2
L e Front Populaire a un an. Que de chemin parcouru en si peu de temps ! Comme nous l’avons déclaré lors du meeting de St Denis avant l’été, Al-Qotb est fier d’avoir contribué à cette dynamique unitaire qui a vu la gauche tunisienne dans sa diversité unir ses forces pour contrecarrer les agissements d’une Troïka qui a failli. Le Front aura payé le prix fort : Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, tous deux courageux dirigeants ont été lâchement assassinés ! La lutte doit continuer car loin d’abattre notre combat commun, leurs assassins – qui tôt ou tard seront démasqués – ont renforcé notre détermination ! Mais au-delà d’une opposition nécessaire et salutaire, nous avons fait mieux : en étant à l’initiative d’un Front du Salut National rejoint par nombre de partenaires politiques et associatifs, nous avons réussi à mobiliser en masse les citoyennes et citoyens exaspérés par l’impasse dangereuse dans laquelle notre pays avait été engagé. Cette mobilisation a mis Ennahdha et ses acolytes dans l’obligation de négocier leur départ du gouvernement. Les atermoiements continuent mais désormais l’espoir d’un gouvernement neutre est réel. Il s’agit d’abord d’assurer la pérennité des institutions, mises à mal par des nominations partisanes ainsi qu'un climat d’insécurité délétère, et de préparer des élections transparentes. Mais pour que l’espoir suscité se concrétise, il nous reste à parcourir un chemin encore plus ardu : faire en sorte que le Front Populaire soit perçu comme une alternative crédible pour qu’enfin les objectifs de la Révolution puissent se réaliser. Nous y travaillons avec beaucoup d’enthousiasme et de sérieux car nous avons tous conscience que les prochaines échéances seront cruciales pour l’avenir de notre pays. A travers ce bulletin, Al-Qotb a fait des propositions en termes d’éducation, de santé et dans ce numéro, s’intéresse à l’état de délabrement dans lequel se trouve la justice. Nous continuerons à faire en sorte de promouvoir un modèle de société dont les repères doivent être plus que jamais la solidarité et la liberté. En rejoignant Al-Qotb et le Front Populaire, vous pouvez nous y aider. Comme le dit justement notre Zoom : envers et contre tout et en dépit des difficultés, le moment est venu de s’engager ! N° 8 - Octobre 2013 Editorial [email protected] www.facebook.com/AlQotbFrance Justice et injustices en Tunisie L e 28 mars 2012, un jeune tunisien, Jabeur Mejri, est condamné par le tribunal de Mahdia à sept ans et demi de prison et 1200 DT d’amende pour la publication sur sa page Facebook de caricatures du prophète et de ses femmes. Les chefs d’inculpation sont sans appel : «Atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs ». Nous sommes à des années-lumière des aspirations à la liberté d’expression formulées par les jeunes tunisiens lors de la Révolution du 14 janvier 2010. Le 3 septembre 2012, trois agents de police, en tournée nocturne, surprennent une jeune femme et son ami dans une voiture. Le couple est interpellé et la jeune femme est violée par d’eux d’entre eux. Le troisième agent extorque de l’argent au petit ami de la victime. L’affaire fait scandale et pourtant le parquet tente, sans succès, de poursuivre la jeune victime pour atteinte à la pudeur. Ce qui provoque l’ire des associations féminines et de la presse tunisienne et à l’étranger. Le 20 mai 2013, Amina, la Femen tunisienne de 19 ans, se rend à Kairouan pour manifester contre la tenue du 2ème congrès des salafistes. Elle se fait interpeller par la police alors qu’elle venait de taguer le nom des Femen sur un muret à proximité de la mosquée Okba Ibn Nafaâ. Elle est aussitôt jetée en prison pour y rester pendant plusieurs semaines. Le 21 août 2013, le réalisateur Nasreddine Shili est incarcéré pour avoir jeté un œuf sur Mehdi Mabrouk, ministre de la culture, lors d’une cérémonie à la mémoire d’un comédien décédé. Outré par ce geste humiliant, le ministre décide de porter plainte. C’est là que la machine judiciaire s’emballe et emporte dans son sillage Mourad Mehrezi, le caméraman qui a filmé la scène. Les chefs d’inculpation retenus contre le cinéaste et le cameraman sont lourds : «conspiration et préméditation d’actes de violence contre un fonctionnaire public, diffamation, atteinte aux bonnes mœurs et outrage à autrui ». Le parquet annonce dans la foulée que le cameraman a avoué être complice de Nasreddine Shili dans un complot contre le ministre de la culture. « Faux » crie le journaliste Zied El Héni sur le plateau de Nessma TV. Ce chantre de la liberté d’expression accuse le procureur de la république, Tarek Chkioua, d’avoir fabriqué les aveux du caméraman qui clame son innocence, assurant n’avoir fait que son travail en filmant la scène. Un mandat de dépôt est émis contre le journaliste militant qui est arrêté puis libéré in fine grâce au soutien plein et entier de la société civile tunisienne (une caution de 2000 DT a été Travail - Liberté - Justice sociale Jabeur Mejri, prisonnier de conscience depuis 2012 est une figure emblématique des dysfonctionnements de la justice en Tunisie Al-Qotb est membre du Front Populaire Dernière minute Au moment où le peuple tunisien s’attendait à ce qu’enfin la Troïka annonce son retrait du pouvoir conformément à la feuille de route proposée par le Quartette, le premier ministre actuel ainsi que le président de la république provisoire font à nouveau preuve d’un cynisme révoltant. Coïncidence (ou concordance) tragique, le jour même, l’assassinat d’agents des forces de l’ordre endeuille à nouveau la Tunisie, déjà meurtrie par de nombreuses exactions terroristes. Al-Qotb France considère que les gouvernants actuels sont les premiers responsables de cette situation dramatique. Tant que la feuille de route ne sera pas appliquée strictement et dans les délais impartis, il ne pourra y avoir de « dialogue national ». Nous invitons tous les démocrates sincères à participer activement au sit-in de la Kasbah et à unir leurs forces pour exiger la fin rapide de cette mascarade tragique qui a conduit notre pays au bord du gouffre.

