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LA DISTRIBUTION DE LA NOTORIÉTÉ ARTISTIQUE EN LIGNE Une analyse quantitative de MySpace (enquête) Jean-Samuel Beuscart et Thomas Couronné ENS Cachan | Terrains & travaux 2009/1 - n° 15 pages 147 à 170 ISSN 1627-9506 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2009-1-page-147.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Beuscart Jean-Samuel et Couronné Thomas, « La distribution de la notoriété artistique en ligne » Une analyse quantitative de MySpace (enquête), Terrains & travaux, 2009/1 n° 15, p. 147-170. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ENS Cachan. © ENS Cachan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_bordeaux3 - - 147.210.116.177 - 13/08/2012 14h54. © ENS Cachan Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_bordeaux3 - - 147.210.116.177 - 13/08/2012 14h54. © ENS Cachan

La distribution de la notoriété artistique en ligne

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Au cours de ces dernières années se sont développés de nombreux outils d’autopublication en ligne, qui permettent aux amateurs comme aux professionnels de mettre à la disposition de tous leurs productions écrites, photographiques, musicales, audiovisuelles, de plus en plus facilement. Le succès de ces usages est incontestable, et les grandes plateformes d’autoproduction (MySpace, Youtube,...

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LA DISTRIBUTION DE LA NOTORIÉTÉ ARTISTIQUE EN LIGNEUne analyse quantitative de MySpace (enquête)Jean-Samuel Beuscart et Thomas Couronné ENS Cachan | Terrains & travaux 2009/1 - n° 15pages 147 à 170

ISSN 1627-9506

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2009-1-page-147.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Beuscart Jean-Samuel et Couronné Thomas, « La distribution de la notoriété artistique en ligne » Une analyse

quantitative de MySpace (enquête),

Terrains & travaux, 2009/1 n° 15, p. 147-170.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour ENS Cachan.

© ENS Cachan. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Jean-Samuel Beuscart et !omas CouronnéLa distribution de lanotoriété artistique en ligneUne analyse quantitative de MySpace

(enquête)

Au cours de ces dernières années se sont développés de nom-breux outils d’autopublication en ligne, qui permettent aux ama-teurs comme aux professionnels de mettre à la disposition de tous leurs productions écrites, photographiques, musicales, au-diovisuelles, de plus en plus facilement. Le succès de ces usages est incontestable, et les grandes plateformes d’autoproduction (MySpace, Youtube, Flickr, Wordpress, Skyblog, etc.) "gurent désormais dans les premières audiences mondiales des sites In-ternet. Ce succès suscite des interrogations sur la signi"cation de ces larges audiences quant aux transformations de la consom-mation et des industries culturelles#: certains analystes estiment que la consommation culturelle se porte progressivement sur une myriade de petits producteurs, amateurs pour l’essentiel, tandis que de nombreux experts annoncent la "n du pouvoir de prescription des industries culturelles (Anderson, 2004#; Martin, 2006#; Leonhard,#2007).Une démarche possible, pour apporter des éléments de réponse à ces questions, consiste à se pencher sur la nature et la répar-tition de l’audience réunie sur les sites : comment la masse de l’audience se répartit-elle sur la masse des contributions propo-sées ? Notamment, dans la mesure où les plateformes agrègent des contenus produits par les utilisateurs avec d’autres produits par les industries culturelles, observe-t-on un appétit particulier pour les premiers au détriment des seconds ? Cette question est cruciale pour la compréhension plus large de la façon dont les nouveaux médias transforment la structure de l’industrie mu-sicale. Nous nous concentrerons ici sur le cas de la musique, à travers l’analyse du site de référence MySpace. Fin 2007, on y dénombrait en e$et 4,7 millions d’artistes musicaux inscrits aux

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Etats-Unis, et 130 000 en France1.#Nous étudions dans cet article la notoriété en ligne des musi-ciens publiés sur MySpace, amateurs comme professionnels. Le terme de notoriété désigne de façon très générale «#le fait d’être connu d’une manière certaine et générale# » (Robert, 2009). Dans le domaine du marketing, il est souvent appréhendé dans les enquêtes par un pourcentage de la population ayant connais-sance d’une marque ou d’un produit. Dans le domaine des in-dustries culturelles, la notoriété peut être considérée en première approche comme un capital immatériel qui peut être rentabilisé sur di$érents marchés : pour un groupe de musique, être connu accroît les chances de vendre des disques, de faire des concerts, d’être contacté pour écrire la bande-son d’une publicité, etc. (Le Diberdier, 2006 ; Beuscart, 2008). Nous nous e$orçons ici, sur la base des résultats de notre échantillon, de décomposer la no-tion très générale de notoriété en deux composantes distinctes#: l’audience, qui est une somme d’actes de consommations et té-moigne du fait d’être écouté#; et l’in!uence, qui témoigne du fait d’être recommandé activement par son public, et traduit un atta-chement du public à l’artiste allant au-delà de la simple écoute.Dans une enquête qualitative précédente, nous avons montré que la notoriété est une dimension qui structure e$ectivement les pratiques de la plupart des musiciens présents sur MySpace (Beuscart, 2008). Le dispositif du site rend publics des indi-cateurs – nombre d’a%chages de la page, nombre d’écoutes, nombre d’amis, nombre de commentaires reçus – qui sont inter-prétés par les usagers comme des indices du succès de leur mu-sique et de leurs actions d’autopromotion sur le site. Le disposi-tif met les musiciens en position d’entrepreneurs de leur propre notoriété, position qu’ils apprennent à occuper de bonne ou mauvaise grâce en développant des techniques de marketing de leurs œuvres plus ou moins systématiques. Ces résultats sur les usagers de MySpace rejoignent ceux d’études sur les blogs et sur les plateformes photos et vidéo (Herring et al., 2005 ; Cardon, Delaunay-Teterel, 2006 ; Huberman et al., 2008 ; Cardon et al., 2009), qui montrent que la recherche de signes de réussite (au-1. Source!: "e Metrics Factory, 2007.

