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1 structures structurées structurantes Benjamin Montjean Mémoire de fin d’études Session 2010 – 2011 Supcréa

Stuctures Structurées Structurantes

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Introduction p.4

l’Homme qui sait : l’Homo SapiensLe designer soumit à des réaLités natureLLes p.11rien ne naît ni ne périt p.11Le bagage universeL du designer p.12Le point - La griLLe p.14Les mathématiques - Langage universeL p.16La griLLe anthropomorphique p.18Le nombre d’or p.24

l’Homme qui fabrique : l’Homo FaberCoLLeCter - CoLLeCtionner p.31Les territoires p.31Les interstiCes p.32Les Champs p.34Les territoires en rhizomes p.38se Constituer sa boite à outiLs p.38Le briCoLage seLon Lévi strauss p.38La reCherChe p.40détourner - s’approprier p.42Le point de vue - La perCeption p.42Le ready made p.44Le situationnisme de guy debord p.45

l’Homme qui joue : l’Homo LudensdéConstruire p.48La grammatisation p.50Les iConèmes et Les graphèmes p.50Les Codes p.51iConèmes héréditaires p.52éLaboration de La griLLe p.54introduCtion à L’expérimentation personneLLe p.58

Conclusion p.66

Bibliographie P.69

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introduCtionCette réflexion de fin d’études est pour moi l’occasion de réfléchir à ma pratique de designer graphique. Souvent j’ai l’impression de faire, de savoir faire mais ce n’est pas pour autant que je comprends toujours les tenants et les aboutissants d’une idée. J’aimerais comprendre la part de convenu et la part de sensible dans mon travail. En matière de production intellec-tuelle je ne suis qu’un amateur. C’est pour cela que j’ai choisi comme axe de réflexion une chose d’aussi solitaire que l’acte de création. Mon envie était de trouver ce qui peut se dégager pour moi de structurant dans les différentes lectures que j’ai faites. L’idée, au sens général du terme, aussi est à l’origine personnelle. Elle se met en action et déclenche des potentiels grâce à un bagage, un savoir-faire, des références, qui nous sont propre en tant que designer graphique mais aussi en tant qu’individu. Mais si l’idée nous appartient, elle résonne dans toutes les disci-plines de manières différentes. J’espère que ma réflexion au delà de ce qu’elle a dégagé pour moi lors de sa construction, et même si elle ne peut être qu’incomplète et à relativiser, résonnera un peu chez vous lecteurs et ce peut importe votre discipline.

Le mot graphisme provient de la racine grecque graphein qui signifie à la fois écrire et dessiner. Il y a donc la dimension du texte et celle du dessin. Pour moi pratiquer le design graphique c’est avant tout trouver son écriture dans sa forme et dans son contenu. Le designer graphique Pierre Di Sciullo propose, pour éviter le jugement de valeur, un parallèle avec la profession de musicien. Il existe selon lui deux pratiques : celle d’interprète et celle de compositeur. En musique il est tout à fait possible de distinguer les deux. Ce n’est pas parce qu’il y a musique qu’il y a forcement composition.

Trouver son écriture c’est dire « j’existe ». Si on observe l’histoire, l’Homme a toujours voulu laisser une trace écrite. En atteste les peintures rupestres vieilles d’au moins 30 000 ans. Cette pratique est restée continue jusqu’à nos jours. Elle n’est pas le fruit d’une ethnie ou d’une culture particulière, mais s’est répandue dans le monde suivant une distribution universelle. Selon le préhistorien Emmanuel Anati, il existerait 45 millions de peintures rupestres sur des rochers et dans des grottes, sur 170 000 sites de 160 pays. Il existe aussi des cultures de l’oralité mais dans le cas du design graphique et de ma réflexion, le vocabulaire et sa syntaxe se veulent visuels.

L’Homme moderne a d’abord été qualifié par les lumières d’Homo sapiens (qui sait) auquel s’est ajouté la notion d’Homo faber (qui fabrique). Puis, l’historien Johan Huizinga, inventa le terme d’Homo ludens qui vient compléter la définition de ce qu’est un homme par une fonction propre à notre société, l’acte de jouer. Ces trois qualificatifs - qui sait, qui fabrique et qui joue - semblent être des gestes primordiaux qui conditionnent et qui structurent nos façons de concevoir. C’est à un premier niveau ce que j’appellerai une structure. En effet ces caractères de l’être humain nous renseignent sur une manière d’agencer et de construire notre langage. On peut dire qu’il existe certaines conventions naturelles primaires dont on peut difficilement se soustraire. Par contre il peut être utile de savoir s’en servir. Comment alors identifier ces réalités naturelles ? Comment cet environnement nous conditionne ou nous aide dans nos représenta-tions graphiques ?

Ces fondements primaires de l’être humain et de son environnement nous amènent à des terri-toires et des conventions culturelles. Je poserais la question du «faire». Que «fait» le designer graphique quand il pratique sa passion ? Comment s’appuie-il sur ces structures sociales pour se constituer un premier bagage, une boite à outils ? Comment s’en défait-il ?

Dans une ultime partie j’essaierais d’appliquer les fondements théoriques que j’aurais précé-demment développés par une démonstration typographique et par l’introduction de mon expérimentation personnelle en lien avec le mémoire.

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Particulièrement connu pour la collecte d’affiches lacérées, pratique qu’il débute en 1949 avec le photographe Raymond Hains, l’artiste Jacques Villéglé récupère dans la rue des placards publi-citaires déchirés et tagués pour les proposer comme œuvre d’art, laissant une large place à la thématique politique qui comporte des affiches syndicales, partisanes et électorales.

Les peintures rupestres de Los Antiguos, protégées par le ravin du Río Pinturas, appartiennent à une civilisation qui a habité la région il y a 10.000 ans.

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L’Homme

qui sait :

l’Homo

Sapiens.Quelques reslutats d’une recherche à partir du terme « savoir » sur Google images.

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rien ne naît ni ne péritL’idée ne date pas d’hier. Ce principe avait déjà été énoncé au Ve siècle avant J.C. par un philosophe très en avance sur son temps, Anaxagore de Clazomènes :

« Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ».

Antoine Laurent de Lavoisier confirme cette théorie au XVIIIe siècle dans son traité élémentaire de chimie en arrivant à décomposer l’eau en deux éléments qu’il nomme oxygène et hydrogène.

« [...] car rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opé-ration [...] et qu’il n’y a que des changements, des modifications. »

À gauche, sur la représentation du cycle de l’eau on voit bien que malgré plusieurs états et transformations possibles de l’élément, son volume reste toujours le même mais que cela n’empêche pas une série de trans-formations. La composition de la matière reste la même mais possède plusieurs états.

JE SUPPOSE QUE C’EST DANS LE SAVOIR QUE RÉSIDE LE PREMIER VECTEUR DE CRÉATIVITÉ CAR RIEN N’EST JAMAIS « ORIGINAL ».

IL EST ICI QUESTION DE DONNER UN CADRE À MA RECHERCHE. JE SUPPOSE ALORS QUE C’EST DANS LA PERCEPTION CONSCIENTE DES LIMITES ET DES FRONTIÈRESQUI NOUS ENTOURENT QUE NOUS POUVONS LES DÉPASSER VOIRE LES REDÉFINIR.

NOUS SOMMES SOUMIS À DES RÉALITÉS NATURELLES. LA NATURE CRÉE ELLE MÊME SA PROPRE STRUCTURE. COMMENT EMPRUNTER À CETTE STRUCTURE ?

