : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Pologne, Roumanie,
Royaume-Uni et Suède. Celle-ci, quatorze années après sa création, n’a pas encore été
pleinement réalisée. En raison des retards pris dans l’adoption de mesures de protection,
l’érosion de la biodiversité dans l’UE a empiré de manière dramatique. Le rapport révèle un
manque d'information de certains états membres puisque sur l'ensemble des évaluations,
quelques 13 % concernant les habitats régionaux et 27 % concernant les espèces régionales
ont abouti à un état de conservation «inconnu». Cette qualification a été fréquemment
utilisée par des pays d'Europe du sud, notamment à Chypre, en Grèce, en Espagne et au
Portugal, où l'état de conservation de plus de 50 % des espèces déclarées sur leur territoire a
été classé «inconnu», précise l'exécutif.
53
A l’échelle locale
La France a été condamnée, jeudi 4 mars, par la Cour de justice de l'Union
européenne (CJUE) au motif que trop d'activités projetées sur les sites Natura 2000, étaient
exemptées d'évaluation d'incidence, l'une des clés de voûte de la directive.
Ce n'est qu'après s'être assuré qu'un projet ne portera pas atteinte au site que les autorités
peuvent l'autoriser.
La secrétaire d'Etat à l'écologie, Chantal Jouanno avait rappelé qu'un décret était en
préparation, en application de la loi sur la responsabilité environnementale (LRE) d'août
2008, pour répondre aux critiques de la CJUE et calmer l'ire de la Commission européenne. Il
vient donc d'être publié dimanche 11 avril au Journal officiel.
Le décret consiste en une liste nationale des 28 projets déjà soumis à approbation,
déclaration ou enregistrement, devant aussi désormais faire l'objet d'une évaluation des
incidences. On y trouve notamment les projets de création ou d'extension d'unités
touristiques nouvelles, l'exploitation de cultures marines, la lutte contre les moustiques,
l'exploitation de carrières, les déchèteries aménagées pour la collecte des encombrants.
Mais les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à
déclaration, construites sur les sites Natura 2000, ne sont pas soumises à évaluation
d'incidence.
La CJUE avait pourtant pointé du doigt cette exemption dans son arrêt du 4 mars, qui n'est
donc pas réglée dans le décret. Maxime Paquin, chargé de mission Milieux naturels à France
nature environnement, l'explique par le ''lobbying des exploitants d'ICPE'' et le fait que ''les
ICPE sont trop nombreuses pour que toutes les évaluations d'incidence puissent être
contrôlées par l'Etat''. Les préfets pourraient tout de même les faire figurer dans des listes
locales. Ce dont doute Maxime Paquin : ''plus on va aller au local, plus les préfets auront de
pression''.
De manière générale, il regrette que les plans de prévention du risque inondation (PPRI),
susceptibles de générer des travaux, les programmes de lutte chimique contre le campagnol,
les plans régionaux pour la protection des forêts ou encore les plans départementaux pour
les sports de nature ne fassent pas l'objet d'une évaluation systématique de leurs incidences
quand ils sont réalisées sur des sites classés Natura 2000.
Autres motifs d'insatisfaction : le fait que le contenu du dossier d'évaluation soit un peu
''léger'', et que la réalisation du projet soit tacitement approuvée si l'administration n'a pas
répondu en deux mois.
Une autre liste de projets devant être soumis à évaluation, propres au régime Natura 2000
(éclairage de monuments, culture de dunes par exemple) doit être publiée dans un autre
décret.
Au total, deux listes nationales et leurs déclinaisons locales encadreront les évaluations
d'incidence. « Au regard du dispositif en entier, rien ne dit que la Commission européenne
estimera que la France respecte enfin la directive Habitats », conclut Maxime Paquin.
54
Les raisons d’espérer
La Conférence de Nagoya est préparée activement :
L’objectif lancé par la Convention sur la diversité biologique (1992) d’inverser les
tendances actuelles de sa perte à l’horizon 2010 n’a pas été atteint.
Il devrait être renouvelé par un objectif « 2x20 » (réduire de 20% la dégradation des
écosystèmes d’ici à 2020).
La COP 10 aura surtout la lourde charge d’impliquer les politiques dans le maintien en bon
état des écosystèmes en les convainquant du caractère primordial de cet enjeu encore
incompris. ''La biodiversité en général n’est pas une priorité des gouvernements'', se désole
Ashok Khosla, président de l’IUCN. ''A qui profitent les écosystèmes ? Combien valent-ils ? Il y
a encore du travail pour convaincre les politiques''.
- La 6e conférence de Trondheim
Une conférence se déroule chaque année à Trondheim (Norvège), depuis 1993. Elle
rassemble les hommes politiques, les gestionnaires et les scientifiques pour discuter de
questions clés dans le cadre de la CDB, cherchant à établir la base scientifique la meilleure
possible pour l’application de la Convention.
La 6e édition, qui a eu lieu du 1er au 5 février 2010, est une contribution de valeur à l’Année
Internationale de la Biodiversité qui est célébrée tout au long de l’année 2010.
Des représentants de haut niveau de l’Union Internationale pour la Conservation de la
Nature (UICN), aideront cette année les pays qui doivent fixer de nouveaux objectifs de
protection de la nature lors de la prochaine Conférence de la Convention sur la diversité
biologique se tiendra du 18 au 29 octobre 2010 à Nagoya (Japon).
Le principal objectif de la conférence est de tirer les leçons de l’échec international (parvenir
à diminuer le rythme de l’érosion de la biodiversité pour 2010). Elle veut fournir à la CDB une
base de travail pour élaborer les objectifs post-2010 en matière de biodiversité. Il s’agit
d’une opportunité importante pour garantir que les nouveaux objectifs fixés pour conserver
la biodiversité après 2010 soient conçus pour :
Faire cesser la diminution de la biodiversité.
Rétablir les populations, les habitats et les cycles écologiques qui soutiennent les
systèmes de vie de la planète
Les gouvernements ont pris « des mesures positives » afin d’élaborer un plan visant à réduire
la disparition actuelle de la biodiversité, qui menace l’avenir de notre planète, d'après un
communiqué de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).
55
« D’ici 2020, nous devons avoir réduit les pressions actuelles qui pèsent sur la biodiversité si
la planète veut pouvoir soutenir le genre humain à l’avenir » a déclaré Jane Smart, Directrice
du Groupe pour la Conservation de la Biodiversité pour l’UICN.
- La Conférence de Libreville, septembre 2010
Au Gabon, les 2 et 3 juin 2010, une conférence internationale a eu lieu « Valoriser la
biodiversité en Afrique : un enjeu et une richesse pour tous » où se sont réunis chefs d’Etat et
de gouvernement, ministres, experts scientifiques, acteurs du secteur privé, représentants
d’organisations internationales et membres de la société civile pour adopter une stratégie
de préservation de la biodiversité à l’échelle du continent, et pour préparer la COP10.
Les pays africains se réuniront à nouveau, en septembre, pour définir la position commune à
défendre lors de la COP10. Le Gabon est l'un des pays du bassin du fleuve Congo, deuxième
poumon écologique du monde par ses forêts après l'Amazonie. Il a été un des Etats d'Afrique
les plus actifs lors de la Conférence de l'ONU sur le réchauffement climatique à Copenhague
en décembre 2009.
