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Texts in French ’%) ∞jôN ’**’ * Moroccan Academic in the Universtiy of Bahrain. * Larbi BENLAFKIH ’’ THAQAFAT BON SENS ET CULTURES Il nous semble très difficile, voire impossi- ble de concevoir une compréhension fructueuse et établir une communication val- able sans se référer au sens commun qui constitue l’essence de notre pensée et le moule de nos actions. Mais aussi, et cela semble justifiable, nous ne pouvons assurer une évolution, un progrès ou un développe- ment de nos connaissances et construire un savoir théorique et pratique nouveau de quelque nature que ce soit, scientifique, lit- téraire, artistique, culturel... sans un dépasse- ment de ce sens commun et sans un étab- lissement d’une espèce de rupture plus ou moins prononcée avec ce sens. Ces concep- tions simples, mais combien contradictoires, incitent à se poser les questions suivantes: La référence au sens commun et la rupture avec ce sens sont-elles aussi contradictoires que beaucoup de penseurs le laissent enten- dre? Ne peuvent-elles, moyennant quelques stratagèmes intellectuels être conciliées? Et dans le cas où cela est possible, comment pouvons-nous y arriver? Dans de nombreux cas, en biologie, en physique, en mathématiques ou en lettres, sciences humaines et sciences sociales, les connaissances strictement nouvelles se présentent en modifiant, voire en écartant complètement des idées admises depuis de longue date et perçues comme évidentes en se référant au sens commun. Une fois ces connaissances nouvelles sont assimilées, acceptées et devenues pleinement intelligi- bles, au moins, pour les spécialistes du domaine, elles peuvent être hissées au rang de savoir à transmettre et donc à proposer dans le cadre d’un enseignement général ou spécialisé et, par la suite, tomber dans l’e- space de la vulgarisation. Ensuite, et c’est bien là une étape possible aussi, ces con- naissances peuvent enrichir la culture et les champs pratiques culturels. Ainsi, ces connaissances seront taxées de connaissances récentes et seront inté- grées au savoir de base. Elles permettront également d’aller de l’avant vers d’autres frontières de connaissances plus nouvelles encore. Les processus informationnels qui carac- térisent l’Homme dans sa quête de construire un discours intelligible sur son univers étant toujours à l’oeuvre. Un nouveau sens com- mun s’établira et imprégnera progressive- ment une grande frange de l’humanité. Bien entendu, cela se produit à partir du sens nou- veau construit en se basant sur ces connais- sances pour donner corps à des idées nou- velles. Le sens construit est différent du précédent, mais il occupe sans aucune ambiguïté la même fonction pour la com- préhension et surtout la communication. En effet, sans communication le nouveau sens n’aurait de valeur conceptuelle et information- nelle ayant une signification scientifique, lit- Thaqafat Eng Side 8/25/05 10:46 AM Page 249

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Il nous semble très difficile, voire impossi-ble de concevoir une compréhensionfructueuse et établir une communication val-able sans se référer au sens commun quiconstitue l’essence de notre pensée et lemoule de nos actions. Mais aussi, et celasemble justifiable, nous ne pouvons assurerune évolution, un progrès ou un développe-ment de nos connaissances et construire unsavoir théorique et pratique nouveau dequelque nature que ce soit, scientifique, lit-téraire, artistique, culturel... sans un dépasse-ment de ce sens commun et sans un étab-lissement d’une espèce de rupture plus oumoins prononcée avec ce sens. Ces concep-tions simples, mais combien contradictoires,incitent à se poser les questions suivantes:La référence au sens commun et la ruptureavec ce sens sont-elles aussi contradictoiresque beaucoup de penseurs le laissent enten-dre? Ne peuvent-elles, moyennant quelquesstratagèmes intellectuels être conciliées? Etdans le cas où cela est possible, commentpouvons-nous y arriver?

Dans de nombreux cas, en biologie, enphysique, en mathématiques ou en lettres,sciences humaines et sciences sociales, lesconnaissances strictement nouvelles seprésentent en modifiant, voire en écartantcomplètement des idées admises depuis delongue date et perçues comme évidentes ense référant au sens commun. Une fois ces

connaissances nouvelles sont assimilées,acceptées et devenues pleinement intelligi-bles, au moins, pour les spécialistes dudomaine, elles peuvent être hissées au rangde savoir à transmettre et donc à proposerdans le cadre d’un enseignement général ouspécialisé et, par la suite, tomber dans l’e-space de la vulgarisation. Ensuite, et c’estbien là une étape possible aussi, ces con-naissances peuvent enrichir la culture et leschamps pratiques culturels.

Ainsi, ces connaissances seront taxéesde connaissances récentes et seront inté-grées au savoir de base. Elles permettrontégalement d’aller de l’avant vers d’autresfrontières de connaissances plus nouvellesencore.

Les processus informationnels qui carac-térisent l’Homme dans sa quête de construireun discours intelligible sur son univers étanttoujours à l’œuvre. Un nouveau sens com-mun s’établira et imprégnera progressive-ment une grande frange de l’humanité. Bienentendu, cela se produit à partir du sens nou-veau construit en se basant sur ces connais-sances pour donner corps à des idées nou-velles. Le sens construit est différent duprécédent, mais il occupe sans aucuneambiguïté la même fonction pour la com-préhension et surtout la communication. Eneffet, sans communication le nouveau sensn’aurait de valeur conceptuelle et information-nelle ayant une signification scientifique, lit-

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téraire ou culturelle que pour celui qui l’a con-struit, ce qui déterminerait son intégration ausens commun. Le discours du psychotique,par exemple, n’a de sens que pour le psy-chotique lui-même, et le thérapeute n’accèdeà ce sens qu’à travers de multiples interpré-tations qui lui permettent de rassembler leséléments les plus probables et les plus àmême de fournir un sens commun construit àpartir du discours émis par le psychotique.