Le designer soumit à des réaLités natureLLes

Antoine Laurent de Lavoisier,Traité élémentaire de chimie,

Représentation qualitative du cycle de l'eau, d'après Horton (1931), extraite de Gray (1972)

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Claude Lévi-Strauss est né à Bruxelles le 28 novembre 1908. Après l’agrégation de philosophie en 1931, sa carrière d’anthropologue américaniste débute en 1934, lorsqu’il part enseigner la sociologie à São Paulo, où il demeure jusqu’en 1939. C’est à cette occasion qu’il séjourne parmi les populations indiennes nambikwara, caduveo et bororo.Directeur d’études à la Ve section de l’EPHE (Religions comparées des peuples sans écriture) en 1950, il est élu au Collège de France en 1959. Il y occupe la chaire d’anthropologie sociale jusqu’en 1982.

Le bagage universeL du designerÀ mon sens c’est en identifiant les limites de notre monde naturel que l’ont peut s’en soustraire, s’en émanciper. Il me semble intéressant de revenir sur ce qui a trait à l’ensemble de l’espèce humaine.

L’ethnologue Claude Lévi Strauss pense que toutes les formes de cultures possèdent le même répertoire de signes qui ne sont que des observa-tions que l’on peut faire dans le monde de la nature. C’est donc un bagage universel.

Si l’on part de formes graphiques, ces formes conceptuelles font partie du patrimoine universel et sont, de fait, limitées par des principes géomé-triques et naturels. Il existe donc des formes graphiques primaires : Le point, la ligne et la courbe.

Ce sont les premières limites de notre territoire. Nous ne pouvons nous en soustraire mais nous pouvons les identifier et nous en servir. Physiologiquement aussi nous possédons un bagage commun. Cela détermine notre rapport au temps et à l’espace par exemple. Au niveau de la perception, la sensibilité est un caractère naturel de l’être humain. C’est la propriété d’un être vivant de capter un stimulus et d’y répondre. C’est la base de la communication et si l’on va plus loin, du dialogue. Dans ces interactions nous pouvons voir un premier niveau de créativité. On parlera de tout ce qui est de l’ordre de la Nature, de l’inné. Le mot naturel qualifie ce qui n’a pas été transformé, mélangé ou altéré par un artifice quelconque. La nature et les structures qui la composent est sans doute à l’origine des esthétiques. Les différences esthétiques ne se situeraient donc pas dans le vocabulaire visuel, car fondamentalement commun à tous, mais dans notre capacité à l’identifier, à l’employer et à l’étendre.

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Le point - La griLLe Revenons à nos formes graphiques primaires ou naturelles. Pour être plus exact l’élément le plus minimal est en fait le point. Selon la philosophie atomiste l’univers est composé de « grains » (atomes) et de « vide » qui servent à constituer l’immense diversité de la nature. De la même manière le point est à l’image de cette vision atomiste de l’univers. Le point nous permet donc d’envisager notre espace de composition. Le point est notre système de référence, que ce soit à l’écran comme à l’impression. Le point définit la grille, le point est la grille. La page sera donc toujours quadrillée de lignes de construction, l’écran de pixels, le temps de secondes, le monde de latitudes et longitudes, etc...

Bodoni SvtyTwo ITC TT, bold « a »

Modèle de l’atome (source google images)

Michiel SchuurmanDesigner graphique HollandaisPoster pour l’Hotel Mariakapel

On se figure naturellement que le point est de forme ronde. Le point n’est finalement qu’une représentation arbitraire de coordonnées. Les coordonnées ne sont pas représentable, c’est pourquoi les mathématiciens leur ont donné un corps. Si on admet que le point n’est que l’élément référent de la grille on peut alors le symboliser par ce que l’on veut.

Par exemple, le point peut être à l’image du pixel. C’est le référentiel de l’écran, du moniteur en informatique. Il peut aussi être figuré par d’autres signes. Le point devient l’élément d’une « trame », qui est l’ensemble des fils passant transversalement sur un métier à tisser pour former un tissu, par exemple. En littérature on parlera d’« intrigue » sur lequel se détachent des événements. C’est en mettant en évidence certains de ces points que l’on peut composer quelque chose de nouveau.

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Les mathématiques - LangageuniverseL La science la plus à même de définir le réel au sens objectif du terme est sans doute les mathématiques. Cette science permet le processus de conceptualisation, de catégorisation par la pensée tout en développant un langage symbolique. La géométrie et les systèmes de représentations mathématiques sont calqués sur des phénomènes que l’on rencontre dans le monde naturel.

En identifiant certaines de ces représentations le mathématicien donne une logique aux choses qui nous entourent. Le philosophe Otto Neurath, considère le graphiste comme un intermédiaire entre le chercheur (l’historien, l’économiste ou le mathématicien) et son public.

« La chose la plus incompréhensible à propos de l’univers, c’est qu’il est compréhensible ». Albert Einstein.

Nous sommes émerveillés par le fait que notre univers ne soit pas anarchique, que les atomes obéissent aux mêmes lois aussi bien dans des galaxies distantes que dans les laboratoires. L’efficacité des mathématiques est de pouvoir décrire ces structures. Pour cela le mathématicien a conçu un outil : la géométrie. La géométrie est une partie des mathématiques au même titre que l’algèbre. C’est un lieu qui nous permet d’apprendre à appré-hender l’espace. La géométrie classique répond à des contraintes sans qui elle ne pourrait exister.

C’est une vision empirique et donc sans ces règles tout s’effondre. Ces contraintes sont de nature spatiale (espace infini, continu, homogène etc.). Ce sont les propriétés convenues d’une certaine réalité, d’un certain espace.

Au même titre que le mathématicien qui développe ses formules à l’aide des géométries qu’il rencontre dans la nature, le designer graphique peut s’appuyer ou emprunter à la science des mathématiques pour concevoir des modèles de représentations. L’emprunt de ces idées en mathématiques ne résonnera pas de la même façon pour un designer graphique mais pourra en quelque sorte lui permettre d’établir une structure cohérente dans un champ d’application différent de celui des mathématiques.

Plutôt que de chercher à démontrer ou à résoudre le designer graphique essaiera de créer une harmonie pour un espace (celui de la commande, du projet, du support, etc.) et les pièces graphiques qui le composent. L’idée n’est donc pas juste de puiser dans les formes indénia-blement graphiques que produit la géométrie mais de choisir, de se servir de ses règles ou non lorsqu’on aborde la conception d’un projet de design graphique.

Le Voyager Golden Record est un disque embarqué à bord des deux sondes spatiales Voyager, lancées en 1977. Ce disque contient des sons et des images sélectionnés pour dresser un portrait de la diversité de la vie et de la culture sur Terre, et est destiné à d’éventuels êtres extraterrestres qui pourraient le trouver.

Les sondes spatiales Pioneer 10 et Pioneer 11 ont embarqué à leurs bords une plaque, appelée plaque de Pioneer, comportant un message pictural de l’humanité destiné à d’éventuels êtres extraterrestres. Sur cette plaque métallique gravée sont repré-sentés un homme et une femme nus, ainsi que plusieurs symboles fournissant des informations sur l’origine des sondes.

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La griLLeanthropomorphiqueDans l’architecture comme aux débuts de l’impri-merie, les hommes se sont heurtés à la complexité de construire. Ils firent donc naturellement appel à ce qu’ils pouvaient observer dans la nature. Léonard de Vinci applique par exemple une conception anthropomor-phique de l’architecture. Dans la traduction suivante on voit bien la récurrence des termes empruntés à la morphologie humaine.

