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Caritas International
Cellule Retour Volontaire
Rue de la Charité, 43
1210 Bruxelles
Anne Dussart : +32 2 2293604
Annelieke Carlier : +32 2 2293586
Thomas Jézéquel : +32 2 2111052
Sofie De Mot : +32 2 2111059
Rut Van Caudenberg : +32 2 2293602
www.caritas-int.be/reintegration/
Poursuivant la tendance d’une année 2008 bien supérieure aux prévisions, la première partie de l’année 2009 a vu le retour de 161 personnes, malgré un net durcissement des critères envers l’Ukraine, le Brésil et la Mongolie, pays dans lesquels des abus avaient été
constatés.
Le premier semestre 2009 dégage un « Top 5 » sans surprise, avec une confir-mation de l’importance des retours vers le Népal, où une visite d’évaluation a été effectuée en mars, et où une étudiante soutenue par Caritas International a réali-sé un mémoire de fin d’étude après trois semaines d’évaluation de la situation des personnes rentrées par le programme de Caritas en 2007 et 2008.
Si les REAB C sont majoritaires, c’est essentiellement en raison du développe-ment de nos activités en Amérique latine. 16 personnes sont ainsi rentrées dans des pays comme la Bolivie, l’Equateur (reprise des activités du CIRE), le Chili, le Pérou, le Paraguay et le Nicaragua. Les ressortissants de ce pays ne demandent traditionnellement jamais l’asile et vien-nent en Belgique pour des raisons éco-nomiques.
Sur un total de 122 dossiers, nous en avons rencontré 110 directement. Les autres dos-siers ont été conseillés par téléphone ou par l’intermédiaire de leurs conseillers retours.
Conséquences de la régularisation
Sans surprise, les rumeurs puis l’annonce d’une régularisation sous conditions ont pro-voqué un net reflux des demandes de retour volontaire ainsi qu’une vague d’annulation de dossiers en cours. Situation compréhensible, les migrants souhaitant s’informer, avant toute décision définitive, des critères de ré-gularisation. L’enregistrement des demandes se clôturant le 15 décembre, nous nous at-tendons à une reprise à partir de ce moment.
Retour & Réintégration N U M E R O 0 7 - O c t o b r e 2 0 0 9
Contenu
Statistiques générales
Visite à notre partenaire Caritas
Mongolie
Retour volontaire au Pérou :
l’histoire d’Ana
Cameroun : nécessité d’un re-
tour bien préparé
Statistiques générales
2009 Janvier Février Mars Avril Mai Juin Total
Dossiers 24 15 14 18 23 28 122
Personnes 34 22 15 23 31 31 161
Pays Départs
Mongolie 23
Brésil 22
Népal 14
Ukraine 13
Bosnie 12
Reab A B C
Dossiers 5 54 63
Personnes 5 69 87
STATISTIQUES PREMIER SEMESTRE 2009
2 R E T O U R & R E I N T E G R A T I O N - N U M E R O 0 7 - O c t o b r e 2 0 0 9
Du 19 au 25 août, Annelieke Carlier et Thomas Jézéquel de la Cellule «Retour volontaire et réintégration» de Cari-tas International ont effectué une visite d’évaluation de
leur partenaire en Mongolie.
Les Mongols représentent en effet une part importante des retours volontaires gérés par Caritas dans le monde, avec plus de 70 personnes aidées depuis mars 2007. La communauté mongole de Belgique se concentre principalement dans la ville d’Anvers.
En Mongolie, Caritas travaille étroitement avec la Caritas Mon-golie, gérée par le père Pierrot Kasemuana, missionnaire origi-naire du Sud-Kivu congolais. Il peut compter sur une équipe locale solide et anglophone. Caritas Mongolie se concentre principalement sur l’aide d’urgence (catastrophe naturelle) et les projets d’agriculture, mais a accepté, lors d’une première visite sur place en décembre 2007, de devenir un partenaire structurel de Caritas Belgique pour l’aide à la réintégration des migrants.
