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Orléans, le 03. 01. 2004 DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES ET DES ENTREPRISES : POUR REUSSIR LA DECENTRALISATION Le document est articulé en 4 (courtes) fiches thématiques : Fiche 1 : changer la perception « publique » de l’entreprise Fiche 2 : le dialogue entreprise - territoire Fiche 3 : repenser les politiques de développement (économique ou territorial) Fiche 4 : un aménagement du territoire renouvelé Fiche 5 : Quelques pistes pour un nouveau rôle de la DATAR 2 annexes sont jointes : - texte que co-signé (avec Luc Gwiazdzinski) dans lnterrégions et Le Nouvel Economiste voici 2 ans, - texte de Hugues Portelli qui éclaire les enjeux de l’aménagement du territoire (entre espace fonctionnel et territoire vécu). Bruno JACQUEMIN Directeur Général de la CCI du Loiret

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Bruno JACQUEMIN 2004 Réflexions et proposition sur la relation Entreprise / Territoire et la décentralisation.

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Orléans, le 03. 01. 2004

DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES ET DES ENTREPRISES : POUR REUSSIR LA DECENTRALISATION

Le document est articulé en 4 (courtes) fiches thématiques :

Fiche 1 : changer la perception « publique » de l’entreprise Fiche 2 : le dialogue entreprise - territoire Fiche 3 : repenser les politiques de développement (économique ou territorial) Fiche 4 : un aménagement du territoire renouvelé Fiche 5 : Quelques pistes pour un nouveau rôle de la DATAR

2 annexes sont jointes :

- texte que co-signé (avec Luc Gwiazdzinski) dans lnterrégions et Le Nouvel Economiste voici 2 ans,

- texte de Hugues Portelli qui éclaire les enjeux de l’aménagement du territoire (entre espace fonctionnel et territoire vécu).

Bruno JACQUEMIN Directeur Général de la CCI du Loiret

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Fiche 1 : Changer la perception « publique » de l’entreprise

La perception qu’ont bon nombre d’acteurs publics (élus, techniciens, fonctionnaires) de l’entreprise relève souvent de schémas anciens, qui n’intègrent pas les évolutions fondamentales qui s’imposent au monde économique aujourd’hui. Par ailleurs, le discours des chefs d’entreprise eux-même sur leur activité est parfois particulièrement réducteur. Il me semble donc utile de préciser l’importance pour les acteurs publics de modifier radicalement leur perception de l’entreprise, de ses valeurs, de son rôle dans la société française : L’entreprise plus que jamais est diverse, dans sa forme – unipersonnelle à groupe international -, dans ses fonctions - le classement des secteurs primaire, secondaire et tertiaire est franchement devenu obsolète -, dans ses métiers – le commerçant, l’artisan, l’industriel ne sont plus de loin majoritaires et ont laissé place au secteur grandissant des « services », qui couvrant la totalité des champs de production, montre que l’entreprise est d’abord au service du lien qui se crée entre celui qui produit et celui qui consomme-. L’entreprise, facteur de liens, se dilue même dans les multiples relations qu’elle entretient avec les acteurs –publics ou privés d’ailleurs- qui constituent son environnement quotidien. Fournisseurs, sous-traitants, co-traitants, partenaires, établissements de formation initiale ou continue, établissements de recherche, services publics divers, syndicats de salariés, associations de riverains,… les partenaires quotidiens de l’entreprise investis par elle dans son activité nous montrent l’étendue de cette dilution et imposent le constat clair : l’entreprise a aujourd’hui des contours de plus en plus flous ; elle n’est plus déterminée comme le lieu unique de la production de biens et services : Plus que jamais ouverte au monde et donc d’abord à sa proximité, l’entreprise n’est plus un bunker ! L’entreprise aujourd’hui est donc confrontée à la gestion des relations multiples, dans leur forme, leur intensité et leur objet avec ces différents « partenaires » autour d’elles, installés sur ce territoire qu’elle partage avec eux. Cette gestion est difficile mais indispensable, tant est crucial pour l’activité économique aujourd’hui de maîtriser les processus complexes entre les points réticulaires des différentes dimensions des réseaux. C’est à partir d’eux elle crée sa propre valeur, puis la démultiplie, ce que l’on constate dans les nouvelles pratiques des communautés professionnelles ou des réseaux d’entreprises. En effet, l’entreprise, pollinisée par ce que l’on appelle improprement la « nouvelle économie », découvre dans la création de valeur, l’importance du capital humain, de la mobilité, de la vitesse, de la maîtrise des flux technologiques, financiers ou humains, qui plus ou moins fluides, plus ou moins intenses, l’attachent irrémédiablement à son environnement, à son territoire. L’économie, de plus en plus irriguée par les flux d’intelligences – au point où l’on parle maintenant d’économie de la connaissance – porte un soin particulier à la réduction des coûts d’échanges entre acteurs : Plus d’échanges, moins de coûts de transaction, voilà qui crée la performance économique. Nous sommes ainsi passé d’une définition statique de l’entreprise à une définition dynamique, ce qui change nos repères, nos manières d’appréhender sa performance, son évolution, bouleverse nos échelles de temps. L’entreprise c’est d’abord du lien entre des hommes. La traduction la plus concrète de cette évolution de perception, réalisée par les chefs d’entreprises eux mêmes, c’est l’importance de retrouver un sens pour la gestion des hommes au sein de l’entreprise, re-définie comme communauté humaine…Le combat actuel de Didier Livio pour proposer une modification du statut juridique de l’entreprise en intégrant formellement ses forces vives en témoigne. Cette réflexion serait incomplète si elle n’intégrait pas la nécessité pour la société française de retrouver confiance en ses entreprises, loin de vision caricaturée d’un capitalisme sauvage : cette confiance que doivent notamment leur témoigner les pouvoirs publics passe par une compréhension de leurs contraintes, par une écoute objective de leurs attentes et impose que chacun reste dans son rôle. C’est aujourd’hui clairement une des conditions nécessaires à la réussite de tout projet de réforme de l’Etat.