Aussi, le sens commun s’enrichit-il d’unepart, de la destruction-construction de con-naissances scientifiques, littéraires, artis-tiques et culturelles, et d’une manièregénérale des expériences de l’homme et del’appréhension des éléments et paramètresconstitutifs de ces expériences.

Mais, tous ces éléments conceptuels outout simplement toutes ces conceptions nepeuvent être intelligibles, au moins pour celuiqui s’intéresse à l’évolution du savoir humain,que s’il intègre dans sa démarche certainsdes outils les plus performants qu’aient per-mis la prodigieuse avancée réalisée à tousles niveaux du savoir et de la connaissance :la rationalité. En effet, se sont les élargisse-ments de la rationalité qui ; seuls ont permiset permettent de concevoir que des progrèsde la connaissance soient possibles, et cepour quelque domaine que ce soit.

Que signifie donc l’expression ou le con-cept de “ Sens commun “ ?

L’éclaircissement de la signification de ceconcept nécessite le recours, dans un pre-mier temps, à la définition approximativequ’en donne Michel Paty (2002).

Selon cet auteur la notion de sens com-mun peut renvoyer approximativement à une“ disposition générale de tous les êtreshumains pour s’adapter aux circonstances del’existence et de la vie courante “. A notresens et, sans aucun doute, cette définitionrenvoie aux potentialités psychophysi-ologiques qui permettent à l’homme, êtresocial, d’une part, de prendre en compte, lesinformations et les données traitées par sesorganes sensoriels, de pouvoir les coder etles concevoir comme des objets mentaux,d’autre part, d’intégrer et de traiter cesmêmes objets en fonction d’une série deprocessus intellectuels et cognitifs quifondent les fonctions d’un raisonnementstructuré et d’une réflexion plus ou moinsapprofondie sur ces objets. En outre, les

objets mentaux tels qu’ils sont représentéset/ou structurés, ils sont eux-mêmes, le refletd’une représentation déformée et “émotion-nalisée “ de certains éléments de connais-sance, partiellement ou totalement, théoriséeet surtout intégrant des éléments constitutifsd’une situation existentielle propre à la per-sonne qui en est porteuse, contextualiséeselon un imaginaire culturel plus ou moinsstructuré et modélisé.

Dans la notion de sens commun, nouspouvons aisément saisir que le mot sens faitréférence à une espèce de synthèse mentale,instinctive ; mais également intuitive et immé-diate. Par contre l’épithète “ commun “indique un caractère plutôt ordinaire, répan-du, sans aucun doute généralisé de cespotentialités qui caractérisent l’Homme, àsavoir la synthèse instinctive et immédiate.

Toutes ces considérations définitionnellesnous amènent à mettre en exergue desaspects spécifiques qui font apparaître le car-actère ambigu que recouvre l’expression desens commun. En effet, lorsqu’on considèrece concept, on constate qu’il recouvre, enfonction des époques, plusieurs utilisations etpar conséquent plusieurs significations. Pourcertains, l’expression de “sens commun” ren-voie à une opinion commune se rapportantaux usages d’une culture ou d’une civilisationdonnée. Les usages culturels et civilisation-nels présentent, bien entendu, un contenuayant une charge imaginaire, des affects, descroyances et des idées de convention ou desidées préconçues, mais aussi des attitudesplus ou moins structurées. Pour d’autres, lesens commun serait un ensemble de notionset d’aptitudes spécifiques au jugementpartagé par les membres d’une communauté,d’une culture, d’une civilisation voire de tousles humains. Ce jugement serait aussi inscritde toute éternité dans la nature humaine etde ce fait constituerait les socles inaltérablesde la pensée de raison et donc de la science.

Il semble clair que l’on rejoint ici ce queRené Descartes, le philosophe français(1596-1650), soutenait depuis plusieurs siè-cles. En effet, la notion de sens communexprimait chez Descartes “ La puissance debien juger et de distinguer le vrai d’avec lefaux, qui est proprement ce qu’on nomme lebon sens ou la raison, est naturellementégale en tous les hommes. “ En réalité, ondoit reconnaître que l’acception de la notion

