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et
COMMENT GÉRER
LES OBSTACLES INTERIEURS
À LA MÉDITATION
par
le Vénérable
Antonio Satta
UNE BRÈVE INTRODUCTION À LA PRATIQUE DE
LA VUE SUPÉRIEURE (INSIGHT)
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La méditation a deux fonctions : entraîner et dompter.
Entraîner ici veut dire cultiver la compassion et l’amour bienveillant jusqu’à la
transformation complète de l’esprit en une aspiration altruiste. Cependant, avant d’être
capable de générer cette attitude mentale, il nous est d’abord nécessaire de dompter notre
esprit qui est comme un animal sauvage difficile à régenter. Ainsi, à l’image d’un animal
sauvage pour qui la première étape consiste à être dompté, l’esprit aussi a d’abord besoin
que l’on passe un certain temps à le réfréner et à le discipliner.
Nous devrions remarquer que le lieu d’entraînement d’un animal sauvage est souvent petit
et étroit, avec un espace très limité pour se mouvoir, ce qui rend l’animal impatient et agité.
La discipline aussi est « petite » et « étroite » avec très peu d’espace pour se mouvoir, ce qui
a pour effet de rendre le méditant impatient et agité, au point de maudire (les premiers
jours au moins) la personne qui lui a donné une idée aussi stupide : « Et en plus, je dois
payer pour cela ! »
La chose intéressante à souligner, c’est que là encore, le méditant réagit comme l’animal
sauvage qui panique au début mais qui finit par se sentir protégé par la clôture qui l’entoure
et ne pas éprouver l’envie de s’échapper ; s’habituant à la discipline et au quotidien de la
retraite, il commence à en apprécier l’atmosphère dans son étroitesse et sa simplicité,
n’ayant pas envie de partir quand c’est le moment de s’en aller !
Ce qui dompte l’esprit n’est pas une méthode ou une technique particulière que nous
suivons et pratiquons assidûment, mais un style de vie approprié : une conduite
« décontractée », comme disait le Bouddha, qu’au début (en dépit de tout l’attrait qu’elle
peut susciter) nous trouvons difficile et éprouvante ; mais avec le temps, nous réalisons à
quel point elle est bonne et bénéfique.
Dans un premier temps, c’est en domptant le corps et la parole que l’on dompte l’esprit,
même si tout vient de l’esprit ; d’une certaine façon, nous commençons par contrôler la
parole et le corps. Cela conduira au contrôle de l’esprit.
Deux aspects sont à considérer quand on parle de discipline : s’abstenir et réfréner.
S’abstenir ici signifie arrêter les dix actions non vertueuses : tuer, voler, s’adonner à
l’inconduite sexuelle, etc. Réfréner signifie garder les portes des sens.
Si nous nous demandons pourquoi nous sommes constamment en train de courir après les
objets des sens, dès l’instant où nous nous réveillons jusqu’à notre coucher, ce que nous
cherchons et ce que nous voulons vraiment, la réponse, c’est le plaisir, et non pas l’objet lui-
même. Comme nous sommes assoiffés de plaisir, nous recherchons l’expérience du toucher,
du son, du goût, de l’odeur, des objets de la vue et des pensées. C’est pourquoi ici, il n’y a
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pas que les sens que nous restreignons (par le fait d’en garder les portes) mais aussi la
« soif » pour le plaisir. En principe nous recherchons le plaisir, nous nous y agrippons et
haïssons la douleur. Nous pensons pouvoir gérer le plaisir mais pas la douleur. Donc en
méditation (et c’est particulièrement vrai en retraite) nous faisons tout pour essayer d’éviter
la douleur. Nous craignons tellement la douleur qu’elle en devient tout simplement l’objet le
plus important de la retraite. Pour beaucoup, l’essentiel de la retraite se réduit à trouver le
coussin ou le banc de méditation qui convienne, ou toute technique qui puisse soulager la
douleur. Certains (méditants), en quelques jours, se retrouvent complètement entourés et
soutenus par des coussins : un sous le genou droit, un sous le gauche, un pour protéger le
dos, et ainsi de suite. En deux jours, ils ressemblent à des soldats de la première guerre
mondiale dans leur tranchée !
En retraite, si nous portons notre attention sur les sensations et les observons sans panique
ni excitation, en en faisant l’expérience avec équanimité, nous nous rendrons compte que,
contrairement aux idées reçues, la douleur est beaucoup plus facile à gérer que le plaisir ;
car du plaisir nous sommes dépendants, pas de la douleur. Nous pouvons nous habituer à la
douleur, cela s’avère plus difficile avec le plaisir. En réalité il est plus difficile d’être satisfait
que d’être patient. C’est pourquoi le véritable ennemi du méditant n’est pas la douleur mais
l’insatiable soif de plaisir !
La pratique vipassana traditionnelle de la vue supérieure est aussi connue comme « la voie
de la purification ». Réfréner les sens est un facteur purificateur qui rend la vie plus paisible
et facilite la méditation. Pour cela nous avons besoin de nous simplifier la vie.
Dans la pratique de la vue supérieure, le terme de « purification » s’applique à cette
soumission de l’esprit et des sens. Vous avez pu remarquer que nous utilisons le terme
« purification », non pas par rapport à quelque chose qui aurait déjà été accompli que l’on a
besoin de purifier, mais par rapport à quelque chose qui ne s’est pas encore produit et que
l’on a besoin d’empêcher.
Il existe sept étapes de purification :
1. La purification de la conduite
2. La purification de l’esprit
3. La purification de la vue
4. La purification par la victoire sur le doute
5. La purification par la connaissance et la vision de ce qu’est la voie et de ce qui n’est
pas la voie.
6. La purification par la connaissance et la vision du cheminement de la pratique
7. La purification par la connaissance et la vision.
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La purification de la conduite fait référence à la pratique de l’abstinence et de la retenue,
mentionnée plus haut. On la connaît aussi sous le nom de « purification du
commencement ». C’est l’élément purificateur de l’esprit qui arrête le vent des distractions,
et c’est aussi le prérequis pour qu’un méditant puisse progresser.
La purification de l’esprit signifie la capacité pour l’esprit de rester sur n’importe quel objet,
calme et tranquille, sans distraction, aussi longtemps qu’on le souhaite, en étant libre des
cinq obstacles.
La purification de la vue signifie la vue supérieure portant sur la véritable nature des
agrégats et du soi.
La purification par la victoire sur le doute signifie éliminer le doute concernant la nature
interdépendante de tous les phénomènes.
La purification par la connaissance et la vision de ce qu’est la voie et de ce qui ne l’est pas
signifie reconnaître ce qui est juste une élimination temporaire des klésha (pollutions)
comme étant une élimination temporaire des klésha.
