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Barack Obama et la culture "america is back" (lettre exprimeo)

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Page 1: Barack Obama et la culture "america is back" (lettre exprimeo)

N°263 - du 10 au 16 mai 2011

Barack Obama et la culture

«America is back»

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Barack Obama et la culture

«America is back»

Il faut d'abord apparaître Président pour avoir une chance de l'être : c'est le postulat de tous les conseillers en communi-cation dans une équipe présidentielle américaine. Des candidats ont effec-tué un travail considéra-ble sur eux-mêmes à l'exemple de Bush senior. D'autres n'y sont jamais parvenus comme Mondale ou Dukakis. Certains n'ont eu qu'à forcer le trait comme Reagan. La transformation de cer-tains candidats est frap-pante. Ils marchent d'une autre façon comme s'ils incarnaient la force d'une Nation toujours en mou-vement et que rien ne peut arrêter. Le port de tête gagne en droiture. Le regard est porté sur l'ho-rizon. Mais surtout, tout ne tourne qu'autour d'eux. Ils n'acceptent plus la seconde position. Dans ce cadre général, la tradition veut aussi que

l’Amérique profonde ga-gne toujours sur l’Améri-que des rivages. Que le cow-boy batte toujours l’intellectuel. En 2000, l’ancrage texan de Bush comme ses gaf-fes l’avaient décroché d’u-ne image élitiste qui au-rait été politiquement sui-cidaire. La stratégie avait été conçue à cette époque par Mark McKinnon qui avait alors consacré toute son imagination pour as-surer son ancrage dans l’Amérique profonde : le candidat BBQ. Le message est toujours simple : la confiance ne peut être donnée qu’à un Américain authentique au patriotisme et à la déter-mination incontestables. Obama devient un véri-table Commandant en Chef Lors des élections de no-

vembre 2010, les atta-ques ont été nombreuses sur Obama qui serait le «comédien en Chef» et non pas le «Commandant en Chef». Les Républicains n’avaient qu’un nom à la bouche : Ronald Reagan. Reagan avait un program-me simple : valeurs tradi-tionnelles, réduction des impôts, tout pour l’emploi et pour la fierté de l’Amé-rique. Tout était déployé pour cajoler le besoin public de confiance et de patriotis-me. En quatre années, Jimmy Carter avait incarné l’in-détermination en politi-que. Il avait mené cam-pagne le cœur en ban-doulière en 1976. En 1980, il mena campagne le drapeau en berne sur-tout à partir du terrible échec de l’expédition pour libérer des otages en Iran.

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Barack Obama et la fin de la comparaison avec Carter L’alerte a été donnée en no-vembre 2010. Lors des élec-tions du mid term, les compa-raisons entre Obama et Carter ont été nombreuses et popu-laires. Il s’agissait alors de dé-noncer des intellectuels indé-terminés, éloignés des réalités quotidiennes comme des rap-ports internationaux de forces; Cette «carterisation» était une grave menace. Elle vient de prendre fin avec l’élimination de Ben Laden.

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Dans ce contexte, la vic-toire de Reagan fut consi-dérée comme celle du re-tour de l’Amérique : une Amérique triomphante, sûre d’elle, de ses valeurs comme de sa force. «America is back» : le réflexe qui est le véri-table ciment de l’Amé-rique Chacun s’accorde à re-connaître que l’opinion publique Française est de plus en plus segmentée. L’impact géographique est de plus en plus fort. Le Sud a une sociologie et un comportement électo-ral différents du Nord. Face à cette réalité, que dire d’un Etat fédéral considérablement plus grand, diversifié, exposé à des cultures diverses ? L’Amérique décide selon des schémas qui ont fait l’objet d’études très préci-ses. Il existe des clivages certains mais aussi des points de rencontres forts. Il existe un clivage réel entre les Républicains et les Démocrates. Les Républicains atten-dent un leader fort. Leur principal critère est l’exa-men de la force morale de son tempérament. Pour les Démocrates, c’est la capacité de jugement qui

compte. La sécurité nationale est la première priorité pour les Républicains tandis qu’elle est largement de-vancée par l’économie pour les Démocrates. Pour ces derniers, les questions sociales arri-vent même devant la sé-curité nationale. Bien entendu, géographi-quement, l’Amérique des rivages est plus ouverte que l’Amérique profonde. Mais surtout, de toutes ces enquêtes, il résulte que l’électeur Américain ne vote pas quand il ne connaît pas le candidat et quand il peut douter du patriotisme d’un candidat.

