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11 Le Soir Lundi 1 er décembre 2014 La lutte contre le changement climatique s’impose de plus en plus dans les agendas politiques, écono- miques et sociaux. Plus personne n’en nie l’impor- tance. Le sommet de l’ONU qui débute ce lundi à Lima, au Pérou, inaugure une année cruciale au cours de laquelle la lutte contre le réchauffement retrouvera le devant de la scène. Mais ce dossier ne se résume pas aux négociations internationales. Dans chaque pays se pose la question : que faire ? La Belgique n’y échappe pas. Deux défis : d’abord éviter le pire, c’est-à-dire infléchir voire inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre. Mais même si nous y parvenons, une partie des impacts du change- ment climatique est inévitable. Les gaz déjà émis resteront des centaines d’années dans l’atmosphère et produiront leurs effets, même atténués. Par ailleurs, la réponse internationale n’est pour l’instant pas à la mesure de l’enjeu. Raison de plus pour antici- per les changements. Positifs comme négatifs. C’est le deuxième défi indissociable du premier : s’adapter. Certes, la Belgique n’est pas aussi vulnérable que ne le sont les pays africains ou asiatiques. Mais nous sommes exposés. A la mer du Nord. Dans nos forêts, nos champs, nos cours d’eau, nos villes… Les projec- tions prévoient une hausse du niveau de la mer, des températures plus élevées en été, des précipitations plus intenses en hiver. Peut-être des épisodes de sécheresse plus prolongés. Notre pays fait donc face à un exercice dans lequel il n’a jamais excellé : se projeter dans l’avenir et anticiper. Pas facile de penser à long terme. Ni pour une entreprise, ni pour un gouvernement, ni pour une administration. Pour beaucoup, l’adaptation au changement clima- tique est un choc culturel. Mais un peu partout, on cogite. Malgré les incertitudes, beaucoup pressentent qu’une nouvelle donne se dessine. Les universités sont à la pointe, mais pas seulement. Ainsi, au centre fédéral de crise, on cherche à sensibi- liser toutes les administrations à la nécessité d’inté- grer le facteur climatique dans les réflexions. On travaille, pour fin 2015, à une nouvelle nomenclature des risques. Ensuite, explique Gunter Ceuppens, responsable de l’analyse des risques, au SPF Intérieur, les experts plancheront spécifiquement sur le facteur climatique et les politiques de prévention. Sous l’aiguillon européen, Régions et fédéral ont préparé leurs premiers plans d’adaptation. A de rares exceptions, on a regroupé sous cette étiquette des politiques déjà existantes. « Du recyclage, reconnaît l’auteur d’un de ces plans. Rien de révolutionnaire, mais cela constitue une bonne base pour travailler. » A Bruxelles et en Wallonie, il s’agit de chapitres intégrés à des plans climat plus larges. Preuve, juge Valentine Van Gameren (ULB), co-auteure d’un livre sur le sujet, que pour l’instant « les ambitions sont limitées ». Un leitmotiv des plans : objectiver les risques et les opportunités, cartographier les lieux sensibles, identi- fier les populations vulnérables. C’est essentiel. Mais ensuite, il faudra élaborer des politiques et agir. En osant bousculer les idées reçues. En « dézoomant » la réflexion pour prendre de la hauteur. En dépassant les intérêts de court terme. Un pari sur l’intelligence. MICHEL DE MUELENAERE S’ADAPTER AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : UN PARI SUR L’INTELLIGENCE Le 14 novembre 2010, la Belgique avait été frappée par des orages violents qui ont causé d’importantes inondations. Comme ici à Tubize. © BELGA. climat La Belgique se prépare à tout petits pas Une stratégie et quatre plans Il y a, à ce jour, une stratégie nationale d’adap- tation au changement climatique, un plan flamand d’adaptation, un plan énergie-climat wallon au stade de l’enquête publique, un plan énergie-climat bruxellois adopté en première lecture (il en faut encore deux), un plan fédéral d’adaptation presque finalisé et un plan natio- nal d’adaptation encore à dessiner. La nuance entre ces deux derniers ? Le « fédéral » ne parle que des compétences fédérales. Le « na- tional » reprendra des mesures concernant l’ensemble du territoire et dont la mise en œuvre ferait l’objet d’un cofinancement du fédéral et des Régions. Particularité de ces dernières : elles ont, chacune de leur côté, fait calculer leurs propres projections des futurs impacts climatiques. M.D.M. POLITIQUES 10 PAGES SPÉCIALES Sommaire La côte se blinde contre la tempête du siècle P. 12 & 13 Le derniers constats et projections du Giec en une infographie P. 14 Les forêts doivent devenir plus naturelles P.16 L’agriculture en pleine réflexion P.17, 18 & 19 Le réchauffement a des effets sur la santé P. 20 Retrouvez toute l’actualité de l’environnement, de la biodiversité, du développement durable, sur notre site thématique www.lesoir.be/demainlaterre

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

La lutte contre le changement climatique s’impose deplus en plus dans les agendas politiques, écono-miques et sociaux. Plus personne n’en nie l’impor-tance. Le sommet de l’ONU qui débute ce lundi àLima, au Pérou, inaugure une année cruciale au coursde laquelle la lutte contre le réchauffement retrouverale devant de la scène. Mais ce dossier ne se résumepas aux négociations internationales. Dans chaque pays se pose la question : que faire ? LaBelgique n’y échappe pas. Deux défis : d’abord éviterle pire, c’est-à-dire infléchir voire inverser la courbedes émissions de gaz à effet de serre. Mais même sinous y parvenons, une partie des impacts du change-ment climatique est inévitable. Les gaz déjà émisresteront des centaines d’années dans l’atmosphèreet produiront leurs effets, même atténués. Parailleurs, la réponse internationale n’est pour l’instantpas à la mesure de l’enjeu. Raison de plus pour antici-per les changements. Positifs comme négatifs. C’estle deuxième défi indissociable du premier : s’adapter.Certes, la Belgique n’est pas aussi vulnérable que nele sont les pays africains ou asiatiques. Mais noussommes exposés. A la mer du Nord. Dans nos forêts,nos champs, nos cours d’eau, nos villes… Les projec-tions prévoient une hausse du niveau de la mer, destempératures plus élevées en été, des précipitationsplus intenses en hiver. Peut-être des épisodes desécheresse plus prolongés. Notre pays fait donc faceà un exercice dans lequel il n’a jamais excellé : seprojeter dans l’avenir et anticiper. Pas facile de penserà long terme. Ni pour une entreprise, ni pour ungouvernement, ni pour une administration. Pour beaucoup, l’adaptation au changement clima-tique est un choc culturel. Mais un peu partout, oncogite. Malgré les incertitudes, beaucoup pressententqu’une nouvelle donne se dessine. Les universitéssont à la pointe, mais pas seulement.Ainsi, au centre fédéral de crise, on cherche à sensibi-liser toutes les administrations à la nécessité d’inté-grer le facteur climatique dans les réflexions. Ontravaille, pour fin 2015, à une nouvelle nomenclaturedes risques. Ensuite, explique Gunter Ceuppens,responsable de l’analyse des risques, au SPF Intérieur,les experts plancheront spécifiquement sur le facteurclimatique et les politiques de prévention.Sous l’aiguillon européen, Régions et fédéral ontpréparé leurs premiers plans d’adaptation. A de raresexceptions, on a regroupé sous cette étiquette despolitiques déjà existantes. « Du recyclage, reconnaîtl’auteur d’un de ces plans. Rien de révolutionnaire,mais cela constitue une bonne base pour travailler. » ABruxelles et en Wallonie, il s’agit de chapitres intégrésà des plans climat plus larges. Preuve, juge ValentineVan Gameren (ULB), co-auteure d’un livre sur lesujet, que pour l’instant « les ambitions sont limitées ».Un leitmotiv des plans : objectiver les risques et lesopportunités, cartographier les lieux sensibles, identi-fier les populations vulnérables. C’est essentiel. Maisensuite, il faudra élaborer des politiques et agir. Enosant bousculer les idées reçues. En « dézoomant » laréflexion pour prendre de la hauteur. En dépassant lesintérêts de court terme. Un pari sur l’intelligence.

MICHEL DE MUELENAERE

S’ADAPTER AU CHANGEMENTCLIMATIQUE :UN PARI SUR L’INTELLIGENCE

Le 14 novembre 2010, la Belgique avait été frappée par des orages violents qui ont causé d’importantes inondations. Comme ici à Tubize. © BELGA.

climat La Belgique se prépare à tout petits pas

Une stratégie et quatre plansIl y a, à ce jour, une stratégie nationale d’adap-tation au changement climatique, un planflamand d’adaptation, un plan énergie-climatwallon au stade de l’enquête publique, un planénergie-climat bruxellois adopté en premièrelecture (il en faut encore deux), un plan fédérald’adaptation presque finalisé et un plan natio-nal d’adaptation encore à dessiner. La nuanceentre ces deux derniers ? Le « fédéral » neparle que des compétences fédérales. Le « na-tional » reprendra des mesures concernantl’ensemble du territoire et dont la mise enœuvre ferait l’objet d’un cofinancement dufédéral et des Régions. Particularité de cesdernières : elles ont, chacune de leur côté, faitcalculer leurs propres projections des futursimpacts climatiques.

M.D.M.