« […] que la Nature a distribué les mesures du corps humain comme ceci. Quatre doigts font une paume, et quatre paumes font un pied, six paumes font une coude : quatre coudes font la hauteur d’un homme. Et quatre coudes font un double pas, et vingt-quatre paumes font un homme ; et il a utilisé ces mesures dans ses constructions.Si vous ouvrez les jambes de façonà abaisser votre hauteur d’un quatorzième, et si vous étendez vos bras de façon que le bout de vos doigts soit au niveau du sommet de votre tête, vous devez savoir que le centre de vos membres étendus sera au nombril, et que l’espace entre vos jambes sera un triangle équilatéral. La longueur des bras étendus d’un homme est égale à sa hauteur.Depuis la racine des cheveux jusqu’au bas du menton, il y a un dixième de la hauteur d’un homme. Depuis le bas du menton jusqu’au sommet de la tête, un huitième. Depuis le haut de la poitrine jusqu’au sommet de la tête, un sixième ; depuis le haut de la poitrine jusqu’à

la racine de cheveux, un septième.Depuis les tétons jusqu’au sommet de la tête, un quart de la hauteur de l’homme. La plus grande largeur des épaules est contenue dans le quart d’un homme. Depuis le coude jusqu’au bout de la main, un cinquième. Depuis le coude jusqu’à l’angle de l’avant bras, un huitième.La main complète est un dixième de l’homme. Le début des parties génitales est au milieu. Le pied est un septième de l’homme. Depuis la plante du pied jusqu’en dessous du genou, un quart de l’homme. Depuis sous le genou jusqu’au début des parties génitales, un quart de l’homme.La distance du bas du menton au nez, et des racines des cheveux aux sourcils est la même, ainsi que l’oreille : un tiers du visage.  »

Vitruve, De l’architecture, Leonardo Da vinci.

Le typographe Geoffroy Tory applique lui aussi la conception anthropomorphique pour la compo-sition des lettres de son Champs Fleury (1529). Cet ouvrage a marqué l’histoire de la typographie, et on y retrouve des termes appartenant encore une fois à la physiologie humaine : l’oeil, le pied, le corps, le jambage, etc.

Ces termes ont d’ailleurs fait date et ont toujours cours dans le langage typographique.

Le Corbusier termine en 1948 la rédaction de son essai, intitulé Le Modulor. Fruit d’une réflexion menée dès les années 20, le Modulor est né, nous dit-il, de l’observation de la nature, de l’étude des oeuvres d’art, de leurs tracés régulateurs et des travaux de Matila Ghyka consacrés au Nombre d’or dans la nature et dans l’art.

Ce système a été utilisé à Marseille pour bâtir la « Cité radieuse », il devait permettre de construire l’habitat du bonheur.

« La nature est mathématique, les chefs-d’œuvre de l’art sont en conso-nance avec la nature ; ils expriment les lois de la nature et ils s’en servent » Le Corbusier, modulor, 1948.

Leornard de Vinci, Homme dit de vitruve, 1492(source wikipédia)

Geoffroy Tory, Le Champs Fleury

Le Corbusier, Modulor1948

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Body Type a été créée par Peter Bil’ak en 2011. (source typothêque.com)

Cette police de caractère a été créée par Charles Mazé en 2006. Initialement réalisé avec un groupe de danse, l’alphabet anthropomorphique est ensuite digitalisé avec Lieuxcommuns pour la publication L’art en présence, bilan des centres chorégraphiques nationaux.

The Alphabet, studio M&M 2004

The Alphamen, studio M&M 2004

Philip Dam Roadley-Battin, anatomytype, 2008

Certains designers graphiques répondent littéralement à la question du rapport anthropomor-phique en typographie.

D’autres à l’image de M&M, semblent quand à eux se détourner cette approche en inversant le processus. Chez eux c’est la lettre qui vient sculpter le corps humain.

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Matila C. Ghyka, illustration provenant de son ouvrage « le nombre d’or » dans lequel il affirme qu’il existe une esthétique scientifique.1932

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Le coquillage nautile a une forme de spirale logarithmique ou spirale dorée. On peut la dessiner à partir d’une série de rectangles d’or. On retrouve ce modèle sous diverses formes dans le monde naturel.

Le nombre d’orLes exemples que nous avons vu précédemment font apparaître une nouvelle notion : le nombre d’or (1,618) ou divine proportion. Ce nombre symbolisé par Ø est en fait essentiellement une curiosité mathématique. Le nombre d’or n’est ni une mesure, ni une dimension, c’est un rapport entre deux grandeurs homogènes.

Celle-ci apparaît dans une époque où l’on conçoit la réalité, comme nature créée par Dieu. La nature est à l’image de Dieu, la perfection. Le typographe face à la page blanche souhaite ordonner les éléments dont il dispose de la manière la plus harmonieuse, à l’image de la nature. Dieu seul pouvant accomplir cette tâche, on comprend pourquoi il cherche un moyen de faire appel à la proportion divine pour organiser la page.

Le nombre d’or aurait été mis au jour par le mathématicien grec Pythagore il y a 5000 ans. Cette divine proportion semble un principe mathématique faisant partie des lois de la natures.

On retrouve ce nombre dans la nature : certaines fleurs, les plantes dont les feuilles s’enroulent en hélice autour de leur tige, la plupart des coquillages comme le Nautile, la coquille de l’oursin, la toile de l’araignée, la structure de l’A.D.N., et ainsi de suite... Il apparaît donc que l’homme emprunte continuel-lement à la nature pour créer les concepts nécessaires à son développement et en l’occurrence à la création.

Si étonnant qu’il y paraisse, ce n’est qu’en 1932 qu’est né le terme «nombre d’or». C’est un prince roumain, Matila Ghyka, diplomate et ingénieur, qui l’invente. Il lui consacre un volumineux ouvrage dans lequel il affirme qu’il existe une esthétique scientifique. En effet, pour le philosophe Platon (IVe siècle avant J.-C.), le beau se traduit par des figures géométriques.

Pour affirmer que le nombre d’or est la clef mathématique de la beauté, Matila Ghyka se fonde sur le pentagone, dont les diagonales se coupent selon un «partage en extrême et moyenne raison» (en géométrie, raison signifie proportion). Pour donner plus de poids à sa thèse, Matila Ghyka la rapproche de la doctrine attribuée au philosophe et mathématicien grec Pythagore selon laquelle «tout est arrangé par le nombre».

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La figure du pentagrame est liée au nombre d’or et au triangle d’or. Outre la multitude de significations symbolique qu’elle véhicule, elle sert notamment à la recherche de la perfection, dans le visage humain.

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l’Homme

qui

fabrique :

l’Homo

Faber.Quelques reslutats d’une recherche à partir du terme « faire » sur Google images.

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J’AI PRÉCÉDEMMENT MONTRÉ QUE LE DESIGNER GRAPHIQUE, ÉTAIT SOUMIS À SA RÉALITÉ. C’EST À DIRE À DES MODÈLES NATURELS QUI SONT À LA FOIS DES STRUCTURES DE PENSÉES MIS AU JOUR PAR DES SCIENCES TELLES QUE LES MATHÉMATIQUES, MAIS AUSSI À DES REPRÉSENTATIONS GRAPHIQUES PRIMAIRES.

