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discographie "Primitive Love " (Autoproduction) CD - 13 titres (2008) Abakuya, c'est la rencontre entre François Essindi, conteur et musicien Camerounais et Jimi Sofo, musicien Australien. Lorsque l'art revêt ses couleurs naturelles, sacrées, humaines...Une interview de François Essindi réalisée juste avant la sortie de "Primitive Love", premier album ! (interview réalisée en mai 2008) Parcours musical et création d’Abakuya. Comment s’est faite la rencontre entre François Essindi et Jimi Sofo ? J'ai rencontré Jimi Sofo en Suisse alors que je commençais à perdre espoir de rencontrer un musicien qui s'intéresse aux rythmes, aux musiques, aux histoires du Sud Cameroun que j'essaie de préserver. En effet, je travaille sur la retranscription des contes, rythmes et instruments traditionnels au Sud Cameroun. Quel a été le déclic, qu’est ce qui a motivé la création de ce projet musical, alliant deux nations, Cameroun et Australie ? Que signifie Abakuya ? les interviews

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discographie

"Primitive Love "(Autoproduction)

CD - 13 titres (2008)

 

 

Abakuya, c'est la rencontre entre François Essindi, conteur et musicien Camerounais et Jimi Sofo, musicien Australien. Lorsque l'art

revêt ses couleurs naturelles, sacrées, humaines...Une interview de François Essindi

réalisée juste avant la sortie de "Primitive Love", premier album ! (interview réalisée en

mai 2008)

Parcours musical et création d’Abakuya. Comment s’est faite la rencontre entre

François Essindi et Jimi Sofo ? J'ai rencontré Jimi Sofo en Suisse alors que je commençais à perdre espoir de rencontrer un musicien qui s'intéresse aux rythmes, aux

musiques, aux histoires du Sud Cameroun que j'essaie de préserver. En effet, je travaille sur la retranscription des contes, rythmes et instruments traditionnels au Sud Cameroun.

Quel a été le déclic, qu’est ce qui a motivé la création de ce projet musical, alliant deux

nations, Cameroun et Australie ? Que signifie Abakuya ?

C'est un heureux hasard ! En 1995, je monte un projet musical sous forme de trio au

Cameroun, "Otoulbaka", qui fonctionne très bien puis s'arrête suite au départ des deux

autres musiciens vers l'Europe, après enregistrement d'un disque en 1997 à Munich.

Et ensuite, j'ai rencontré Jimi.

Je suis arrivé à Paris en 2002 et ai tenté de regrouper les musiciens du projet

"Otoulbaka" sans succès. En 2003, je commence à discuter avec des musiciens divers pour monter le projet "Abakuya" en

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organisant ou en participant à des rencontres scèniques, des jams. C'est ainsi que j'ai travaillé tour à tour avec Claudine François pianiste de Jazzz, Brice Wassy Batteur,

Hilaire Penda, bassiste, Mad Sheer Khan, joueur de Dilruba indienne... Ces rencontres entre les styles ont aussi favorisé la création du projet Abakuya.

François, ton parcours passe par la maîtrise d’instruments traditionnels du Cameroun. Peux tu nous en présenter quelques uns ? Ces instruments ont ils une

fonction symbolique ? Au Sud Cameroun, on ne vous parlera pas de vie sans vous parler du tam-tam

d'appel.

Le tam-tam d'appel est un intrument qui participe à la vie quotidienne en Afrique équatoriale (peut être plus de nos jours...) et annonce tout ce qui survient dans une

forêt donnée (village). Il a une grande fonction symbolique.

Sa description: Une bille de bois creusé qui laisse entrevoir deux lèvres qui regardent vers le ciel... C'est le tam-tam d'appel qui annonce la naissance et la mort, sans

oublier tout événement important (bonne ou mauvaise récolte, pluie...)

Quelqu'un qui est perdu dans la forêt sera dirigé vers le village dans la nuit noire par le tam-tam d'appel.

Il est donc l'instrument principal dans notre musique et dans le groupe Abakuya. Le mvet:

Le Mvet, selon feu le patriarche Obiang Ndong Gaubert, ancien combattant franco gabonais, existerait depuis 3000 ans avant la formation de l’Égypte pharaonique.

Le Mvet est originaire des pays Boulou, Beti et Fang de l'Afrique centrale. Il désigne habituellement trois choses différentes qui sont cependant liées entre elles comme

les membres d'une même famille.

Le Mvet est complexe. C'est l'âme même de notre Histoire... réf: http://bingonomeba.ifrance.com/mvet.html

La portée épistémologique du Mvet place cet art à la croisée des chemins entre les sciences et les croyances humaines. En effet, le Mvet concilie science et croyance

religieuse plaçant le verbe au commencement, lequel verbe a précédé la grande explosion appelée "Atàrga".

Peux tu nous parler de l’Ekang ? Ekang, c'est tout simplement Hauts faits de...

Quelle est l’importance du sacré, du spirituel dans ta musique ?Nous sommes toujours en quête du savoir et du sacré dans cette vie.

Selon toi, toutes les musiques ont elles un caractère sacré ?Tout dépend de quel coté on se place. Je crois néanmoins que tous ceux qui font de la musique ont quelque part cette quête du sacré. Je suis musicien traditionnel et je crois que tous les musiciens traditionnels cherchent d'abord à s'attacher à la terre

c'est à dire aux racines de la musique qu'ils font ou qu'il veulent faire.

