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5 LIAISONS SOCIALES EUROPE DU 14 AU 27 JUILLET 2016 405 ÉTUDE ET RAPPORT Un guide pour aider à construire la confiance dans les CE européens D ans le cadre d’un projet soutenu par la Commis- sion européenne, le con- sortium composé du centre de formation et d’expertise néer- landais SBI Formaat, de l’asso- ciation Astrees et d’IR Share a publié en quatre langues (alle- mand, anglais, espagnol et fran- çais) un guide à destination de managers chargés d’un CE euro- péen, pour les aider à appréhen- der trois aspects de la gestion de ces instances qui posent ré- gulièrement des difficultés : la définition d’une question trans- nationale, la gestion de la confi- dentialité des informations et la conduite du processus d’infor- mation et de consultation du CE européen en lien avec les ins- tances nationales de représenta- tion des salariés. Une dimension légale insuffisante Ce projet – qui a été réalisé avec un mandat du Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’in- térêt économique général et l’Association nationale néerlan- daise des employeurs – s’est nourri des échanges qui ont eu lieu lors de trois séminaires qui se sont déroulés de 2015 à 2016, à Amsterdam, Bruxelles et Paris, et auxquels ont participé des mana- gers de différentes nationalités. Une conférence finale, élargie à des représentants des salariés, s’est tenue à Lisbonne, en mars der- nier, pour valider ou invalider des recommandations sur chacune des trois thématiques retenues qui suscitent de nombreuses frictions au sein des CE européens. Sur ces trois thèmes, les porteurs du projet ont constaté, dans leur pratique, que la dimension légale était insuffisante pour donner des lignes directrices claires aux ac- teurs. Si la directive révisée de 2009 a apporté des avancées, elle n’a pas tout réglé. Elle n’émet que des principes généraux sans four- nir aux partenaires sociaux de re- commandations suffisantes sur la facon d’organiser le CE européen et de l’impliquer efficacement dans les importantes questions relatives au groupe transnational. Le guide issu de ces travaux est désormais publié. Il peut être té- léchargé sur le site d’IR Share, ou bien être consulté sur un site dé- dié (http://manageworkscoun cils.eu). Une nécessaire relation de confiance Un constat remarquable s’est im- posé lors des travaux menés en commun : pour ces trois thèmes, les solutions ne peuvent venir, pour les acteurs, que d’une rela- tion de confiance entre la direc- tion et les représentants des sa- lariés. Le guide n’offre pas de recettes toutes prêtes, mais pro- pose des pistes aux acteurs pour les aider à construire cette in- dispensable confiance qui est le ciment de l’effectivité des comi- tés d’entreprise européens. Pour chaque thème, les partenaires du projet indiquent trois pistes à suivre, qui ont été validées par un panel de managers et de repré- sentants du personnel de cultures différentes, comme l’intégration d’une clause spécifique dans l’ac- cord. Pour les participants aux séminaires, les questions soumises au CE européen doivent être importantes et le processus d’in- formation et de consultation doit générer une valeur ajoutée pour les travailleurs européens. Aussi, il pourrait être utile d’expliquer dans l’accord constitutif du CE européen dans quelles circons- tances une question affectant un seul pays peut être considérée soit comme importante, soit comme ne devant pas être soumise au CE européen. Mais, pour éviter la constitution d’un catalogue de situations qui relèveraient ou non de la transnationalité, le guide suggère la mise en place d’un atelier avec le comité restreint et la direction pour discuter des questions de la « zone grise » : des sujets dont il n’est pas facile de déterminer s’ils sont ou non transnationaux. L’idée est de lancer un dialogue entre la di- rection et les représentants des salariés sur la base de différentes études de cas fictifs afin de faciliter les futures décisions de soumettre ou non une question au CE eu- ropéen. Les participants doivent décider des cas dans lesquels une consultation du CE européen peut générer une valeur ajoutée dans le processus décisionnel, et quel genre de questions doit être considéré comme important par la direction et les représentants des salariés. L’intérêt d’une telle démarche est d’accélérer l’établis- sement nécessaire d’un climat de confiance entre les partenaires sociaux pour faciliter le processus d’information et de consultation et de parvenir à un consensus sur le concept de la transnationalité adaptée à l’activité du groupe. Une délivrance d’informations en amont En matière d’articulation des procédures d’information et de consultation au niveau national et à l’échelon européen, l’étude de cas du groupe néerlandais de messagerie TNT a été considérée comme une bonne pratique avec sa phase de « préinformation » du comité restreint suivie d’une pro- cédure où la direction livre des informations aux membres du CE européen avant que les projets ne soient mis en œuvre au niveau des pays et enfin la consultation à proprement parler : après s’être réuni avec la direction centrale et avoir reçu les informations de la part des membres du CE euro- péen, le comité restreint élabore un avis. Le document est envoyé à tous les membres du CE euro- péen, qui peuvent alors en discu- ter avec leurs instances représen- tatives locales. Le comité restreint présente également de manière informelle une ébauche d’avis à la direction. Avec l’accord du CE européen dans son ensemble, le comité restreint transmet l’avis définitif à la direction. Cette der- nière peut ainsi prendre sa dé- cision finale et en informer le co- mité. Le guide, qui repose sur des pra- tiques, tente ainsi de contourner les lacunes de la directive tout en en respectant l’esprit. À retenir Un guide publié dans le cadre d’un projet européen formule des recomman- dations en matière de gestion des CE européens. Face à l’imprécision de certaines clauses de la directive sur les CE européens, ce guide amène les acteurs à construire les solutions qui leur conviennent. La construction d’un rapport de confiance entre le management et les représentants des salariés européens est perçue comme la clé de voûte de relations sociales réussies au sein des CE européens.

