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LES PROBLEMES POSES PAR LE TRANSFERT DES TECHNOLOGIES 1
Plan de recherche documentaire
Les problèmes posés par le transfert des technologies Mémoire Final
Nirvana AMARSY Clarisse BLANC
Aïssa BOYER Guillaume COLLIN Salomé FURTOS
Mastère Spécialisé Marketing Management Janvier 2012
Sous la responsabilité de Christian HARBULOT Cours d’Intelligence Économique
LES PROBLEMES POSES PAR LE TRANSFERT DES TECHNOLOGIES 2
Mémoire Final
Table des matières
Résumé ......................................................................................................................................................................... 3 Summary ..................................................................................................................................................................... 4
Introduction ............................................................................................................................................................... 5
A. Cadrage sur le transfert des technologie ............................................................................................................ 6
Historique des transferts de technologie ...................................................................................................... 6 Les transferts de technologie au sens large ................................................................................................. 7 Les transferts de technologie pour répondre aux attentes des pays en voie de développement ......................................................................................................................................................... 8 Processus d’internationalisation et limites posées par les transferts de technologie .............. 9 L'orientation géographique du transfert de technologie .................................................................... 10 Les différents angles stratégiques et enjeux du transfert de technologie .................................. 10 Les différents secteurs ....................................................................................................................................... 12
B. Les méthodes employées par différents pays pour transférer des technologies ........................... 13
Les étapes d’un transfert de technologie ................................................................................................... 13 Législation sur les transferts de technologie en France ...................................................................... 14 Législation sur les transferts de technologie au niveau international .......................................... 15 La propriété intellectuelle et sa protection ............................................................................................... 16 Propriété intellectuelle et transferts de technologie ............................................................................ 17 Le transfert de technologie dans un cadre de coopération ................................................................ 19
C. Cas concrets de transferts de technologie et enjeux ................................................................................... 20 1. Les méthaniers et la Corée du Sud : Transfert de technologie négatif ........................................... 20 2. Le bassin du Biobío : Transfert de technologie favorable ................................................................... 23 3. Le patrimoine culturel français en Inde : Transfert de technologie neutre ................................. 25 Conclusion ............................................................................................................................................................... 28
Bibliographie ..................................................................................................................................................................... 29
Livres ......................................................................................................................................................................... 29 Articles, Notes de Synthèses, Publications web ...................................................................................... 29 Interviews : réalisés par les étudiants en novembre 2011 (cf. annexes) ..................................... 29 Site web : consultés en novembre et décembre 2011 .......................................................................... 29
Annexe 1 -‐ Interview 1 : Le transfert des technologie en général ............................................................. 31 Annexe 2 -‐ Interview 2 : La Chine et les transferts des technologie ......................................................... 41 Annexe 3 -‐ Interview 3 : Les méthaniers et la Corée du Sud ........................................................................ 44 Annexe 4 -‐ Interview 4 : Le patrimoine culturel français et l’Inde ............................................................ 50 Annexe 5 – Communiqué du MAE sur le Festival « Bonjour India » ......................................................... 55
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Mémoire Final
Résumé Les transferts de technologie, qui correspondent à un système d’échange et de partage de technologie entre deux entités, existent depuis tout temps. En effet, l’Homme n’a de cesse de chercher des innovations, et ce, dans une multitude de domaines différents (électronique, agriculture, informatique, aéronautique, pharmacie, etc.) et pour toutes les applications. Ces échanges de technologie, se déroulant habituellement entre deux pays, ont souvent pu répondre aux besoins des pays en développement, grâce à l’apport de connaissances, de savoir-‐faire et de techniques leur permettant d’acquérir des compétences en la matière et ainsi devenir compétitif. Cependant, des limites existent : le partenaire d’aujourd’hui peut devenir à long terme un concurrent potentiel (ex : La Chine). Les transferts de technologie répondent à différents enjeux stratégiques, économiques et politiques étant les principaux. En effet, d’un point de vue économique, ces transferts permettent d’intégrer de nouveaux marchés et de produire à moindre coût à l’étranger notamment. D’un point de vue politique, un pays peut devenir influant au-‐delà de ses frontières et nouer des partenariats forts à travers le transfert de son expertise. De manière générale, ces transferts permettent d’améliorer la compétitivité industrielle. Ils représentent donc une nécessité économique actuelle dans ce contexte de mondialisation. Pour qu’un transfert de technologie se fasse dans les règles, il est soumis à différentes méthodes selon les pays qui en ont recours. En effet, pour que celui-‐ci ait lieu, il est nécessaire de détenir une activité, un savoir-‐faire ou une technologie avancée, pouvant présenter un intérêt pour une industrie ou un pays. Tout ceci passe par un accord de coopération industrielle (licence de brevet ou de savoir -‐faire, franchise industrielle, coopération technique, assistance technique, sous-‐traitance, création d’activités communes) qui cadre la transaction, après que les différents partenaires aient été trouvés. S’ensuit alors la planification de la stratégie de mise en action et la mise en place du transfert de technologie à proprement parler. Les transferts sont donc cadrés et suivent une législation internationale et européenne bien précise. La propriété intellectuelle (brevet, marque, secrets, droit d’auteur), pierre angulaire du transfert de technologie, doit être protégée pour jouer pleinement son rôle : donner un avantage concurrentiel à son ou ses créateurs et permettre une rémunération pour ceux utilisant ou profitant de cet avantage. L’impact et les effets d’un transfert de technologie sont rarement perçus de façon uniforme par les différentes parties prenantes. En effet, ils peuvent être visibles à plus ou moins long terme, ou présenter des aspects bénéfiques sur un plan (politique par exemple) et néfastes sur un autre (économique par exemple). De plus, les parties prenantes ne tirent pas le même bénéfice et donc le même bilan d’un transfert de technologie. Ainsi, pour que toutes les parties prenantes soient gagnantes, inscrire ce projet dans le cadre d’une coopération à plus long terme semble être une solution intéressante, afin de mettre en place des alliances stratégiques indispensables pour le maintien d’un avantage compétitif. Ce présent rapport traite trois cas concrets de transfert de technologie : tout d’abord, le cas des méthaniers et la Corée du Sud qui peut être considéré comme un transfert négatif. Le second exemple est celui de la gestion de l’eau du fleuve Biobío au Chili dans les années 90. Celui-‐ci est considéré comme positif. Enfin, le transfert de patrimoine culturel en Inde correspondrait à un transfert de technologie neutre.
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Mémoire Final
Summary Technology transfers, which refer to an exchange and a shared experience between two entities, have been going on forever. The human being is constantly seeking for innovations within several fields (e.g. electronics, agriculture, information technologies, aeronautics, pharmaceutical) for different applications. These technology transfers usually happen between two countries. In most of the cases, their aim is to respond to the developing countries needs. A transfer can bring some knowledge, know-‐how or technics enabling the developing countries to create, or enhance, specific skills in order to improve their competitiveness. However, some limits were brought up: today’s partner is likely to become a potential competitor in the future (e.g. China). Technology transfers are lead by a strategy. The economical and political strategies are the major ones. According to the literature, economical transfers facilitate the transactions with new markets and can sometimes lead to a cheaper production abroad. In a political point of view, a country will increase its influence beyond its boundaries and create strong partnerships through the exchange of expertise. Globally, the transfers are a mean to maximise the industrial competitiveness. Therefore, they become a real economical need within a context of internalisation. For a technology transfer to happen, a country has to follow some rules. These differ according to the country involved in the transfer. However, it is compulsory to own an activity, a know-‐how or an advanced technology, that could attract an industry sector or another country. The exchange is ruled by an industrial cooperation (e.g. patent licence, franchise, technical cooperation, outsourcing) after finding the partners for the transfer. Afterwards, a thorough scheduling of the strategy is put together, and then implemented. Transfers are therefore ruled. Moreover, they follow a very accurate international and European legislation. Intellectual property (patents, brands, secrets, copyrights), which is very much part of the whole process of the technology transfers, has to be protected in order to fully complete its aim: give a competitive advantage to its founders and enable them to be paid should anyone use their property. The effects of a transfer are rarely perceived in the same way by the different entities involved. It has been noticed that the effects can appear in the near or further future, or be positive in a certain angle (e.g. political) and negative in another (e.g. economical). In addition, the entities involved are not impacted at the same level. Thus, in order to create a win-‐win situation, the transfer might need to happen within a cooperation plan, which seems to be a more beneficial solution that creates strategic partnerships. And these partnerships are essential for maintaining a competitive advantage. Finally, this paper analyses three cases of technology transfers: first of all the cases of the LNG carriers between France and South Korea that can be considered as a negative transfer. Then the case of the Biobio river in Chile in the 90’s that can be qualified as positive. The last case treats the exchange between France and India in regards to the cultural capital.
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Mémoire Final
Introduction Depuis son apparition, l’Homme n’a de cesse de chercher des innovations, dans tous les domaines et pour toutes les applications. Entre le moment où une idée germe dans l’esprit d’un homme ou d’un groupe d’hommes, et celui où cette idée est susceptible d’applications dans le monde entier, il y a forcément une diffusion de l’idée, sa mise en place ainsi que le savoir-‐faire associé. Un processus clé par lequel les entreprises et les nations partagent leur savoir, à travers le monde, mais à quel prix ? Nous en sommes donc arrivés à la problématique suivante : Dans un contexte international sans cesse plus compétitif et concurrentiel, quels sont les enjeux stratégiques des transferts de technologie ? Dans un premier temps, nous cadrerons le sujet des transferts de technologie, en abordant l’historique de ces pratiques, l’aspect international avec le rôle tout particulier que jouent les pays en voie de développement et en développant les différents axes économique, politique et stratégique. Ensuite, nous détaillerons les différents outils mis en place afin de réguler ces transferts au niveau de la France mais aussi dans d’autres pays, à travers des lois ou des instances. De plus, nous aborderons la notion fondamentale de propriété intellectuelle car elle est souvent la pierre angulaire d’un transfert de technologie. Nous verrons aussi en quoi la coopération peut représenter une alternative globale regroupant le transfert de technologie. Enfin, nous développerons trois exemples de transferts de technologie. Nous analyserons ces cas et en tirerons les aspects positifs et négatifs dans le but d’en dresser un bilan. Nous avons donc choisi le cas de la construction des méthaniers entre la France et la Corée du sud, la gestion des ressources du fleuve Biobío au Chili et le rayonnement de la culture française en Inde.
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Mémoire Final
A. CADRAGE SUR LE TRANSFERT DES TECHNOLOGIE Historique des transferts de technologie Les transferts de technologie correspondent à un système d’échange et de partage qui existe depuis toujours entre deux entités. Nous connaissons un certain nombre d’exemples qui en témoignent comme la découverte de l’Amérique, la conquête du Far Ouest ou encore l’exemple de la route de la soie, ce célèbre réseau de routes commerciales datant du IIème siècle avant JC, situées entre l’Europe et l’Asie où transitaient et s’échangeaient un bon nombre de marchandises telles que la soie, mais aussi des épices, boussoles ou encore poudres à canons. Certes, « ce ne sont pas des transferts de technologie au sens moderne du terme, mais ce sont déjà des échanges de bons procédés du fort vers le faible ». (1) Les transferts de technologie se sont beaucoup développés à partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, plus précisément au moment du plan Marshall, qui avait été mis en place par les Américains, pour aider l’Europe à se rétablir suite à la tragédie de la guerre, en échange de l’ouverture du marché européen à leurs produits. À cette époque, les Allemands étaient relativement avancés, dans les domaines de l’aéronautique et de l’espace, par rapport aux Occidentaux. La France en a été d’ailleurs un des premiers bénéficiaires. À la suite de la guerre, les pays européens décidèrent de freiner « la suprématie technologique de l’Allemagne » en lui interdisant de fabriquer des « produits complets », c'est-‐à-‐dire déjà assemblés. Suite à cela, les Allemands se sont orientés vers l’industrie des machines-‐outils. Il y a donc eu une époque où les transferts de technologie se faisaient de l’Allemagne vers l’Occident. C’est ainsi que le célèbre savant allemand Wernher Von Braun, à titre d’exemple, a intégré la NASA aux Etats-‐Unis à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et y a développé la fusée Saturn 5. Cette dernière était la fusée des missions Apollo, qui a permis à Neil Armstrong de poser le pied sur la Lune en 1969. De la même façon, nous pouvons citer dans le domaine de l’aéronautique, l’exemple du Mirage III de Dassault, qui avait un moteur dérivé d’un moteur allemand en 1941. Cependant, en raison d’événements historiques, un pays peut parfois être privé de coopérations et de transferts de technologie. Ce fut par exemple le cas du bloc soviétique à l’époque de la Guerre Froide. En effet, à cette même époque, le bloc soviétique est séparé des autres états européens occidentaux par le rideau de fer. Ce dernier va donc développer des techniques modernes par ses propres moyens. Ceci a engendré la naissance de deux filières technologiques en Europe : une filière Occidentale et une filière Soviétique. Les exemples cités ci-‐dessus mettent en évidence le caractère intemporel des transferts de technologie. Dès les années 70, une émergence des nouveaux pays industrialisés (NPI) est observée. Plusieurs régions étaient qualifiées de NPI :
• du coté asiatique : les quatre « Dragons d’Asie » : Hong Kong, la Corée du Sud, Singapour, Taiwan
• et du coté Amérique Latine : le Brésil et le Mexique. Dans les années 80, émane une nouvelle vague de NPI avec cette fois-‐ci les « Tigres d’Asie » à savoir la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam. Grâce à une qualité de main d’œuvre appréciable et peu chère, ces pays ont longtemps été utilisés comme « bases de sous-‐traitance par les grandes firmes ». En raison d’investissements croissants des multinationales, des transferts de technologie ont apparus petit à petit avec ces nouveaux pays industrialisés.
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En revanche, se posent les questions suivantes : en quoi consiste exactement un transfert de technologie ? Qu’apportent – ils réellement aux parties prenantes ?
Les transferts de technologie au sens large Les transferts de technologie portent aujourd’hui sur différentes économies, à savoir « l’économie du développement, l’économie industrielle et l’économie internationale ».(2) Nous identifions deux types de transferts de technologie : le transfert de technologie académique, qui se définie comme étant « le transfert formel à l’industrie de découvertes résultant de la recherche universitaire ou privée dans le but de les commercialiser sous la forme de nouveaux produits et/ou services »(3) et le transfert de technologie commerciale, sur lequel nous allons nous concentrer dans nos différents exemples. Les technologies transférées concernent une multitude de domaines tels que l’aéronautique, l’agriculture, l’électronique, l’informatique, et bien d’autres encore. Un transfert de technologie peut avoir lieu entre différents pays, de même niveau de développement ou non. De plus, les entreprises ont aussi recours aux transferts de technologies, entre deux entreprises de même taille ou non, appartenant à un même pays ou non, d’un même groupe ou entre ses filiales. Le transfert international de technologie a longtemps été assimilé à « une diffusion épidémiologique » de techniques. Il représentait donc « un problème d’affectation des ressources, représenté par un choix de techniques, par leur assimilation, sous contraintes budgétaires ». (2) Il faisait vraiment référence à un échange de type commercial, encadré pas des brevets, licences, etc. En raison de divers cas de transfert de technologie voués à l’échec, un problème se posa : il n’était plus légitime de simplement diffuser des techniques dans le monde entier, comme c’était le cas auparavant. Il fallait désormais y ajouter un aspect créatif apporté par le pays receveur, une certaine plu value qui ferait en sorte que le pays receveur possède une technologie qui se différencie des autres. De plus, à partir de l’année 1965, les systèmes de production à l’échelle mondiale se sont réorientés. Il devient donc nécessaire de se différencier et se spécialiser pour pouvoir être compétitif et faire face à une concurrence accrue. L’enjeu des transferts de technologie consiste donc à associer et combiner les techniques du pays receveur à celles du pays étranger afin de mettre en avant un produit différent de ce qui existe déjà. Le pays receveur sera donc compétitif. Aujourd’hui « le transfert de technologie ne consiste plus à l’assimilation d’une technologie extérieure par l’imitation, mais il doit déboucher sur la constitution d’une nouvelle base technologique et de nouvelles capacités ». (2) Ainsi, l’aspect créatif additionné à la diffusion même de la technologie, représentent un élément clé du transfert international de technologie. Voyons maintenant de plus près comment les transferts de technologie répondent aux problèmes des pays en développement.
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Les transferts de technologie pour répondre aux attentes des pays en voie de développement Les pays en voie de développement sont également « confrontés à une concurrence internationale basée sur la compétitivité et sur une différenciation des capacités ». (2) En quelques années, ces NPI ont rattrapés en partie leurs écarts économiques par rapport à des pays plus développés. « Les théories traditionnelles du commerce international montrent que l’ouverture est pour un pays une source de gains par rapport à l’état d’autarcie dans la mesure où ce pays se spécialise selon ses avantages comparatifs ».(4) Dans un contexte de mondialisation, pour les pays en voie de développement, une spécialisation appropriée peut être un réel levier au développement et à la croissance économique du pays. Cette phase de spécialisation d’un pays évolue avec la division internationale des processus productifs (DIPP). « La participation à la DIPP permet aux pays en développement d’améliorer le niveau technologique de leurs exportations et ainsi se positionner sur des secteurs ou la demande internationale est forte et les gains potentiels de productivité importants ». (4) Comme nous l’avons vu précédemment, le principal enjeu des transferts de technologie est de combiner les connaissances propres du pays à celles du pays étranger afin de rendre ce même pays compétitif face à une concurrence accrue. Les transferts de technologie représentent donc une réelle opportunité d’optimisation de la croissance d’un pays en voie de développement. Ces derniers peuvent s’opérer de trois manières différentes :
• à travers le transfert de matériel d’un pays à un autre accompagné d’une certaine expertise,
• à travers les investissements d’entreprises étrangères dans le nouveau pays d’accueil avec l’implantation de modes de production plus modernes,
• à travers les achats de brevets ou de licences (Annexe 2). Ces dernières décennies, une réorganisation progressive de la production à l’échelle mondiale peut être observée, beaucoup de filiales de multinationales se sont donc installées dans des pays en voie de développement. Prenons le cas de la Chine, à partir de l’année 1978, date à laquelle la Chine ouvre son commerce au reste du monde, elle se repose sur des Investissements Directs à l’Etranger (IDE) dans le but d’améliorer sa croissance. C’est ainsi que la Chine a grandi et a pu acquérir des capacités de production moderne. L’importation de matériels se faisait soit par les entreprises chinoises directement, soit par des entreprises étrangères. Au cours des dix dernières années, l’industrie des biens électroniques fut une des industries qui a connu la plus forte croissance en Chine. Cette réussite est en partie due aux investissements étrangers dans le pays. En effet, 80 % des exportations chinoises de biens électroniques sont réalisées via des filiales étrangères. Malgré une bonne implantation de cette industrie dans le pays, la Chine reste le pays assembleur des différentes marchandises exportés. En effet, elle va importer différents composants de haute technologie des pays avancés d’Asie tels que Taiwan, ou encore le Japon, et va les assembler dans ses nombreuses usines d’assemblage. La plus-‐value qu’apporte la Chine sur un produit est donc très faible, de l’ordre de 5 à 10 %. (5) Tout cela confirme l’hypothèse émise précédemment : les transferts de technologie représentent un réel atout au développement pour un pays en voie de développement. En revanche, nous verrons plus tard que ceci est à relativiser.