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Fiche 2 : le dialogue entreprise - territoire

(Cf. : annexe 1) L’entreprise – dans la diversité de son acceptation évoquée plus haut – a déjà intégré sa nouvelle relation aux acteurs du territoire : elle ne le fait pas de manière globale mais il est facile de lui faire constater l’énergie qu’elle investit –principalement en terme de temps de ses collaborateurs- dans la gestion des multiples relations qui la lient avec eux. Car l’entreprise ouverte sur son environnement – lui même mouvant – a besoin de gérer de manière fine ses multiples relations, tant est grande l’intégration qui lie le territoire à l’entreprise en matière de performance : on parle maintenant clairement de co-évolution entre les entreprises et le territoire : leurs sorts sont liés ; l’entreprise, peut-être nomade mais certainement pas volatile, redécouvre l’enjeu que porte « son » territoire. Le territoire, terre d’identité et de culture, lieu de mutualisation des risques, devient le lieu évident de réductions des incertitudes liées à la mondialisation, à l’accélération des mutations, il fait émerger sa capacité à être source d’innovation, de réactivité, d’anticipation ; il est donc le lieu privilégié de la différenciation et de la compétitivité. Plus que jamais l’entreprise semble également avoir besoin d’être accompagnée dans cette gestion de relations à dimensions – on pourrait même dire à complexités - multiples avec le territoire : j’ose y voir le nouveau champ d’intervention des corps intermédiaires, comme les Chambres Consulaires, dont le métier depuis leur création est de gérer cette diversité de relations par une pratique incessamment renouvelée du lien entre les acteurs. A mon sens, les CCI sont les acteurs de la proximité de l’entreprise dans sa relation à son environnement. Il serait sans doute utile qu’elles le revendiquent ainsi ! Dans ce cadre redéfini, l’entreprise se repense ainsi comme appartenant à de multiples communautés humaines d’acteurs aux pratiques variées, pas simplement au travers de son seul dirigeant mais bien avec la totalité des hommes et des femmes qui la constituent. Ces acteurs trouvent dans les échanges une nouvelle source inépuisable de valeur – pas simplement économique d’ailleurs -, et souvent par delà les structures institutionnelles ou formelles. La gouvernance qui s’impose alors à eux se codifie au travers des projets collectifs qui les rassemblent et privilégie le contrat, dans un jeu de pouvoir, qui loin d’avoir disparu, y trouve une nouvelle dimension. La question se pose alors de savoir qui garantit cette gouvernance ? La question est clairement posée au acteurs publics locaux, mais d’une manière insoupçonnée : intégration dans des communauté de projets, gestion des alternatives, définition d’un intérêt général collectif aux acteurs, d’un sens renouvelé de l’action collective, promotion d’une identification des valeurs du territoire. Y répondre nécessite clairement un changement de posture, de nouvelles modalités de mise en œuvre qui devront accompagner les modifications fonctionnelles ou institutionnelles engagées par la seconde phase de la décentralisation qui va se mettre en place et constitue à mon sens une des clés essentielles de son succès.