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de “ sens commun “ dans son utilisation laplus courante a varié avec le temps. Si d’uneacception valorisante, base de nos juge-ments raisonnables, désignant le bon sensou le bon jugement, celle-ci a glissé vers uneacception dévalorisante à partir du milieu du19ème et au 20ème s. où elle renvoie surtoutà la matrice des opinions erronées qui fontobstacle à la pensée scientifique et, de façongénérale, un obstacle à la rationalité.Tous ces développements notionnels nousobligent à revenir une fois de plus sur lanotion de sens commun. D’une part, par ceque l’analyse approfondie des différentesacceptions véhiculées à travers les époquesnous permettra de comprendre relativementmieux l’importance de cette notion dans l’ap-proche de la dynamique intellectuelle àl’œuvre dans la structuration/déstructurationde la pensée humaine, particulièrement dansdynamique interculturelle ou encore dans ladynamique générant une construchion/démolissement des espaces-temps informa-tionnels liés au bon sens intra- et interculturel.D’autre part, ces éléments notionnels nouspermettent aussi de comprendre en quoi l’u-nité ou la multiplicité notionnelle et la spéci-ficité que celle-ci prend à travers les significa-tions et les connaissances développées parles différentes cultures et civilisations peut-elle aider à discerner entre la multiplicité dessens de l’expression “bon sens” qui carac-térise ce début du 21ème siècle. En effet,nous constatons que l’expression “Bon sens”qui, fondamentalement devrait restructurerles nouvelles idées et les croyances récentesliées à l’honneur et au respect de l’autre dansce qu’il présente d’humain et de culturelle-ment différent, s’est surtout fourvoyée dansun espace d’ambiguïté et de clivages qui nesont pas de bonne augure. C’est ainsi quepar exemple, l’honneur suprême de défendreson pays semble considéré par certains fos-soyeurs de l’honneur et la dignité humainecomme un comportement banni et con-damnable par certaines instances et pays, etconsidéré comme acte terroriste? La notionde bon sens semble perdre de sa valeur derégulation et de rapprochement entre les per-sonnes et les cultures. C’est une question quidoit être creusée particulièrement sur le planphilosophique et culturel.

En outre, on peut relever aussi que l’ex-pression de “ Bon sens “ apparaît comme une

notion écartelée entre l’esprit de finesse et le“ Gros “ bon sens ou le bon sens populaire.Cette utilisation nous amène à considérerque la notion de bon sens sévit aussi dansune espèce de sagacité et de perspicacitélorsqu’elle est orientée soit vers les hauteursintellectuelles et cognitives, voire métacogni-tives, de l’esprit, soit comme un état d’igno-rance et de simplicité informationnelle (émo-tionnelle et existentielle aussi) où domineut lepréjugé et l’opinion toute faite exprimant ladominance de l’archétype du commun desmortels. En d’autres termes, lorsqu’elle opèreune séparation entres l’homme vu commecultivé ou comme homme du peuple. En effet,il nous semble aisé de concevoir l’expression“ Bon sens “ comme une notion perdue dansde multiples ambiguïtés, héritées ou acquis-es.

Cette expression resta longtemps sansrapport avec la science. L’adjectif “ Bon “amena l’expression vers une sorte de recti-tude morale et d’efficacité pratique dans uncontexte de vie quotidienne. Elle a pu con-stituer un acteur de la révolution du savoir etde la philosophie, particulièrement à partir dudébut du 17ème siècle. C’est Descartes quireprit l’association de “ Bon “ et de “ Sens “pour exprimer le renforcement d’un emploicourant où le terme sens indiqua “ Raison “ou entendement. Le “sens” étant entenducomme assimilé à la faculté de juger pour l’e-sprit humain, le “bon sens” devint alors lepouvoir de bien juger, pouvoir conféré par lanature même de l’esprit et, finalement parDieu et se rapprocha plus de l’idée de “Lumière Naturelle “.

Bref, l’idée d’un bon sens dirigé par lerecours constant à la méthode, à une pra-tique méthodique, se trouve garante de laconnaissance de la vérité, dont le stadesupérieur est la science. Mais, ce bon sensse distingue de la raison en ce qu’il reposesur une relation directe entre l’esprit connais-sant et ce qui est à connaître, impliquant uneintuition partagée.

On doit reconnaître que Socrate avaitdéjà contribué à approfondir cette différenceen considérant que la philosophie doit sedétacher du bon sens grossier. L’exigenced’une telle séparation soulève une interroga-tion relative à l’interaction qui pourrait existerentre ce qui est fondamental et ce qui ne l’estpas, c’est-à-dire entre tout ce qui est commun

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ou général et tout ce qui ne pourrait l’être,c’est-à-dire tout ce qui peut être taxé desavoir élaboré, de savoir raffiné et/ou savoirscientifique. De fait, la démarche intel-lectuelle et cognitive à opérer pour distinguer,au moins, deux niveaux de connaissance,l’un relevant du bon sens ou considéré l’êtreet l’autre du sens grossier, jugé en tant quetel. Les représentations psychosociologiqueset socioculturelles qui en découlentinscriraient ainsi l’individu dans unedynamique existentielle dichotomique qui faitde lui un être social à deux registres contra-dictoires, l’un se référant à un savoir relevantdu bon sens et un autre intégrant lesreprésentations culturelles structurées enfonction de la masse d’êtres sociaux qui nese reconnaissent que dans un bon sensémanant de la connaissance commune,c’est-à-dire de la vie quotidienne telle qu’elleest organisée et organise les affects et lesrelations à l’autre et à l’univers.

La question, n’est pas d’opérer une quel-conque hiérarchisation ou de dire que la pre-mière référence est meilleure que la secondeou l’inverse, ou encore de chercher à justifierà tout prix une pseudo-hiérarchisation, telleque se plaisent à la défendre plusieurs cer-cles de part le monde ; mais, surtout afin desortir de ce dilemme, il nous faudrait instaur-er provisoirement, un parallèle entre les deuxsystèmes de connaissance. Cependant, ceparallélisme ne peut être en termes demeilleur, de bon ou de moins bon, mais desystème de connaissances plus ou moinsutiles pour tel ou tel public. Ainsi, le sens “bon “ et le sens “ grossier “ constitueraientdes systèmes au service de l’intelligencehumaine et de ses potentialités à appréhen-der l’univers, mais également la vie danstoutes ses dimensions sociale, artistique, cul-turelle et à un autre niveau scientifique voireégalement charlatanesque.