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dience, commentaires) est un moteur essentiel de la poursuite de l’activité de publication. Ces travaux montrent aussi que la continuité et l’intensité de l’activité sont des conditions néces-saires – mais non-su%santes – de l’accession à une certaine no-toriété. Les interrogations des acteurs sur les recettes du succès rejoignent en grande partie celle des sociologues et économistes sur la démocratisation des industries culturelles à l’heure d’In-ternet (Allard, 2005 ; Anderson, 2006 ; Bourreau et Gensollen, 2006 ; Bourreau et al., 2007 ; Granjon et Combes, 2007).À partir de l’étude d’un échantillon quantitatif interconnecté de musiciens présents sur MySpace, nous présentons ici des éléments sur la façon dont se structure la notoriété artistique musicale au sein de plateformes réunissant les œuvres de très nombreux artistes, professionnels établis et amateurs, au degré d’engagement dans la pratique musicale très divers. Nous com-mençons par présenter les résultats existants sur la structure de la notoriété en ligne, puis la méthode utilisée pour constituer l’échantillon qui constitue notre terrain. Nous montrons ensuite que l’essentiel de l’attention se porte sur une minorité de stars, mais que la nature de ces stars est di$érente selon la dimension considérée de la notoriété ; quoiqu’il en soit, la célébrité est for-tement structurée par la position du musicien dans l’industrie musicale. Nous analysons en"n la nature des a%nités entre les musiciens, qui reposent en partie sur la notoriété, mais aussi sur des caractéristiques musicales.

La structure de la notoriété en ligne#Plusieurs études, d’origines disciplinaires diverses, se sont inté-ressées à la distribution de l’attention en ligne, dans un contexte d’o$re pléthorique (pages web, catalogues de musique et de vi-déo en ligne, UGC2).Des travaux issus des sciences informatiques ont montré que, pour de nombreux objets internet (pages web, vidéos en ligne, etc.), la répartition de la demande sur une o$re abondante présente une structure très concentrée, une minorité de l’o$re concentrant l’essentiel de la demande. La demande peut le plus 2. User-Generated Content (contenu produit par les usagers).

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souvent être modélisée par une loi de puissance ; elle est repré-sentée par une droite dans un graphique logarithmique "gurant en ordonnée la demande d’un bien, et en abscisse le rang crois-sant des di$érents biens. Une telle structure de la demande a pu être identi"ée pour les pages web (Cho et Roy, 2004) et pour les blogs. Dans le cas des vidéo UGC, Cha et al. (2007) montrent, à partir de l’étude d’un échantillon de plusieurs millions de vidéos sur YouTube, que 10#% des vidéos reçoivent plus de 80#% des visionnages.

"g. 1 - Distribution en loi de puissance, en échelle linéaire (en haut)et log/log (en bas)

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Cette structure de la demande est en fait similaire à celle de la demande des biens culturels classiques, dont la structure paré-tienne est ordinairement résumée par les acteurs des industries culturelles sous le terme de «#règle des 80-20#» : 80#% de la de-mande se porte sur 20#% des biens. Les incertitudes demeurent en revanche sur la question de savoir si Internet ampli"e ou réduit l’inégalité de cette distribution. Le débat, qui occupe sur-tout les économistes, se structure pour l’essentiel autour l’idée de la «#longue traîne#» (long tail) proposée par C.#Anderson, ou plus précisément les deux thèses proposées dans son livre. La pre-mière thèse est statique : Anderson montre, en s’appuyant sur les données fournies par Amazon (librairie en ligne) et Rhapsody (vente de musique en ligne), qu’Internet permet de constituer une o$re beaucoup plus large que les magasins physiques, et que les produits présents dans cette o$re rencontrent une demande, même faible. La somme de ces demandes portant sur les œuvres de longue traîne représente néanmoins une fraction importante de la demande totale : Anderson estime que 40#% des ventes d’Amazon portent sur des produits non disponibles dans les grandes librairies physiques. La seconde thèse d’Anderson porte sur la dynamique de la courbe : l’auteur estime que les outils de recherche et de re-commandation entre les internautes (plus que les outils clas-siques du marketing) vont naturellement conduire une partie de la demande depuis le haut de la courbe – les biens ou individus «#stars#» – vers le bas de la courbe – la longue traîne ; soit un épaississement de la courbe. Sur ce point, le raisonnement est purement spéculatif. Plusieurs travaux se sont e$orcés de tester cette hypothèse dynamique sur la base des rares données dispo-nibles (Elberse et Oberholzer, 2006 ; Benhamou et Benghozi, 2008). S’ils con"rment que l’o$re de longue traîne rencontre une demande non-nulle (et auparavant inexprimée), la plupart des travaux estiment que l’épaississement de la courbe est sinon inexistant, du moins très faible.Aucun de ces travaux ne porte cependant sur des portails UGC tels que MySpace ou YouTube, qui ont la particularité de réunir en un même catalogue les œuvres d’artistes professionnels et celles d’une myriade d’amateurs.

