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JDL6. Volume 15 – n° 9/2012, pages 1 à 15
« Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère »
Zeineb CHIKHAOUI Arts et Metiers ParisTech ; CNRS, LSIS
2 Cours des Arts et Metiers
13617 AIX-EN-PROVENCE – France
Zeineb.CHIKHAOUI@ensam.eu
Résumé
Le développement de systèmes mécatroniques de plus en plus complexes et le
besoin de les analyser dans leur globalité a joué en faveur de l’apparition d’outils
de représentation multi-physiques (exemple : Bond Graph, Représentation
Energétique Macroscopique, Graphe Informationnel Causal…). Ces outils, qui
permettent une formalisation graphique unifiée du système quels que soient les
domaines de la physique abordé, offrent une organisation des modèles facilitant
ainsi l'analyse et la simulation du système dans sa globalité.
Ces travaux entrent dans le cadre de la chaire « dynamique des systèmes
mécaniques complexes », plus précisément les systèmes de types aéronefs. Ils sont
centrés sur la méthodologie, avec analyse et réflexion sur les outils de
représentation multi-physiques.
Dans cet article, une introduction à une approche d’analyse énergétique de
l’hélicoptère est proposée. Tout d’abord, un état de l’art des outils de
représentation multi physiques est proposé. Ensuite, la modélisation BG de la
première partie de la chaine de puissance d’un hélicoptère léger est présentée.
Finalement, des difficultés de modélisation des rotors de l’hélicoptère sont
exposées.
Mots clés : hélicoptère, modélisation, outils de représentation multi-physiques.
2 JDL6. Volume 15 – n° 9/2012
1. Introduction
Les travaux présentés dans cet article sont centrés sur la modélisation des
systèmes complexes de types aéronefs, plus précisément sur l’hélicoptère. Le
processus de modélisation correspond à une des étapes du processus de conception
d’un produit. Cette étape de modélisation n’est pas sans difficulté, en raison de la
complexité inhérente du système à concevoir et à la multidisciplinarité des équipes
qui coopèrent pour la conception de tels systèmes [1]. L’objectif majeur de ces
travaux consiste à mettre en place une approche de modélisation énergétique qui
permettrait de mieux comprendre le comportement dynamique de systèmes
complexes tels que l’hélicoptère, par exemple en vue du contrôle de son attitude ou
encore de l'analyse, de la détection et du contrôle de phénomènes vibratoires. Le
besoin d’une telle approche d’analyse consiste en un besoin d’apport
méthodologique pour une organisation de modèles, afin de répondre aux difficultés
d’analyse du système au cours des processus de conception, de re-conception et de
structuration de la commande. L’objectif est également de permettre une vision
globale sur les différents sous-systèmes tenant compte de leurs interactions, ce qui
permettrait de répondre à des problèmes locaux, tels que la difficulté rencontrée lors
de la conception d'éléments de liaison, ou plus globaux, pour la compréhension et la
maitrise de phénomènes de réinjection dans les commandes de perturbations subies
par le pilote, tels que le phénomène PIO (Pilot Induced Oscillation).
Tout d'abord, une étude de l’approche actuelle pour la modélisation de ce genre
de systèmes est nécessaire afin d’en déduire les limites par rapport aux objectifs
évoqués précédemment. Ensuite, il faut faire une étude des outils d’analyse
énergétique qui existent, pour pouvoir en choisir un ou plusieurs qui conviennent le
plus aux besoins.