POLITIQUES

10 PAGES SPÉCIALES

SommaireLa côte se blinde contre la tempête du siècle P. 12 & 13Le derniers constats et projections du Giec en une infographieP. 14Les forêts doivent devenir plus naturelles P.16L’agriculture en pleine réflexion P.17, 18 & 19Le réchauffement a des effets sur la santé P. 20

Retrouvez toute l’actualité de l’environnement, de la biodiversité, du développement durable, sur notre site thématique www.lesoir.be/demainlaterre

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

mer du Nord

inondations 60 CENTIMÈTRESC’est la hausse moyenne du niveau de la Meuse à Liège en cas de survenanced’une crue centennale. Cette hausse pourrait être de 130 centimètres en 2100.

Wenduine. Petite sta-tion balnéaire entreLe Coq et Blanken-berge. En ce lundiensoleillé du mois

de novembre, le bruit desmouettes a fait place à celui desgrues. Pas les migrateurs partantrejoindre de chaudes contrées,mais bien celles de chantier quis’activent çà et là sur la digue. Ouplutôt sur ses vestiges. Car les en-gins ont enlevé le macadam, lespavés et les barrières.

Aujourd’hui, les commerces« avec vue sur la mer » s’ouvrentsur une ligne de barrières de chan-tier. Derrière elles, une énormetranchée puis des tas de sablehauts de plusieurs mètres. « Nousavons fait ces tas au cas où il seproduit une tempête d’ici la fin destravaux », explique Johan Pau-wels, responsable de la communi-cation pour le service de la côte(Afdeling Kust) de l’administra-tion flamande. Des couloirs per-mettent d’accéder à la plage. Onpasse entre deux barrières, on voitla tranchée à gauche et à droite.Ici il y a des coffrages, là une sorte

de foreuse géante qui fait d’autrestrous pour installer des pieux surlesquels viendra se poser la futuredigue. On passe ensuite entredeux tas de sable. Et là, on les dé-couvre enfin : la plage et la mer.

Ce chantier fait partie du Mas-ter Plan 2015 qui, d’ici juin pro-chain, doit renforcer les protec-tions de la côte contre les tem-pêtes et les inondations. Des phé-nomènes qui s’annoncent plusviolents en raison du réchauffe-ment du climat. Les spécialistesaugurent une montée des eaux de30 centimètres en 2050 et de 80centimètres en 2100. « La côtepeut faire face à une augmenta-tion du niveau de la mer de30 centimètres. Le problème, c’estce que cela se provoque lorsqu’il ya des orages », confie Johan Pau-wels.

Des vagues de 5 mètres de haut

Le pire scénario envisage unemer montant à 8 mètres au-des-sus de son niveau habituel et desvagues pouvant atteindre 5 mètres

de haut. De la science-fiction ?Non : cela se produit au moinsune fois par millénaire. Et les au-torités flamandes veulent êtreprêtes. Le Master Plan fut ap-prouvé par le gouvernement ré-gional en 2011 pour un budget de300 millions d’euros.

Difficile d’imaginer ce scénarioapocalyptique alors qu’on se ba-lade sur la plage de Wenduinepour rejoindre l’espèce de pro-montoire posé sur une dune. Nor-malement, les plages possèdentleurs propres défenses naturelles.Mais un peu partout, le béton aremplacé le sable et les dunes sesont fragilisées et affaissées à forced’être foulées.

Depuis le promontoire, on voitqu’il reste bien peu de zones natu-relles. « La côte belge est longue de67 km, dont 38 km de digues. Ellea donc été façonnée sur plus de lamoitié par l’homme, note Peter DeWolf, ingénieur au service de lacôte. Et puis, elle est assez ouverteet est donc vulnérable surtout faceaux tempêtes qui viennent duNord. »

En 2008, un état des lieux de la

côte a été réalisé. Résultat mitigé :« Les 2/3 de la côte sont capablesde résister à une tempête millé-naire mais un tiers est trop vulné-rable. Ce sont des endroits où il y aeu des constructions de digues oude ponts. Les digues cassent la dy-namique naturelle de la plage (sacapacité à résister, NDLR) ».Dans ce tiers, se trouvent essen-tiellement les stations balnéairesde Wenduine, Ostende et Middel-

kerke. Mais aussi les ports.Deux types de mesures sont pré-

vues dans le Master Plan. Les pre-mières consistent en l’approvi-sionnement de sable pour élargirles dunes et les plages. Ces der-nières sont aussi rehaussées.« C’est la mesure la plus impor-tante. Nous utilisons la natureelle-même pour nous protégercontre la nature », confie Peter DeWolf. Des plages hautes et larges

limitent la profondeur d’eau. Lesvagues ne prennent donc pasd’ampleur.

Des millions de m3

de sableEn trois ans, plus de 1.650.000

mètres cubes ont été ajoutés surles plages belges. C’est comme sion avait rempli de sable un cubede 118 mètres de profondeur, de

largeur et de hauteur. Ce sable estextrait en mer, sur le plateau conti-nental belge. La Région flamande aobtenu deux concessions fédéralessituées à 20 et 50 km des côtes. Autotal, « nous pouvons utiliser 20millions de m3 de sable jusqu’en2020 mais 10 à 12 millions de m3

devraient être suffisants », dit DeWolf. Depuis le large, le sable est ra-mené à bord de dragueurs. Ensuite,il est acheminé sur la plage via des

conduites de refoulement. Il est fi-nalement étendu avec des bulldo-zers. Le sable peut aussi être « as-pergé » sur la plage depuis un ba-teau par la méthode dite de l’« arc-en-ciel ». En fonction des besoins, lesable est placé sur la partie situéejuste en dessous de la laisse de bassemer (le niveau de la marée basse),sur la plage elle-même ou sur la facedes dunes.

« Mais on ne sait pas toujours uti-liser des méthodes douces. A certainsendroits, il faudrait rehausser laplage au-dessus de la digue, souritPeter De Wolf. Et puis, près desports, cela risquerait de boucher lechenal. » Alors, il faut opter pourdes mesures en dur. Comme desnouvelles digues. Plus stables queles anciennes et renforcées par desmurs anti-tempêtes. La combinai-son de deux murs parallèles formeun bassin où les vagues de tempêteperdent leur force. Les ouvertureslaissées dans les murs de façon pourpouvoir accéder à la plage sont fer-mées en cas d’annonce de tempête.

A Ostende, la zeeheldenplein esttrois fois plus vaste que l’anciennedigue. Une ligne de pierres bleuesrappelle le tracé de cette dernière.L’ouvrage technique est aussi esthé-tique. Les murs anti-tempêtes seprolongent ici et là en bancs. Enfin,une fontaine trône en son sein :« Comme l’eau ne peut plus arriverjusqu’ici, on en a mis un peu », plai-sante John Pauwels. La place est au-jourd’hui « the place to be » où seréunissent les jeunes. En ce lundiaprès-midi, les fils du bord de meront plutôt les tempes grises. A cha-cun son heure. ■

VIOLAINE JADOUL

En trois ans, plus de 1.650.000 mètres cubes ont été ajoutés sur les plages belges. © PIERRE-YVES THIENPONT.

La côte changede visagepour se protéger

Quand les flots sont l’ennemi de l’intérieur et de l’extérieur

Un plan d’évacuation par communeEn 1953, dans la nuit du 31 janvier au 1er février, une tem-pête violente provoque de terribles inondations essentiel-lement aux Pays-Bas. Mais l’onde de choc touche aussi laBelgique : 1.800 morts chez nos voisins, une dizaine cheznous. « Ce n’est pas la hauteur des vagues qui a posé pro-blème : l’eau n’est pas montée au-dessus des digues, mais elleest entrée par le port d’Ostende envahissant le centre de laville. C’est la pression hydraulique : lorsqu’il y a trop de pres-sion, l’eau s’engouffre aux endroits fragiles comme les ports »,raconte David Dehenauw, météorologue à l’IRM.En fait, il y eut une combinaison de facteurs : « Un vent denord-nord-ouest a soufflé sur toute la mer du Nord pendantplus de 24 heures. » Ce vent perpendiculaire à la côte at-teint une intensité de 10 à 11 Beaufort et pousse avec forcel’eau vers les terres. Mais ce n’est pas tout. La marée étaità son plus haut (cela se produit chaque quinzaine). « Aucours du XXe siècle, ni l’intensité ni la fréquence des tempêtesn’ont augmenté. Par contre, le niveau de la mer a monté de20 cm depuis 1900. » Ce qui accroît d’autant les risques

pour la côte. Le Master Plan met l’accent sur les ports :certains quais sont rehaussés et l’on construit des mursanti-tempête autour des docks ou des barrières contre lesinondations à l’entrée du port. A Nieuport, une sorte debarrage anti-tempête sera installé. Qui pourra être ferméen cas d’alerte.On estime qu’une personne qui vit 70 ans à Ostende a unechance sur 13 d’être témoin d’une super-tempête. Et lesspécialistes ont calculé que, sans le Master Plan, uneviolente tempête inonderait l’intérieur des terres jusqu’àBruges et Ypres. Une zone qui se situe en dessous duniveau de la mer et où résident environ 500.000 per-sonnes… Face au risque, chaque commune dispose d’unplan d’urgence qui prévoit l’évacuation de ses habitants.C’est le service de la côte qui prévient les communes (lesorages peuvent être prévus trois jours à l’avance). A elles,sous la coordination de la province de Flandre occidentale,de fermer les portes des murs anti-tempête, d’installer lemur mobile sur la plage d’Ostende, de fermer l’accès àl’estacade et d’évacuer sa population.