Ces données portent en elles les scores des pri-maires. Ainsi, chez les Républi-cains en 2008, Giuliani rassurait sur la question de sécurité mais son tem-pérament apparaissait trop «libéral». Huckabee n’était pas assez connu. Mitt Romney, en dépit d’efforts considérables, en janvier 2008, n’était tou-jours pas connu par 40 % des Américains et son en-gagement religieux in-quiétait. Par conséquent, seul McCain réunissait les trois données majeures chez les Républicains : être connu, être doté d’un tempérament fort, rassu-rer en matière de sécuri-

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té. Il a tenu face à tous les vents contraires et at-tendu l’élimination des autres concurrents. Chez les Démocrates, en janvier 2008, John Ed-wards était connu mais son profil restait un mys-tère. Hillary Clinton était connue, perçue comme compétente mais 50 % des Démocrates doutaient de sa sincérité. Hillary Clinton est progressive-ment devenue une carica-ture de la politicienne froide et calculatrice. Barack Obama était jugé comme commettant des erreurs sur le terrorisme mais parvenait à installer une communication émo-tionnelle accélérant sa notoriété et sa bonne image de marque. Barack Obama a non seu-lement bénéficié des fai-blesses de ses concur-rents mais il a su monter une campagne qui soit une belle chorégraphie électorale calibrée pour devenir un feuilleton quo-tidien avec ses rebondis-sements et ses temps forts. Il a su s’adapter à la nouvelle démarche de communication : il faut parler à l’œil. Il a su s’inscrire dans le moule présidentiel : pre-nant ses distances avec son Eglise de Chicago, montrant sa solidarité avec les militaires … Il avait acquis les «habits

présidentiels». Accepter l’hyper-visibilité Parce que l’opinion zappe de plus en plus vite, il faut se rappeler à son bon souvenir en permanence Cette situation impose surtout une hyper-visibilité. La nouvelle ère de com-munication réside dans le fait de considérer l’opi-nion comme seul interlo-cuteur permanent. Dans ce cadre, l’hyper-visibilité est devenue une nécessité. Elle est la seule façon de maintenir le lien avec un public de plus en plus exposé à des messa-ges divers et de plus en plus exigeant. Alastair Campbell (ancien Conseiller de Tony Blair) rappelle l’expression d’u-sage «il faut faire la mé-téo». L’enjeu consiste donc à préempter le ter-rain et à imposer aux au-tres d’y venir. Pour cela, une nouvelle méthode voit le jour aux USA qui est celle de la communication par un mot et par une image. Il s’agit de prendre un po-sitionnement et de tra-vailler son pouvoir d’évo-cation par la technique de l’entonnoir : les 100

Ronald Reagan : le tournant Reagan est le "grand com-municateur". Il a inventé l'intelligence émotionnelle appliquée à la politique. Il ne parle pas de politique mais des valeurs qui guident la vie de tous les jours : un sujet, une anecdote, un sourire et l'adhésion est em-portée. C'est le produit d'un travail méticuleux. Il invente le "Président Téfal" celui à qui aucun échec ne colle à la peau. Tout est scénarisé. C'est un spectacle permanent avec un "happy ending". Reagan est le héros qui lance les grandes aventures contre tous les courants contraires. Avec Reagan, la politique devient une histoire. Dans la dernière ligne droite avant le vote en 1980, Rea-gan achète des espaces pu-blicitaires sur les grands ré-seaux. De quoi parle-t-il alors ? Des dossiers les plus importants ? Il raconte "qu'il vient de perdre un ami (John Wayne) et juste avant sa mort, cet ami lui a fait prendre un engagement simple : donne à l'Amérique une raison de vivre et elle triomphera de tout".

C'est l'optimisme hollywoo-dien avec une présentation manichéenne d'une extrême simplicité.

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mots, puis les 50, puis les 20 et le mot clef qui résu-me tout. C’est ce mot clef qu’il faut matraquer en permanen-ce pour que l’opinion le reçoive, l’enregistre, l’ac-cepte, se l’approprie. Pour échapper à l’érosion immédiate, le message doit être percutant, concret, unique et répété. Mais surtout, il doit être unique dans son évoca-tion mais multiple dans ses applications. Parce qu’il est unique dans son évocation, il admet la ré-pétition qui est la meilleu-re garantie de sa percep-tion. Cette méthode ne résiste

pas devant deux assas-sins : - les voix divergentes dans son propre camp qui imposent de démultiplier les messages donc de sortir de la logique de l’u-nicité, - l’erreur sur le message attendu par l’opinion. C’est une nouvelle techni-que de communication qui voit progressivement le jour. Barack Obama vient de l’appliquer avec un pro-fessionnalisme remarqua-ble. Pendant une semai-ne, il a occupé tous les champs possibles reliés par un thème majeur : tourner la page de l’af-front et celle de la peine du 11 septembre.