Les instruments traditionnels faits de produits naturels ont ils une âme ?Je crois que tout ce qu'on a fabriqué dans les conditions de fabrication d'un

instrument comme le Mvet, le Ngomo, une flûte pygmée ou autre a une âme, il suffit d'y croire...

Et les instruments modernes, électriques, électroniques ? Aussi... Tout dépend de ce qu'on y met, comme énergie, foi.. La nuance réside dans la

fabrication car les musiciens traditionnels fabriquent eux même leurs instruments.

La musique, un besoin vital ?Bien sûr, il ne peut y avoir vie sans mélodie... Le bruit d'une horloge dans une

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maison... Une marmite qui bout au feu, au loin un train... C'est ça la vie et tout cela dans un rythme, un appel d'enfant au loin, une mélodie, une musique, une vie. Et puis petit secret, je crois que le musicien traditionnel joue d'abord pour lui-même, pour se

faire du bien, car si on n'est pas bien avec soi même, comment donner du bien à l'autre ?

Lorsque tu t’es installé en France, tu as exploré de nouvelles contrées sonores, est-ce pour adapter ta musique aux oreilles européennes ou simplement ouvrir tes horizons et permettre le mélange des cultures, que le message que tu souhaites faire passer ait un caractère universel ? La musique, un moyen de réunir les peuples et de participer

à la paix ? Selon toi, les artistes peuvent ils changer le monde ?Quand aujourd'hui nous parlons de musique, nous devons penser directement à

l'essor démographique. Au fur et mesure que les gens naissent, le besoin de musiques, de styles se fait sentir. Tout cela par rapport aux differentes sensibilités des uns et des autres... Nous assistons d'ailleurs tous les jours à ces naissances

douloureuses de nouveaux styles qui viennent et repartent...

Mais de grâce, que ces musiques aient un sens progressif et évolutif pour l'esprit aussi... Si la musique évolue on peut espérer une évolution de la société. La musique est un travail, donc participant à la vie de la société. Un bon musicien est comme un fonctionnaire qui refuse la corruption. Si tous les musiciens sont bons et refusent de

faire trop de business, la musique peut bel et bien changer le monde.

Tu t’entoures de musiciens de divers horizons et de styles variés, les collaborations, c’est important pour un artiste ?

Je ne sais pas trop pour les autres artistes...Personnellement, je ne pourrai jamais rien faire dans ce métier si je ne collabore pas avec les autres. C'est un peu par les

autres qu'on se rend compte de ce que l'on est. C'est aussi par les autres qu'on observe, qu'on avance. Bref, on se voit par les autres comme dans un miroir. Seul, on

n'a pas ce miroir qui nous permet de se projeter.

Comment est perçue ta musique en France ? En France, beaucoup de gens me disent ne pas connaître cette musique, c'est pour

cela que je l'appelle "Nouvelle mouvance Tradi-urbaine venue du Sud Cameroun" ou Avangardiste Camerounais, ou TAG. (ref : www.madsheerkhan.com)

Je leur réponds en les envoyant au musée de Berlin où il existe des tonnes d'archives et d'enregistrements d'anthropologues allemands ou des sites tels:

http://bingonomeba.ifrance.com/mvet.htm

Je ne fais qu'essayer de faire connaitre ces musiques, ces intruments et cette histoire.

En Europe ? En Europe, on en parle peu à peu. J'ai fait quelques spectales au Portugal à Faro pour

le festival "Um mundo de percusoe en 2006, un concert à Munich...

J'ai un agent de booking à Luxembourg qui y croit aussi et beaucoup de messages positifs de la part des gens sur les réseaux et sites MySpace, Weelbe, Zikpot ou

Airtist...

Est-ce qu’il est facile de se faire connaître du public et des professionnels (festivals, labels…) lorsqu’on est un artiste du monde ?

Non pas du tout, je crois qu'il faut avoir espoir de rencontrer un jour celui qui viendra et qu'on attend toujours. Ce qui est sûr, c'est que quelqu'un vient toujours et vous

pose la question que vous attendez depuis des années...

Peux tu nous parler de l’album ?L'album "Primitive Love" est l'état brut de mon travil. C'est l'étape numéro 1 de ma

carrière, mon tunnel, c'est de là que partira tout ce que j'aurai à faire dans la musique. C'est ma réference, fruit d'une collaboration avec d'autres artistes qui y ont cru. Cela faisait vraiment longtemps que je cherchais des artistes qui pouvaient croire en cette musique et trouver des choses dans ces rythmes. Certaines personnes qui écoutent

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cette musique me disent merci pour le voyage et c'est là le vrai salaire...

Quels sont les thèmes, les messages abordés. Les themes sont : la forêt et tout ce qui s'y trouve... L'honneur, la dignité, le besoin du passé, du présent pour une bonne préparation du futur... L'amour primitif, le titre de

l'album. Si l'amour pouvait renforcer notre société. Quand on aime on ne peut pas voir les couleurs et les differences, les haines et toute autre forme de discrimination...

Peux tu présenter l’association Akiba ? L'association Akiba a pour but de favoriser les relations socioculturelles entre le

Cameroun, la France et le reste du monde par des ateliers, des colloques, festivals, rencontres interculturelles. C'est une très petite association qui fait de son mieux

pour faire connaître les contes, les musiques, les rythmes et les instruments traditionnels du Sud Cameroun.

Ses buts, ses objectifs ?Organiser des festivals, colloques, ateliers... Aider à la promotion...

(photos, logos, illustrations avec l'autorisation de l'artiste)