V. JA.

5 km

< 50 cm50-100 cm100-200 cm> 200 cm

Hauteur de l’eau

Bruges

Knokke-Heist

Jabbeke

Gistel

Blankenberge

WenduineLe Coq

Ostende

Middelkerke

Coxyde

Furnes

Nieuport

Les risques d’inondation à la côte belge

Décembre 1926 : après sixsemaines de pluies, laMeuse gonflée à blocprend la tangente. Se-raing, Herstal et le centre

de la ville sont noyés. Le traumatismeest à l’origine des travaux de canalisa-tion du fleuve et de protection de laville. En termes de débit, l’événementde 1926 fut dépassé plus tard. Les2.400 m3 par seconde estimés del’époque sont peu de chose à côté des3.100 m3/s de 1993. Mais il ne fau-drait pas aller beaucoup au-delà pourconnaître de sérieux ennuis, sou-lignent les spécialistes. « Le jour où ily aura un problème, ce sera un trèsgros problème », souffle un respon-sable de la gestion des eaux.

Selon une équipe de chercheurs del’ULg, les débits maximums de cruedu fleuve pourraient grimper : de15 % en 2050, de 30 % en 2100 pourun scénario plutôt pessimiste. « A3.000 m3/s ça passe, à 3.300, ça nepasse pas », résume Michel Pirotton,du laboratoire Hydraulique et Envi-ronnement de l’ULg. La crue centen-nale (une chance sur cent chaque an-née) est estimée à 3.184 m3. Dans lecadre d’un projet réunissant les paysriverains du fleuve qui s’étire sur185 km en Wallonie, les ingénieursont conclu qu’en fonction de l’évolu-tion de l’urbanisation en Wallonie, lafacture des dégâts d’inondations ca-

tastrophique atteindrait des cen-taines de millions voire des milliardsd’euros.

S’adapter ? Pas facile, dans un pay-sage aussi peuplé et aussi étroit quela vallée de la Meuse, où à certainsendroits le sol s’est abaissé de sixmètres suite à l’exploitation des char-bonnages. Et si une crue centennalepeut « passer » à Liège, les protec-tions d’autres cours d’eau du bassinsont dimensionnées en fonctiond’une crue décennale. « Un des en-jeux pour l’avenir, explique Benja-min Dewals, c’est d’introduire une sé-curité par rapport aux sollicita-tions. » Revoir les marges de sécuritéà la hausse.

Utiliser les dix barrages wallonscomme moyen de stockage lors defortes pluies ? La question a été étu-diée. « Il y a un potentiel à gagnerdans la gestion de ces barrages, in-dique Dewals. On pourrait abaisserle niveau de la retenue pour consti-tuer une capacité de stockage plusimportante avant des hivers qu’onannonce plus pluvieux. Mais il fauttenir compte des autres fonctions desbarrages, notamment l’alimentationen eau potable. » Par ailleurs, le sec-teur touristique et les riverains nevoient pas toujours d’un bon œill’abaissement du niveau du lac debarrage. « D’ici fin 2015, on va étu-dier chaque ouvrage l’un après

l’autre, indique Paul Dewil, patrondu centre régional de crise. On verras’il y a lieu d’en adapter la gestion. »

Le territoire imperméableMieux draguer le fleuve ? « On ne

gagnera pas grand-chose, rétorquePirotton. S’il y avait une solution mi-racle, on l’aurait trouvée. » La « plusraisonnable » prévention dans le sec-teur mosan semble finalement êtrede renforcer les protections. Rehaus-ser les murs, dans les secteurs de Huyet de Liège, « là où c’est nécessaire » :

moins de la moitié nécessite une re-hausse, dit Pierre Archambeau.« 10 % de la longueur mériteraient70 cm en plus. » On a parfois fait l’in-verse en remplaçant des murs par desrambardes. « La sécurité est unequestion politique », disent les cher-cheurs. Question internationale :l’eau qui déborde en Wallonien’inonde pas les Pays-Bas, bien plusexposés. « Liège n’est pas seuleconcernée : pour une même sollicita-tion Namur sera inondée. » L’admi-nistration des voies hydrauliques

« étudie les conclusions des expertset réfléchit à la manière de protégerles zones les plus sensibles », dit sonpatron, Yvon Loyaerts. Reste laquestion fondamentale : l’aména-gement du territoire. « Le princi-pal problème, insiste Benjamin Er-picum, c’est que des gens se sont ins-tallés dans le lit de la rivière. » Laréflexion vaut pour les plus petitsbassins versants qui sont sous sur-veillance. La carte wallonne del’aléa d’inondation indique leszones sensibles. Pour les experts,

c’est clair : « Il faut interdire touteconstruction nouvelle en zone àrisque élevé » et qui pourrait s’ac-croître. Ce n’est pas le cas actuelle-ment. « C’était l’idée de départ,mais on a préféré ne pas l’appli-quer de façon trop brutale, dit De-wil. Mais peut-être faudra-t-il êtreplus strict au vu des conséquencesdu changement climatique. » Enattendant, les assureurs jouent lerôle de « législateur occulte ». Ildevient en effet de plus en plus dif-ficile de trouver une compagnie quiaccepte de couvrir un risque enzone inondable. Ou alors moyen-nant une sérieuse surprime ou desadaptations du logement ou du lo-tissement (bassin d’orage…). « Si lerisque d’inondation est bien maî-trisé, les primes restent raison-nables, explique Wauthier Robyns,porte-parole des assureurs. Dans lecas contraire, les contrats ne bénéfi-cieront pas du mécanisme de soli-darité. »

« L’aménagement du territoireest la première piste d’adaptationau changement climatique, insisteJean-Pierre Silan, directeur de l’in-tercommunale liégeoise pour le dé-mergement. Il faut y intégrer lagestion de l’eau. Cela ne se fait pasassez. » La superficie bâtie ne cessede croître en Wallonie. La Région agagné 5 % de population en une di-

zaine d’années. Soit des construc-tions, de l’imperméabilisation, unecharge pluviale supplémentairesur les réseaux d’égouttage. Les ou-tils pour y faire face ? « Densifierl’habitat, lutter contre l’imperméa-bilisation. Minimiser le ruisselle-ment, maximiser l’infiltration, ré-sume Cédric Prevedello, conseillerscientifique d’Aquawal. Travailleren amont, c’est ce qui coûte le moinscher pour la société .» A Bruxelleset en Flandre, les plans inonda-tions prévoient l’obligation de pla-cer une citerne d’eau de pluie pourtoute nouvelle construction. Oncommence à imposer des toituresvertes et on cherche à limiter l’im-perméabilisation, à créer des zonesinondables. Mais on s’interrogeaussi sur les infrastructures. Suffi-santes ? Comme à Bruxelles, la So-ciété wallonne de la gestion de l’eaua ouvert les dossiers, détaille Chris-tian Didy, directeur d’exploitation :gestion des réseaux, conception etdimensionnement des ouvrages(égout, déversoirs, bassinsd’orage…), gestion des eaux depluies… les réflexions sont ou-vertes. Et elles devront intégrer lesperspectives climatiques. Objectif :produire des guides techniquesmais aussi des propositions de lé-gislations pour les années à venir. ■

MICHEL DE MUELENAERE

Se barricader : une solution insuffisante face à l’eau

Devant l’imperméabilisation croissante du territoire, il faut retenir l’eau,l’obliger à s’infiltrer plutôt que ruisseler. © B.

Tubize se prépare pour éviter de revivre le pirePrenez 25.000 habitants sur 3.265 ha ; un canal proche ; une autoroute (la A8) et une ligne TGV quisont autant de corniches géantes pour l’eau de pluie ; un relief propice aux ruissellements… Ajoutez13 cours d’eau. Voilà Tubize. La cité brabançonne, les inondations, elle connaît. Qu’elles viennent deschamps ou des ruisseaux. Généralement les deux ensemble. Le pompon en novembre 2010, avecd’autres villages avoisinants, y compris en Flandre. Trois morts, 3.000 habitations inondées, desdégâts considérables. Le canal Bruxelles-Charleroi débordé. Un choc. 2015 verra la fin d’un ambi-tieux programme de travaux, à Tubize et ailleurs, destinés à sécuriser le bassin de la Senne. Creuse-ment de bassins d’orage et de zones d’immersion temporaire, curage de cours d’eau, rectification deberges, nettoyage des égouts… « Pour le dimensionnement des ouvrages, on a travaillé sur des périodesde retour de 20 ans, 50 quand c’était possible », explique l’échevin des inondations Bernard Soudan.Deux idées : retenir au maximum les eaux en amont. Et assurer leur passage rapide et sans dégâtslorsqu’elles arrivent dans les quartiers. Coût du programme pour la commune : 2,5 millions.Mais les moyens sont limités, la topographie et l’urbanisation ne permettent pas tout. L’argentmanque. L’autoroute dispose de bassins d’orage, mais ceux-ci sont inefficaces car ils ne sont pasentretenus, regrette l’échevin. La ligne TGV ne dispose pas de retenues. Or, les quantités d’eau queces deux ouvrages drainent dans le Hain et dans le Laubecq sont considérables. Pas sous contrôlenon plus la coordination avec la Flandre qui gère l’écluse de Lembeek sur le canal de Charleroi. Encas de fortes pluies, l’abaissement du niveau du canal facilite l’écoulement du Hain et atténue ledanger d’inondation à Tubize. Pas simple. « Pour faire bouger les choses, il faut l’intervention du centrede crise, voire du politique. Si les inondations se passent un week-end ou la nuit, il n’y a plus personne àl’écluse qui n’est pas automatique contrairement à Bruxelles. » L’adaptation, c’est aussi dans les têtes etdans les procédures… A Tubize, on sait qu’il n’est pas possible de se protéger de tout. Et on espèrequ’après les travaux on pourra mettre en valeur la richesse d’être baigné par 13 ruisseaux.