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Fiche 3 : repenser les politiques de développement (économique ou territorial)

Quelques fondamentaux à replacer au cœur des politiques de développement et d’aménagement du territoire dans la perspective de la décentralisation. (Cf. : annexe 2) La globalisation des marchés et la succession des mutations que connaissent nos sociétés portées par un engouement technologique sans précédent bouleversent les relations qu’entretiennent les acteurs d’un territoire entre eux ainsi que leur rapport à ce territoire. L’incertitude, le provisoire, le temps accéléré amplifient la nécessité de diversifier, de mutualiser les risques. Le territoire doit être envisagé comme un ensemble stratégique à contour flou et variable mêlant des entreprises en réseau, des collectivités, des acteurs sociaux, au sein d’une communauté gérée sur la base de contrats et de projets. La co-évolution des entreprises et des territoires apparaît donc incontournable, et les politiques de développement et d’aménagement ne peuvent plus s’imaginer séparément. Sur quels facteurs doivent agir ces politiques, avec quels outils, et à l’aune de quelle mesure ? Aujourd’hui, alors que les rapports entre la société et le territoire évoluent rapidement, s'affrontent deux conceptions de l'action publique en matière d'aménagement et de développement du territoire. La première attachée à la redistribution, aux zonages, à la notion d'équilibre, conserve une approche sectorielle en termes principalement d'équipements physiques. La seconde – qui a ma préférence - s'appuie sur la création de richesses, la recomposition des territoires et des organisations, considérés comme facteurs de compétitivité ; elle s'intéresse aux flux et privilégie une approche globale et « durable » c’est-à-dire mise en perspective dans le temps. Ce qui est clairement en jeu, c'est le passage du traitement social du territoire au traitement structurel des territoires. C’est en effet à la structure qu’il faut s’attaquer, tant il est vrai que le territoire n’est plus le seul lieu de régulations des rapports sociaux que lui impose – encore - une vision administrative mais bien le cadre créateur d'organisation, la structure active et non plus le simple espace qu'on utilise pour accueillir des investisseurs éventuels ou pour réaliser une infrastructure. Le territoire vécu n’est pas l’espace fonctionnel qui s’administre et s’auto-gère ! Pour cela admettons enfin que l'Etat est un véhicule insuffisant de la solidarité et de la péréquation ! L’urgence est donc de faire évoluer notre conception des politiques publiques de développement et pas seulement économique dans le sens d’une priorité donnée à la mobilisation des ressources humaines sur le territoire, tant il est vrai que la première chance d’un territoire, c’est l’intelligence de ses habitants, de ses entreprises, plus largement de tous ses acteurs. Le facteur déterminant qui apparaît, c’est bien le réseau d’acteurs : c’est la variable clé que nous avons du mal à appréhender, car elle ne relève plus d’une logique de comptage de stock mais d’évolution dynamique des flux, d’optimisation des processus. Autrement dit, investir sur le territoire, c’est investir sur la relation, pas sur les stocks… Cela impose de repenser complètement la logique des aides publique qui au delà des effets d’aubaine, ne montre pas leur utilité hors des cas d’intervention post traumatique… Les politiques publiques, si elles doivent savoir réparer, sont surtout là pour préparer … C’est tout le paradoxe de l’Etat unitaire amplificateur des inégalités territoriales mais dont la perte de pouvoir sur le territoire a aussi favorisé l’émergence de projets dédiés aux acteurs locaux, peu préoccupés par la définition des hiérarchies entre structures gestionnaires d’argent public ! Il faut savoir différencier ce que Pierre Veltz appelle les « sucres lents de la compétitivité » tels que la formation, la recherche, les relations inter-entreprises et l'environnement qui n'ont pas la même temporalité que les « sucres rapides » que sont les mesures à caractère financier, les primes et subventions. Les politiques publiques recadrées dans une projection du futur possible doivent clairement privilégier les premières, et pour cela admettre que l'argent, seul flux connu à ce jour, a moins d'importance que l'intelligence et la technologie !