- Les préparatifs de l’Union Européenne
La Commission Européenne prépare une série de conférences pour mettre en place
la stratégie européenne post-2010.
La première conférence européenne s’est déroulée à Madrid les 26 et 27 Janvier 2010 pour
amorcer les discussions entre les institutions européennes et les États membres.
L’objectif était de parvenir à un accord qui définira la nouvelle stratégie de l’Union
européenne et de susciter un débat entre les États membres en vue d'élaborer, avant la fin
de l'année, un cadre stratégique de l’UE en matière de biodiversité pour l’après-2010.
La stratégie européenne post-2010 est une politique sur le long terme en matière de
biodiversité avec pour objectif 2050, et quatre possibilités d’objectifs intermédiaires pour
2020, d’un niveau d’ambition croissant :
1. Ralentir significativement le rythme de perte de biodiversité et de services
écosystémiques dans l’UE d’ici à 2020. Elle permettrait d'allouer plus de temps pour
la réalisation des objectifs prévus pour 2010 et non atteints à ce jour.
2. Enrayer la perte de biodiversité et de services écosystémiques dans l’UE d’ici à 2020.
Objectif correspondant à celui fixé en 2001 par l'UE pour l'année 2010.
3. Enrayer la perte de biodiversité et de services écosystémiques dans l’UE d’ici à 2020
et assurer leur rétablissement dans la mesure du possible. Elle pourrait s'appuyer sur
les premiers travaux de recensement réalisés notamment dans le cadre de la
directive Habitats.
56
4. Enrayer la perte de biodiversité et de services écosystémiques dans l’UE d’ici à 2020
et assurer leur rétablissement dans la mesure du possible, et renforcer la contribution
de l’UE à la prévention de la perte de biodiversité. Puisque la majeure partie de la
biodiversité mondiale se trouve en dehors de l'Europe.
Le Conseil des ministres de l'Environnement de l'Union européenne a approuvé, le 15 mars,
à Bruxelles ''à l'unanimité'' l'élaboration d'une stratégie ''biodiversité post-2010''.
194 amendements avaient été déposés, preuve de l’intérêt et de l’importance d’avoir des
objectifs ambitieux au lendemain du constat d’échec de la précédente stratégie de lutte
contre la perte de la biodiversité 2010.
« Les conclusions du Conseil en matière de biodiversité pour l'après 2010 ont été signées à
l'unanimité et vont nous permettre de travailler au sein de l'UE avec une vision à long terme,
jusqu'en 2050, tout en nous fixant des objectifs intermédiaires pour 2020 », a confirmé la
ministre espagnole de l'Environnement, Elena Espinosa dans un communiqué de la
Présidence espagnole de l'UE.
A l'issue du Conseil, les ministres de l'environnement ont demandé à la Commission, de
présenter cette année une stratégie de l'Union européenne pour l'après-2010 en matière de
biodiversité, après la Conférence des signataires de la Convention sur la diversité biologique
qui se tiendra en octobre au Japon.
- La création de l’IPBES
L’idée a été lancée, en 2005, par le président français Jacques Chirac, lors d’une
conférence à Paris. Son objectif est avant tout de favoriser une meilleure prise de conscience
des citoyens et des politiques quant aux conséquences de l’érosion de la biodiversité, en
s’appuyant sur le modèle du GIEC, qui a prouvé son efficacité pour faire connaître les
impacts du changement climatique : ce serait, par ailleurs, l’une des raisons pour lesquelles
la perte de biodiversité peine à susciter une mobilisation similaire à celle qui entoure le
changement climatique.
Puis l’idée du « GIEC de la biodiversité » avait été approuvée en mai 2008, en Malaisie, lors
d’une réunion des Nations-Unies, mais de nombreux blocages sont apparus alors : certains
pays du sud craignaient une ingérence des pays du nord dans la gestion de leur patrimoine
naturel.
Mais la majorité des Etats refusent alors d’ouvrir les négociations. «C’est le Brésil qui a
donné le ton, en se montrant réservé sur le principe même de la création de cette instance».
Un changement s’opère, lors d’une nouvelle réunion du PNUE, à Nairobi, du 5 au 9 octobre
2008. Une position en faveur de la création de l’IPBES ainsi qu’une définition claire de son
mandat se sont enfin dégagées. Sa création rapide fait consensus : sur les missions de la
plateforme qui devra réaliser des évaluations périodiques de l’état de la biodiversité, mais
aussi servir de réseau d’échange de connaissances entre pays du Nord et du Sud.
57
Une enquête conduite par l’UICN auprès de plus de 300 acteurs internationaux de la société
civile et de la communauté scientifique montrent qu’ils plébiscitent à 80% la création du
GIEC de la biodiversité. La question de la gouvernance et notamment de la place donnée à la
société civile et à la communauté scientifique sera centrale.
«Une tendance lourde, notamment portée par les pays du Sud, penche en faveur d’une
structure dans laquelle les ONG et les scientifiques auraient uniquement un rôle
d’observateurs, mais cela n’interdit pas aux Etats de désigner des représentants au sein de
groupes exécutifs» souligne Lucien Chabason, directeur de l’Institut du développement
durable et des relations internationales.
«La condition du succès est de garantir aux pays du Sud une participation active, car certains
craignent que l’IPBES soit utilisé comme une arme contre leur accès vital aux ressources»,
analyse Anne-Sophie Cerisola du ministère des affaires étrangères.
À l'occasion d'une conférence organisée sous l'égide de l'ONU du 7 au 11 juin à Busan, en
République de Corée, près de 90 délégués gouvernementaux ont donné leur feu vert à la
création d'une Plate-forme scientifique intergouvernementale sur la biodiversité et les
services écosystémiques (IPBES).
Selon le PNUE, une telle plate-forme pourrait également aider à interconnecter toutes les
données, synthétiser toutes les connaissances et servir de mécanisme d'alerte rapide.
« Certains experts sont convaincus que de nombreuses découvertes scientifiques, de
l'identification de nouvelles formes de vie inférieures à la disparition rapide des autres,
restent souvent dans les couloirs des instituts de recherche et des universités pendant de
nombreuses années avant d'atteindre le reste du monde ».
Avant d'entrer en vigueur en février 2011, l'IPBES devra être définitivement adopté en
septembre prochain à New York lors de l'assemblée générale des Nations Unies.
La France a proposé d'accueillir le secrétariat de l'IPBES à Paris.
Le Brésil et la Chine se sont ainsi montrés particulièrement offensifs dans la défense de ce
qu'ils considèrent comme relevant de la souveraineté nationale : l'IPBES ne pourra ainsi faire
aucune recommandation de politique publique.
De même, la feuille de route des scientifiques devra être approuvée par consensus, c'est-à-
dire à l'unanimité des Etats membres. Ce verrou permettra d'écarter quelques sujets
embarrassants comme celui, par exemple, de l'extension des cultures de biocarburants au
détriment de la protection des forêts primaires.