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Processus d’internationalisation et limites posées par les transferts de technologie Malgré le fait que les transferts de technologie participent à la croissance d’un bon nombre de pays en voie de développement, ces derniers rencontrent aussi des limites. En effet, il arrive parfois que des entreprises locales n’arrivent pas à suivre l’innovation des entreprises étrangères, et cela crée une certaine éviction. Cependant, de manière générale, « Tout le monde reconnait aujourd’hui que les transferts de technologie se heurtent à des obstacles, posent des problèmes, qu’ils ne sont pas automatiques, qu’ils sont aléatoires, qu’ils sont onéreux ». (6) Les transferts de technologie, répondant à un marché, sont souvent contrôlés par les grandes firmes multinationales, et non par « des inventeurs individuels ». Bien que la firme multinationale ait un impact positif pour la croissance du pays en développement grâce à sa communication internationale, son savoir-‐faire et ses ressources, une petite partie seulement de ses apports n’est réellement diffusée dans ce même pays. Face à cela, dans le cas de la Chine, le gouvernement chinois a décidé de changer de stratégie en raison de la forte croissance des entreprises locales. Il encourage donc les leaders locaux des différents domaines stratégiques à se développer davantage et va même les inciter à investir à l’étranger. C’est le cas par exemple de Lenovo, une entreprise chinoise fabriquant des ordinateurs, qui a récemment racheté une part d’IBM, ou encore de l’Aviation Industry Corp. Of China (AICC) qui s’est associée à 50% avec le groupe américain General Electric pour la production d’équipements électronique et électrique. Cet accord a pour but de concurrencer Boeing et Airbus sur le marché de l’aviation civile. A travers cet exemple, nous nous rendons compte de la volonté d’internalisation de la Chine. Notons cependant que dans ce cas précis, l’entreprise américaine a dû faire une concession qu’elle n’aurait certainement pas faite quelques années auparavant. En effet, l’entreprise chinoise imposait à General Electric d’intégrer toutes ses activités sur l’avionique civile existante et à venir. Cela illustre la « pression qu’exercent les entreprises chinoises sur ses partenaires étrangers ». (6) Ces stratégies de transfert de technologie ne sont pas sans risque pour les entreprises étrangères. En effet, le pays qui bénéficie des nouvelles technologies peut clairement devenir un concurrent potentiel. Ce qui peut clairement être observé en Chine. « Le marché chinois est devenu si important pour les multinationales que Pékin peut négocier en position de force ». (6) « Les accords qui restreignent la concurrence sont interdits par les règles de concurrence de l’Union Européenne ». (7) Un transfert de technologie peut générer une situation de concurrence. Il s’agit donc d’un risque non négligeable pour les acteurs.
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L'orientation géographique du transfert de technologie La figure 1 permet d’illustrer les orientations géographiques des transferts de technologie aujourd’hui :
Légende
Figure 1 : Orientation et type de transfert de technologie aujourd’hui
Il est important de noter que le transfert primaire entre les USA et l’Asie se fait directement vers le Japon et Taïwan mais également vers l'ASEAN, c'est-à-dire l'Asie du Sud Est sauf la Chine.
Les différents angles stratégiques et enjeux du transfert de technologie
Les enjeux et stratégies liées aux transferts de technologie sont multiples. Il existe évidemment des objectifs économiques et politiques mais également un intérêt à améliorer la compétitivité industrielle.
• L’axe économique : L’un des principaux axes stratégiques est sans conteste l’économie. Les transferts de technologie vers les pays en voie de développement, permettent directement ou indirectement de produire à moindre coût dans ces pays où la main d’œuvre est meilleur marché qu’en Occident. Par exemple, toute la fabrication des composants électroniques des téléphones portables ou des ordinateurs est assurée par le Japon, Taïwan, la Corée du Sud. Au départ, il
Asie
Europe Amérique du Nord
Amérique Latine
Afrique
Transfert Primaire : industriels et expertise
Transfert Secondaire : industriels et expertise
Coopération
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s’agissait d’externaliser des fabrications américaines en Asie du Sud Est pour une politique de réduction des prix de revient, la solution était donc un transfert de technologie. Aujourd’hui, ces pays ont acquis un tel savoir-‐faire que le développement de nouvelles technologies de composants est également devenu leur spécialité. Dans la mesure où une relation de confiance s’était établie avec ces pays, les Etats-‐Unis et l’Europe n’ont pas eu la tentation de contrôler les activités de recherche, de conception et de fabrication dans ce domaine hautement stratégique. Par conséquent, le Japon, Taïwan et la Corée du Sud sont aujourd’hui fournisseurs « single source », excepté pour les besoins militaires. Il en est de même dans le domaine des matériaux composites, où le Japon est fabricant exclusif des fibres et imprégnés servant à la fabrication des céramiques carbone utilisées dans l’aéronautique en remplacement des alliages d’aluminium. (1)
• L’axe politique : Pour illustrer cet axe, nous pouvons prendre l’exemple du transfert de culture France/Inde, qui sera développé dans la dernière partie, notamment avec des échanges de livres, de connaissances, etc. L’enjeu politique dans ce transfert n’est pas négligeable, il permet en effet à la France d’avoir une certaine influence au-‐delà de ses frontières. Dans ce cas, la France mise sur le transfert de son expertise mais aussi sur la coopération. La question qui se pose est : comment influencer et être présent au niveau international afin d’avoir un poids politique plus important ? Ces échanges diplomatiques, participent à une certaine vision positive de la France vis-‐à-‐vis des partenaires étrangers, nous assurant ainsi une position stratégique sur l’échiquier mondial. Autre exemple de transfert d’expertise France/Corée du Sud, lorsque le musée Samsung à Séoul demande à la France son expertise pour un accompagnement pour toute la phase de sa conception. Aujourd’hui, à chaque visite officielle dans ce musée, la France rayonne au-‐delà de ses frontières de part cette démonstration de son savoir-‐faire. Ces transferts d’expertise permettent également le renforcement des droits de propriété intellectuelle. Il faut cependant noter, que ces échanges s’inscrivent dans un environnement où la culture américaine est omniprésente, mais où l’Allemagne et l’Espagne tentent aussi activement de faire rayonner leurs cultures.
• Amélioration de la compétitivité industrielle : La compétitivité industrielle se situe à plusieurs niveaux. Nous distinguons tout d’abord la délocalisation de la production dans des pays à meilleur rapport coût/productivité. Afin d’avoir l'accès à des sources d'approvisionnement compétitives ou spécifiques et d’obtenir des compétences techniques spécifiques, beaucoup d’entreprises ont délocalisé leur production. Nous distinguons ensuite, le niveau commercial, à savoir, une volonté d'acquérir rapidement un impact commercial international sur des marchés étrangers difficiles à atteindre par des exportations directes en raison des coûts. Les raisons sous-‐jacentes des transferts de technologie peuvent donc être : fabriquer à moindre cout ou encore atteindre certains pays. En d’autres termes, cet axe rejoint sur certains points l’axe économique. De plus, au vu des tendances actuelles, nous pouvons émettre l’hypothèse que le déséquilibre entre pays développés et pays en voie de développement ne durera pas indéfiniment, il est donc important d’aider ces pays à se développer notamment grâce aux transferts de technologie. Le système mondial a intérêt à être global, par exemple pendant la guerre froide où les frontières étaient fermées, le système n’a pas tenu. Toutefois, l’une des contreparties à produire à moindre coûts est que la délocalisation aboutit bien souvent à une concurrence avec le pays « d’accueil », car celui devient assez vite expert dans le domaine concerné. (1) Cet aspect sera développé plus tard. Les enjeux et les stratégies des transferts de technologie sont donc multiples et complexes. Les pays qui reçoivent le transfert se développent et acquièrent des savoir-‐faire. D’un autre côté, les pays transférants y trouvent de nombreux bénéfices à ces pratiques. Finalement chaque partie trouve un intérêt et peut ressortir gagnante de ces transferts.
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Toutefois, les transferts de technologie ne sont pas l’apanage des technologies de pointe, ils peuvent être appliqués à de nombreux secteurs.
Les différents secteurs Il est important de rappeler que ce type de relation existe depuis bien longtemps (Route de la soie, découverte de l’Amérique, conquête du Far West…). On comprend donc que l’on retrouve les transferts de technologie dans de nombreux domaines, de la défense à la culture en passant par la pharmacie, les hautes technologies et la chimie. En ce qui concerne l’armement, il existe de nombreux transferts de hautes technologies, cela peut concerner les matériaux comme l’électronique. Derrière ces transferts, se pose aussi la question du secret industriel. Tout ce qui englobe une technologie est-‐il aussi transféré ? Non, les entreprises peuvent et veulent protéger certaines choses. Voici quelques exemples de ces différents transferts. Dans l’aéronautique et le militaire, les technologies sont assez importantes et les transferts sont courants. Eurocopter a partagé la technologie de ses hélicoptères « écureuil », modèles légers et polyvalents fabriqué en France dans les années 7O, avec le Brésil. Conséquence de ce partage, le Brésil fabrique aujourd’hui, en exclusivité, les câblages de cet hélicoptère. Dans ce cas, le transfert est basé sur la formation de personnel : la France a transféré son savoir-‐faire au Brésil, qui est désormais capable de fabriquer ses propres pièces. Ce transfert a permis au Brésil de développer son industrie aéronautique. De ce fait, il est fort probable que le Brésil devienne, à long terme, un concurrent de la France. D’autre part, cette entreprise brésilienne est détenue à 70% par Eurocopter donc les contrats bénéficieront aussi à cette entreprise française. Il faut peut être donc modérer nos conclusions, les conséquences ne sont jamais entièrement bénéfiques ou entièrement néfastes. L’industrie pharmaceutique commercialise des médicaments, des composants d’un médicament ou encore des technologies pharmacologiques. L’accès au médicament est une question d’actualité et le transfert est important pour aider les pays en voie de développement à se perfectionner dans ce domaine. Sans oublier que l’industrie pharmaceutique a un enjeu économique majeur. Cette industrie représente en effet en France 50 milliards de chiffre d’affaires en 2001 (source : Leem). Les transferts pharmaceutiques sont donc décisifs d’un point de vue financier et sanitaire pour les firmes pharmaceutiques ainsi que pour les pays les accueillant. En guise d’exemple, nous pouvons évoquer un transfert de la France vers le Brésil. Il s’agit d’un transfert d’une maison mère, l’entreprise Rhône-‐Poulenc à une de ses filiales afin que celle-‐ci puisse produire ses propres matières premières (Acide Salicylique et l’Acide Acétylsalicylique) afin d’être davantage indépendante. En ce qui concerne le transfert culturel, l’exemple de L’Inde sera développé plus loin. Nous avons vu que dans ce domaine, les enjeux sont principalement d’ordre politique. Il s’agit maintenant de voir les différentes étapes qui constituent un transfert de technologie.
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B. LES METHODES EMPLOYEES PAR DIFFERENTS PAYS POUR TRANSFERER DES TECHNOLOGIES
Les étapes d’un transfert de technologie Les mécanismes relatifs au transfert de technologie visent à faciliter la promotion d’activités financières, institutionnelles et méthodologiques. Pour qu’un transfert de technologie ait lieu, il est nécessaire de détenir une activité ou une technologie avancée qui représente quelque enjeu qu’il soit. Il faut évaluer les risques encourus et comparer les bénéfices aux risques. Il est également possible de comprendre dans quelles mesures se protéger contre d’éventuels désagréments. D’autre part, il est important d’étudier certains critères assurant le succès du projet, c’est-‐à-‐dire l’exactitude, la reproductibilité, la répétabilité et l’erreur de justesse. Par ailleurs, n’oublions pas que la recherche du partenaire est essentielle : une analyse financière, économique et enfin technique est incontournable. Il est en effet primordial de savoir si le pays recevant le transfert est capable d’assurer techniquement le maintien de cette technologie. Ceux sont des conditions sine qua non pour un bon transfert. Un exemple donné par Michel VEDRENNE (Annexe 1), lorsque Dassault a vendu 60 Mirages 2000 aux Taïwanais en 1992, ils se sont posé la question du maintien en état de leurs avions. Dassault s’est aperçu, que Taiwan manquait cruellement de techniciens sachant ce qu’était un avion et sachant le réparer sans l’abimer. Transférer un savoir ou une technologie à un pays qui ne peut pas l’exploiter peut être inutile. La capacité d’utilisation d’un transfert est donc l’un des critères indispensables à un bon transfert de technologie. Une fois les partenaires trouvés, il est important de communiquer avec eux afin d’évaluer leur demande, leurs compétences, ainsi que leurs attentes. Ensuite, un accord de coopération industrielle doit être établi. Cet accord sert de cadre au transfert. Ces derniers peuvent être regroupés en 6 catégories :
• la Licence de brevet ou de savoir-‐faire est un contrat dans lequel le détenteur d’un brevet ou d’un savoir-‐faire confère certains droits d’exploitation pendant une période contre une rémunération.
• La Franchise industrielle est un accord où le franchisé reçoit une communication du savoir-‐faire, afin de fabriquer un produit qu’il distribuera ensuite sous la marque du franchiseur.
• La Coopération technique qui est l’un des accords les plus utilisés. On trouve plusieurs types de coopérations : Les programmes de R&D qui regroupent les laboratoires universitaires ou publics ainsi que les entreprises industrielles. Et les programmes d'industrialisation qui sont des accords technologiques clients/fournisseurs, des Prestations de services
• En ce qui concerne l’Assistance technique, une partie s’engage à fournir l’assistance nécessaire au bon fonctionnement de la technologie. Cet accord est très important, pour le pays recevant la technologie mais elle est aussi très intéressante pour celui qui transfert ; en effet, cela procure du travail à long terme. Ce n’est donc pas forcément désintéressé mais absolument indispensable dans la plupart des cas.
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• La sous-‐traitance est un contrat par lequel une entreprise confie à une autre entreprise la fabrication d'une pièce dont il a défini toutes les spécifications.
• Enfin, il existe une création d'activités communes qui implique la création d'une structure permanente, avec la mise en commun de moyens financiers, techniques et humains.
Après ces différents accords, il y a la planification de la stratégie de mise en action. Puis la mise en place du transfert de technologie. Enfin, une évaluation à long terme répondant aux questions: Le transfert a-‐t-‐il réussi ? Le pays ayant reçu le transfert arrive-‐t-‐il à gérer la technologie ou le savoir-‐faire ? Que nous a apporté ce transfert de technologie ? Cette évaluation à long terme est importante pour comprendre les effets des transferts, cela afin s’améliorer éventuellement dans ces domaines.
Figure 2 : Schéma bilan des différentes étapes d’un transfert de technologie
Législation sur les transferts de technologie en France Il semble exister un flou législatif en ce qui concerne les transferts de technologie, il est en effet assez difficile de trouver des informations à ce sujet. Néanmoins, en France, dans le domaine
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militaire, il existe une commission chargée de contrôler les exportations de matériels de guerre ou matériels assimilés. Il s’agit de la Commission Interministérielle pour l'Exportation des Matériels de Guerre ou CIEEMG : elle comprend le 1er Ministre, les Ministres de la Défense, des affaires Etrangères et des Finances, et est présidée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Cette institution officie dans un cadre législatif et réglementaire rigoureux : « L’ordonnance n° 2004-‐1374 du 20 décembre 2004 codifiée dans le Code de la Défense, fixe comme principe de base que l’exportation de matériels de guerre est prohibée, sauf autorisation. En outre, la production, le commerce et le stockage de matériels de guerre ne peuvent se faire qu’après autorisation de l’État et sous son contrôle. Cette autorisation est délivrée par le ministère de la Défense après enquête des services de sécurité » La CIEEMG examine les demandes d'agrément préalable en vue d'une exportation de matériels de guerre ou matériels assimilés. Elle exprime ses avis dans le cadre de directives générales approuvées par les autorités politiques. Les critères sont aussi bien généraux qu’issues de directives particulières dans le cas de situations spécifiques comme les embargos.
Législation sur les transferts de technologie au niveau international
• Niveau européen : Les accords de transfert de technologie portent sur la concession de licences de technologie. Cette législation confère des droits exclusifs aux titulaires de brevets, de droits d’auteur, de droits de dessin, de marques déposées et d’autres droits protégés par la loi. Afin de trouver le juste équilibre entre la protection de la concurrence et la protection des droits de propriété intellectuelle, le règlement d’exemption par catégorie crée une sphère de sécurité pour la plupart des accords de licences. Le champ d’application ne couvre pas uniquement les licences de brevet et de savoir-‐faire, mais s’applique aussi aux droits relatifs aux dessins et modèles et aux licences de droits d’auteur sur logiciels. Cet acte s’applique, pour les transferts de technologie, les droits de propriétés intellectuelles, les brevets et les savoirs faires.
• Niveau international : Au niveau international, nous trouvons également, l’ADPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce). Cet accord de l’OMC négocié au cours du Cycle d'Uruguay, qui s'est tenu de 1986 à 1994 veut assurer une protection efficace des propriétés intellectuelles et des technologies. L’accord porte sur cinq grandes questions :
• Quels principes fondamentaux du système commercial et des autres accords internationaux sur la propriété intellectuelle devraient être appliqués.
• Assurer une protection efficace des droits de propriété intellectuelle. • Comment les pays peuvent faire respecter ces droits de manière appropriée sur leur
territoire. • Comment régler efficacement certains différends sur la propriété intellectuelle entre les
différents membres de l’OMC. • Les différents Arrangements spéciaux transitoires qui sont appliqués pendant la période
de mise en place du système.
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L’ADPIC se concentre donc sur la protection de la propriété intellectuelle. Il existe différents types de droits de propriété intellectuelle et différentes façon de les protéger. C’est ce que nous allons voir par la suite.
La propriété intellectuelle et sa protection « Qu’est-‐ce que la propriété ? Ne puis-‐je répondre de même : c’est le vol », a écrit Pierre Joseph Proudhon au dix-‐neuvième siècle dans Qu’est-‐ce que la propriété. Cette assertion « la propriété, c’est le vol » semble pertinente en ce qui concerne la propriété intellectuelle. Comment admettre l’appropriation privée de la production intellectuelle ? A priori, cette production a vocation à circuler sans contrepartie monétaire. Toutefois, l’ordonnancement juridique permet la protection de la propriété intellectuelle. Certes, la notion de légalité n’emporte pas celle de justice : il existe des lois injustes. Néanmoins, le développement du droit de la propriété intellectuelle interpelle. De plus, un élément est de nature à mettre en cause le droit de la propriété intellectuelle. Comme le mentionnent Levy et Jouyet dans leur ouvrage L’économie de l’immatériel, La croissance de demain en 2007, il s’agit d’une évolution de l’économie vers l’immatériel. Tout d’abord, il apparaît indubitablement légitime de protéger la propriété intellectuelle. L’idée selon laquelle toute création mérite récompense et salaire n’est pas récente. Dès le dix-‐huitième siècle, Beaumarchais a défendu l’idée suivante : l’artiste doit vivre de son art. C’est pour répondre à cela qu’en 1777, il a fondé la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, ancêtre, en quelque sorte, de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). C’est ainsi qu’à la Révolution, les auteurs ont acquis des droits sur leurs œuvres. Actuellement, émerge une économie de l’immatériel ; l’économie des biens matériels stagne. La croissance de l’immatériel et le déplacement de l’économie vers des produits sans limite d’utilisation (musique, fichiers numériques…) interrogent le droit de la propriété intellectuelle tel qu’il est aujourd’hui et en bouleversent le cadre juridique. Le droit de la propriété intellectuelle, qui encadre la diffusion d’une création, se divise en quatre domaines : le brevet, la marque, le secret et les droits d’auteur. D’abord, le brevet, défini par sa longueur et sa largeur, permet à celui qui le dépose, d’obtenir une rémunération pour le fruit de son travail et de sa recherche. Il constitue ainsi une incitation à l’innovation. Mais, pour pouvoir déposer un brevet, il convient de respecter un certain nombre de critères : il faut une invention, susceptible d’application industrielle et qui représente une réponse technique à un problème technique. Le brevet est ainsi défini par trois critères cumulatifs. Par exemple, une découverte ne peut pas être brevetée puisqu’elle préexistait avant. Le brevet est donc défini par deux caractéristiques : sa longueur et sa largeur. La longueur équivaut tout simplement à la durée du brevet. L’importance de la durée dépend du côté duquel on se place, industriels ou consommateurs. La personne qui dépose peut choisir jusqu’à une durée de vingt ans. Il est inutile de dire que l’intérêt des industriels est d’avoir une durée de protection la plus longue possible, afin de compenser et valoriser les efforts et recherches fournis pour obtenir cette invention. Mais, ce qui est création de l’esprit n’appartient pas indéfiniment à son créateur, et ce, pour l’évolution du savoir. À noter également que toute invention brevetée est divulguée six mois après le dépôt de brevet. Cela permet alors à toute la communauté, aussi bien scientifique qu’industrielle, de prendre connaissance de l’invention et ainsi de prolonger des recherches avec cette nouvelle donnée. Le brevet se définit également par l’explication exacte et précise de l’invention, c’est-‐à-‐dire que pour être accepté, le brevet doit expliciter les domaines et applications industrielles dans lesquels le monopole d’exploitation est demandé. L’accompagnement de la description par des
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dessins et annexes techniques est recommandé pour accroitre les chances de voir le brevet accepté. Cette explication permet de maîtriser la largeur du brevet. Il s’agit d’éviter d’accorder des brevets qui, de par leur caractère vague, regrouperaient trop de points d’application et nuiraient alors à la concurrence. C’est l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) qui tranchera et délivrera les titres de propriété intellectuelle. Ensuite, la marque, définie par un nom, un logo et des couleurs, est déposée dans un bureau d’un ou plusieurs pays. L’objectif est de permettre aux clients de la reconnaître immédiatement. Le secret consiste à conserver au sein d’une entreprise ou d’un laboratoire de recherche, une idée, un procédé ou un produit. La concurrence exacerbée pousse de plus en plus les organismes à opter pour le secret car le brevet n’empêche pas la divulgation de l’invention. Enfin, les droits d’auteur régissent la propriété intellectuelle de nature artistique. Ainsi, le droit de la propriété intellectuelle concerne également les œuvres et inventions de l’esprit. Cependant, la protection du droit d’auteur ne porte que sur le support, et non sur l’expression. En d’autres termes, elle ne s’étend pas aux idées.