M.D.M.

Il faut tenir la ressource à l’œilAvec des étés moins pluvieux et d’éventuelles séche-resses printanières, il faut préserver l’indispensableressource. Du souci pour l’eau que nous consommons ?Cédric Prevedello, conseiller scientifique chez Aquawal,rassure : « Au niveau de la ressource, nous sommes blin-dés. On exploite les nappes bien en deçà du point de re-nouvellement. » L’eau wallonne n’alimente pas que leSud ; 40 % sont exportés, notamment à Bruxelles et enFlandre. Rassurant : la consommation diminue et laFlandre cherche à être plus autonome en matière d’ap-provisionnement en eau. Ce qui ne veut pas dire quetout est parfait. Les aquifères ardennais sont insuffi-sants et ils pourraient être mis sous pression si lesprécipitations diminuent. D’où l’importance du pro-gramme d’interconnexion des réseaux qui est en cours.Autre souci : les pressions sur les eaux de surface et lesaquifères qui pourraient venir d’une agriculture dési-reuse de développer l’irrigation. « Il faut songer à hiérar-chiser les usages de l’eau en cas de sécheresse. Eventuelle-ment revoir les quotas », dit Prevedello. Car moins d’eausignifie une eau de moins bonne qualité.Enfin, la situation des voies navigables fait l’objet d’uneattention particulière. « On s’attend à des étiages plusfréquents, indique Yvon Loyaerts, patron des voies hy-drauliques wallonnes. Depuis 2008, il a fallu à 3-4 re-prises limiter la navigation. C’est préoccupant, même sicela reste marginal. Certains barrages ont été construitspour maintenir le niveau des fleuves. Mais leur vocationtouristique rend cela plus difficile. D’ici 2030, on pourraitconstruire de nouvelles écluses entre Charleroi et Mons quidemanderont plus d’eau. On devrait pouvoir tenir, maisavec l’évolution climatique, rien ne dit qu’un jour on nedevra pas réfléchir à la question d’un nouveau barrage. »A Tihange, où l’on construit un mur de protection de 1,8km de long contre d’éventuelles inondations décamillé-nales (après le stress-test post-Fukushima), on a plusréfléchi à une rupture d’arrivée d’eau qu’à une montéedes flots. « Si la température de l’eau de Meuse est tropélevée, on fera circuler l’eau dans le circuit tertiaire de lacentrale avant de la rejeter, dit Serge Dauby, porte-pa-role de la centrale nucléaire. Au pire, on arrête l’unité. Cen’est jamais arrivé. » Contrairement à la France…

M.D.M.

30 CENTIMÈTRESLa montée des eaux devrait être de 30 centimètres en 2050. Et de 80 en 2100. Les projets du Master Plan 2015 tiennent comptedes changements prévus jusqu’en 2050 et doivent protéger le littoral au moins jusqu’à cette date en ce qui concerne les ajouts desable et jusqu’en 2100 pour les constructions en dur. Sans lui, toute la plaine côtière serait inondée jusqu’à Bruges et Ypres.

En 2012, la commune de Tubize a été victime d’inondations. © BELGA.

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

chiffres

UnUn dososdos isiesiesier rr rr rréalééaléalé iséisééiséi papaapapar Mr Mr MMichhichchichelelel el DeDeDe e MueMueMueMueM lenlenlenenlenle aeraeraera ee -e - INNININFOFOGFOGFOGRAPRAPHIEHIE LELELEE SOSOSOIR IRIR 0101.1 1212.12.2012012014 -4 -4 - SSoSoSourcurcurcce :ee :ee :e : GiGiGGiGGiGiGGiGiececec eeecc 2012012012013 23 23-233-2014001414014

Fonte de la banquise arctique en 2100Par rapport au pourcentage moyen 1986-2005

Trajectoireactuelle

Scénariooptimiste

Fonte à

94 %

Fonte à

43 %

1900 1950

0,6

0,4

0,2

0

- 0,2

- 0,4

-0,61850 1900 1950 2000

Hausse de la température Par rapport à la moyenne 1986-2005

En ° Celsius

Hausse du niveau des mers

En millimètres

250

200

150

100

50

01900 1920 1940 1960 1980 2000 2012

1993

210

190

170

1997 2001 2005 2009 2012

Augmentation des gaz à effet de serre

EmissionsEn équivalent de gigatonnes de CO2 par an

Gaz fluorés Protoxyde d’azote (N2O)

Dioxyde de carbone (CO2) provenant des carburants fossileset des activités industrielles

Méthane (CH4)

50

40

30

20

10

0

1970 1980 1990 2000 2010

+ 1,3 % par an

+ 2,2 % par an

Gaz à effet de serreLes émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine n’ont cessé d’augmenter. On constate cependant que cette croissance est plus forte depuis le début du XXIe siècle : 1,3 % par an entre 1970 et 2000, 2,2 % entre 2000 et 2010. Sur la période 1970-2010, étudiée par le Giec, le CO2 (issu de l’utilisation des combustibles fossiles) représente 76 % de la hausse des émissions totales de gaz à effet de serre, contre 16 % pour le méthane, 6 % pour le protoxyde d’azote et 2 % pour les gaz fluorés.

Projection de l’augmentationdu niveau des mers en 2100

Le budget carbone*presque dépasséEn gigatonnes de carbone

26 cm

82 cmscénariole moinsoptimiste

scénariole plusoptimiste

Changement de température globale Par rapport à 1850-1900

2000 2050 2100

Températures observéesScénario haute émissionScénario basse émission

TempératureConstatant l’augmentation passée de la température, le Giec construit, pour l’avenir, des projections basées sur quatre scénarios. Deux de stabilisation,un de très forte baisse des émissions de gaz à effet de serre et unde poursuite des tendances actuelles (peu ou pas de mesuresde réduction). Ces deux derniers sont repris ici. Ils montrent qu'il n'y a pas de fatalité; juste de bonnes décisionsà prendre. Le scénario optimiste permet de maintenirla hausse de la température sous 2°.Dans le scénario pessimiste, la température moyenne augmente de 3,3 à 5,5° d’icila fin du siècle par rapportà 1850.

5

6

4

3

2

1

0°C

515La quantité utilisée entre 1870 et 2011

Le budget carbone total : 790

275La quantité restant à utiliser

65 % de notre budget carbone compatible avec un réchauffement de 2 °C maximum est déjà dépassé.

* Le terme de budget carbone désigne le volume total de CO2 émis ou à émettre que le monde ne peut dépasser s'il veut maintenir la hausse de la température sous 2°

Les experts du Giec adressentleur dernier avertissement

Septembre 2013, printemps 2014, le groupe intergouver-nemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) metà jour la synthèse des connaissances sur le changementclimatique. L’expertise s’affine : depuis 1995, le degré decertitude concernant la responsabilité de l’Homme dansles changements observés est passé de 50 % à 66 %(en 2001), 90 % (en 2007) puis à 95 % en 2013. Il n’y aplus de discussion : c’est bien l’Homme, via ses émis-sions de gaz à effet de serre, qui est responsable del’évolution du climat de la planète.Le Giec redit que la poursuite des émissions au rythmesoutenu que nous connaissons aura des impacts néga-tifs sévères sur les populations et les écosystèmes. Lemonde s’est engagé à limiter la hausse de la tempéra-ture sous 2o en 2100 ; mais la trajectoire actuelle mène àun réchauffement qui pourrait atteindre 4 à 5o.Il est possible d’éviter ce scénario extrême. Moyennantdes mesures volontaires, il est possible d’atteindre l’ob-

jectif des 2o. Mais cela suppose que les émissions de gazà effet de serre mondiales atteignent leur maximumvers 2025 pour diminuer constamment ensuite et deve-nir nulles, voire négatives, à la fin du siècle.Il faut réduire fortement les émissions et mettre enœuvre des mesures d’adaptation afin d’atténuer lespires effets du changement climatique, dit le Giec. Celaveut dire économiser l’énergie, abandonner progressive-ment les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) pourutiliser des énergies propres, préserver les puits decarbone (forêts, prairies, tourbières…), changer descomportements. Une politique peu coûteuse au regarddes impacts négatifs du changement climatique. Unepolitique qui créera de la richesse, des emplois, du bien-être. Mais qui deviendra de plus en plus chère et difficileà concrétiser à mesure qu’on la postpose.

M.D.M.

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

forêts 140 MILLIMÈTRESC’est le déficit moyen de la « balance hydrique » prévue en 2100 en moyenne Belgique.Ce déficit, qui est la différence entre la quantité de pluie et l’évapotranspiration del’arbre et du sol, atteindrait 110 mm en Basses et Moyennes Ardennes et 70-80 mm enHautes Ardennes. Les arbres à enracinement superficiel et ceux qui sont plantés sur dessols ne disposant pas d’une bonne réserve en eau s’en trouveront fragilisés.