La possibilité de laisser les ONG saisir directement l'IPBES a également été écartée. Les ONG,
qui contribuent pourtant beaucoup à la production des connaissances dans le domaine de la
biodiversité, resteront de « simples observateurs ». « Les gouvernements redoutent le savoir
des scientifiques, nous l'avons clairement senti », témoigne Anne Larigauderie, présidente de
Diversitas, un programme regroupant plusieurs milliers de scientifiques.
La question de l'utilisation des études produites par ces ONG a d'ailleurs fait l'objet de vives
discussions. C'est en effet sur le crédit accordé à cette « littérature grise » que se sont
fondées certaines attaques contre le GIEC ces derniers mois.
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Il a été décidé que les évaluations de l'IPBES ne pourraient s'appuyer que sur des études
« crédibles scientifiquement, indépendantes et revues par des pairs ». Pour accepter de
monter dans le train de la nouvelle organisation, les pays en développement avaient aussi
exigé que les pays industrialisés financent le renforcement de leurs capacités scientifiques,
ceci afin qu'IPBES ne soit pas dominée par les chercheurs du Nord. Ils ont obtenu gain de
cause : un fond alimenté par des contributions volontaires sera créé.
- Mise en place de nouveaux outils
Lundi 1er juin, la Commission européenne et l’Agence européenne pour
l’environnement ont présenté deux nouveaux instruments visant à lutter « plus
efficacement» contre la perte de biodiversité. Il s'agit d’une nouvelle plateforme consacrée à
l’information sur la biodiversité et d’un niveau de référence pour mesurer les progrès
accomplis.
BISE, le système d'information européen sur la biodiversité, est un nouveau portail web qui
centralisera toute l'information concernant la biodiversité européenne. Cet outil a été conçu
pour faciliter l'accès aux informations existantes sur la nature et la biodiversité et présente
les données d'une manière beaucoup plus complète que par le passé.
Le premier, Bise (Biodiversity Information System for Europe), est un portail d'informations
sur la nature et la biodiversité. Outre des informations sur la politique et la réglementation
de l'UE dans le domaine de la conservation de la nature, le site contient une multitude de
données sur l'état de l'environnement et des écosystèmes de l'Union européenne, sur les
menaces auxquelles ils sont exposés, sur la recherche en matière de biodiversité menée à
l'échelle de l'UE, ainsi que des renseignements sur l'état de la biodiversité par Etat membre,
en vue d'encourager une coopération accrue.
L'Agence européenne pour l'environnement et la Commission européenne ont également
défini un « niveau de référence en matière de biodiversité » à l'intention des responsables
politiques, fournissant un tableau complet de la situation actuelle en matière de
biodiversité.
Les données relatives aux espèces et aux habitats seront classées par grands types
d'écosystèmes (zones côtières, zones humides, prairies, forêts, etc.) et seront actualisées
chaque année pour pouvoir dresser un inventaire précis des progrès accomplis.
Un niveau de référence qui donne aux responsables politiques un point de comparaison
permet de mesurer l'état de la biodiversité à l'intérieur de l'UE.
Il permet, également, d'établir des connexions entre le nombre d'espèces, l'état de leurs
habitats et les services écosystémiques sur la base de faits et de chiffres scientifiquement
prouvés et validés et/ou contre-expertisés par les Etats membres.
Les données relatives aux espèces et aux habitats seront classées par grands types
d'écosystèmes (zones côtières, zones humides, prairies, forêts, etc.) et actualisées chaque
année, le cas échéant, pour pouvoir dresser un inventaire précis des progrès accomplis.
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Qui plus est, le niveau de référence fournira aussi des informations sur les services
écosystémiques. Cet instrument sera pleinement opérationnel avant la fin 2010, dans la
perspective des objectifs fixés par la future politique de l'UE sur la biodiversité.
A six mois du Sommet de Nagoya, la Commission européenne a rendu publique une étude
qui ouvre un nouveau débat sur les outils pertinents de lutte contre la perte de la
biodiversité en Europe : « The Use of market-based instrument for biodiversity protection –
The case of habitat banking».
Les inventaires :
Les inventaires sont aujourd’hui redynamisés par la mise en œuvre de techniques
moléculaires, la géolocalisation, ou encore l’imagerie et l’acoustique numériques.
Ainsi, ils redeviennent « modernes », en s’appuyant à la fois sur l’expertise des
systématiciens, sur le savoir-faire des naturalistes de terrain, et sur les outils de référence
que sont les collections et les bibliothèques.
Les Muséums d’Histoire naturelle du monde entier sont donc en première ligne de cette
nouvelle génération d’inventaires.
De nombreux projets sont mis en place pour modéliser, cartographier la biodiversité et
services écologiques afin de mieux les comprendre, de dégager des règles de
fonctionnements biologiques.
La typologie Corine Biotope, mise en place par l’Union Européenne permet de recenser avec
la même typologie les écosystèmes étudiés.
Des projets comme Spatiodiversity, financé par le Conseil Européen de la Recherche, vont
tenter de modéliser les dynamiques complexes d’écosystèmes particuliers.
La création de chaires d’entreprises, comme celle lancée par Veolia, le MNHN et l’école
Polytechnique, permettent de mobiliser des fonds et d’étudier une thématique spécifique.
La France renoue avec les grandes expéditions scientifiques pour recenser de nouvelles
espèces animales et végétales. Plusieurs programmes importants ont démarré, il y a
quelques mois :
- « La Planète revisitée », soutenu par le Muséum national d'histoire naturelle, parti à
la découverte des forêts côtières du Mozambique et des fonds sous-marins du Grand
Sud de Madagascar, des dizaines de scientifiques travaillent à un vaste inventaire de
la biodiversité de notre planète.
- Le voyage autour du globe de la goélette « La Boudeuse » qui, faute d'argent, a pris
fin prématurément. Le voilier français a même été mis en vente pour couvrir les
dépenses déjà engagées.
- Le projet Makay Nature a, également, été entrepris : L'association Naturevolution
lance, avec le soutien des fondations Petzl et EOG ainsi que d'Air Madagascar, le
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projet Makay Nature pour la préservation de cette région extraordinaire. Ce projet
vient de débuter ces jours-ci par une ambitieuse expédition naturaliste internationale
menée par Evrard Wendenbaum, explorateur, photographe et cinéaste.
Cette mission, la première jamais menée dans ce labyrinthe naturel, regroupera une
vingtaine de personnes dont une douzaine de chercheurs français et malgaches de
plusieurs institutions et universités, entre le 4 et le 22 janvier 2010.
Selon certaines estimations, environ la moitié des espèces végétales et 75% des
animaux vertébrés sont concentrés dans des hauts-lieux de la biodiversité qui ne
représentent que 2,3% de la superficie de terre ferme de la planète.
Et Madagascar compte pour une grande part de ces trésors de la nature. Cette île de
l'océan Indien au large de l'Afrique de l'Est abrite en effet plus de 2% de la
biodiversité du globe et 80% des animaux des espèces présentes n’existent nulle part
ailleurs sur la planète.
Au regard de la complexité du relief, ce travail nécessitera de véritables prouesses
techniques et on peut parier qu'il donnera lieu à de nombreuses découvertes autant
botaniques que zoologiques mais aussi archéologiques et géologiques.