Propriété intellectuelle et transferts de technologie Les transferts de technologie concernent majoritairement les domaines des brevets et des secrets comme l’expliquait Françoise Lemoine lors de notre rencontre. Néanmoins, le droit d’auteur a son importance dans la diffusion du savoir et de la culture française à l’international. C’est ce que Guillaume Juin nous a décrit comme étant le rayonnement, qui permet indéniablement une influence dans les pays concernés. Brevets et transferts de technologie sont intimement liés dans la mesure où la cession de la technologie n’est jamais totale et complète ; elle est souvent l’objet d’une licence, donnée par l’entreprise propriétaire du brevet. Cette solution n’est pas complètement satisfaisante pour l’entreprise receveuse car elle ne lui donne pas une autonomie à long terme. Cette dernière préfèrera se tourner vers un transfert de savoir-‐faire. Cependant, le transfert de technologie n’est jamais complétement exclusif : ainsi, brevets et savoir-‐faire sont souvent transférés de pair. L’entreprise propriétaire de la technologie va via le transfert de technologie, bénéficier d’un certain nombre d’avantages. D’un point de vue financier, elle peut toucher des royalties ou des revenus associés aux ventes, délivrer une assistance technique (rémunérée) à l’entreprise du pays d’accueil, ou encore obtenir des coûts de production plus faibles. Le transfert de technologie est également profitable d’un point de vue commercial : il permet bien évidemment de pénétrer de nouveaux marchés, de développer sa notoriété et son image de marque à l’étranger, appréhender les techniques de ventes et de marketing locales. Enfin, technologiquement parlant, il s’agit d’une opportunité pour accéder aux clients internationaux et avoir leur feedback, mais aussi avoir accès à des technologies locales ou des réseaux d’innovation. Ainsi, en synthèse, les bénéfices stratégiques pour l’entreprise transférant la technologie sont conséquents : le transfert de technologie est un levier renforçant la politique de croissance et d’expansion de l’entreprise, augmentant sa valeur et sa compétitivité. Il représente également une alternative solide à l’investissement direct à l’étranger (IDE). L’entreprise recevant la technologie est en principe elle aussi gagnante : elle réduit conséquemment le risque du développement technologique ainsi que celui de la mise en œuvre, elle n’a quasiment aucun coût de développement par conséquent, elle va mettre à jour ses connaissances internes et former ses ressources humaines tout en bénéficiant de suite de technologie avancées (saut technologique), ce qui aura pour conséquence plus ou moins directe de renforcer sa position concurrentielle sur son marché local.
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En définitive, les deux entreprises prenant part au transfert de technologie ont en commun un but de rentabilité et donc une finalité économique. À long terme, le partenaire d’aujourd’hui peut devenir le concurrent de demain. Il s’agit alors pour l’entreprise opérant le transfert de veiller à conserver un avantage technologique certain. Découle alors le problème majeur d’un transfert de technologie : proposer une technologie suffisamment de pointe pour être intéressante aux yeux de l’entreprise d’accueil, sans galvauder son avantage, et ainsi conserver son avance pour ne pas être doublé par ce concurrent potentiel futur. C’est d’ailleurs le reproche le plus souvent mis en avant dans le transfert de technologie : céder sa technologie à des concurrents futurs. Néanmoins, il faut souligner que le transfert de technologie est une nécessité économique actuelle. Les entreprises gagnent de l’argent en cédant des technologie sur le point d’être sur le déclin, argent qui servira à la recherche & développement et permettra de mettre au point les nouvelles technologie de demain, qui permettront de garder l’avance technologique sur ces nouveaux concurrents. Une autre question majeure se pose dans le transfert de technologie : comment prioriser les domaines (santé, énergie, éducation…) en matière de transfert de technologie ? Il s’agit bien évidemment d’une problématique traitée en adéquation avec la politique à venir du pays et les entreprises sont plus ou moins libres de suivre les recommandations faites par l’Etat. Dans certains pays comme ceux d’Afrique, prioriser un domaine est très difficile voire impossible, dans la mesure où tous les domaines sont prioritaires. Cependant, l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) recommande « le recensement de trois questions pressantes pour lesquelles les technologies appropriées pourraient contribuer efficacement à améliorer les conditions de vie: le secteur de la santé, le secteur de l’agriculture, et le secteur de l’énergie ». C’est par conséquent dans ces domaines que les brevets ont un impact le plus défavorable au développement de ces pays et industries. Néanmoins, la politique suivie par les pays représente une donnée importante, pouvant influencer aussi bien positivement que négativement, la décision de contractualiser un transfert de technologie entre deux entreprises. Ainsi, si le secteur de l’entreprise recevant la technologie n’est pas celui en accord avec la politique du pays, les possibilités de voir le transfert s’effectuer sont réduites. A contrario, il peut s’agir d’un catalyseur de transfert si le secteur est favorisé dans la politique du pays d’accueil. Bien que le transfert de technologie soit, par le biais de cession de licences, une des pierres angulaires du système des brevets, la rigidité du modèle implique que le brevet peut aussi être un frein à un transfert. Dans le domaine de la santé en général et de la pharmacologie en particulier, l’achat de licences coûte cher et minimise par conséquent l’émulation et l’innovation. Davantage de souplesse en matière de protection serait profitable à la recherche et à l’innovation dans les pays les moins avancés, mais cette solution pourrait laisser la porte ouverte à des dérives. En plus d’être un frein au transfert de technologie, les droits des brevets peuvent enrayer l’adaptation du savoir aux conditions locales. La protection limitée de la propriété intellectuelle par le passé a favorisé la formation technologique dans des pays comme l’Inde, l’Égypte et la Corée. De nos jours, la surprotection de la technologie et de tout ce qui l’entoure conduit à des répercussions négatives sur le transfert de technologie. Ainsi, il a été mis en exergue le rôle central mais aussi l’ambivalence du brevet dans le transfert de technologie. S’il faut concilier droit de propriété et droit au respect de la vie privée, un autre curseur doit être placé de manière pertinente : celui qui se situe entre la protection des rentes d’innovation dans une perspective d’incitation et la volonté de diffuser le plus possible les innovations et créations. En d’autres termes, il faut protéger les idées pour que les personnes
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qui les trouvent soient rémunérées, mais cette protection ne doit pas non plus être un frein à leur diffusion et expansion.
Le transfert de technologie dans un cadre de coopération À l'heure de la mondialisation, la cession de licence et le transfert de technologie sont des facteurs décisifs pour la conclusion d'alliances stratégiques et le lancement de coentreprises internationales si l'on veut maintenir un avantage compétitif dans une économie de marché. Par conséquent, de nombreux efforts sont effectués à l'échelon international pour les faciliter et ce, par la mise en œuvre d'un climat propice à l'investissement et au développement économique, bénéfique et indispensable à chacun : c’est la coopération. Bien que le terme coopération internationale s’applique en règle générale aux relations entre Etats, on peut également l’utiliser pour décrire les liens privilégiés entre deux entreprises d’Etats différents, ces dernières étant autant que possible sur un pied d’égalité. La coopération est imprégnée de valeurs fortes telles que confiance, entraide ou encore enrichissement mutuel. Officiellement, ce sont les mêmes valeurs qui sont mises en avant lors d’un transfert de technologie mais c’est souvent la dominante économique qui prend le pas sur celles-‐ci. Il ne faut pas stigmatiser les entreprises qui le prennent en compte et le mettent en avant, car cet intérêt économique existe et joue un rôle majeur dans le transfert de technologie (rôle moteur). Il ne faut pas non plus avoir une vision manichéenne de l’argent. Enfin, il ne faut pas non plus croire que la coopération est uniquement motivée par philanthropie, elle masque souvent des intérêts sous-‐jacents (rayonnement et/ou influence politique). La coopération peut être de plusieurs types (militaire, scientifique…) mais dans le cadre de ce travail, nous ne désignerons par coopérations que celles rattachées à l’économie ou au développement. Dans la partie suivante (étude d’un cas de transfert de technologie) sera abordé un exemple de coopération culturelle. Les Etats ont pris conscience qu’il est indispensable d’agir sur les causes des problèmes dans les pays en voie de développement ou sous-‐développés, et non pas uniquement sur les symptômes. Les entreprises devraient réaliser le même cheminement : c’est tout à fait dans leur intérêt, surtout d’un point de vue stratégique. L’interdépendance des pays, et donc des entreprises entre elles, souligne le caractère indispensable des échanges. C’est l’opportunité pour elles d’avoir des clients fidèles et de confiance dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, elles auront de nouveaux concurrents les challengeant sur leur domaine ou sur leur cœur de métier. La concurrence permet l’émulation et c’est dans ce type d’environnement concurrentiel que l’innovation est la plus forte. La coopération permettrait idéalement d’amener une entreprise à bénéficier du savoir-‐faire ou de la technologie d’une autre, en contrepartie d’accords commerciaux ou d’autres natures (exemple : achat des pièces détachées de la technologie uniquement à l’entreprise). C’est finalement ce qui se passe dans les transferts de technologie que l’on pourrait qualifier de gagnant-‐gagnant : tout le monde y trouve son compte. La coopération semble être une solution séduisante. Néanmoins Pankaj Ghemawat, professeur à Harvard, a défini 5 critères influençant conséquemment la réussite d’une telle entreprise :
• la distance culturelle : il est évident que des différences d’éthique, de normes sociales, de coutumes peuvent nuire à la mise en place d’une alliance avantageuse.
• la distance administrative : lorsque la politique des entreprises, les réglementations ou législations qu’elles ont à respecter sont trop différentes, la coopération ne peut pas donner la pleine mesure de son potentiel.
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• la distance géographique : elle représente un frein non négligeable car elle donne implicitement des coûts de transport et de communication supérieurs à ceux observés généralement. Ce problème est d’autant plus important dans les services d’entreprise où il est nécessaire d’avoir un suivi et un échange réguliers (Recherche & Développement notamment).
• la distance économique : l’équilibre doit être respecté au risque de voir l’une des deux entreprises prendre le pouvoir sur l’autre. Un rapport de domination et de dépendance s’instaurerait.
• la distance technologique : ce critère n’est pas significatif dans notre cas puisque le but de la coopération est de réduire le fossé technologique entre les deux entreprises.
En définitive, il apparaît que la coopération interentreprises entre pays différents n’est rien d’autre que ce vers quoi doivent tendre la majorité des entreprises pratiquant le transfert de technologie. On a montré que le transfert de technologie a un certain nombre de points positifs à faire valoir lorsqu’il se déroule dans une relation de confiance. Mais parfois, l’intérêt économique est tel que l’un des deux acteurs en sort perdant. Par la coopération, la situation donnerait en règle générale une relation gagnant-‐gagnant entre les deux entreprises impliquées dans le transfert de technologie.
C. CAS CONCRETS DE TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE ET ENJEUX
1. Les méthaniers et la Corée du Sud : Transfert de technologie négatif Le premier cas que nous développerons concerne un exemple d’un transfert de technologie pouvant être considéré comme négatif, entre la France et la Corée du Sud, dans le secteur de la construction navale et plus particulièrement des méthaniers. En premier lieu, il est important de resituer le contexte de ce transfert de technologie. L’interview de M. Boris Fedorovky, (Annexe 3), membre du GICAN et expert en construction navale, nous permet de connaître la situation lors du transfert. En 1964, la France décide de se lancer dans la construction de bateaux transportant du GNL (Gaz Naturel Liquide) : le méthane. Dans les années 70, la France se positionne en tant que leader, et même pionnier, dans la construction de méthaniers. Le marché des méthaniers a connu une croissance progressive. La flotte mondiale augmente d’environ 100 unités vers 1975 à 200 unités dans les années 90. Suite à une crise de l’industrie pétrolière, l’investissement mondial en construction de méthaniers a baissé dans les années 80. Le marché fut donc relativement peu dynamique à cette époque. Cependant, dans les années 90, le segment devient de nouveau attractif pour la France grâce à une amélioration du contexte macro-‐économique. Les japonais fermaient certains chantiers et en Europe très peu de chantiers demeuraient encore ouverts. En France, un seul chantier existait toujours : celui de Saint-‐Nazaire (ou chantiers de l’Atlantique). Celui-‐ci restait spécialiste et expert en méthaniers, le meilleur au niveau mondial dans ce domaine. La construction des méthaniers repose sur deux technologies : premièrement, la conservation du méthane durant le transport et d’autre part la propulsion des méthaniers. L’expertise de la France était liée à la technique de conservation avec la licence GTT : des cuves isolées par des membranes, système exploité par Technigaz et Gaz Transport (GTT).
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La technologie des membranes s’oppose à la technologie des sphères dont la licence était détenue par MOSS, un constructeur norvégien. La technologie des membranes est plus performante et moins coûteuse que la technologie des sphères. À ce moment-‐là, la Corée rencontre un besoin de transport de GNL. Cependant, le gouvernement coréen souhaite garder les revenus engendrés par la construction des méthaniers au sein de leur propre économie. De ce fait, la Corée du Sud ferme son marché et la France se voit dans l’impossibilité de vendre des méthaniers à la Corée du Sud.
Figure 3: Les acteurs du marché des méthaniers en Corée du Sud La figure 3 met en avant le marché fermé imposé par l’état coréen. Cependant les coréens se sont aperçus de la sous-‐performance de la technologie de la licence MOSS. La Corée, et plus particulièrement le chantier HANJIN, souhaite donc acquérir une expertise dans la technologie à membranes de GTT. Les chantiers de Saint-‐Nazaire furent donc sollicités en 1992 par HANJIN pour partager leur technologie et leur expertise. Depuis, la Corée du Sud est devenue leader dans la construction de méthaniers : environ 83% des commandes mondiales sont passées aux chantiers de la Corée du Sud. Les armateurs coréens ont réussi, en signant des contrats à long terme, à consolider leur position de leader. La France n’a pas construit de méthanier depuis le début des années 2000 : la dernière commande a été passée par Gaz de France, pour une construction de méthaniers qui utilisait une nouvelle technologie – malheureusement cette dernière expérience fut un échec. L’élève a donc dépassé le maître ! En deuxième lieu, la question qui se pose est : « Pourquoi les chantiers français de Saint-‐Nazaire ont pris le risque d’accepter de transmettre leur savoir-‐faire vers la Corée du Sud ? ». En effet, il faut savoir qu’à cette époque la Corée du Sud se trouvait dans une position favorable : la dévalorisation du Yen leur permettait d’être compétitifs et l’état coréen effaçait les dettes des constructeurs de méthaniers. Afin de mieux comprendre le niveau de compétitivité de la Corée du Sud, il parait important de situer les niveaux de prix des méthaniers proposés. De 1991 à 1997 16 méthaniers d’environ 130k m3 ont été commandés par l’opérateur gazier coréen, KOGAS, tous aux chantiers coréens pour 270 millions de dollars l’unité ; ce prix est tombé à 210 millions en 1997. A cette même époque, les chantiers de Saint-‐Nazaire ont vendu des méthaniers à PETRONAS pour environ 250 millions de dollars l’unité. Les coréens ont ensuite baissé leur prix à 143 millions de dollars en 2000, selon Boris Fedorovsky. Les chantiers français et japonais furent donc hors course, en termes de prix, face aux coréens.
Rappelons que le marché de la Corée du Sud était fermé et que la demande dans le reste du monde n’était pas importante. Les français construisaient donc de moins en moins de méthaniers et se voyaient dans une impasse sur ce segment. Nous pouvons penser que la France a utilisé stratégiquement le transfert de technologie comme vecteur d’accès à ce marché fermé. L’opération n’était pas sans risques pour la France comme nous l’avons constaté. Au vu du
Méthaniers en Corée du
Sud
Opérateur Coréen : KOGAS
Technologie sphère achetée à MOSS
Chantiers Coréen : HYUNDAI, HANJIN
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contexte, il est également légitime de supposer que la France se voyait perdre le marché des méthaniers à cause de la fermeture des marchés asiatiques. Cependant, si ces marchés venaient à s’ouvrir à des acteurs étrangers, le pays qui transmettrait sa technologie vers HANJIN serait favori lors de l’ouverture du marché. La France aurait pu prévoir cette situation. La France a donc accepté de transmettre son expertise à la Corée en envoyant sur place des employés des chantiers de Saint-‐Nazaire : ce transfert a permis la France de recevoir une contrepartie financière considérable de la part de la Corée du Sud : environ 200 millions de Francs selon M. Boris Fedorovsky. De plus, comme pour tout transfert de technologie, nous pouvons émettre l’hypothèse que si les chantiers de Saint-‐Nazaire n’avaient pas accepté de transférer leur savoir-‐faire, le transfert de technologie aurait eu lieu par le biais d’un autre chantier, certes moins performant que les français mais toujours est-‐il que la Corée aurait obtenu le savoir-‐faire requis. La contrepartie aurait été perdue par la France et le résultat non souhaité se serait certainement produit. Comme évoqué par Boris Fedorovsky la stratégie de la France se situaient peut être aussi dans la pérennité de leur savoir-‐faire : les chantiers de Saint-‐Nazaire ne construisaient plus de méthaniers et en accompagnant le chantier HANJIN, les Français assuraient une survie de leur savoir-‐faire. Suite à ces hypothèses, nous supposons que la stratégie de la France repose sur les facteurs listés dans la figure 4.
Figure 4 : Facteurs pouvant expliquer la stratégie de la France pour le transfert
Enfin, essayons de comprendre le caractère négatif de ce transfert. À priori, le transfert est désastreux pour la France d’un point de vue économique : le marché des méthaniers est perdu dû au savoir-‐faire de la Corée qui égale désormais celui de la France, et les chantiers de l’Atlantique ne vendent plus de méthaniers. Ce résultat n’était pas celui espéré par la France en 1992 lorsque le transfert s’est opéré.
En effet, ce transfert de technologie a certainement contribué à la compétitivité de la Corée du Sud. La technologie membrane permet de construire des méthaniers à des coûts moins élevés. De plus, comme nous l’avons constaté précédemment, les prix appliqués par la Corée ont commencé à baisser entre 1991 et 1997, et la France a transféré son savoir-‐faire sur la
Transfert accepté par la France
Vecteur d'accès au marché fermé
Transfert ineluctable
Pérennité du savoir-‐faire
français
Contrepartie
�inancière
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technologie membrane en 1992. Nous pouvons supposer que la compétitivité de la Corée du Sud suite au transfert de technologie, et donc à un progrès technologique non négligeable, n’a certainement pas été anticipée pas les chantiers français lorsque ce transfert a été accepté. En revanche, si la France avait effectivement prévu cette compétitivité, nous pouvons penser que le transfert a eu lieu car le poids des facteurs de la figure 4, notamment celui lié au « Transfert inéluctable », ont été estimé très important. Cependant, nous pouvons relativiser l’aspect néfaste de ce transfert du point de vue français. En effet, comme nous l’avons cité précédemment, ce transfert aurait certainement eu lieu même sans l’intervention de la France. Les pays asiatiques ferment leurs marchés et montent en puissance aujourd’hui dans tous les secteurs, notamment celui de l’aéronautique. La France aurait dans tous les cas perdu son statut de leader. Malgré tout, grâce au transfert et à l’accompagnement de la Corée du Sud dans la construction de méthanier avec la technologie membranes, la France se voit dans la possibilité de perpétuer son savoir-‐faire. L’Espagne et la Chine ont depuis fait appel à l’expertise des chantiers de l’Atlantique en échange d’une contrepartie financière. Le coté néfaste du transfert est donc à relativiser ; en effet il n’est pas forcément totalement négatif. De plus, l’expertise française dans la propulsion des méthaniers a pu être utilisée pour d’autres segments qui sont de plus en plus important de nos jours : le paquebot ou le bunkering. Par ailleurs, d’un point de vue politique, cela a permis à la France et la Corée d’entretenir de bonnes relations et cela ne peut être que favorable dans le futur. D’un point de vue coréen, ce transfert a été plus que favorable. Le caractère désastreux de ce transfert est donc à relativiser.