Aujourd’hui, l’approche de modélisation employée correspond à une approche
d’analyse par sous-système. Une analyse de la physique du sous-système dans le
réel doit être faite. A partir de cette analyse les équations de comportement peuvent
être déterminées. Finalement, pour le sous-système considéré, une fonction de
transfert globale est retenue pour en décrire la fonction. Lors de cette opération, tout
lien avec les équations de la physique ainsi qu'avec les hypothèses de modélisation
est généralement perdu. Ainsi, l’approche de modélisation actuelle est basée sur un
ensemble de fonctions de transfert de sous-systèmes et utilise les schémas blocs
comme représentation graphique [2]. Cette approche peut être décrite comme une
approche fonctionnelle, informationnelle, ou encore cinétique, car elle offre des
informations sur les relations entre des quantités cinétiques, entre signaux d’entrée
et signaux de sortie (par exemple entre un déplacement d'une entrée de commande et
le déplacement de la sortie correspondante), sans vision énergétique. Ce type
d’approche donne une vision essentiellement mathématique du système et induit une
perte de la signification physique des paramètres dominants (gains statiques,
pulsations de résonance, amortissements, …) et par conséquent une perte de toute
Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère 3
lisibilité structurelle du système. Pour cette raison, des ingénieurs travaillant pour
des disciplines différentes et pour des objectifs de conception et de structuration de
commande de systèmes complexes multi-physiques, ont besoin de représentations
complémentaires à l’approche de modélisation actuelle : une représentation qui
permette de préserver le lien avec les paramètres physiques du système, se basant
sur un langage de description énergétique unifié dans tous les domaines de la
physique et donnant ainsi une lisibilité structurelle du système et une visibilité sur
les transferts de puissance entre éléments [3].
L’objectif principal de cet article consiste donc à étudier la possibilité de mettre
en place une approche de modélisation et d’analyse énergétique en application à
l’hélicoptère. Pour aller vers une telle vision énergétique de l’hélicoptère, quelques
questions essentielles se posent : la première concerne la provenance de l’énergie.
Dans le cas présent, la motorisation thermique peut être considérée comme la
principale source de puissance mécanique, à laquelle s'ajoutent d’autres sources
énergétiques qui correspondent à l’interaction de l'appareil avec l’environnement
extérieur lors de son déplacement. On citera par exemple le contact avec le sol lors
d'un roulage de l'hélicoptère, ou encore son interaction avec l'air. Une deuxième
question concerne la destination de cette énergie. En première approche, cette
énergie devrait être répartie entre l'entrainement des voilures tournantes et le
déplacement des flux d’air que cela permet. Ces déplacements d'air doivent à leur
tour permettre à la fois le contrôle de la sustentation de l'appareil et de son attitude.
Cette étude vise une description énergétique de l'hélicoptère pour apporter un
support méthodologique à l'analyse des cheminements de puissance permettant le
contrôle de l'aéronef.
L’article présente une introduction à une modélisation énergétique de
l’hélicoptère de l'analyse de phénomènes dynamiques. La première section de
l’article est consacrée à la définition des besoins de modélisation par rapport à
l’application et à la présentation des outils d’analyse énergétique pouvant permettre
de répondre à ces besoins. Ensuite dans la deuxième section de l’article, une
première étape de modélisation de la chaine de puissance de l’hélicoptère est
présentée et met en évidence les difficultés liées à la modélisation des interactions
aérodynamiques. Finalement les perspectives pour la modélisation énergétique des
rotors sont exposées.
2. Quels outils de modélisation énergétique pour l’hélicoptère ?
Dans cette section les besoins d’une approche de modélisation énergétique de
l’hélicoptère sont exprimés. Ensuite, un état de l’art des outils qui existent
correspondant au mieux à ces besoins est exposé.
4 JDL6. Volume 15 – n° 9/2012
2.1. Besoins et objectifs
Les systèmes de type aéronefs tels que les hélicoptères sont de plus en plus
complexes, ce qui implique des difficultés d’analyse. Notre intérêt est porté sur la
complexité du système liée à la superposition de différents comportements
physiques tels que mécanique, électrique, hydraulique, aérodynamique, puis celle
induite par la multiplicité de sous-systèmes en fortes interactions. La multiplicité des
sous-systèmes dans l’hélicoptère, chacun associé à des domaines différents de la
physique, implique l’emploi de plusieurs types de modélisations. La réunion de ces
modèles n’est alors pas chose aisée, ce qui complique l’analyse du système dans sa
globalité.
Ainsi, le besoin d’une approche de modélisation qui soit la plus globale possible,
nécessite la réflexion sur une représentation multi physiques afin de faciliter le
transfert d’informations entre équipes. Il est aussi nécessaire d’avoir une vision plus
ou moins détaillée sur les différents sous-systèmes qui composent l’hélicoptère ainsi
que leurs interactions. Ainsi, l’idée d’envisager plusieurs niveaux de représentations
pour permettre d’aller d’une vision globale vers une vision locale, est intéressante.