La purification par la connaissance et la vision du cheminement de la pratique signifie aligner
l’esprit avec les facteurs qui mènent à l’élimination totale des klésha.
La purification par la connaissance et la vision signifie la réalisation du but.
L’agitation et la confusion dont nous faisons l’expérience, particulièrement au début de la
pratique, ne sont pas dues aux difficultés de la pratique ni au manque de familiarité avec la
technique. Ils sont souvent dus aux vents de distractions qui sont encore en train de souffler,
rendant ainsi l’esprit agité et confus. Pour arrêter ce « vent » qui souffle constamment et qui
agite l’esprit, ce qui est nécessaire est une bonne conduite (une conduite purifiée).
De façon à générer une conscience claire (qui purifie la vue), on a d’abord besoin d’un esprit
stable (un esprit purifié). En effet il s’avèrerait très difficile de générer une conscience claire
sans un esprit stable et concentré. Tout comme la flamme d’une bougie exposée au vent ne
peut rien éclairer à cause de son vacillement constant, un esprit vacillant ne peut rien
éclairer tant que les distractions extérieures n’ont pas cessé (ou ne sont pas purifiées).
Sans effort il est impossible de produire la stabilité mentale. C’est pourquoi, avant la
concentration, nous avons besoin d’établir l’effort. Qu’est-ce alors que l’effort ? L’effort
signifie « faire l’expérience d’épreuves ». C’est pourquoi pour gérer ces épreuves nous avons
besoin de patience ; ainsi la patience précède l’effort. Sans entraînement à la patience, il
n’est pas envisageable de pouvoir établir l’effort. Comme l’a dit le Bouddha : « l’ascétisme le
plus élevé est la patience, le véritable ascète est celui qui est patient ». La patience établit
l’effort, avec l’aspiration pour guide.
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Si une personne souffre beaucoup, l’entraînement à la patience lui sera très difficile. Pour
l’entraînement à la patience, il ne devrait pas y avoir trop de souffrance. Aussi la moralité
(une conduite purifiée) prépare le terrain dans ce but. Comme nous l’avons dit
précédemment, la vie tempérée par la moralité/discipline devient moins compliquée, moins
agitée, moins confuse, moins misérable. Souffrance et problèmes sont encore présents, mais
moins qu’avant. Il devient alors plus facile de s’entraîner à la patience.
Moins de mal-être devrait être l’objectif visé du débutant. C’est par la moralité/discipline
que l’on peut l’atteindre. Notre attention se porte trop sur le bonheur, cela devient une
obsession. Les lamas parlent effectivement de bonheur et du fait d’être heureux. Dans les
soutras, le Bouddha parle aussi de « réaliser le bonheur » mais dans un sens différent.
Quand les bouddhas s’expriment sur le bonheur, ils ne sont pas en train de nous parler
d’amusement, d’avoir du bon temps : une vie d’insouciance. La notion de bonheur exprimée
par le Bouddha, c’est l’expérience du « non-malheur » ou de la non-souffrance. Au
commencement, voilà ce à quoi on peut aspirer.
Se donner le bonheur comme but peut créer de grandes déceptions. Il est irréaliste d’être
toujours « heureux » en cette vie humaine. Prenez les lamas par exemple : Sont-ils toujours
heureux ? Si oui, dans quel sens le sont-ils? Quand ils reçoivent de mauvaises nouvelles du
Tibet, sont-ils malheureux ou font ils juste semblant d’être tristes ? A l’époque du Bouddha,
30.000 personnes du clan des Shakyas (son propre clan) furent tuées. Quand le Bouddha en
reçut la nouvelle, fit il semblant d’être triste ou le fut il sincèrement ?
.
Il est important de bien faire la distinction entre la manière dont les êtres réalisés
interagissent avec le monde et leur façon d’en faire l’expérience.
La pratique de la vue supérieure s’appuie sur le développement de la pleine conscience ou
attention (le facteur purificateur de l’esprit). Le Bouddha a dit : « Je ne connais pas un autre
facteur mental plus efficace que l’attention pour abandonner ce qui est malsain et cultiver la
vertu ». Il existe différents types d’attention : l’attention dans le contexte de la moralité ;
l’attention/application dans le contexte de la concentration qui consiste à ne pas oublier
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l’objet et l’attention qui est et a les caractéristiques de la pleine conscience : la vue
supérieure. Ce qu’on appelle ici insight (vue supérieure) ne doit pas être confondu avec
«la nature ultime ». Dans la pratique vipassana traditionnelle, l’« insight » réfère à la
première des huit voies de l’octuple sentier : la compréhension juste, la compréhension de
doukkha et des quatre nobles vérités.
Doukkha, normalement traduit par « souffrance » ne correspond pas simplement à
l’évidente souffrance physique et mentale que l’on associe à la maladie et aux complications
générales de la vie. C’est quelque chose de plus « douloureux » que cela : c’est la nature
(précaire) de notre existence, faite d’insatisfaction, d’instabilité et de l’absence d’un soi.
Selon le bouddhisme, notre existence tout entière est doukkha. Mais cela ne fait pas pour
autant du bouddhisme une religion pessimiste car doukkha, c’est le diagnostic posé et non
l’opinion concernant le traitement.
Dans la pratique de la vue supérieure, la pleine conscience (l’esprit purifié) est ce qui permet
au méditant de voir cette doukkha. Quand, pendant la retraite, vous faites l’expérience de
l’ennui, de l’insatisfaction, de l’esprit qui veut partir ; qui remet en question et qui maudit le
moment où vous avez entendu parler de la retraite, avec la volonté d’étrangler la personne
qui vous en a donné l’idée ; quand nous nous demandons : « A quoi ça sert ? Qu’est-ce que
je fais ici ? ». Quand vous faites l’expérience de ces différentes humeurs, c’est à ce moment-
là que la pratique commence véritablement. Nous avons trouvé une base, une base très
ferme : « notre samsara ». Ennui, insatisfaction, peurs, soucis, frustration et tous les autres
problèmes du quotidien, cela aussi est le dharma, « le dharma qui est à comprendre ».
Les bouddhas et les aryas bodhisattvas sont souvent dépeints comme étant assis sur une
fleur de lotus. Le lotus est une fleur qui pousse dans la boue ou près de la boue mais n’est
pas souillée par elle. Le bouddha assis sur la fleur de lotus symbolise cela : proche du monde
mais non affecté par lui ; on y trouve une similitude avec l’esprit de la personne (le méditant)
qui commence à comprendre la souffrance.