2. Le bassin du Biobío : Transfert de technologie favorable Le second exemple détaille le cas de la gestion de l’eau du fleuve Biobío au Chili dans les années 90. Celui-‐ci est considéré comme positif.
Les acteurs de ce transfert sont la France, qui a transmis son savoir-‐faire en matière de développement et de gestion des ressources en eaux et le Chili, qui souffrait d’une désorganisation de l’exploitation du bassin du Biobío. En effet, à cette époque les « pays du Sud » connaissent un réel retard en matière de politique de management des ressources en eau. En Afrique par exemple, la Gestion Intégrée des Ressources en Eau, GIRE, n’est apparue que dans les années 2000. A contrario, la France et d’autres pays développés exploitaient des systèmes déjà très aboutis tant sur le plan décisionnel que financier.
Afin de comprendre les enjeux stratégiques que représentait l’organisation de l’activité du bassin, il est intéressant présenter la situation du Biobío au cours de cette décennie. Il s’agit du second fleuve le plus important du Chili avec une longueur de 380km. D’une superficie de 24 000 km2, son bassin est particulièrement attractif pour des secteurs économiques clés du développement du pays tels que l’agriculture (céréales, haricots, betteraves), le secteur forestier (pins, eucalyptus, bois d’œuvre, cellulose) et la pêche (sardines, anchois, coquillages). D’une importance stratégique, l’eau du fleuve sert l’agriculture mais aussi l’industrie papetière, chimique et pétrochimique, sidérurgique, agro-‐alimentaire et les populations. De plus, trois centrales hydrauliques et une centrale thermique y fournissent 960 MW (24 % de la puissance installée nationale).
Malgré la richesse que représente le fleuve, le bassin est une zone plus pauvre que le reste du pays et communautairement peu développée. En outre, l’activité industrielle intense du bassin pose de sérieux problèmes tant au niveau de la qualité de l’eau que de la dégradation de l’environnement, pollution des eaux et des sols, érosion, inondations, sécheresses et épuisement
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des ressources naturelles. Avant que la Direction Générale des Eaux n’envisage la création d’une Agence de Bassin, plus de cent organisations étaient impliquées dans la gestion de l’eau de cette zone.
Autre point à souligner : au Chili l’eau est un droit de propriété, librement négociable comme tout autre bien ou service. Ce système donc très imparfait, reposait sur des interférences et des superpositions des rôles de chacun. Nous comprenons donc que la difficulté de ce projet résidait dans la multiplicité des acteurs effectifs. Une réelle réorganisation s’imposait afin de clarifier la responsabilité de chacun et, à terme, d’améliorer la gestion des ressources en eau du bassin.
Ce fut au début des années 90, face à cette situation de dysfonctionnements et de blocages, que les autorités chiliennes ont fait appel au bureau de conseil français, Coyne et Bellier, pour l’étude de la création d’une Agence de Bassin du Biobío. En effet, la France possédait une certaine expérience dans ce domaine car il existait déjà six agences de Bassin chargées de la gestion de l'eau sur des zones données. La participation de toutes les parties prenantes a permis à ces agences d’établir une politique pour une gestion rationnelle des ressources en eau d’une part et la protection de l’environnement d’autre part (dépollution et équilibre des milieux aquatiques). De par leur rôle, elles assurent une certaine harmonie car elles fédèrent, conseillent sur des points techniques, forment et initient des recherches. Leur fonctionnement est principalement financé par redevances prélevées selon le principe «pollueurs-‐payeurs».
Le Biobío a donc été choisi comme bassin pilote, sachant que presque aucun pays du tiers monde ne possédait d’organisation du type « Agence de Bassin ». De ce fait le projet lancé en 1993 a reçu l’assistance de la Banque Mondiale et de la Coopération française. L’étude s’est déroulée entièrement au Chili et avec l’étroite collaboration de divers experts français, notamment de l’Agence de Bassin Seine -‐ Normandie, mexicains, vénézuéliens et brésiliens. Elle a duré deux ans de 1993 à 1995 et a fourni le cadre nécessaire à la concertation et à l’harmonisation des organisations. La structure proposée par l’étude équivaut à de nombreux niveaux à celle des Agences de Bassin Françaises, l’organisation en Assemblée de Bassin et Corporation de Bassin, la stratégie de financement usager-‐pollueur-‐payeur, etc.
Ainsi Coyne et Bellier a travaillé à établir un état de référence s’articulant autour de cinq chantiers dans un souci constant de contact avec les divers acteurs concernés. Tout d’abord l’élaboration d’une entité institutionnelle et d’une stratégie de financement, mais aussi l’optimisation de l’attribution et de l’utilisation des ressources. Il s’agissait ensuite d’identifier les projets prioritaires afin de désamorcer les conflits entre usagers et enfin d’établir une base de données.
Le succès de cette collaboration ne repose pas simplement sur l’expertise et l’expérience françaises dont a tiré profit le Chili, mais aussi sur la prise en compte de chaque organisme impliqué dans le nouveau mécanisme du « marché de l’eau ». D’autre part, nous pouvons penser que le désintéressement de Coyne et Bellier dans l’exploitation du bassin était nécessaire au bon déroulement du projet. Par désintéressement nous entendons le fait que Coyne et Bellier était externe au projet, ce qui a contribué à une objectivité de la part de ce bureau de conseil.
De ce fait nous en concluons que ce transfert de technologie, de la France vers le Chili, a été favorable pour ce dernier. En effet, le Chili est un pays en voie de développement qui a pu bénéficier de l’expérience d’un pays développé. D’un point de vue économique, ce transfert est donc positif pour le pays.
En revanche, du point de vue de la France, celle-‐ci a pu valoriser son expertise. En effet, en exportant son modèle et en promouvant la performance de son système, la France a pu rayonner dans ce pays d’Amérique Latine. Aujourd’hui, il existe un Réseau International des Organismes de Bassin, RIOB, créé en 1994 par le France et rassemblant plus de 130 organismes
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de bassin dans 46 pays. L’aspect positif pour la France relèverait donc davantage du domaine politico-‐diplomatique.
De ce fait le transfert a été favorable pour les deux parties. Nous pouvons rapprocher ce cas de la coopération mise en place par la France vers différents pays en voie de développement. En effet, il s’agit ici d’un travail collaboratif et bilatéral pour lequel les deux pays impliqués ont pu en tirer un bénéfice. Il est donc possible de penser que la coopération pourrait être un moyen de transférer de la technologie de manière favorable pour toutes les parties impliquées dans le processus.
3. Le patrimoine culturel français en Inde : Transfert de technologie neutre
Le dernier cas traité est axé autour du transfert du patrimoine culturel français, et notamment celui de la littérature française, en Inde. L’Inde étant un pays émergeant avec un fort potentiel économique et politique, il semble important d’étudier ce transfert de technologie. De plus, celui-‐ci concerne un secteur différent de ceux abordés dans les autres cas.
Définissons tout d’abord le contexte de ce transfert de technologie. La direction de la politique culturelle dispose de trois champs d’action, selon Guillaume JUIN, chargé de mission culturelle au Ministère des Affaires Etrangères (Annexe 4) en termes de transfert du patrimoine culturel français vers d’autres pays, et notamment vers l’Inde. Afin de mettre en œuvre la politique culturelle, le ministère des affaires étrangères s’appuie sur les ambassades de France ainsi que sur le Bureau du Livre en Inde localement et sur le Programme d’Aide à la Publication (PAP) « Tagore » pour la traduction des ouvrages, la prise en charge des droits et l’aide à la publication. Le premier champ d’action concerne le transfert d’expertise ou d’expérience de la France vers l’Inde. En effet, la France transfère son savoir-‐faire en ce qui concerne la mise en place d’exposition et la gestion des musées. Le transfert d’expertise se traduit également par la traduction des ouvrages littéraires français distribués en Inde, avec l’aide du PAP Tagore. Néanmoins, au vu des interviews et recherches effectuées, nous pouvons penser que l’évolution du PAP Tagore est à envisager afin de permettre l’édition indienne d’œuvres françaises déjà traduites en anglais par des éditeurs anglo-‐saxons. L’évolution du PAP Tagore est liée au deuxième champ d’action : le rayonnement de la France dans un contexte de concurrence culturelle. Le deuxième champ d’action est lié au rayonnement de la France dans des pays émergeants dont l’Inde fait partie. Typiquement en Inde, le rayonnement et l’influence de l’expertise française se traduit à travers un festival qui s’appelle « Bonjour India ». Comme indiqué dans le communiqué de Presse du Ministère des Affaires Etrangères, figurant en Annexe 5, le festival composé de 300 événements culturels français dans 18 villes indiennes. Celui-‐ci permet de véhiculer la production et la créativité française dans divers domaines artistiques à New Dehli ainsi que dans l’ensemble des agglomérations principales indiennes. Des auteurs français sont également envoyés en Inde pour effectuer des sessions de lectures auprès du lectorat indien. Le communiqué de presse en Annexe 5 illustre l’objectif principal du Ministère via ce festival « Conçu pour refléter la diversité de la France contemporaine et renouveler son image auprès du public indien ». Ceci traduit en effet le rayonnement évident souhaité par le pays émetteur du transfert de technologie, à savoir la France. Au-‐delà du
Figure 5 : Affiche Bonjour India
2010
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rayonnement, cela pourrait cependant également relever d’influence culturelle du pays.
Le troisième et dernier champ d’action concerne la coopération qui est un transfert bilatéral de technologie. Ce troisième champ est directement lié au festival Namasté France qui se déroule en France et permet aux français de connaître la culture indienne : « Le festival de l’Inde en France ». La coopération va permettre la coédition et la coproduction dans différents domaines : l’art, le cinéma, la gastronomie, la littérature, la mode, la musique, le théâtre ou encore le yoga.
Une première phase d’apprentissage est nécessaire au bon fonctionnement de la coopération bilatérale. Celle-‐ci consiste à envoyer une équipe d’artistes français sur place pendant deux mois dans le but de travailler en binôme avec un artiste, ou groupe d’artistes, indien. Le résultat de ce travail bilatéral fera ensuite partie de la réalisation du festival Namasté France. Le Festival Bonjour India, « Le festival de la France en Inde », relève également d’une certaine coopération bilatérale. En effet, artistes indiens et français travaillent conjointement pour la réalisation du festival.
Figure 7 : Les champs d’action du transfert de technologie France/Inde Les champs d’actions représentés dans la figure 7 ont débuté à des moments différents dans le temps. En effet, le rayonnement et la coopération existent depuis que la France a une présence diplomatique à l’étranger. Le réseau consulaire et diplomatique de la France est le plus important au monde ce qui a favorisé le rayonnement et la coopération, notamment dans les anciennes colonies françaises. Ce rayonnement s’est agrandi dans les pays émergeants par la suite. En ce qui concerne le transfert d’expertise, le Ministère des Affaires Etrangères a décidé de se lancer sur ce champ d’action au début des années 2000 du fait d’une baisse des crédits consacrés au rayonnement culturel. Cette baisse des crédits a été compensée par un transfert d’expertise et de savoir-‐faire.
Transfert de technologie : patrimoine français vers l'Inde
Coopération
Rayonnement et In�luence française
Transfert d'expertise
Figure 6 : Namasté France
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Essayons maintenant de comprendre quels sont les bénéfices pour chacun des pays : d’une part la France et d’autre part l’Inde. Dans ce cas, aucune contrepartie, ou échange financier, n’est officiellement requis -‐ comme nous l’a précisé Guillaume JUIN (Annexe 4). Le processus paraît plus complexe que celui des cas décrits précédemment. En effet, les résultats positifs liés à ce transfert de technologie se retrouvent à plusieurs niveaux comme indiqué dans la figure 8 ci-‐dessous :
Figure 8 : Les entités bénéficiant du transfert de technologie franco-‐indien Le transfert de technologie franco-‐indien présente un bénéfice pour les deux pays. En effet, la coopération fait partie d’un des champs d’action du processus du transfert. Et la coopération est l’essence même d’un échange bilatéral et donc d’un bénéfice commun et sans dimension financière. Celle-‐ci, combinée aux deux autres champs d’actions, va permettre aux deux pays de tirer un avantage commun de ce transfert de technologie. La France ayant un poids économique et culturel moins important que celui de concurrents politico-‐culturels tels que les Etats-‐Unis, il est important pour elle de se démarquer par le biais de transfert de technologie de ce type. En effet, cela permet à la France d’être au cœur de la diplomatie culturelle et de peser davantage sur un plan géopolitique. L’Inde quant à elle, est un pays émergeant qui a l’opportunité de bénéficier des savoir-‐faire d’un pays économiquement développé, comme la France, par le biais de ce type de transferts. Le transfert de technologie du patrimoine culturel français vers l’Inde peut donc être qualifié de neutre car favorable aux deux pays sur un plan culturel, diplomatique et politique. La neutralité peut être également motivée par le fait qu’aucun échange financier n’est lié à ce type de transferts. Cependant, et malgré son caractère neutre, ce type de transfert paraît très important de nos jours car il permet un échange bilatéral au cœur de la diplomatie et des échanges politiques entre deux pays. Le côté neutre de ce cas est donc à relativiser, en effet celui-‐ci peut être qualifié de favorable en fonction de notre point de vue et de la dimension sur laquelle nous nous plaçons.
Diplomates béné�ices politique et
diplomatique
Directions culturelles, ambassades françaises et interlocuteurs indiens
Artistes indiens et français impliqués dans les festivals, la coproduction, la coédition et la
lecture d'ouvrages
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Conclusion Le principal enjeu des transferts de technologie est : Combiner les connaissances, le savoir-‐faire ou l’expertise propres à un certain pays ou entreprise X, aux capacités d’un autre pays ou entreprise Y afin d’accroitre leur compétitivité face à une concurrence de plus en plus accrue sur un plan international. Un transfert de technologie s’opère en fonction d’une certaine stratégie. Cette stratégie peut relever d’un aspect économique, politique ou d’une amélioration de la compétitivité industrielle. Pour qu’un transfert réussisse, il faut respecter plusieurs étapes, décrites ci-‐dessus. Les transferts de technologie représentent une solution aussi bien pour l’entreprise propriétaire que pour l’entreprise receveuse : il s’agit véritablement d’un outil de croissance. Ils se réalisent généralement entre une entreprise ayant une technologie maitrisée, un savoir-‐faire confirmé et des objectifs de croissance dans le pays destinataire et entre une entreprise qui n’a ni la technologie, ni le savoir mais une parfaite connaissance du pays, de son marché et de ses habitudes. Alors que l’une va pouvoir s’implanter avec succès dans un nouveau pays, l’autre va tirer profit du transfert de technologie pour se mettre au niveau et avec l’objectif de devenir soi-‐même un acteur qui compte. Cependant, via un transfert de technologie le pays receveur peut devenir un concurrent potentiel. Ce risque est non négligeable pour le pays propriétaire. Malgré ce risque certain, le transfert des technologies est nécessaire pour qu’un pays, ou une entreprise, suive et survivre au sein de son univers concurrentiel. La décision de réaliser un transfert est difficile car les conséquences peuvent être à la fois positives et négatives pour un même acteur. Notons qu’il est tout aussi difficile d’anticiper certains résultats découlant du transfert, comme nous avons pu l’illustrer avec le cas des méthaniers en Corée du Sud. Les différents cas développés permettent de conclure qu’il existe une notion vraisemblablement relative quant au caractère positif ou négatif d’un transfert. Cela dépend tout d’abord du point de vue du lequel nous nous plaçons : pour X il s’agit d’une catastrophe, pour Y ce transfert est positif. De plus, un transfert peut être désastreux à court terme mais favorable à plus long terme. Un transfert peut être désastreux sous un angle stratégique (exemple : économique) mais favorable sous un autre (exemple : politique). Cela met en exergue l’inter-‐connectivité des différents angles stratégiques des entreprises. Un transfert de technologie relève d’une grande complexité. De ce fait, il est quasi-‐impossible qu’un pays soit gagnant sur tous les points. Le pays sera gagnant en fonction des objectifs fixés en amont de la réalisation du transfert. Enfin, un transfert n’est généralement pas neutre. Les exemples cités tout au long de la rédaction, ainsi que les cas détaillés à la fin du dossier illustrent qu’il existe toujours un avantage plus important pour au moins un des pays impliqués. En outre, nous avons constaté que le transfert de technologie représente une composante majeure dans la coopération internationale interentreprises. Dans la même perspective, les transferts de technologie représentent une réelle opportunité d’optimiser la croissance d’un pays en voie de développement. Le cas de la coopération France-‐Inde met en évidence le fait que les deux pays tirent un avantage du transfert. Les pays d’Asie bénéficient de plus en plus de la coopération et transfèrent ensuite leur savoir-‐faire à d’autres pays d’Asie. Sachant que le transfert de technologie est inévitable pour rester en course au sein d’un univers concurrentiel, ne pouvons pas penser qu’un échange de savoir bilatéral, et au-‐delà des contreparties financières, pourrait être la solution pour permettre un échange neutre et donc positif pour les deux parties ?
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Interview 3 : Conseiller Technique et Economique GICAN
Interview 4 : Chargé de mission à la Direction culturelle du Ministère des Affaires Étrangères
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(3)Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Transfert_de_technologie
World Trade Organization www.wto.org
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ANNEXE 1 -‐ INTERVIEW 1 : LE TRANSFERT DES TECHNOLOGIE EN GENERAL Interviewé :
• M. Michel VEDRENNE – Ingénieur International Aéronautique (DASSAULT) Les interviewers : Remerciement, Introduction, présentation, Explication du sujet avec nos différents thèmes
Le cadrage sur les transferts de technologie (TdT) donc tout d’abord, les TdT c’est pas nouveaux ça existe de tous temps : la route de soie, la découverte de l’Amérique, c’est un peu iconoclaste mais la conquête du far ouest des échanges en vue de s’attirer les bonnes grâces des gens chez qui on allait.
La route de la soie c’était surtout des achats de matières de type épices, en échange de quoi on leur a donné des fusils. Par exemple cette photo de CB qui donne des pacotilles aux indiens pour s’attirer des bonnes grâces. Ce n’est pas des TdT au sens moderne du terme mais ce sont déjà des échanges de bons procédés du fort vers le faible. Le TdT c’est implicitement des forts aux faibles et du pays développé au pays en voie de développement dans le même ordre d’idée. Le TdT s’est beaucoup développé à la fin de la seconde guerre mondiale, on peut presque dire du moment où le plan Marshall a été établi pour aider l’Europe à se rétablir suite à la seconde guerre mondiale. C’est le plan d’aide américain vers l’Europe en échange bien sûr, de l’ouverture de leur produit à l’Europe.
Le TdT avec le rideau de fer et l’époque où les Russes étaient complètement séparés du reste du monde, ils étaient quasi obligés de se développer au niveau des techniques modernes par leurs propres moyens. Ils ont copié le concorde quand le rideau de fer a été levé, j’ai eu l’occasion d’aller plusieurs fois là-‐bas et de découvrir de façon certaine que les Russes, à cause de cette autonomie imposée, avaient véritablement développés des objets à partir de technologie qui étaient les leurs et qui étaient bien souvent très originales. Tout ceci fait qu’il y a eu deux filières : une filière occidentale pour les hautes technologies et une filière soviétique. On va dire qu’elles faisaient la même chose mais en se privant de coopération et de TdT. A partir de la seconde guerre mondiale le TdT s’est développé et nous en avons été les premiers bénéficiaires. Les avions, les warboys, les allemands avaient une longueur d’avance par rapport aux autres pays européens au niveau de l’aéronautique et de l’espace.
L’une des conclusions de cette guerre a été de casser la suprématie technologique de l’Allemagne en lui interdisant de fabriquer des procédés technologiques complets comme un avion ou une fusée, du coup les allemands se sont reportés, sur la machine outils, ils sont très forts dans ce domaine. Dans l’automobile, ils ont pu continuer ils sont donc très bons dans ce domaine. Mais il y eu une époque où les TdT se sont faits de chez eux vers l’occident.
Je vous ai donné en exemple Von Braun, le père de la fusée saturne 5 qui a permis la conquête de la lune par les américains. Von Braun était un savant allemand qui était même un SS. Et à la fin de la guerre il a opté pour les Etats-‐Unis, les allemands ont essayé de l’en empêcher mais ils n’ont pas
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réussi. Et c’est grâce à leur génie que les américains ont rattrapé leur retard pour arriver à la conquête de la lune. Pour les Français, il y avait un centre où on avait nos propres Von Braun, qui n’étaient pas de la même envergure que Wernher Von Braun, mais qui nous ont beaucoup aidés dans la conception de moteur fusée pour la fusée diamant ou la fusée Ariane.