La figure illustre cet objectif de représentation multi niveaux.
Figure 1. Illustration de l’objectif d’une représentation multiniveaux.
Afin de répondre à ces objectifs, une partie importante des travaux est consacrée
à la recherche bibliographique des différents outils de représentation multi
physiques existants, pour pouvoir les exploiter au mieux et les appliquer à
l’hélicoptère.
Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère 5
2.2. État de l’art des outils de représentation multi physiques
Plusieurs outils permettent l’analyse de systèmes complexes physiques, la
première étape consiste donc à faire un bilan des outils multi physiques et voir quels
sont ceux qui correspondent au mieux aux objectifs.
Les outils de représentation multi physiques ont été développés pour des
objectifs différents, mais ont néanmoins tous un point commun : par définition, ils
utilisent un langage unifié pour tous les domaines de la physique
Parmi ces outils nous trouvons le Bond Graph, développé au début des années
1960 au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il a été développé dans le but
de la conception et la modélisation des systèmes de puissance [4,5]. Le flux
énergétique entre deux éléments dans un modèle BG est décrit par une connexion
bidirectionnelle (demi-flèche) appelée Bond portant les deux variables de puissance
(effort et flux).Le langage BG définit des éléments spécifiques qui correspondent
aux principaux processus énergétiques (Apport, accumulation, dissipation,
conversion et distribution d’énergie) [6]. A partir du BG la représentation d’état du
système est déterminée et la commande globale est élaborée par la suite.
Récemment, une méthode qui consiste à détermination un modèle inverse [7] à
l’aide du BG bicausal [8] a été développé avec pour objectif l’élaboration de la
commande et le dimensionnement à partir du modèle BG. En plus de la
représentation des transferts de puissance, ces formalismes permettent de montrer le
lien de cause à effet entre les variables. Lorsqu’il s’agit d’éléments accumulateurs
d’énergie, la causalité peut être représentée sous une forme dérivée ou une forme
intégrale. Cependant, à un instant ‘t’ donné l’intégrale d’un signal ‘u(t)’ peut être
connu avec précision en ne faisant appel qu’à son évolution passé et présente
(figure. 2.a). Par contre la dérivation de ce signal à ce même instant nécessite la
connaissance de son évolution future (figure. 2.b). Or, l’évolution de toute grandeur
physique ne peut être que la conséquence d’événement passés ou présents. Ainsi,
l’opération de dérivation n’est qu’un concept mathématique et se trouve être
impropre à la description naturelle d’un processus d’accumulation. Le lien naturel
de causalité entrée-sortie d’un processus accumulateur ne peut donc être que de type
intégral [9].
6 JDL6. Volume 15 – n° 9/2012
Figure 2. Illustration des concepts de causalité [9] intégrale (a) et dérivée (b)
Dans la méthode BG, l’affectation de la causalité se fait en s’appuyant sur une
procédure et en respectant des règles spécifiques [3]. Pour cela, la causalité intégrale
est préférentielle, mais dans certains cas, des conflits de causalité apparaissent et par
conséquent des éléments accumulateurs doivent être représentés en causalité dérivé.
Dans [6], la nécessité d’avoir des éléments en causalité dérivé est justifiée sur la
base d’un exemple de système mécanique. Dans la méthodologie BG, la première
étape consiste en l’analyse fonctionnelle pour obtenir le BG à mots [10]. Il s’agit
d’une décomposition du système en sous-systèmes et de la définition des différentes
interactions entre eux. Ensuite, une analyse phénoménologique est effectuée, c.-à-d.
une description détaillée de chaque sous-système (basée sur les phénomènes
physiques de transformation de puissance entre les éléments du sous-système), ce
qui ramène à un modèle BG plus détaillé. Finalement une analyse causale
(affectation de la causalité) est faite et permet d’obtenir un modèle BG Causal.