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Pour la pratique de la vue supérieure, différentes conditions internes et externes sont
requises. Les conditions internes pour la vue supérieure sont la pratique de la discipline, de
l’attention, etc., la propreté étant la condition externe : garder le corps propre, porter des
vêtements propres et maintenir l’endroit où l’on médite, propre et en ordre. Ainsi, dans la
salle de méditation, à l’endroit où l’on s’assoit, il devrait y avoir juste un coussin, avec un
châle ou une couverture au cas où l’on ait froid, un carnet de notes si l’on souhaite en
prendre pendant l’enseignement, et c’est tout. Pas de sac ou autre chose et cela, pas
uniquement dans la salle de méditation, car c’est aussi valable pendant les pauses, vous ne
devriez pas porter vos sacs avec vous ; c’est le reflet d’un esprit instable. Aussi, pendant la
retraite, est-il très important d’avoir l’esprit posé. On devrait se sentir bien installé, comme
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si on était à la maison ; quand vous êtes chez vous, vous ne portez pas votre sac partout avec
vous et ici en retraite vous devriez vous sentir décontracté et installé de la même façon.
Pendant les retraites aussi, ce que nous voyons souvent, ce sont des gens qui portent
quelque chose et en particulier des bouteilles d’eau ; ce sont les « peluches » du méditant.
Certains portent une petite bouteille d’eau partout où ils vont mais ce n’est pas parce qu’ils
ont vraiment soif ; Ils s’ennuient tout simplement et quand ils ne savent pas quoi faire, ils
boivent ! L’intention de la retraite n’est pas seulement d’apprendre et de se familiariser avec
la technique de méditation, c’est aussi d’observer son esprit, instant après instant, et de
reconnaître l’insatisfaction profondément ancrée qui colore toutes nos expériences.
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Parlons ensuite de la façon de se comporter et particulièrement pendant les pauses. C’est au
moment des pauses que l’on doit être extrêmement prudent ; pendant les temps de
pratique assise et marchée, en effet, on est occupé à pratiquer mais pendant les pauses,
c’est le moment où l’esprit est détendu, il peut être alors facilement attaqué par les klésha
ou pollutions. C’est le moment où l’esprit devient vulnérable. On doit donc rester tout le
temps vigilant et en alerte. Quand on est détendu, toutes sortes d’images : la maison, la
famille, les enfants, le travail, les relations, etc., se manifestent à l’esprit. Alors quand vous
revenez à votre place et que vous voyez le coussin, vous vous sentez oppressé et
malheureux. Vous devez vous traîner jusqu’à votre place, cela s’avère douloureux et l’esprit
commence à se demander : « Qu’est-ce que je fais ici ? » Pendant les temps de pause, le
méditant reste dans le présent (ce qui signifie qu’il évite les distractions) en restant attentif
aux objets des sens. Comme le Bouddha le mentionne dans un soutra : « Tous les objets que
vous voyez ne sont que des objets de la vue, tout ce que vous entendez ne sont que des
sons, tout ce que vous goûtez, des goûts, tout ce que vous sentez, des odeurs, tout ce que
vous touchez, des objets du toucher, et quoi que vous pensiez, ce ne sont que des pensées. »
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Ensuite, quand vous entendez la cloche qui indique la fin de la session, vous ne devriez pas
vous lever immédiatement mais plutôt attendre.
Soyez attentif et notez le changement. Il y a un changement qui s’opère dans le corps et
dans l’esprit au moment où vous entendez la cloche sonner et vous devriez être attentif à
cela. Vous savez que c’est fini et vous vous sentez mieux. Il vous suffit d’entendre le son de
la cloche pour vous sentir mieux physiquement et mentalement. Ce son vous dit que la
douleur est une expérience conditionnée. Il suffit de l’entendre pour que le mal-être s’en
aille ! Vous voyez que ce n’est pas une douleur concrète et bien solide ; vous réalisez que
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cette douleur ne siège pas en vous. Cela vous montre que la douleur n’est pas dans vos os ou
dans votre peau ; vous n’êtes pas le réceptacle de la douleur. Vous devriez poser sur
l’expérience du changement et non pas juste penser : « Merci mon dieu, c’est fini ! » Puis en
conscience, vous vous levez et vous redressez. Si vous voulez sortir, vous savez : je sors ; si
vous devez aller à votre chambre, vous savez : je vais à ma chambre ; si vous devez aller aux
toilettes, vous savez : je vais aux toilettes. Vous devez savoir ce que vous allez faire ensuite,
ainsi l’esprit n’est pas confus. Il n’y a alors pas de confusion quant à ce que vous avez à faire.
En général la discipline nous fait peur mais en retraite, nous changeons cette perception
quand nous en reconnaissons les bienfaits et que nous voyons comment cela fonctionne. On
l’appelle « l’attention avec une compréhension claire » : marcher en conscience et faire les
choses attentivement, l’intention étant de renforcer la présence mentale. Il est très
important, autant que vous le pouvez, de rester attentif à chacune de vos actions. Le
moment où vous vous levez, vous êtes conscient de vous mettre debout. Quand vous ouvrez
la porte, vous êtes conscient du geste de votre main qui atteint la poignée de la porte,
conscient de la sensation du toucher, conscient de tourner la poignée, en l’ouvrant ou en la
fermant et ainsi de suite. Portez votre attention sur toutes les activités corporelles ainsi que
l’entrée en contact avec différents objets.
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Ensuite, en tibétain, il y a deux expressions pour rendre le mot « retraite », nyen-ba et tsam-
dé. Nyen-ba signifie venir plus près, s’approcher, ce qui est principalement utilisé lors de
retraites tantriques. Par exemple, quand vous faites une retraite tantrique, l’intention est de
se rapprocher de la déité ou, si vous vous familiarisez avec le mantra, de vous rapprocher de
sa parole. Ce terme nyen-ba peut aussi s’appliquer à ce genre de retraite étant donné que le
sens véritable de Satipathana est « le placement rapproché de l’attention », le fait de placer
l’attention juste à côté de l’expérience.
Tsam-dé est le terme le plus courant pour retraite, tsam signifie limite, frontière et dé
signifie habiter, habiter à l’intérieur des limites (posées) ; ne pas aller au-delà. Physiquement
on reste en-deçà des limites posées pour la retraite. Pendant les pauses vous marchez mais
pas trop loin, vous ne prenez pas votre voiture pour aller quelque part et puis revenir. Avec
la parole, vous n’enfreignez pas le silence. Le silence ne se limite pas au fait de ne pas parler
bien sûr ; il signifie « pas de distraction ». On n’écrit pas de messages, en particulier si l’on se
trouve dans un dortoir ou dans une chambre double. Faites votre possible pour éviter tout
bavardage. Ce qui se passe, c’est que vous vous sentez peut-être un peu oppressé et vous
pensez que quelques mots échangés vous feront du bien. Vous pensez que cela va vous aider
mais cela finit par créer beaucoup de pensées et donc beaucoup de distractions et plus
d’insatisfaction. Vous devriez donc éviter toute conversation.
