Conf epsylon Pascal Nouvel Les grandes questions éthiques posées par la prévention santé

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L'éthique est le domaine de réflexion qui traite de l'agir humain. Elle est souvent considérée comme l'aboutissement de la philosophie. Cependant, certains grandes questions de l'éthique se voient éclairées d'une manière neuve et inattendue par les progrès récents des sciences biologiques et psychologiques. C'est un de ces progrès qu'on s'attachera plus particulièrement à suivre dans cette conférence. On montrera ainsi que la question que posaient les philosophes stoïciens dans l'antiquité ¨C Sénèque, notamment, dans son De la colère, De Ira ¨C (« qu'est-ce que la colère et comment la contrôler ? ») est aujourd'hui reprise avec des accents différents par certains courants de la biologie et de la psychologie qui demandent : « Les comportements colériques sont-ils sous la dépendance d'un déterminisme génétique ou d'un déterminisme culturel ? Comment distinguer la part respective de chacune de ces deux contributions possibles dans un comportement donné ¨C colérique ou autre ? Et, le cas échéant, comment prévenir certains des effets de ces comportements ? » Derrière une différence évidente de formulation se laisse apercevoir une même préoccupation. Toutefois l'introduction du thème de l'opposition entre nature et culture, si typique de la philosophie scientifique dont nous sommes les héritiers, modifie aussi considérablement le point de vue sur les questions que posaient les philosophes stoïciens. On analysera ces différences à la lumière de deux contributions récentes : l'une, qui plaide en faveur d'une origine culturelle des comportements colériques, a été développée par le philosophe Peter Sloterdijk dans son livre Colère et temps paru en 2007 (Sloterdijk, 2007)`. Sloterdjik y explique que la civilisation occidentale, dans son ensemble, est coléro-centrique : la culture occidentale a toujours, selon lui, accordé une place centrale à la colère (qu'elle soit divine ou humaine). L'autre, qui plaide en faveur d'une explication en partie génétique des comportements colériques, a été développée par une équipe de chercheurs de l'Université de Bonn et a été publiée en 2009 (Reuter, Weber, Fiebach, Elger, & Montag, 2009)`. Elle affirme qu'un des gènes du génome humain peut se présenter sous plusieurs formes et que l'une de ces formes se trouve être majoritaire chez des personnes au tempérament notoirement colérique (ce que les média résument volontiers en parlant de « gène de la colère »). Le rapprochement de ces deux contributions, celle du philosophe et celle des scientifiques, sera l'occasion d'ouvrir le débat très controversé entre les explications génétiques et culturelles d'un comportement, de peser les arguments qui sont présentés en faveur de chacune des deux thèses et de présenter, finalement, les travaux qui sont en cours de réalisation, dans le laboratoire Epsylon (en collaboration avec Nathalie Blanc), pour contribuer à éclairer ce débat.

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  • 1. Les grandes questions thiques et la prvention de la sant Pascal Nouvel Dpartement de philosophieUniversit Montpellier 3 Centre dthique Contemporaine quipe Epsylon

2. Quest-ce que lthique ?Rflexion critique sur le comportement humain.Dfinition qui englobe tous les comportements humains, leurs causes et leurs consquences.En ce sens trs gnral, lthique est concerne par tous les aspects de la vie humaine. 3. Lthique en un sens plus prcisPourtant, il existe des aspects de la vie humaine qui font, plus que dautres, lobjet dune attention thique.Ce sont ceux dans lesquels un individu dit quelque chose ou sengage dans une action quil va regretter ensuite.En un sens, le sentiment du regret est le point de dpart du questionnement thique. 4. Importance du regret pour lthiqueLe regret : marque la plus vidente dun chec de lanticipation thique.Regretter quelque chose, cest dcouvrir les consquences de quelque chose que nous avons dit ou fait et les juger nfastes.Mais il y a plusieurs sortes de regrets. Et toutes nont pas le mme intrt thique. 5. Espces du regretIl y a tout dabord le regret li une tourderie, un manque dattention. Regret dinattention.Il y a ensuite le regret qui nat dune action dont on dcouvre plus tard les consquences et dont le caractre regrettable napparat quau moment de cette dcouverte. Regret diffr.Ces deux genres de regret ont quelque chose en commun : au moment o on commet laction, on na pas lide quon la regrettera ensuite. 