Notre dernière visite nous a permis de constater le sérieux et le professionnalisme de l’équipe de Caritas Mongolie, qui tra-vaille dans des conditions difficiles. Si de nombreux migrants collaborent facilement, Caritas est également en butte à des attitudes agressives et des menaces afin de débloquer les fonds «sans poser de question». Cela nous conduira à une sélection plus attentive des dossiers de réintégration à partir de la Belgique.
Cependant, dans l’ensemble, les personnes bénéficiaires du projet sont bien aidées et nous avons pu constater les condi-tions de grande précarité dans lesquelles elles vivraient sans appui à leur retour. La société mongole est gangrenée par la corruption et le taux de chômage élevé s’explique en partie par le fait qu’un candidat à un emploi est supposé «rémunérer» la personne qui l’aide à trouver un travail (ami ou simple connaissance). Cette pratique généralisée du pot de vin handicape grandement les personnes ne bénéficiant pas d’un réseau social leur permettant de s’insérer facilement dans l’économie locale.
Les principaux problèmes de nos bénéficiaires sont l’accès au logement et la santé. Nous avons rencontré de nombreuses personnes vivant à plusieurs familles dans des petits apparte-ments voire de simples baraques dans les immenses «bidonvilles» (principalement composés de maisons en bois et de tentes traditionnelles, les «ger») d’ Ulaan Baator. La Cari-tas Mongole suit les dossiers de près et tente de remédier à ces situations avec les budgets octroyés par FEDASIL via Caritas Belgique.
Une des personnes visitées a pu rouvrir un petit commerce dans la banlieue de la capitale. Celle-ci vivote tant bien que mal malgré le peu de liquidité : la pauvreté générale fait que l’épicière est obligé de faire crédit à de nombreuses familles en espérant être remboursée à terme, ce qui lui pose des problèmes pour renouveler ses stocks.
Un jeune couple, avec un enfant né en Belgique, nous a permis de mieux comprendre les mécanismes improbables qui mènent des candidats à l’exil jusqu’à Anvers. De l’achat (800 euros) d’un Visa contrefait grâce à la collaboration d’employés locaux des consulats européens (notamment tchèques et allemands) au passage par la Russie entre les mains de trafiquants Mongols qui se relaient tout le long du trajet. La destination est souvent la république tchèque, où les Mongols sont employés au noir dans les usines et les campagnes. La communauté mongole importante et invisi-ble qui s’est formée en Belgique attire ensuite ceux qui sont déçus par le «rêve» tchèque. A Anvers, certaines personnes sont aux mains de «gangs» mongols qui les forcent à voler dans les magasins ou à être pickpockets. D’autres ont plus de chance et plusieurs personnes ont témoigné avoir été domestiques dans des riches familles anversoises. Le tarif semble être de 800 euros par mois et les conditions de tra-vail correctes.
Notre service a donc été plus que satisfait de la mission et des enseignements tirés. Une meilleure connaissance des conditions réelles à Ulaan Baator nous permettra d’adapter notre programme et notre conseil aux migrants en Belgique. La collaboration structurelle continuera en 2010 avec la Ca-ritas Mongolie, qui sera présente à Bruxelles lors de la tradi-tionnelle semaine des partenaires internationaux.
Annelieke Carlier et Thomas Jézéquel
Visite à notre partenaire Caritas Mongolie
3 R E T O U R & R E I N T E G R A T I O N - N U M E R O 0 7 - O c t o b r e 2 0 0 9
C’est en mars 2009 qu’Ana, 39 ans, décida de renoncer
à sa vie en Belgique, sans papiers adéquats et dans une
situation très précaire, pour retourner à Lima, la capitale
de son pays d’origine, le Pérou. Habitant depuis 5 ans
en Belgique mais, ayant accouché d’un fils, se retrou-
vant sans revenu et n’ayant personne vers qui se tour-
ner, le retour lui parut la meilleure option.
Elle frappa à la porte du service social de Caritas, qui pou-
vait l’aider à régler les modalités de son retour. Au vu de la
situation difficile d’Ana, mère célibataire sans revenu, elle fut
envoyée par le service social de Caritas à la Cellule Retour
et Réintégration, afin de pouvoir compter sur une aide à la
réintégration après son retour au Pérou.