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En retraite on essaie de communiquer avec celui avec qui on n’a jamais communiqué
auparavant, SOI-MÊME. C’est comme cela qu’en retraite, on essaie de se connaître soi-
même. Cela amène à « mentalement rester à l’intérieur des limites », être dans le présent.
Quand il y a présence mentale, on peut alors méditer. Ainsi la retraite comporte trois
aspects importants : la discipline, le silence et l’attention.
L’un des obstacles les plus importants qui empêche de respecter les limites de la retraite,
c’est le désir insatiable. Pendant la retraite, le désir se pare d’un nouveau masque, en
particulier celui de la spiritualité. Quand par exemple quelqu’un s’ennuie, certaines pensées
peuvent se manifester, comme : « Pourquoi ne pas réciter des mantras ? Qu’il y-a-t-il de mal
à cela ? Ou associer la pratique avec des visualisations, ou du yoga ? » Ceci se produit dès
lors que vous ne supportez plus ni de rester assis ni l’exigence de rester attentif et
concentré. Quand on s’entraîne à la pleine conscience, à apprendre à être conscient et à
lutter contre les distractions, le questionnement spirituel est aussi une distraction. Vous ne
devez donc rien suivre qui puisse vous encourager à la saisie. On doit faire très attention et
être sans cesse en alerte. Le désir est toujours présent à notre esprit et peut aussi se
manifester sous l’aspect d’un « objet sacré », un « objet du Dharma », mais en réalité, il peut
tout simplement prendre l’aspect de : on ne sait pas quoi faire et alors on se met à réciter
des mantras.
Pendant la retraite, vous pouvez remarquer un sentiment d’attente constant. Quand vous
êtes assis, vous êtes en train d’attendre la fin de l’assise, au moment de la pause, c’est la
même chose, vous êtes impatient de reprendre. La méditation marchée crée un équilibre
entre les sessions et les pauses. La méditation marchée qui est « la marche en conscience »
est une pratique qui nous vient de la tradition du bouddhisme ancien. De nombreux soutras
commencent par décrire le Bouddha en train d’aller et venir en conscience, après son repas
ou avant la tournée des aumônes, ou à d’autres moments. On rapporte aussi des récits de
réalisations qui ont eu lieu pendant ou après la méditation marchée. Ananda par exemple,
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l’intendant du Bouddha, réalisa la vue supérieure, la vision pénétrante, juste après une
méditation marchée. Nous trouvons à la fois sérénité et clairvoyance pendant la méditation
marchée. La méditation marchée donne à l’esprit vivacité et stabilité.
Quelle est la raison d’être de la méditation marchée ?
Il y en a plusieurs, mais pour l’essentiel, au début, elle permet de ralentir l’esprit, et ralentir
l’esprit aide à comprendre les moments, les instants de conscience. L’esprit nous apparaît
comme une entité solide, isolée et permanente. Nous pouvons avoir une idée conceptuelle
concernant l’esprit mais nous n’avons pas la moindre idée de ce que c’est vraiment ! Nous
pouvons alors diviser la marche en conscience en trois parties : dans la première partie, c’est
un style de marche vivifiante, un peu rapide, où l’on essaie de garder le corps en équilibre.
Puis vous ralentissez et vous concentrez plus sur les détails : lever, placer ; lever, placer.
Vous êtes alors conscient du lever et du placer. Peut-être noterez-vous alors que quand vous
en avez juste terminé avec le placer, le lever a déjà eu lieu. C’est un acte on ne peut plus
simple et pourtant nous ne sommes pas pleinement conscients de ces deux simples étapes.
Ceci nous indique à quel point notre attention et notre concentration sont faibles.
L’attention est la mémoire (sati) de ce qui s’est passé, (ou si elle est bien développée, de ce
qui vient juste de se passer ou est en train de se passer). Ainsi, pour que l’on soit conscient
des choses (que l’on se rappelle d’elles), il est nécessaire que les choses se soient passées,
nous ne pouvons pas simplement attendre que les choses se passent. Quelque chose doit se
dérouler pour pouvoir se rappeler. Donc vous n’êtes pas en train d’anticiper mentalement,
mais plutôt, vous êtes vigilants.
L’attention a six caractéristiques :
1. Ce qui retient l’objet.
2. ce qui ne l’oublie pas, et donc :
3. pas de distraction,
4. pas de superficialité,
5. pas de confusion,
6. la capacité de diriger l’esprit vers un quelconque objet.
Dans la pratique de la vue supérieure, quand nous prenons toutes ces caractéristiques et
que nous les mettons ensemble, l’attention cesse d’être simplement « sati » (mémoire) et
devient « pouvoir d’observation ». Cependant, en se référant au sens étymologique de sati
« mémoire », ici il ne s’agit pas d’une mémoire du passé, mais d’un passé très proche. Sati (la
mémoire) ou plus précisément la « réminiscence » ne veut pas dire se rappeler de quelque
chose du passé (avec le risque de se perdre dans le passé) mais c’est la mémoire ou la
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réminiscence de ce qui vient « tout juste » de se produire. « A l’instant, je viens d’être
distrait ! » Cela est le sens étymologique de « sati ».
Avec la méditation marchée, vous êtes d’abord conscient d’être debout puis vous
commencez à marcher. Etre conscient du lever et du poser au moment où cela se passe.
Quand vous commencez à noter clairement le déroulé du processus de lever, avancer, placer
et toucher, c’est la preuve que l’esprit s’aiguise peu à peu et devient plus présent.
Si vous êtes conscient du lever, avancer, placer et toucher, vous allez commencer à percevoir
les intervalles et les espaces qui se déroulent entre ces simples actions. Si vous êtes
suffisamment conscient, vous remarquerez que l’esprit peut devenir distrait, même entre
ces très courts moments. Peut-être vous rendrez-vous compte qu’entre le lever et le
mouvement vers l’avant, qui ne prendra qu’une seconde, il y a encore suffisamment de
temps pour être très distrait ; l’esprit peut rentrer à la maison, peut se disputer avec vos
parents ou votre partenaire, ressentir de la colère, revenir, tandis que le pied, quant à lui,
n’est toujours pas posé ! Ainsi, en l’espace d’un si court instant, peut se dérouler une grande
distraction, toute une histoire ; et vous vous en souvenez ! L’attention, ce n’est pas
simplement être présent, comme beaucoup semblent l’enseigner de nos jours. Une autre
raison d’être de la méditation marchée, c’est de percevoir et d’être conscient de l’intention.