De la même façon dans l’aéronautique, j’ai été chez Dassault donc je connais bien, le mirage 3 vendu à 500 M d’exemplaires, il est drivé d’un modèle allemand, ceci montre que les TdT n’ont pas commencé aujourd’hui si vous voulez, ni hier, les TdT ont commencé il y a plus de 50 ans. Des TdT massifs ceci a apporté de réelles avancées dans le monde alors voilà ça c’est ce que j’appelle le cadrage alors est-‐ce que vous voulez qu’on développe davantage ? On aimerait savoir comment éviter les TdT négatifs ?
Alors les méthodes pour éviter les TdT négatifs, je ne suis pas sûr que cette expression soit bien heureuse, on reviendra dessus plus tard. Cette position sur la défensive n’est pas forcément heureuse
D’autres questions sur le cadrage ?
Peut être comment faire un bon TdT ?
Très bonne question, les critères sont que la technologie qu’on transfère soit intéressante mais aussi que la personne qui la reçoit soit capable de l’utiliser, de la mettre en œuvre. Ce qui veut donc dire, et votre question est intéressante, qu’on ne peut pas transmettre la technologie à n’importe qui, et c’est pas péjoratif ce que je dis, simplement il faut pouvoir l’utiliser. C’est une question de culture je vais vous donner un exemple concret, quand on a vendu des mirages 2000 aux Taïwanais, en 1992 on signé un contrat de 60 mirages à Taïwan, la question s’est très rapidement posée de leur maintien en vols, en état. Et on s’est aperçu que le pays manquait cruellement de techniciens, pas d’ingénieurs mais de techniciens, sachant ce qu’était un avion, sachant le réparer sans l’abimer et le maintenir en état. C’est un peu le problème qui se pose aujourd’hui avec les voitures modernes, si vous n’avez pas la pieuvre qui vous permet de ploguer pour voir l’état de la voiture et donc on ne peut pas autoriser l’entretien d’un véhicule moderne à un garagiste qui vit au siècle dernier. Pour réussir un TdT, il faut que celui qui le reçoit soit apte à recevoir ce TdT. Alors parfois, le TdT se traduit par une période d’apprentissage.
Un autre exemple, quand on a vendu ces mirages 2000 à Taiwan. On leur a donné à fabriqué un gouvernail d’éléments aéronautiques et avant qu‘ils n’aient pu fabriquer ces éléments, il a fallut leur transmettre des éléments des structures qu’ils fabriquaient. Ce sont des choses comme ça qui se posent en termes d’aptitudes des Technologie. C’est simplement des conditions sine qua non pour que ça marche, si on n’a pas les conditions pour que ça fonctionne, ça ne marche pas.
Par exemple, on avait donné des plans aux indiens dans le domaine aéronautique, ou dans le domaine spatial, ils n’ont jamais pu rien en faire : il n’avaient pas la structure industrielle pour mettre en œuvre ces plans.
On suspecte les chinois d’avoir acheté un airbus A380 pour le démonter entièrement et voir comment il était fabriqué, ce qui prouve la « non maturité » de l’époque si vous voulez. Un TdT ne
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marche qui si c ‘est intéressent, ça peut être périmé pour celle qui la donne mais encore d’actualité pour celle qui la reçoit, c’est une adéquation. C’est le cas le plus courant : comme ça arrange tout le monde non ?
Oui mais ça, ça ne marche pas longtemps, c’est l’époque des indiens et du far ouest ou ils leur on donné des balles et des fusils ou bien des fusils sans les balles, ça marche un moment. Vous voyez ce que je veux dire ? Oui très bien
Les américains ont réussi un tour de force en vendant des avions de chasse aux taïwanais en disant, « les missiles nous les gardons, on vous les donnera en cas de besoin. » Sur le moment ils ont dit oui, mais maintenant qu’ils ont les chasseurs et pas les missiles, ils sont furieux, mais le contrat est passé, on ne leur en prendra pas deux fois. Vous avez dit que le TdT doit être mis en œuvre par le pays qui reçoit vous avez parlé d’une phase d’apprentissage donc c’est relativement courant qu’il y ait des ressources humaines qui se déplacent pour aider le pays ?
Oui il y a des phases d’apprentissage oui, c’est pas forcément le cas le plus courant, on l’a un peu découvert sur le tard cet aspect là. Dans un premier temps on a pensé qu’il suffisait de donner des codes et des plans. On a cru que cela pourrait être utilisé par ceux qui la reçoivent, on pensait qu’ils avaient le même degré de compréhension que ceux qui la donnaient. Et puis on s’est aperçu que ce n’était pas le cas, parce que c’est un peu, ne l’oubliez pas, le rapport du fort au faible. On peut s’apercevoir que quand on apporte la technologie, ça ne suit pas derrière. Par exemple, si le produit donné est un performant mais fragile et s’il n’y a pas les moyens de dépanner sur place, au bout d’un mois, le produit ne peut ne plus fonctionner ; et conduire à un grand désarroi ou même une rancœur auprès de celui qui pensait avoir acheté un produit performant.
Un produit par exemple qui va très bien sous nos latitudes et qu’on envoie directement en Equateur peut être complètement obsolète parce que soumis à l’humidité, à la chaleur, aux mouches, tout ce qui est inhabituel chez nous. Donc il faut vraiment rentrer dans les détails. C’est souvent dans le détail qu’un TdT va réussir, il faut communiquer après le transfert, sinon ça ne fonctionne pas. Le TdT s’accompagne en règles générales d’un suivi de longue durée, et c’est évident. En réalité l’assistance technique c’est très intéressant pour celui qui transfère, parce que cela procure du travail à long terme. Ce n’est pas forcément désintéressé mais c’est absolument indispensable, je pourrais multiplier les exemples.
Le domaine de l’aéronautique est un domaine où s’applique beaucoup le TdT. Il y a aussi le domaine du nucléaire, des composants électroniques, pharmaceutiques, la chimie oui bien sûr, vous en voyez vous des TdT que je n’aurais pas cité? L’armement ? Oui l’armement bien sûr, c’est toujours à haute valeur ajoutée, à haute technologie. Alors l’armement ce n’est pas toujours un TdT quand même, ça peut être un transfert de matériel, mais ce n’est pas toujours un TdT. Qui dit transfert de technologie, par opposition secret, secret industriel, que peut-‐on transférer et que ne peut-‐on pas transférer, c’est une question importante à
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se poser. Dans le cadre des TdT quel élément une entreprise garde comme « bijoux de famille » et qu’accepte-‐t-‐elle d‘abandonner aux TdT.
Il y a un exemple très intéressent de l’ingénierie et très général, c‘est le logiciel de conception assisté par ordinateur qui s‘appelle CATIA. Il a été développé par la société Dassault. Il s’agit d’un logiciel universel qui permet de concevoir, de fabriquer les objets et même les usines qui fabrique ces objets. Au départ, ce logiciel sert à la conception des avions Dassault. Ceux qui ont conçu ce logiciel, se sont rapidement rendus compte que les autres industriels concurrents faisaient aussi ces logiciels, mais ils pensaient que le leur était le meilleur. Ce n’était pas de l’orgueil mal placé mais la réalité. Et la question suivante s‘est posée : « est-‐ce qu’on le garde pour nous et on sera les meilleurs, ou est-‐ce que l’on le commercialise au risque que la concurrence l’utilise pour faire des produits concurrents » ? Et pourquoi la société a décidé de le faire malgré tout ? C’est parce qu’elle s’est dit « je vais devoir dans le moyen terme travailler en coopération, cet outil est indispensable pour coopérer, et si ce n’est pas moi qui le commercialise, ce sera un autre je serai obligé d’utiliser le produit du concurrent et je serai pénalisé » et donc la décision a été prise de le commercialiser. Donc il est utilisé par Boeing et tous ceux qui font des avions, de la téléphonie, des machines à laver… c’est un très bon résultat commercial, ça n’empêche pas Dassault d’avoir des produits « maison ». Ici, la technologie a été transférée par le biais d’une commercialisation. Une question intéressante est : « Où commence le transfert de technologie, où s’arrête-‐t-‐il et où commence la commercialisation ? »
Mais heureusement, il y a des choses encore très dures à démasquer, par exemple, Coca Cola continue de dire que leur secret de fabrication reste gardé, pourtant tout le monde boit du Coca Cola. Il reste donc encore des secrets de fabrication.
Exemple amusant j’ai passé 6 ans à Taïwan pour accompagner la mise en service des 60 mirages dont je vous ai parlé. Et évidemment, sur ces avions il y a des produits consommables, c’est-‐à-‐dire des produits qu’il faut changer de temps en temps, par exemple des freins alors la politique de notre société, c’est évidemment de fournir les pièces de rechanges. Mais celui qui achète un produit, fait ce qu’il veut, il peut la fabriquer au lieu de l’acheter, on ne peut pas l’en empêcher. Quand on avait dit aux taïwanais, « vous faites ce que vous voulez, mais si vous fabriquez les pièces tous seuls on ne répond plus de rien », ça les a arrêtés net. Mais un jour sans nous le dire ils avaient changé sans nous le dire les étiquettes sur l’avion, et au retour de la mission, le nouveau logo tout neuf, avait disparu à la première mission. Donc même quelque chose qui n’est pas d’une grande technologie, n’avait pas pu être reproduit à l’identique par eux, et ça les a convaincu qu’il fallait mieux éviter de faire des réparations hasardeuses. Vous dites « assistance technique », mais au final c’est une dépendance ? Oui on peut dire que c’est une dépendance, ou alors on leur donne l’assistance technique qui leur permet de devenir indépendant. C’est du très long terme mais il y a des écoles d’ingénieur qui ont des antennes. Pour la Chine, qui forme des ingénieurs, un transfert de technologie est à long terme un transfert de savoir français. Alors voyez vous, vous avez dit effectivement dépendance ça pause aussi la question de la coopération TdT ou coopération ?
Vous savez la TdT c’est l’éducation aussi c’est le père et la mère qui apprennent aux enfants, c’est le même rapport, on touche beaucoup à la fierté dans cette affaire, soit on prend l’autre pour un sous-‐développé et la relation va s’arrêter soit au contraire, il y a du respect et il peut y avoir une relation de confiance.
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Mais la relation de confiance peut se terminer par une relation de concurrence ?
Toujours, la tendance lourde c’est que le TdT se transforme forcément en concurrence et en recherche de suprématie. Mais quel est l’intérêt alors pour les pays qui transmettent ?
Et bien, ne pas transmettre sa technologie et crever ou transmettre sa technologie et vivre, on est dans un monde qui est global, un pays riche en face de pays pauvres, ça marche un temps et après ça ne marche plus. Et un pays développé face aux pays sous-‐développés, ça ne marche pas non plus, parce que les pays n’ont pas d’argent pour acheter les produits développés, ça a marché un temps. L’exemple de la guerre froide où tout un monde s’était privé d’un autre monde pour des raisons idéologiques, n’a pas tenu. Mais initialement les TdT permettaient d’intégrer le marché par exemple l’Asie?
Absolument, les deux grandes motivations sont de fabriquer à moindre coût et de devenir accessible à ces pays. Et la seconde est de donner des contreparties à des gens qui achètent des choses très chers. Mais tout ça, c’est très humain, en réalité les pays qui acceptent la dépendance sont des pays très réactifs et au bout d’un certain temps les produits sont excellents et vous vous demandez pourquoi développer une filaire puisqu’ils les font aussi bien, si ce n’est mieux que moi et à moindre coût. Le pays devient majeur dans la technologie donnée et même dominateur. Le pays peut devenir totalement partenaire si on a confiance. On ne pourra plus le concurrencer. C’est le cas des composants électroniques. Le moteur d‘essuie-‐glace c’est le moteur le plus fabriqué dans le monde et donc le plus fiable, et c’est celui que personne n’a envie de réinventer pour des fins militaires par exemple.
Donc l’ordinateur que vous achetez est fabriqué au Japon, à Taïwan ou en Corée du Sud et vous ne trouverez pas de fabricant de moteur en France ni même aux Etats Unis, parce que ça n’est pas nécessaire, et tout ça est le résultat d’un transfert de technologie mais qui est passé. Cette idée de produire à moindre coût se termine toujours par une concurrence. Mais même voulue parce que en général on abandonne l’idée de fabriquer « à la place de ».
Après les composants électroniques il y a un autre domaine qui est donc de très haute technologie, la fabrication des composites qui permet de remplacer les pièces métalliques par des pièces en céramique de très haute résistance et beaucoup plus légères et faciles à fabriquer que les pièces métalliques et là encore c’est le Japon, et exclusivement le Japon, qui fournit toutes les fibres de carbone et tout ce qu’on appelle les imprégnés qui permettent quand on a tissé le produit de l’imprégner avec des résines qui quand on met le tout dans des fours permet une polymérisation pour obtenir un produit d’une très grande résistance et d’une très grande légèreté. Les occidentaux n’ont pas eu peur de laisser cette fabrication aux Japonais parce qu’il y a la relation de confiance qui va bien.
Le deuxième volet c’est la contrepartie en anglais on appelle ça des offset ça doit venir du terme de l’imprimerie, c’est faire de la copie conforme, c’est un terme un peu péjoratif on permettait à des gens de faire des choses qu’on faisait soit même mais on leur laisser le faire. Mais le terme exact c’est contrepartie à des contrats. Vous vendez une centrale nucléaire, le pays la paye une fortune
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en contrepartie il va demander des compensations, par exemple ça pourrait très bien être « vous m’achetez une partie de l’électricité que je vais fournir avec cette centrale, ça s’appelle du « buy back », ou je vous revends une partie de pièce que je vais avoir faites avec la chaine de montage que vous m’avez vendue. C’est l’exemple d’Airbus qui a vendu 200 ou 400 A 320 aux Chinois mais ils ont demandé en compensation à ce que la chaine de montage d’Airbus soit en Chine et qu’elle permette de produire pour les propres besoins des Chinois mais aussi pouvant être vendu à l’extérieur. De facto il n’y a pas qu’à Toulouse, Hambourg et en Italie qu’on fabriquera des Airbus, on fabriquera des Airbus aussi en Chine. Bon Renault fabrique la Clio en Pologne, c’est des exemples à affiner très facilement en cherchant sur google chrome vous trouverez des exemples des grands industriels qui font fabriquer des produits ailleurs pour compenser des contrats et ça amène à ce que celui qui achète le contrat fasse des activités proches de vos activités à vous.
Par exemple la Taïwan quand on a vendu les Mirages, Matra a fabriqué les missiles de ces Mirages et en compensation de l’achat de ces missiles à Matra, Matra a du réaliser une ligne de métro automatique à Taïpé et Taïwan a dit « j’achète ce métro mais c’est moi qui fait l’infrastructure de béton ». Moyennant quoi comme les interfaces entre les machines avaient été mal définies, la mise au point s’est avérée très difficile, donc exemple de mauvais transfert de technologie. C’était la contractant qui demandait à fabriquer une partie mais celui à qui on passait le contrat n’a pas su bien définir l’interface et donc la compensation a été mal perçue. Soit c’était volontaire soit c’était involontaire. En tout cas ça a été très contre productif, parce qu’au lieu de leur en vendre plusieurs ils ne leur en ont vendu qu’un. Et maintenant c’est bombardier qui a emporté le marché.
Pour revenir sur les critères de bon transfert, c’est aussi de ne pas dicter à celui à qui on transfert, le client, « vous avez besoin de ça ». C’est à lui d’exprimer son besoin. Imposer un transfert c’est toujours mauvais, enfin il y a très peu de chance que ça marche.
A propos du domaine réglementaire ou même des politiques qui auraient tendance à limiter les transferts de technologie, est ce qu’on essaye par exemple de protéger certains pays face aux transferts de technologie ou est ce qu’il y a des politiques d’entreprise qui les limitent ?
Oui il y a des restrictions aux transferts, on ne transfère en principe que des technologie non sensibles. L’autorisation ou la non autorisation est un élément de souveraineté, comme maintenant il y a beaucoup de choses qui sont faites en coopération, si Airbus fabrique un avion avec beaucoup de composants Américains quand il veut vendre cet avion il est obligé de demander l’autorisation aux Etats Unis d’exportation et ils peuvent dire non. Par exemple vous ne pouvez pas transférer certains produits à Cuba à cause de l’embargo. Récemment on ne pouvait transférer des produits à fins militaires en Chine, après Tienanmen il a été décidé d’un commun accord qu’on ne transférait plus de produits militaires aux chinois et ça a été levé il y a pas longtemps en signe d’apaisement des tensions. Ce sont des arguments très politiques qui ont des applications très concrètes.
Alors il suffit d’un composant électrique caché dans un moteur ou dans une centrale nucléaire, pour qu’un transfert ne puisse pas se faire. En France il y a un organisme interministériel qui s’appelle le Comité Interministériel EMG il comprend le premier ministre, le ministre de l’industrie, le ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères. Ils se posent la question est-‐ce que le fait de transporter ou transférer tel matériel ou telle technologie est préjudiciable aux intérêts de la France.
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Donc cette commission fait juste des recommandations ou elle peut complètement interdire à une entreprise un transfert ?
Elle est exécutoire, les conclusions du comité sont exécutoires ; il y a des dossiers qui sont déposés et qui des fois prennent plusieurs années, parce que un jour c’est vrai le lendemain ça ne l’est plus. A une certaine époque on ne pouvait plus transférer aux chinois, ou à la Russie, les pays sensibles. Alors à l’Iran n’en parlons pas… Et puis ce qui est vrai ici n’est plus vrai en deçà.
Par ailleurs les Etats Unis qui sont très influents dans le domaine des technologies et qui ont souvent vendu des licences, peuvent très bien décider que tel produit fabriqué par tel pays ne soit pas exporté sous prétexte qu’il y a une licence qui leur appartient. Tout refuser c’est une façon de mourir aussi, dès qu’on pousse le raisonnement à l’asymptote on va en générale vers un non sens, tout ça n’est qu’une question de dosage.
Il y a aussi des intérêts supérieurs qui ne sont pas ceux d’un industriel mais politiques.
Mais les justifications ne sont pas toujours rationnelles elles peuvent être politiques, économiques…Telle industrie va mourir si elle n’exporte pas tel truc et on préfère transférer plutôt que d’avoir 1 million de chômeurs.
Eviter d’être sur la défensive sur les transferts de technologie et mais poser le problème en terme de transfert ou coopération. Non transfert, transfert ou coopération, c’est la question qui se pose.
Très souvent la vision financière peut changer bien des choses, par exemple dans le domaine de l’espace, à une certaine époque la conquête de la lune c’était une question de leadership national. Mais cette conquête nationale est révolue, la station spatiale qui a donc été mise en place à grands frais et qui vient d’être terminée s’appelle station internationale. Au départ bien qu’internationale elle ne pouvait être desservie que par les américains parce que c’était un produit tellement noble qu’il y avait que les américains qui pouvait l’aborder. Quand on s’est aperçu qu’on ne pouvait pas développer de véhicule de secours pour permettre aux cosmonautes de revenir sur Terre si la station avait un problème. Les américains ont admis qu’il fallait que les russes puissent accoster leur vaisseau Soyouz pour pouvoir constituer un vaisseau de secours et donc en permanence maintenant il y a un Soyouz qui permet de rentrer dedans et de revenir sur Terre rapidement mais pire que ça aujourd’hui il n’y a plus de navette spatiale, et il y a eu un lancement de fusée Soyouz qui a amené trois hommes dont un américain à la station parce que c’est le seul moyen excisant aujourd’hui et encore pour 4 ou 5 ans pour desservir cette station. Et Barack Obama a pris une décision assez déchirante d’admettre que le leadership, la prédominance américaine disparaissait avec la disparition de la navette spatiale et cette station internationale est un gigantesque transfert de technologie qui permettait à des cosmonautes de tout pays d’accéder à une technologie dans le monde de la 0 gravité pour faire des médicaments, des roulements à bille… des tas de trucs qu’on fabrique mieux dans l’espace plutôt qu’en apesanteur. La station spatiale en soit est un gigantesque transfert de technologie mais qui aujourd’hui est dépendant entièrement du bon vouloir des russes. Donc c’est très paradoxal ! Un système de si haute valeur de transfert de technologie devrait rester entre les mains de tous ceux qui y ont un intérêt et on a accepté parce que les temps ont changé que ce soit les russes qui assurent la desserte de la station et la survie, le retour des équipages, dont des américains. C’est un exemple de renoncement à ce que l’on appelle de la souveraineté pour des raisons plus financières que politiques mais qui s’accompagne de
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gestes politiques qui sont bien vu la Russie est très fière de maintenir en vie ce système de très haute technologie fabriqué essentiellement pas les américains.