Lorsqu’un forestier plante un arbre,il sait qu’il devra attendre des dé-cennies avant de le couper et d’entirer d’éventuels bénéfices. Riend’étonnant à ce que, dans ce sec-

teur, on se soit rapidement inquiété duchangement climatique. Dès 2009, un rap-port résumait la situation : il y a du soucipour les hêtres, les épicéas et les chênes pé-donculés. « Depuis quelques années, noussommes alertés par des dépérissements, ex-plique Hugues Claessens, responsable del’unité de gestion des ressources forestièresà la faculté de Gembloux (ULg). Celatouche les hêtres mais, compte tenu des sur-faces plantées, c’est très visible chez les épi-céas. » Très visible aussi car une partie despeuplements se trouve « hors station »,dans des lieux peu propices où l’arbre estfragilisé. A plusieurs reprises, des grandestempêtes ont provoqué d’importants dégâtsdans les peuplements. Augmentation destempératures, augmentation des périodessèches, les projections sont « assez inquié-tantes ». C’est dès aujourd’hui qu’il fautprendre les bonnes décisions dans la ges-tion forestière.

Il faut « di-ver-si-fier »Diversifier : c’est la règle de tout épar-

gnant qui veut agir en bon père de famille.Et pourtant, en raison de vues à courtterme et des pressions du marché, elle asouvent été négligée. « Aujourd’hui, relèveClaessens, trois quarts de l’offre de bois enWallonie sont composés d’épicéas, de hêtreset de chênes. C’est une grosse faiblesse. Ilfaut diversifier : tant les espèces qu’au seind’une espèce. »

Plus difficile à gérer ? « Il faut en tout caschanger les pratiques », explique un profes-sionnel. « C’est optimum, insiste Claessens.Une forêt mélangée est plus efficace. » Lecode forestier wallon veut promouvoir

« une forêt mélangée et d’âges multiples,adaptée aux changements climatiques etcapable d’en atténuer certains effets ». Illus-tration avec le scolyte qui nuit aux épicéasen raison du champignon qui l’accom-pagne. « A la faveur de températures plusélevées au printemps et en été, l’insectepourrait augmenter son taux de reproduc-tion, explique Etienne Branquart, spécia-liste des espèces invasives à Gembloux. Onpeut s’attendre à des pics d’infestation plusfréquents et plus importants. Mais on saitqu’en association avec le pin noir, l’épicéarésiste mieux. »

On a tiré les leçons du passéAméliorer la forêt, c’est aussi la rendre

plus « naturelle », favoriser des arbresd’âges différents. La présence d’arbresmorts attire les oiseaux qui mangent les in-sectes défoliateurs. Ici aussi, le code fores-tier impose le maintien d’un minimumd’arbres morts ou de chablis (arbres déraci-nés) dans la forêt. Celle-ci résiste mieuxaux maladies, mais elle réagit aussi plus ef-ficacement aux tempêtes. Ce sont les plusgros arbres qui s’abattent en cas de grandsvents. Dans une forêt mélangée, les grandsvoisinent avec les plus jeunes. Ces derniersprennent rapidement et naturellement lerelais de leurs aînés effondrés.

On a tiré une partie des leçons du passé.Dans les forêts publiques gérées par l’admi-nistration wallonne on ne peut plus planterd’arbres dans un endroit inadéquat. C’estd’ailleurs une des conditions pour pré-tendre au label PEFC de gestion forestièredurable. C’est à cela que servent le Fichierécologique des essences forestières et leGuide de boisement qu’à Gembloux on sepromet d’informatiser entièrement danscinq ans. Les propriétaires privés restent,quant à eux, libres de faire ce qu’ilsveulent. Mais la question de la diversité est

plus délicate à régler. Car elle touche auxpratiques de gestion. Il est tentant de rem-placer les monocultures d’épicéas par desmonocultures de douglas, un arbre plusproductif et plus adapté au climat futur dela Wallonie. Mauvaise idée, explique MarcDufrêne (unité biodiversité et paysage deGembloux). « On ne maîtrise pas bien cetarbre qui n’est chez nous que depuis unetrentaine d’années. » Claessens abonde :« C’est un risque de le généraliser, surtoutquand on l’implante à la place d’un écosys-tème complexe comme une forêt naturelle. »Outre sa fragilité et un impact négatif surla biodiversité, la monoculture pose le pro-blème des coupes à blanc, toujours prati-quées en Wallonie, mais qui ont un effetdévastateur notamment sur le sol dont ellesaccroissent l’érosion. « Il y a des techniqueséprouvées pour gérer des forêts mélangées,dit Claessens. Mais il faut accepter l’inno-vation, changer le fonctionnement tradi-tionnel. Agir de manière plus ciblée. »

Autre obstacle à la diversification : lessurdensités de gibier (sangliers, cervidés…).Ces derniers apprécient particulièrementles plantations de jeunes chênes ou autresfeuillus. « Ils mangent le meilleur en pre-mier », compliquant la tâche du forestier.

Le plan wallon d’adaptation au change-ment climatique parle « d’encourager lesinitiatives pour une sylviculture durable etrespectueuse du fonctionnement de l’écosys-tème naturel ». Encore faut-il que le mar-ché suive. C’est un souci. « L’industrie dubois est à la recherche de résineux, de pro-duits aux dimensions très standardisées,adaptés aux scieries. Elle pousse en fait àmettre du douglas partout. Il faut que lagestion de la forêt soit moins dominée parl’industrie du bois », insiste Claessens. Pastoujours facile pour un propriétaire de ré-sister à la perspective d’un gain rapide… ■

MICHEL DE MUELENAERE

Dans la forêt de Soignes, une autre cathédrale croît peu à peu. Faite de chênes... © BRUNO D’ALIMONTE

La nature va devoir reprendre ses droits

Fragile épicéaC’est le roi fragile des forêtswallonnes. Surtout lorsqu’ilest « mal » planté. Il sera deplus en plus exposé. « Cetteespèce boréo-montagnardepâtit du manque de froid enhiver et de la pénurie d’eau enété », dit Hugues Claessens,responsable de l’unité degestion des ressources fo-restières à la faculté deGembloux (ULg). C’est cequi attend la Wallonie. Leréchauffement gâte parailleurs le puceron vert del’épicéa dont les pics depopulation sont plus in-tenses à la faveur d’hiversplus doux, selon Branquart,expert des espèces inva-sives. Un roi contesté : « Aupied des arbres, le sol estmort », dit un naturaliste.

M. D. M.

Hêtre au piedd’argileMontagnard, le hêtresouffre de la chaleur esti-vale au nord du sillonSambre-et-Meuse. Un soucià Bruxelles, où la forêt deSoignes est composée à74 % de hêtres et dont64 % est couverte de hê-traie cathédrale. Ces pro-portions vont diminuer :65 % pour l’espèce et 50 %de hêtraie cathédrale. Onplante plus de chênes.Sujet délicat. « La hêtraiecathédrale est un patrimoineessentiel lié à l’image deBruxelles. Nous allons toutmettre en œuvre pour lepréserver sur des surfacessuffisamment significatives »,dit-on.

M. D. M.

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SO

IR.

La sessile,ça, c’est sûrContrairement à son cousin,le chêne pédonculé, dontles besoins chimiques et eneau sont parfois déçus etqui en conçoit une certainefragilité, le chêne sessile estle costaud de la famille. Ilest sans doute appelé àprendre la place du pédon-culé qui est une des es-sences de base en forêt deSoignes. D’autres se pous-seront-elles du col ? Châtai-gniers, platanes, cèdreatlantique sont sur la liste.« Il est temps de faire desarboretums », s’exclameHugues Claessens.

M. D. M.

©D

.R.

Douglas :l’arme fatale ?Depuis des années, il n’y ena plus que pour lui en Wallo-nie. Un bois de meilleurequalité que l’épicéa, uneproduction 30 % supérieure.Cette espèce de l’Ouestaméricain est bien adaptéeaux sécheresses et aux ver-sants secs. Mais il n’aimepas le manque d’eau auprintemps et est sensible àla rouille suisse qui retardesa croissance. Gare à ne pasmettre tous les œufs dans lemême panier. « Une espèceexotique est toujours plusfragile qu’une espèce indi-gène », rappelle un expert.

M. D. M.

©D

.R.

LES GAGNANTS

LES PERDANTS©

LE S

OIR

.

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

agric

ultu

re3.400 VARIÉTÉSC’est le nombre d’anciennes variétés de pommes, de poires, de prunes, de cerises,de pêches et de vignes qui sont cultivées dans le verger conservatoire de Gem-bloux. Elles formeront un réservoir génétique d’un prix inestimable destiné à créerles futures variétés adaptées aux sols wallons et au changement climatique.

Aquoi ressembleront les paysages

agricoles de la Wallonie d’icitrente ans ? Et au tournant duXXIIe siècle ? L’impression pré-vaut aujourd’hui que nous

échapperons aux changements drama-tiques qui frapperont les pays du Sud. Maisl’impact n’en sera pas moins important.

De quoi cultiver les paradoxes de l’amour-haine qui animent le débat sur les relationsentre agriculture et changement clima-tique. « On peut voir l’agriculture à la foiscomme une cause des modifications du cli-mat mais aussi comme victime de cette évo-lution », rappelle Bernard Watillon, chef dudépartement des sciences du vivant auCentre wallon de recherches agronomiquesde Gembloux (Cra-W).

L’activité agricole est en effet un produc-teur majeur de gaz à effet de serre. Par leméthane, résultat de la digestion du bétailet du stockage du fumier et aussi par le gazqui se dégage des engrais azotés. Mais en re-vanche, les agriculteurs risquent égalementde trinquer. Les vagues de chaleur et la di-minution des précipitations dans certainesrégions du globe auront des effets catastro-phiques. Chez nous, on peut s’attendre à desépisodes de sécheresse plus fréquents maisaussi à des conditions extrêmes qui se tra-duiront par des grêles, des tempêtes ou desinondations. De quoi hypothéquer réguliè-rement les récoltes et mettre sous hautepression la situation économique dans lesfermes.