Puisque l’intention est l’agent de nos actions (karma), cela est extrêmement important. La
moindre action physique, mentale ou verbale est précédée de l’intention. Qu’est-ce que
l’intention ? L’intention n’est pas une pensée ou un concept ; c’est le facteur mental-(ou
fonction cognitive) qui meut l’esprit (et le corps). La méditation marchée est très bonne pour
reconnaître ce facteur mental important. Nous voyons et reconnaissons aussi ce qu’est
l’intention : ce (facteur mental) qui a l’intention, et qui n’est pas le soi.
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Là encore, concernant la discipline, nous avons la discipline individuelle et la discipline du
groupe. En retraite, la discipline du groupe est plus importante. Quand le groupe est
harmonieux et bien discipliné, le pratiquant devient très inspiré et cela est très important
car, comme nous l’avons dit plus haut, l’inspiration est ce qui établit l’effort, sans lequel
aucune progression n’est possible. Donc quand le groupe est soudé et bien discipliné, il
devient très inspirant, ce qui est extrêmement bénéfique pour l’individu.
Par exemple, quand des visiteurs viennent à passer par là et voient les méditants silencieux
et tranquilles, il arrive souvent que ces gens soient très inspirés ; ils se rendent à la réception
et expriment le souhait de s’inscrire pour la prochaine retraite. Pendant que ceux qui font la
retraite sont en train de penser « plus jamais ! », ceux qui ne font pas la retraite en
revanche, n’étant pas impliqués personnellement, voient mieux le résultat de l’effort du
groupe, alors que les méditants, absorbés en eux-mêmes, ne le peuvent pas. C’est pourquoi
il est important que le méditant, de temps en temps, prenne du recul et réfléchisse aux
qualités et bienfaits de la discipline. Le Bouddha a dit : « De la même manière que les gens
portent des ornements pour se rendre séduisants, à porter l’ornement de la discipline, le
méditant se rend « séduisant » (inspirant). »
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En ce qui concerne les attentes.
La plupart des problèmes : déception, irritation, confusion, colère (et souvent loung) dont
nous faisons l’expérience en retraite, sont en lien étroit avec nos attentes.
L’attente pour un méditant est son pire ennemi, le vrai Mara, qui finit par se transformer en
Godot, celui qui ne vient jamais. Il existe deux types de personnes affectés par l’attente :
ceux qui sont tout nouveaux dans le bouddhisme et ceux qui ont fait beaucoup d’études. Le
néophyte aura des attentes en lien avec les nombreuses choses merveilleuses qu’il aura
entendues à propos de la méditation ; quant au deuxième type, ses attentes seront plutôt
basées sur l’échec de ses études antérieures à ne produire aucun résultat (ou
expérience).tangible
Le défaut des attentes est que si la personne a confiance en elle-même et que rien ne se
produit, alors elle va blâmer la méthode ou l’enseignant en pensant : « Je fais exactement
tout ce qu’il m’a dit mais il n’y a toujours rien qui se produit ». Alors montent la déception et
souvent la colère tandis que pour la personne dont l’estime de soi et la confiance sont très
faibles, si ses attentes ne sont pas comblées, elle aura tendance au découragement et à la
dépression. Nous avons besoin de reconnaître l’attente (ne pas la refouler) et la laisser
passer.
Une attente que l’on trouve fréquemment est l’atteinte de la félicité, de la paix, du bonheur,
du bien-être et d’une vie sans souffrance. Très souvent les gens viennent faire la retraite
avec cette forte attente. Mais comme l’a dit un lama tibétain célèbre : « La méditation, c’est
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comme une opération sans anesthésie ». En tant que débutant, nous ne pouvons pas
méditer sans douleur, sans inconfort, fatigue ou désagrément. Au début, la douleur ou le
désagrément est incontournable et pour l’étudiant intelligent, c’est plutôt très bon car,
quand cette sensation est présente, l’esprit peut s’asseoir sans beaucoup de distractions ;
vous réaliserez cela en temps voulu. La douleur laisse peu de place au fantasme alors que,
d’une certaine façon, quand on se sent confortable, béat et que tout va bien, l’esprit (notre
esprit) a besoin d’une camisole de force pour se calmer.
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La foi est un autre aspect important de la pratique.
Le Bouddha a dit : « De la même façon qu’une graine brûlée ne peut germer, un esprit
dépourvu de foi est incapable de développer quelque chose de sain ». La foi est caractérisée
par la clarté et la confiance. La foi ne signifie pas simplement avoir une attitude
révérencieuse envers un être ou une image sainte mais devrait être comprise comme une
attitude mentale capable d’approfondir et d’élargir le champ de compréhension de la
personne. Etant donné que la foi touche à des phénomènes cachés (ou non prouvés), elle est
dotée d’un élément fort qu’est le courage, l’enthousiasme pour essayer, PRENDRE LE
RISQUE. Elle provoque une aspiration qui, en retour, établit l’effort. Aussi est-il très
important d’être « conscient » de ce facteur mental quand il se manifeste. Au début, notre
principale préoccupation et notre effort ne portent pas vraiment sur le fait de développer et
réaliser le chemin (étant donné que cela prendra un certain temps), mais plutôt sur celui
d’être attentif et conscient de façon à savoir ce que c’est (que la foi) ; comment on se sent
quand elle est présente, comment on se sent quand elle ne l’est pas.
Dans la pratique de la vue supérieure, il ne s’agit pas tant d’être « créatif », comme c’est par
exemple le cas en méditation conceptuelle, que d’être conscient, de goûter à l’expérience,
d’en connaître la nature. C’est comme de boire une soupe dans laquelle tous les ingrédients
sont mixés. Si nous ne faisons que la regarder, ce que nous voyons n’est qu’un genre de
bouillon jaunâtre, nous ne savons ni ne voyons pas vraiment ce qu’il y a dedans. Pour en
connaître exactement le contenu, il est nécessaire de le boire, de le goûter. De la même
façon, essayer de comprendre l’esprit uniquement par le biais de la conceptualisation nous
donne une vague idée de ce qu’il est. Nous ne voyons que son aspect superficiel. Nous ne
pouvons pas réellement savoir ce qu’il est, « de quoi il est fait ». C’est la pleine conscience
qui « goûte » clairement les « ingrédients » (les facteurs mentaux).