J’AIMERAIS MAINTENANT MONTRER QUE LE DESIGNER PEUT - ET DOIT - TENTER D’ÉTENDRE CETTE RÉALITÉ NATURELLE. COMMENT CES RÉALITÉS NATURELLES PEUVENT NOUS AMENER À DES CONVENTIONS CULTURELLES ? POUR CE FAIRE, LE DESIGNER GRAPHIQUE DOIT, À MON SENS, ÊTRE « AUX AGUETS » POUR COLLECTER DES MATÉRIAUX, LES SÉLECTIONNER POUR EN FAIRE UNE SORTE DE BOITE À OUTILS ET ENSUITE SE LES RÉAPPROPRIER PAR LE BIAIS DU DÉTOURNEMENT.

Pierre Bourdieu (1930-2002) L’oeuvre sociologique de Pierre Bourdieu est dominée par une analyse des mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales. Il met en évidence l’importance des facteurs culturels (persistance des comportements acquis au sein du milieu d’origine) et symboliques dans les actes de la vie sociale.Ses travaux de recherche s’accompagnent d’une action militante et d’un engagement politique à gauche. Reconnu internationalement comme l’un des maîtres de la sociologie contemporaine, Pierre Bourdieu a été l’un des rares intellectuels humanistes engagés de la fin du XXe siècle

Louis Althusser (1918-1990), philosophe français, théoricien marxiste, qui fut un maître à penser des années 1970. Philosophe officieux du Parti communiste jusqu’à Mai 1968, il entra en polémique avec la direction du PCF. Althusser doit sa renommée internationale à la publication de Pour Marx, suivi, la même année, de Lire « le Capital ».

CoLLeCter - CoLLeCtionnerLes territoiresPour collecter il faut sans doute commencer par identifier des champs de récupération. Qu’est-ce qu’un territoire ? Un territoire peut être réel et géographique. Il sera alors défini par une des frontières ainsi qu’une aire. Ces frontières peuvent être, par exemple, une barrière physique, une langue, des lois, etc. Les territoires qu’explore un designer graphique ont donc aussi un caractère social et culturel ou tout ce qui a trait aux sciences humaines.

Intervient donc ici la notion de paradigme. Ce terme est employé pour décrire l’ensemble des expériences, des croyances et des valeurs qui influencent la façon dont un individu perçoit la réalité et réagit à cette perception. Ce système de représentation lui permet de définir l’environ-nement, de communiquer à propos de cet environnement, voire d’essayer de le comprendre ou de le prévoir. En d’autres termes c’est un modèle. Le philo-sophe Louis Althusser parle lui d’idéologies qu’il définit comme des objets culturels perçus-acceptés-subis, et qui agissent fonctionnellement sur les hommes par un processus qui leur échappe profondément. Ces idéologies sont donc inconscientes.

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Le sociologue, Pierre Bourdieu préfère employer le terme « champs » (culturel, économique, artistique, religieux, etc.). Ces champs définissent les espaces dans lesquels se socialisent les individus. Bourdieu nous renvoie à la notion d’habitus qu’il définit comme « structures struc-turées structurantes ». En sociologie l’habitus est donc une disposition d’esprit.

Si l’on observe le schéma simple de territoire, à droite, on peut constater qu’un territoire n’existe que s’il est en relation avec d’autres territoires. Les territoires sont donc inter-connectés par leurs bordures, leurs marges. D’un point de vue sociologique le mot marge est intéressant car il nous rapporte aux marginaux. Les marginaux sont par définition des groupes d’individus qui ne veulent pas ou ne sont pas admis par la culture dominante. On parle aussi de contre-culture, à l’image du mouvement punk par exemple. Si l’on se positionne dans une démarche de collecte de matériaux nouveaux ou différents car sortant du cadre de notre territoire originel, c’est sans doute dans ces marges que les passerelles - d’échanges ou de collectes - de culture sont les plus propices.

Les interstiCesHenri Lefebvre posait clairement la question :« Qu’est-ce qui échappe à l’État ? », il orientait sa réponse autour du « combat » que se livre administration et individu :

« S’il est vrai que l’État ne laisse hors de lui que l’insignifiant, il n’en reste pas moins que l’édifice politico-bureaucratico-étatique a toujours des fissures, des interstices et des intervalles. D’un côté, l’activité administrative s’acharne à boucher ces trous, laissant de moins en moins d’espoirs et de possibilités à ce qu’on a pu appeler la liberté interstitielle. D’un autre côté l’individu cherche à élargir ces fissures et à passer par les interstices ».

Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne III. De la modernité

au modernisme, 1981.

« [...] L’habitus est le produit du travail d’inculcation et d’appropriation nécessaire pour que ces produits de l’histoire collective que sont les structures objectives (de la langue, de l’économie, etc.) parviennent à se reproduire, sous la forme de dispositions durables, dans tous les organismes (que l’on peut, si l’on veut, appeler individus) durablement soumis aux mêmes conditionne-ments, donc placés dans les mêmes conditions matérielles d’existences. »

Pierre Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la

pratique, p. 282.

Modèle de figuration des territoires réalisé avec le plugin scriptographer et le script Voronoi Tool de Jonathan Puckey

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Les ChampsSi l’on reprend le terme « champs » de Bourdieu, on peut concevoir une autre représentation des territoires. Comme je l’ai précédemment défini, les champs sont des espaces dans lesquels les individus se socialisent. Cela suppose d’une part que ce sont les individus qui composent les champs. Ils sont à l’image des points (la grille).

De plus selon Bourdieu les individus peuvent se situer dans plusieurs champs à la fois. Ces champs se super-posent et se confondent en certains endroits.

On peut faire l’analogie avec le symbole des couleurs CMJN. Le Cyan, le Magenta et le Jaune lorsqu’ils se sur-impriment, donnent comme résultat un Noir CMJN. Il existe alors des champs primaires et des champs qui cumulent les propriétés des primaires et qui forment un nouvel ensemble. On peut supposer que la « sur-impression » va faire plus qu’additionner les caractéristiques culturelles. Cela va créer de nouveaux habitus.

Modèle de figuration des champs réalisé avec le plugin scriptographer et le script PhyllotacticSpiral de ken frederick

Figure représentant les couleurs CMJN

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Les territoires en rhizomesLa pensée rhizomorphe de Deleuze emprunte à la botanique lemodèle du « rhizome », plante multicentre, anarchique et souterraine.Penser en réseau, c’est penser la multiplicité des échanges, multitudede flux déterritorrialisants et prolifères. Ce n’est pas penser le territoirecomme centralisé, mais comme réticulaire, la communication commefluide et liquide, les limites solubles... Certains designers graphique, à l’image de Neville Brody ou David Carson, appliquent les propriétés du rhizome à la grille typographique dans le but de la déconstruire et de l’exploser. La grille typographique est une trame dont le plus petit élément commun à la page est le lettre. À l’inverse des territoires contraints par leurs frontières, la grille peut partir du plus petit élément qui peut s’étendre à l’infini.