L’outil BG se trouve être assez intéressant : en introduisant cette notion d’aller
d’une description macroscopique, avec BG à mots, vers une description plus
détaillée, il permet de répondre en partie au besoin d’une représentation multi-
niveaux. De plus, il offre une méthodologie pour la modélisation et la représentation
de systèmes mécaniques multi-corps multidimensionnels [11], c’est le cas, par
exemple, de l’hélico ptère se déplaçant selon six degrés de liberté. Un autre point
fort de l’outil BG se situe au niveau de l’existence de logiciels spécifiques pour la
construction, la simulation et l’analyse de modèles, on citera par exemple 20Sim. La
puissance de cet outil est aussi justifiée par son utilisation dans différentes
applications industrielles, principalement dans le domaine automobile (par exemple
pour la modélisation et la commande de Boite de vitesse automatique [6], de
suspension ou encore d’un embrayage piloté), mais aussi dans le domaine de
l’aéronautique (par exemple pour la modélisation, la commande et le
Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère 7
dimensionnement d’une gouverne d’aileron d’un avion). Toutefois, cet outil n’a
jamais été appliqué aux aéronefs à voilure tournantes tels que l’hélicoptère.
D’autres outils de représentation énergétique ont été développés à la fin des
années 90 : le Power Flow Diagram (PFD), le Puzzle Energétique et le Power
Oriented Graph (POG). Ces formalismes permettent aussi de structurer les modèles
en mettant en évidence les transferts de puissance, chacun avec une description
graphique différente afin de mettre en évidence des caractéristiques particulières du
système. Dans [12], Lhomme s’appuie sur un exemple de système électromécanique
pour comparer ces outils par rapport au BG, quelques points de cette étude sont
retenus :
- Le POG met en évidence les flux énergétiques échangés entre les composants
en utilisant une représentation vectorielle. L’utilisation de la causalité intégrale
dans ce cas est préférentielle voir quasi-exclusive.
- Le PFD représente des flux de puissance en utilisant un lien pour chaque variable (de flux et d’effort). Cette représentation est riche en détails, elle
facilite le calcul du rendement énergétique du système. L’utilisation de la
causalité intégrale est exclusive pour le PFD.
- Le Puzzle Energétique a été développé pour la conception des structures de
conversion d’énergie dans le domaine de génie électrique. Il met en évidence les
flux de puissance en utilisant un symbole pour la variable de flux et un symbole
pour la variable d’effort, sans faire apparaitre les noms de ces variables
énergétiques. L’utilisation de la causalité intégrale est exclusive pour ce
formalisme.
Chacun de ces formalismes met en évidence certaines propriétés physiques des
systèmes, mais ils présentent tous des caractéristiques similaires au BG et restent
limités par rapport à ce dernier, par exemple de point de vue logiciel de simulation.
De plus, aucune méthodologie permettant de concevoir l’architecture de commande
n’a été développée en association avec ces formalismes. L’objectif global des
travaux revient à apporter une meilleure compréhension du comportement
dynamique du système et probablement des meilleures solutions de conception de
commande. Pour ces raisons les outils (POG, PFD et Puzzles Energétique) ne seront
pas retenus.
Dans les années 90 et plus tard dans les années 2000, d’autres outils ont été
développés au L2EP pour répondre à un besoin de représentation causale physique
dans le but de structurer la commande des systèmes [13] :
Tout d’abord, le Graphe Informationnel Causal (GIC) a été proposé pour
organiser de manière causale les variables énergétiques d’un assemblage d’objets
dont on possède la connaissance fonctionnelle au sens énergétique. Ces objets
8 JDL6. Volume 15 – n° 9/2012
peuvent avoir différentes fonctions énergétiques : dissipation, accumulation,
transformation ou conversion. Les entrées et sorties de chaque objet sont définies en
fonction de sa propre causalité (interne) et aussi en fonction de la causalité fixée par
les objets environnants auxquels il est associé (causalité externe). Grâce à ce respect
de la causalité intégrale, le GIC donne une description du système tout en localisant
les éléments accumulateurs, ce qui facilite la structuration de la commande en se
basant sur le principe d’inversion [14]. Cependant, ce formalisme reste limité par
rapport à nos besoins car il correspond à une représentation de type signal et ne fait
donc pas apparaitre explicitement les transferts de puissances entre les éléments du
système. Pour cette raison ce formalisme ne sera pas retenu.