Les chinois qui font l’objet de délimitation bien nette en terme de contrat et de transfert, les chinois, grâce à leur taux de croissance et leur intelligence, sont en train de renouveler ce qu’ont fait les américains et les européens d’une certaine mesure, en voulant retourner sur la lune et en faisant leur propre station. Pourquoi ? Parce qu’actuellement la conquête de Mars en encore quelque chose considéré comme stratégique et très peu livré à la coopération. Mais si on admettait que la chine puisse participer à cette conquête en échange elle abandonnerait volontiers le recopiage de ce qui a déjà était fait il y a 30 ans. Mais il faut dans ce cas là une certaine souveraineté et c’est un peu le drame. Vous fabriquez le meilleur caviar du monde vous avez le choix de le garder pour vous ou bien de devenir vendeur de caviar.
Le transfert de technologie en fait c’est un rapport de domination ?? On parlait d’un transfert du plus fort au plus faible mais en fait pour accompagner le plus faible mais là si on parle de transfert négatif ça serait entre le plus fort et le plus faible mais pour que le plus fort écrase le plus faible en fait.
Dans la vie il y a du transfert de technologie pour dominer et pour ne pas être dominé. Pour dominer à cours terme et pour ne pas être dominé à long terme. C’est toujours très dynamique ! C’est pour ça que je vous encourage d’éviter de raisonner dans les extrêmes. Pillage d’un côté, pillage des ressources si j’ai bien compris ??!Ou au contraire piratage des données. Ca c’est deux caricatures les activités liés à des transferts de technologie sont des activités humaines qui font vivre les gens et donc elles ne peuvent exister que selon certains critères de réussite. Et pour que ça soit du « win-‐win » il faut que ce soit dans la durée, ça peut pas être seulement le jour de la signature du contrat. Si ça s’avère être de la pacotille ça ne va pas marcher comme avec les indiens du temps de Christophe Colomb.
Un exemple quand on vendait de l’armement à une certaine époque et que les gens qui l’achetaient été tellement contents de pouvoir l’acheter, qu’on leur vendait un peu n’importe quoi. Le matériel dont ils avaient besoin plus des tas de trucs en leur disant « vous en aurez besoin c’est du rechange » et quand ils ont renouvelé le contrat 20ans plus tard ils ont étaient voir dans leurs entrepôts si tout ce qu’on leur avait vendu leur avez servi. Et ils ont découvert que 80% de ce qu’on leur avait vendu n’avait jamais servi, et bien ils n’ont pas signé une deuxième fois comme ça, ils ont dit « on veut ça et ça ». Force a été de constater qu’ils étaient devenus majeurs quand on vend un produit de haute technologie à quelqu’un il faut espérer qu’il va devenir majeur. Qu’il ne va pas rester dans la dépendance, vous vendez un certain nombre de satellite de télécommunication à un pays « sous-‐développé », attendez-‐vous qu’à ce qu’un jour il fabrique son propre satellite. Parce qu’il se sera aperçu que c’était fondamentale. Et j’ai des centaines d’exemples à vous présenter.
Un qui est frappant, en 72 c’est l’année des jeux olympiques de Munich, et vous avez entendu parler du massacre des israéliens pendant ces jeux, 10 ans plus tôt la France et l’Allemagne se réconciliaient de façon définitive et en signe de réconciliation ils ont lancé plein de programmes dont un satellite qui s’appelait symphonie qui devait relier la France et l’Allemagne pour les jeux. Aux moments des jeux le satellite n’était pas prêt, on était encore un peu sous développé à l’époque, d’autre part la fusée qui devait lancer le satellite, qui était aussi un premier signe d’action européenne, les fusée explosées les unes après les autres, toutes, du premier au onzième lancement.
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Une fois que le satellite a été prêt, deux ans plus tard, la fusée n’existait pas le consentium franco allemand a dit « allons voir les américains ils vont nous lancer notre satellite ». A la NASA ils ont très bien été reçus et on leur a dit « pas de problème nous pouvons lancer votre satellite mais bien entendu pas d’utilisation opérationnelle de votre satellite ». Ca a été une prise de conscience extraordinaire, les européens se sont aperçus qu’ils étaient capables de fabriquer des satellites de télécommunication, enfin ils le croyaient puisqu’ils ne l’avaient encore jamais expérimenté en orbite, mais que jamais ils ne pourraient ne pas dépendre des Etats Unis pour leur télécommunication. C’est ce qui a permis la décision de lancer Ariane, de commencer le développement d‘Ariane en 74 et maintenant Ariane espace est le premier fournisseur de lancement de satellite de télécommunication au monde. S’il n’y avait pas eu l’erreur de la NASA de dire pas d’utilisation opérationnelle c'est-‐à-‐dire vous ne pourrez pas tirer profit de votre technologie pour la vendre à d’autres pays que la France et l’Allemagne, il n’y aurait peut être jamais eu Ariane, ni peut être l’indépendance de l’Europe en matière de télécommunication, c’est fondamental. Vous voyez l’exemple d’erreur pour maintenir une suprématie. Ne raisonnez pas à court terme mais en monnaie d’échange à long terme.
Mais ça demande beaucoup d’argent par exemple fabriquer un avion super sonique, la France toute seule ne peut pas le faire, la France et l’Angleterre avaient fait concorde qui est une superbe réussite technique malheureusement je pense qu’on peut dire que les américains nous ont sabordé le truc en ne l’achetant pas. Mais on peut le faire à plusieurs mais actuellement on a d’autres soucis que de fabriquer cet avion supersonique parce que ce n’est pas la priorité de faire Paris-‐Sydney en 2h30. Ca le redeviendra donc il faut continuer à favoriser la coopération à long terme pour arriver à développer ce type de technologie et il faut accepter de ne pas le développer tout seul.
L’avion de combat Rafale, c’est un avion Franco-‐français, le prochain sera probablement européen, et les américains sont en train de lancer un grand marché pacifique Obama est à Hawaï et il vient de signer avec le Japon les pays d’Amérique du sud et tous les pays de la zone pacifique excepté la Chine un programme, les grandes règles régissant un marché trans-‐pacifique, et il faut absolument que l’Europe puis faire un marché qui aille de l’atlantique à l’Oural là on aura un milliard d’habitants à mettre en face. Mais ça passe par un abandon de certaines souverainetés et la reconnaissance d’une supra nation.
C’est un sujet extrêmement sensible où il y a des décisions stratégiques et quand on dit stratégique ça montre bien qu’il y a des avantages et des inconvénients. J’avais été frappé par Serge Dassault que je voyais régulièrement quand j’étais à Taïwan, je lui avais dis que tous les matériels qu’on fabrique, les Taïwanais m’ont dis vous me dites combien ça vous coute nous on vous le fait à 30% moins cher. Il ne m’avait pas foutu à la porte mais il n’avait pas mis longtemps à me répondre il m’avait dit « et qu’est ce que je vais faire de mes ouvrier ». Il n’avait pas imaginé un instant fermer l’usine à cause de ça et il a raison puisque aujourd’hui l’externalisation la décentralisation, la délocalisation, c’est plutôt mal vu pour l’instant, ça reviendra peut être. A mon avis c’est inéluctable, si une entreprise gagne de l’argent globalement ceux qui travaillent dans cette entreprise en bénéficient mais c’est plus tout à fait les mêmes et à court terme c’est parfois politiquement non correcte. Il y a une part d’arbitraire dans tout ça. C’est ce qu’il faut bien que vous fassiez ressortir. Ce n’est pas une question de courage mais plutôt : est ce que on y est acculé, est ce que on peut s’en passer. Vous êtes d’accord avec cette approche ?
Oui, c’est vrai que c’est assez complexe comme thème.
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Mais je vous dis faites bien entrer la composante humaine dans tout ça.
C’est bien pour nous d’avoir l’avis de quelqu’un, on avait des positions extrêmes, très positif, très négatif. On avait un peu simplifié les choses. Au final, c’est positif à court terme mais négatif à long terme.
Ça PEUT être négatif à long terme !!! Je ne pense pas qu’il faut le vouloir à tout prix mais il faut savoir s’en servir c’est un outil. C’est tout le problème des décideurs si vous voulez. Derrière l’aspect technologique qui parait un peu « hard », comme hardware, il y a un aspect très software. C’est très très humain tout ça ! Et d’ailleurs nos activités humaines, industrielles elles sont à 80% humaines et 20% techniques. C’est jamais l’inverse.
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ANNEXE 2 -‐ INTERVIEW 2 : LA CHINE ET LES TRANSFERTS DES TECHNOLOGIE Interviewé :
• Mme Françoise LEMOINE – Chercheur associée au Centre d’Etudes sur la Chine contemporaine (EHESS)
Cadrage autour des transferts de technologie en Chine
Les pays en voie de développement comptent sur les transferts de technologie car c’est un moyen efficace d’accroitre leur croissance. Plus un pays est en retard, plus il augmente sa croissance en acquérant des transferts de technologie. En 1978, quand la Chine décide d’ouvrir son économie au monde extérieur, un de ses objectifs principaux était de moderniser son économie en important des technologies étrangères. Les transferts de technologie peuvent se faire par 3 manières différentes: -‐ Importations matérielles -‐ Investissement d’entreprise étrangère dans un pays d’accueil (implantation de modes de production modernes) -‐ Achats de brevets ou de licences mais pour que la mise en œuvre soit possible, il faut un équipement et un savoir-‐faire (savoir appréhender et appliquer la technologie nouvellement acquise) Les différentes manières d’effectuer un transfert de technologie sont souvent corrélées. En 1978, La Chine s’est beaucoup reposée sur les transferts de technologie par le biais d’investissements directs étrangers (IDE) afin d’améliorer sa croissance. On observait là une ouverture du marché sélective et une influence des entreprises étrangères à investir en Chine. C’est ainsi que la Chine s’est dotée d’une industrie puissante (automobile, …) et a acquit des capacités de production moderne. Des trois possibilités de transferts de technologie possibles, l’achat de brevets ou de licences a eu un rôle moins important en Chine. L’importation de matériels se faisait soit par une entreprise chinoise, soir par des entreprises étrangères. On a vu se développer en Chine une industrie de biens de consommation électroniques tels que les téléphones portables, ordinateurs, caméscopes, … qui s’est développée principalement grâce aux investissements étrangers. Elle a vraiment réalisé un saut technologique par ce biais. Plus de 80% des exportations chinoises de biens électroniques sont faites par des filiales étrangères. La chine est le pays assembleur, il importe les différents composants hautes technologie des pays avancés d’Asie (Japon, Taiwan, …) et les assemble dans ses usines. La Chine est le premier exportateur mondial de produits Hi Tech, mais la valeur ajoutée en Chine est très faible. Par exemple, sur un Ipod exporté par la Chine et vendu 150$, la valeur ajoutée de la Chine ne sera que de 10$ à peine. Cependant, il convient de s’interroger sur la diffusion du savoir et de la technologie dans le tissu industriel chinois. Y a-‐t-‐il diffusion et à quelle hauteur cela influence-‐t-‐il les entreprises chinoises ? D’après certaines études et notamment le travail de Mme Sandra Poncet, il n’y a en réalité pas de diffusion chez les entreprises chinoises, ou du moins, il est très difficile de la mesurer. Dans le domaine des télécoms, il y a en Chine deux entreprises majeures à savoir ZTE, Huawei Technologie, qui ont su se développer par elles-‐mêmes. Sinon, on constate parfois un effet d’éviction des entreprises locales. En effet, la venue en très grand nombre d’entreprises étrangères peut étouffer localement toute initiative chinoise. On note ainsi que l’implantation
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d’entreprises étrangères en Chine ne présente pas uniquement des aspects positifs. La différence technologique entre les industries chinoises et les autres fait que les premières n’arrivent pas à suivre l’innovation développée par les secondes. Ainsi, la stratégie chinoise actuelle vise à encourager les champions locaux dans les différents secteurs stratégiques et pousse les grandes entreprises locales à se développer à l’étranger. Nouvelles stratégies chinoises
On constate un changement de stratégie en Chine en raison de la croissance des entreprises locales et aussi puisque les transferts de technologie ne donnent pas toujours les effets initialement escomptés. La chine va inciter les grandes entreprises chinoises a investir à l’étranger pour développer leur propre capital. Ex : Lenovo qui rachète une division d’IBM, ou le rachat des panneaux solaires d’une entreprise allemande. La chine encourage également à investir à l‘étranger car c’est un moyen de renforcer son potentiel économique. En définitive, en quarante ans, la Chine est passée d’une politique d’importation à une politique d’investissements à l’étranger. Mesure de la capacité d’innovation de la Chine (nombre de brevets déposés par an)
La Chine progresse mais reste malgré tout derrière les pays innovants. Elle possède à peu prés 5% des brevets à l’international, ce qui est vraiment faible pour un pays se voulant fort économiquement. Elle investit beaucoup en recherche et développement par rapport à d’autres pays comme le Japon, mais ça reste très faible. Il existe bien une législation en Chine pour le respect de la propriété intellectuelle mais elle n’est globalement pas appliquée. Le gouvernement laisse faire et il s’agit également d’une question de culture. C’est aussi la marque d’un pays sous-‐développé. Il faut convaincre le peuple chinois que c’est dans leur propre intérêt de ne pas tomber dans la contrefaçon. Néanmoins, au fur et à mesure du temps, les Chinois prennent conscience de l’intérêt du respect de la propriété intellectuelle. En effet, les innovateurs chinois en sont aussi victimes, et c’est finalement par ce biais qu’ils en saisissent l’importance.
Les entreprises chinoises imposent souvent lors de la conclusion d’un contrat, un transfert de technologie : on le retrouve dans l’exemple d’Airbus, ou encore de l’électricité nucléaire. Dans les domaines du nucléaire ou de l’aéronautique, la coopération entre entreprises chinoises et européennes est de plus en plus forte : ce sont les joint-‐ventures.
En 1978, l’industrie de l’automobile est peu performante, le gouvernement fait donc appel aux investissements étrangers. Cependant, il existait à cette époque une réglementation en Chine : la part des investissements étrangers dans le capital d’une entreprise chinoise est au maximum 50 %. Cela permet aux chinois de conserver le contrôle et la direction de l’entreprise et favorise ainsi son propre essor. Depuis que la Chine est entrée à l’OMC, il n’y a plus de plafond pour les investissements étrangers sauf pour le secteur de l’automobile qui est une exception et qui resté plafonné à 50% (car considéré comme stratégique par la Chine). Ainsi, les parts de marché des joint-‐ventures étrangères se sont réduites car les entreprises locales se sont développées.
De nos jours, de nombreuses entreprises implantent en Chine ou en Inde leur centre de recherche et développement. En réalité, ces centres sont plus tournés vers le développement pour adapter le produit aux conditions locales et ainsi mieux pénétrer le marché asiatique. La recherche fondamentale reste généralement en Europe.
La Chine possède un système de brevets qui ressemble à celui des Etats-‐Unis : ainsi, pour déposer un brevet, le produit doit être légèrement différent du précédent (innovation incrémentale peu marquée. Par ex : un produit électronique avec uniquement un seul bouton qui change !).
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Si une entreprise estime que le produit est copié (litige), elle va faire appel aux tribunaux chinois, mais ceux-‐ci sont tellement débordés que la procédure risque de prendre des années. De là, émane la contrefaçon.
Cela reste de toute façon, un phénomène local et mineur, car la copie est souvent l’œuvre de petites entreprises chinoises qui vont se satisfaire du marché chinois.