Al Qotb France-bulletin8-octobre2013

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Al Qotb France-bulletin8-octobre2013

Le Front Populaire a un an. Que de cheminparcouru en si peu de temps ! Comme nous l’avons

déclaré lors du meeting de St Denis avant l’été, Al-Qotbest fier d’avoir contribué à cette dynamique unitaire quia vu la gauche tunisienne dans sa diversité unir sesforces pour contrecarrer les agissements d’une Troïkaqui a failli. Le Front aura payé le prix fort : Chokri Belaïdet Mohamed Brahmi, tous deux courageux dirigeantsont été lâchement assassinés ! La lutte doit continuercar loin d’abattre notre combat commun, leursassassins – qui tôt ou tard seront démasqués – ontrenforcé notre détermination !Mais au-delà d’une opposition nécessaire et salutaire,nous avons fait mieux : en étant à l’initiative d’un Frontdu Salut National rejoint par nombre de partenairespolitiques et associatifs, nous avons réussi à mobiliseren masse les citoyennes et citoyens exaspérés parl’impasse dangereuse dans laquelle notre pays avait étéengagé. Cette mobilisation a mis Ennahdha et sesacolytes dans l’obligation de négocier leur départ dugouvernement. Les atermoiements continuent maisdésormais l’espoir d’un gouvernement neutre est réel. Ils’agit d’abord d’assurer la pérennité des institutions,mises à mal par des nominations partisanes ainsi qu'unclimat d’insécurité délétère, et de préparer des électionstransparentes. Mais pour que l’espoir suscité seconcrétise, il nous reste à parcourir un chemin encoreplus ardu : faire en sorte que le Front Populaire soitperçu comme une alternative crédible pour qu’enfin lesobjectifs de la Révolution puissent se réaliser. Nous ytravaillons avec beaucoup d’enthousiasme et de sérieuxcar nous avons tous conscience que les prochaineséchéances seront cruciales pour l’avenir de notre pays.A travers ce bulletin, Al-Qotb a fait des propositions entermes d’éducation, de santé et dans ce numéro,s’intéresse à l’état de délabrement dans lequel se trouvela justice. Nous continuerons à faire en sorte depromouvoir un modèle de société dont les repèresdoivent être plus que jamais la solidarité et la liberté. Enrejoignant Al-Qotb et le Front Populaire, vous pouveznous y aider. Comme le dit justement notre Zoom :envers et contre tout et en dépit des difficultés, lemoment est venu de s’engager !