Ensuite, un deuxième outil a été développé sur la base du GIC, suivant le même
principe de représentation causale : la représentation Energétique Macroscopique
(REM) [15]. La REM permet d’organiser les éléments du système de façon à faire
apparaitre les transferts de puissance en faisant apparaitre explicitement les variables
de flux et d’effort à la manière du bond graph et tout en respectant la causalité
intégrale naturelle (comme le GIC) pour faciliter la structuration de la commande
par inversion [16]. Cet outil a été exploité pour différentes applications industrielles,
telles que le métro Val206 [17], pour mettre en relief les divers couplages
(électriques, magnétiques, mécaniques) et les phénomènes Non-linéaire (jeux
mécaniques, contact roue-sol) du système. Aujourd’hui la REM est également
utilisée pour la structuration de commande de divers autres systèmes : dans le
domaine de l’automobile et plus particulièrement des véhicules électriques et
hybrides [18,19], dans le domaine des énergies renouvelables pour la gestion et la
commande d’éoliennes [20,21], de panneaux photovoltaïques ou encore de piles à
combustibles [22]. Toutefois, elle n’a jamais été appliquée aux hélicoptères.
Le point commun principal qui ressort de ces différents travaux consiste en
l’exploitation de techniques d’inversion de modèles causaux pour la structuration de
la commande. La REM est présentée comme un outil permettant une organisation
des modèles dans le cas de systèmes assez complexes, avec une forme graphique
relativement simple, ce qui en facilite la prise en main et peut par conséquent
faciliter la communication entres des équipes spécialistes de domaines physiques
différents. Pour ces diverses raisons cet outil nous intéresse pour réaliser l’approche
d’analyse énergétique de l’hélicoptère.
Pour conclure, à partir de ces éléments sur les différents outils existants, les deux
outils qui ressortent sont le BG et la REM. Le premier semble être le plus complet à
tous points de vue. Les développements relativement récents visant à lui apporter
des méthodes pour la structuration de la commande le rapprochent de la REM qui
ressort essentiellement pour ce point. L’organisation et la forme graphique simple de
la REM et des principes d’inversion de modèles conduisent à envisager une
utilisation complémentaire de ces deux outils.
Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère 9
3. Introduction à une modélisation énergétique de l’hélicoptère :
Cette section introduit la modélisation de la chaine de puissance de l’hélicoptère.
La première partie présente la description cinématique de la chaine, ensuite le BG à
mots associé et finalement la modélisation retenue des différentes parties. Les
difficultés rencontrées pour la modélisation de certaines parties sont abordées.
3.1. Modélisation de la chaine de puissance de l’hélicoptère
La chaine de puissance d’un hélicoptère, qui va de la motorisation aux deux
rotors principal et arrière est essentiellement composée d’un ensemble de réducteurs
et d’arbres de transmissions. L’ensemble de la chaine permet d’assurer différentes
fonctions : répartir la puissance mécanique fournit par la motorisation et la
transmettre aux différents éléments (rotors et fuselage). Elle permet d’adapter la
cinématique du moteur aux deux rotors, et de permettre des renvois d’angles entre
les différents axes, c.-à-d. axe du moteur (axe longitudinal), axe du rotor principal
(axe vertical) et axe du rotor arrière (axe transversal).
La figure 3 présente un schéma simplifié de la cinématique de la chaine de
puissance d’un hélicoptère léger (monomoteur). Elle montre les différents éléments
constituant la chaine, ainsi que les principales liaisons cinématiques entre eux.
Figure 3. Schéma cinématique simplifié de la chaine de puissance d’un hélicoptère.
Le fuselage est lié mécaniquement aux différentes parties de la chaine par des
liaisons mécaniques de type pivot (figure3). Ces liaisons sont à l’origine de la
transmission de la puissance nécessaire à l’avancement ou de la sustentation du
10 JDL6. Volume 15 – n° 9/2012
fuselage. Les différents éléments fuselage, rotor principal et rotor arrière sont
soumis à des efforts aérodynamiques.
- BG à mots de la chaine de puissance :
A partir du modèle de la chaine présenté, une analyse fonctionnelle est effectuée.
Il s’agit d’une décomposition du système considéré en sous-systèmes qui échangent
la puissance. Cette analyse permet d’obtenir le BG à mots de la chaine de puissance
(voir figure 4).
Figure 4. Bond Graph à mots de la chaine de puissance de l’hélicoptère.