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ANNEXE 3 -‐ INTERVIEW 3 : LES METHANIERS ET LA COREE DU SUD Interviewés :
• M. Boris FEDOROVSKY (BF) -‐ Conseiller Technique et Economique GICAN, 25 ans d’expérience dans la construction navale
• M. Jean-‐Marie CARNET (JMC) – Délégué Général GICAN Remerciements et introduction de M. FEDEROVSKY d’une part et des étudiants d’autre part. (BF) En ce qui concerne notre cas je vais commencer par vous donner une vision synthétique de ce qu’est la construction navale. Cela introduira notre cas et vous permettra de comprendre ce qu’il s’est passé. Les méthaniers sont des transporteurs de gaz naturel liquéfié (GNL). Le méthane, qu’ils transforment, est liquéfié à -‐163°C parce que sous cette forme liquéfiée il est relativement dense, et la densité énergétique le rend valable à transporter. On peut le transporter également dans des gazoducs, mais ça c’est plutôt à terre. On peut également le transporter sous forme comprimée (GNC), on y pense depuis déjà 30 ans. Cependant cela oblige à avoir des contenants très lourds qui doivent résister à une pression importante. De ce fait ce n’est pas vraiment rentable, on transporte beaucoup de tuyauterie mais pas beaucoup de gaz. Le transport du méthane se fait depuis maintenant presque 50 ans, depuis le début des années 60. Il y a eu quelques petits prototypes expérimentaux avant, mais à partir de 1964 il y a eu la construction de vrais méthaniers et l’industrie française a été dès le départ parmi les pionniers si ce n’est le leader du développement des méthaniers. Il n’était pas le seul, il y avait les anglais et les norvégiens – qui avaient des systèmes différents dont on parlera plus tard. Mais les français étaient quand même devenus autour de 1970 le premier constructeur de méthanier et ont eu le leadership en matière de systèmes de contenance du méthane. La technologie française dès le départ était le système des membranes. La technique d’isolation des membranes a été développée à 98% en France. La grande alternative aux méthaniers à membranes était les méthaniers à sphères (ou à boules). Pour les méthaniers à membranes, il y avait deux technologie : les gaufrées, la licence était à TECHNI-‐GAZ, et es planes, la licence était à GAZ TRANSPORT. Celui qui détenait la licence de la technique à sphères était MOSS, un constructeur norvégien. La technique à membranes a de nombreux avantages par rapport à la technique des sphères. En effet les sphères par définition perdent beaucoup d’espace dans le navire et pour une même quantité transportée le navire est plus large et plus haut donc il consomme plus. La production de sphères est plus onéreuse que la technique membranes. Quelle est la taille du marché de la construction navale, en particulier celui des méthaniers ? (BF) Cela reste un petit marché, en termes d’unité ou de nombre de navires, qui a décollé progressivement depuis 1964. On a eu une flotte mondiale de méthaniers qui est passée progressivement d’environ 100 unités vers 1975 à un peu moins de 200 unités autour de 1990. La progression a été très lente, surtout qu’après la flambée du prix des hydrocarbures, il y a eu une chute en 1986. Il y a donc eu toute une période où il n’y avait plus du tout d’investissements que ce soit pour l’offshore ou que ce soit pour les méthaniers. Donc il y a eu des années complètement creuses dans les années 80. En plus, dans le contexte général de la construction navale, il y avait eu un envol de la capacité de production dans les années 1975 mais en même temps il y avait le choc pétrolier, doublée en plus
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par la réouverture du canal de Suez. Donc la construction navale a connu plusieurs années de crise sévère entre 1977 et 1990 au moins. Donc pendant toute cette période il n’y a pas eu beaucoup de commandes de méthaniers, donc peu de constructions. Les quelques commandes qui ont été passées, l’ont été au Japon, qui avait un circuit fermé. Le Japon utilisait la technique des sphères. Autour de 1990, dans tous les segments du marché du transport maritime, la situation revenait à des ratios raisonnables. De ce fait on a recommencé à penser au développement du GNL. Après le passage à vide, beaucoup de chantiers avaient fermé dans le monde. Le seul acteur en Europe qui avait gardé le savoir-‐faire de la construction des méthaniers était pour l’essentiel la France avec ses chantiers de l’atlantique (Saint-‐Nazaire). Au Japon par contre il y avait encore 3/4 des chantiers importants qui avaient encore cette compétence. A quand remontaient les dernières livraisons de méthaniers des chantiers de l’atlantique ? (BF) C’est vrai que cela remontait à la dernière commande, donc 1980/1982. Il n’y avait donc pas eu de construction pendant 8/9 ans. Néanmoins le savoir-‐faire était resté car il n’y avait pas eu de grande révolution dans les années 80 du fait de la situation figée due à la crise. Les chantiers de l’atlantique étaient donc toujours les spécialistes en la matière. Que s’est-‐il donc passé dans les années 90 lorsque le marché a commencé à se développer à nouveau ? (BF) Dans les années 90 les chantiers de l’atlantique s’intéressent à nouveau aux méthaniers, ils avaient dans les années 80 commencé à développer des bateaux de croisières et paquebots. Surtout en 1985 avec la construction du souverain des mers. Ce virage vers les bateaux de croisière leur a permis de sortir vivant de la crise. En 1990 les méthaniers redécollent et les chantiers de l’atlantique se rendent compte qu’il n’y pas beaucoup d’acteurs sur ce segment, du coup les chantiers de l’atlantique ont décidé de s’y remettre. PETRONAS, la Malaisie, ont fait une commande de 5 méthaniers pour 7 milliards de francs donc une commande très importante. Cela a été à l’étonnement des concurrents japonais, mais cela s’est fait car la technologie membranes des chantiers de l’atlantique permettait un avantage de couts. De plus les taux de change entre le yen, le dollar et le franc ont permis aux français d’être compétitifs à ce moment par rapport aux japonais. Ce fut un succès pour la France lors du redéveloppement de la construction des méthaniers. Mais le problème c’est que très très vite ont déboulé les chantiers coréens. Quand est-‐ce que ces chantiers coréens sont apparus ? (BF) Les chantiers coréens sont apparus dans les années 70. Le gouvernement coréen avait décidé d’investir dans cette industrie structurante. À cette époque la Corée du Sud essayait de se lancer dans plusieurs secteurs, et son environnement lui a permis de faire cela de manière favorisée. En effet les prêts étaient à des taux favorables, sa monnaie était dévalorisée et ses coûts à l’époque étaient très faibles car les coréens gagnaient très peu. Ils ont donc pu monter leur expertise de construction navale au début des années 70/80 sur les tankers au début. Ils ont concurrencé les japonais de plus en plus et sont arrivés à la même position que les japonais au début des années 90. Ils se sont ensuite intéressés très vite aux chantiers des méthaniers, car la Corée avait besoin d’importer du GNL. Cependant la Corée du Sud souhaitait que cela soit pris en charge par un opérateur quasi coréen, la COGAZ, et des armateurs coréens ainsi que des constructeurs coréens. Il n’y avait pas de possibilité pour les chantiers étrangers de quoter sur ces affaires-‐là. Ils ont commencé à prendre une première commande en méthaniers à sphère, donc la technologie qui était à l’origine norvégienne avec le licencieur qui était MOSS. Le chantier coréen HYUNDAI a donc été le premier chantier de la Corée du Sud et a utilisé la technique MOSS, avec des sphères, pour al COGAZ bien entendu. A coté de cela, d’autres chantiers coréens voulaient aussi avoir la part du gâteau, car il y avait un gros potentiel. De mémoire il y a dû y avoir une douzaine de grands méthaniers commandés pour la COGAZ dans les années 90. Cela représentait un point de départ très important, puisque comme je l’ai dit précédemment la flotte mondiale ne représentait même pas 200 méthaniers encore. Et puis pendant les années 80 il n’y
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avait même pas eu 10 méthaniers commandés dans le monde. Cela leur a mis le pied à l’étrier : des commandes garanties et un protectionnisme total. Quels ont été les autres chantiers coréens ? (BF) Certains autres chantiers coréens après HYUNDAI ont voulu se mettre sur ce marché, pour COGAZ. Et il y avait également un chantier de moyenne taille à l’échelle coréenne, donc un chantier relativement gros quand même : il s’agit du chantier HANJIN. Celui-‐ci voulait se mettre sur les méthaniers mais n’avait pas du tout les savoir-‐faire qui s’acquièrent petit à petit. Les premiers chantiers en Corée ont construit très lentement, les délais de construction étaient nettement meilleurs en France. De plus les prix des chantiers coréens pour COGAZ étaient au-‐dessus de ceux des chantiers de l’atlantique. En effet les méthaniers vendus par les chantiers de l’atlantique à PETRONAS l’ont été, avec le taux de change de l’époque, à environ 250millions de dollars l’unité à peu près pour des méthaniers de taille classique de l’époque (125k à 130k mètres cube) ; alors que les coréens le vendaient à 290millions de dollars environ donc nettement au dessus du prix du marché français. Les employés de HANJIN se sont rendus compte qu’il y avait très peu de chantiers avec un savoir-‐faire, il y avait les français, les japonais et, soi-‐disant, les américains. En dehors de l’aspect licence -‐ que les coréens pouvaient acheter soit chez MOSS, TECHNI-‐GAZ ou GAZ TRANSPORT -‐ les coréens de HANJIN avaient besoin du savoir-‐faire d’experts pour la construction des méthanier afin d’optimiser les coûts et les délais. EN 1992, HANJIN est allé voir les chantiers les plus spécialistes sur les membranes : les français à Saint-‐Nazaire (l’atlantique) afin de pouvoir maitriser les procédés et les processus en plus de la licence. HANJIN a demandé aux chantiers de Saint-‐Nazaire de les accompagner et leur transmettre leur savoir-‐faire. Les négociations ont duré longtemps car la question était : faut-‐il transmettre le savoir-‐faire, c’est-‐à-‐dire la technologie, ou pas ? Les négociations ont duré 6 à 8 mois puis les chantiers de l’atlantique ont décidé d’accepter de transmettre leur savoir-‐faire contre un paiement important de la part de HANJIN : je ne sais plus et je ne sais pas si je l’ai su mais la somme était importante, je sais pas peut-‐être 200 millions de francs pour vous donner un ordre de grandeur mais c’est peut être n’importe quoi. HANJIN a donc payé les chantiers de Saint-‐Nazaire pour avoir le savoir-‐faire français ? (BF) HANJIN a payé les chantiers de Saint-‐Nazaire car à l’époque un méthanier se vendait à 1,4 milliard de francs. Alors si on remportait 200millions de francs à seulement transférer son savoir-‐faire cela pouvait valoir le coup, on ne peut pas dire le contraire. La problématique était que le marché COGAZ était fermé, les constructeurs qui n’étaient pas coréens perdraient et les coréens allaient avoir leur commande, il n’y avait rien à faire pour Saint-‐Nazaire. Soit les français profitaient de l’occasion pour empocher une prime au passage soit ils ne faisaient rien. Le choix est toujours douloureux mais dans ce cas là vous feriez quoi ? C’est assez difficile oui. Ça dépend sûrement si on pense court terme ou long terme… (BF) Long terme de toute façon ça ne change rien à la situation. Si ça n’était pas HANJIN qui avait eu la commande COGAZ ça aurait été un autre constructeur coréen comme HYUNDAI. Et si ça n’avait pas été Saint-‐Nazaire, donc les français, qui avaient transféré leur know-‐how HANJIN aurait trouvé un autre chantier, ou pays, qui accepterait de le faire. On pouvait aussi imaginer que HANJIN étant un chantier de moyenne taille, les français se sont peut être dit qu’ils pourraient faire des choses en commun, être de connivence. Cela aurait permis aux français de mettre un pied dans le marché coréen. Et à terme, lorsque le marché coréen aurait été ouvert, les français auraient eu la priorité…. Ou faire des choses franco-‐coréennes ensemble pour d’autres états. C’est peut être ce à quoi les français ont pensé lorsqu’ils ont donné leur accord pour transmettre leur savoir-‐faire -‐ par contre ça non plus je n’ai rien entendu, je n’en sais rien. Donc voilà le transfert a été fait, one-‐shot. Et puis derrière les chantiers coréens, qui sont partis de cette base de départ garantie par COGAZ, ont commencé à se tourner vers l’export. Plusieurs facteurs ont aidé les coréens à s’exporter.
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La crise asiatique en 1997-‐1999 a fait souffrir la Corée du Sud qui a fait dévaluer la monnaie nationale par deux ou trois pendant un moment. Une position extraordinaire qui les a rendu hyper compétitifs et leur a permis de faire du dumping sur le marché mondial. Ils avaient quand même acquis le savoir-‐faire, ils s’étaient améliorés, ils avaient donc réduit leurs délais et ils avaient maintenant des prix cassés. Ils ont été en plus aidés à la fin des années 70, puis 80 et enfin 90, par l’état Coréen qui a effacé les dettes des constructeurs de méthaniers. Les dettes étaient pourtant énormes pour la construction de chantiers flambant neufs. Les coréens ont donc pu faire davantage de dumping et baissé les prix de 250millions de dollars à 143millions de dollars en 1999/2000 – alors que les français de Saint-‐Nazaire et les japonais étaient hors course face à ce dumping coréen. De plus, le marché du méthanier a vraiment explosé dans les années 90: 5 commandes à Saint-‐Nazaire, 4 en Finlande, 2 en Italie, 11 au Japon et la douzaine en Corée du Sud. A partir de la fin des années 90 le marché des méthaniers s’est envolé. Les coréens ayant un prix défiant toute concurrence ont donc raflé la mise et ont quasiment pris progressivement 90% du marché des méthaniers entre 1998 et 2006! Donc un quasi monopole de la part des coréens. Depuis 2006/2007 sont apparus les chinois avec quelques unités, la situation a changé mais reste largement à l’avantage des coréens, environ 83% des commandes sont passées en Corée. Il y en toujours un peu au Japon et très peu en Chine. Et en France, il n’y a plus du tout de construction de méthaniers ? (BF) Le dernier méthanier a été commandé au début des années 2000 à Saint-‐Nazaire. En effet Gaz de France a commandé trois méthaniers à Saint-‐Nazaire en 2002 puis en 2004. Je dirais là on a quand même eu un avantage de proximité, ce n’est plus l’export. Et on a eu la chance, et la malchance, que les méthaniers qui ont été commandé ont été pour des navires très sophistiqués avec une nouvelle méthode d’isolation que seul Saint-‐Nazaire pouvait construire. Malheureusement il y a eu des problèmes technologiques sur le système de contrairement donc ça a été un échec financier pour tout le monde donc cela n’a pas convaincu et n’a pas été un nouveau départ. L’Europe n’a pas eu de commande dans les années 2000 – ah si pardon : 5 unités ont été construites en Espagne. L’Espagne construit des méthaniers ? (BF) Alors là aussi, vous me parliez de la Corée du Sud mais il n’y a pas eu que la Corée qui a bénéficié du transfert de savoir-‐faire de la France. En 2002/2003, l’Espagne a fait comme la Corée mais à plus petite échelle. Ils ont décidé pour l’importation pour l’Espagne de construire localement. Ils n’avaient théoriquement pas le droit avec les règles de l’UE mais ils se sont débrouillés pour réserver la commande aux chantiers espagnols, même si la commande a été passée à des prix pas très compétitifs. L’Espagne qui n’avait pas de savoir-‐faire est allé voir Saint-‐Nazaire qui pensait pouvoir construire ceci en commun 50/50. Mais les espagnols se sont gardés le gâteau et ont payé Saint-‐Nazaire. Même question : était-‐ce à faire ou à ne pas faire, je ne sais pas. Mais là c’était beaucoup plus justifié car la France pensait pouvoir construire une partie des méthaniers, ça n’a pas été le cas mais il y a eu du dédommagement. Les espagnols étaient la deuxième étape pour Saint-‐Nazaire car il y en a une troisième c’est la Chine, avec le chantier HUDONG. Car il était impossible pour Saint-‐Nazaire de vendre des méthaniers à ce pays-‐là donc la même question : faut-‐il vendre le savoir-‐faire sachant que l’on ne peut pas vendre des méthaniers. Donc ça c’est toujours en cours, mais ça permet à Saint-‐Nazaire de garder leur savoir-‐faire en accompagnant les chantiers étrangers. Donc HUDONG a le know-‐how français. Donc là c’est plus intéressant car c’est du long terme et on accompagne le chantier depuis 6 ans maintenant et cela génère un flux de revenus plus régulier. Saint-‐Nazaire a donc la possibilité de garder son savoir-‐faire malgré le fait qu’ils ne produisent plus de méthaniers. Cela concerne peut être que 10 ou 12 personnes mais néanmoins il y a toujours une équipe qui est toujours au top de la construction de méthaniers.
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Donc il y a eu trois transferts de technologie et des discussions avec d’autres pays. Donc la dernière commande de méthaniers en France a été en 2004 par Gaz de France mais c’était un cas particulier et la dernière commande classique à la France remonte à 1990, ce qui est déjà très vieux. Malgré tout on a gardé la compétence et le savoir-‐faire à Saint-‐Nazaire et on peut dire que c’est en partie grâce au transfert de technologie. En revanche l’espoir d’en vendre à nouveau est faible. Cependant cette compétence peut être utilisée pour d’autre construction comme le bunkering, qui va exploser et qui sont des méthaniers spéciaux. Mais aussi pour des navires comme les ferries ou les paquebots qui sera une application de ce savoir-‐faire accumulé. En revanche il y a 5 ans nous ne savions pas qu’il y aurait l’explosion du bunkering, on l’a compris que récemment et ce n’est pas gagné mais on peut vraiment y croire. Et aujourd’hui quelle est la flotte mondiale de méthaniers ? (BF) Alors, aujourd’hui la flotte de méthaniers est d’environ 300/350 je crois. Le marché est assez bon, des fluctuations mais ce n’est pas un marché en perdition. Il y a des commandes qui repartent avec l’effet Fukushima en particulier, le Japon a un besoin en GNL. La Russie se lance sur le GNL donc il y a une dizaine de méthaniers pour la Russie. Donc le GNL a encore quelques décennies devant lui. Maintenant le taux de change de l’euro fait que aujourd’hui la rance de peut pas construire des méthaniers classiques face aux chinois ou aux coréens. Est-‐ce que vous pensez que ce transfert de technologie entre Saint-‐Nazaire et la Corée du Sud a été positif ou négatif ? (BF) Comme vous pouvez l’analyser sur mon ensemble de dires, il a été plutôt pas négatif mais pas forcément positif non plus. Il a permis de maintenir un savoir-‐faire et d’engranger des sommes intéressantes. Il aurait pu être positif si on avait réussi à construire ces méthaniers avec les pays. Aussi si la technologie de Gaz de France avait marché cela aurait pu permettre un retour sur le marché mais cela ne peut pas être prévu, de plus le taux de change n’est pas favorable pour nous. (JMC) Un transfert c’est toujours positif mais ça dépend pour qui ! Avez-‐vous plus de précisions par rapport au processus du transfert entre la Corée et la France? (BF) Il y a eu un transfert de plans et de savoir-‐faire humain. Il y a eu un accompagnement mais c’est différent des licences de GTT, fusion de GAZ TRANSPORT et TECHNI-‐GAZ. Les coréens ont essayé de mettre au point des systèmes alternatifs d’isolation mais ils n’y sont pas parvenus en 10 ans. GTT a un fort leadership car 93% des méthaniers sont construits avec le système à membrane. GTT fait un accompagnement des chantiers complémentairement au transfert des chantiers de Saint-‐Nazaire mais ce n’est pas un transfert de savoir-‐faire. Néanmoins DAWEOO et HYUNDAI pensent à racheter GTT maintenant. Les chantiers coréens ont peur des chantiers chinois et s’ils prennent GTT sous leur aile cela leur donne une garantie et ils pourront avoir un pouvoir supplémentaire sur la Chine. Pour le coup ça c’est un autre débat : si GTT devenait « coréen » pour la France cela pose d’autres questions mais pour les actionnaires cela peut être intéressant, mais c’est une question au niveau de la société France. (JMC) Oui quand vous dite que le transfert de technologie c’est positif, mais il y a plusieurs échelons pour le positifs : cela peut être pour l’entreprise qui vend de la technologie car elle est rémunérée, et c’est moins positif si en revendant la technologie elle se créé un concurrent qui risque de la concurrencer ensuite sur ses marchés traditionnel et même prendre le leadership car ils auront amélioré la technologie. Le transfert de technologie on se dit il faut le faire, et on ne pense pas que ceux à qui on a transféré pourra améliorer et nous dépasser. C’est parfois dur de garder une longueur d’avance. Aujourd’hui l’Europe n’arrive plus à avancer aussi vite qu’avant et on se fait rattraper par les pays asiatiques qui on a transféré de la technologie. Les asiatique les produisent aussi bien, voire mieux que nous, mais surtout beaucoup moins chers avec des prix ultra-‐compétitifs. Les clients se disent donc est-‐ce qu’un produit moins performant ne le suffirait pas puisqu’il est vraiment moins cher. Dans ce cas là il y a un effet négatif au niveau de la nation, et pas de l’état,
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car on perd des emplois et des ressources fiscales. L’industrie est en décroissance, donc l’emploi industriel est en décroissance. L’emploi des services sera donc en décroissance. Si vous voulez la question est complexe et il n’y a pas de réponse unique et la réponse sera dépendante du temps et de la période. Dans les années 70-‐90 il y a avait moins de risques à faire des transferts de technologie car l’Europe était plus rapide. Les chantiers de l’atlantique ont vendu la technologie et se sont retirés. (BF) Sauf que à ce moment il y avait le fait que le marché coréen était fermé donc aucun espoir pour la France de vendre des méthaniers. A ce moment là les chantiers de l’atlantique souhaitaient arrêter la construction des méthaniers ? (BF) Le marché de la Corée était fermé donc ils n’avaient pas le choix. Le marché japonais était également fermé donc il ne restait que quelques unités à fabriquer. Qu’est-‐ce qui a fait pensé à Saint-‐Nazaire que s’il ne transféraient pas la technologie à la Corée du Sud, les coréens arriveraient à leur niveau de performance par eux-‐mêmes ? (BF) C’est que le licencieur c’est GTT ou MOSS. Donc à l’époque TECHNI-‐GAZ, GAZ TRANSPORT ou MOSS aurait vendu la licence. Ils auraient trouvé le know-‐how. (JMC) La vraie question c’est si je ne vend pas, est-‐ce qu’il y aura dans le monde quelqu’un qui lui vendra ? (BF) Oui c’est sûr. Ils auraient trouvé quelqu’un qui aurait était loin d’être le meilleur, comme les finlandais ou les italiens ou les japonais et ils y seraient arrivés, un peu plus difficilement. Maintenant les japonais par exemple ont leur marché semi-‐fermé, alors que les français non. Du coup les japonais n’ont aucun intérêt à transférer leur savoir-‐faire. La stratégie pour la France à cette époque là était donc de limiter la casse et garder son savoir-‐faire ? (JMC) La deuxième chose est que Saint-‐Nazaire avait à l’époque une politique de s’orienter davantage vers les paquebots plutôt que les méthaniers. Du coup ils voulaient vendre leur technologie sur les méthaniers pour investir dans les paquebots. (BF) C’était vrai pour les espagnols et la Chine mais pour HANJIN ils croyaient encore aux méthaniers donc ce n’était pas vraiment le cas. Ça a été plus stratégique pour la Chine et l’Espagne. (JMC) A un moment les entreprises font un choix de segments où ils seront présents. Mais le transfert de technologie est dangereux car on ne sait jamais quelles seront les conséquences. Je vais vous donner un exemple dans un autre secteur. Dans le domaine de l’aéronautique, après la seconde guerre mondiale, la France n’avait pas de compétences réelles dans la construction d’hélicoptère. On a obtenu le transfert de la licence d’hélicoptères américains qu’on appelait les bananes, les gros hélicoptères qui ont deux rotors décalés en hauteurs en avant et en arrière. Après la deuxième guerre mondiale les américains ont cédé la licence des rotors arrière. A partir de ce moment là la France a développé une connaissance en hélicoptère et qui a donné lieu à Eurocopter : aujourd’hui Eurocopter fait 50% du marché civil mondial, 1er mondial. Les 4 hélicoptéristes américains ne font que 30 ou 40% du marché au total. Les français sont maintenant les seuls à avoir des hélicoptères avec des rotors arrière qui tournent à l’envers. Les français n’ont jamais osé changé le sens car ça marche bien comme ça, et aujourd’hui à partir d’une licence obtenue des américains on est devenu les premiers mondial. Donc la les américains ont une des conséquences négatives. (BF) Un autre exemple c’est Airbus EADS en Chine. (JMC) Oui ça un jour ou l’autre oui ça va arriver avec EADS en Chine. Remerciements.
