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Gérer le risque dans les projets de e-learning

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SCIENCES PO RENNES — MASTÈRE RISK AND QUALITY MANAGEMENT — MAPE 2

Gérer les risques d’un projet eLearning

Charles-Axel [email protected]

Paris (France) — Février 2010

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Table des matières

I. INTRODUCTION 2

II. ANALYSE DES RISQUES 3

A. Les risques ayant trait à la plateforme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1. Les risques économiques et financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

2. Les risques sociaux et politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

3. Les risques environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

4. Les risques techniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

5. Les risques légaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

B. Les risques pédagogiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

1. Les risques du business as usual . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

2. Les risques d’une approche sans discernement . . . . . . . . . . . . . . . 10

3. Les risques propres aux spécifications fonctionnelles . . . . . . . . . . . 11

III.CONCLUSION 13

BIBLIOGRAPHIE 14

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I. Introduction

Les nouvelles technologies occupent désormais une place considérable dans tout un en-semble de domaine. Il en est un néanmoins où elles peinent à s’imposer : très paradoxalement,l’éducation et la pédagogie boudent encore l’usage des NTIC (nouvelles technologies de l’in-formations et de la communication). On peut faire l’hypothèse que l’éducation est définie pardes paradigmes très stables ; on conçoit donc aisément que l’innovation, en ce qu’elle est dé-stabilisante, rencontre une très forte résistance au changement.

On peut tout aussi bien diagnostiquer une offre insuffisante en terme de logiciels, de re-tour d’expérience et de littérature (par ailleurs principalement anglophone) traitant le sujet del’eLearning. La cause en est peut-être les opportunités économiques limitées, et les contraintestechniques encore trop présentes. Le but de ce document est de traiter de manière aussi ex-haustive que possible le sujet de la gestion des risques de projet eLearning.

Méthode utilisée. Afin de constituer un cadre d’analyse aussi large que possible et re-groupant toutes les problématiques, j’ai séparé les risques liés à la plateforme proprement dite(§A.), c’est-à-dire à la forme prise par le eLearning. Mais j’ai aussi souhaité considérer soncontenu pédagogique (§B.) : sans une ré-évaluation du contenu la pertinence du eLearning esttrès limitée, et il serait plus que dommage de ne pas profiter des innovations qu’offre Internetpour rendre un cours plus passionnant et plus compréhensible...

Afin de déceler les risques, je me suis basé, dans une certaine mesure, sur l’expériencedu site écofi.biz, un site école de la section Écofi de Sciences Po Rennes. J’ai aussi utilisé lesméthodes apprises au sein du mastère Risk & Quality Management (IEP Rennes) et du mastèreTechnologie & Management (École Centrale Paris). Plutôt que de se limiter à une définitionprécise du eLearning, toutes les solutions visant à faciliter l’apprentissage à distance grâce àInternet seront étudiées.

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II. Analyse des risques

A. LES RISQUES AYANT TRAIT À LA PLATEFORME

1. Les risques économiques et financiers

Les NTIC sont caractérisées par une très faible intensité capitalistique, ce qui peut contri-buer à diminuer la portée du risque exprimé en termes financiers. Néanmoins, les besoins encompétences et en personnel peuvent avoir une incidence très forte sur le projet, car il estprimordial de se donner les moyens d’atteindre les objectifs fixés.

Mesures préventives Application de la méthode projet avec la plus grande rigueur (bud-get). Les coûts cachés des solutions devront être tout particulièrement analysés.

Mesures correctives Étudier sérieusement la mutualisation avec d’autres établissementsou d’autres entités (collectivités territoriales, acteurs privés). Revoir le binôme délai-qualité.

La mise en place et la maintenance de l’application. Des solutions gratuites de plate-forme eLearning existent, de qualité plutôt inégale. Un outil gratuit ou de faible coût ne doitd’ailleurs pas cacher l’existence de coûts cachés : installation du serveur et de l’applicationproprement dite, réglages, transfert de données existantes sur le nouveau système. Si le projetest réalisé en interne, il peut nécessiter des ressources conséquentes, notamment humaines.