Avant son départ, Ana et son conseiller retour parlèrent de
ses difficultés et de ses projets. En tant que mère céliba-
taire, elle avait le droit à un budget supplémentaire pour
« groupe vulnérable), pour un total de 2100 euros pour elle
et son fils. Elle pouvait à son retour être hébergée chez sa
mère, où habitait déjà son frère et ses deux enfants. Elle
n’avait donc pas besoin de mettre de l’argent de côté pour le
logement. Le plus important pour Ana était de commencer
une activité génératrice de revenus afin de pouvoir recom-
mencer une vie au Pérou pour elle et son enfant.
Une fois rentrée à Lima, où elle fut accueillie par sa mère et
par le reste de sa famille, elle prit contact avec Caritas Pé-
rou. Il fut décidé après plusieurs entretiens avec la personne
de contact de Caritas, d’investir l’argent dans un petit atelier
de couture qu’elle pourrait accueillir chez elle. L’idée était de
coudre des vêtements et de les vendre aux personnes du
voisinage.
Caritas Pérou, estimant que l’investissement était judicieux,
informa la Cellule Retour Volontaire du projet. Ce genre
d’activité est en effet très populaire au Pérou et encore peu
présent dans le quartier d’Ana. Il y avait donc indubitable-
ment un marché et une possibilité pour Ana de générer un
revenu.
Le budget servit à acheter deux machines à coudre et le
matériel nécessaire. Bien avant de lancer son activité de
couture, Ana s’inscrivit dans un cours de couture afin d’amé-
liorer ses connaissances et sa technique. Le fils d’Ana profi-
ta également d’un soutien à la réintégration afin de recevoir
les vaccins nécessaires et six mois de lait en poudre pour lui
assurer une alimentation complète et saine. Caritas Pérou
s’assura ensuite que les droits du bébé à l’assurance médi-
cale gratuite seraient respectés.
Ana est la deuxième personne rentrée au Pérou via le pro-
gramme d’aide à la réintégration de Caritas Belgique. Entre-
temps, une troisième personne est partie pour Lima, et a pu
acheter le matériel nécessaire pour commencer une activité
de dentiste.
Mère célibataire, vivant clandestinement en Belgique dans
des conditions difficiles et précaires, décidant de rentrer
dans son pays afin de bénéficier du soutien de sa famille :
Ana représentait bien la majorité des dossiers Latino-
Américains. Grâce au réseau et au soutien de sa famille, à
l’aide à la réintégration et à l’assistance du partenaire local,
on peut parler de succès en ce qui concerne la réintégration
dans ce genre de situations.
Pour l’instant, tout se passe bien pour Ana. Elle continue à
suivre sa formation mais espère commencer après les fêtes
de fin d’année à réaliser quelques vêtements pour enfants et
à les vendre. Son fils se porte bien. Caritas Pérou reste en
contact régulier avec elle afin de suivre leur situation.
Rut Van Caudenbergh
Retour volontaire au Pérou : l’histoire d’Ana
4 R E T O U R & R E I N T E G R A T I O N - N U M E R O 0 7 - O c t o b r e 2 0 0 9
En ce qui concerne le retour au départ de la Belgique, la
comparaison entre les situations de Mr Félix M’babit
(hébergé en ILA à Kasterlee) et Mr Bradley Lyonga (10
mois dans un centre Croix-Rouge à Eeklo, 2 mois dans
une ILA à Zottegem) est édifiante sur l’influence que l’ac-
cueil en Belgique peut avoir sur un retour éventuel.
Bien intégré en Flandres, M. M’babit a correctement appris la
langue, s’est constitué un réseau social important, et a eu le
temps de réfléchir à son retour. L’aide financière de FEDASIL,
à hauteur de 700 euros, n’a constitué qu’un appui secondaire
par rapport à l’aide reçue de ses amis belges : près de 6000
euros en espèces ou en nature : minibus en bon état, machi-
nes de boulangerie d’occasion (four, pétrisseuses), et aide
financière pour acheter un groupe électrogène. L’appui du par-
tenaire a constitué en un soutien administratif pour dédouane-
ment du matériel à Douala (pour un coût de 2700 euros !!),
l’élaboration d’un business plan, ainsi qu’en un suivi régulier
malgré la distance entre Bamenda et Yaoundé (près de 7h de
route pour 350 km).