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#Concernant l’explication de cette structure en loi de puissance, on peut identi"er schématiquement deux grands types d’expli-cation.La première, issue de l’économie de la culture, et dont la formu-lation canonique a été fournie par Rosen (1981), énonce que la nature des marchés des biens culturels fait que de petites di$é-rences de talent entre les artistes se traduisent par de grandes di$érences dans la demande dont ils font l’objet (et donc dans les revenus dont ils disposent). Cette explication est cependant assez rarement mobilisée par les études sur la distribution de l’attention en ligne, car elle implique qu’il existe un accord sur une dé"nition, une mesure et une hiérarchie initiale des talents.L’autre grand type d’explication repose sur l’exposition di$éren-tielle des œuvres et les e$ets cumulatifs qu’elle produit. L’intui-tion est que «#les plus exposés sont plus consultés, donc plus ex-posés#». On en trouve plusieurs formulations classiques, depuis la formalisation mathématique (processus de Yule ou de «#l’atta-chement préférentiel#») jusqu’à «#l’e$et Matthieu#» proposé par Merton dans sa sociologie de la popularité scienti"que3 (Yule, 1925 ; Merton, 1968, 1988). Cet argument est très régulière-ment évoqué pour expliquer la concentration de l’audience sur Internet : un contenu mis en page d’accueil a plus de chances d’être consulté, et donc d’apparaître en haut des listes. La ques-tion qui reste ouverte est alors de savoir dans quelle mesure les dispositifs d’exposition que fournit Internet conduisent à une concentration ou à une déconcentration de l’exposition initiale des œuvres. Schématiquement, l’intuition est que certains outils de classement (nombre de vues, votes, pagerank) alimentent l’ef-fet Matthieu, tandis que d’autres (recommandations personna-lisées, réseaux sociaux) l’atténuent. C’est d’ailleurs la façon dont Anderson répond aux études montrant l’absence d’épaississe-ment de la longue traîne : c’est que les outils de recommanda-tion et de méta-information sur les produits sont insu%sants ou

3. Merton nomme ainsi, d’après la parabole des talents de l’évangile de St Matthieu, l’exis-tence d’avantage scumulatifs dans le domaine de la science, en particulier le fait que les di#érences de renommée des scienti$ques apparaissent disproportionnées par rapport aux di#érences dans les contributions. Dans son explication du phénomène, Merton montre comment les mécanismes institutionnels propres au monde de la science creusent les faibles écarts initiaux de contribution et de renommée scienti$que.

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ine%caces (Anderson, 2006, 2008). Le fonctionnement des outils de recommandation est donc un enjeu crucial pour comprendre la distribution de la notoriété. D’un côté, les travaux sur YouTube, Flickr ou sur les blogs mon-trent qu’il existe une corrélation nette entre l’évaluation et l’au-dience d’un contenu (Cha et al., 2007 pour YouTube ; Labarthe-Piol, 2005 à propos d’Amazon). De l’autre, le travail pionnier de Herring et al. (2005) sur la notoriété dans la blogosphère mon-trent que les blogs les plus populaires (A-list) ont tendance à beaucoup s’entre-citer, tandis que les blogs moins notoires citent les blogs connus sans être cités par eux. En d’autres termes, les mécanismes de recommandation réticulaire peuvent aussi ren-forcer (plutôt qu’atténuer) l’exposition di$érentielle des conte-nus au pro"t de biens stars.#Dans la continuité de ces travaux, notre étude permet de com-prendre quel type de distribution de l’attention produisent les outils de recommandation et de réseaux fournis par MySpace, et le rapport de cette distribution à celle construite hors ligne par les industries culturelles. Par rapport aux travaux disponibles, notre travail a l’originalité de prendre en compte, dans l’analyse d’une grande plateforme Internet, la position des artistes dans les industries culturelles. Il propose de répondre pour cela à trois questions :- Observe-t-on une concentration de l’attention sur une mi-norité de stars comme c’est le cas dans l’économie physique de la culture, ou véri"e-t-on au contraire l’intuition de la «#longue traîne#», selon laquelle l’attention sur Internet a tendance à se répartir plus uniformément sur l’ensemble des contenus dispo-nibles ?- Quels sont les contenus qui reçoivent la plus grande attention#: les productions des amateurs sont-elles autant consultées que celles des professionnels établis ?- Le succès sur les plateformes permet-t-il d’identi"er une élite cohérente et interconnectée, ou une multitude de stars locales sans lien entre elles ?