« Un tel système pourrait être nommé rhizome. Un rhizome comme tige souterraine se distingue absolument des racines et radicelles. Les bulbes, les tubercules sont des rhizomes. Des plantes à racine et radicelle peuvent être rhizomorphes à de tout autres égards : c’est une question de savoir si la botanique, dans sa spécificité, n’est pas tout entière rhizomorphique. Des animaux même le sont, sous leur forme de meute, les rats sont des rhizomes. Les terriers le sont, sous toutes leurs fonctions d’habitat, de provision, de déplacement, d’esquive et de rupture. Le rhizome en lui-même a des formes très diverses, depuis son extension superficielle ramifiée en tous sens jusqu’à ses concré-tions en bulbes et tubercules. [...] N’importe quel point d’un rhizome peut être connecté avec n’importe quel autre, et doit l’être. C’est très différent de l’arbre ou de la racine qui fixent un point, un ordre. [...] Les multiplicités sont rhizomatiques, et dénoncent les pseudo-multipli-cités arborescentes. Pas d’unité qui serve de pivot dans l’objet, ni qui se divise dans le sujet. Pas d’unité ne serait-ce que pour avorter dans l’objet, et pour « revenir » dans le sujet. Une multiplicité n’a ni sujet ni objet, mais seulement des déterminations, des grandeurs, des dimen-sions qui ne peuvent croître sans qu’elle change de nature (les lois de combinaison croissent donc avec la multiplicité). [...] Un rhizome peut être rompu, brisé en un endroit quelconque, il reprend suivant telle ou telle de ses lignes et suivant d’autres lignes. [...] Principe de cartographie et de décalcomanie : un rhizome n’est justiciable d’aucun modèle structural ou génératif. Il est étranger à toute idée d’axe génétique, comme de structure profonde. »

Gilles Deleuze et Félix Guattari Rhizome, Paris, France,

Les Éditions de Minuit, 1976, 74 pages.

Modèle de figuration de rizhome réalisé avec le plugin scriptographer et le script Sketchy Structure de Jay Weeks

Illustration d’un rhizome en botanique.

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se Constituer sa boite à outiLs

Le briCoLage seLon Lévi straussDans la pensée sauvage, Lévi Strauss définit le bricolage par la séquence appropriation - détournement - réinter-prétation. Cette séquence suppose le prélevement d’éléments pré-éxistants et leur réemploi par de nouvelles combinaisons. Selon l’anthropologue, toute chose peut constituer un signe, simplement en devenant le support de significations pour un individu. Dans le cas du collage, les fragments sont des signes hétérogènes déjà investis de sens, qu’un individu a extrait de leurs univers d’origine. Les significations passées enrichissent ainsi le nouveau «récit».

Selon Lévi Strauss, le bricoleur dispose d’un ensemble d’outils et de matériaux donnés. Il peut et n’hésitera pas à alimenter et enrichir son stock d’autres objets hétéro-clites qu’il obtient au gré de ses découvertes ou de ce qu’il conserve de ses chantiers précédents.

Le bricoleur est donc collectionneur et conserve des outils ou matériaux sous le prétexte que ceux-ci peuvent toujours servir. Le bricoleur ne fabrique pas l’outil optimal pour chaque utilisation comme peut le faire l’ingénieur. Le bricoleur comme le designer graphique n’a pas vocation à être le meilleur technicien mais en connaît suffisamment pour concevoir ce qui répond à ses besoins. Sa véritable force réside dans sa capacité à percevoir une utilité dans des outils ou des matériaux que l’ingénieur n’aurait pas décelé.

Le philosophe Gilles Deleuze, définit l’animal et l’écrivain comme des créatures « aux aguets ». Je pense qu’il en va de même pour le designer graphique. Il doit être prêt à déceler des signes en toutes occasions. À la manière du chasseur qui reconnaît et comprend les signes ou empreintes laissés par l’animal, le designer graphique doit reconnaître ou en tout cas percevoir les signes qui composent les différents territoires culturel dans lequel il évolue. Le designer graphique doit donc s’adapter aux matériaux - outils - qu’il collecte dans un territoire de façon arbitraire ainsi qu’à ceux qu’il collecte dans le cadre d’une recherche consciente.

Le designer graphique Hollandais Hans Gremmen travail sur un projet d’édition nommé sérendipity. La séren-dipité est le fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard, au cours d’une recherche dirigée initialement vers un objet différent de cette décou-verte. Dans le cas précis il s’agit pour Hans Gremmen de la découverte de test d’impression ratés de l’atelier de sérigraphie du designer graphique Paul Wyber à Amsterdam. Il décèle dans ces image fortuites la beauté de l’erreur et s’en sert alors pour en faire un livre.

Ces affiches étaient déjà là, faite par une imprimante qui n’avait pas la moindre idée qu’elle faisait quelque chose. Le résultat est tout simplement parfait. Mais ce n’est pas un manifeste pour la non-conception. Ce n’est pas le sujet de ces affiches. Ce qui les rend intéres-santes, c’est le paradoxe. Si ces affiches sont belles, c’est grâce aux dessins de Mevis & van Deursen, Lex Reitsma, Roger Willems (du studio de design graphique hollandais WyberZeefdruk)qui fonctionnent si bien. Donc, je pense que les deux mondes besoin les uns des autres, et tout le monde doit déterminer pour lui-même quelle est sa position là-dedans.

Hans Gremmen

« Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâche diversifiées; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils, conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son enjeu est de toujours s’arranger avec les “moyens du bord”[...] »

« Ça peut toujours servir »

Lévi Strauss

Serendipity, Hans Gremmen, 2008

Modèle de la boite à outils pour la qualitéQualité et Rentabilité, C. Delagneau, C. Ladislas, 1997,

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La reCherCheIl existe deux types de recherches. L’une est de l’ordre de la culture générale. C’est en quelque sorte une collection de références aussi diverses que le paysage dans lequel nous évoluons. On y retrouve le phénomène de socia-lisation qui définit tout ce qui nous est transmis par les champs sociaux desquels nous provenons. La seconde est de l’ordre de la recherche consciente et s’applique donc à un cadre donné par la commande, le projet. Le créatif tentera donc d’orienter sa recherche. Nous nous enrichissons grâce à cela ce qui nous permet de générer des idées plus facilement.

L’idée sous-jacente est que plus nous enrichissons cette banque de références plus il sera facile de faire germer des idées. L’inconvénient étant qu’il est difficile de se servir de cette masse d’informations de la façon la plus optimale qui soit. Cette matière est dure à manipuler si l’on n’essaye pas de la canaliser. C’est peut être la raison pour laquelle tant de gens ressentent le besoin de collectionner des « trucs ».

En observant les personnes que j’ai pu rencontrer en stage ou dans mon entourage j’ai pu voir qu’il existait de nombreuses manières de collecter. J’ai aussi pu observer qu’il n’existait pas vraiment de recette miracle à l’élabo-ration d’une idée. La plupart des gens ressentent ce besoin de collecter des choses sans toutefois s’interroger sur l’utilité de cet acte. Comment mettre à profit cette matière ?

Il y a toutes sortes de collections : des petites des grandes, des originales, des insolites, des banales. Mais chacune a un sens particulier pour celui qui la crée. La curiosité, la quête, l’amour de l’objet détaché de sa fonction sont des points communs aux collectionneurs. « Collecter - Collectionner » évoquent à la fois le geste, l’accumulation, la collecte d’éléments - mais aussi la dimension secrète ou au contraire publique d’une collection - la manière dont on montre, on expose, et également les thématiques que peuvent traverser ces deux verbes collecter et collectionner : l’inventaire, la série, la trace, la mémoire.

Le designer graphique américain Ben Critton propose un outil qui va dans ce sens.

Le site web http://falsearms.com propose un panel d’images relatives à des couleurs de référence.

La sélection de ces images se veut arbitraire. L’idée que défend Ben Critton est que ces systèmes d’organisation arbitraires sont des systèmes d’organisation quand même.

«Le Tennis c’est 90% de collecte d’informations et 10% de créativité»

Joe Chang, tennisman

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détourner - s’approprier Le point de vue - La perCeptionOn peut voir dans le principe de Lavoisier l’apparition d’un élément nouveau. L’acte de parvenir à décomposer l’eau en deux composants même s’il ne crée rien de nouveau est une innovation. L’innovation est le résultat de l’action d’innover. C’est un changement dans le processus de pensée visant à exécuter une action nouvelle. Elle se distingue d’une invention ou d’une découverte dans la mesure où elle s’inscrit dans une perspective applicative. C’est à dire que l’innovation s’établit dans la construction de la pensée nouvelle mais que le résultat concret ne sera pas une découverte. Ce n‘est donc pas une découverte mais plutôt une redécouverte.