Le bulletin d'Al-Qotb FranceN° 8 - Octobre 2013

Editorial

[email protected]/AlQotbFrance

Justice et injustices en TunisieLe 28 mars 2012, un jeune tunisien,

Jabeur Mejri, est condamné par letribunal de Mahdia à sept ans et demide prison et 1200 DT d’amende pour lapublication sur sa page Facebook decaricatures du prophète et de sesfemmes. Les chefs d’inculpation sontsans appel : «Atteinte à l’ordre public etaux bonnes mœurs ». Nous sommes àdes années-lumière des aspirations à laliberté d’expression formulées par lesjeunes tunisiens lors de la Révolutiondu 14 janvier 2010.Le 3 septembre 2012, trois agents depolice, en tournée nocturne,surprennent une jeune femme et sonami dans une voiture. Le couple estinterpellé et la jeune femme est violéepar d’eux d’entre eux. Le troisièmeagent extorque de l’argent au petit amide la victime. L’affaire fait scandale etpourtant le parquet tente, sans succès,de poursuivre la jeune victime pouratteinte à la pudeur. Ce qui provoquel’ire des associations féminines et de lapresse tunisienne et à l’étranger.Le 20 mai 2013, Amina, la Femen tunisienne de19 ans, se rend à Kairouan pour manifestercontre la tenue du 2ème congrès des salafistes.Elle se fait interpeller par la police alors qu’ellevenait de taguer le nom des Femen sur unmuret à proximité de la mosquée Okba IbnNafaâ. Elle est aussitôt jetée en prison pour yrester pendant plusieurs semaines.Le 21 août 2013, le réalisateur Nasreddine Shiliest incarcéré pour avoir jeté un œuf sur MehdiMabrouk, ministre de la culture, lors d’unecérémonie à la mémoire d’un comédien décédé.Outré par ce geste humiliant, le ministre décidede porter plainte. C’est là que la machinejudiciaire s’emballe et emporte dans son sillageMourad Mehrezi, le caméraman qui a filmé lascène. Les chefs d’inculpation retenus contre le

cinéaste et le cameraman sont lourds :«conspiration et préméditation d’actes deviolence contre un fonctionnaire public,diffamation, atteinte aux bonnes mœurs etoutrage à autrui ». Le parquet annonce dans lafoulée que le cameraman a avoué être complicede Nasreddine Shili dans un complot contre leministre de la culture. « Faux » crie le journalisteZied El Héni sur le plateau de Nessma TV. Cechantre de la liberté d’expression accuse leprocureur de la république, Tarek Chkioua,d’avoir fabriqué les aveux du caméraman quiclame son innocence, assurant n’avoir fait queson travail en filmant la scène.Un mandat de dépôt est émis contre lejournaliste militant qui est arrêté puis libéré infine grâce au soutien plein et entier de la sociétécivile tunisienne (une caution de 2000 DT a été

Travail - Liberté - Justice sociale

Jabeur Mejri, prisonnier de conscience depuis2012 est une figure emblématique desdysfonctionnements de la justice en Tunisie

Al-Qotb est membre du Front Populaire

Dernière minuteAu moment où le peuple tunisien s’attendait à ce qu’enfin la Troïka annonce son retrait du pouvoir conformément à la feuille de routeproposée par le Quartette, le premier ministre actuel ainsi que le président de la république provisoire font à nouveau preuve d’un cynismerévoltant. Coïncidence (ou concordance) tragique, le jour même, l’assassinat d’agents des forces de l’ordre endeuille à nouveau la Tunisie,déjà meurtrie par de nombreuses exactions terroristes. Al-Qotb France considère que les gouvernants actuels sont les premiers responsablesde cette situation dramatique. Tant que la feuille de route ne sera pas appliquée strictement et dans les délais impartis, il ne pourra y avoirde « dialogue national ». Nous invitons tous les démocrates sincères à participer activement au sit-in de la Kasbah et à unir leurs forces pourexiger la fin rapide de cette mascarade tragique qui a conduit notre pays au bord du gouffre.

Page 2: Al Qotb France-bulletin8-octobre2013

Le bulletin d'Al-Qotb France N° 8 - 0ctobre 2013payée par les citoyens pour obtenir salibération) et au fort taux de participation à lagrève générale du 17 septembre 2013 décrétéepar le Syndicat national des journalistestunisiens (SNJT) pour dénoncer les pressionsincessantes du système judiciaire et dugouvernement dirigé par le mouvementEnnahdha, contre les journalistes. Ainsi unsimple jet d’œuf contre un ministre s’est mué enquelques semaines en combat pour le respectdes libertés.Dans chacune de ces affaires, comme d’autres(rappeurs, manifestants pour la dignité), le codepénal est utilisé pour attaquer la libertéd’expression, la liberté de conscience ou laliberté tout court. Les journalistes, les artistes, lesintellectuels, les femmes et les jeunes sontdevenus les cibles des autorités judiciairesd’Ennahdha et le code pénal s’est transformé envéritable «outil de répression» selon HumanRights Watch.Il y a quelques jours, le ministre de la justice,Nadhir Ben Ammou, annonce la mutation dedeux magistrats de l’Instance provisoire de lamagistrature. Une décision qui n’est pas du goûtdes magistrats qui dénoncent une nouvelletentative de main mise sur l’indépendance de lajustice. Kalthoum Kannou, présidente del’Association des magistrats tunisiens (AMT)s’insurge et accuse l’exécutif de vouloir politiserla magistrature. Elle appelle les magistrats à «s’opposer aux décisions du ministre de la Justice

» et à refuser cette tentative de mise au pas de lamagistrature.

