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Georges Bertin,
membre du mouvement Utopia
« Il nous faut désormais envisager la culture comme un système faisant
communiquer, dialectisant, une expérience existentielle et un savoir constitué ».
Edgar Morin, 1984.
Propositions utopiennes pour 2017
I) Propositions pour une autre politique culturelle
II) Propositions pour une autre politique éducative repenser la
relation culture/éducation.
I Proposition pour une autre politique culturelle.
Finalités
La Culture ne peut plus aujourd’hui être pensée comme un bien que certains
posséderaient et que d’autres devraient acquérir (le fameux accès à la Culture
véritable tarte à la crème des programmes politiques et /ou marchands), lorsque
les possesseurs du capital culturel daignent en partager les reliefs, via des
systèmes de médiation servis par des « agents », mais bien de la penser de façon
plurielle en termes dynamiques, de revendications, d’appropriations et
d’animations autogérées par acteurs et auteurs.
Devant le constat de désengagement et d’alignement de l’Etat sur les marchés,
en découle, pour penser autrement, la nécessité de renforcer et aménager les
rapports de force, dans le champ culturel, soit de donner à tous les citoyens les
moyens de reconnaître et faire vivre leurs potentialités culturelles et créatives par
la reconnaissance des cultures populaires dans leur diversité, pour un autre
développement culturel ancré sur les territoires et leurs acteurs..
Quel projet ?
Du fait les politiques actuelles infantilisent compagnies et associations en les
soumettant à l’injonction de dépôt de projets « ponctuels » et révisables à
souhait -sur des bases désormais incompréhensibles par les acteurs. Ces
procédures pilotées par les fonctionnaires du Ministère via les DRAC (ses services
en région), sont en décalage total avec des actions qui ne peuvent, pour être
efficaces, que s’enraciner dans la longue durée, celle de tout projet culturel donc
non mécanique.
Un projet alternatif de développement culturel implique une autre conception
des rapports de force et donc de financement des projets culturels, soit :
- A l’Etat, resteraient confiés la gestion patrimoniale, les grands chantiers, les
missions réglementaires touchant aux espaces publics, dans la logique de ses
misions régaliennes et de propriétaire, comme la supervision des formations
spécifiques et diplômes propres aux Métiers de la Culture en lien avec
l’Université,
- Aux collectivités locales et régionales (en concertation avec le monde
associatif (dans le cadre d’offices créés ad hoc), incomberaient financièrement le
pilotage, la réalisation et la gestion de l’ensemble de l’action et de l’animation
culturelles, du soutien à la création artistique, elles passeraient ainsi de la
déconcentration à une vraie décentralisation. Ce qui supposerait bien entendu
des transferts de fonds de l’Etat aux collectivités comme la suppression des
bureaucraties nationales existantes.
Un projet démocratique : des offices de concertation pour l’action culturelle.
Utopia propose de repenser les politiques culturelles au plus près des citoyens,
elles seraient cogérées par des offices culturels tripartites (impliquant Etat,
collectivités, compagnies, associations d’éducation populaire et autres). Ils
auraient mission tant des diagnostics que des mises en œuvre sur le terrain.
Disposant des moyens structurels et financiers sur la longue durée, ils pourraient
faire appel à d’autres partenaires publics et privés (les dispositifs sur le mécénat
culturel abondant désormais les caisses de ces offices de concertation). A leur
service, un renouveau de contrats de soutien à l’emploi culturel, type « postes
FONJEP » pluriannuels, nous semble une exigence incontournable, et la fin de
l’arbitraire technocratique actuel piloté par le Ministère et ses DRAC.
Ces financements seraient dés négociés en toute concertation et dans le
dialogue constant et entre partenaires conscients et citoyens.
Ceci suppose une totale révision des compétences dans une perspective de
réelle diversité des approches, une décentralisation réelle.
Ainsi les intermittents du spectacle seraient supportés par ces offices sur la base
d’un fonds permanent de soutien au spectacle vivant, abondé par Etat,
collectivités et mécènes et co-géré du fait même de la structure de ces offices
formés démocratiquement et où ils seraient représentés.
Il est évident que ces compétences seraient concertées, voire redéfinies en lien
avec nos partenaires européens, la culture étant compétence communautaire
depuis le Traité de Maastricht. Actuellement, ces politiques mettent
prioritairement l’accent sur le Patrimoine, la création artistique et littéraire,
l’Histoire. Certes, les démarches politiques différent d’un pays à l’autre et toute
initiative communautaire doit passer par la compréhension des identités
culturelles locales. Ceci est un vaste chantier à entreprendre, la facilité des
échanges numériques pouvant en être un puissant adjuvant.