Une plateforme doit être vivante et il n’est pas possible d’espérer que l’application soitexempte de bogues dès la première version. Tout projet informatique nécessite un prise encompte du processus de mise à jour, ainsi qu’un outil pour détecter les erreurs ou permettreaux utilisateurs de les signaler. Ceci implique un investissement régulier, dont le coût ne devraitpas être très important.

Un autre aspect à prendre en compte est la montée en charge de l’application. Un plusgrand nombre d’utilisateur risque d’induire des ralentissement inacceptables sur le site : ilfaudra donc considérer une (coûteuse) mise à jour régulière de la puissance de l’hébergement(trafic, charge serveur, temps CPU disponible...).

Mesures préventives Le choix d’un module eLearning devra bien entendu évaluer le coûtet les fonctionnalités, mais aussi la rapidité des mises-à-jour, la qualité du service de main-tenance, la mise en place de techniques de programmation « agiles » (notamment en ce quiconcerne les procédures de tests)...

Mesures correctives Le projet ne laissera pas beaucoup de marges de manoeuvre en termede surcoûts...

L’hébergement. Les coûts d’hébergement sont devenus très raisonnable, néanmoins enfonction des fonctionnalités demandées, il peut augmenter assez rapidement. Ceci est d’autantplus vrai que les limitations concernent notamment l’espace disque et la trafic : un héberge-

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A. Les risques ayant trait à la plateforme

ment mal dimensionné pourra générer des surcoûts importants en cas de dépassement régulierdes quotas achetés.

Mesures préventives Le dimensionnement d’un hébergement est un problème difficile àprendre en compte. Choisir le moins disant peut se révéler désastreux sur le long terme, car lamontée en charge peut requérir de nouvelles capacités plus rapidement que prévu.

2. Les risques sociaux et politiques

Il n’est pas possible de dresser une carte des partenaires afin de voir, a priori, quelle sera lecomportement des acteurs individuels vis-à-vis du projet. Il est néanmoins possible de caracté-riser les comportements non souhaités et les niveaux d’engagement équilibrés.

La résistance au changement. L’innovation implique une résistance au changement :« New opinions are always suspected and usually opposed, without any other reason but be-cause they are not already common » (John Locke, An Essay Concerning Human Understan-ding). Celle-ci est logique car la plupart du temps les individus ont un intérêt à la résistance.Les comportements néfastes pourront donc osciller entre plusieurs niveaux :

1. Attentisme

2. Méfiance

3. Défiance

4. Combat

Mesures préventives La conduite du changement ne s’improvise pas. Il faut la prendre encompte le plus tôt possible et de la façon la plus rigoureuse possible. Des méthodes comme lacarte des partenaires peuvent donner de bon canevas.

Mesures correctives Revoir la carte des partenaires et le plan de communication du projet.Décider des bonnes actions à entreprendre en fonction du comportement à l’égard du projet.

Des niveaux d’engagements déséquilibrés. En parallèle, tous les acteurs doivent se sentirconcernés par un tel outil. L’eLearning ne doit pas être considéré comme « l’intendance ». Unbon équilibre pourrait être le suivant :

– Professeurs : engagement– Étudiants : assiduité– Direction : soutien politique et financier– Service informatique : soutien techniqueDans le cas contraire, la viabilité du projet serait très gravement remise en cause. Un tel

déséquilibre pourrait aussi créer des dysfonctionnement à l’extérieur du projet, par exempleune mise à l’écart des professeurs ou étudiants n’utilisant pas les outils mis en place.

À contrario, l’un des autres risques du projet serait une trop grande dématérialisation deséchanges. Même si ce risque est peu probable, il pourrait conduire à une désagrégation du liensocial au sein de l’école.

Mesures préventives Intégrer tous les acteurs dès le début du projet. Fédérer les acteursau sein de groupes de travail. Donner une claire répartition des rôles.