Ces découvertes, mais aussi les moyens innovants employés et surtout la beauté
sauvage des lieux seront les meilleurs supports pour communiquer, transmettre et
sensibiliser à l'urgence de la préservation de ce massif.
L’association Naturevolution souhaite s'appuyer sur les résultats de ce projet et sur
ses recommandations pour obtenir le statut d’Aire Protégée.
Préserver la biodiversité de régions dont les habitats naturels sont menacés de
destruction constitue l'un des plus grands défis environnementaux du 21ème siècle.
- L’expédition Tara Océans a été conçue par un consortium scientifique réunissant
océanographes, généticiens, informaticiens et spécialistes de l’imagerie.
Les équipes recueillent des données sur la vie marine pendant un tour du monde de
3 ans sur le bateau Tara.
Tara Océans doit effectuer un tour du monde des micro-organismes marins, et s’est
montrée satisfaite de la qualité et de la richesse des premiers prélèvements
effectués.
Mais pour cette mission de trois ans, « le financement est un casse-tête permanent,
. Il nous faut trouver 800 000 euros avant la fin de l’année. » souligne Etienne
Bourgois, codirecteur de Tara.
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Financement de nouveaux projets
La Commission européenne a approuvé le financement de 196 nouveaux projets dans
le cadre du deuxième appel à propositions pour le programme LIFE+ (2007 2013), a-t-elle
annoncé le 29 octobre.
L'instrument financier européen pour l'environnement LIFE+ s'articule autour de trois volets:
« la nature et la biodiversité », « la politique et la gouvernance », « l'information et la
communication ».
Suite à l'appel à propositions qui s'est clôturé en novembre 2008, ces projets, sélectionnés
parmi plus de 600 propositions d'organismes publics et privés des 27 États membres,
représentent un investissement total de 431 millions €, dont 207,5 millions € seront financés
par l'Union européenne.
Parmi les 196 projets environnementaux retenus, 74 projets concernent la protection
nature, six autres projets portent sur la biodiversité. Ces projets sont situés dans 22 États
membres.
Dans le cadre du volet ''LIFE+ Politique et gouvernance en matière d'environnement'', la
Commission a retenu 99 projets situés dans 19 Etats membres.
Enfin, dans le cadre du volet ''LIFE+ Information et communication'', la Commission a
sélectionné 17 projets dédiés à la diffusion d'informations sur les questions
environnementales et la sensibilisation à ces questions.
Le budget total du programme LIFE+ (2007-2013) s'élève à plus de 2 milliards d'euros.
B) Pression sociale
Des sondages éclairent sur la perception des français et des chefs d’entreprises sur la
biodiversité. Des conférences et des colloques sensibilisent les entreprises, comme les
particuliers à la question de la biodiversité.
• Réalisation d’un sondage TNS-Sofres en mai 2010, à destination
des citoyens français
Dans un sondage TNS-Sofres, l’entreprise n’est pas citée, mais le désaveu des
Français pour les institutions laisse entendre que l’entreprise a un rôle à jouer sur cette
thématique : ils font bien davantage confiance aux associations (83%) qu'à la sphère
politique, que ce soit l'Union européenne (52%) ou le gouvernement (38%), pour la protéger.
Au final, 79 % des personnes interrogées ont reconnu « avoir déjà entendu parler de
biodiversité ». Sur ce pourcentage, seuls 23 % sont en mesure de définir précisément de
quoi il s’agit, les 56 % restants reconnaissant ne pas savoir exactement de quoi il est
question.
62
Une fois rappelée la définition de la biodiversité, 95 % déclarent percevoir la protection de la
biodiversité comme quelque chose d’important, dont 59 % comme quelque chose de « très
important ».
Toutefois, preuve que la prise de conscience n’est pas encore tout à fait effective, si 91 %
des personnes questionnées reconnaissent la préservation du vivant comme un problème
mondial, seuls 67 % des sondés considèrent que le territoire même de la France est menacé,
ce pourcentage tombant à 48 % lorsqu’il est question de la biodiversité prise dans la région
habitée.
Outre, les rapports TEEB, MEA qui leur était destinés les chefs d’entreprise sont
sollicités de plus en plus pour participer à des colloques, des conférences. Par exemple, le 4
et 5 mai 2010, Natureparif organisait au Musée du Quai Branly une conférence, afin d’ aider
à la construction des argumentaires ciblant les responsabilité de la biodiversité au sein des
collectivités et des entreprises.
• Réalisation d’un sondage Eurobaromètre le 9 avril 2010 à
destination des citoyens européens
Les Français, mieux que les Européens comprennent ce qu’est la biodiversité.
Selon un sondage Eurobaromètre « Attitudes envers la biodiversité » diffusé le 9 avril, à
peine 38 % des Européens connaissent le terme « biodiversité ».
Pire : seuls 17 % d’entre eux se disent « préoccupés » par les pertes de biodiversité.
Pour sa campagne, la Commission a choisi comme slogan : « Biodiversité, nous sommes tous
concernés ».
Afin de sensibiliser la population de l’Union à ces questions, la Commission européenne a
ouvert un site internet dédié aux actions à mener en Europe pour lutter contre la perte de la
biodiversité.
« J'espère que cette campagne sensibilisera l'opinion publique à la nécessité de mieux
respecter le milieu naturel dont nous dépendons », a déclaré Janez Potocnik, commissaire en
charge de l'Environnement. « La principale raison invoquée par les citoyens pour expliquer
leur inertie face à la perte de biodiversité est leur méconnaissance des mesures à prendre
pour y remédier », a expliqué la Commission Européenne. Cette campagne doit donc
permettre d’interpeller les Européens sur la nécessité d’agir sur les stratégies futures.
Plusieurs d'entre eux y voient des opportunités d'affaires et non seulement des menaces.
• Organisation de colloques, de conférences, d’une
université d’été
Le 11 janvier à Tulles, un colloque, organisé par l’université de Limoges, se propose
d’identifier et d’analyser, à partir de cas concrets, les liens existant entre l’entreprise et la
63
protection du vivant, le rôle susceptible d’être joué par ces acteurs économiques dans la
protection de la biodiversité, et leur intérêt dans la participation aux politiques publiques de
protection de la biodiversité.
Les 13 et 14 juillet 2010, la ville de Londres accueillait le colloque GBOB : Global Business of
Biodiversity. Cet évènement a rassemblé entreprises et ONG autour de conférences et
d’expositions professionnelles.
Le premier jour s’est concentré notamment sur les difficultés et les opportunités associées à
la prise en compte de la biodiversité selon les secteurs de développement.
Le deuxième jour s’est attardé davantage sur les obstacles que rencontrent les entreprises
pour s’engager dans des démarches favorables à la biodiversité.
Le WWF France dédie la quatrième édition de son université de rentrée aux relations
étroites entre l’économie et la biodiversité, entre les entreprises et la biodiversité.
Durant deux jours, scientifiques, décideurs d’entreprises, responsables politiques, ONG et
journalistes se rencontreront pour comprendre les liens étroits entre l’économie et la
biodiversité, les enjeux pour l’entreprise, les outils dont elle dispose aujourd’hui et les voies
d’une entente féconde.