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Cela doit bouleverser le rôle des collectivités publiques qui devient contribuer à la densification des relations sociales, intellectuelles et culturelles, catalyser l’émergence des projets, définir des images crédibles de l’avenir, et favoriser une anticipation collective des évolutions. La stratégie de développement, c’est raisonner plus fonctionnement qu’investissement, plus immatériel que matériel, c’est privilégier le réseau, l’humain aux structures : le rôle du système institutionnel, c’est le pilotage du processus vivant comme élément central. Cela impose clairement de changer la cible, de travailler sur le capital humain et de valoriser ce qu’on appelle maintenant, dans le nouveau vocabulaire de l’intelligence territoriale, les actifs immatériels du territoire valorisés comme socle d’une nouvelle attractivité. La grille existe pour les entreprises (1 : structures internes / processus, 2 : structures externes / clients, 3 : compétences / hommes), il faut l’adapter pour chaque territoire dans une dynamique orientée vers les attentes de ceux qui investissent ou sont clients de ce territoire. Cela impose également de changer les outils des pouvoirs publics car la recette s’invente sur le terrain, par un travail coopératif enjeu d’une dynamique territoriale renouvelée. Cette dynamique se nourrit de l’intelligence collective, de la capacité à mobiliser ensemble. La condition préalable en est clairement l’existence d’une conscience commune (l’identité, la culture, celle qui définit) mais aussi l’existence d’un projet commun, celui qui met en mouvement (« projette ») le territoire grâce à une mise en stratégie, une recherche de sens qui devient plus que jamais la nouvelle définition de la posture des collectivités publiques ; car c’est bien là le nouvel enjeu crucial. En effet, si comme l’écrit Pierre Richard (DEXIA) dans un article récent dans le Figaro (12.07.2002), les collectivités locales ont montré, par leur capacité d’investissement qu’elles savaient articuler le court et le long terme, et qu’en ce sens, elles étaient les mieux à même de mettre en cohérence les différents projets, la question se pose quant au « comment », car force est de constater que la décentralisation qui a prévalu jusqu’à ce jour a principalement consisté à déconcentrer des fonctions exclusivement gestionnaires et non la capacité de mise en place d’interfaces de dialogue et d’injection d’une ingénierie de projets au plus prêt du terrain qui seront sans doute les clés de la réussite de leurs nouvelles missions. C’est ce chantier des nouveaux outils de développement qu’il faut engager aujourd’hui avec les acteurs eux-mêmes.

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Fiche 4 : un aménagement du territoire renouvelé

4 exemples de chantiers à mener illustrent une nouvelle définition de l’aménagement du territoire attentive au jeu des acteurs, dans le renouvellement de la posture des acteurs publics et la refonte d’une nouvelle politique de développement économique et territorial. 1°) Repenser la structure globale et notamment la région Gérer la fonction structurelle –au sens évoqué au dessus- des politiques de développement des territoires aux différentes échelles de pertinence qui semblent se dessiner dans l’articulation « pays », « région », « Europe » – à condition de définir le pays comme le lieu par essence du projet et la région comme l’échelle adaptée aux enjeux de développement.

Cela impose sans doute de repenser la cohérence du dispositif régional à l’aune des constats d’inégalités flagrantes entre régions amplifiées par leur propre fiscalité et de la prise de conscience de l'inquiétude existentielle, au-delà du show-off, dans beaucoup de régions qui voient leur avenir comme une désertification humaine, sociale et économique.

Pour aborder ce sujet, une enquête qualitative sur les faits et les perceptions de l'avenir dans chaque région serait intéressante.

Sortir du cadre hexagonal pour la conception des politiques –et notamment par le biais d’analyses enfin interrégionales et transfrontalières – semble également s’imposer et pose évidemment la problématique de l’insertion dans l’Europe par des régions plus cohérentes –sans doute plus peuplées et donc moins nombreuses – plus solidaires entre elles, tant il est vrai que la coopération entre régions pauvres et régions riches permettrait d’insuffler un esprit nouveau. Redessiner la carte des régions françaises (10 au maximum) semble être une piste de travail à proposer aux Régions elles-mêmes !