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ANNEXE 4 -‐ INTERVIEW 4 : LE PATRIMOINE CULTUREL FRANÇAIS ET L’INDE Interviewé :
• M. Guillaume JUIN (GJ) – Chargé de mission à la Direction culturelle du Ministère des Affaires Étrangères
Remerciements et introduction de M. JUIN d’une part et des étudiants d’autre part. Le ministère des affaires étrangères et divisé en plusieurs directions sectorielles, et nous faisons partie de la direction de la politique culturelle dans laquelle nous sommes une cinquantaine de personnes définir des stratégies et des politiques du rayonnement culturel à l’étranger. Et on s’appuie évidemment sur l’ensemble des ambassades de France localement à l’étranger pour mettre en œuvre et décliner les stratégies mises en place ici au ministère des affaires étrangères. Chacune de ces ambassades détenant un service culturel qui s’organisent avec un conseillé culturel, un attaché culturel et des volontaires internationaux. Donc voilà le schéma global sur lequel on est organisé avec un organisme important pour nous important sur le domaine culturel qui s’appelle l’Institut Français. Il s’agit d’un établissement public industriel et commercial, c’est en gros l’agence du ministère des affaires étrangères pour l’action culturelle. C’est à dire que nous définissons un certain nombre de politiques qui sont mis en œuvre par l’agence. Les ministères se recentrent plus sur des fonctions très politiques et stratégiques, on ne fait plus d’opérationnel en tant que tel et on ne monte plus de projets culturels. Donc on ne finance plus directement au ministère des artistes, des auteurs ou des compagnies de théâtre. Tout cela est pris en charge par l’agence donc l’Institut Français. Elle est dirigée par Xavier Darcos, c’est l’aboutissement d’une réforme engagée par Bernard Kouchner qui avait une politique très volontariste en l’occurrence sur la politique culturelle. Voilà le contexte global. Moi je suis dédié au domaine du livre, de la promotion des savoirs et du débat d’idée. Je travaille avec l’Institut Français et avec les Bureaux du livre, il y en a 32 dans le monde. Localement ils font rayonner l’édition française, les auteurs français, les écrits et idées françaises : en français dans les pays francophones et traduits dans les pays non-‐francophones. Ils ont des enveloppes budgétaires pour faire de la traduction tel qu’en aide avec un Programme d’Aide à la Publication, donc un outil local du livre à Delhi qui s’appelle le PAP Tagore. Il va localement soutenir les traductions du français vers soit des langues indiennes, l’Hindi et toutes les autres, soit vers l’anglais car évidemment le lectorat indien lit beaucoup d’anglais à travers des éditeurs anglo-‐saxons. Donc une double entrée : anglais et Hindi + langues minoritaires indiennes. Le Bureau du Livre a donc une enveloppe budgétaire pour ça et pour faire en sorte que les derniers ouvrages français, classiques ou non classiques, puissent être connus de la part du lectorat indien à travers le biais de la traduction. Ceci est un premier levier sur le livre. Ils ont un deuxième levier ce sont des missions d’auteurs et des missions d’éditeurs, le bureau du livre à Delhi organise énormément de campagnes et de visites d’éditeurs français et d’auteurs français qui ensuite tournent un petit peu sur tout le pays pour soit faire des conférence, en anglais forcément, soit faire des signatures d’ouvrages lorsque les ouvrages sont traduits, soit participer à des colloques ou à des tables rondes ou encore à des champs de recherches universitaires – avec des partenariats d’universités indiennes. S’agit-‐il d’un transfert ou d’un rayonnement ? C’est à la fois du transfert et à la fois du rayonnement. Nos actions en Inde d’un point de vue global se positionnent sur trois champs :
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• un transfert de technologie, ou d’expertise ou d’expérience • du rayonnement, on envoie des auteurs français pour qu’ils rayonnent, on traduit des
ouvrages français pour faire connaître la littérature française à l’extérieur • la coopération, donc là c’est de l’échange purement bilatéral. On fait de la co-‐édition,
de la co-‐production. Par exemple pour la co-‐production qu’un artiste qui a une troupe de danseurs va en Inde pendant deux mois faire un travail de co-‐production, ils se produisent une fois en Inde puis reviennent en France pour se produire. Donc là on est vraiment dans de la coopération bilatérale complète.
Voici les domaines d’actions sur lesquels on intervient dans ce transfert. Et sur l’Inde on mène ces trois domaines à travers :
• typiquement sur le rayonnement un festival qui s’appelle Bonjour India avec de mémoire à peu près 150 événements culturels français qui ont lieu en Inde. On fait connaître toute la production et la créativité française dans le domaine artistique en Inde. Que ce soit à Delhi ou dans l’ensemble des villes du pays.
• pour la dimension coopération à travers un festival comme Namaste France. Là on est sur une dimension de coproduction, de connaissance ou de meilleure connaissance de la culture indienne en France, donc là c’est dans l’autre sens
• ou à travers des traductions ou missions d’auteurs pour transférer et échanger l’expertise
Qu’en est-‐il du débat d’idées ? Dans le domaine du débat d’idées dans les pays avec lesquels on travaille, on va promouvoir la pensée française dans les grands débats d’idées internationaux. C’est une des missions qui est demandée aux services culturels des ambassades de France. Par exemple sur une grande conférence de la finance islamique à Kuala Lumpur en Malaisie il faut qu’il y ait des professionnels de la banque française présents pour en faire entendre une voix et une expertise française. Typiquement, sur le livre, sur l’inde et sur la propriété intellectuelle, il y a eu fin septembre à Delhi, un colloque sur le droit d’auteur, et la propriété intellectuelle mis en place par notre service culturel avec des partenaires indiens, français et allemands. Dans ce colloque, il y avait des français qui ont parlé de l’expertise française dans le droit d’auteur. Comment nous pensons notre droit d’auteur, l’échelle de rémunération quand un ouvrage est sorti, et cette idée que tout travail mérite salaire. Ce colloque permet de partager des visions avec une expertise française, et il y a une demande très forte de l’Inde, notamment du copy right du ministère de la culture indien. Il y a un fort désir de savoir comment la France pense son droit d’auteur pour ensuite l’appliquer. Il y avait à ce colloque le ministre de la culture indienne qui ensuite a été invité à Avignon. Le forum d’Avignon qui est un forum intergouvernemental, couvert par le président de la république avec l’ensemble des ministres de la culture et des affaires étrangères, ce forum à lieu une fois par an. Ce forum comporte tout ce qui est lié à la législation, et à la régularisation du droit de la création artistique et culturel en France. Ceux sont des sujets qui sont très porteurs, dans lesquels la France est un peu en avance. La France porte au niveau européen sa vision de la régularisation du livre numérique, il y a une loi qui vient de passer sur le prix unique du livre numérique, c’est à dire, les éditeurs fixent en France le prix du livre numérique, ce n’est pas le cas aux Etats-‐Unis, ce n’est pas le cas non plus dans d’autres pays européens, et y a un lobi politique de la France mené pour ceci. Tout ça pour dire que la France a un lead la dessus, a une réelle position. On est extrêmement proactif pour avoir une vision commune auprès de Bruxelles. Alors tout ça est lié, le bureau du livre à Dehli, et la demande d’expertise de la part d’institution et de ministère indien. Ils voient que la France a une position à ce niveau, surtout dans un contexte de concurrence industrielle du livre. Que faire face à des mastodontes américains, Amazone Google, Apple. Qu’est ce qu’on fait contre eux, et que fait-‐on avec eux ? Comment faire pour que ce ne soit pas Apple qui impose les prix de vente sur Amazon ? Comment dans cette chaine la, l’auteur y trouve son compte, et dans ce domaine, il y a un véritable enjeu politique. On a un certains nombres de partenaires dans le monde qui nous observent et attendent une expertise française, donc la on est dans un transfert
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d’expertise. Autre exemple quand la France accueille l’exposition Tagore à la demande d’un musée de Delhi, on n’est dans de la coopération totale et non dans un transfert, on est dans de la valorisation totale. Quand Alain Jupé lance un compte indou extrêmement connu en Inde, le Ramayana, chez Diane de Selliers, qui est un formidable ouvrage à 600 euros mais très beau. Je ne sais pas si vous connaissez Diane de Selliers, mais c’est un éditeur artistique, dans le domaine du beau livre. C’est Alain Jupé qui a lancé avec Diane de Selliers cet ouvrage. Voilà la aussi on est dans une coopération assez étroite ave l’Inde, et c’est ce que je disais pour le salon, je trouve que l’inde est un pays fascinant et très intéressant très porteur. Je pense que ça fait partie effectivement pour le ministère de nos priorités, en tout cas sur le livre, pour moi ça fait partie des trois, quatre principaux bureaux du livre avec New York, Pékin, peut-‐être Moscou et New Delhi. Pour cet échange-‐là, pour ce transfert, cette expertise, parce qu’il y a une très forte demande locale, qui est relayée par nos ambassades, et parce qu’il y a beaucoup de choses à faire. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire, il y a une très forte demande et en même temps, une très grande concurrence culturelle, notamment linguistique, parce qu’évidemment c’est l’anglais qui domine. En même temps, lorsqu’on met en place des formations de traducteurs, en indi ou en bengali, lorsque la France met en place des formations de traducteurs dans ces langues-‐là, il faut faire en sorte que les ouvrages français puissent être traduits auprès d’éditeurs, des éditeurs qui traduiraient dans ces langues-‐là, on est là aussi dans notre rôle de coopération et d’échanges d’expertise. Je ne sais pas du tout si je réponds à vos axes. Je suis très très porté livres mais c’est normal car c’est ma casquette. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de préparer notre discussion mais il est tout à fait possible de vous donner beaucoup plus d’exemples, notamment dans le patrimoine. Le patrimoine tel quel : conservation des musées. Est-‐ce qu’il y a des conservateurs de musées français qui partent là-‐bas ? Je vous ai cité l’expo Tagore ça a été le cas puisque Paris Musées qui est donc l’association qui regroupe tous les musées parisiens, une délégation de Paris Musées est partie en Inde pour monter cette exposition Tagore avec évidemment des conservateurs indiens. Donc là aussi on est dans un transfert d’expertise et dans un tissu très étroit quand même, qui est vraiment vivant, passionnant à suivre et qui est mis en œuvre par une équipe à l’ambassade de France à Delhi localement, une équipe importante et puis un budget important pour mettre en œuvre ce genre d’opérations. Donc je pourrais beaucoup plus vous détailler par écrit un certain nombre d’exemples en fonction des secteurs : le secteur de la danse, des arts plastiques, des arts visuels, du patrimoine en tant que tel, de l’architecture éventuellement, dans le livre où je vous ai donné quelques exemples. Si vous avez le temps, ça serait en effet intéressant d’avoir d’autres exemples, cependant il est vrai que vous répondez tout à fait à notre problématique. Nous avions également identifié la coopération comme un des axes à étudier, vous en parlez aussi donc c’est parfait… Je pense que si vous arriviez à mettre en perspective ces trois choses, rayonnement, coopération, expertise… je pense que ce sont trois axes sur lesquels en fait d’un point de vue politique, la France se pose, parce que le rayonnement, on en a besoin, encore une fois, ça fait déjà quatre fois que j’utilise le mot, il y a une concurrence culturelle et linguistique hyper importante. Vous le savez aussi bien que moi. On se doit d’être internationaux, tant d’un point de vue politique, de poser une position française, parce qu’on a aussi envie que la France compte sur l’échiquier mondiale, et il n’y a pas de raison qu’elle ne compte pas, étant donné tout ce qu’on fait par ailleurs dans tous les secteurs. La phase rayonnement est importante. Pour utiliser le terme influence, ça peut être de l’influence plus que du rayonnement car le rayonnement, ça peut faire un peu paillettes ou feu d’artifices du 14 juillet ! Comment on continue d’influencer ? Quand je dis « on », ce sont les grands patrons. Ils le font tous car tous les acteurs industriels et économiques le font. Mais comment le pouvoir politique et le ministère tentent de les accompagner et de leur donner une opportunité pour être présents sur ces grands chantiers et sur ces grands marchés internationaux. Je vous ai cité tout à l’heure l’exemple de Malaisie, il me semblait vraiment intéressant. On pourrait en trouver un pour là, j’en suis persuadé. C’est intéressant parce que c’est aussi grâce à un appui politique, à l’appui diplomatique de ce point de vue-‐là… Donc ça c’est effectivement l’axe influence.
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L’axe coopération parce que ça fait partie aussi de nos traditions, de coopérer et de faire en sorte de faire émerger d’un point de vue local, des actions, des compétences. On l’a beaucoup fait avec les pays que nous, nous avons appelé « zone de solidarité prioritaire ». C’est en gros toute l’Afrique francophone, plus l’Asie du Sud-‐Est, des pays en développement ou en voie de développement. Maintenant certains sont développés. Il y a tout un langage à travers l’histoire des relations internationales, la manière dont on appelait ces pays-‐là, mais en gros c’est l’Afrique francophone, l’Afrique Subsaharienne, l’Asie du Sud-‐Est. On était vraiment dans de l’action de coopération : comment on accompagne un ministère de la culture local à développer une politique culturelle. Ça c’est de la coopération et la France agissait dans ce secteur-‐là. On le fait aussi à une autre mesure avec l’Inde, parce que l’Inde n’est évidemment pas un pays en développement. On tente de le faire à travers effectivement aussi l’exemple de tout à l’heure sur l’échange d’expertises, sur le droit d’auteur. Quand le bureau des copyrights au ministère de la culture attend de la France qu’elle lui apporte des éléments de réponse sur la manière dont nous, on conçoit notre droit d’auteur pour tenter de l’appliquer localement, étant donné qu’il y a un problème sur le paiement des auteurs, la rétribution de la création en Inde. On est en plein dans une logique de coopération. Et puis le transfert de technologie, de patrimoine culturel. Voilà je pense que les trois axes peuvent être intéressants à mêler, à croiser, peut-‐être à re-‐problématiser mais cet axe expertise – transfert est aussi un axe qui est peut-‐être de plus en plus demandé par un certain nombre de nos partenaires, qui sont non plus émergents, mais complètement émergés, comme l’Inde, la Corée du Sud. C’est-‐à-‐dire qu’il y a une demande, très intéressant avec la Corée du Sud d’ailleurs, où la Corée du Sud cherche à venir capter une expertise française dans le domaine patrimoniale, culturelle, pour la calquer en Corée du Sud. On n’est plus dans la coopération, on n’est plus dans le rayonnement, on est dans un transfert de technologie, culturel, de savoir-‐faire culturel. Evidemment la Corée du Sud est un pays plus qu’émergent. C’est un pays absolument … assez fantastique à suivre, avec une capacité d’innovation et d’initiatives hallucinante. On a le même cas au Japon, en Chine et on a je pense de plus en plus le même cas en Inde. Il y a cette volonté-‐là, de voir comment on monte une exposition en France et du coup de calquer. Du coup en Inde, on a tenté de monter nos expos de la même façon. Là, on est au cœur de notre histoire de politique culturelle. Ça prouve qu’il y a un savoir-‐faire, qu’on véhicule. Qu’on marchande ?? (réfléchit) Pas tellement parce que… Existe-‐t-‐il une contrepartie quand ce savoir-‐faire est transféré à la Corée du Sud ? Non. La contrepartie est essentiellement en termes politiques. Ça compte beaucoup plus qu’on ne peut le croire. La contrepartie est politique c’est-‐à-‐dire que les Coréens se rendent comptent du coup que la France est un partenaire privilégié, très privilégié sur ces sujets-‐là. Moins peut-‐être en transferts de technologie, en capacité de grandes firmes qui viennent calquer des modèles économiques de grandes sociétés. Mais par contre, l’expertise humaine, le savoir-‐faire d’un point de vue artisanal presque, il est français. Donc la contrepartie, elle est très politique. Et elle porte ses fruits d’un point de vue politique. On s’en rend compte. Tout ça est très lié en fait. Tous ces différents domaines d’action de la diplomatie sont finalement relativement liés et tous participent à une certaine vision politique de la part de nos partenaires étrangers, qui est un petit peu le cœur de la vie politique et le cœur de la diplomatie, c’est-‐à-‐dire aussi comment continuer de compter, que la France compte sur un échiquier mondial. Ce n’est pas qu’en transférant essentiellement des masses financières. C’est aussi sur du symbolique, sur de la valeur. C’est tout l’art de la culture de faire ça. C’est là qu’on est au cœur d’une diplomatie culturelle quelque part. Comment la France compte sur un échiquier mondial ca n’est pas qu’en transférant essentiellement des masses financières. C’est aussi sur du symbolique, sur de la valeur : c’est tout l’art de la culture de faire ça et c’est la ou on est au cœur d’une diplomatie culturelle, quelque part. Pour rester sur l’exemple de Seoul, le musée Samsung basé à Seoul a demandé à l’Ambassade de France de l’accompagner sur toute la phase de conception du musée. Dans ce cas précis, on est sur de l’expertise pure. La contrepartie que la France peut avoir : c’est que tout ça est véhiculé au plus haut niveau coréen, et quand il y a une visite ministérielle, du président de la république ou du premier ministre, il y a une réelle valeur ajoutée française que d’autres pays n’ont peut être pas
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sur ce secteur là, mais peuvent avoir dans des secteurs différents. Mais on n’a pas non plus la force de frappe en raison d’un contexte compliqué et d’une grosse concurrence. D’un point de vue démographique et économique on y pèse un peu moins. On va donc compenser en quelque sorte par cette expertise la, et c’est principalement la diplomatie culturelle qui nous le permet. Et par rapport à l’Inde, quand est ce que cette volonté de la France à vouloir transférer son patrimoine, à envoyer ses livres … a t –elle réellement commencé ? Ca a toujours existé à partir du moment ou il y avait une présence diplomatique à l’étranger. Finalement ces trois axes, surtout la coopération et le rayonnement, ont toujours existé. La France dispose quand même du réseau consulaire et diplomatique le plus important au monde, il n’y a pas vraiment d’équivalent donc tout cela joue. Pour ce qui est de la question de transfert de technologie ou de transfert d’expertise, c’est un peu plus récent (entre 5 et 10 ans), ça date plutôt de début 2000 pour une raison simple : une raison très budgétaire avec une baisse des crédits consacrés au rayonnement culturel. On va donc compenser sur d’autres domaines comme l’expertise, on a moins les moyens de mettre à un moment donné 1 million d’euros sur une action culturelle qui engloberait rayonnement, coopération et transfert de technologie, on atteint plutôt les 200 000 euros. C’est aussi lié à la révision générale des politiques publiques et la crise de la dette qui fait en sorte qu’à un moment donné on se pose ces questions « d’évaluation de tout ce qu’on fait », et de telle manière on peut continuer de peser avec une réalité de budget publique moins important. Par rapport à la coopération c’est plutôt un processus français ou plutôt international ? C’est international : les collègues espagnols et allemands font pareils, les espagnols s’appuient sur des instituts Cervantes qui sont un peu les équivalents de nos alliances française à l’étranger pour les cours de langues, les allemands, quant à eux, s’appuient sur le goethe institut équivalent aussi de l’institut française. La Chine, l’Allemagne, La Grande Bretagne, L’Espagne, la France et d’une moindre mesure l’Italie et Portugal ont développé à peu près le même schéma en terme de rayonnement culturel à savoir la création d’une marque unique et d’une agence qui se charge de cela. Le Goethe institut est la marque pour l’Allemagne, donc si vous voulez apprendre l’allemand, ou trouver des livres ou films en allemands à Dehli, au Goethe institut… de même avec Cervantes pour l’Espagne, l’alliance française pour la France, et British Council pour la Grande Bretagne. On a à peu près les mêmes modèles partout, et l’exemple indien est intéressant car c’était à la base un partenariat avec le Goethe institut, qui eux aussi ont une vraie position sur le droit d’auteur. Il y a une vraie concurrence des coopérations culturelles à l’étranger : il faut que la France soit plus visible que l’Allemagne, il faut que les Indiens apprennent plus le français que l’allemand, il faut que les étudiants en échange viennent plus en France qu’en Allemagne… La France cherche à peser toujours autant avec un contexte de coopération culturelle importante. Ex au Laos : nous avons mis beaucoup d’argent pour la constitution d’un réseau de bibliothèques sur un modèle français, mais il y a eu des moins en moins d’argent pour alimenter ça, et c’est la coopération japonaise qui a prit le relais : cela a donc impliquer que les livres soient en japonais, etc … et si ce n’est pas le Japon c’est l’ Allemagne donc cela implique des cours en allemand, des livres en allemand, donc il y a une concurrence qui est réelle ; ça rejoint le début à savoir comment on tente de continuer de faire porter une voix a l’étranger. C’est pareil pour vous quand l’Essec ouvre un campus à Singapour c’est parce que si vous n’y êtes pas ça sera d’autres à la place. Et l’idée du campus c’est exactement le même schéma. Lorsque l’Essec ouvre un campus a l’étranger c’est pour peser sur un schéma d’enseignement supérieur et de modèle à la française (même si les profs sont internationaux) par rapport à une concurrence globale sur l’Asie du Sud Est. C’est le cas de la Sorbonne qui ouvre une antenne à Abu Dahbi, on est aussi dans une concurrence universitaire d’enseignement supérieur. Remerciements.
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ANNEXE 5 – COMMUNIQUE DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES SUR LE FESTIVAL « BONJOUR INDIA »
But du festival : Influence culturelle
française
Fonctionnement du Festival