Y sera également présentée l’étude réalisée par le WWF « entreprise et biodiversité ».
III L’entreprise doit respecter la réglementation
A) Le respect de la réglementation européenne
La directive Responsabilité Environnementale (2004)
La directive du 21 avril 2004 crée un régime de responsabilité environnementale et
vise à prévenir les dommages environnementaux en rendant les industriels financièrement
responsables de la réparation des dommages que leur activité cause à l'environnement.
Pour réparer et compenser un dommage environnemental, le texte préconise l'utilisation de
méthodes « allant dans le sens d'une équivalence ressource-ressource ou service-service ».
Ces méthodes d'équivalence permettent de dimensionner, dans le temps et dans l'espace,
un projet de restauration qui vise à compenser exactement les pertes de ressources et/ou de
services écologiques résultant d'un accident industriel.
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La directive Habitats
La réglementation européenne n'interdit pas la conduite de nouvelles activités sur les
sites Natura 2000.
Néanmoins, les articles 6-3 et 6-4 de la directive imposent de soumettre les plans et projets
dont l'exécution pourrait avoir des répercussions significatives sur le site, à une évaluation
de leurs incidences sur l'environnement.
L'article 6-3 conduit les autorités nationales compétentes des Etats membres à n'autoriser
un plan ou un projet que si, au regard de l'évaluation de ces incidences, il ne porte pas
atteinte à l'intégrité du site considéré.
L'article 6-4 permet cependant d'autoriser un plan ou un projet en dépit des conclusions
négatives de l'évaluation des incidences sur le site, à condition :
- qu'il n'existe aucune solution alternative de moindre incidence,
- que le plan ou le projet soit motivé par des raisons impératives d'intérêt public
majeur,
- d'avoir recueilli l'avis de la commission européenne lorsque le site abrite un habitat
naturel ou une espèce prioritaire et que le plan/projet est motivé par une raison
impérative l'intérêt public majeur autre que la santé de l'homme, la sécurité publique
ou des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement,
- que l'Etat membre prenne toute mesure compensatoire nécessaire pour garantir la
cohérence globale du réseau Natura 2000, ces mesures devant être notifiées à la
Commission Européenne.
B) Le respect de la réglementation française
• Les principales lois françaises en matière de protection de la biodiversité
Les directives Habitats, Oiseaux et Responsabilité Environnementale ont été – ou sont
encore en voie d’être - intégrées au Code de l’Environnement français (transposition récente
de certaines exigences de la directive Habitats dans le décret du 11 avril 2010, jugé encore
insuffisant par la Commission Européenne)
En matière de protection de la biodiversité, une loi est essentielle, elle sert de point de
départ en matière de protection de la nature en France : la loi du 10 juillet 1976 relative à la
protection de la nature a fixé les principes et les objectifs de la politique nationale de la
protection de la faune et de la flore sauvages.
Les espèces protégées en droit français sont les espèces animales et végétales dont les listes
sont fixées par arrêtés ministériels en application du code de l’environnement.
Cette loi a mis en place la nécessité de réaliser une étude d’impact pour analyser les
conséquences de certains aménagements et ouvrages sur l'environnement.
65
Cette loi, modernisée notamment par un décret en 1995, et renforcée par le décret
d’application, en 2008, de la directive Responsabilité Environnementale, instaure la
nécessité, pour la conception d’une nouvelle infrastructure, de tout mettre en œuvre pour
éviter, réduire et compenser les impacts sur son environnement (pour parvenir au moins à
un bilan neutre).
• Le durcissement des réglementations
Initiée en 2005, la norme ISO 26000 est entrée en phase finale.
Jusqu’au 14 décembre 2009, dans le cadre de la consultation publique, entreprises, pouvoirs
publics, syndicats, associations, consommateurs, ont pu faire part de leurs commentaires.
La norme ISO 26000 a pour objectif de définir le concept de responsabilité sociétale.
Elle repose sur 2 fondamentaux : assumer la responsabilité des impacts ses activités sur
l’environnement et la société et en rendre compte.
Parmi les thèmes principaux qu’elle aborde, la protection de la biodiversité, des espèces
endémiques ou menacées, la valorisation des services écologiques et la réhabilitation des
habitats naturels y occupent une place de choix.
La norme devrait sortir à la fin de l’année 2010.
En matière de protection de la biodiversité, la création des trames vertes et bleues, dont la
portée s’est vue limitée par la Commission Mixte Paritaire, le 16 juin 2010 (juridiquement
« Prendre en compte » est moins contraignant que « Compatible ») seront mises en place
dans les mois à venir.
66
67
Partie N°3 : Les moyens, à la disposition de l’entreprise,
pour comprendre et intégrer la biodiversité et les services
écologiques dans sa stratégie de développement.
Si l’entreprise souhaite mesurer ses impacts et ses dépendances, déterminer les
risques et les opportunités potentiels de son activité attachés à la biodiversité, elle doit
connaitre, au préalable, quel est le territoire qu’elle endommage, quel est celui dont elle a
besoin : une étude complète des processus de production, des intrants nécessaires au bon
fonctionnement de l’activité doit être entreprise : elle doit identifier quels sont ses
interactions avec son environnement.
I Mise en place d’un audit interne
Il existe plusieurs méthodes qui permettent à l’entreprise, avec l’aide potentielle d’un agent
indépendant, pour mettre en place et organiser l’étude.
A) L’indicateur d’interdépendance de l’entreprise à la
biodiversité (IIEB)
L'Institut français de la biodiversité (IFB) et Veolia Environnement ont initié en 2006
un groupe de travail intitulé «Comment intégrer la biodiversité dans les stratégies
d'entreprise».
Une attention particulière est portée à la valorisation économique du vivant pour en
favoriser l'intégration dans les processus décisionnels du Groupe.
Ainsi, l'association Orée, la Fondation de recherche sur la biodiversité (FRB) et Veolia
Environnement ont publié, avec une vingtaine d'entreprises, des collectivités et des
associations, le guide Intégrer la biodiversité dans les stratégies des entreprises.
Ce dernier propose une approche méthodologique visant à comptabiliser, suivre et
caractériser les interactions entre entreprises et biodiversité.
Elle vise à évaluer la contribution de la biodiversité et des services que les entreprises tirent
du fonctionnement des écosystèmes à la création de valeur ajoutée.
Pour se faire, elle a créé un indicateur d'interdépendance de l'entreprise à la biodiversité.
L’outil se compose d’une grille d’analyse qui comporte 23 critères d’évaluation, répartis en
cinq catégories (critères en lien direct avec le monde vivant, les critères liés aux stratégiques
de l’organisation, les critères liés à la compensation des impacts, les critères liés aux impacts
sur la biodiversité, les critères liés aux marchés actuels) et d’une échelle de notation en
quatre classes (Fortement Concerné, Moyennement Concerné, Peu Concerné, Non
68
Concerné), d’une note explicative pour chacun des critères étudiés qui permet d’évaluer la
qualité de la perception de l’entreprise sur chacun des critères.
Après l’exercice de l’auto-évaluation, un pentagramme est élaboré, qui permet à l’entreprise
de visualiser quelles sont ses interactions.