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La construction des donnéesNous proposons de traiter ces questions sur un terrain relative-ment modeste, soit un graphe de 13#859 utilisateurs de MySpace, dont 8#517 musiciens, reliés entre eux par des liens de recom-mandation4. Deux techniques sont disponibles pour construire un échantillon d’un site comme MySpace : on peut prélever des individus au hasard (à partir de leur identi"ant), ou construire un échantillon en suivant les liens entre les individus, selon la technique dite «#boule de neige#» (Herring et al.,2005 ; Car-verlee and Webb, 2008 ; Cristofoli, 2009). C’est cette deuxième option que nous avons retenue, car elle permet, conformément à notre objectif, de recueillir des éléments sur le fonctionnement de la recommandation au sein du site.Notre étude qualitative précédente a en e$et montré que le principal outil de recommandation horizontal réside dans la mention d’un artiste comme «#meilleur ami#». Lorsqu’un artiste ou un fan a%che un artiste comme «#meilleur ami#», il le fait ap-paraître en bonne place sur sa propre page, et crée de fait un lien vers sa page (exactement à la manière d’un blogroll) ; ce lien est interprété par les usagers de MySpace comme une recomman-dation ou une a%nité musicale («#si tu aimes ma musique, tu aimerais la sienne#»). Plusieurs artistes interviewés mentionnent d’ailleurs comme un objectif stratégique le fait d’être meilleur ami de certaines stars sur MySpace.De ce fait, il était nécessaire d’aspirer un échantillon cohérent et inter-relié, contenant l’ensemble des liens de recommandation entre les membres de l’échantillon. Nous inspirant de Herring et al., nous avons donc réalisé plusieurs aspirations en suivant les liens de meilleure amitié, en faisant varier le nombre de points d’entrée (de 3 à 10) et la profondeur (de 2 à 4).

4. Dans cet article, nous nous intéressons à la notoriété des seuls musiciens, c’est-à-dire les comptes «!MySpace Music!», laissant de côté celle des fans, qui ont des comptes MySpace ordinaires.

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Network ID Profondeur Nb points d’entrée Nb nœuds Taux de pro!ls

musicA 3 4 9000 0,54B 3 7 13859 0,61C 2 10 24300 0,55D 4 3 27122 0,42

Tableau 1 - Synthèse des 4 aspirations

Le nombre de nœuds et la proportion de musiciens est natu-rellement variable d’une aspiration à l’autre, mais ce dernier ra-tio s’établit autour de 50#%. Nous avons retenu un échantillon obtenu à partir de 7 points d’entrée choisis aléatoirement dans le top-artistes de MySpace Music France, et une exploration des liens de meilleure amitié jusqu’à une profondeur de 3 (leurs meilleurs amis, les meilleurs amis de leurs meilleurs amis, et les meilleurs amis de ces derniers). De manière à véri"er que notre échantillon n’était pas trop atypique, nous avons testé les corré-lations entre les grandes variables de notoriété (voir ci-dessous) par aspiration, puis e$ectué un test de Mantel pour estimer la similarité des tables de corrélations entre chaque échantillon.

MANTEL Test r p-value (bilatérale)B,A 0,997 0,001B,C 0,998 0,001B,D 0,995 0,001

Tableau 2 - Test de Mantel#: similarités entre les tables de corrélationintra échantillon

On con"rme par là que l’échantillon B que nous avons sélec-tionné possède des caractéristiques similaires aux autres échan-tillons.Notre terrain est donc constitué d’un graphe de 13#859 indi-vidus dont 8#517 musiciens, liés entre eux par 76#017 liens. La densité – le nombre de liens réalisés sur le nombre de liens pos-sibles – est donc de 0,0004 ; 27#% des liens sont réciproques. Outre leurs relations, nous disposons sur ces membres d’un cer-tain nombre d’informations fournies par les pages MySpace.

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Sur la position des musiciens dans l’industrie tout d’abord : 1#191 sont signés sur une major, 4#604 sur un label indépendant, tandis que 2#664 sont sans label5. Surtout, on dispose pour cha-cun de ces artistes de trois indicateurs de notoriété : le nombre total d’a%chages de la page de l’artiste, le nombre total d’amis, et le nombre total de commentaires laissés sur sa page. À ceux-là nous pouvons en ajouter un quatrième, construit à partir de notre graphe, qui est le nombre d’individus de l’échantillon ayant recommandé l’artiste en le désignant comme meilleur ami#; soit, dans le vocabulaire de l’analyse de réseaux, le degré entrant du nœud dans le graphe6. Sur MySpace en e$et, le fan comme l’ar-tiste peut devenir ami avec un artiste ; ce lien d’amitié doit être accepté par les deux parties, il est donc réciproque. Le nombre d’amis est souvent très élevé sur MySpace (22#656 pour les ar-tistes de notre échantillon). Les amis peuvent laisser des com-mentaires sur la page de l’artiste. En outre, le site comptabilise et rend public les visites réalisées par les internautes (inscrits ou non sur MySpace) sur la page d’un artiste. À la di$érence de l’amitié simple, la meilleure amitié n’est en revanche pas ré-ciproque, puisqu’elle résulte d’une sélection par l’utilisateur des meilleurs parmi l’ensemble de ses nombreux amis.

