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Forum Les Échos Table ronde « Environnement réglementaire, fiscal et juridique des acteurs du net et des télécoms : quelles évolutions nécessaires pour un nouvel équilibre ? » Jeudi 14 juin 2012 Intervention Pierre Louette, Président de la FFTélécoms, Directeur général adjoint et Secrétaire général du Groupe France Télécom Orange 1. Il faut avant tout rappeler une évidence : les opérateurs sont des acteurs-clés, non seulement de l’écosystème numérique, mais de la croissance et de l’emploi dans notre pays. o Sans réseau qui fonctionne bien – et on peut vraiment parler de qualité pour les réseaux télécoms français - pas d’accès à la couche « visible » des services numériques, que nous utilisons au quotidien (Google). L’émergence des services cloud, avec lesquels vous accédez à vos applications et à vos données en ligne, ne fait que renforcer ce caractère essentiel des réseaux. o Avec 6Mds€ d’investissement annuel dans les réseaux et les services 1 , les opérateurs télécoms contribuent naturellement pour une part significative à la croissance, à la productivité des entreprises, à la compétitivité de l’économie et au bien-être social de nos concitoyens. Selon COE Rexecode, l’investissement dans le numérique explique 25% de la croissance française, dont 2/3 par effet indirect (contribution à la productivité globale de l’économie). Selon la Commission Européenne, dix points de plus dans le taux de pénétration du très haut débit dans l’UE, c’est entre 1 et 1,5 point de croissance économique en plus. 1 hors achat de licences mobile, qui ont compté pour près de 5 milliards d’euros entre 2010 et 2012.

Intervention Pierre Louette au Forum des Télécoms du Net

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Page 1: Intervention Pierre Louette au Forum des Télécoms du Net

Forum Les Échos Table ronde « Environnement réglementaire, fiscal et juridique des acteurs du net et

des télécoms : quelles évolutions nécessaires pour un nouvel équilibre ? »

Jeudi 14 juin 2012

Intervention Pierre Louette, Président de la FFTélécoms, Directeur général adjoint et Secrétaire général du Groupe France Télécom Orange

1. Il faut avant tout rappeler une évidence : les opérateurs sont des acteurs-clés, non seulement de l’écosystème numérique, mais de la croissance et de l’emploi dans notre pays.

o Sans réseau qui fonctionne bien – et on peut vraiment parler de qualité

pour les réseaux télécoms français - pas d’accès à la couche « visible » des services numériques, que nous utilisons au quotidien (Google). L’émergence des services cloud, avec lesquels vous accédez à vos applications et à vos données en ligne, ne fait que renforcer ce caractère essentiel des réseaux.

o Avec 6Mds€ d’investissement annuel dans les réseaux et les services 1, les

opérateurs télécoms contribuent naturellement pour une part significative à la croissance, à la productivité des entreprises, à la compétitivité de l’économie et au bien-être social de nos concitoyens.

Selon COE Rexecode, l’investissement dans le numérique explique 25%

de la croissance française, dont 2/3 par effet indirect (contribution à la productivité globale de l’économie).

Selon la Commission Européenne, dix points de plus dans le taux de

pénétration du très haut débit dans l’UE, c’est entre 1 et 1,5 point de croissance économique en plus.

1 hors achat de licences mobile, qui ont compté pour près de 5 milliards d’euros entre 2010 et 2012.

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Pourtant, de manière très paradoxale, les opérateurs sont surfiscalisés à hauteur de 20% de leurs investissements et de 12% de leur compte d’exploitation.

o De quoi parle-t-on ? D'une surfiscalité spécifique au secteur des télécoms, qui vient s’ajouter à la fiscalité générale des entreprises déjà payée par tous les opérateurs, afin d’alimenter soit le budget général, soit des comptes de soutien particuliers, notamment dans le domaine de la culture. Au total, plus de 1,2 milliard d’euros pour les membres de la FFT en 2011

- dont 400 millions d’euros pour l’IFER cuivre, 230 millions d’euros pour la taxe destinée à alimenter France Télévisions et 150 millions d’euros pour le Cosip.

o Alors que d’autres grands pays comme les USA, dotés d’une politique

industrielle appropriée, préservent les acteurs du numérique de toute surfiscalité, la politique française grève les capacités d’investissement des opérateurs et, partant, le déploiement des nouveaux réseaux, la compétitivité de notre pays et l’emploi.

2. Cette surfiscalité constitue une distorsion de concurrence importante avec les

acteurs mondiaux du numérique, qui ne sont eux pas touchés

o Les acteurs globaux du web, les fameux « over-the-top », développent avec beaucoup de succès leurs activités en France, en bénéficiant notamment de la qualité des infrastructures numériques et du fort taux de pénétration du haut débit.

Les prévisions montrent qu’ils capteront l’essentiel de la valeur dégagée

par le numérique dans les années à venir en France : 9 milliards d’euros de chiffre d‘affaires prévus en 2015 contre 4 milliards en 2010, alors que le chiffre d‘affaires des opérateurs a lui commencé à décroître en 2011 sous l’effet de la réglementation et de la concurrence.

o Parallèlement, ils fournissent des services parfois en concurrence directe avec

ceux des opérateurs télécoms (téléphonie, visiophonie, messagerie, accès aux contenus, etc.) et occupent une bande passante croissante sur les réseaux, sans toujours participer à leur financement.

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o Or ils échappent largement aux fiscalités tant de droit commun que sectorielle,

par une optimisation astucieuse fondée sur l’existence de niches fiscales européennes, notamment en Irlande et au Luxembourg. Ils sont ainsi très peu imposés via l’IS et profitent notamment de la TVA à taux réduit du Luxembourg.

o Ils échappent également à la réglementation (CPCE) à laquelle sont soumis les

opérateurs. Ainsi, les plateformes mail ou de téléphonie sur IP ne sont pas contraints par les obligations de sécurité, ni par le secret des correspondances.

3. Notre demande est donc aussi simple que ferme : la justice et l’équité fiscale pour

tous les acteurs du numérique - nationaux ou globaux - exerçant des activités en France. Concrètement, l’objectif réaliste est d’étendre l’assiette fiscale du numérique à tous les acteurs concernés. Il présente des avantages pour chacune des parties prenantes : o L’État consoliderait ses recettes fiscales et leur assurerait une vraie

dynamique, puisque l’essentiel de la croissance de la valeur du numérique est aujourd’hui captée par les acteurs globaux.

o Les bénéficiaires de la surfiscalité actuelle verraient leur financement partagé

par un plus grand nombre d’assujettis et assis sur une vraie dynamique.

o Les opérateurs, quant à eux, seraient enfin placés dans une situation d’équité propice à une concurrence loyale et au développement de l’innovation.

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Il appartient maintenant au législateur et au gouvernement d’agir, tant au plan national qu’au plan communautaire, dans l’intérêt bien compris de tous les acteurs du numérique, de l’État, mais aussi et surtout pour la croissance et la compétitivité de l’économie nationale et sa capacité à développer l’emploi dans notre pays. Je me félicite que ce débat soit aujourd’hui sur la place publique et je rends hommage à M. le sénateur Marini, qui l’a porté depuis plusieurs mois au sein du monde politique.