On peut aussi dire qu’il y a de la « créativité » qui réside dans les modifications et les change-ments que nous opérons. Le problème se situe donc dans les choix et les tranches que le designer graphique va effectuer pour modifier cette matière à sa convenance ou plutôt à ce qu’il veut ou doit montrer. L’idée que rien ne naît ni ne périt n’est pas en contradiction avec celle de la créativité.

Elle tend juste à démontrer que le répertoire auquel nous faisons appel quotidiennement existe depuis toujours dans ce que l’on peut observer dans la nature. Cela ne nous empêche pas d’innover et d’étendre ce répertoire.

Ci-dessous, le designer, Arnaud Finix se constitue une grammaire structurelle à base de matières, d’objets et d’espaces pour ensuite créer ses objets.

Le studio de design graphique Experimental JetSet pour la refonte de l’identité visuelle de la Réunion des Musées Nationaux (RMN), emprunte directement au travail d’Adrian Frutiger. Le nouveau logotype de la Réunion des musées nationaux conserve le sceau «m» dans un cercle, créé par Adrian Frutiger en 1969, dans toute son intégrité. Il s’adapte l’acronyme d’usage, RMN. Le nouveau logotype et sa charte graphique, qui consti-tuent la nouvelle identité visuelle de la RMN, obéissent à certains principes d’utilisation. Ces principes simples garantissent la tenue et la durabilité de cette nouvelle identité.

« Il s’agit d’un geste graphique. La solution est endogène, les deux lettres manquantes émergent du «m» existant. Celui-ci conserve toute son intégrité. Coupé en sa moitié selon un angle de 66 degrés, le «m» révèle un «r» à gauche et «n» à droite. Cette résolution intérieure, sans ajout exogène, décrit deux cercles coupés qui encadrent le cercle plein «m», donnant de l’élan à l’ancien sceau. De relativement statique, celui-ci devient plus dynamique, dans un mouvement intérieur/extérieur et extérieur/intérieur animant les trois éléments géométriques qui composent désormais le logotype. »

Expérimental JetSet

01.

02.

03.

66°

Ci-dessus, les différentes étapes de la conception du nouveau logo.

Arnaud Finix,Lampe IKHYO, Lampe au sol modulable, la luminosité varie selon la forme qu’on lui donne.

Arnaud Finix,répértoire - boite à outils

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Le situationnisme de guy debordLe cinéaste et essayiste Guy Debord, au travers du mouvement situationniste n’a qu’un objectif : créer des situations c’est à dire des expériences. La vérité artistique se définit chez les situa-tionnistes que par le jamais vu ou toute chose qui permet de questionner l’existant. Il a donc un profond dédain de l’Art existant et plus généralement pour toute culture « aliénée », c’est à dire coupée de l’expérience directe. Il ne déteste pas l’Image comme en atteste sa profession première de cinéaste. Il puise ses réflexions dans la « décomposition » de cette culture du spectacle. Il imagine ensuite des techniques pour « détourner » ces fragments. C’est finalement cette culture aliénée qui lui sert de matériau principal pour créer ses films ainsi que ses théories. Les principes de récupérations ont été largement théorisés au court de l’histoire humaine et particulièrement au XXe siècle par nombre de personnes ou courants de pensée.

Par exemple l’artiste Jacques Villéglé récupère la symbolique socio-politique pour concevoir un alphabet qui serait comme une sorte de condensé de la civilisation. A partir de ce moment-là il se pose en « releveur de traces de civilisation » pour reprendre l’expression du philosophe Walter Benjamin.

L’Alphabet de la guérilla, octobre 1983Fonds national d’art contemporain, Ministère de la culture et de la communication, ParisEn dépôt au Musée des Beaux-arts, Nantes

« Le 28 février 1969, de Gaulle reçoit Nixon. Je vois alors sur le mur d’un couloir de métro : les trois flèches de l’ancien parti socialiste, la croix de Lorraine gaullienne, la croix gammée nazie, la croix celtique inscrite dans le O des mouvements « jeune nation », « ordre nouveau », « occident », etc. Puis à nouveau les trois flèches dynamiques et barreuses de Tchakhotine indiquant sans autre commentaire le nom du président américain. L’impact des idéogrammes politiques ainsi assemblés primait sur tous les autres slogans anti-yankees de l’heure. »

Jacques Villéglé

Marcel Duchamp, Fontaine, 1917

Le ready madeC’est en quelque sorte ce que montre les ready made dans le monde de l’Art. Le ready made est un terme inventé par Marcel Duchamp en 1916 et qui consiste à percevoir d’une manière nouvelle un objet qui nous semblait d’emblée une donnée toute faite. Marcel Duchamp nous dit avec son urinoir que ce n’est pas un urinoir, c’est une oeuvre d’art. Il y parvient par le simple acte de signer et de mettre son urinoir dans un contexte qui en plus de ne pas être son contexte naturel est celui d’une institution artistique. Par cette simple action il modifie notre regard sur un objet industriel produit en série, a priori dépourvu de qualités plastiques ou conceptuelles.

En modifiant la perception de cet objet en le déplaçant, il modifie donc du même coup l’objet lui même. L’objet ne se définit donc plus par sa fonction usuelle mais par la perception que nous en avons. Duchamp enfonce le clou en nommant son urinoir « fontaine ».

Par ce biais, la présentation matérielle devient accessoire quand l’essentiel est dans la représentation mentale. L’urinoir devenu fontaine doit déclencher le jeu des représentations symboliques associées spontanément à ces formes. L’urinoir est une fontaine alimentée par l’homme, etc. On voit bien au travers de cet exemple que Duchamp ne « crée » pas au sens ou l’on peut l’entendre. Il réduit d’une part la fonction usuelle de l’objet et étend d’autre part la perception que nous en avons. Pour Albert Einstein « tout est relatif » et on pourrait ainsi dire tout est subjectif car assujettit à notre point de vue personnel.

Dans la pensée post-moderne et plus précisément en littérature, la théori-cienne littéraire Linda Hutcheton pose un principe qui va lui aussi dans ce sens : l’intertextualité. Cette notion se fonde sur l’idée que l’on ne peut pas envisager un texte sans penser à ceux qui ont déjà été écrits. En somme, on crée toujours en référence à une création antérieure.

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l’homme

qui joue :

l’Homo

Ludens.Quelques reslutats d’une recherche à partir du terme « faire » sur Google images.

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déConstruireComment alors concevoir sa propre écriture ? Ici il me paraît pertinent de comprendre comment se structure la conception d’un alphabet pour parler d’écriture. Chacun possède ses « petites recettes » et il m’intéresse d’en développer une qui me corresponde.

Comme lorsque l’on appréhende un projet, il faut commencer avant toute chose par identifier le problème, le manque à combler. On commence certainement par isoler un ou plusieurs signes graphiques. Ensuite les étudier, les décrire par rapport à leur taille, leur orientation, leur rythme et leur trajectoire. Dans l’interview filmée, l’abécédaire, Gilles Deleuze nous parle de territoires en évoquant le cas de la tique. Ce qu’il trouve fascinant c’est que « les animaux ont des mondes ». Leurs mondes se distinguent les uns des autres par la restriction des choses qu’ils perçoivent. Il explique que le territoire de cet insecte est défini par la sélection et l’extrait d’élément dans l’immense diversité de la nature. La tique, par exemple, répond à trois excitants : La lumière, l’odeur et le toucher. Pour lui c’est donc ça « qui fait un monde ».