6. Troisime sorte de regretIl y a une troisime sorte de regret qui est bien plus intriguant au point de vue thique.Il correspond aux cas o le regret se prsente dans le temps de laction elle-mme.Cas o on accompli quelque chose en sachant quon va le regretter. 7. DistinctionL encore, il convient de distinguer deux cas :Cas du regret problmatique : le regret est li lexamen de la situation. Cet examen nous montre quil ny a pas dissue favorable une situation donne.Cas du regret instantan : sanalyse comme un rapport de force interne entre des impulsions contraires. 8. Kierkegaard Ou bien... ou bien (1843) Ramasse ton chapeau, tu le regretteras. Ne leramasse pas, tu le regrettera aussi. Et maintenant, tupeux choisir ! Deux options apparaissent, mais chacune se prsente comme funeste.Cas de lhomme qui pense au mariage, par exemple. 9. Conflit dimpulsionsLe conflit se prsente entre une impulsion raisonnable mais prsentant peu dattraits immdiat et une impulsion draisonnable mais prsentant un puissant attrait immdiat.Cest le cas lorsque, par exemple, nous subissons unaffront et que nous dsirons nous venger tout ensentant ce que cette vengeance peut avoir de nfastepour nous. 10. Le regret instantanSi on opte malgr tout pour la vengeance, on sengagedans un acte quon regrette instantanment.Lindividu agit contre lui-mme.Comme si il tait mu par une force qui le subjuguait. Emport par une puissance qui le dpassait.Il ne peut empcher un mouvement, un geste, une parole alors mme quil pressent ses consquences nfastes. 11. Mde furieuse de Delacroix (1862) 12. Optimisme de lthiqueAu point de vue de lthique, il sagit l de situations particulirement difficiles aborder.En effet, lthique se fonde sur lide, optimiste dans son fond, que rflchir sur une situation permet de modifier un comportement.Or, on a l un cas qui se prsente comme une sorte de dfi cet optimisme de lthique. 13. Agir contre soiCette situation ne concerne pas seulement le personnage mythique de Mde. Ni mme seulement les cas de colre ou de vengeance.Elle se prsente dans un ensemble de cas o lesindividus agissent contre eux-mmes .Cest ce que les Grecs nommaient lakrasia qui peutse traduire par : paradoxe de la volont . 14. AkrasiaOn parlera dakrasia pour dsigner, par exemple, les situations dans lesquelles un individu ne suit pas les rsolutions quil a prises lui-mme et quil sait tre bonnes pour lui : sa volont parat divise.Le non-respect dun traitement mdical, par exemple (non observance) est un cas dakrasia. Son analyse est dcisive pour la prvention.La procrastination, etc. 15. PlanDans cette confrence, je voudrais mintresser une situation dakrasia particulirement vidente : la colre.Je le ferai en suivant, dans une premire partie, lafaon dont ces phnomnes furent conceptualiss etcompris dans lantiquit.Je suivrai ensuite la faon dont nous les comprenonsaujourdhui. 16. ProblmatiqueDonc, deux parties dans lesquelles je suivrai plus particulirement :Le couple passion-raison dans lantiquit.Le couple nature-culture lpoque contemporaine.Lanalyse de la diffrence entre ces deux couplespermet de faire ressortir les problmatiquescontemporaines. 17. Mde Je vois le meilleur, je lapprouve, et je fais le pire . Video meliora, proboque, deteriora sequor .Emblme de la servitude des passions.Platon, Protagoras : connatre ce qui est le meilleuret ne pas le faire, bien quon le puisse, et faire lecontraire. 18. De la passion la raisonLa passion = maladie de lme.Philosophe = mdecin de lme.Paradigme de la passion = la colre.La passion, en tant que maladie, soppose laction. Une passion est une servitude = elle entrave laction.La passion soppose la raison. 19. Aristote vs StociensDerrire cet ensemble de notions cohrentes, qui fonctionnent comme un systme, on trouve nanmoins des oppositions. Grande opposition :La colre est une passion. Elle est donc mauvaise.Mais nexiste-t-il pas de bonnes colres ?La colre est-elle parfois utile ou toujours nuisible ? 20. Valeur de la colreChez Aristote : il existe de bonnes colres. Lindignation, quand elle est justifie, est une colre bonne.Un homme qui ne serait pas capable dprouver de la colre ne serait pas mme un homme pour Aristote.Pour les stociens, au contraire, la colre est toujours mauvaise. Cest la vertu qui fait quon ragit un affront. 21. Akrasia = passionMais le point commun, cest que lakrasia est pense comme une des proprits de la passion.La passion nous fait faire des choses que nous regrettons ensuite.Il importe donc de dcrire la passion en dtail.Ceci pour mieux parvenir la matriser. 