En retraite, quand surviennent des moments de foi ou de confiance, nous sommes
pleinement conscients, nous la ressentons, la goûtons ; et puisque nous la reconnaissons et
l’apprécions, nous la nourrissons et la renforçons. Quand nous faisons l’expérience de ce
moment de foi/confiance, nous y demeurons. Quand la foi n’est pas présente, nous ne nous
décourageons pas mais nous sommes conscients : pas de foi. Nous savons par là même
comment nous nous ressentons sans sa présence. Nous savons alors clairement comment
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nous nous sentons avec et sans. Ainsi, puisque nous en connaissons la nature, notre
inspiration se développe. C’est la même chose pour les autres états mentaux.
Puis, quand nous atteignons un certain niveau de pleine conscience, nous commençons à
diriger notre attention sur la pleine conscience elle-même, pour savoir comment nous nous
sentons avec elle et comment nous nous sentons sans elle. Il est des moments où nous
sommes pleinement conscients et des moments où nous ne le sommes pas, si bien que nous
savons : « Ah ! Cela, c’est la pleine conscience ! » La même chose quand il y a le désir
insatiable, nous en sommes conscients. Nous sommes conscients quand il est là et quand il
vient tout juste de se dissiper. Nous sommes conscients de sa présence, de son absence,
donc nous savons : « Voilà comment je me sens avec le désir, et sans le désir ».
Concernant l’esprit…
Qu’est-ce que l’esprit ?
Comme on dit : « L’esprit n’est pas l’esprit ». Toutes ces choses que nous venons de
mentionner : foi, confiance, pleine conscience, désir, colère, peur, soucis, bonheur, malheur,
etc., sont toutes esprit. Il n’y a pas un esprit qui serait le réceptacle de toutes ces
expériences.
L’expérience est l’esprit.
Revenons à la pleine conscience.
Comme je l’ai dit, étymologiquement pleine conscience signifie mémoire et, dans le contexte
de la méditation de la vue supérieure, cela signifie « pouvoir d’observation ».
La racine de la pleine conscience, c’est l’attention, quelque chose que nous possédons tous.
L’attention est l’une des fonctions majeures de la conscience sans laquelle il ne peut y avoir
perception d’objet quel qu’il soit. La pleine conscience est le résultat de ce facteur mental
important. Bien, et quelle est la caractéristique de cette attention ? C’est une attention pure,
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simple et nue, dépouillée de toute projection, de tout commentaire mental d’appréciation
ou de rejet, de jugement ou de « réflexion ». Si des commentaires et des « réflexions »
apparaissent au cours de l’entraînement, alors eux-mêmes deviennent les objets de cette
attention nue. Observer les choses sans les commenter n’est pas chose facile. Cela ne vient
pas naturellement ; ce n’est pas non plus quelque chose que nous avons été encouragés à
cultiver. Tout ce qui s’élève dans l’esprit, tout ce dont nous faisons l’expérience, est toujours
accompagné d’un commentaire, d’un jugement ou d’un bavardage intérieur ; c’est toujours
ce que nous pensons qu’elle est, ce que nous voudrions qu’elle soit, mais jamais une
expérience qui est, tout simplement. L’attention nue est la claire conscience de ce qui se
passe en réalité pour nous. La conscience basique de moments successifs de perception ne
fait pas de commentaire et n’émet pas de jugement, c’est notre tendance habituelle qui
colore et parfume automatiquement notre expérience.
Prenez les pensées par exemple. Elles ne font que s’élever et passer, apparaître et
disparaître. Mais normalement nous pensons, ou ressentons : « Il y a tant de pensées dans
mon esprit ! Je suis envahi par les pensées, mon esprit est si encombré ! » Comme si l’esprit
était un réceptacle avec plein de pensées à l’intérieur. Comme si on pouvait les compter ;
comme s’il y en avait une certaine quantité : un entrepôt où toutes ces pensées seraient
conservées. Si c’était le cas, alors nous pourrions « aller y piocher ». Mais, quand le vent a
cessé et que les vagues se retirent, où vont les vagues ? Où sombrent-elles ? Vont-elles
vraiment quelque part ? Est-ce qu’il y a un lieu au fond de l’océan où sont conservées les
vagues pour qu’elles puissent surgir plus tard, ou se retirent-elles tout simplement en se
mélangeant à l’eau de sorte qu’elles finissent par se confondre avec l’eau ? Il n’y a pas de
flux et de reflux réels des vagues. Elles ne sont qu’un phénomène occasionnel, il n’y pas
d’endroit réel où les trouver. La même chose est applicable à nos pensées. Le soi-disant
passé (d’un point de vue bouddhiste) est une réalité produite en dépendance que nous
connaissons par le biais d’associations, et non parce que nous y entrons et allons y piocher,
comme si l’on déterrait les os d’un dinosaure, ou un trésor perdu.
Comme dans le cas d’un océan qui est parfaitement calme et sans la moindre vague…
L’esprit totalement calme et libre de toute pensée est exactement comme cet océan. Quand
les vagues s’élèvent, comme les vagues de l’océan, cela peut être terrifiant (même si elles
n’ont pas d’existence par elles-mêmes). De même avec l’esprit, bien qu’elles n’existent pas
par elles-mêmes, les pensées et les émotions peuvent être vraiment terrifiantes.
Quel est le confort, ou le bienfait, obtenu par cette compréhension ? Pour la personne
intelligente, le bienfait est grand parce que nous avons cette idée que les émotions sont là
quelque part, même quand elles ne sont pas activement présentes. Disons que votre
problème est la colère ; vous avez un tempérament colérique, vous vous mettez
constamment en colère. Même quand vous n’êtes pas en colère, vous n’êtes pas tranquille
parce que vous avez cette idée que quelque chose (ma colère) est là à attendre et qu’elle va
surgir d’un moment à l’autre, ce qui n’est pas vrai. Cela n’est pas quelque chose que l’on
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peut connaître simplement par la réflexion intellectuelle. C’est la discipline de la pleine
conscience, de l’application de l’attention qui nous donne la possibilité de voir cette vérité.
Dans les commentaires, nous lisons par exemple que l’antidote à la colère est la compassion,
l’amour bienveillant et la patience ; que l’antidote à l’attachement est l’impermanence, etc.
Mais il s’agit là d’antidotes à appliquer quand cet état mental particulier n’est pas présent, ils
jouent un rôle de prévention, parce que deux états mentaux ne peuvent pas coexister, on ne
peut pas être en colère et patient ou plein de compassion au même moment. Si l’on a de
l’amour bienveillant dans son esprit, alors il n’y a pas de place pour la colère. Si l’on est
heureux, il est difficile d’être en colère. Donc, ce sont des antidotes que l’on applique quand
l’état mental particulier n’est pas présent. Quand l’esprit est neutre, nous créons des états
mentaux salutaires qui préviennent l’apparition d’états malsains. Mais ici, dans la pratique
de la vue supérieure, le problème qui nous occupe est celui d’une perturbation mentale déjà
présente. Quand une perturbation telle que la colère par exemple est déjà présente, faire
naître l’amour peut être très difficile. Si la colère s’élève en premier, l’amour n’a plus qu’à
attendre !