Il a effectué cette com-munication dans une am-biance consensuelle dé-multipliant l’impact de cette séquence à l’exem-ple de la présence à ses côtés à New York de Ru-dolph Giuliani alors appe-lé «le Maire des Etats-Unis» tant son dévoue-ment avait été exemplai-re. Seul GW Bush, pour-tant invité, a fait défaut à cette commémoration de l’union de tous autour de la stature présidentielle sous son aspect le plus symbolique : le chef des armées, le Commandant en Chef. C’est la communication à la Reagan dans toute son efficacité par la simplicité. C’est la vidéo « Good

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morning America ». C’est de nouveau le matin en Amérique,l’avenir peut être regardé avec confiance … Tout la culture américaine réside dans le «happy en-ding». L’homme qui a ac-cepté de porter l’étoile de shérif a mis les bandits en échec. La ville est redeve-nue sûre. Même le ciel n’est plus gris et le soleil a repris sa place … Lorsque les évènements ne s’y prêtaient pas, l’é-quipe de Reagan forçait la main à l’exemple du cas de la Grenade. En octobre 1983, l’île est envahie par

les marines pour lutter des forces du mal (communistes) et libérer des personnes fragiles (étudiants en médecine). Tout est préparé au milli-mètre. C’est après la Gre-nade qu’Hollywood tour-nera Rambo ayant cons-taté la mobilisation de l’o-pinion dans ce contexte. Dans la campagne 1984, la Grenade a occupé une place considérable : la force, la fermeté, la fier-té. Des qualités qui allaient être contestées à Reagan alors qu’il apparaissait plus fragile avec une sur-

dité croissante et souvent très fatigué en fin de journée. Pour que le premier man-dat d’Obama soit le retour de cette culture, il lui faut agir sur un autre volet : l’emploi. La «culture Reagan» était simple : «l’Amérique est grande parce qu’elle est forte et bonne». Pour être bonne, elle doit être créatrice d’emplois. C’est le nouveau chantier de Barack Obama. Aucu-ne popularité ne résiste à une conjoncture durable de chômage.

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l’économie Américaine a détruit 663 000 emplois plaçant le chômage au plus haut depuis 25 ans. Depuis cette date, la crise s’est stabilisée. Mais l’a-mélioration sensible n’est pas intervenue. Il y aurait donc à ce jour 28 millions de personnes confrontées à un problè-me d’emploi. C’est une réelle bombe politique. Le nouveau défi d’Obama pour que la ré-élection 2012 soit sécuri-sée.

Ce qui importe, ce sont les indices économiques. Qu’ils deviennent encou-rageants et la lune de miel s’installe. Qu’ils res-tent moroses et la lune de miel prend fin. La grande leçon de la po-pularité de Reagan a rési-dé d’abord dans une pé-riode quasi-plein emploi. Un plein emploi atteint y compris au prix de déficits considérables mais le plein emploi. Sous l’administration Rea-gan, 9 millions de nou-veaux emplois ont été créés. L’inflation est tom-bée de 12, 4 % à moins

de … 4 %. Un organisme d’études (Cabinet Seymour Lipset) a publié une analyse qui montrait que la courbe de popularité de Reagan était collée très exacte-ment à celle des créations d’emplois. Une enquête a démontré alors que 48 % des votes étaient liés à ce retour à l’emploi. L’endet-tement fédéral a alors battu des records histori-ques (2 000 milliards de dollars). Mais tout résidait dans le niveau d’emploi. Or sur le front du chôma-ge, l’amélioration se fait attendre. En mars 2009,

Editeur : Newday www.exprimeo.fr

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Le Centre : c’est quoi ? C’est qui ? 9

Le Centre existe-t-il en France où le débat politique semble de plus en plus do-miné par un choc droite / gauche ? Si cet espace politique du ni droite ni gauche existe, de quoi est-il constitué ? Qui a vocation à représen-ter le Centre ? Une pers-pective de victoire en 2012 est-elle réaliste dans un contexte de radicalisation de l’opinion ?

Parution le : 17 mai 2011.