Préserver les Régions du risque de voir se calquer à leur niveau les modalités de fonctionnement jacobines semble être une des conditions du succès.

2°) Identifier clairement l’enjeu de la Ville dans l’aménagement du territoire. Le territoire urbain déborde des limites administratives et pose de multiples questions quant à sa gestion politique, par trop sous dimensionnée, alors qu’il contient les ressources clés du développement : il faut repenser la Ville comme moteur du développement économique des territoires et comme lieu privilégié d’interconnexion des flux qui constituent l’économie d’aujourd’hui (financiers, humains, technologiques, de biens et de services). Deux pistes de travail à développer : Construire une métropolisation adaptée aux territoires semble être un enjeu éprouvé à Lille ou à Lyon.

Cf. : travaux de Charles Gachelin à Lille ou le projet Millénaire 3 à Lyon Réfléchir à la conception des nouveaux métiers de la Ville et de repenser les modalités d’intervention.

Cf. : projet d’André Rossinot à Nancy pour un Institut des Métiers de la Ville. 3°) Investir dans la maîtrise de l’intelligence territoriale Intégrant la diversité des acteurs et leur prééminence en tant qu’individus, l’Intelligence territoriale, c’est une nouvelle approche du développement basée sur les hommes, avec comme obsession la diminution des coûts d’échange entre les acteurs (privés, publics, institutions). Ceux-ci aujourd’hui absorbent plus de 50 % de l’énergie (et donc des moyens) de ces acteurs, par faiblesse d’empathie, ignorance des différences, lourdeurs des structures de décisions,… et pénalisent notre capacité collective à apprendre. C’est donc un enjeu qui concerne au premier chef l’efficacité de la gestion publique et dont l’enjeu de résume à la diminution de l’entropie du collectif !

Cf. : travaux CRCI Alsace / AFNET 4°) Repenser les temps … La gestion des temps sur le territoire est une des clés qui s’exprime notamment au travers de l’enjeu que représente la mobilité des personnes et des biens à l’échelle des grandes agglomérations ou des pays, mais aussi à l’échelle régionale, enjeu qui ne peut s’appréhender qu’à condition de remettre à plat les schémas d’intervention classique.

Cf : mobilité et territoire ; expérience conduite par Luc Gwiazdzinski à Belfort

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Fiche 5 : Quelques pistes pour un nouveau rôle de la DATAR

A la lumière des fiches précédentes, la DATAR me semble devoir être le fer de lance de cette nouvelle politique d’aménagement du territoire, intégrant cette conception des problématiques de développement économique et territorial, anticipant sur la posture à renouveler des acteurs publics. Voilà pourquoi il est avant tout nécessaire de lui redonner l'agilité organisationnelle qu'Olivier Guichard lui avait conférée, en lui coupant les innombrables ficelles lilliputiennes qui lui ont été collées au fil du temps, en réduisant considérablement le personnel et le budget pour en définitive la rendre intelligente. etLieu par excellence d’une prospective réfléchie et agie au plus près des acteurs – ce qui nécessiterait d’ailleurs de l’articuler avec le Commissariat Général au Plan -, elle pourrait tracer des perspectives sur les chantiers, évoqués plus haut, qui modifieront profondément les politiques d’aménagement du territoire :

1°) la structuration des régions, notamment en mesurant et proposant des corrections des inégalités qui se développent entre elles. 2°) la métropolisation et la gamme d’outils –ingénierie urbaine– à déployer au service d’un développement équilibré 3°) l’intelligence territoriale : oublier les outils et travailler sur le « comment ». 4°) les actions transversales, comme la mobilité.

Elle pourrait également très vite s’attaquer à :

5°) Favoriser des alliances de projets, volontaires et bilatérales, mais encouragées par l'Etat. 6°) Préparer un véritable débat sur les infrastructures de transport dans une logique d’accessibilité des territoires et d’insertion dans l’espace européen,

Lieu par excellence de la modernisation des outils publics de gouvernance locale, elle pourrait constituer, avec des relais locaux – par exemple à l’échelle aujourd’hui interrégionale – des réseaux propres à façonner la boîte à outils de nouveaux décideurs locaux, quelle que soit leur origine (entreprise, collectivité, associations, …).