Amis Hits Degré entrant

Commen-taires

Moyenne 22#656,8 754#424,8 6,6 7#676,7Médiane 3#885,5 66#600,0 4,0 888,5

Ecart-type 91#358,9 4#411#430,4 9,0 78#204,8Minimum 1,0 0,0 1,0 0,0Maximum 3#485#616 165#677#295 183 37#913#342

Centiles25 1#442,5 24#296,5 2,0 321,050 3#885,5 66#600,0 4,0 888,575 11#637,8 215#495,8 8,0 2#470,0

Tableau 3 - Description des variables de notoriété

5. Certes, cette a%liation est auto-déclarée, et contient donc certaines erreurs, mais en nombre statistiquement négligeable. Il est possible néanmoins que, du fait de sa relative indétermination, la catégorie «indépendant» soit sur-déclarée.6. Pour une introduction à l’analyse de réseaux appliquée au Web, voir le numéro spécial de Réseaux consacré au sujet (Réseaux n°152, décembre 2008).

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Ces quatre indicateurs de notoriété se caractérisent sans surprise par une dispersion très importante. Le tableau 3, qui en fournit une description synthétique, montre que l’écart-type est pour chacune d’elle très supérieur à la moyenne. Le nombre d’a%-chages d’une page, par exemple, est en moyenne de 750#000, mais la limite du premier quartile n’est que de 25#000, tandis que le maximum se situe au-delà de 165 millions de visites. Avant d’analyser plus avant les déterminants de cette dispersion, il est intéressant d’examiner dans quelle mesure ces quatre indi-cateurs évoluent de façon conjointe. Autrement dit, existe-t-il une ou plusieurs dimensions de la notoriété en ligne ? L’analyse des corrélations entre les quatre variables dont nous disposons, représentée ici sous la forme d’une projection de l’analyse en composantes principales (ACP), est sans équivoque ("gure 2).

"g. 2 - Projection des variables de notoriété dans le plan de l ’ACP

Trois indicateurs sont très fortement corrélés entre eux : le nombre de vues, le nombre total d’amis et le nombre total de

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commentaires. Les artistes dont les pages sont très visitées sont aussi ceux que les gens déclarent le plus volontiers comme amis, et ceux à qui ils laissent le plus volontiers des commentaires. En revanche, le nombre de liens entrants d’un artiste – de recom-mandations dont il fait l’objet – n’est que faiblement corrélé à ces trois indicateurs : le taux de corrélation s’établit autour de [0,2], d’où une quasi-orthogonalité sur la représentation. Ce résultat doit bien sûr être analysé avec précaution, dans la mesure où les deux types d’indicateurs n’ont pas été construits de la même fa-çon : les trois premiers mesurent la somme d’actions (visionnage, amitié, commentaire) de l’ensemble des membres de MySpace relatifs à l’artiste, tandis que le quatrième ne somme que les ac-tions (déclaration comme meilleur ami) des membres de notre échantillon. L’e$et est néanmoins su%samment net pour que l’on puisse supposer qu’il existe deux dimensions relativement distinctes de la notoriété : une dimension d’audience, cumulant les indicateurs de visite et d’assentiment, et une dimension d’in-&uence, caractérisée par la position dans le réseau de recomman-dation. Les autres indicateurs de centralité que nous avons me-surés (pagerank, closeness7) sont d’ailleurs très convergents avec le degré entrant.Regardons maintenant plus précisément comment se distri-buent ces indicateurs de notoriété sur les di$érents artistes.

La distribution de la notoriété est structuréepar la position dans l’industrie

Un respect de la hiérarchie traditionnelleUne analyse de variance est e$ectuée pour estimer l’e$et du fac-teur «#label de l’artiste#» sur les valeurs des variables de notoriété, à savoir commentaires, amis, hits, degré entrant.

7. PageRank!: Probabilité de distribution représentant la vraisemblance, pour chaque nœud, que la sélection aléatoire d’un lien mène à ce nœud spéci$que. Cette valeur est ainsi dé-pendante du nombre de liens pointant vers le nœud, mais aussi des probabilités des nœuds prédécesseurs au nœud spéci$que. Closeness! : fonction de distribution estimant le temps nécessaire à une information pour se di#user dans le réseau, dé$ni par la réciproque de la somme des distances géodésiques du nœud avec l’ensemble des autres nœuds (somme des plus courts chemins). Le betweeness est alors une fonction estimant le nombre de plus courts chemins qui passent par le noeud.

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Variable F-value p-valueCommentaires F(2,8456)=58,3 p<0,0001Amis F(2,8456)=110.27 p<0.05Hits F(2,8456)=196,65 p<0,0001Degré entrant F(2,8456)=159,7 p<0,0001

Tableau 4 - Analyse de variance du facteur label sur les variables de notoriété

L’observation des moyennes comparées de nos indicateurs (ta-bleau 4) selon la nature du label de l’artiste fournit un résultat sans ambiguïté : en moyenne, les artistes signés sur une major sont beaucoup plus consultés, commentés et in&uents que les artistes signés sur un label indépendant, qui sont eux-mêmes beaucoup plus consultés et in&uents que les artistes sans label. Les quatre "gures suivantes (tableau 5) présentent la moyenne par label des variables de notoriété.