Le hic, c’est qu’en un tel moment, quand la colère est déjà là, il est trop tard, nous ne
pouvons pas faire naître la compassion quand nous sommes en colère. Quand la
perturbation est déjà là, l’antidote c’est l’attention, la pleine conscience. Mais nous ne
sommes pas en train de dire que la pleine conscience seule a le pouvoir d’éliminer ou
d’enlever la colère, car la question n’est pas d’éliminer ou d’enlever. Nous essayons
simplement de faire cesser l’accroissement et l’aggravation de l’état mental négatif. C’est la
meilleure chose que nous puissions faire quand nous sommes confrontés à une perturbation
active : stopper l’aggravation. Quand l’aggravation est stoppée, la réduction commence.
Donc, quand un certain état mental est présent, vous êtes attentif, vous restez assis avec lui,
vous le « laissez tel qu’il est », vous arrêtez de le suivre.
Ce qui aide pour cela, c’est le fait d’étiqueter. Quand, au cours de la session, vous voyez que
vous êtes distrait, apposez mentalement l’étiquette : « penser, penser ». Si la distraction est
en rapport avec le fait de parler, vous étiquetez (mentalement) : « parler, parler, parler », ou
« divaguer, divaguer, divaguer ». Quelle que soit la distraction, vous l’étiquetez ; et vous
verrez qu’au moment où vous le faites, l’histoire s’effondre. L’étiquetage aide à interrompre
le flot des distractions. Chaque fois qu’il s’apercevait qu’il était distrait, Milarépa prononçait :
« Phé ! Phé ! »
Si tout à coup vous découvrez que vous êtes en train de penser à la maison et la famille,
(mentalement) étiquetez : « maison, maison », « famille, famille ». Puis, regardez ce qui se
passe ; est-ce que « l’histoire » continue ou s’est-elle arrêtée ? Il est également vrai que plus
vous vous efforcez de ne pas vous laisser prendre, plus vous réalisez à quel point vous le
faites ! Normalement, quand cela se produit, le méditant se décourage. Mais pour la
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personne intelligente, ce n’est pas du tout décourageant, c’est plutôt encourageant parce
qu’on est en train de voir le problème, de voir l’addiction, et c’est une bonne chose.
Auparavant, nous avons indiqué que le désir insatiable est sans cesse en train de nous
tenter. Quelle que soit l’étendue de nos possessions, quand l’esprit est possédé par le désir,
il ressent une impression de pauvreté, il se sent vide et pauvre.
Le désir insatiable s’élève en dépendance d’objets externes et internes, et aussi d’objets
mondains ou spirituels. Au début de la retraite, le désir se porte sur les objets extérieurs : les
gens, la famille, les conversations nous manquent beaucoup. Et puis l’esprit se pose et on se
sent confortable. On commence à pratiquer et alors l’objet du désir insatiable change. Il
passe des choses mondaines aux choses spirituelles : shamata, la vue supérieure, la
béatitude, la paix, etc. Alors nous commençons à ressentir la pauvreté spirituelle. Tout
comme nous faisons l’expérience de la pauvreté ordinaire mondaine, nous faisons
également l’expérience de la pauvreté spirituelle, qui est encore plus douloureuse ! « Pas
d’accomplissements, pas de réalisations ! » En retraite, nous devons veiller à ne pas nous
retrouver en train de nous débattre avec la pauvreté spirituelle. Nous voyons souvent des
« personnes spirituelles » qui sont encore plus malheureuses que les gens ordinaires. C’est
parce qu’elles s’engagent dans la pratique spirituelle avec un objectif matérialiste. Être
matérialiste ne signifie pas nécessairement s’intéresser aux choses extérieures. Tout esprit
qui a un désir insatiable pour quelque chose peut être appelé « matérialiste ».
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Maintenant, revenons à la pratique proprement dite.
Les objets de la pleine conscience sont : le corps, les sensations, l’esprit, et ce qu’on appelle
les dharmas ou objets mentaux. Quand on les détaille, on arrive à vingt et un sujets. Il y a
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quatorze sujets sur la contemplation du corps, deux autres correspondent à la sensation et à
l’esprit, et ensuite les cinq objets mentaux, ce qui fait en tout vingt et un. Ainsi voilà les
objets de la pleine conscience : notre corps ordinaire, nos sensations ordinaires et notre
esprit ordinaire ; ce dont nous faisons l’expérience à n’importe quel moment donné, ici et
maintenant.
La contemplation du corps vise à éliminer la conception fausse de beauté.
La contemplation des sensations vise à éliminer la conception fausse de bonheur.
La contemplation de l’esprit vise à éliminer la conception fausse de permanence.
La contemplation des dharmas vise à éliminer la conception fausse de « soi ».
Ces quatre objets couvrent tout ce qui existe, extérieurement et intérieurement.
Une autre caractéristique de la pleine conscience dans la pratique de la vue supérieure est la
connaissance, non pas dans le sens d’une chose que l’on acquiert, une accumulation
conceptuelle d’informations, mais plutôt en tant que « conscience claire ». Imaginez cet
exemple : nous vivons dans un village ou une ville depuis de nombreuses années mais,
comme nous avons toujours été très occupé et pressé, nous n’avons aucune idée des
spécificités et de la beauté de cette ville. Et puis un beau jour, nous voilà à la retraite et nous
partons nous promener, détendu et calme, et brusquement : « Oh ! Regarde là ! Une église
baroque, un bâtiment gothique ! Je ne les avais jamais vus ! » Ainsi nous en arrivons à
« connaître » une église, un bâtiment, qui ont toujours été là, que nous les connaissions ou
non ! C’est ce type de connaissance que l’on est en train d’évoquer. La nature de bouddha
ne vient pas à l’existence au moment où nous la voyons. Elle est déjà là maintenant mais
nous sommes trop occupés pour la voir.
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Nous commençons avec la respiration, un objet tangible, facile, concret et solide ; un objet
de focalisation facile. La respiration est un phénomène qui change, elle n’est jamais la
même, elle n’est pas uniforme : elle est longue, courte, rapide, lente, etc. La respiration
longue par exemple est associée à un esprit confortable. Quand nous paniquons, nous
prenons une longue respiration et cela nous calme. Quand nous faisons l’expérience de la
peur, de la colère, ou de tout autre émotion forte, nous prenons une longue respiration et
cela nous calme, n’est-ce pas ? Cela donne à notre esprit du confort, de la détente. Les
respirations courtes et rapides, par exemple, sont associées à la tension, l’agitation, la peur
et les soucis. Aussi, quand nous regardons la respiration, nous pouvons prendre conscience
de la situation générale de l’esprit.