22. Stocisme : Snque (-4, 65), De iraSnque, De la colre(entre 41 et 49).Origine de la colre.La question de la colre chez lanimal : les animaux connaissent-ils la colre ? 23. Rponse de Snque La colre est inconnue des btes sauvages et de tousles tres lexception de lhomme. En effet,quoiquelle soit lennemie de la raison, elle ne peutnatre pourtant que l o il y a place pour la raison.Les btes ont de lemportement, de la rage, de lasauvagerie, des dispositions agressives, mais elles nesont pas plus susceptibles de colre que de luxure, etpourtant pour certaines volupts elles sont plusardentes que lhomme. Les animaux nont que des semblants de colre. 24. De la passion lmotionJe passe lanalyse de la situation contemporaine.Elle se caractrise par le remplacement du couplepassion/raison par le couple nature/culture.Et aussi par le dplacement du concept de passion quiva tre progressivement abandonn au profit duterme dmotion.A lorigine de cette transition : la question de lmotion chez les animaux. 25. Place de Darwin dans lanalyse desaffectsLexpression des motions chez lhomme et chezlanimal (1872).Darwin met laccent sur le fait que les motions existent dj chez lanimal. Lhomme prsente des caractres qui prolongent ceux de lanimal.Phylogense implique ontogense : lontogense des motions se comprend par leur phylogense. 26. Phylogense du sentimentHomo sapiens : 200 000 ans.Homo : 2 000 000 ans.Plus proche anctre commun avec le chimpanz :environ 8 Millions dannes.Plus proche anctre commun avec les mammifres :220 millions dannes.Premiers vertbrs : 400 millions dannes.Hutre : 600 millions dannes. 27. Antonio Damasio (2003) Les sentiments de douleur ou de plaisir, ou de touteautre qualit, forment le soubassement de notreesprit. Bien souvent nous ne remarquons mme pascette ralit lmentaire parce que les imagesmentales des objets et des vnements qui nousentourent, ainsi que les images associes aux mots etaux phrases qui les dcrivent, absorbent une grandepartie de notre attention. Mais il sont l. Ils sont lamusique qui habite sans cesse notre esprit. 28. Culturel vs biologiqueIl sagit l du fond commun de la rflexion sur le sentiment.Mais il y aussi dimportantes diffrences. Deux grandes tendances de lanthropologie contemporaine :Anthropologie culturelle et anthropologie biologique.Que devient la question de la colre ? 29. La question de la colre2007 : Sloterdjik, Colre et temps> Anthropologie culturelle.2009 : The biological basis of anger (les fondementsbiologiques de la colre)> Anthropologie biologique.Deux contributions reprsentatives de ltat actuel de la question. 30. Conflit des anthropologiesLanthropologie culturelle a mis laccent sur ladiversit des cultures humaines et des motions.Lanthropologie biologique a mis laccent sur lunitdes cultures humaines.La premire nous montre la relativit des cultures, la seconde nous montre lunit sous-jacente cette diversit. 31. Anthropologie culturelle de la colreLe livre de Peter Sloterdjik, Colre et temps.Montre que notre culture, depuis ses origines, a entretenu une rflexion constante sur la colre. 32. Le premier mot de la littratureHomre, Illiade (850-750 Desse chante-nous la av JC)colre dAchille, de ce fils de Ple, colre , ,dtestable qui valut aux Argiens dinnombrables , malheurs, et jeta dans lHads tant dmes de hros... 33. Les colresColre divine : Dieu et Colre humaine : un des ses prophtes ont des pchs capitaux ; celui colres qui, parqui est, par ailleurs, dfinition, sontanalys par les saintes .philosophes.Colre des peuples :Colre culturelle : la scande lhistoire colre nexiste pas en politique des nations.tant que telle. Elle est Partis politiques = constamment redfinie banques de la colre. par les cultures. 34. Eskimo UtkuLes Eskimo Utku qui, selon Jean Briggs ne se mettent jamais en colre.Never in anger : portrait of an eskimo family, Harvard University Press, 1970. 35. Les siouxRoyal B. Hassrick, Les Sioux : Vie et coutumes dune socit guerrire, Albin Michel, 1993.Conclusion : la colre est un comportement culturellement (ou socialement) construit. 36. Anthropologie culturelleSloterdijk passe en revue lensemble desmanifestations de la colre.Sa conclusion est que notre civilisation sest construite la fois par et contre la colre.Par la colre parce que les grands moments qui lontfaonne sont des moments de colre collective. 37. Colro-centrismeMais aussi contre la colre car la colre apparat comme la grande cole thique de loccident.Cest en dveloppant des techniques contre la colreque lhomme occidental a appris devenir matre delui-mme avant de se proposer de devenir, comme ledira Descartes, matre et possesseur de la nature .Conclusion : la culture occidentale est colro- centrique. Mais pourquoi lest-elle ? 