Descartes, comme nous l’avons indiquéci-dessus, a contribué à rendre la référenceau bon sens positive en commençant le “Discours de la Méthode “ sur la conceptionsuivante : “Le bon sens est la chose la mieuxpartagée : car chacun pense en être si bienpourvu, que ceux même qui sont les plus dif-ficiles à contenter en toute autre chose, n’ontpoint coutume d’en désirer plus qu’ils n’enont. “(“œuvres”, tome VI, Vrin, CNRS, 1996).Si l’on reprend l’expression “ chacun pense

en être si bien pourvu”, on relève d’embléel’anomalie qui justifie l’utilité pour Descartesde rédiger le “Discours de la Méthode”.L’anomalie est criante au grand jour, puisqueDescartes n’écrit pas “Le bon sens est lachose du monde la mieux partagée : chacunen est si bien pourvu”. C’est bien-là un hiatusentre ce que l’on pense être et ce que l’on esten fait ; un hiatus entre le fait d’êtreraisonnable et la mise en œuvre rationnellede cette “raisonnabilité” ou tout au moinscette potentialité mentalo-existentielle. Et,c’est entre ces faits et statuts de représenta-tion mentale que s’inscrit la raison d’être dudiscours de la méthode, discours qui traduitl’actualisation de la puissance de la raison enacte et du raisonnable en rationnel.

Les données théoriques que nous venonsd’examiner nous amènent à considérer que lepropre de la méthode est précisément ce quipermettra de combler l’hiatus entre unecapacité de raisonner également partagéeentre tous les hommes et le jugementrationnel réservé à ceux qui suivent la méth-ode : “ La puissance de bien juger, et dis-tinguer le vrai du faux, qui est proprement cequ’on nomme le bon sens ou la raison, estnaturellement, égale entre tous les hommes ;et la diversité de nos opinions ne vient pas dece que les uns sont plus raisonnables que lesautres, mais seulement de ce que nous con-duisons nos pensées par diverses voies et neconsidérons pas les mêmes choses”,Descartes cité ci-dessus.

Ces considérations théoriques ont permisà Descartes de considérer que “Ce n’est pasassez d’avoir l’esprit bon, mais le principal estde l’appliquer bien”. En d’autres termes, l’uni-versalité du bon sens chez tous les hommesn’empêche pas l’inégalité des esprits dansleurs aptitudes à bien l’exercer, d’où la néces-sité du discours sur la méthode pour actualis-er la puissance de la raison en acte rationnelet renforcer ses processus et sa dynamiqueconceptuelle afin d’exploiter au mieux lespotentialités de l’esprit.

Autrement dit, Descartes et Socratereconnaissent que la raison ou le bon sensest la différence spécifique qui distinguel’homme des bêtes. Mais, si Descartes nereprend pas la définition aristotélicienne del’homme comme animal raisonnable, il enaccepte dès le début du “ Discours de laméthode “ le contenu. En effet, il donne le ton

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dès le début de son texte : “ car pour la raisonou le sens, d’autant qu’elle est la seule chosequi nous rend homme, et nous distingue desbêtes, je veux croire qu’elle est tout entièreen un chacun. “ Cependant, Descartes en faitune promesse que l’homme instruit de laméthode, doit tenir, afin, ne se contentant pasd’appartenir à l’espèce humaine, d’acquérirsa dignité proprement humaine qui est pré-cisément d’exercer sa raison, ce qui consisteà bien juger et à bien distinguer le vrai dufaux. En somme, Descartes incite l’être

humain à penser par la médiation du bonsens et de bien appliquer la méthode. Unepareille conception apparaît clairement dansla formule suivante : “On ne naît pas homme,on le devient”.

Le diagramme d’Alain Rey (Diagrammemodifié) proposé ci-dessous et le diagrammede la langue arabe tel que nous l’avonsrésumé, nous permettront de présenter cer-tains des sens et certaines des idées quitraduisent le sens dans certaines langues.

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1- Diagramme de Ray

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Les deux diagrammes présentés ci-dessus montrent bien la difficulté à cerner defaçon très précise l’utilisation de l’expression“BON SENS”. Mais, en dépit de la multituded’utilisation de cette notion, il ressort une cer-taine concordance entre les langues.

Bon sens et culture scientifique :

L’histoire des démêlées de la pensée sci-entifique avec le sens commun est unebonne illustration des ambivalences qui car-actérisent ces deux champs de la connais-sance humaine.

Dans la “Formation de l’Esprit scien-tifique”, le philosophe français GastonBachelard a pu montrer comment les con-cepts des sciences classiques se sontimposés, au 17ème et 18ème siècles, contre desnotions et conceptions communes engen-drées par des idées reçues, des représenta-tions mentales particulières et des analogiesplus imaginatives que raisonnées. Des con-

flits de même nature peuvent être constatésdans bien des chapitres de la science con-temporaine. L’exemple de la résistancequ’oppose le public, mais aussi des scien-tifiques, à certaines connaissances nouvellesillustrent bien la virulence des propos et desagressions qui portent atteinte à la dignité,parfois même à l’intégrité physique de cer-tains chercheurs. Le bon sens semble, dansplusieurs de ces cas ne plus jouer ce rôlerégulateur que lui faire jouer les penseurs etles philosophes, et à un certain degré unebonne couche de ceux qui s’octroient le pou-voir et le privilège de décider entre ce qui estbon et ce qui est mauvais pour l’humanité.