M. Felix M’babit vit dans le village de Guzang, à 40 km de Ba-
menda (partie anglophone du Cameroun) au bout d’une piste
en terre qui doit être impraticable en cas de fortes pluies. Les
coupures d’électricité sont courantes. C’est l’impossibilité de
trouver un local abordable à Bamenda qui l’a poussé à installer
son projet de boulangerie dans son village d’origine. L’accessi-
bilité réduite et les coupures d’électricité constituent des obsta-
cles réels à la viabilité du projet. Mr M’babit a suivi une forma-
tion de boulanger chez un retraité du village de Kasterlee qui
l’a pris sous son aile pendant son séjour en Belgique. Le pain,
préparé grâce au matériel importé de Belgique, mais égale-
ment grâce au specta-
culaire four traditionnel
en briques, est d’une
qualité supérieure. Il
est vendu, grâce à un
réseau de livreurs en
motos, dans tous les
villages environnants et
dans les écoles voisi-
nes.
Mais les revenus seraient nettement supérieurs à Bamenda, où
il compte investir, dès qu’il le pourra, dans un dépôt-vente per-
mettant d’écouler sa production. Pour ce faire, il a besoin d’un
groupe électrogène afin de se garantir contre les coupures
d’électricité et assurer une production continue. Mr M’babit joue
sur l’aspect « pain belge » afin d’attirer le client. La qualité de
son produit lui garantit une clientèle, à laquelle il doit cependant
pouvoir accéder.
Auparavant sceptique quant à la viabilité du projet, notre parte-
naire M. Biack s’est dit impressionné par le travail réalisé et par
l’énergie et la motivation du promoteur. Il compte, à son retour
à Yaoundé, tenter de lui donner accès aux crédits proposés par
des organismes tels que le PAJER-U et le PIASI, agences gou-
vernementales d’appuis aux entrepreneurs indépendants en
milieu urbain et rural.
M. Bradley Lyonga vit près de Buea, au pied du Mont Came-
roun, dans la province du Sud-Ouest anglophone du Came-
roun. Demandeur d’asile en Belgique, il était meneur d’une
grève étudiante au Cameroun, violemment réprimée par la
police. Battu, il souffre de problèmes de dos que les soins
prodigués en Belgique ont atténué mais n’ont pas suffit à effa-
cer. Sa demande d’asile rejetée, il a été très rapidement ex-
pulsé de son ILA à Zottegem et a pris sa décision de retour
dans la précipitation. Après deux semaines difficiles, sans
appui social, marquées par la peur d’être repris par la police,
l’aide de 1400 euros (cas vulnérable) lui a permis d’ouvrir une
petite échoppe qui lui génère un revenu. Il loue au moins ce
local ainsi qu’une petite chambre. Il a payé pendant plusieurs
mois des soins qu’il ne peut aujourd’hui plus se permettre.
Banni à vie des universités camerounaises, il ne peut pas
reprendre ses études de sciences politiques et obtenir son
diplôme.
Malgré toutes ces difficultés, le petit commerce ouvert il y a
près de 9 mois semble bien fonctionner. M. Lyonga emploie
pour les travaux difficiles un jeune homme qui l’assiste quel-
ques heures par semaine. Il met de l’argent de côté et compte
louer un second local sur le bord de la route nationale afin de
toucher une clientèle plus large. Là encore, Mr Biack va tenter
de lui faire profiter des possibilités offertes par les agences
gouvernementales d’appui aux entrepreneurs.
Dans le premier cas, l’accueil dans une structure personnali-
sée, en contact avec la population, a permis au migrant de se
constituer un réseau local décisif dans sa réintégration. Dans
le second cas, le retour brusque et précipité, difficilement
préparé dans des conditions de stress et d’angoisse, aurait pu
très mal se passer. Caritas souhaite insister sur la nécessité
de donner aux personnes qui ont accepté le principe d’un
retour volontaire la possibilité de rester dans le réseau d’ac-
cueil pendant une période raisonnable, afin de préparer effi-
cacement leur réintégration.
Thomas Jézéquel
Cameroun : nécessité d’un retour bien préparé