Les comités européens dans Liaisons sociales Europe

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Page 1: Les comités européens dans Liaisons sociales Europe

5LIAISONS SOCIALES EUROPEDU 14 AU 27 JUILLET 2016 405

ÉTUDE ET RAPPORT

Un guide pour aider à construire la confiancedans les CE européens

D ans le cadre d’un projetsoutenu par la Commis -sion européenne, le con -

sortium composé du centre deformation et d’expertise néer-landais SBI Formaat, de l’asso -ciation Astrees et d’IR Share apublié en quatre langues (alle-mand, anglais, espagnol et fran-çais) un guide à destination demanagers chargés d’un CE euro-péen, pour les aider à appréhen-der trois aspects de la gestionde ces instances qui posent ré -gulièrement des difficultés : ladé finition d’une question trans-nationale, la gestion de la confi-dentialité des informations et laconduite du processus d’infor-mation et de consultation du CEeuropéen en lien avec les ins-tances nationales de représenta-tion des salariés.

Une dimension légaleinsuffisanteCe projet – qui a été réalisé avecun mandat du Centre européendes entreprises à participation publique et des entreprises d’in-térêt économique général etl’Asso ciation nationale néerlan-daise des employeurs – s’est nourrides échanges qui ont eu lieulors de trois séminaires qui sesont déroulés de 2015 à 2016, àAmsterdam, Bruxelles et Paris, etauxquels ont participé des mana-gers de différentes nationalités. Une conférence finale, élargie àdes représentants des salariés, s’esttenue à Lisbonne, en mars der-nier, pour valider ou invalider desrecommandations sur chacunedes trois thématiques retenues qui suscitent de nombreuses frictionsau sein des CE européens.Sur ces trois thèmes, les porteursdu projet ont constaté, dans leurpratique, que la dimension légaleétait insuffisante pour donner deslignes directrices claires aux ac-teurs. Si la directive révisée de2009 a apporté des avancées, ellen’a pas tout réglé. Elle n’émet quedes principes généraux sans four-nir aux partenaires sociaux de re-commandations suffisantes sur lafac�on d’organiser le CE européenet de l’impliquer efficacement

dans les importantes questions relatives au groupe transnational.Le guide issu de ces travaux estdésormais publié. Il peut être té-léchargé sur le site d’IR Share, oubien être consulté sur un site dé-dié (http://manageworkscouncils.eu).