Nous allons essayer dans ce qui suit d’il-lustrer les considérations développées ci-dessus en examinant l’excellent exemple dela théorie de la relativité, bien entendu, sansentrer dans les détails. En effet, la théorie dela relativité, sous ses deux formes générale etrestreinte, constitue un excellent exemple.Les opposants à cette théorie invoquent le

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2- Diagramme de la langue arabe

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bon sens ou le sens commun. Le sens est icientendu comme la simple raison naturelle,pour s’élever contre des notions théoriques,abstraites et purement mathématiquestraduisant l’espace-temps relatif de la relativ-ité restreinte ; la courbure de l’espace de larelativité générale, etc. Par contre, les parti-sans et les défenseurs de la théorie de la rel-ativité invoquent dans leurs répliques unautre concept de bon sens. Un bon sens quis’appuie sur une analyse plus critique, surtoutinnovante, pour justifier les nouvelles concep-tions et les nouvelles frontières des connais-sances scientifiques développées. Un bonsens qui permet entre autre de promouvoirles potentialités intellectuelles et cognitivesde l’humanité et d’aider à faire comprendre etassimiler ces connaissances et, par exten-sion, de les faire intégrer dans la culturegénérale de l’actuel commun des mortels,une culture qui devrait être caractéristique del’homme éclairé et qui évolue convenable-ment avec son époque.

C’est ainsi qu’il a été possible de se don-ner une description théorique des systèmesdéveloppés dans la théorie de la relativité. Eneffet, la théorie quantique sous ses diversesformes (mécanique, quantique, théorie quan-tique des champs, etc.) constitue unedescription qui, sous différents rapports,s’avère incroyablement plus précise et pluscontraignante (ou plus prédictive) que cellede la physique classique. Tous ces conceptscomplexes de temps, d’espace et de vitesses’intègrent dans des dimensions où l’hommen’est plus esclave de ses sens, mais où iltend à devenir le maître-penseur poussantson intellect et son intelligence à faire reculerle plus loin et le mieux possible certaines deslimites du savoir et de la maîtrise desphénomènes en exploitant au maximum lesobjets et les outils mathématiques et lesreprésentations mentales nouvelles quiaideraient à générer, à restructurer, à con-ceptualiser et à prédire la dynamique desphénomènes en fonction de paramètreshypercomplexes.

Toutefois, la connaissance rationnellethéorique du domaine quantique, quiéchappe aux sens et au sens commun, estdonc possible et sa communication par l’en-seignement bénéficie désormais d’unelongue et riche expérience. Cependant, unequestion fondamentale demeure posée, il

s’agit de savoir quel est le statut du bon sensdans cette connaissance rationnellethéorique ?

Beaucoup de scientifiques et d’historiensdes sciences relèvent une distinction radicaleentre une communication avec le public qu’ilsconsidèrent comme pratiquement impossibleet une autre avec les scientifiques spécial-istes du domaine. La première serait condi-tionnée par l’impuissance du bon sens ou dusens commun à accéder au niveau d’abstrac-tion et de conceptualisation exigé. La sec-onde est déterminée par la culture scien-tifique générale ou spécialisée et des poten-tialités intellectuelles et cognitives globalesou spécifiques des spécialistes (mais nonréservée) propres aux manipulations desobjets physiques et mathématiques enrecourant à un formalisme de la théorie quan-tique et sur le savoir-faire expérimental, quiseuls sont en mesure de recouvrer le sensphysique et d’en rendre compte.

On ne peut qu’être d’accord avec MichelPaty lorsqu’il considère que tout cela sembleartificiel étant donné que les spécialistes ensciences physiques et particulièrement ceuxdu domaine quantique ne sont que deshommes et ne sont pas constitués d’uneétoffe autre que celle de l’honnête homme oul’homme de la rue ou encore le commun desmortels. En effet, ces physiciens éprouventeux aussi la nécessité de comprendre intu-itivement et synthétiquement ce qu’ils abor-dent de manière technique, en recourant bienentendu aux outils les plus puissants issus duformalisme mathématique et de l’expérimen-tation. C’est bien-là toute la question de l’in-terprétation des phénomènes physiques,mais aussi culturels, et d’abord de la forme laplus simple, l’espace-temps, avec sonappareil théorique abstrait et ses expériencesparadoxales telles qu’étudiées par le physi-cien et perçue par tout un chacun.

De l’aveu même de différents spécialistesen sciences physiques, les soucis d’interpré-tation tels qu’exprimés par les physiciens nesont pas au fond différents de ceux del’homme de la rue. L’un et l’autre essayentde faire comprendre simplement, intuitive-ment, à tout esprit raisonnable ou non recon-nu en tant que tel, ce qu’est un phénomènephysique. La construction et l’interprétationse font chez le physicien au prix d’un effortd’intégration intellectuelle des divers élé-

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ments conceptuels, théorique, expérimentauxou simples et communs perçus par les sensaidés d’un processus intellectuel-cognitif intu-itif voire émotionnel, aboutissant à une con-struction rationnelle du phénomène. Celasemble, en apparence, différer du type deconstruction du savoir réalisé par le profane àpropos du même phénomène. En effet, chezce dernier les choses se réalisent en fonctiond’une procédure, d’une construction et d’uneinterprétation dont les éléments constitutifssont plus liés au sens, à l’émotionnel et danscertaines situations elles sont très imbriquéesà l’irrationnel.