Il ne s’agit là que d’un état des lieux de la perception de l’entreprise sur ses interactions.
L’évaluation des interactions de l’entreprise par elle-même lui permet de comprendre
quelles informations, il lui manque pour identifier ses impacts et ses dépendances.
Cet outil permet à l’entreprise de réaliser des études spécifiques sur les points qu’elle n’a
pas su renseigner.
B) L’Evaluation des Services Rendus
En France de nombreuses entreprises ont déjà utilisé l'outil : Michelin, Veolia, Suez,
Kimberly & Clarke, Yves Rocher, et Durance – ces deux dernières ont reçu l'appui d'Inspire
pour bien utiliser l'évaluation.
L'Evaluation des Services Rendus par les écosystèmes aux entreprises (ESR) est une
méthodologie structurée, mise au point par le World Resources Institute, le Meridian
Institute et le World Business Council for Sustainable Development, diffusée, en France par
l’association Inspire.
La description de leur méthode s'appuie sur un cadre analytique, des études de cas, et des
conseils pratiques.
En France, Entreprises pour l'Environnement (EpE) sont partenaires de WRI.
Elle permet de :
Faire l'inventaire des liens d'impacts et de dépendances entre les activités d'une
entreprise (ou celles de ses fournisseurs, ou encore celles de ses clients) et les
services rendus par les écosystèmes,
69
Déduire les risques et les opportunités que la dégradation des écosystèmes fait peser
sur ses activités.
Faciliter la mise au point des stratégies, des réponses appropriées.
Cette méthode se décompose en cinq étapes :
1. Délimiter le périmètre de l’audit : définir clairement le périmètre au sein duquel sera
réalisé l'audit, pour s'assurer que la procédure sera gérable et génèrera des résultats
concrets susceptibles d'être mis en pratique.
L'activité de l'entreprise ne couvre qu'un seul produit, service ou marché. Le
périmètre de l'audit pourra être l'entreprise dans son ensemble.
L'activité de l'entreprise couvre plusieurs produits, services, marchés différents. Le
périmètre de l'audit devra être restreint, pour une plus grande efficacité.
2. Identifier les services écosystémiques « prioritaires », c'est à dire ceux qui sont les
plus susceptibles d'être sources de risques ou d'opportunités pour l'entreprise.
Un outil tableur a été conçu pour faciliter la priorisation.
On classe les services de dépendance et d'impact, des plus fortes interactions aux
plus faibles.
On en sélectionne 5-7 pour maintenir une qualité d'analyse optimale.
On distingue en priorité les services impactés négativement.
70
3. Identifier l'état, l'évolution, les causes et les tendances des services écosystémiques
« prioritaires ».
On réalise des entretiens, on commande des études spécifiques, en interne et en
externe afin de collecter les informations dont l’entreprise a besoin.
On cherche à répondre à cinq questions :
Etat et évolutions de l'offre et de la demande pour ce service
écosystémique?
Causes directes de l'évolution constatée?
Contribution de l'entreprise à ces causes?
Contribution des tiers à ces causes ?
Causes indirectes de l'évolution constatée ?
4. Identifier les risques et les opportunités commerciales: les modifications
quantitatives ou qualitatives subies par les services écosystémiques prioritaires sont
susceptibles de générer cinq grands types de risques et d’opportunités
Outil ESR - I Care Environnement
5. Après avoir identifié les risques et les opportunités, l’opérateur de l’ESR définit, avec
l’entreprise, les priorités des nouvelles stratégies afin de minimiser les risques et
maximiser les opportunités.
L'audit met en avant qu'il existe trois sortes de réponses possibles:
71
Celles n'impliquant que l'entreprise : cela peut être un changement à un
fonctionnement interne, à une stratégie produit ou de marché.
Celles impliquant d'autres acteurs du secteur ou non.
Celles impliquant les décideurs politiques : de bonnes politiques publiques
constituent souvent un facteur indirect majeur de l'amélioration des services
écosystémiques.
Afin de mener à bien l'identification et la priorisation des actions stratégiques à
mettre en œuvre, des ateliers, des recherches spécifiques et des benchmarks sont
menés.
C) L’Evaluation Biodiversité de l’Entreprise
Le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la mer
(MEEDDM) apporte son plein soutien à l’Année Internationale de la Biodiversité, en
fournissant aux entreprises cet outil d’auto-évaluation, développé avec les concours de
l’association Inspire, et de l’entreprise, de conseils et de génie écologique, Dervenn.
Son objectif est de sensibiliser tous les acteurs socio-économiques et notamment les
entreprises, en favorisant l’intégration de la biodiversité dans leur stratégie.
Cet outil propose à l’entreprise une série de questions et de fiches afin qu’elle apprenne à
identifier ses interactions avec le vivant.
L’outil sera présenté en septembre.
II Recours aux indicateurs
A) Les indicateurs au service de l’entreprise
Les indicateurs d’état, à paramètre unique
L’indicateur d’état est un outil qui permet à l’entreprise de connaître l’état de santé
de la biodiversité.
Il ne s’agit pas forcément de réaliser un inventaire global de la biodiversité, qui n’est
pas toujours possible (moyen technique et connaissance du mode de vie des espèces).
72
L’étude de l’abondance d’une espèce, d’un groupe d’espèces
(groupe fonctionnel)
Il existe des espèces, dont l’état de santé est un bon indicateur de l’état général de la
biodiversité.
Pour évaluer l’abondance d’une espèce indicatrice il faut :
Connaître son histoire, sa biologie, son fonctionnement
Effectuer des mesures, et un suivi facilement
Avoir la capacité de décrire des phénomènes structurels précis
Les types d’espèces indicatrices sont les suivantes :
Espèce indicatrice : Certaines espèces sont particulièrement informatives. Suivre leur
abondance peut offrir un indicateur pertinent pour évaluer l’état de santé d’un
écosystème. Elle est sensible aux grandes interactions qui animent l’écosystème qui
l’accueille (ex: saumon, alouette, butor)
Espèce ingénieur: Espèce qui structure l’environnement naturel dans lequel elle
évolue (ex: les vers de terre retournent une grande quantité de sol au profit des
plantes).
La « qualité » de l’habitat et le bon fonctionnement des cycles géochimiques au sein
d’un écosystème sont dépendants de l’abondance de ce type d’espèces.
Espèce parapluie: Elle a besoin de grand territoire. Elle révèle l’état de santé des
écosystèmes et des espèces qui le composent.
Espèce « clé de voûte »: Au cœur de nombreuses relations interspécifiques comme
c’est le cas des grands prédateurs ou des espèces à la base des chaînes trophiques.
Par exemple, les oiseaux sont de bons indicateurs de la diversité biologique « globale »
mais permettent également de mesurer l'impact de la gestion d'un site ou d'un espace local
sur la biodiversité.
Ainsi, un indicateur, développé par un programme de recherche européen, le Suivi Temporel
des Oiseaux Communs (STOC) est employé pour reconnaître les effets du changement
climatique.
Malgré tout, il ne faut pas se contenter d’un seul indicateur d’abondance : une pression
défavorable pour une espèce (ou un groupe d’espèces) peut être favorable à une autre
espèce.