Mesures correctives Vérifier l’intérêt du projet dans des termes pédagogiques. Associer lesdifférents acteurs à cette réflexion.

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A. Les risques ayant trait à la plateforme

3. Les risques environnementaux

Les data centers consomment beaucoup d’énergie et nécessitent des environnement contrô-lés (notamment leur température).

Mesures préventives Mutualiser. Avoir recours à des prestataires externes. Utiliser dessolutions de type cloud computing 1 ou SaaS 2.

4. Les risques techniques

Ce sont certainement les risques les plus importants et les plus difficilement maîtrisables.

Le piratage. D’après Cannings et al. [2008, p. 4], « le Web 2.0 se contente d’allonger lalongue liste des dangers susceptibles d’apparaître sur des applications web ». En ce qu’elles ontde plus en plus recours aux innovations web, les plateformes actuelles peuvent présenter desbackdoors et des failles. Si elles sont exploitées par une personne malintentionnée, le risquepeut être sans limite pour l’école : utilisation de la plateforme pour diffuser des contenusillicites, récupération de données confidentielles, destruction de travaux...

Mesures préventives S’entourer de spécialistes de la sécurité, ne choisir que des appli-cations éprouvées, mettre en place des procédures rigoureuses notamment contre l’ingénieriesociale 3.

Mesures correctives Faire un audit de la sécurité.

Une IHM (interface homme-machine) inutilisable. De nombreux projets informatiquesse transforment peu à peu en usine à gaz, du fait de l’ajout constant de fonctionnalités sansréelle utilité. Un tel travers pourrait rendre le site de moins en moins utilisable, et augmenterconsidérablement le nombre de bogues. Des entreprises comme Google ou Apple ont biencompris cette problématique et choisissent volontairement de négliger 20 % des besoins pourse concentrer sur les options les plus nécessaires. De cette façon, les interfaces restent intuitiveset agréables à utiliser. Une interface ennuyeuse méconnaitrait aussi les dernières innovationsweb ; il n’est pas interdit d’avoir des fonctionnalités plus divertissantes.

Le design est un aspect fondamental du eLearning : il s’agit de répondre aux besoins, d’unefaçon pertinente.

Mesures préventives Les spécifications devront être définies de façon robuste (méthodeQFD) et ne pas être modifiées une fois le projet commencé. Constamment revenir au besoindes clients et utilisateurs finaux (professeurs, étudiants, administration). Appliquer le principe« KISS » (« keep it simple, stupid ! « ). Utiliser les techniques de programmation agile pour leprojet : elles requièrent notamment de fréquent échanges en concepteur et utilisateur, pourque le second puisse faire régulièrement part de ses observations.

Mesures correctives Simplifier l’existant, par exemple avec une méthode comme le ra-soir d’Occam. Effectuer un audit des fonctionnalités. Demander des retours d’expérience desutilisateurs réels.

1. Le cloud computing ou informatique dans les nuages consiste à mettre en commun un grand nombre deserveurs reliés grâce à Internet, et à partager leur ressource accessibles à partir d’un navigateur web.

2. Le software as a service consister à louer l’utilisation d’un logiciel hébergé chez un prestataire, plutôt que del’utiliser comme un produit (installation, configuration, maintenance réalisée sur place).

3. L’ingénierie sociale consiste, pour le pirate, en l’utilisation du facteur humain pour trouver une brèche dansle système informatique. Par exemple, se faire passer pour un employé du service informatique et demander le motde passe d’accès à telle ou telle ressource.

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A. Les risques ayant trait à la plateforme

Des fonctionnalités inopérantes. La complexité d’un projet de eLearning, ainsi que legrand nombre de fonctionnalités, impliquent une gestion rigoureuse. En effet, il peut se passerun certain moment avant qu’un dysfonctionnement ne soit détecté.

La documentation est un aspect connexe : il faut qu’elle soit rédigée convenablement.Dans le cas contraire, la plateforme risque d’être difficile à utiliser.