Ainsi va le monde dans la Tunisie d’après laRévolution, moins de deux ans après l’arrivéedes islamistes au pouvoir. Le tableau est très peureluisant ; les mêmes méthodes judiciaires quecelles de Ben Ali sont utilisées pour réprimer laliberté d’expression. Les mêmes méthodesfascistes sont également utilisées pour mettre aupas des corps de métiers censés êtreindépendants, tels que les médias ou la justice.Mais sans beaucoup de succès à vrai dire ! Anous société civile et partis politiques del’opposition de ne pas autoriser Ennahdha àprendre ses rêves pour des réalités.Al-Qotb estime qu'une profonde réforme de lajustice, incluant une refonte du code pénal, estnécessaire. Celui-ci, issu de la dictature, estprofondément liberticide et ne répondnullement aux aspirations de liberté et dignité.Al-Qotb n’a d’ailleurs jamais manqué dedénoncer explicitement les injustices faites àJabeur, Amina et tant d’autres...

"Dans chacune de ces affaires,comme d’autres (rappeurs,manifestants pour la dignité), lecode pénal est utilisé pour attaquerla liberté d’expression, la liberté deconscience ou la liberté tout court."

[email protected]/AlQotbFrance

Al-Qotb est membre du Front Populaire

Al-Qotb France, oui j'adhère !1/ Parce que je veux une société moderne, démocratique et résolumenttournée vers l'avenir2/ Parce que je défends un projet sociétal où femmes et hommes sont égaux,où l'égalité des chances et la solidarité entre générations sont consacrées3/ Parce que je veux une économie juste et solidaire qui n'exclut aucune région,aucune catégorie4/ Parce que je veux d'un parti politique qui croit en la jeunesse et qui valoriseson énergie créatrice et sa contribution dans la conquête démocratique

Pour toutes ces raisons, j'adhère àAl-Qotb FrancePour cela, merci d'adresser un email à :

[email protected] précisant votre type d'adhésion : normal (20 euros) / étudiant (10 euros) /soutien

ZoomOn aurait pu croire suite à la Révolution que

l'engagement en politique aurait connu unengouement significatif et durable. On ne peutque constater, qu'exceptée la période desélections du 23 octobre 2011, les partis politiques-toutes tendances confondues- ont eu du mal àaffermir de façon notable leurs bases militantes.Nous assistons tout au plus à des jeux derecomposition entre partis, mais les troupespeinent à grossir. Alors à qui la faute ? Il seraittrop facile de chercher à identifier une causeunique, il est nécessaire de faire preuve d'unjugement nuancé, mais sans concessions.Les partis politiques eux-mêmes sont en grandepartie responsables de cet état de fait. Le modede fonctionnement interne laisse souvent àdésirer, s'appuyant le plus souvent sur desrapports de force opaques et qui favorisent lestatu-quo. La place trop étroite faite à la jeunessedu pays dans les instances décisionnelles etexécutives ont probablement tempéré lamotivation de beaucoup. Les discours portés parles partis se sont trop souvent perdus dans leslimbes de l'éternelle "recherche de consensus".D'un autre côté, et dans un monde oùl'accomplissement individuel est en passe dedevenir la norme, il faut aussi constater quecertains ont du mal à laisser une part de leurscertitudes pour s'engager efficacement dans untravail collectif dans lequel nécessairementl'individu brille moins.L'enthousiasme d'autres (que certains peuventqualifier de bisounours) s'est heurté aux réalitésde l'engagement, l'action politique nécessitantplus que des convictions, mais aussi de lapatience, de l'énergie et de l'abnégation, ainsiqu'une bonne dose de modestie.Alors s'en est-il fini de l'engagement politique enTunisie ? Non, résolument non ! Ce serait detoutes façons suicidaire, le qualificatif d'apolitiquen'étant qu'une pirouette intellectuelle qui permettrop souvent de faire avaler de grossescouleuvres.Aux partis en premier lieu de savoir se rendreattractifs, de savoir faire preuve de couragepolitique quand il le faut, et faire en sorte quechacun puisse y trouver sa place. Et à tous ceuxqui se sentent impliqués dans le sort de leur paysde tenter l'engagement, accepter les contraintesdu collectif, mais bousculer s'il le fautl'immobilisme.Tout cela n'est rien d'autre que "faire de lapolitique autrement". C'est d'ailleurs le motd'ordre d'Al-Qotb, par ailleurs résolument ancré àgauche au sein du Front Populaire.