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Annexe 1

L’entreprise, acteur oublié des nouvelles gouvernances ? Pour un nouveau dialogue entreprise-territoire

Le “ territoire ” défini comme l’espace “ où l'ensemble des éléments de l'action publique s'intègrent plus aisément et où se multiplient des réseaux de partenariat (...) ” effectue un retour en force remarqué. Il a définitivement quitté son image poussiéreuse d’“ espace de repli folklorisé ” à la merci des effets de la mondialisation, pour enfiler les habits neufs de la gouvernance. Au-delà des effets de mode, de nouvelles dynamiques sont à l’œuvre localement. De nouveaux acteurs se mobilisent, de nouvelles approches et de nouveaux projets de développement voient le jour.

Nouvelle donne

Chacun semble avoir pris conscience que le développement d’un territoire dépendait de plus en plus de la capacité de l'ensemble des acteurs locaux à dialoguer et à s'ouvrir pour apprendre, transmettre et transférer des savoir-faire et des savoir-être. Il dépend également de leur aptitude à se mobiliser autour d’un projet, à mettre en place des partenariats efficaces à différents niveaux ainsi que de la capacité des pouvoirs publics à inscrire ce projet sur le long terme en effectuant des choix clairs et en arbitrant dans le sens de l'intérêt général. Avant l’Etat, les collectivités ont compris tout l'intérêt de ce processus de mobilisation pour valoriser les ressources et créer un environnement favorable au développement d'initiatives. Dans de nombreuses régions, les politiques de développement local ont porté leurs fruits tant en matière d'animation, de tourisme que d'organisation des territoires à l'échelle des "bassins de vie" et de l’intercommunalité. Cependant, l’implication des hommes de l’entreprise dans ces dynamiques est encore rare. Les collectivités locales ont certes appris à dialoguer avec les entrepreneurs lors de situations de crise ou à travers les politiques de marketing territorial. Cependant, à de rares exceptions près, les échanges en amont dans la réflexion stratégique, la co-production et le suivi de projets de territoires restent exceptionnels. Si les préjugés sont tenaces, les conditions d’un nouveau dialogue semblent aujourd’hui réunies. La situation de l’emploi et quelques délocalisations spectaculaires ont entraîné un changement d’attitude des acteurs locaux qui cherchent à ancrer l’entreprise sur leur territoire. L’évolution est encore plus sensible du côté des entrepreneurs qui ont compris que le développement de leur établissement dépendait aussi de son environnement. Paradoxalement, l'internationalisation de l'économie et la globalisation des systèmes de production a eu pour effet d'étendre le réseau des interdépendances économiques à l'échelle mondiale et de rendre indispensable leur implication locale. Désormais, le territoire n’est plus un simple réceptacle. Il est devenu un réducteur des incertitudes liées à la mondialisation et à l’accélération des mutations mais aussi une source d’innovation, de réactivité, d’anticipation, donc de différenciation et de compétitivité. Cette “ nouvelle donne ” explique le développement récent des nouveaux partenariats publics-privés qui se construisent aujourd’hui tant en milieu rural que dans les quartiers de nos agglomérations à l’initiative des chambres consulaires, des collectivités locales et des entreprises. Ces dernières s'impliquent de plus en plus dans des domaines qui ne sont pas leur vocation première : formation, logement, apprentissage, insertion des jeunes ou des chômeurs de longue durée, révision des Plans d’occupation des sols ou des Schémas directeurs. On assiste à l’émergence d’associations, clubs ou groupes informels d'entreprises -de taille et d’activités diverses- fédérées à l’échelle d'un même bassin d'emploi autour de besoins communs : formation, export, qualité et certification, accès aux financements ou recherche-développement. Dans les grands groupes internationaux, chaque site de production défend âprement ses positions et c’est dans le territoire que les établissements vont chercher des solutions efficaces et souvent inattendues se traduisant par des gains de productivité. C’est la mise en réseau plus que le stock de ressources qui fait aujourd’hui la différence. Beaucoup de régions dites riches devraient y réfléchir. Parallèlement au travail des chambres consulaires et des syndicats professionnels, ces entreprises et structures nouvelles s'érigent en interlocuteurs des collectivités et s’imposent peu à peu comme des partenaires exigeants des nouvelles gouvernances.