Mesures préventives Mise en place des principes de programmation agile (notamment :tests exécutés automatiquement à chaque mise à jour). Les espaces permettant aux utilisateursde signaler des bugs devront être très simples à utiliser.

Mesures correctives Améliorer le projet, mettre à jour l’application, contacter le supporttechnique.

L’interopérabilité. La première guerre des navigateurs a eu pour conséquence la plus heu-reuse une reprise des efforts en termes de standardisation. Il est aujourd’hui facile de créer desinterfaces qui soient accessibles sans trop de modification à partir des navigateurs les plusutilisés : Firefox, Internet Explorer, Safari et Chrome. Il subsiste néanmoins des zones proprié-taires, mais HTML v5 devrait résoudre la plupart des problèmes dans ce domaine, en rendantnotamment le plugin Flash inutile.

L’interopérabilité concerne aussi l’accès à partir d’un mobile. Les ressources étant plus li-mitées sur ces interfaces, il peut être impossible de rendre possible leur accès au site de eLear-ning, ou nécessaire de développer d’autres versions allégées, ce qui peut s’avérer relativementcouteux.

Elle concerne enfin les formats des fichiers proposés sur le site : des formats proprié-taires exotiques empêchent les utilisateurs d’accéder aux ressources. L’utilisation de formatsfermés nécessitant l’installation d’applications payantes (Microsoft Word ou PowerPoint) peutrestreindre l’accès à ces dernières.

Mesures préventives Ceci n’exonère cependant pas de la mise en place, là encore, de testséprouvés pour vérifier qu’une nouvelle fonctionnalité ne rend pas l’interface plus instable voireinopérante sur un autre navigateur. Utiliser des standards ouverts (ODT, xHTML) ou tout aumoins répandus (PDF). Standardiser les formats utilisés.

Mesures correctives Mettre à jour l’application. Standardiser les formats utilisés et com-muniquer sur ce sujet. Favoriser l’usage de formats ouverts.

Le sous-dimensionnement. Ce sujet a déjà été évoqué dans la partie sur les risques finan-ciers, il est néanmoins évident qu’un sous-dimensionnement de la plateforme eLearning aurade grandes conséquences d’un point de vue technique : lenteurs, fonctionnalités de base nonprésentes, espace disque insuffisant, bande passante mal dimensionnée...

Mesures préventives Il est relativement difficile de prévoir les flux, par conséquent onveillera à laisser des marges de manoeuvre d’une part, et de prévoir une certaine évolutivité dela plateforme. Il est à noter qu’il est parfois plus facile de surclasser un hébergement sous-traitéqu’un hébergement interne, mais ce n’est pas une loi immuable. Apporter une attention touteparticulière au dimensionnement de la connexion réseau.

Mesures correctives La seule solution est de mettre à jour l’hébergement ou l’application.

Les pertes de données. Tout projet informatique doit comporter un volet sauvegarde,dans le cas contraire le risque de pertes de données, et les conséquences désastreuses qu’ilpeut avoir, est maximal.

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A. Les risques ayant trait à la plateforme

Mesures préventives Procédures de sauvegarde simples et surveillées. Redondance à l’ex-térieur de l’établissement (prestataire spécialisé dans la sauvegarde).

Mesures correctives Quasi-inexistantes ou en tout cas extrêmement coûteuses (il existedes sociétés spécialisées dans la récupération de données).

Les coûts de transfert technologique. Malgré les différentes initiatives comme celle duData Liberation Front, les coûts de transfert peuvent être très importants : par exemple, il peutêtre très difficile de migrer les données des cours existants sur une plateforme vers une nouvelleplateforme. Or certains choix technologiques peuvent se révéler désastreux à l’utilisation, ilfaut donc se ménager une certaine évolutivité.

Mesures préventives L’application étudiée est-elle opensource ? Utilise-t-elle des standardsouverts et reconnus ? La communauté d’utilisateurs est-elle importante ?