Le scientifique au même titre que le pro-fane, vise à générer une connaissance pourinterpréter les phénomènes et leurdynamique dans l’écosystème et l’espace-temps proche et lointain. Ceci nous incite àfaire l’hypothèse que l’émerveillement du sci-entifique devant l’immensité et l’incommen-surabilité de l’univers, ne dépasse pas enprofondeur et spécificité émotionnelle et exis-tentielle celle du profane. Au contraire, pardifférents aspects il la rejoint, car une bonnepart de ce qu’il ressent, face auxphénomènes même mathématisés, demeureaussi tributaire de ses émotions et de sa rela-tion à l’écosystème. La différence résideraitdans le rapport au savoir et à la constructionde ce savoir. Le scientifique investit un intel-lect et par conséquent élabore une intelligibil-ité reposant sur la possibilité de la reproduc-tion des événements constitutifs duphénomène physique et la maîtrise desparamètres réels ou postulés en rapport avecce phénomène. Quant au profane, il mobilisebeaucoup plus les affects et la reproductiondes événements reste pour lui tributaire desprocessus de contagion qui stimulent etgénèrent un savoir basé sur les sens et lesmécanismes de perception immédiate quiintègrent un raisonnement fondé uniquementsur l’affectif, l’émotionnel et le perceptif sansaucun souci de maîtrise des conditions dereproduction.

Ainsi, l’un et l’autre, chacun recourant àses propres stratégies de traitement de l’in-formation vise à comprendre véritablementles phénomènes physiques, lesquels luideviendront pleinement intelligibles. Les deuxtypes d’assimilation construisent, pour soi,une représentation mentale constitutive d’unsavoir taxé, soit de scientifique pour l’homme

de science et reconnu en tant que tel parl’ensemble des hommes, soit de savoir com-mun, plus ou moins erroné, propre àl’homme de la rue.

L’acception de pareils développements,somme toute théoriques, nous permet deconsidérer que le dessein de chacune desreprésentations mentales scientifique oucommune génère une assimilation qui s’éla-bore à partir de mécanismes mentaux qui, seressemblent par différents aspects, mais dontla nature, la portée et la pertinence desmécanismes de traitement de l’informationdiffèrent. Les représentations respectives quisont élaborées constituent la base d’unecompréhension à faire partager avec le plusgrand nombre de personnes douées de rai-son et d’un peu de bonne volonté pourapprendre et s’ouvrir sur la connaissancequ’elle soit scientifique ou commune.Autrement dit, être capable d’élaborer unecertaine vision du monde, laquelle permettrade se détacher au maximum de l’irrationalitéqui déteint sur plusieurs phénomènes intra-culturels ou interculturels. En fait, de pareillesaptitudes aboutissent à inscrire l’homme, sci-entifique ou profane, dans une démarche derecherche objective lui permettant d’accéderà l’instauration d’un bon sens, dont l’essenceréside dans le corpus spécialisé et globalreconnus en tant que savoirs universels con-stitués d’informations et d’affects quiregroupent les hommes et, par extension, lescultures et civilisations qu’ils ont pu forgées àpartir des éléments intellectuels, cognitifs etémotionnels, bases essentielles de la raisonet de la rationalité, même approximative. Sice qui est élaboré globalement ou spécifique-ment est compris, il peut présenter un sens,un bon sens, et la reconnaissance de l’ex-pression bon sens déterminerait, de ce fait, lacapacité universelle propre à l’homme depercevoir la raison des choses et desphénomènes.

Ainsi, l’intelligibilité par les scientifiquesou les profanes des phénomènes et des loisdes systèmes physiques qui en sont le siège,rencontre à un moment ou à un autre, laquestion de l’assimilation par le bon sens,tout autant que peut la rencontrer la commu-nication de ces phénomènes au niveau desdifférents groupes scientifiques, sociétés etcultures.

On constate donc, dans les deux types

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d’interprétation, voire dans la plupart desinterprétations des phénomènes, que le bonsens doit subir des modifications pour intégr-er et communiquer des connaissances ;quelles soient scientifiques et rationnelles oucommunes et générées de conceptionsambiguis et irrationnelles. Il se forme, enquelque sorte, une intelligibilité intuitive desconcepts qui dans la phase d’apprentissageinstaure une différence de taille entre lerationnel et l’irrationnel. En effet, si le savoirscientifique semble émaner d’un ensemblede processus mentaux et de pratiques réal-isés selon des étapes qui ont, dans le passé,pris plusieurs siècles mais qui, de nos jours,ne durent au plus que quelques mois, lesavoir commun, pour ne pas dire populaire,demeure incroyablement lent et sujet à desreprésentations dichotomiques, le plus sou-vent matérialisant des différences flagrantesentre les cultures et les personnes à l’in-térieur d’une même culture. En outre, si lescientifique opère en transformant “son pro-pre bon sens” en comprenant de manièresynthétique et directe la signification desgrandeurs théoriques en termes dephénomènes, le profane opère de façonapproximative et indirecte, et surtout en ter-mes d’événements extraordinaires ou para-normaux.

En fait, cette façon d’opérer n’est pas dutout l’apanage du profane ou de l’homme dela rue. L’étude de plusieurs cas montre queles scientifiques peuvent eux-mêmes se com-porter de la sorte. Cependant, ils intègrentleur irrationalité dans une démarche de celuiqui n’investit pas les choses en tant que croy-ant et n’y adhère pas sans preuve éprouvéescientifiquement et à l’extrême expérimen-talement ; donc, en tant que chercheur quiélabore des hypothèses de travail, d’explica-tion et d’interprétation des événements afinde les faire évoluer en phénomènes intelligi-bles.