Tableau 5 - Moyenne des variables de notoriété en fonction du label de l ’artiste

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Ainsi, l’audience comme l’in&uence obéissent à la logique sui-vante : en moyenne, les artistes établis ont sur MySpace beau-coup plus d’audience que les artistes plus marginaux ou exté-rieurs aux industries culturelles. Autrement dit, d’un point de vue global, MySpace ne bouleverse pas les hiérarchies établies. Ce résultat, s’il contraste avec l’image du site communément mise en avant de dénicheur de talents et de viviers d’artistes, n’est pas nécessairement surprenant. D’une part, il est logique que les internautes présents sur MySpace y cherchent et écoutent en premier lieu les artistes qu’ils connais-sent, quitte à se laisser ensuite guider par des systèmes de re-commandation plus "ns. Surtout, il existe de nombreux moyens d’accéder à la page MySpace d’un artiste, qui n’impliquent pas nécessairement le passage par la page d’accueil du site, par son moteur de recherche, ses liens ou ses classements. Typiquement, une recherche Google sur le nom d’un artiste fournit la page MySpace du groupe dans les trois premiers résultats, les deux autres étant la page Wikipedia et le site o%ciel de l’artiste. Il est donc compréhensible qu’on observe dans les statistiques du site l’écho de la notoriété des artistes construite dans les autres médias.Ce résultat très général sur les moyennes comparées mérite ce-pendant d’être a%né, au regard de la dispersion considérable des indicateurs. La traîne de MySpace est longue, mais plateLes contenus musicaux de MySpace obéissent à la même règle que la plupart des contenus postés en ligne : une minorité d’ar-tistes reçoivent l’essentiel de l’attention. Les graphes de la dis-tribution de nos di$érentes variables correspondent à une loi de puissance ; ainsi, 10#% des artistes représentent plus de 90#% des pages vues de notre échantillon. Une répartition similaire s’ob-serve pour les autres indicateurs, la courbe étant relativement plus douce en ce qui concerne le degré entrant, du fait de valeurs globales moins élevées.

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"g. 3 - Long tail, échelle linéaire

"g. 4 - Long tail, échelle log log

Pour toutes les variables, on observe une rupture nette au niveau du dernier décile : une minorité d’individus stars se décrochent nettement de la masse, et concentrent l’essentiel de l’attention, tandis que le reste se répartit de façon plus graduée sur la masse des artistes restants. Cette répartition justi"e d’examiner de fa-çon distincte la notoriété des élites et de la masse.Qui sont les élites ?Pour se faire une idée de qui sont les élites de MySpace selon nos deux dimensions de la notoriété, examinons le centile supé-rieur de nos deux indicateurs principaux, le nombre d’a%chages (audience) et le degré entrant (in&uence).

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"g. 5 - Répartition des labels pour la population totaleet deux sous-échantillons des déciles les plus hauts

Alors que les majors sont très fortement sur-représentées selon la première dimension, elles le sont beaucoup moins selon la deuxième ; les indépendants représentent une part importante des artistes les plus in&uents (55#% du dernier centile, contre 54#% de l’échantillon). En revanche, les amateurs représentent une très faible proportion de l’élite selon l’une et l’autre des deux dimensions.Ce constat se véri"e si on observe les artistes qui se classent premiers selon chacune des deux dimensions. Parmi les 10 ar-tistes les plus visités de notre échantillon, on trouve 8 artistes de majors ; il s’agit essentiellement de superstars du R&B améri-cain, en tête des charts US et souvent européens, au moment de l’extraction : Lil’Wayne, Chris Brown, T.I., Akon, etc. Les deux autres "gurants de ce top 10 sont, de manière assez surprenante, des artistes non-signés, Tila Tequila et Je$ree Star8. Leur pro"l mériterait une analyse spéci"que ; remarquons simplement qu’il s’agit d’«#artistes-MySpace#» au sens premier du terme, c’est-à-dire d’artistes multi-dimensionnels (musique, mode, érotisme, performance, etc.) ayant mobilisé avec beaucoup de succès les 8. www.myspace.com/tilatequila, «! the baddest bitch on the block!»! ; www.myspace.com/je#reestar, «!teacher of fearceology!».

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outils de sociabilité de MySpace pour se construire une noto-riété sur le site, notoriété qui a été ensuite relayée par les médias classiques, comme en attestent les nombreuses couvertures de magazines dont ils sont l’objet. Tila Tequila est l’artiste la plus visitée de MySpace.Parmi les dix artistes les plus in&uents de notre échantillon, en revanche, on trouve 8 artistes indépendants, contre deux si-gnés sur une major. Il s’agit de labels et d’artistes relativement importants, ayant une stratégie artistique et promotionnelle d’avant-garde, combinant di$érentes dimensions artistiques et événementielles (musique, graphisme, vidéo, arts plastiques, DJing), jusqu’à revendiquer explicitement le fait que le nom de leur groupe est «#une marque qui se décline en di$érents pro-duits#»9. Ils font un usage à la fois "n et intensif des outils tels que MySpace, dans une perspective tant promotionnelle qu’ar-tistique. Ils décrivent "nalement une scène musicale cohérente (électro-rock), très inter-reliée, qui représente en quelque sorte la musique «#branchée#» du moment : Justice, Daft Punk, Kit-sune, Stuck in the Sound, MIA, Ed Banger, etc.Si les stars de l’audience se recrutent donc chez les majors et quelques ovnis MySpace, les artistes les plus in&uents, c’est-à-dire ceux que les membres du site a%chent le plus volontiers comme in&uence ou recommandation, sont plutôt issus de cer-taines scènes indépendantes.Des majors plus consultés, des indépendants plus in!uentsLa tendance des artistes major à être plus consultés, et des indé-pendants à faire relativement plus l’objet de recommandations, observée sur les élites, se véri"e également au niveau de la masse des artistes.A"n d’observer la distribution de l’attention sur les artistes ordi-naires, sans que les calculs soient faussés par la très forte popu-larité d’une élite, nous avons exclu de l’échantillon les artistes se classant dans le décile supérieur de l’un ou l’autre de nos indica-teurs de notoriété, ce qui donne un nouvel échantillon de 6#594

9. Le groupe Justice estime ainsi que le nom de son groupe est assimilable à une marque, qui décline un univers de produits cohérents (musique, DVD, œuvres graphiques, perfor-mances) (interview dans Les Inrockuptibles, décembre 2008).