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Vers une nouvelle gouvernance

Ces initiatives encore désordonnées convergent. Dans un contexte de recomposition des territoires, les entreprises –et en particulier les PME- peuvent trouver leur place dans les processus d’intelligence collective, bien au-delà du discours éculé sur “ l’entreprise citoyenne ”. Plusieurs conditions doivent encore être remplies. Les acteurs publics doivent intégrer le fait que le lieu de production économique n’est plus “ l’ entreprise bunker ”. Le territoire doit être envisagé comme un ensemble stratégique à contour flou et variable mêlant des entreprises en réseau, des collectivités, des acteurs sociaux, au sein d’une communauté gérée sur la base de contrats et de projets. C’est en ces termes qu’il faut penser la gouvernance. Les efforts conjoints des collectivités, des acteurs socio-économiques et des entreprises peuvent participer à l'émergence d’“économies-territoires ” à l'échelle des bassins d'emploi dotées d'une véritable ingénierie de développement, et d'un savoir-faire technique, économique, financier et social. Il reste à inventer les interfaces pertinentes, supports d’un dialogue permanent entre l'entreprise et les acteurs publics, capables de soutenir l’émergence de ces nouvelles pratiques collectives. Enfin, les conditions de cette nouvelle gouvernance doivent être débattues à tous les niveaux et avec l’ensemble des partenaires. Au-delà des expérimentations territoriales, cette révolution silencieuse mérite un large débat public. Pour l’instant, le silence assourdissant des entreprises a répondu aux débats passionnés des acteurs publics locaux sur les différentes lois d’aménagement et de développement du territoire. Est-ce la méfiance du privé par rapport à l’empilement des textes législatifs ou des structures qu’il faut d’ailleurs financer, un reliquat du traumatisme sur l’application uniforme des 35 heures ou une simple question de communication ? Tout aussi étonnamment, la refonte du dialogue social dont il est beaucoup question, semble détachée des préoccupations locales et n’intègre pas la dimension territoriale des bassins d’emploi.

La mise en place progressive des “ pays ” et le renforcement de l’intercommunalité de projet, offrent aujourd’hui les conditions propices à la mise en place de nouvelles relations entre acteurs publics et entreprises et doivent permettre l’émergence d’un large débat sur la place de l’entreprise et de ses hommes dans ces échanges : place souhaitée, place concédée ou place négociée ? Ce dialogue relève d’abord d’un intérêt bien compris et d’une analyse conjointe des besoins de chacun, sans démagogie ni fausse philanthropie. Cette capacité d’empathie n’est pas donnée. Elle s’acquiert. De là à penser que la gouvernance locale dépend d’abord de la capacité des acteurs locaux à la mettre en œuvre…

Luc GWIAZDZINSKI, Professeur associé, Université Louis Pasteur, Strasbourg

Bruno JACQUEMIN, Directeur Général, Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie d’Alsace

Juillet 2000.

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Annexe 2

Espace fonctionnel et Territoire vécu :

Soumis à un impératif de réactivité, exigé par les entreprises comme par les citoyens, les territoires sont spécifiquement traversés par des temporalités divergentes que renforce le cloisonnement des politiques sectorielles. A cela s'ajoute la spécificité française : parce que nos territoires régionaux et locaux ont été trop longtemps « sous tutelle », l'action publique doit à la fois entreprendre des transformations immédiates, et construire une nouvelle pensée territoriale de long terme à partir des mutations en cours. Durant la dernière décennie, le territoire a cessé d'être, pour les uns un simple patrimoine, selon une « vision agraire des territoires », pour les autres le lieu de régulation des rapports sociaux, selon une « vision administrative de l'espace ». On y voit maintenant de plus en plus un cadre créateur d'organisation, une structure active et non plus un simple espace qu'on utilise pour accueillir des investisseurs éventuels ou pour réaliser une infrastructure. D'ailleurs, l'observation montre que les territoires qui manifestent le plus de dynamisme sont souvent ceux qui sont les plus recherchés par les investisseurs, tel la Bretagne. Les politiques d'aménagement découvrent que le « territoire » vécu n'est pas « l'espace » fonctionnel.