Bref, le scientifique en opérant uneanalyse des phénomènes et particulièrementen les créant, les matérialisant et les manipu-lant expérimentalement, il les structure enune intelligibilité intuitive qui forge les con-cepts spécifiques à son domaine derecherche. Ainsi, il dépasse les conceptsclassiques ou les connaissances communesou irrationnelles et son interprétation nou-velle ne passe plus par les concepts clas-

siques ou communs. Le scientifique n’a plusà s’étonner des événements, car il les a inté-grés dans le cadre de phénomènes expéri-mentalement reproductibles et, par con-séquent, ceux-ci ne peuvent plus heurter lesens commun ordinaire, parce qu’ils se pla-cent de plein pied dans un système con-ceptuel dont la reproductibilité est possible etrelativement maîtrisable. La reproductibilitéconstitue un des fondements de la théorie quipermet à son tour de concevoir, à partir deconcepts éloignés et de représentations clas-siques des phénomènes, des conceptsélaborés et des représentations et de con-naissances nouvelles qu’il lui est alors possi-ble d’appréhender, de comprendre, d’expli-quer et de faire apprendre. Mais, pour faireapprendre les nouvelles notions, il apparaîtindispensable de rapporter ces connais-sances à un voir immédiat, celui des instru-ments d’observation.

Par contre, la compréhension familièrenon soumise aux données classiques résulted’une assimilation théorique qui nécessiteque l’on se débarrasse des structures menta-lo-informationnelles pré-existentes et descontraintes du bon sens antérieur qui endécoule afin d’accéder à une rationalité plusimmédiate traduisant le mieux possible l’étatdes représentations et des connaissancesnouvelles. Il n’est donc plus besoin d’inter-prétation supplémentaire, car l’accès à larationalité immédiate donne directement l’in-telligibilité des concepts et des phénomènes,ce qui contribue à la consolidation d’unestructure nouvelle de savoir et par extensiond’une structure mentalo-informationnelle nou-velle de la rationalité élargie.

C’est bel et bien à ce niveau que l’on peutpostuler l’existence d’un va et vient entre larationalité et l’irrationalité. Si l’on jette unregard très rapide sur l’évolution des culturesou tout simplement la culture humaine, onconstate que le rationnel semble évoluer audétriment de l’irrationnel. Nous n’entendonspas par ces propos que l’irrationnel a cédé laplace au rationnel ; loin de là, mais qu’avecles progrès scientifiques et technologiques, lerationnel semble occuper un peu plus d’e-space, à des degrés différents, dans toutesles cultures et civilisations humaines.

Il nous reste, à présent, un autre point àexaminer et à discuter en relation avec l’intel-ligible, le bon sens et l’évolution de la con-

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naissance humaine. Il s’agit de la place del’intelligence et de tout ce que cette fonctionsupérieure peut susciter d’extraordinaires oud’immonde.

L’intelligence, la grande ou la petite intel-ligence, le génie ou l’idiotie suscitent dif-férentes réactions et entraînent des événe-ments plus ou moins acceptés par le bonsens. L’intelligence, la grande intelligence, legénie font peur car s’ils peuvent à l’origine detoutes les innovations, de toutes les con-structions et de toutes les structurations desmentalités humaines ; ils peuvent égalementêtre à l’origine de toutes les contradictions, detous les mépris, de toutes les subversions etde toutes les destructions.

L’ambivalence de la réaction face auxidées intelligentes nouvelles, donc de l’activ-ité intellectuelle dynamique de tout homme,est fort déroutante. D’une part, tout hommedoué de raison tendrait à croire en la puis-sance de l’intelligence humaine et n’hésiteraitpas à la considérer comme l’uniquephénomène psychologique à l’origine desprogrès que l’humanité a pu faire depuis lanuit des temps.

Cependant, un constat flagrant conduit àrelever que l’ambivalence de la réaction est,le plus souvent, le fait d’institutions qui con-sidèrent toute idée innovatrice comme l’indi-cateur et les prémisses d’une action destruc-trice. L’institution scolaire “Ecole” en est unexemple. En effet, l’école tout en prétendanttransmettre le savoir et faire acquérir lesbases de la culture scientifique, littéraire,artistique et humaniste aux générations mon-tantes, elle fait tout pour se débarrasser desélèves qui sont considérés comme faibles etles orientent vers d’autres institutions. Pourd’autres élèves, malheureusement plusieurscas sont vraiment des élèves surdoués, l’é-cole recourent purement et simplement à leuréjection vers la rue, car leur intelligence aiguidérange par son bouillonnement, sa vivacitéet ses interrogations, surtout les enseignants.C’est ce qui justifie une hypothèse que nousavons émise il y a bien plusieurs années :“l’Ecole vénère les élèves moyens ou un peuplus que les moyens et a horreur des élèvesdoués et surdoués” . Cela confirme aussi quel’école s’avère l’institution la plus conserva-trice dans une culture donnée et, ainsi,lorsqu’elle prétend vouloir diagnostiquer lessurdoués, c’est tout simplement pour s’ac-

corder une part de ce bon sens auquel aspiretoute culture et société.