Le BG à mots (figure 4) représente les principaux éléments de la chaine de
puissance ainsi que les interactions énergétiques entre eux. On distingue deux types
de sources de puissances : le moteur et les sources d’efforts aérodynamiques. Ces
derniers appliquent des vecteurs efforts appliqués au niveau du fuselage, du rotor
principal et du rotor arrière. Le moteur fourni un couple qui s’applique sur l’arbre de
transmission. Il résulte de ces différentes actions mécaniques et de diverses liaisons
cinématiques (pivot), des torseurs appliqués au fuselage, au rotor principal et au
rotor arrière. Le BG à mots montre que la première partie de la chaine (du moteur
aux rotors) nécessite la modélisation BG des systèmes monodimensionnels [6].
Ensuite, toutes les parties ou interviennent les efforts aérodynamiques, nécessitent
l’utilisation de la notation multibondgraph (description en double flèche de la
figure3), caractéristique des domaines multidimensionnels [11]. Le BG à mots
permet une représentation macroscopique du système considéré. L’étape suivante
consiste à détailler chaque bloc du BG à mot pour obtenir le BG détaillé de toute la
chaine de puissance.
Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère 11
- Modélisation de la première partie de la chaine de puissance :
Les équations correspondantes aux différents éléments allant du moteur aux
rotors sont exposées :
- La relation de conservation de la puissance mécanique du moteur entre
rotor principal et rotor arrière par l’élément de division de puissance, qui
mixé avec les relations cinématiques (équations 1 et 2) pour déterminer la relation entre les couples (équation 3):
[1]
[2]
[3]
- Les équations (4 et 5) correspondent respectivement à la relation cinématique
et au comportement dynamique de l’ensemble des arbres et de réduction du
rotor principal :
[4]
Avec
[5]
- Les équations (6 et 7) correspondent respectivement à la relation cinématique
et au comportement dynamique de l’ensemble des arbres et de réduction du
rotor arrière :
[6]
Avec
[7]
Le modèle BG correspondant à cette partie de la chaine est représenté par la figure
4.
12 JDL6. Volume 15 – n° 9/2012
Figure 5. Modèle BG d’une partie de la chaine de puissance.
Pour éviter l’apparition d’éléments en causalité dérivé, il est nécessaire d’avoir
une inertie équivalente à l’ensemble des arbres de transmission. La modélisation BG
de la partie du système considéré se termine au niveau des liaisons pivots (figure 5),
ce qui correspond à une difficulté de modélisation. La modélisation des rotors
(principal et arrière) s’avère être assez complexe à cause de la superposition des
comportements mécanique et aérodynamique et à la présence d’une multitude de
couplages entre les différents éléments du rotor. L’aspect multidimensionnel, le
système se déplaçant dans l’espace selon 6 degrés de liberté, rend l’analyse encore
plus complexe. Pour analyser de près ces difficultés, nous nous sommes concentrés
sur les approches existantes permettant l’analyse du rotor principal.
3.2. Approches de modélisation du Rotor principal
Il existe deux approches d’analyse du rotor principal :
Approche 1 :
La première est une approche de calcul de puissance avec un objectif de pré-
dimensionnement du rotor en termes de performances et permet principalement de
déterminer la puissance du moteur et de définir le rotor : diamètre rotor, vitesse de
rotation. La méthode du bilan de puissance se résume par l’égalité entre la puissance
fournie par la motorisation et la puissance nécessaire au vol [23]. La puissance du
rotor principal qui se compose en trois parties : la puissance induite ou puissance de
Froude, la puissance de profil due au frottement de l’air sur la pale et la puissance de
fuselage qui correspond à la puissance dépensée pour vaincre la traînée du fuselage.
Cette approche est globale et peut être définie comme une approche de calcul de
puissance macroscopique. Elle est insuffisante aux objectifs de ces travaux, car elle
Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère 13
ne fait pas apparaitre les relations entre variables de flux et variables d’effort et il
manque aussi le lien avec les éléments de commande.
Approche 2 :
Il existe une deuxième approche d’analyse qui s’appuie sur une modélisation par
éléments de la pale. L’objectif de cette approche est d’avoir une plus grande
précision du comportement en fonction des paramètres du rotor. La méthode utilisée
est basée sur la théorie d’élément de pale [24]. Elle permet d’analyser les efforts
agissant sur un petit élément de la pale figure 6.