Une nécessaire relation de confianceUn constat remarquable s’est im-posé lors des travaux menés encommun : pour ces trois thèmes,les solutions ne peuvent venir,pour les acteurs, que d’une rela-tion de confiance entre la direc-tion et les représentants des sa -lariés. Le guide n’offre pas derecettes toutes prêtes, mais pro-pose des pistes aux acteurs pourles aider à construire cette in -dispensable confiance qui est leciment de l’effectivité des comi -tés d’entreprise européens. Pour chaque thème, les partenairesdu projet indiquent trois pistes à suivre, qui ont été validées par unpanel de managers et de repré -sentants du personnel de cultures différentes, comme l’intégrationd’une clause spécifique dans l’ac-cord. Pour les participants aux séminaires, les questions soumisesau CE européen doivent être importantes et le processus d’in-formation et de consultation doit générer une valeur ajoutée pourles travailleurs européens. Aussi,il pourrait être utile d’expliquerdans l’accord constitutif du CE européen dans quelles circons-tances une question affectant unseul pays peut être considérée soitcomme importante, soit commene devant pas être soumise au CEeuropéen. Mais, pour éviter laconstitution d’un catalogue de situations qui relèveraient ou nonde la trans nationalité, le guide suggère la mise en place d’un atelier avec le comité restreint etla direction pour discuter desquestions de la « zone grise » : dessujets dont il n’est pas facile dedéterminer s’ils sont ou non transnationaux. L’idée est de lancer un dialogue entre la di -rection et les représentants des salariés sur la base de différentes

études de cas fictifs afin de faciliterles futures décisions de soumettreou non une question au CE eu -ropéen. Les participants doiventdécider des cas dans lesquels uneconsultation du CE européenpeut générer une valeur ajoutéedans le processus décisionnel, etquel genre de questions doit êtreconsidéré comme important parla direction et les représentantsdes salariés. L’in térêt d’une telledémarche est d’accélérer l’établis -sement nécessaire d’un climat deconfiance entre les partenaires sociaux pour faciliter le processusd’information et de consultationet de parvenir à un consensus surle concept de la transnationalitéadaptée à l’activité du groupe.

Une délivrance d’informationsen amontEn matière d’articulation des procédures d’information et deconsultation au niveau nationalet à l’échelon européen, l’étudede cas du groupe néerlandais de messagerie TNT a été considéréecomme une bonne pratique avecsa phase de « préinformation » ducomité restreint suivie d’une pro-cédure où la direction livre des informations aux membres du CEeuropéen avant que les projetsne soient mis en œuvre au niveaudes pays et enfin la consultationà proprement parler : après s’êtreréuni avec la direction centrale etavoir reçu les informations de lapart des membres du CE euro-péen, le comité restreint élaboreun avis. Le document est envoyéà tous les membres du CE euro-péen, qui peuvent alors en discu-ter avec leurs instances représen-tatives locales. Le comité restreintprésente également de manièreinformelle une ébauche d’avis àla direction. Avec l’accord du CEeuropéen dans son ensemble, lecomité restreint transmet l’avis définitif à la direction. Cette der-nière peut ainsi prendre sa dé -cision finale et en informer le co-mité. Le guide, qui repose sur des pra-tiques, tente ainsi de contournerles lacunes de la directive tout enen respectant l’esprit. ■

À retenirUn guidepublié dans le cadre d’un projeteuropéenformule des recomman -dations en matière de gestion desCE européens.

Face à l’imprécisionde certainesclauses de la directivesur les CEeuropéens, ce guide amèneles acteurs à construire lessolutions qui leurconviennent.

La constructiond’un rapport de confianceentre le managementet lesreprésentantsdes salariéseuropéens estperçue commela clé de voûtede relationssocialesréussies ausein des CE européens.