A l’encontre des « programmes » verticaux existant, ces offices de concertation,
proches des préoccupations des jeunes générations, encourageraient
financièrement et techniquement les échanges culturels entre groupes, entre
créateurs, les co-créations, permettraient de développer des projets communs
multinationaux, en utilisant notamment les réseaux sociaux, plutôt que de s’en
remettre aux arbitraires des technocrates ministériels et européens, comme c’est
le cas aujourd’hui.
Avec quels moyens ?
Il est de nécessité publique de remettre l’imagination au pouvoir, à partir des
œuvres vives et de la création locale et régionale.
Dans ce sens, il sera nécessaire de redéfinir le rôle social et le statut des artistes,
ainsi que le concept de droits d’auteur. Il faut donc encourager la diffusion
culturelle de sens, en faisant collaborer les cinémas d’Art et d’essais, les
compagnies artistiques, les orchestres, les ateliers créatifs, les distributeurs
indépendants et les sociétés de diffusion…, les organismes de formation et
d’éducation populaire, en privilégiant la création et le développement de S.C.O.P.
et d’associations afin d‘aider et accompagner les acteurs locaux.
Il s‘agit bien de permettre aux cultures du quotidien d’émerger, soit passer du
statut peu enviable d’assujettis aux injonctions verticales des pouvoirs institués à
celui d’acteurs de leur propre développement culturel et d’auteurs de leurs
créations, ce qui mettrait une fin à la « politique des guichets » où se complaisent
nos administrations culturelles héritées et au fonctionnement vertical.
Pour nous inscrire dans une perspective transculturelle1.
Nous vivons dans chacune de nos vies la transculturalité de nos relations personnelles sociales, culturelles. Le métissage de nos sociétés postule en effet des cultures en mouvement d’auto constitution, se libérant de la prééminence du sujet. Il donne un statut à l’imagination humaine ouvrant la voie à un universalisme culturel fondé sur la définition des cultures particulières, locales dans leur effort pour se conserver mixtes et en même temps universelles. Il s’ensuit de fait une mutation profonde définitive incontournable de nos relations culturelles dont un mouvement comme Utopia du fait même de son identité proclamée ne peut se tenir à l’écart et qui devra impacter les politiques qu’il propose.
La Société Transculturelle existe, elle n’est pas ou plus la somme de diverses cultures, mais la création collective et accélérée d’une autre manière d’être au monde. Elle rencontre déjà les aspirations et pratiques du plus grand nombre, nous amène à développer des attitudes spécifiques : respect, tolérance, curiosité, volonté de promouvoir des coopérations fortes, réinterprétation de notre passé et recherche des convergences, acceptation de l’altération à laquelle nous conduit tout contact avec l’autre culture, les autres cultures.
Un projet culturel vraiment alternatif devra en accepter les risques quand nous traversons et transgressons les frontières tant physiques qu’intellectuelles et engendrons, encore et toujours, de nouveaux échanges, quand nous avons à assumer, par exemple, que toute la littérature produite
1 Voir Bertin Georges, La Société transculturelle, Edilivres 2014.
sur la Planète est désormais recodée digitalement, stockée dans des mémoires artificielles et l’alphabet originel qui l’a codée désormais écrasé !
Il y faudra une méthode spécifique vraiment utopienne encore balbutiante pour nous saisir de ces mutations pour nous « convertir », pour adopter une vision planétaire si ce n’est cosmique de l’humanité et de son devenir, pour le rendre intelligible. Il y faudra une volonté politique et abandonner nos identités figées, les ukases frileux pour adopter une lecture fluide, dynamique et transitionnelle de notre vision du monde, plus horizontale que verticale.
Après l’homme unidimensionnel produit par l’objectivité causale linéaire, penser l’homme transculturel, c’est, empruntant les chemins de la tradition et de l’éducation populaire croisés avec ceux de la révolution numérique, faire retour à l’unité perdue de la Nature humaine.
II) Repenser notre système éducatif et la relation Culture/Education
Finalités :
Face aux conceptions actuelles d’une éducation entièrement vouée au
consumérisme et à la marchandisation des savoirs sur fond de technostructure
triomphante :
construire un projet éducatif au service d’une société alternative par une ré-
habilitation de l’Utopie éducative,
contribuer à restaurer le lien social et redonner à l’Ecole sa mission origi-
nelle en éduquant ses partenaires à un bon usage de l’Utopie en clarifiant
les notons de pouvoir et d’autorité et les positions qui en découlent,
développer l’esprit critique des élèves, étudiants, formés,
favoriser l’autonomie pédagogique.