73
Les espèces indicatrices peuvent finalement faire office de sonnette d’alarme mais c’est
tout.
Il ne permet pas, le plus souvent, d’en cibler la cause de manière précise : un biais aléatoire,
tel un virus, un facteur anthropique, un facteur naturel ?
Il est possible d’accompagner cet indicateur d’autres qui ont leur utilité, mais leurs limites
également, car aucun indicateur n’est efficace pour retranscrire un phénomène aussi
complexe.
On peut utiliser l’indicateur d’abondance globale (recensement des entités peuplant un
écosystème sans distinction spécifique) mais cet indicateur pose un problème car il ne
correspond pas aux représentations que la grande majorité des acteurs va se faire de la
biodiversité – largement dominée par la notion de diversité spécifique.
On peut également le compléter avec un indicateur de répartition, de présence dans
d’autres habitats à proximité, d’un indicateur topographique, analysant la connexion des
habitats entre eux.
Les indicateurs d’état composites, ou multiples
L’indicateur composite – ou multiple – permet d’intégrer une double-sensibilité,
d’analyser la biodiversité selon deux axes.
Ainsi, le plus employé est l’indicateur recensant l’abondance de chaque espèce et le nombre
d’espèces présentes dans l’écosystème étudié (comme l’indice de Shannon).
On peut également déterminer l’abondance de chaque espèce et distinguer les espèces
généralistes (adaptée à toute sorte de milieux) et les espèces spécialistes adaptées à un
milieu en particulier : un milieu dont les effectifs des espèces spécialistes augmentent est le
signe d’une bonne santé.
Les indicateurs d’état-pression-réponses
Les indicateurs d’état ne sont pas suffisants pour qu’une entreprise identifie sa
contribution à la dégradation de l’écosystème qu’elle étudie.
Il faut recourir à des indicateurs évaluant la cause du dommage constaté.
Ainsi on peut identifier quelle est la source du dommage en comparant un indicateur de
spécialisation avec un indicateur de la fragmentation de l’habitat (pour une forêt, cela
pourrait être la surface de clairière, le nombre de sentiers tracés par l’homme, etc).
On peut aussi comparer l’état de santé de deux milieux de type identique, l’un proche de
l’entreprise, l’autre dénué de toute pression (une étude au préalable de l’habitat de
référence est requise) qui nuirait à la qualité de la comparaison. La différence constatée peut
alors avoir pour origine l’entreprise.
L’entreprise peut alors mettre en œuvre des réponses adaptées (ou qui tendent à l’être) et
un nouvel indicateur vient comparer l’avant-après des mesures mises en place : il est
74
regrettable de ne pouvoir constater les effets qu’après des périodes relativement longues
(parfois plusieurs années).
Un milieu peut voir le retour, parfois très rapide, d’une population de mammifères,
d’oiseaux, d’insectes, à partir du moment où des pressions sont interrompues (par exemple :
la gestion différenciée d’un espace naturel d’une ville peut voir le retour d’insectes – au bas
de la chaîne trophique – et le retour des strates trophiques supérieures (oiseaux, petits
rongeurs, prédateurs, grands prédateurs).
B) Les limites des indicateurs
Les indicateurs sont très utiles pour que l’entreprise identifie son rôle dans l’érosion
de la biodiversité locale : mais il est nécessaire de ne pas se contenter d’un unique
indicateur, incapable de retranscrire tout une réalité.
Plusieurs indicateurs sont nécessaires pour tendre vers une représentation fidèle des
évolutions de la biodiversité étudiée.
En outre, l’indicateur est dépendant de la compréhension que l’homme a de la nature, de la
biodiversité, des écosystèmes, des services écologiques, des fonctions biologiques : celle-ci
est incomplète, l’homme ne peut qu’espérer tendre vers la réalité.
Heureusement, de nombreux efforts sont entrepris pour réaliser des indicateurs toujours
plus efficaces, et de nombreuses recherches sont financées pour mieux comprendre les
interactions du Vivant.
C) Les indicateurs en développement
Outre, les indicateurs d’ores et déjà développés par la CBD, l’Union Européenne
(programme SEBI), et la Stratégie Nationale de la Biodiversité, le Commissariat Général au
développement durable étudie la biodiversité, ses mécanismes, pour mettre à la disposition
des décideurs publics et des entreprises des méthodes d’évaluation, des indicateurs toujours
plus fidèles à la réalité.
Au cœur des missions du ministère, le Commissariat général au Développement durable,
entité nouvelle et transversale, a pour objectif de promouvoir le développement durable
tant au sein de toutes les politiques publiques que dans les actions de l’ensemble des
acteurs socio-économiques.
Pour se faire, il élabore, anime et assure le suivi de la stratégie nationale de développement
durable et contribue à son déploiement.
Les bureaux du Millenium Ecosystem Assessment en France ont également orientés leurs
efforts pour mieux comprendre les services rendus par les écosystèmes.
75
Projet de caractérisation des fonctions écologiques par le CGDD
En mai 2010, un compte-rendu de leurs efforts pour caractériser les fonctions
écologiques des milieux en France, publié dans leur collection Etudes et Documents (n°20)
revient sur la notion de fonction écologique (Processus biologiques qui permettent le
fonctionnement et le maintien des écosystèmes (lutte contre les perturbations extérieures)
et qui sont à l'origine des services) et la notion de résilience des écosystèmes (Processus
biologiques qui permettent le fonctionnement et le maintien des écosystèmes - lutte contre
les perturbations extérieures - et qui sont à l'origine des services écologiques).
La résilience est permise par le bon état des fonctions écologiques.
La compréhension de ces notions est indispensable pour développer de meilleurs
indicateurs.
Restitution de l’étude sur la caractérisation des fonctions et des services écologiques (I-Care Environnement – H.Jouan)
L'enjeu n'est pas de lister l'ensemble des fonctions écologiques (infinies) mais de lister les FE
à l'origine de la production de SE.
L'étude se base sur l'identification que le Millenium Ecosystem Assessment a réalisé des
services rendus par les écosystèmes.
L'étude s'est restreinte aux services de régulation et de support qui sont les seules
catégories de services qui ne requièrent pas l'intervention de l'homme.
76
Les observations de l'étude sont les suivantes:
13 fonctions écologiques et 18 services rendus ont été retenus.
Les relations entre les écosystèmes, les fonctions et
les services écologiques ne sont pas bijectives, c'est-à-dire
qu'un service peut être assuré par plusieurs fonctions
écologiques et inversement, une fonction écologique peut
contribuer à la réalisation de plusieurs services
écosystémiques.
De la même façon, un milieu peut être à l’origine de
plusieurs fonctions, et une fonction écologique peut être
assurée par différents milieux.
Les espèces sont intégrées dans l'étude, sous leur
aspect fonctionnel.
Cette démarche permet de tenir compte des espèces
communes et des espèces plus rares. L'étude de certaines
espèces « parapluie », «sentinelles », « clés de voûte », est
essentielle également : celles-ci sont indispensables au
maintien de l’ensemble des espèces appartenant à la même
unité fonctionnelle, du fait de leurs exigences écologiques et
des habitats qu’elles occupent.