Mesures correctives Inexistantes.

Le manque de savoir-faire interne. Le eLearning peut impliquer l’utilisation de techno-logies très spécifiques, et nécessiter des connaissances étendues dans certains domaines. Cescompétences ne seront pas forcément trouvées en interne. Ceci est un risque car une tropgrande dépendance vis-à-vis de prestataires peut impliquer des incertitudes sur le coût, lesdélais et la qualité d’un projet eLearning.

Mesures préventives Formation des acteurs. Mutualisation des projets avec d’autres écoles.Mesures correctives Formation des acteurs. Embauche de personnel. Constitution de grou-

pes de travail et de bases de connaissance internes (knowledge management).

5. Les risques légaux

Les droits d’auteur. Même si elle touche tout aussi bien les cours dispensés directement,la question des droits d’auteur touche peut-être plus fortement l’eLearning. En effet, Internetfacilité grandement l’échange de données et la mise en ligne de document d’appuis aux cours.Ces documents sont la plupart du temps soumis au droit d’auteur : comment respecter cedernier et néanmoins fournir des apports diversifiés aux élèves ?

Mesures préventives Mise en place de procédure de vérification des sources. Informationdes utilisateurs

Mesures correctives Vérification des procédures en place. Réaction rapide aux mises endemeure.

Le contrôle des échanges. Les plates-formes eLearning fournissent la plupart du tempsdes espaces d’échanges, comme les forums, parfois publics. Une telle publicité implique lapossibilité de dérapages pouvant générer des plaintes pour diffamation ou injure. Même sila question de la responsabilité sur Internet n’a pas encore été réglée de façon complète, unétablissement pâtirait des effets de tels agissements.

Mais interdire ou contrôler très sévèrement les échanges peut grandement vider de son sensune interface d’eLearning : par exemple, une validation a priori 4 impliquerait des ressourcessupplémentaires à adjoindre au projet, et surtout un temps plus important de traitement descontributions. Ce n’est pas un hasard si la très grande majorité des réseaux sociaux ont fait

4. Les contributions sont validées avant leur affichage sur le site

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B. Les risques pédagogiques

le choix de contrôle a posteriori 5 : cela favorise bien évidement la vigueur et la rapidité deséchanges.

Mesures préventives La meilleure solution semble être la mise en place d’un contrôlea posteriori, qui concilie une certaine sécurité juridique 6 et laisse une grande latitude auxcontributions.

Mesures correctives Il conviendra de réagir très rapidement aux mises en demeure et auxsignalements.

L’encadrement légal du service public. Le service public éducatif est défini par la loi.Certaines de ses règles peuvent se trouver en porte-à-faux vis-à-vis d’un module sous formed’enseignement à distance. Sans rentrer dans le détail, on peut notamment penser aux règlesayant trait à l’évaluation.

Mesures préventives Bien étudier la question avant la mise en place du eLearning. De-mander l’avis des structures compétentes.

Le contrat avec le prestataire. Un contrat mal rédigé pourra avoir des conséquences trèsnéfastes sur le projet : par exemple, si la clause relative à la maintenance de l’applicationaboutit à dédouaner le prestataire, les dysfonctionnements peuvent s’accumuler. De la mêmefaçon, le prestataire doit pouvoir s’engager sur la disponibilité de son service.

Mesures préventives Bien analyser les clauses du contrat, s’entourer de spécialistes dusujet, ne pas sous-estimer la négociation.

B. LES RISQUES PÉDAGOGIQUES

Un projet d’eLearning n’est pas un projet classique : il implique une volonté de remettre àplat le contenu même d’un cours. En effet, les cours magistraux et l’eLearning n’ont absolumentrien en commun, ainsi que le montre la Table 1. Il convient donc de repenser totalement uncours qui serait transformé en module eLearning.

La Table 2 (inspirée de Nichols [2008, p. 3]) montre combien le eLearning est une fonctiondépendante de la pédagogie.