De la même manière nous pouvons constituer notre territoire à partir d’éléments fondamentaux voir irréductibles. Des modules en somme.

J’essaierais ici à partir du cas du dessin de caractère de montrer comment concrètement on peut déconstruire à l’extrême pour ensuite étendre les principes basiques à l’élaboration complète d’un alphabet. N’étant ni typographe, ni dessinateur de caractère je resterais volontairement cantonné à des mécanismes de conception sans me soucier des problèmes hyper-techniques que peuvent soulever le dessin et le développement d’une typographie.

Si l’on prend l’exemple de la typographie ou dessin de caractère, nous n’agissons finalement jamais sur les composantes essentielles d’une typo. En effet un « a » devra toujours être perçu comme un « a ». Une famille de caractères devra toujours être constituée d’au moins 26 signes qui constituent notre alphabet Français. C’est un paradigme culturel dont nous ne pouvons nous soustraire. Les familles typographiques sont autant de façons de figurer notre alphabet. Il est possible et même nécessaire de récupérer ces contraintes données et réelles pour les trans-former et en faire quelque chose de nouveau.

DANS CETTE ULTIME PARTIE DE MA RÉFLEXION, JE SOUHAITERAIS REPRÉSENTER CERTAINS DES CONCEPTS ÉVOQUÉS PRÉCÉDEMMENT PAR LE BIAIS D’UN CAS PRATIQUE. DANS UN PREMIER TEMPS, JE JOUERAIS AVEC CES PRINCIPES POUR CONCEVOIR UN ALPHABET. SA SEULE VOCATION EST D’ÊTRE UN PRÉTEXTE DIDACTIQUE ET N’A DONC PAS DE PRÉTENTION ESTHÉTIQUE OU DE CONSIDÉRATION PARTICULIÈRE POUR LA LISIBILITÉ. DANS UN SECOND TEMPS J’INTRODUIRAIS UNE EXPÉRIMENTATION PERSONNELLE EFFECTUÉE DANS LA CONTI-NUITÉ DU MÉMOIRE. L’IDÉE DIRECTRICE DE CETTE EXPÉRIMENTATION ÉTANT DE PROPOSER LA MATRICE D’UNE BOÎTE À OUTILS DESTINÉE AUX DESIGNERS GRAPHIQUES.

Le site FontStruct.com, propose de créer ses propres familles de caractères en ligne. Pour cela on dispose d’une interface de création simplifiée et d’une large séléction de modules graphique que l’on appelera plus après des graphèmes, ainsi que d’outils et d’une grille de composition. Ce sont les règles du jeu. Voici une approche ludique et interactive de la typographie.

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La grammatisation La grammatisation est un processus de description, de formalisation et de discrétisation des comportements humains (la voix et les gestes) qui permet leur reproduc-tibilité. Grammatiser, c’est isoler des grammes et des graphes (éléments constitutifs en nombres finis formant un système).

Grammatiser c’est donc discrétiser un signal et de ce fait pouvoir le reproduire. Par exemple, je peux discrétiser la langue avec une trentaine de signes graphique : les lettres de l’alphabet. L’alphabet permet de retranscrire n’importe quelle langue du monde dont il accomplit la discrétisation littérale. Le concept de grammatisation permet de définir des époques et des techniques qui apparaissent et qui ne disparaissent jamais (en aucun cas l’informatique ne fait disparaître la lecture et l’écriture, c’est au contraire une archi-lecture qui change les conditions de la lecture et de l’écriture).

Les CodesAvant toute chose il faut comprendre la notion de « code ». Toute commu-nication n’est possible que s’il existe un code commun à l’émetteur et au récepteur et réciproquement.

En sémiologie on dit que le code est l’outil qui permet de transcrire en une entité cohérente (le message) un certain nombre de signes qui corres-pondent chacun à une partie du réel, à un référent spécifique. Rédiger un message, alphabétique ou iconique, consiste donc à donner une structure langagière à une série de signes. Fabriquer une image fonctionnelle consiste effectivement à construire celle-ci conformément à un répertoire connu et selon des règles d’enchaînement normales.

C’est cette connaissance du code qui permet de faire surgir la signification. Les caractères de l’alphabet romain sont notre code pour transcrire le langage parlé phonétique en langage écrit.

Les iConèmes et Les graphèmes Si l’on réduit une famille de caractères à sa forme la plus brute alors tout notre outillage graphique est réduit à deux signes, le cercle et le carré. Cet outillage est un code, c’est à dire un répertoire fini de signes (un dictionnaire) que l’on peut soumettre ensuite à des règles de combinatoire (une syntaxe). Avant de procéder aux choix qui vont construire notre typographie nous allons donc à la rencontre de ces signes irréductibles. En linguistique on nomme ces signes des iconèmes. Ces iconèmes sont eux mêmes composés de ce que l’on appelle des graphèmes (lignes et courbes). On pourrait d’ail-leurs aussi bien se contenter d’un seul de ces deux iconèmes pour composer une fonte.

Une fonte composée d’un seul iconème est une donc soumise aux règles d’un seul module.

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Pour illustrer cette idée de déconstruction - extention nous prendrons l’exemple du Tangram. Le Trangram est un jeu chinois qui consiste à créer des fIgures à partir de la dissection d’un carré en sept pièces élémentaires.

iConèmes héréditairesÀ partir de ces premiers éléments graphiques minimaux (rond, carré) nous pouvons dorénavant redéfinir nos iconèmes de manière plus précise. On interprète alors nos iconèmes pour les modifier à notre convenance. Ces nouveaux iconèmes conservent des propriétés héréditaire avec les iconèmes « basiques ». Par exemple, dans le cadre de cette typographie on devra rajouter un 3e iconème qui n’est qu’une déclinaison du carré. On modifie l’inclinaison de l’iconème «carré» on crée un nouvel iconème « losange ». Même s’il est composé des mêmes graphèmes il sera perçu comme un nouvel iconème par le cerveau humain. Il est ici question d’étendre notre répertoire pour pouvoir ensuite procéder à des combinaisons qui définiront notre syntaxe.

C’est l’un des premiers choix que nous faisons lors de l’élaboration d’une typographie. Ces signes de base vont servir à définir la grille typographique, les modules qui composeront les caractères et tout ce qui servira à l’élaboration de notre famille de caractère. Le choix de ces nouveaux iconèmes s’effectue ici de façon arbitraire pour ne pas rajouter de signification supplé-mentaire à l’exemple qui se veut minimal. Mais c’est à cet instant de la conception que l’on devrait imposer notre concept, l’idée et finalement le partis pris qui déterminera le dessin des caractères.

Comme l’animal qui définit son monde au travers d’une sélection restreinte de ce qu’il perçoit dans l’immense diversité de la nature, le designer devra ici sélectionner les concepts ou les signes pertinents. Tout est envisageable tant que la cohérence avec le projet ou la commande est au rendez-vous.

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C’est en tout cas avec ces règles que nous pouvons dessiner et déterminer les attributs de la grille qui nous aidera ensuite à concevoir notre dessin. La grille, ci-dessus, montre qu’à partir des graphèmes établis arbitrairement depuis l’iconème «carré» je peux définir deux pentes différentes pour l’élaboration de mes caractères.