Le travail sur les indicateurs de fonctions écologiques doit être poursuivi pour
aboutir à la détermination d’indicateurs pertinents et fonctionnels, et de protocoles de
mesure associés.
Une autre approche, basée sur la définition d’une valeur optimale de chaque fonction
pour chaque milieu, pourra être envisagée pour évaluer les fonctions écologiques.
Pour être utilisé, le système de quantification doit être compréhensible et fonctionnel.
Restitution de l’étude sur la caractérisation des fonctions et des services écologiques (I-Care Environnement – H.Jouan)
77
L’étude des fonctions et des services écologiques par le MEA-
France
En septembre 2008, le MEEDDM lance une démarche d'évaluation nationale de
l'état des écosystèmes en France, et des services écologiques qu'ils rendent.
Cette évaluation s'appuie sur le cadre conceptuel du MEA. Une synthèse de l’avancement de
leur travail a été publiée en début d’année 2010.
Les avancements de l’étude ont, d’ores et déjà, permis de comprendre l’importance du rôle
des usages sociaux dans la réalisation de certains services écologiques et de la
réglementation encadrant l'utilisation des processus biologiques.
En effet l'existence d'un service écologique dépend tout autant des processus biologiques
que des pratiques sociales qui en déterminent son utilisation.
Les services de régulation et de support sont les seuls services ne requérant pas
l'intervention de l'homme pour exister.
En outre il a été mis en évidence différents types d'usages sociaux :
Contrairement au rapport MEA, l'étude a exclu certains services écologiques de support qui,
d'après elle, sont davantage associables à des fonctions écologiques ou assimilables à des
services écologiques de régulation.
Contrairement au rapport MEA, l'étude recommande que soit menés des travaux afin de
recenser les « disservices », les processus biologiques qui ne sont pas favorables à l'homme à
moins qu'il entreprenne la réalisation d'aménagements spécifiques.
78
L’entreprise est un agent déterminant dans la conservation des écosystèmes (des espèces,
des interactions, des habitats qui les composent) et des services écologiques qu’ils nous
rendent.
L’investissement qu’elle pourrait consentir à intégrer la biodiversité dans sa stratégie de
développement est source d’opportunités économiques.
Conjugués avec les efforts institutionnels entrepris pour enrayer l’érosion de la biodiversité,
ces investissements permettraient de mieux répondre à la crise d’extinction que nous
constatons, que nous vivons, et de répondre aux objectifs fixés par la Convention pour la
Diversité Biologique, les Nations Unies, et l’Union Européenne.
Il existe de nombreuses difficultés pour comprendre les mécanismes biologiques, les
interactions de l’entreprise avec la biodiversité, mais grâce à la mobilisation permise par les
Nations Unies, qui ont instauré l’Année 2010, Année Internationale de la Biodiversité, les
efforts se multiplient.
La crise, hier inaudible, est aujourd’hui entendue, et sera comprise demain.
Le désaveu des citoyens français concernant la capacité des instances politiques à résorber
la crise écologique ne rend pas compte des avancées mêmes minces qui sont reconnues
aujourd’hui : la définition d’une trame verte et bleue, même si la portée juridique de cet
outil est plus faible qu’espérée, est une révolution dans la conception des aménagements
ponctuels et linéaires.
La création d’une instance scientifique, inspirée du GIEC, est une avancée dans la
reconnaissance internationale de la crise.
En outre, la France compte se doter d’une Agence Nationale du Patrimoine Naturel, le
pendant « biodiversité » de l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie) pour la crise climatique, ce qui est un autre signe de la prise de conscience
française.
L’entreprise dispose d’outils pour identifier, mesurer, intégrer la biodiversité et ses
interactions avec elle.
Même s’ils sont imparfaits, les indicateurs sont une bonne façon d’évaluer les tendances et
de prendre les bonnes décisions en conséquence.
Les efforts de monétarisation de la biodiversité et des services écologiques, très contestés,
sont aujourd’hui en mesure de permettre une intégration de la biodiversité.
Sans monétarisation, la biodiversité restera une donnée exogène abstraite et la crise
d’extinction se poursuivra.
La monétarisation, sous réserve d’être surveillée par les instances publiques et les
associations non-gouvernementales, permettra d’accorder une valeur monétaire opposable
aux valeurs économiques d’un projet, d’un programme.
79
La monétarisation accorde une valeur monétaire et non un prix à la biodiversité : pour le
débat éthique, que soulève cette question, l’importance est cruciale.
Dans les années qui viennent, les efforts pour caractériser, évaluer, les fonctions et les
services écologiques vont permettre la définition d’indicateurs pour l’entreprise plus
pertinents et plus efficaces à décrire la réalité.
80
Rapports :
- « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes,
Contribution à la décision publique » - Avril 2009 – Centre d’Analyse Stratégique
Dirigé par B.Chevassus-Au-Louis
- « Rapport d’étape de la phase I, Economie des Ecosystèmes et de la Biodiversité » –
Mai 2008, commandée par la Commission Européenne – Dirigé par Pavan Sukdhev
- « Millenium Ecosystem Assessment » – 2005, commandé par les Nations Unies
- « Rapport Liste Rouge » – 2009 – UICN
- Rapport «Planète morte, planète vivante » - mai 2010 – ONU
- Rapport « Perspective globale pour la biodiversit » - Juin 2010 – CBD
Livres :
- « Intégrer la biodiversité dans la stratégie de l’entreprise, le bilan biodiversité des
organisations », 2008, OREE
- « Les Services Rendus par les Ecosystèmes », 2009, Institut Inspire
- « Humanité et biodiversité », 2009, Ligue Roc
Sites internet : Pour des raisons pratiques, je ne puis détailler l’ensemble des sites
internet que j’ai employé pour la bonne réalisation de mon mémoire, en effet j’ai utilisé une
fonctionnalité de Mozilla Firefox, nommée Delicious, qui m’a permis de recenser 1908 liens,
regroupés sous 125 catégories et identifiés grâce à 1557 mots-clés différents. Néanmoins
vous pouvez consulter l’ensemble de mes liens [ici]. Il s’agit d’une fonctionnalité de marque-
pages perfectionnée.
81
Page de garde de ma base de données Delicious
Liste des catégories de classement de mes sites internet
82
Annexe 1 : Vers des indicateurs de fonctions écologiques
(Commissariat Général au Développement Durable, mai
2010)
Annexe 2 : La biodiversité remarquable en France
(Commissariat Général au Développement Durable, avril
2010)
Annexe 3 : Indicateurs de suivi de la biodiversité : que nous
disent les informations sur les espèces ? (UICN, 2009)
Annexe 4 : Etude exploratoire pour l’évaluation des services
rendus par les écosystèmes en France (MEA France, 2009)
83
Annexe 1 : Vers des indicateurs de fonctions écologiques
(Commissariat Général au Développement Durable, mai
2010)
84
Annexe 2 : La biodiversité remarquable en France
(Commissariat Général au Développement Durable, avril
2010)
85
Annexe 3 : Indicateurs de suivi de la biodiversité : que nous
disent les informations sur les espèces ? (UICN, 2009)
86
Annexe 4 : Etude exploratoire pour l’évaluation des services
rendus par les écosystèmes en France (MEA France, 2009)