1. Les risques du business as usual

Un changement de paradigme. D’un point de vue pédagogique, le risque le plus pro-bable est certainement celui de faire comme avant. L’attitude business as usual consisterait àne changer que le support du cours et à considérer le eLearning comme une nouvelle façond’accéder à l’information, sans aucune incidence sur son contenu et sa diffusion. On conçoitimmédiatement que les supports n’en seraient que plus ennuyeux.

Or il est bien évident qu’Internet n’a pas uniquement facilité notre accès à l’information :il en a changé le contenu et la quantité de la manière durable, ce qui n’est pas sans incidencesur la pédagogie. La théorie connectiviste vise à prendre en compte cette nouveauté : l’unde ses présupposés est un environnement chaotique, une sur-abondance d’information et decomplexité. Il est difficile de renier ces adjectifs lorsque l’on pense à Internet ! Partant, le

5. Par exemple, sur un site de questions tels que www.startups.com, il est possible de signaler (flag) les contri-butions non conformes.

6. Après signalement, si la contribution est retirée rapidement, la bonne foi de l’éditeur pourra être invoquée.

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B. Les risques pédagogiques

TABLE 1: Comparaison rapide des cours magistraux et du eLearning

Cours magistral eLearning

Théorie sous-jacente Cognitivisme ConnectivismeInteraction enseignant-étudiants Minimale MaximaleInteraction étudiants-étudiants Non contrôlable Favorisée et améliorée

Collaboration entre les étudiants Inexistante ImpérativeForme du cours Structuré Amusant

Interactivité des contenus Limitée ObligatoireExpérimentation Limitée Permanente

Ressources Statiques ÉvolutivesÉtendue de l’évaluation Limitée Sans limite

Paradigme de l’organisation Scolaire TechnologiqueNature des contraintes Organisationnelles Techniques

Ouverture Inexistante Maximale voire indispensable

TABLE 2: Le eLearning est une fonction dépendante de la pédagogie.

Pédagogie inconsistante Pédagogie pertinente

Technologie simple etefficace

Technocentrisme eLearning efficace

Technologie lourde etinefficace

Désastre Frustration

connectivisme considère l’éducation comme une affaire de connexions et de réseau : à côtédu savoir-faire et du savoir-être, l’individu moderne doit acquérir un « savoir-où » : savoir oùse trouve l’information fiable est devenu aussi important que l’information elle-même. Il s’agiten quelque sorte d’un méta-apprentissage.

Cette théorie a été très largement appliquée au eLearning. Il est évident qu’elle requiertune redéfinition totale des objectifs et des moyens d’un cours, ainsi que le montre la Figure 1.Dans le cas contraire, un risque d’inefficacité d’un cours eLearning se fait jour, voire même unenégation de son intérêt.

Les mesures préventives : expérimenter et innover. En préambule, il convient de noterqu’il faut adopter une posture résolument novatrice lorsque l’on considère la mise en placed’un cours à distance.

Internet est un environnement sans cesse changeant ( les technologies naissent et meurenttrès rapidement), tandis que les cours magistraux n’ont pas ou peu changé depuis leur in-vention. Il n’est donc pas question de rester statique face à cette complexité. Au contraire,l’innovation et l’expérimentation doivent être les maitres-mots d’un cours à distance. Parmi cesinnovations, on peut imaginer :

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B. Les risques pédagogiques

Pédagogie Technologie

FIGURE 1: Le eLearning implique de reconsidérer les aspects pédagogiques et technologiquesde l’éducation (inspiré de Austin et al. [2008]).

1. Évaluation par l’intermédiaire d’une contribution sur Wikipédia, la création et la mainte-nance d’un blog spécialisé, la création d’un podcast

2. Renforcer l’interactivité par l’intermédiaire d’un wiki 7, d’un forum ou d’un module per-mettant de commenter les cours, de Twitter pour transmettre des consignes.