;
Avec
A=
VR : vitesse de l’air.
S : surface du corps.
ρ : masse volumique de l’air.
CX : coefficient de portance.
CZ : coefficient de traînée.
Figure 6. Efforts appliquées sur un profil de pale [25].
Les forces appliquées sur un profil de pale sont exprimées en fonction de
coefficients (CX et CZ) qui dépendent de l’angle d’incidence. La variation de
l’angle d’incidence, qui modifie le coefficient de portance Cz, se fait par l’action du
pilote sur les leviers de commande. Cela correspond sur l’hélicoptère au seul moyen
de contrôle du rotor principal et arrière [25]. Cette approche part d’une analyse
détaillée (profil de pale) basée sur des expérimentations (en soufflerie) pour définir
les coefficients Cz et Cx. Dans la pratique, il peut être difficile de déterminer ces
efforts à cause des interactions fluide-structure, d’un champ de vitesse relative
air/pale non constant et de la non-linéarité générée par les différents écoulements
(laminaire, turbulent, vortex,..). Généralement, les modélisations quasi-statiques ne
suffisent plus, il est nécessaire de faire appel à des approches Computational Fluid
Dynamics (numériques).
Interprétation :
La première approche d’analyse globale et la deuxième approche très détaillée,
n’apportent pas les éléments suffisants qui répondent à nos besoins de modélisation
et de représentation du rotor. Il est donc nécessaire de trouver une approche
d’analyse intermédiaire : Une approche énergétique qui représente les transferts de
puissances entre les différents éléments du rotor en prenant en compte le couplage
avec le fuselage et le déplacement des différents solides dans l’espace. Pour cela
14 JDL6. Volume 15 – n° 9/2012
nous commencerons, dans de futurs travaux, par l’étude d’un modèle simplifié de
rotor d’hélicoptère valable dans le cas d’un vol stationnaire.
Les travaux futurs présenteront, la modélisation du rotor en BG utilisant les
méthodes BG développées pour la modélisation des systèmes multidimensionnels
[11]. Ensuite, une intégration du modèle obtenu dans toute la chaine de puissance
doit être effectuée pour obtenir le modèle BG détaillé de toute la chaine de
puissance.
4. Conclusion et perspectives
Ces travaux entrent dans le cadre de la chaire industrielle « dynamique des
systèmes mécaniques complexes » mise en place à l’Ecole Nationale Supérieure
d’Arts et Métiers Paris Tech. Les activités de recherche de la chaire concernent la
« maitrise dynamique des systèmes mécaniques complexes » en application
première à l’hélicoptère.
Dans cet article une contribution aux approches de modélisation énergétique de
l’hélicoptère est exposée. Tout d’abord, l’approche d’analyse actuelle est brièvement
définie, soulignant le besoin de représentations énergétiques complémentaires.
Ensuite, les besoins et les objectifs sont définis par rapport à l’application choisie et
un état de l’art des outils de représentation multi-physiques qui répondent au mieux
à ces besoins est présenté. Dans la troisième partie, une première étape de
modélisation de la chaine de puissance d’un hélicoptère léger est présentée. Une
difficulté de modélisation des deux rotors (principal et arrière) est exprimée. En
prenant l’exemple du rotor principal, deux approches d’analyse de ce dernier sont
brièvement présentées avec la conclusion qu’ils ne conviennent pas à notre objectif
de modélisation énergétique.
Dans de futurs travaux, la modélisation d’un rotor sera traitée en utilisant les
méthodes BG pour la modélisation de systèmes multidimensionnels et sera intégré
au modèle de la chaine de puissance A terme, l’obtention d’un modèle dynamique
des principaux systèmes d’un hélicoptère permettra d’envisager l’étude de
phénomènes vibratoires, la conception, l’intégration et la commande d’éléments de
liaison mécanique intelligents, ou encore l’étude de phénomènes de réinjection de
perturbations, qu’ils soient uniquement liés à l’architecture de l’appareil ouqu’ils
impliquent l’opérateur humain ( pilote).
Vers une modélisation énergétique de l’hélicoptère 15
5. Références bibliographiques
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