Le projet éducatif.
Lutter contre la concentration monopolistique des moyens éducatifs (Etat et
firmes marchandes),
Promouvoir une réelle décentralisation des décisions en lien e les citoyens en
promouvant de réelles communautés éducatives ( à l’Etat, seulement, la garantie
des certifications et des compétences des enseignants) aux communautés les
décisions d’organisation et de gestion quotidienne, les recrutements etc en lien
avec les collectivités locales et la vie associative (parents d’élèves, partenaires,
élèves...°
Associer les acteurs de l’acte éducatif à une formation organisée au contact des
réalités vécus dans chaque territoire par une explicitation partagée de la co-
construction des savoirs.
Les moyens
Pour développer l’esprit critique, remettre les sciences sociales dont la sociologie,
l’histoire et le droit au cœur des programmes,
Utiliser les réseaux sociaux pour développer les apprentissages collaboratifs et
former pour ce faire, enseignants et formés, à l’usage critique du numérique
(sinon les « majors » s’en chargeront),
Concourir à l’autogestion pédagogique en généralisant et retravaillant la mise en
oeuvre des pédagogies actives telles celles initiées par Célestin Freinet, Froebel,
Pestalozzi, Maria Montessori, Makarenko, Ivan Illich, AS Neill, les pédagogies
institutionnelles, etc.
Utiliser à tous les niveaux les situations de confrontation au réel en promouvant
les apprentissages collaboratifs les analyses de pratiques, les études de cas
interdisciplinaires.
Abolir la distinction artificielle formation initiale/formation continue en instituant
des passages constants tout au long de la vie de l’un à l’autre et en capitalisant
acquis et certifications (cf. méthodes mise en oeuvre au CNAM) et en redonnant
aux élèves la possibilité de quitter le système puis d’y revenir en fonction de leurs
situations, besoins et aspirations
Revoir la formation critique des enseignants en favorisant leurs capacités
à comprendre la psychologie des élèves selon leurs âges et la dynamique
des groupes de formés,
à les animer et co-animer,
à poser un regard critique sur les tâches qui leur sont confiées,
ce qui suppose des équipes éducatives interactives entre administration,
pédagogues, techniciens, documentalistes, etc..
Aménager des passerelles entre les différents secteurs de l’Education : scolaire,
universitaire, formation continue, périscolaire et les associations à vocation
éducative.
Repenser la relation Culture/Education
Penser une alternative éducative et culturelle plurielle c’est ainsi aider les jeunes
générations –pour ne pas en être dupes et se préparer lucidement à la vie sociale-
à se situer dans ce que Edgar Morin nomme « la Triade de l’Utopie concrète »,
micro univers sur lequel se concentrent désormais les énergies pratiques de la
culture de masse sur fond de village mondial et de galaxie Internet. Cela nous
paraît au moins aussi important que les sempiternels aménagements d’horaires et
de programmes auxquels se livrent tous nos Ministres de l’Education depuis 40
ans !
Cela consistera à se mettre à l'écoute des acteurs locaux, à repérer, pour les
accompagner, les stratégies et les solidarités à l'œuvre localement dans les
communautés culturelles et éducatives de vie (et c’est sans doute la meilleure
manière de barrer la route aux intégrismes et aux communautarismes). Soit
prendre en compte la « puissance sociétale », la multiplicité des appartenances,
comme données culturelles ambiantes incontournables, sauf à se condamner à
l’impuissance éducative.
On comprendra que les données culturelles ainsi définies, dans leur diversité,
requièrent des méthodes d'approche - et donc de formation/éducation - qui
permettent de saisir les dynamiques sociales et spatiales et d’en conjuguer, sans
les exclure, les diverses dimensions. Autrement dit, il est question de briser les
logiques centralisatrices, d'ouvrir les yeux sur les communautés de vie (ou de
devenir) et leurs cultures, pour résister à l’émiettement communautariste.
Sources :
Bertin Georges, Développement local et intervention sociale, L’Harmattan, 2003. (dir).
Bertin Georges et Rauzy Danielle, Pour une autre politique culturelle, institution et développement, L’Harmattan, 2011.
Bertin Georges, La société transculturelle, Edilivres, 2014.