3. Utiliser les podcasts (sur iTunes U par exemple 8) ou les vidéos (sur YouTube par exemple)

4. Ouvrir son cours au monde en le rendant disponible à tous sur Internet 9

5. Favoriser l’approfondissement : liens vers des sites spécialisés, vidéos d’auteurs reconnus

6. Faciliter les échanges avec des acteurs externes : visioconférence avec un spécialiste rési-dant dans un autre pays

7. Accentuer le caractère amusant de l’éducation : par le biais des serious games, des pod-casts, des vidéos, des conférences web, de chats...

8. Publier des informations à propos du cours sur les réseaux sociaux

Ces outils devront bien évidement être utilisés pour ne plus promouvoir une approche top-down mais bien entendu renforcer les échanges entre professeurs et élèves.

Les mesures correctives. Paradoxalement, il est peut-être plus facile de corriger une mau-vaise méthode d’eLearning qu’un cours magistral. En effet, choisir de prodiguer un cours à dis-tance implique une faible résistance au changement. Partant, il sera aisé d’impliquer les acteurs(étudiants principalement) afin de choisir et évaluer les pistes d’amélioration.

2. Les risques d’une approche sans discernement

Le professeur, un acteur central. À l’inverse, manquer de discernement dans la migra-tion d’un cours vers le eLearning peut introduire un très grand nombre de risque, tout aussidangereux qu’ils sont difficilement contrôlables. Ainsi, le professeur doit conserver son rôle :dans le cas contraire, le cours n’a plus aucune raison d’être. Il n’est pas question de remplacerune approche trop top-down par une vision qui retirerait au professeur toute légitimité dansl’apport de connaissance.

7. Un wiki permet à tout un chacun de modifier n’importe quelle page d’un site. C’est le principe de Wikipédia.8. Le MIT a été l’une des premières universités à publier ses cours de façon gratuite.9. Par exemple, il est extrêmement facile d’accéder à toutes les supports des cours de Stanford à partir d’Internet.

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B. Les risques pédagogiques

Il est par contre possible de considérer à nouveau ce dernier dans la perspective eLearning :il peut être parfois opportun de réduire l’apport direct de connaissance et de favoriser destravaux où le professeur peut intervenir à titre d’encadrant ou de facilitateur. Au vu du peud’études sur le sujet, il conviendra de garder la tête froide et d’éviter de tomber dans des excèsqui pourrait faire du professeur un acteur comme un autre et sans légitimité particulière. Dansun tel cadre, il ne s’agit plus d’eLearning.

Il est important aussi de ne pas considérer la plateforme comme l’alpha et l’oméga de lapédagogie. On peut la concevoir de différentes façon (support principal ou appui ponctuel) ;mais dans tous les cas elle ne remplace pas les contacts directs entre utilisateurs. La déma-térialisation de toute forme d’éducation ou d’aide n’est pas souhaitable. Même si les contactspeuvent être organisés sous forme de visioconférence, il sera nécessaire de conserver le contactavec les utilisateurs et de leur fournir une aide conséquente.

Mesures préventives Le professeur pourra faire appel à son expérience pour éviter detomber dans des biais réducteur.

L’évaluation des technologies disponibles. Un professeur souhaitant expérimenter leeLearning se trouvera très rapidement confronté au foisonnement de technologies et de pro-duits fournissant de telles fonctions, de qualité très inégale.

Il pourrait avoir la tentation de ne pas s’intéresser à ce sujet, considérant qu’il ne relèvepas ou plus de son domaine de compétence, et avoir recours à des prestataires externes. Sonenvironnement aura aussi une influence importante : les choix technologiques historiques del’école influent très significativement sur les fonctionnalités disponibles (path dependency), et,partant, sur les coûts.

D’autre part, même si les possibilités induites par les technologies existantes sont immenses,le choix d’une d’entre elles peut avoir une incidence très forte sur la pédagogie. Par exemple,un blog n’a pas les mêmes vertus pédagogiques qu’un wiki : alors que le premier n’offre qu’unespace de commentaires aux étudiants, le second fait la part belle aux contribution de tout unchacun. Ceci a évidement des conséquences sur la pédagogie employée.