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individus. Nous véri"ons tout d’abord que les corrélations entre nos variables sont, grosso modo, similaires à ce qu’elles sont sur l’échantillon total : a%chages, commentaires et amis sont très corrélés, et quasi-orthogonaux aux variables de centralité et de recommandation. Nous conduisons ensuite une analyse discri-minante sur l’ensemble de nos variables, de manière à identi"er les traits structurants de l’échantillon. Le découpage optimal nous fournit 5 classes d’individus.La première classe, la plus importante (41#% de l’échantillon), réunit les individus dont la notoriété est faible selon toutes les dimensions (amis, a%chages, commentaires, recommandations) ; elle est signi"cativement associée au fait d’être un artiste non-signé. La classe suivante (23#% de l’échantillon) regroupe des individus qui se distinguent très fortement par leur in&uence, tout en ayant une audience relativement limitée ; elle est forte-ment associée au fait d’être sur un label indépendant. Symétri-quement, la dernière classe (4#% de l’échantillon) regroupe des artistes à l’audience très importante en termes d’a%chages, amis et commentaires, et les artistes signés sur une major y sont très sur-représentés. Les classes 3 et 4, 17#% et 9#% de l’échantillon, sont moins signi"catives pour notre propos : elles regroupent respectivement des artistes plutôt in&uents et fortement visités, mais ne sont associés à aucune modalité de la variable label.Autrement dit, on retrouve dans le peloton l’a%nité observée au niveau des élites, entre label indépendant et in&uence d’une part, label de major et audience d’autre part. Rappelons néan-moins que cette a%nité n’est pas marquée au point de boulever-ser la hiérarchie globale, puisque les artistes de majors restent, en moyenne, plus cités que les indépendants.

Des a!nités électives structurées par la notoriété… et le genre musical

Pour approfondir ces résultats, on peut en"n se demander dans quelle mesure les élites sont interconnectées. Dans leur papier séminal sur les blogs, Herring et al. montrent que les blogs po-pulaires ont tendance à être liés entre eux et à ignorer les blogs moins populaires. Il est légitime de se poser la question dans le cas de MySpace : les artistes notoires promeuvent-ils des artistes

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moins connus, ou au contraire sont-ils essentiellement liés à des artistes de même calibre ? Inversement, les artistes con"dentiels se recommandent-ils entre eux, selon leurs a%nités musicales, ou préfèrent-ils a%cher des liens plus prestigieux ?Pour approcher cette question, nous avons divisé notre popula-tion en dix déciles, ordonnés selon leur audience (nombre d’a%-chages), et nous avons observé comment se répartissent les liens de recommandation entre les déciles. On observe une tendance nette des «#stars#» à s’entre-citer, et à faire circuler la recomman-dation à l’intérieur d’une certaine caste. Ainsi, les artistes qui "-gurent dans le décile supérieur reçoivent 24#% de l’ensemble des recommandations fournies par l’échantillon, ce qui est cohérent avec les résultats précédents ; mais ils reçoivent 53#% des liens émis par ces mêmes artistes du décile supérieur. Autrement dit, plus de la moitié des recommandations émises par les artistes les plus connus portent sur des artistes de notoriété au moins équi-valente. On peut généraliser ce résultat à l’aide d’une matrice de densité, construite de la manière suivante#: soit L(i,j) l’ensemble des liens de recommandations déclarés par un artiste du i-ème décile vers un artiste du j-ième décile, et N(i,j), le nombre de liens (i,j) présent dans l’ensemble L. M(i,j) est construite en nor-mant N(i,j) par le nombre total de liens émis par les artistes du décile i. La "gure 6 représente la matrice M(i,j), où la couleur de la case (i,j) est dé"nie par la densité: plus la couleur est sombre, plus faible est la densité, plus la couleur est claire, plus grande est la densité.