La notion d'espace renvoie à une logique fonctionnelle : on parle d'espace aérien, d'espace hertzien, d'espace maritime. Les espaces sont des « êtres à sang froid ». Ils se multiplient, évoluent, interfèrent, se superposent, voire s'opposent.

De son côté, la notion de « territoire » renvoie à des constructions historiques, à l'imaginaire, au monde symbolique, au « vécu » : on parle de territoire communal, de territoire national. Les territoires sont des « êtres à sang chaud ». Plus précisément, les territoires, acteurs des développements, sont tout à la fois :

des lieux de mémoire et de patrimoine, conservant les traces du passé ; des aires de sociabilité, plus ou moins intense selon la proximité, le voisinage, la parenté ; des ensembles de représentations citoyennes et de légitimité, où s'exercent la démocratie

locale et la responsabilité collective.

des facteurs de production économique, du fait de leurs ressources et de la dynamique de leurs acteurs.

A l'heure notamment de la mondialisation et d'une nouvelle phase d'intégration européenne, les territoires ressurgissent face aux espaces. Mais les territoires ne s'auto-aménagent pas. Ni le marché, ni une quelconque autre force ne peut imposer, de façon impérative, la localisation des hommes et des activités. Cela explique que tous les pays, même les plus libéraux, reconnaissent en permanence l'importance de la puissance publique afin de réduire les déséquilibres régionaux et d'agir en profondeur pour favoriser la recomposition de territoires pertinents et performants. Pris en tenailles entre le processus d'intégration européenne qui, « par le haut », leur confisque des compétences et le processus de décentralisation-régionalisation qui, « par le bas », revendique plus de pouvoir, tous les gouvernements des pays européens redécouvrent le domaine de l'aménagement du territoire. Faire des territoires attractifs pour y retenir les populations d'origine et attirer des investisseurs étrangers pour y offrir des emplois redevient une politique publique prisée. En France, cet objectif se colore d'un relief très particulier tant le territoire français est tiraillé entre des logiques institutionnelles, porteuses d'un maillage dense, complexe mais émietté, des logiques fonctionnelles, créatrices de bien d'autres découpages et zonages et enfin, des logiques patrimoniales.

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Le territoire français est pris entre ces trois logiques qui le structurent.

D'abord il est le produit d'une logique institutionnelle, héritée de l'histoire. Les découpages administratifs et l'expression de la puissance publique ont produit au fil du temps une organi-sation duale, entre un pouvoir central « descendant » de l'Etat et de Paris et un maillage local dense et complexe émietté en 36 650 communes, 19 500 structures de coopération intercommunale, 100 départements et 26 régions. C'est la vision néo-colbertiste et jacobine du territoire.

Ensuite le territoire est le produit d'une logique fonctionnelle qui le soumet aux règles de l'économie. Mondialisation, métropolisation, mobilité, vitesse, multiplication des échanges créent d'autres zonages, d'autres découpages, d'autres logiques de structuration. Ce nouvel espace est contrôlé par la ville qui a pris le pouvoir, non seulement sur le monde des campagnes, mais également sur celui des régions industrielles. Dans ces perspectives, le problème de la France n'est plus de répartir uniformément les hommes et les activités, mais de remodeler l'armature urbaine et de l'articuler avec l'ensemble du territoire national. C'est la vision néo-saint-simonienne du territoire.

Enfin, le territoire français reste le produit d'une logique patrimoniale. C'est la vision agrarienne du territoire, la vision naturaliste et néo-rousseauiste. Elle donne sens, c'est le vécu quotidien des territoires. C'est « La France profonde » des terroirs, la France du Roquefort contre celle du Coca-cola.

Comment rendre compatibles les espaces fonctionnels et les territoires vécus avec les logiques institutionnelle, fonctionnelle et patrimoniale ? A la mesure de chaque territoire, l'enjeu consiste désormais à favoriser une organisation de qualité, appuyée sur un appareil de formation et d'innovation adapté, dotée d'un tissu productif diversifié, riche d'un environnement naturel préservé et valorisé, et animée d'une vie culturelle et participative distinctive. Hugues PORTELLI 2001.