éLaboration de La griLLeBien que soumis à un système de combinaisons, comme on l’a vu auparavant, nous pouvons à loisir jouer avec l’échelle, la graisse et l’angle d’inclinaison des différents graphèmes. Tout est question de se fixer des règles d’utilisation. Ces règles peuvent être déterminées soit pour des raisons esthétiques, soit par souci de lisibilité, soit pour enrichir le dessin.

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Si on décompose le code de l’alphabet romain en formes graphiques minimales, il pourrait alors être représenté ainsi (voir schéma ci-dessous). On constate alors que chaque caractère est soumis à des règles combina-toires. Ces combinaisons de graphèmes donnent lieu à l’appa-rition de nouveaux graphèmes plus complexes que sont les caractères typographiques.

Le thème de la réduction et de l’épure ayant déjà été traité avec brio par quantité de designers, j’orienterais mon exemple du côté de l’extension.

Si l’on observe le tableau ci-dessus, on s’aperçoit que l’alphabet majuscule latin se compose de 11 éléments graphiques minimaux, c’est à dire que l’ont ne peut pas réduire et qui suffisent à l’élaboration de tout les signes de notre alphabet. Ici 8 de ceux-ci sont droits et 3 courbes. Ces éléments graphiques minimaux repré-sentent les syllabes qui nous permettront de construire nos mots. Ils serviront de matériaux pour concevoir notre vocabulaire.

Nous avons vu précedemment les façon de structurer la démarche de l’élaboration d’une police de caractères dans sa dimension la plus formelle. Ci-dessus, Karl Nawrot et Walker Warton du studio Voidwreck adopte le même procédé mais d’une façon plus expérimentale pour concevoir des signes qui leur appartiennent.

Karl Nawrot & Walter Warton, Studio Voidwreck, Templates & exercices, (2008)

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introduCtion à L’expérimentation personneLLe

Si il est un objet que nous avons tous en commun en tant que designer graphique c’est bien le carnet de note ou de croquis. C’est d’une part un catalogue, un répértoire qui nous sert à garder une trace des idées, pensées, références, adresse internet, etc., que l’ont peut rencontrer quoti-diennement. C’est aussi un outil de création graphique et plastique à part entière. C’est dans ces pages que l’on jette sans compromis les germes de représentations graphique, que l’on mélange des symboles, que l’ont commence à faire notre « cuisine ».

Pour moi c’est un élément essentiel et un fondamental de ma pratique. C’est ma structure - struc-turée - structurante primaire. J’en possède d’ailleurs des dizaines et chacun ont leur spécificité : Certains ont un quadrillage qui me sert beaucoup pour composer a peu près à l’echelle ou pour contenir mon trait. D’autres sont des térritoires vierges où je peux tracer sans contraintes. Les formats font partis de ces caratéristiques qui, forcément, ont une incidence sur mon trait ou la façon dont je vais structurer mon croquis. Lorsque j’entamme un projet j’aime me replonger dans ces carnets pour aider un peu à trouver un point de départ. Le carnet de note est donc aussi pour moi un formidable outils d’archives personelles.

Mais le problème trivial et très concret est que plus j’accumule et collectionne ces objets, plus il m’est difficile de m’y retrouver. C’est pourquoi j’ai eu l’envie de concevoir un objet qui m’appar-tienne vraiment et qui m’offre l’éventail de possible que j’ai ennoncé plus haut. Cet objet pourra à la fois contenir des grilles qui se distinguent en fonction des besoins, des pages de croquis purs, ou des moments d’écriture et de prise de note. J’ai essayé de voir lors de mes recherches sur ce projet, si il était appropriable par d’autres que moi. Les grilles que je proposais dans la maquette, particulièrement, étaient investies et réappropriées de manières différentes selon les personnes. Certaines y ont vu un intérêt pour la conception d’une typographie, d’autres un livre de coloriages ou d’illustrations, d’autres encore y ont seulement pris des notes.

Je souhaitais donc concevoir graphiquement ma structure, mon outil d’élaboration d’une idée ou plutôt une partie de celle-ci. Je voulais un objet simple, qui ne me coute presque rien, que je puisse imprimer facilement et en plusieurs format homotétiques et qui reste en devenir et exten-sible à l’avenir.

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ConCLusionÀ l’heure où je finis la rédaction de cette étude j’arrive au terme d’une étape de ma formation. Ce mémoire était une façon de revenir sur ce qui nous amène, et nous structure dans nos pratiques. Au terme de ce mémoire, je m’aperçois que la question que je souhaitais soulever pourrait être celle-ci : Qu’est-ce que c’est d’avoir une idée ?

Gilles Deleuze disait qu’une idée est un potentiel déjà en action dans un domaine d’expression et inséparable de celui-ci. On parlera d’idée cinématographique, d’idée philosophique, etc. Le travail du philosophe est de créer des concepts. Celui du cinéaste est de « créer des blocs », c’est à dire de raccorder manuellement des espaces-temps dont les connexions n’étaient pas prédéterminées. Créer des histoires donc. L’inventeur quant à lui crée des fonctions. On parle de fonctions lorsqu’il y a «correspondance réglée de deux ensembles au moins». Cependant toutes les disciplines communiquent. L’artiste peut parler avec le philosophe ou le scientifique. Si cela est possible c’est selon Deleuze grâce à « ce qui ne se dégage jamais pour soi-même mais qui est engagé dans toute discipline créatrice, à savoir la constitution des espaces-temps ». Il y a donc des emprunts et des rencontres qui peuvent se faire même si l’idée ne sera jamais la même en cinéma et en design graphique.

Je me rends compte que le Design graphique est à la croisée des chemins et des techniques. À la différence d’autres pratiques de création, les frontières du design graphique sont ambiguës. Le débat sur sa définition reste ouvert et aucune de celles qui ont été donnée, même si elles peuvent être très belles, ne semble faire l’unanimité. Dire qu’il y a autant de définition que de designer graphique me semble plus juste. C’est peut être ce qui fait la force de cette manière d’exprimer.

Bien sûr il existe des pratiques conventionnelles et conventionnées, par exemple ce que l’on appelle la création de l’identité visuelle. Mais la typographie, la mise en page, l’illustration, la photographie, la vidéo (etc.), sont des spécialités et des disciplines particulières. Le designer graphique fort des évolutions technologiques possède un passeport entre ces différentes spécia-lités. Puisqu’il ne connaîtra jamais toutes les « règles de l’Art » propres à chaque discipline, car cela lui prendrait plusieurs vies, il récupère, il pioche ce qui lui semble juste, intéressant et le met à profit jusqu’à parfois exceller dans cette spécialité. Cette profession est celle de l’emprunt et de l’appropriation. Une idée en Design graphique est parfois lancée à partir d’un élément de concept philosophique par exemple. Techniquement, en terme de savoir faire, il n’y a pas d’outils spécifiques au désigner graphique comme le boucher peut avoir ses couteaux. Cependant il n’y a, pour la même raison, aucune limite aux outils que l’ont peut utiliser. C’est une des raisons pour laquelle le designer graphique doit trouver les moyens de comprendre ce qui est de l’ordre des conventions et des règles pour s’en défaire et se constituer son propre bagage et sa propre boîte à outils.

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Vilém Flusser, Petite philosophie du design [essai], Circé, 2002

Charlotte & Peter Fiell, GRAPHIC DESIGN FOR THE 21ST CENTURY, Taschen,

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Charlotte & Peter FIELL, CONTEMPORARY GRAPHIC DESIGN, Taschen ,2007

Abraham A. MOLES, DU DESIGN GRAPHIQUE, Taschen, 2003

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