Le débat fait également rage sur la

concurrence entre l’homme et l’animal dansles productions agricoles. Certains s’in-quiètent de voir des surfaces de plus en plusimportantes de la planète « squattées » parla production de soja ou d’autres matièrespremières utilisées pour nourrir le bétail audétriment de l’homme.

« On fait parfois un mauvais procès auxagriculteurs, nuance Didier Stilmant, encharge du département Agriculture et mi-lieu naturel du Cra-W, qui épingle le cas dela production laitière. Il est vrai que les ru-minants émettent beaucoup de méthane.Mais ce sont aussi les seuls capables detransformer la cellulose de l’herbe en pro-téines. Si on laissait les prairies à l’aban-don, l’herbe en pourrissant produirait elleaussi du méthane, mais nous n’en aurionspas retiré au passage un aliment précieuxpour l’homme. » Des recherches pourraientd’ailleurs tout changer. « Grâce à l’analysespectroscopique du lait, des chercheurs wal-lons sélectionnent les animaux qui pro-duisent moins de méthane et identifient lespratiques qui permettront de réduire sonémission », ajoute Didier Stilmant.

Une mouche qui s’acclimateIl faudra cependant du temps pour que

les nouvelles pratiques soient intégrées auquotidien par tous les agriculteurs. « Parcomparaison avec ce qui attend les pays mé-diterranéens, on a l’impression que dansnos zones tempérées, on est relativement àl’abri, constate Marc Lateur, un chercheurspécialisé dans l’amélioration des espèces et

la biodiversité. Dans le subconscient collec-tif des agriculteurs, on se dit qu’on adopterales variétés du Sud qui vont étendre leuraire écologique à nos régions. »

Mais pour ce spécialiste, l’un des dangersserait de se satisfaire d’une diversité géné-tique trop réduite. « Pour la production depoires, nos arboriculteurs cultivent de ma-nière quasi exclusive la Conférence. Si la gé-nétique de cette variété dominante est sou-dain mise sous pression à cause du change-ment de climat, le résultat peut être catas-trophique. » D’où l’intérêt de protéger unréservoir génétique sur le long terme. AGembloux, dans le verger conservatoire, cesont plus de 1.600 « vieilles » variétés depommes et 1.200 de poires et d’autres fruitssur lesquelles veille aujourd’hui Marc La-

teur.Reste la manière dont les maladies et les

insectes ravageurs tireront parti sous nos la-titudes de la nouvelle donne climatique.Pour certains, ces changements produisentdéjà leurs effets chez nous. L’un des repré-sentants les plus symboliques de cette évo-lution potentiellement imputable aux chan-gements de climat, c’est est une petitemouche de quelques millimètres de long, la« drosophila suzukii ». Sa présence étaitconnue dans le bassin méditerranéen.« Mais depuis deux ans environ elle s’est ac-climatée en Belgique, où elle cause des dégâtsinquiétants chez les producteurs de fraises,notamment », s’inquiète Bernard Watillon.Un exemple parmi une kyrielle d’autres. ■

ALAIN JENNOTTE

La Wallonie risquela surchauffe

Grâce à l’analyse du lait, des chercheurs wallons sélectionnent des vaches qui produisent le moins de méthane possible. © REPORTERS.

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

érosionag

ricul

ture

« Je crainsune intensificationencore plus forte »Au niveau européen, l’heure est àla mise en avant du réseautage etdes projets en partenariats entredifférents pays. Chargé de cours àl’ULg, dans son antenne d’Arlon,Bernard Tychon coordonne levolet wallon de Macsur, un réseaude scientifiques dédié au climat età l’agriculture.Comment l’agriculture wallonnes’adaptera-t-elle aux change-ments climatiques annoncés ?Il y a un paradoxe. Les conditionsdes prochaines décennies risquentd’être meilleures qu’aujourd’huipour nos agriculteurs alors que lespays du Sud devraient sérieusements’assécher. Bien sûr, on ne doitjamais perdre de vue qu’il ne s’agitque de projections. Maisje suis convaincu que lasituation dans le Sud auraplus d’impact sur notreagriculture que les chan-gements du climat quisurviendront chez nous.Qu’est-ce qui va changer ?J’ai une crainte majeure. C’est queles déséquilibres qui toucherontd’autres régions de plein fouet, maisqui devraient nous épargner, n’aientpour conséquence une intensifica-tion encore plus forte de notreagriculture. Les zones de la Wallo-nie qui disposent d’excellentesterres seront inévitablement mises àcontribution au maximum. Lesagriculteurs sont des acteurs écono-

miques et ils vont tenter d’optimiserleur rentabilité.Quelles formes pourraientprendre cette intensification ?L’irrigation, par exemple. On risquede connaître en été, pendant lacroissance des cultures, des pé-riodes de sécheresse plus fréquenteset plus marquées que par le passé.Cela poussera des agriculteurs às’équiper pour irriguer. Avec lerisque d’assèchement des nappesphréatiques qu’il sera difficile dereconstituer.Si les surfaces cultivables dimi-nuent pour l’ensemble de l’Eu-rope, doit-on être inquiet pour lasécurité alimentaire ?Aujourd’hui, les échanges se fontsur un marché mondialisé. Mais lesinstitutions européennes sontconscientes qu’il faut garantir cette

sécurité alimentaire.Si l’on constatait une tropforte concurrence entre lesterres agricoles et d’autresspéculations, comme l’im-mobilier, il faudrait certai-nement mettre en œuvreune régulation.

Les agriculteurs commencentdéjà à changer leurs pratiques ?On n’en est pas du tout là. Il n’estpas facile de changer les pratiquesculturales ou d’élevage. Alors c’estdifficile de se projeter dans trenteans. Cela fait dix générations quel’on pollue notre planète en déga-geant massivement du CO2. On nepeut pas espérer tout régler en uneseule génération.

A.JE.

Modéliserpour mieux prévoirIl est déjà bien compliqué de prédire le tempsqu’il fera dans une semaine. Alors tirer desplans sur la météo à l’horizon de 2045 ou de2100 est sans le moindre doute un exercicepérilleux. Pourtant, les scientifiques disposentd’un outil puissant pour tenter d’anticiper lesmutations climatiques : la modélisation.Agronomes, physiciens et informaticienss’associent pour créer des programmes ca-pables de digérer des données et les passer àla moulinette en fonction de scénarios. C’estle cas de « Caraib », un modèle dynamiqued’analyse de la végétation. « L’objectif est decréer un outil prévisionnel pour le rendement descultures et des prairies », explique Louis Fran-çois, spécialiste de la modélisation du climatet des cycles biogéochimiques à l’universitéde Liège. Les modèles, ce physicien lesconnaît bien. C’est lui qui a créé Caraib audébut des années nonante. « Les agronomes

ont souhaité l’utiliser pour faire de la prévision enmatière d’évolutions climatiques et mesurerl’impact qu’elles auront sur l’agriculture en Bel-gique », poursuit Louis François.À l’entrée du programme, on introduit desdonnées météorologiques, des informationssur les sols et sur les espèces cultivées. Al’arrivée, le programme simule le rendementou encore les flux d’eau et de CO2.Les résultats sont très encourageants. Unecomparaison portant sur vingt-six modèlesutilisés un peu partout dans le monde vient deconclure que Caraib était l’un des systèmesles plus performants. Lors de cette validation,les modèles ont simulé les rendements dedifférents types de blés dans trois régionsd’Europe sur une trentaine d’années, dans unpassé récent. Les résultats ont été ensuitecomparés avec les « vrais » chiffres des ré-coltes. C’est le modèle liégeois s’est montré leplus efficace dans cet exercice. Ce qui devraitle rendre encore plus populaire auprès desagronomes dans les prochaines années.

A.JE.

10 À 200 TONNESC’est la quantité de terre érodée par hectare chaque année enWallonie. Les spécialistes prévoient une hausse de l’intensitéet de la fréquence des orages, ce qui aura un effet direct surla quantité de terre érodée. Les coulées boueuses glissentvers le fond de la vallée causant des dégâts importants. Parailleurs, à chaque ruissellement, c’est une partie de la couchearable – le capital agricole – qui disparaît.

Orp-Jauche se barricadecontre les coulées de boueEté 2011, de violents orages ont inondé àplusieurs reprises le village d’Orp-Jauchedans l’Est du Brabant wallon. L’eau s’en-gouffre dans les maisons, la boue s’infiltrepartout. Ce n’est pas la première fois que çaarrive, mais c’est de pire en pire d’après leshabitants. Il était temps de prendre desmesures drastiques. « J’ai directement organi-sé une concertation avec les habitants inondés,car ils montraient les agriculteurs du doigt »,explique Joël Lambert, agriculteur à Orp-Jauche. Il leur a expliqué les causes desinondations, notamment le relief très pentuet la construction de maisons sur le cheminde l’eau. La pluie ruisselle naturellement sur lesterres agricoles, mais certains agriculteursessaient de la freiner au maximum pourlimiter l’impact en aval (voir ci-contre). JoëlLambert a par exemple morcelé sa parcelleen quatorze morceaux qui accueillent descultures différentes. Une des causes desinondations de 2011 était en effet le choixdes agriculteurs de ne planter que des

pommes de terre à perte de vue, une cultureà risque en cas de précipitations.La commune a également mis en place unedigue et une fascine (une sorte de barrièrede branches) sur son terrain. Il a renforcél’efficacité de ces solutions en plantant unehaie et en entourant la fascine d’une prairiequi ralentit encore davantage le ruisselle-ment. « Ce n’est pas efficace à 100 %, mais çalimite fortement les dégâts. Il y a une améliora-tion. Les gens qui avaient de la boue chez euxn’en ont plus eu cette année. »Cet agriculteur bio ne compte pas s’arrêterlà, conscient que l’érosion risque encored’empirer. « Il faut penser à demain et repen-ser l’agriculture qui favorise aujourd’hui lesgrandes parcelles. J’ai encore des projets. » Ilaimerait protéger davantage les maisons enremplaçant les bandes de terre à proximitédes habitations par une bande enherbée. Ilaimerait aussi créer une digue pour reteniret rediriger l’eau vers des terrains non habi-tés. « Mais les habitants doivent aussi collabo-rer et accepter qu’on plante une haie derrièreleur jardin pour freiner les eaux. Tout le mondedoit mettre du sien. »

D.M.