38. Biological basis of anger Center for Economics andneuroscience Universit de Bonn. Martin Reuter Travail dirig par Christian Montag Weber Berndt Christian Fiebach Christian Elger 39. Behavioural Brain Research (2009)The biological basis of anger. La colre est une des motions fondamentales quontrouve autant chez les animaux que chez leshumains, et, chez ces derniers, dans tous les groupesethniques. On saccorde sur le fait quil existe des variationsindividuelles de la propension la colre qui vontdu normal au pathologique. 40. Place dans la littrature scientifiqueLarticle se rattache un vaste ensemble deproductions qui, depuis environ 15 ans, estgnralement dsign sous lintitul gntique ducomportement .Le principe en est le suivant : on caractrise un type de comportement. On cherche ensuite identifier un gne qui lui est associ de faon statistiquement significative.Exemples : violence, fidlit, homosexualit, etc. 41. Gne de la violence ?Couverture : revue Science, 28 juillet 2000.Un dossier y est consacr la gntique de la violence et ses consquences sociales prvisibles. 42. Imposture possibleIl est rare que les scientifiques parlent de gne de la violence .Ils savent quun comportementnest jamais dtermin parun gne unique.Voir : B Jordan, 2000, Les imposteurs de la gntique. 43. Conflit didologiesCe nest pas parce quil y a des charlatans parmi les mdecins que tous les mdecins sont des charlatans.De mme : ce nest pas parce que certains discours peuvent tre des impostures quil faut rejeter tout tous les rsultats qui sont voqus dans ces discours.Ce serait rejeter une idologie pour tomber dans une autre. On passerait dune idologie de lexplication biologique un refus non moins idologique de ces explications. 44. MthodeIl faut donc examiner en dtail ces rsultats pour juger adquatement de leur pertinence.En ce qui concerne larticle sur les fondements biologiques de la colre, comment les auteurs ont-ils procd ?Ils partent de lide gnrale que des gnes pourraienttre associs certains traits de caractre (nonpathologiques). 45. DARPP-32Ils se tournent vers un gne dj connu pour treimpliqu dans certaines pathologies (enloccurrence : addiction aux drogues etschizophrnie).Ce gne : DARPP-32, est situ sur le chromosome 17 chez lhomme (11 chez la souris).Il code pour une protine qui rgule le niveau de rponse la dopamine (neurotransmetteur). 46. Donnes connuesCe gne existe sous deux formes qui sont identifies par un polymorphisme sur un nuclotide unique qui peut tre C ou T.On a donc trois gnotypes possibles : TT, TC ou CC (gnome diplode).La prsence de lallle T : associ des pathologies (schizophrnie, addiction). 47. Question pose par lquipeEst-ce que le mme gnotype nest pas associ des comportements non pathologiques, comme la colre ?Lquipe a procd de la faon suivante :838 volontaires sains. Sur chacun deux ils onteffectus trois tests diffrents : un testpsychologique, un test biologique, un test gntique. 48. Les trois paramtres testsLe test psychologique est le test de personnalit labor par Jaak Panksepp (ANPS : Affective Neuroscience Personality Scale) consistant en un questionnaire prsentant 110 entres auquel il est rpondu sur une chelle de Likert en 4 points.Le test gntique repre le gnotype de la personne (TT, CT ou CC) > extrait de salive.Le test biologique consiste dterminer le volume de lamygdale de la personne > RMN. 49. Panksepp - ANPS 50. RsultatsSur les 838 personnes testes, une corrlation statistiquement significative apparat entre :1) Propension la colre (paramtre ANGER du testANPS).2) Gnotype TT ou TC vs CC.3) Volume de lamygdale (obtenu par rsonancemagntique). 51. ConclusionLe temprament colrique est, en partie, sous la dpendance dun dterminisme gntique.Ce que les philosophes classiques appelaient notre nature peut tre plus prcisment dtermine comme nature gntique .Les auteurs compltent leur tude de considrations sur la gntique des populations humaines. 52. Hypothse sur le colro-centrismeL nous trouvons une esquisse de rponse la question de savoir pourquoi la culture occidentale est colro-centrique .Les auteurs ont dtermin la frquence des allle TT, CT et CC dans les populations humaines.Ils trouvent quelle est plus leve dans les populationseuropennes (85 % TT + CT, 15 % CC) quailleurs. 