"g. 6 - Matrice de densité des liens entre percentiles

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On constate que les lignes supérieures sont celles où le gradient de densité est le plus fort: les déciles supérieurs ne citent que très peu les déciles inférieurs (cases sombres), et beaucoup les déciles supérieurs (cases plus claires, tendant vers le blanc).S’en tenir à ce constat fournirait néanmoins une fausse idée du fonctionnement de la réputation en ligne. Certes, un cer-tain nombre de mécanismes, entrevus dans l’enquête qualita-tive, conduisent les artistes à se lier surtout avec des artistes de renommée supérieure ou égale : les meilleurs amis servent en e$et à un artiste à se situer musicalement (donc par rapport à des artistes plus connus), à s’insérer dans une scène musicale existante (donc "gurant des artistes un peu plus établis), et à re-commander ses (vrais) amis ou connaissances (Beuscart, 2008). Mais si ces logiques produisent des e$ets de caste, de nombreux utilisateurs, artistes ou non, estiment également qu’elles dessi-nent des univers musicaux très pertinents. C’est cette dernière dimension que nous avons testée pour "nir sur notre échan-tillon, à partir des genres musicaux déclarés par les artistes. Nous n’avons retenu que le premier des trois genres musicaux déclarés les artistes, et nous nous limitons ici à une appréhension gra-phique du phénomène.Le menu déroulant de MySpace music propose 119 genres mu-sicaux di$érents aux artistes qui souhaitent classer leur musique. Les genres les plus déclarés au sein de notre échantillon sont, dans l’ordre#: rock, hip-hop, pop, indie, non-renseigné, alterna-tive, jazz, autre10.Pour l’analyse, nous avons regroupé les genres en quelques grandes catégories : électronique, rock, black music, pop, autre/alternatif/indie, jazz, folk/chanson, non-codé. Nous avons en-suite représenté le graphe des liens entre nos artistes, en colorant chaque artiste en fonction de son genre musical. Pour des rai-sons de lisibilité, nous ne "gurons qu’une partie de l’échantillon, ceux dont le nombre de liens entrants est supérieur à la somme de la moyenne et de l’écart-type. La taille du nœud est fonction 10. Il est amusant de remarquer que, bien que le menu que MySpace propose aux artistes 119 genres musicaux di#érents pour dé$nir leur musique, 4 des 8 choix les plus populaires reposent sur un refus de catégoriser sa musique autrement que de manière négative : «!in-die!» (par opposition aux groupes appartenant aux majors ou au mainstream), «!alternative!», «!autre!», ou tout simplement un champ non renseigné.

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de ce même degré entrant. La représentation suit l’algorithme Atlas, qui rapproche d’autant plus les nœuds qu’ils ont en com-mun des liens directs ou indirects.La représentation ("gure 7, en "n d’article) fait apparaître l’exis-tence d’univers musicaux cohérents, créés de façon immanente par la combinaison des a%nités musicales. Certains univers sont très resserrés et cohérents : c’est le cas notamment des cliques re-présentant le jazz et le rap français. Plus généralement, le dessin du graphe est dans l’ensemble composé des tâches de couleurs qui s’entrecroisent, ce qui con"rme l’intuition – des fans comme des artistes – de la capacité du dispositif à constituer un outil pertinent de recommandation musicale.#Remarquons en"n que la constellation centrale, formée au-tour du label EdBanger et de ses artistes, dessine également les contours d’une scène électro-rock très cohérente, même si elle est imparfaitement représentée du fait de l’utilisation par certains du label «#alternatif#». On y retrouve, logiquement, la plupart des artistes identi"és plus haut comme les plus in&uents. Leur centralité sur le graphe matérialise leur in&uence, directe et indirecte : en tant qu’artistes les plus cités, ils "gurent soit sur la page d’un des artistes de l’échantillon, sinon probablement sur la page de plusieurs de ses amis. Dans notre échantillon, prélevé depuis le MySpace Music France en novembre 2008, tous les chemins passent par Ed Banger et Justice.

ConclusionL’étude d’un échantillon du graphe de MySpace Music, qui est le premier site de di$usion musicale au monde, suggère que les nouveaux médias ne transforment qu’à la marge les lois de la notoriété culturelle.D’un côté, on observe que MySpace est en grande partie la chambre d’écho d’une notoriété construite en dehors du site par les industries culturelles : dans l’ensemble, les artistes des ma-jors reçoivent beaucoup plus d’audience que les indépendants, eux-mêmes beaucoup plus écoutés que les artistes non-signés. Par ailleurs, les sites tels que MySpace ampli"ent plutôt qu’ils ne réduisent la distribution parétienne classique de la demande

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des biens culturels : 90#% de la demande se concentre sur 10#% des biens. De l’autre côté, l’examen approfondi de cette structure de la notoriété fait apparaître plusieurs phénomènes originaux. Les indicateurs o$erts par les dispositifs du site ne sont pas tous convergents. En particulier, les indicateurs d’in&uence (qui tra-duisent le fait d’être recommandé) divergent des indicateurs d’audience. Les artistes des majors dominent du point de vue de l’audience, mais l’examen des tops montre que s’y intercalent certains artistes atypiques, extérieurs à l’industrie du disque. Les artistes indépendants béné"cient quant à eux du système de re-commandation, et "gurent parmi les artistes les plus in&uents de l’échantillon. La représentation du graphe con"rme en outre la capacité des artistes à construire des univers de recommanda-tion musicale cohérents.Reste que notre analyse, centrée sur la notoriété des artistes, oc-culte probablement d’autres dimensions de l’activité musicale sur MySpace, qui feront l’objet de traitements ultérieurs. En particulier, ce questionnement masque l’activité qui se déve-loppe à l’intérieur de la long tail, entre les musiciens non-signés et leurs fans, qui est négligeable quantitativement, mais appa-raît de façon cruciale dans les enquêtes qualitatives. En nous centrant sur les musiciens de l’échantillon, nous avons en outre passé sous silence l’activité des fans, et leur rôle dans les méca-nismes de recommandation.

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"g. 7 - Représentation du reseau des artistessur la base des liens de meilleure amitié,

construction via l ’application Gephi (www.gephi.org)

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