Mesures préventives Constituer en interne des spécialistes du eLearning. Mutualiser lesressources pour expérimenter le maximum d’interfaces. Favoriser les brainstormings et lesbenchmarks.

Mesures correctives Renforcer les espaces de discussion entre pédagogues. Valoriser l’ex-périmentation.

3. Les risques propres aux spécifications fonctionnelles

Des spécifications mal définies. Une des étapes préliminaires au développement d’uneapplication eLearning est la définition des spécifications fonctionnelles. Il s’agit d’une étapefondamentale, néanmoins il convient de ne pas la sur-estimer, car la réflexion est dans lapratique souvent limitée par les possibilités techniques du moment, alors qu’elle devrait tenterde s’en affranchir. En conséquence, le processus devra être aussi léger que possible, d’autantplus que celles-ci seront amenées à évoluer très rapidement. Il est plus utile de passer du tempssur l’évaluation des possibilités d’évolutions que sur les fonctionnalités elles-même. On tenteraautant que possible de conserver une certaine fraicheur dans la réflexion, afin de ne pas êtreprisonnier de visions surannées.

Un risque se fait aussi jour dans la mesure où cette étape fondamentale peut être négligéeau point de laisser le prestataire dicter ses choix et ses fonctionnalités. Un tel déséquilibre

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B. Les risques pédagogiques

aboutirait à vider de son sens la composante « learning » d’une application eLearning : car c’estbien au client de définir son besoin.

Mesures préventives S’inspirer des bonnes pratiques du domaine (par exemple Committee[2004]), réaliser des benchmarks, s’intéresser aux initiatives américaines, très en pointe dansce domaine. Réaliser des veilles sur les pédagogies appliquées au eLearning.

Mesures correctives Les spécifications n’ont pas à être modifiées. Elles sont censées êtregravées dans le marbre du projet. Néanmoins, compte tenu de l’incertitude et de la nécessitéd’expérimenter, il sera peut-être nécessaire d’ajouter à la marge des fonctionnalités.

Des spécifications mal traduites. Il revient au prestataire ou au service informatique detraduire les spécifications fonctionnelles en spécifications techniques. Un grand nombre derisques se font jour à ce niveau, dont certaines ont été déjà exprimées, comme les choix tech-nologiques erronés.

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III. Conclusion

L’analyse des risques d’un projet eLearning démontre l’utilité d’une méthode de projet : ilest primordial de lister les risques pour pouvoir prévoir les mesures propres à les prévenir ou àles corriger. Les embuches sont nombreuses et il serait dommage qu’un tel projet soit un échecà cause d’une mauvaise prise en considération des risques.

Il est peut-être ambitieux de vouloir déceler les facteurs clés de succès d’un projet eLear-ning. Il est cependant possible de s’inspirer du concept de « sticking point » inventé par Chip etDan Heath, cité dans Kawasaki [2008, p. 130]. Un projet eLearning sera un succès s’il est :

1. Simple. Une usine à gaz est condamnée à mourir.

2. Inattendu. Il faut trouver des innovations pédagogiques, et expérimenter !

3. Concret. Rester au plus près des utilisateurs (professeurs et étudiants) permet de faire deschoix ancrés dans la réalité. Un projet eLearning ne doit être ni politique, ni stratégique,mais uniquement tactique (être sur le terrain, maintenir l’objectif de l’université) [Lowe,2009].

4. Crédible. Des ressources suffisantes doivent être allouées, le soutien de la direction doitêtre sans faille.

5. Passionné. Toute l’école doit se sentir fédérée par un tel projet.

6. Une histoire. Ce projet peut-être l’occasion d’atteindre des objectifs ambitieux dans d’autresdomaines (renommée de l’école, aspects humanitaires, égalité des chances...)

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Bibliographie

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John Seely Brown and Richard P. Adler. Minds on Fire. Educause Review, January/February2008.

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