Par contre, il existe, d’autres institutionsqui développent de fines stratégies etdéploient de grands moyens pour attirer etprotéger les intelligences dans quelquedomaine que ce soit. Ces institutions se car-actérisent par le fait qu’elles constituent desespaces-temps dont la mission fondamentaleest celle de recourir à la chasse des idéesnouvelles, innovantes et prometteuses pourtous les secteurs de l’activité humaine,indépendamment de leur origine et de l’e-space géographique, socioculturel et eth-nique d’où elles émanent. Ces institutionscombattent réellement le gaspillage de desressources intelligentes, au contraire, ellesconsidèrent que tout individu doué d’intelli-gence est unique au sein de l’humanité et cestatut lui octroie non la protection avilissantemais la mise en place de tous les moyenspour stimuler et activer ses potentialités. Ensomme, l’intelligence constitue pour ces insti-tutions une fonction supérieure indispensableau progrès de l’homme, de sa société.

Cependant, à côté des précédentes insti-tutions, on rencontre d’autres qui voient dansl’intelligence une force maléfique, dan-gereuse, voire satanique, que la naïveté, lasimplicité d’esprit et la pureté du cœur pour-ront combattre et parfois vaincre. C’est bienlà un étrange paradoxe qui nous pousse àévoquer la formule consacrée de Rabelais“Sciences et conscience ne sont que ruine del’âme”. Les événements politiques, scien-tifiques, économiques, sociaux et culturelsqui bouleversent quotidiennement la vie dedifférents peuples, voire de différentes civili-sations montrent qu’une telle formule estd’actualité et incitent à approfondir la notionde bon sens dans ses interactions avec lascience, la littérature, la culture et la politiqueet, surtout avec la politique de la science, lapolitique de la littérature, la politique de la cul-ture et la politique de la politique.

A ce niveau de développement de ce tra-vail, nous ne pouvons passer outre certainesdes idées relatives à la culture arabe et l’im-portance de l’expression de bon sens qui lacaractérise.

La culture arabe et le bon sens qui la spé-cifie ne peuvent êtres jugé à l’aune de la cul-ture occidentale. L’une et l’autre culture, demême que les autres cultures appartiennent

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à la Culture Humaine. Et, tout bon sensémanant de m’importe quelle culture est unconstituant, non l’unique constituant, du bonsens de l’humanité.

La rationalité, le relativisme et le bon senssont les sources intarissables qui doiventabreuver l’homme actuel en tant qu’êtresocial, scientifique, artistique, culturel et poli-tique. La rationalité et le relativisme doiventl’éclairer dans sa structuration d’un bon sensqui le met en harmonie avec lui-même, l’autreen tant qu’être humain et la civilisation immé-diate, voisine ou lointaine qui conditionne sonexistence.

L’homme dans toutes ses dimensions esten perpétuelle interaction avec l’expressionde bon sens. Plus la résultante s’approched’une formule heureuse, plus sa personnes’inscrit dans une existence dynamique et, saculture s’avère des plus fructueuse et, parconséquent, le bon sens qui caractérise cetteculture évolue positivement et interagitcomme il se doit avec le bon sens des autrescultures. Par contre, plus la résultante déclinevers les sphères négatives, plus le bon sensou ce qui semble être un bon sens, se dérè-gle et de ce fait dérègle le bon sens de sa cul-ture et la conséquence en est le clivageabsurde qui s’instaure entre sa culture et lesautres cultures.

L’homme arabe en tant qu’être socialcivilisé appartenant à une culture qui con-tribue toujours à l’enrichissement de l’human-ité, en dépit de certains arabes qui eux-mêmes se montrent très sceptiques là-dessus et qui se sont faits piégés par l’actionde certains groupes anti-arabes, sionistes etautres groupes (des arabes eux-mêmes sontdevenus anti-arabes) qui ont dénaturé le bonsens et l’importance du bon sens humaindans la culture arabe pour en faire un nonsens, voire un archaïque sens ou pire quecela un sens bestial donc animal lié unique-ment à la consommation et au sexe.L’homme arabe en tant qu’être culturel appar-tenant à une société civilisée a le devoir detraduire les valeurs de sa société et de sa cul-ture dans ses interactions avec les autres ausein de sa société et des autres sociétés etcultures.

Le bon sens qui spécifie sa culture nepeut et ne pourra nullement être l’objet dequelque marchandage que ce soit, la culturearabe appartient à l’humanité et en cela elledemeure relative et donc non absolue, demême que le sont les autres cultures,lesquelles ne peuvent et ne doivent en aucunprétendre à la supériorité ou à l’absolu. Plusle bon sens l’emporte sur le racisme et la dis-crimination, plus l’humanité tendrait réelle-ment à la promotion de l’humanisme et la dig-nité de l’homme.

Bibliographie:

1- Aristote (1995),- La Politique. Livre I,Bibliothèque des Textes Philosophiques. Edit.Vrin, Paris, France.

2- Bachelard G. (1986),- La formation de l’EspritScientifique. Edit. Vrin, Paris, France.

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5- Habernas J. (1978),- L’Espace Public:Archéologie de la Publicité comme DimensionConstitutive de la Société Bourgeoise. Edit.Payot.

6- Langevin P. (1923),- La Physique depuis vingtans. Edit. Douin.

7- Meyrson E. (1992), -La déduction relativiste.Edit. Jacques Gabay.

8- Paty M. (1988),- La Matière Dérobée. -L’appropriation critique de la PhysiqueContemporaine. Edit. des ArchivesContemporaines, Paris.

9- Paty M. (1999),- Are Quantum Systems PhysicalObjects with Physical Properties? In EuropeanJournal of Physics.

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13- Rey A. (2001),- Le Grand Robert de la LangueFrançaise, sous la Direction d’Alain Rey.

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