Dans le futur, les meilleures terres agricoles devraient encore être plus mises à contribution. © D .R.

Le programme « Caraib » permet de prévoir les rendements des différentes céréales, dont le blé,en introduisant les données météorologiques, les informations sur le sol, ... © D.R.

Sur le terrain de Joël Lambert, des fascines freinent l’écoulement des eaux de pluie et limitent l’érosion. © BRUNO D’ALIMONTE.

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

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Le Soir

L’hiver a beau être à nos portes, denombreux terrains agricolessont toujours verts. Certainesparcelles ont été semées de cé-réales, d’autres sont recouvertes

de trèfles, d’avoine ou de moutardejaune. Ces cultures ne sont pas principa-lement plantées pour les récoltes, maispour contrer l’érosion du sol. « Pour lut-ter contre ce phénomène, il faut associerplusieurs petites mesures », explique Bé-nédicte Maréchal, éco-conseillère à lacommune de Jodoigne. Des solutionsprises en amont et en aval.

En amont, pour éviter le détachementde particules de terre, le sol doit être pro-tégé de la force de la pluie. Voilà pour-quoi les agriculteurs sèment, entre deuxcultures, une plante qui sert de couver-ture. L’association d’agriculteurs Gree-notec promeut quant à elle la techniquede non-labour. D’après le coordinateurde cette ASBL, Maxime Merchier,« quand l’agriculteur ne laboure plusson champ, des restes de la culture précé-dente continuent à protéger le sol ». Sup-primer complètement l’érosion est im-possible. Mais on peut mettre en placedes mesures pour ralentir l’eau lors de sadescente. De larges bandes d’herbe sontplantées perpendiculairement à la pente(obligatoire à partir d’une certaine décli-vité). « C’est comme une ceinture de sécu-rité qui freine le ruissellement », ex-plique Arnaud Dewez, conseiller de lacellule wallonne Giser (Gestion intégréesol-érosion-ruissellement) qui conseilleles agriculteurs et les communes.

Des haies sont également plantées etdes buttes de terre érigées pour redirigerl’eau vers des endroits non habités. « Ceshaies, ces bandes herbeuses ou fleuriesont d’autres avantages, ajoute Marc Du-frêne, de l’unité biodiversité et paysagede Gembloux. Elles sont un refuge pourla biodiversité – les oiseaux, les insectesqui sont de précieux auxiliaires de l’agri-culteur – et lors du ruissellement, ellesarrêtent la migration des sédiments et

des produits chimiques qui y sont asso-ciés. »

Pour Aurore Degré, professeur de phy-sique des sols à la faculté de Gembloux(ULg), « le problème ce n’est pas tantl’eau, c’est surtout la boue qui fait de grosdégâts en aval ». De nombreuses com-munes ont installé des fascines, des bar-rières de branches, dans des endroits cri-tiques où de grandes quantités d’eaus’engouffrent. « L’eau prend plus detemps à ruisseler et elle se décharge ainside la terre. Elle arrive plus propre dansles égouts et les maisons, ce qui fait

moins de dégâts », explique BénédicteMaréchal.

En aval, « on peut mettre en place desbassins d’orage, des grands fossés ou desfossés entrecoupés de barrières qui fonc-tionnent comme des écluses », expliqueArnaud Dewez. Pour lui, il faut repenserl’urbanisation des campagnes. « Lescommunes ne consultent pas assez lacarte qui identifie les zones à risques,avant d’accorder un permis d’urba-nisme. » C’est clair, selon Charles Biel-ders, professeur à l’UCL spécialisé dansla conservation du sol, « s’il y a plus de

permet de réduire ses frais » par rapportà des parcelles segmentées qui ralen-tissent le ruissellement, mais de-mandent plus de travail. Bénédicte Ma-réchal qui dialogue avec les agriculteurspour susciter une réflexion confirme :« Il y a encore un énorme travail deconscientisation des agriculteurs à réa-liser ».

Un taux d’érosion inacceptableCertains agriculteurs changent cepen-

dant leurs pratiques. A Orp-Jauche, Em-manuel Vranckx a notamment installédes bandes enherbées et des fascines quirognent sur son terrain. « C’est vrai queça coûte de l’argent, mais ces quelquesmètres carrés ne vont pas mettre en périlla viabilité de mon exploitation. Désor-mais, les voisins en aval ont moinsd’eau. Mes terres retiennent beaucoupd’humidité grâce aux fascines. »

« Il faudrait promouvoir les solutionsà l’érosion de manière plus active », in-siste Charles Bielders. A l’heure actuelle,on n’observe pas encore de pertes de ren-dement directes pour les agriculteursgrâce à l’épaisseur et la richesse du sol.Mais ça pourrait arriver d’ici une dizained’années. « L’érosion, détaille Dufrêne,est une perte progressive de capital pourl’agriculteur qui voit la couche de terrearable se réduire. C’est aussi dans son in-térêt de préserver ce capital. » Pour Au-rore Degré, « le taux actuel d’érosion estnon durable », particulièrement au vudes changements attendus avec le chan-gement climatique. « Il fera plus chaudet donc il y aura plus de vapeur dans l’at-mosphère. Quand il pleuvra, il pleuvraplus fort et on observera plus de couléesde boue, car quand la pluie augmented’un facteur 2, l’érosion augmente d’unfacteur 4. » Heureusement, dit CharlesBielders, « on n’a pas attendu le change-ment climatique pour trouver des solu-tions ». Reste à convaincre tout lemonde de les mettre en œuvre. ■

DANAÉ MALENGREAU (avec M.d.M.)

maisons, notamment sur des terrains àrisques, il y a une probabilité plus im-portante d’y voir s’accumuler la terreérodée ».

« 80 % des solutions trouvent leur ori-gine dans les pratiques agricoles, or c’estle plus dur à changer », analyse ArnaudDewez. Les solutions contre l’érosion nesont pas rentables à court terme pour lesagriculteurs. Aurore Degré explique que« les cultures à risques en termes d’éro-sion, comme la pomme de terre, rap-portent plus d’argent à l’agriculteur. Pos-séder de grandes superficies de terres lui

Eviter que l’eau ne balaie le capital agricole

Lorsque l’eau ruisselle, elle emporte une partie de la couche arable. C’est le capital agricole qui disparaît. Pour l’en empêcher, on plante des haies, on pose des fascines. © BRUNO D’ALIMONTE.

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Le Soir Lundi 1er décembre 2014

santé +1,9O EN 2030Selon une étude réalisée pour la Région bruxelloise, la température moyenne à Bruxellesdevrait progresser de 0,8o à 1,9o en 2030, de 1,3o à 2,8o en 2050 et de 1,9° à 5,4o en 2085.

C’est tout sauf une plaisanterie.En août 2003, la Belgique etune grande partie de l’Europe del’Ouest connaissent une vaguede chaleur sans précédent. La

porte du four demeure ouverte deux se-maines entières, du 1er au 15. Elle s’ac-compagne de taux inhabituels de pollu-tion. Certains jours, la température maxi-male mesurée à Uccle flirte avec les34 degrés. Et les minimas restent auxalentours des 20 degrés, jusqu’à21,7o dans la nuit du 7 août. Le seuild’alerte pour l’ozone est dépassé pendantsept jours consécutifs.

On estime que l’excès de mortalité parrapport à la moyenne est de 1.300 per-sonnes de plus de 65 ans, soit une haussede 19 % des décès totaux durant la pre-mière quinzaine d’août, selon un rapportde la Cellule nationale environnement etsanté. Aujourd’hui, il n’est pas un seul do-cument parlant de l’adaptation au chan-gement climatique qui ne comporte unvolet sanitaire.

Car 2003 fut un électrochoc montrantque nos pays sont mal préparés à affron-ter d’importantes vagues de chaleur. EnBelgique, cet épisode est à l’origine de lamise en place d’un plan « vague de cha-leur et ozone ». Depuis son entrée en vi-gueur en 2005, la phase d’alerte a été ac-tivée à sept reprises. Elle l’a été chaqueannée depuis 2010 ; pas en 2014. Et sil’on en a moins parlé, on estime que lesétés les plus chauds (2006 et 2010) ontentraîné une surmortalité de 300 per-sonnes âgées (de 7 à 8 % de plus que lamoyenne). Autant savoir : tous les scéna-rios des climatologues prédisent une re-crudescence des vagues des épisodes dehautes températures dans les années àvenir.