53. Valeur de la colreLes auteurs se demandent finalement si la colre est bonne ou mauvaise.Ils remarquent que la colre peut avoir une certaineutilit et ils posent (sans le savoir apparemment) leproblme que posaient dj Aristote : existe-t-il desbonnes colres ?Donc : la gntique na en rien fait progresser le dbat thique. 54. Retour sur lakrasiaLakrasia nest plus pense comme conflit entre laraison et la passion mais comme conflit entre lanature et la culture.Cest parce que le contexte (au sens large :environnement + culture) dans lequel je me trouveprsente un dsaccord avec ma nature que cettedernire se comporte dune manire akratique.On a entirement chang de rfrentiel. 55. Problmatique contemporaineLes uns disent : la personnalit de chacun est dtermine par sa culture .Les autres disent : cest notre tre biologique - qui est ultimement le produit de nos gnes - qui dtermine notre comportement .Les deux thses ne sont pas incompatibles, mais selon quon prte plus attention la premire ou la seconde, on va regarder les comportements humains de faons diffrentes. 56. Exprience de penseAvant den venir lintrt que peut avoir la prise en compte de certains lments de la problmatisation antique de la colre, je voudrais montrer quil est impossible de trancher entre ces deux thses.Supposons deux jumeaux vrais qui diffreraient sur un seul point : lun deux serait porteur de lallle T et lautre porteur de lallle C du gne DARPP-32.On pratique un test ANPS vers 25 ans. 57. Origine du colrique Supposons que nous trouvions le rsultat que nous pouvons attendre ayant lu larticle de Reuter et al.Le plus colrique des deux est celui qui porte lallle T. Supposons que nous renouvelions lexprience un grand nombre de fois et que nous trouvions chaque fois la mme chose.Pourrait-on en conclure que lallle T de DARPP-32 est responsable du caractre colrique ? 58. Rponse : non. Pourquoi ?Parce que mme si les deux jumeaux ont t levsensemble, dans les mmes conditions, le fait que lundeux ait simplement tendance se mettre un peuplus facilement en colre va faire que, trs vite, il vase mettre dans des situations spcifiques qui vontelles-mmes laisser leur empreinte sur sapersonnalit (reprables sous la forme de souvenirs personnels ).Donc : impossible dassigner lorigine de diffrence. 59. Limites de lopposition nature/cultureLes deux lments propension naturelle et exprience de vie vont produire des diffrences sans quil soit possible den dterminer lorigine.Cest ce caractre inextricable quil sagirait dtablirde faon rigoureuse.Il est possible de le faire. Mais on ne peut le faire si on reste dans le cadre de la problmatique actuelle dont on a dsormais peru les limites. 60. Dpassement de loppositionPour sortir du cadre dans lequel ces questions se sont poses, il faut tenir compte de lhistoire de ces questions.Cest--dire : percevoir derrire le plan de loppositionnature/culture (qui caractrise la problmatisationcontemporaine) lopposition raison/passion (quicaractrise la problmatisation antique). 61. Principe de lexprienceCest ce que nous allons faire dans le cadre duneexprimentation qui est en cours dans le laboratoireEpsylon en collaboration avec Nathalie Blanc.Nous allons suivre dun ct ce qui est le plus dtermin par la nature (gne), de lautre une activit qui est fortement dtermine par la culture (en loccurrence lactivit de lecture dun texte).Puis examiner les liens nature/culture avec raison/passion et les souvenirs personnels. 62. ConcrtementDes personnes porteuses des deux allles (T et C) de DARPP-32 seront invites lire un texte antique sur la colre et relater les expriences personnelles.Le rsultat attendu est le suivant : les personnes porteuses de lallle T vont dcrire plus dexpriences personnelles en rapport avec le texte.Conclusion : On ne peut pas plus dire dune personne quelle est colrique cause de ses gnes qu cause de ses expriences personnelles. CQFD. 63. ConclusionJe vous donne rendez-vous dans quelque mois pourdiscuter des rsultats.Et pour voir de quelle manire ces rsultats peuventtre utiliss dans le cadre de la prvention de lasant.Du point de vue de la mthode : on mobilise des savoirs qui appartiennent des domaines gnralement traits de faon spare (littrature, philosophie, science). Donc : interdisciplinarit. 64. Hraclite (VI me sicle av JC)Le caractre, pour lhomme, cest son dmon Lecaractre, pour lhomme, cest son destin. Il ny a, pour chacun, pas dautre dmon que soncaractre mme. Si le choses, les vnements,prennent pour nous bonne ou mauvaise tournure, cenest pas d lintervention dun dmon : cest notrecaractre mme qui est notre dmon , cest--direqui fait que les choses tournent pour nousfavorablement ou non. De sorte que le caractre,pour lhomme, est son destin.