Alerter plutôt que prévenir ?L’heure n’est pourtant pas à la mobili-

sation générale. L’adaptation face auxvagues de chaleur consiste essentielle-ment à surveiller et à prendre des me-sures d’urgence au cas où le « mercure »atteigne des niveaux préoccupants. Prin-cipales mesures : communication au pu-blic, avertissements aux professionnels dela santé (médecins, hôpitaux, services desoins à domicile, maisons de repos…) etaux travailleurs sociaux dans les milieuxprécarisés. Il s’agit de faire en sorte qu’onredouble d’attention à l’égard des per-sonnes fragiles (très jeunes enfants, per-sonnes âgées, personnes isolées). « En pé-riodes sensibles, nos inspecteurs ont pourconsigne de porter une attention particu-lière aux soins et à la prévention desrisques liés à la chaleur », explique Bri-

gitte Bouton, inspectrice générale au dé-partement des aînés et de la famille del’administration wallonne.

Ici, on n’ose pas anticiper sur le conte-nu d’un futur plan wallon « vague de cha-leur », compétence bientôt régionalisée.Mais la réflexion sur les futures évolu-tions climatiques en fera partie. « Il y aune réflexion avec les administrations fé-dérale et fédérées et l’Institut de santé pu-blique », dit Luc Tsachoua, médecin àl’ISP. Adapter le plan ? « Les seuilsd’alerte actuels sont pertinents, il n’y apas de nouveaux facteurs de risque signi-ficatifs et le profil des groupes à risquesreste le même. » Les changements touche-ront la communication.

Le plan sera diffusé à plus grandeéchelle et le SPF Santé publique veut

mettre l’accent sur la solidarité, « deman-der aux voisins, aux collègues et aux fa-milles d’être attentifs au bien-être des per-sonnes à risques de leur entourage ».

Il est possible d’agirAilleurs, la réflexion porte sur la pré-

vention. Le risque lié aux vagues de cha-leur est plus concret en milieu urbain. Enconcentrant des activités émettrices dechaleur, même en été, et en modifiantl’environnement (surfaces absorbant lescalories solaires, absence de vent, moinsde verdure…), les villes sont particulière-ment exposées aux canicules.

Mais il est possible d’agir. Un seul ob-jectif : rafraîchir et aérer au maximum. Ilfaut préserver les espaces verts et la pré-sence de l’eau (voir dessous). Renforcer

l’isolation des bâtiments : cela protègecontre le froid et contre le chaud, pourautant que l’on s’équipe des protectionssolaires. D’autres solutions sont scientifi-quement validées : utiliser des matériauxréfléchissant les rayons du soleil, conce-voir des bâtiments aérés naturellementplutôt que par l’air conditionné (quiconsomme de l’énergie et produit de lachaleur), orienter et disposer les aména-gements urbains de façon à ce qu’ils n’ac-centuent pas l’effet d’îlot de chaleur. A derares exceptions près, à Bruxelles, il s’agitcependant de réflexions, d’intentions etde recommandations, très exceptionnel-lement transposées en mesures concrètesou en normes contraignantes. ■

MICHEL DE MUELENAEREet DANAÉ MALENGREAU

La chaleur peut tuer les plus faibles

Face au risque de vague de chaleur en ville, il faut prévenir : préserver les espaces verts et la présence de l’eau. © BRUNO D’ALIMONTE.

Pollens :un risque accrupour les allergiesLa chaleur ne sera pas laseule à s’inviter plus souventen Belgique dans les annéesqui viennent. D’autres hôtesseront de la partie : les pol-lens. Selon les projections,on devrait assister à unallongement de la périodede végétation – donc de laprésence de pollens dansl’air. Des pollens connus,mais aussi de plantes nou-velles. Comme l’ambroisieque surveille Etienne Bran-quart, expert à l’administra-tion wallonne. « Des grainesd’ambroisie se mélangent avecdes graines de tournesols,maïs, ou des graines pour lesoiseaux. On la trouve déjàchez nous à quelques en-droits ; en Campine, sur desterrils liégeois. Mais pour sedévelopper, elle a besoin detempératures un peu plusélevées. Pour le moment, onest à la limite. Dans tous lesscénarios futurs, la Belgique setrouve au centre de l’aire derépartition ; un degré de plussuffira pour qu’elle s’implante.L’ambroisie produit beaucoupde pollens dont une très faiblequantité peut provoquer unrhume des foins assez poussé ;10 % de la population y seraitsensible. Au toucher, elleprovoque des allergies cuta-nées. La plante fleurissant enaoût-septembre, cela allonge-rait la période des allergies . »

Surveiller et sensibiliserLa plante se répand en ac-compagnant le mouvementdes terres de remblai lors detravaux. Pas question de lacombattre avec des herbi-cides. Il n’en existe pas desélectif. Que faire ? Iln’existe pas de plan pourcombattre l’ambroisie, re-grette Branquart. Maiscomme toutes les espècesexotiques envahissantes, elleva faire l’objet d’un pro-gramme de surveillanceeuropéen. Pour Luc Tsa-choua (ISP), « il faut mieuxsensibiliser la population auxrisques des allergies, lui ap-prendre à reconnaître lessymptômes et pousser lespersonnes atteintes à consul-ter directement un médecinavant que ça dégénère ». Lepersonnel médical doit aussiêtre informé afin de mieuxguider les personnes qui sedécouvrent une allergie.Idem pour les cas de mala-die de Lyme, transmise parles tiques, dont on attendune recrudescence.

M.D.M. ET D.M.

B ruxelles, ville verte : la moi-tié du territoire couverte

d’espaces verts. Huit mille hec-tares, dont 2.779 accessibles aupublic. Une performance ? A re-lativiser : la forêt de Soignescompte à elle seule pour1.650 hectares. Et la plupart desgrands parcs et forêts setrouvent en périphérie – la se-conde couronne. Au centre, leminéral l’emporte largement.Conséquences : la températuremoyenne à Bruxelles est supé-rieure de 2,5o à celle de la cam-pagne, indique l’IRM. Dans lesquartiers les moins verts de Mo-lenbeek ou d’Anderlecht, celapeut aller jusqu’à 5o. « Jusqu’à7-8o parfois », dit Serge Kempe-neers, directeur de la division es-paces verts chez Bruxelles-Envi-ronnement. Ce phénomèned’îlot de chaleur était déjà docu-menté au milieu des années 70.La ville dispose pourtant d’un« conditionnement d’air » natu-rel à ne pas négliger. Non seule-ment parce que les températures– aussi les extrêmes – pourraientaugmenter. Mais aussi parce quela population de la Région va

croître de près de 100.000 habi-tants d’ici 2020. Il serait tentantde rogner sur les espaces dispo-nibles, éventuellement verts,pour loger ces nouveaux venus.

« Face aux impacts du change-ment climatique en ville, indiqueBenoît Willocx, responsable de

la gestion de l’eau chezBruxelles-Environnement, lemaître-mot doit être la résilience(capacité à absorber les chocs, àse réorganiser et à reprendre uncours normal, NDLR). La popu-lation va augmenter : il fautdensifier l’habitat et intégrer de

la nature et de l’eau partout oùc’est possible. » Ça passe par lemaintien des espaces verts. Pré-server les intérieurs d’îlots et levrai sol, celui qui contient de lavie. Valoriser les talus de cheminde fer. Encourager les toituresvertes (obligatoires pour les toi-

tures plates de plus de 100 m2) etdes façades vertes. Remettre àciel ouvert d’un maximum decours d’eau. Une même logique :du vert, du frais et un coup depouce à la biodiversité. La miseau jour des cours d’eau en pour-suit une autre : lutter contre lesinondations en retenant l’eau eten lui permettant de s’étaler.

Des arbitragesMais la pression est forte, no-

tamment pour recouvrir les ruis-seaux et pouvoir urbaniser l’es-pace gagné. Ce serait, avertitWillocx, « le meilleur moyenpour “figer le gabarit” d’un coursd’eau, donc le rendre moins effi-cace face aux risques d’inonda-tion. Cela aura aussi pour consé-quence de le tuer, puisque l’eauest privée d’air et de lumière quisont ses principaux dépol-lueurs ». Kempeneers embraye :« Il y a une forte concurrencepour l’utilisation de l’espace.Mais l’accroissement de la popu-lation bruxelloise s’accompagned’une diminution de la taille deslogements. Les habitants aurontdonc d’autant plus besoin d’es-

paces verts à l’extérieur. C’est laqualité de vie qui compensera ladensification urbaine. » Pour-tant l’urbanisation est enmarche ; près de 50 % du terri-toire. En deuxième couronne, degrandes friches urbanisées sesont remplies (Ixelles, Uccle,Jette). Beaucoup de villas se sontagrandies au fil de rénovations.La minéralisation de l’espace nepourra qu’accentuer l’impact desfortes chaleurs. « Nous conce-vons nos espaces verts pour opti-miser le confort microclima-tique, notamment en assurantdes zones d’ombre en fin de jour-née, heures de grande fréquenta-tion », explique Kempeneers.

Une politique à long terme. Ilfaut convaincre. Les mots ontleur importance : ne parlez plusde parcs, jardins ou ruisseaux,mais d’infrastructures vertes etbleues, au même niveau que lesinfrastructures de transports oules bâtiments. « Bruxelles ne serapas vivable sans une infrastruc-ture verte et bleue », estiment lesdeux hommes. Une décision po-litique ; une de plus. ■

MICHEL DE MUELENAERE

Bruxelles Bâtisseurs contre rafraîchisseurs : la lutte pour l’espace

L’eau et de la nature doivent être intégrées partout où c’est possible, comme ici dans la vallée de la Woluwe. © D’ALIMONTE.