Dans la pratique de la vue supérieure, vous laissez faire la respiration, la laissant telle quelle,
dans le but d’apprendre à laisser l’esprit tel quel. Dans la pratique tantrique, le lien entre la
respiration et l’esprit est très bien expliqué. Dans les tantras par exemple, ce n’est pas tant
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avec l’esprit que l’on travaille qu’avec ce qu’on appelle les vents, ou souffles, d’énergie. C’est
le déséquilibre des souffles énergétiques qui, selon les tantras, cause l’agitation et la
pollution de l’esprit, si bien que ce n’est pas tant l’esprit que l’on cherche à maîtriser que les
souffles d’énergie. Ainsi la respiration et l’esprit sont fortement connectés. En calmant la
respiration, on calme l’esprit. Tandis que la respiration s’ajuste, l’esprit suit. D’abord, on est
attentif à la sensation de l’abdomen qui se soulève et s’affaisse. Puis, avec le renforcement
de la concentration, on observe la longueur de la respiration : les inspires et expires longs et
courts. Puis, tandis que la concentration s’approfondit et que la pleine conscience devient
encore plus forte, on observe le commencement, le milieu et la fin de chaque respiration,
qu’elle soit longue ou courte.
Si rien de particulier ne se passe, si rien de fort ou de perturbant ne s’élève alors que vous
pratiquez la stabilisation de la pleine conscience de la respiration, restez sur la respiration. Si
la perturbation est faible, alors conservez 70 à 80 % de l’attention sur la respiration, prenez
simplement note de la distraction mais restez sur la respiration. La même chose est
applicable à la douleur, si la douleur n’est pas si terrible, vous en êtes conscient mais votre
attention reste principalement sur la respiration. Si la douleur devient plus forte, c’est cela
qui devient l’objet et vous étiquetez alors (mentalement) : « douleur, douleur, douleur ». De
cette façon, vous évitez qu’elle ne vous happe, vous évitez de vous laisser prendre. Mais
quand on dit « cela devient l’objet », cela ne signifie pas que l’on se focalise sur cela, on est
simplement attentif, veillant à ne pas faire naître d’aversion.
La douleur présente une certaine caractéristique : elle peut être comme perçante, ou
brûlante, ou déchirante, ou semblable à un coup de poignard. Ce que nous appelons douleur
peut être un type de sensation comme d’être brûlé, frappé, déchiré ou percé, ce n’est pas
juste une douleur. Et puis elle peut être en train d’augmenter ou de diminuer. Si elle est en
train d’augmenter, augmente-t-elle rapidement ou lentement ? Ainsi on décortique la
douleur jusqu’à ce qu’elle devienne un simple flux de vibrations s’élevant et se dissipant et
non plus une douleur tangible, concrète. Quand nous observons les caractéristiques de la
douleur, nous mettons aussi en place le second des sept facteurs de l’éveil, l’investigation :
l’observation silencieuse de ce qui se passe. S’il s’agit d’une douleur légère, on reste sur la
respiration et prend simplement note de la douleur. Si la douleur devient plus forte, alors on
« l’observe » comme cela vient d’être expliqué. Si elle devient encore plus forte, alors on
ajuste la posture.
Donc, d’abord regardez et voyez de quel type de douleur il s’agit. Si c’est une douleur légère,
il se peut qu’elle passe simplement, sans plus de difficulté. Si elle est plus forte, on pratique
« l’investigation ». La douleur que l’on rencontre au cours de l’assise est en grande partie
due au manque de familiarité avec l’assise ; en effet, comme vous le savez, au moment où
vous entendez la cloche, au moment où vous vous levez, la douleur disparaît. C’est souvent
comme cela. Quand il y a douleur ou engourdissement par exemple, les gens s’inquiètent :
« Est-ce que je vais rester infirme pour le restant de mes jours ? » Bien sûr, on ne peut pas
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dire que plus on pratique l’assise et moins on a de douleur, ce n’est pas toujours le cas. C’est
plutôt que plus on est assis, et plus on s’habitue à la douleur, ce qui signifie que la douleur
est là mais qu’elle ne vous préoccupe pas. Donc, plus vous pratiquez l’assise, plus vous vous
familiarisez avec le sentiment d’inconfort. Quand vous mangez de la nourriture épicée par
exemple, la première fois c’est insupportable, mais ensuite quand vous vous êtes habitué à
la sensation de brûlure qui vient du piment, cela ne vous gêne plus. Le fait d’être habitué au
piment ne signifie pas que la sensation de brûlure n’est plus là. Elle est toujours là,
exactement comme la première fois, mais maintenant elle ne vous dérange plus. La douleur
va et vient, sans plus. Elle vient sans y avoir été invitée et repart sans que quiconque ne lui
ait dit de s’en aller. La somnolence non plus n’attend pas le moment où vous vous asseyez
pour attaquer comme si elle attendait le bon moment pour s’insinuer dans votre corps.
Il y a de nombreuses façons d’aborder la douleur. Le problème, comme vous le savez, ce
n’est pas la douleur mais la peur. Nous avons peur de la douleur parce que nous la
percevons comme quelque chose de nuisible comme un ennemi. Nous devrions établir une
relation amicale avec la douleur plutôt que de l’aversion. Normalement, nous nous asseyons
avec aversion en pensant : « J’espère que la douleur ne va pas venir, que je puisse méditer. »
Il est important d’avoir un peu de curiosité et d’accueillir la douleur. Plus vous avez peur,
plus les choses deviennent difficiles. Quand on a adopté l’attitude d’accueillir le problème,
alors il ne faut pas penser que les obstacles sont apparus parce que « je les ai accueillis » !
Les choses se produisent, nous le savons, en raison de causes et de conditions et non parce
qu’elles décident de se manifester d’elles-mêmes.
La meilleure façon d’aborder la somnolence et la douleur, c’est d’y porter de l’intérêt. En
pensant au moment où vous vous asseyez : « Si elle vient, je vais l’observer. » Ou encore, si
vous voulez faire preuve d’un plus grand courage, pensez : « Très bien, viens donc ! Je suis
prêt, me voilà ! » Il est fort probable qu’elles ne viendront pas ! Pour illustrer cela plus
clairement, disons que vous êtes en difficulté. Disons que vous êtes distrait, très distrait.
Vous essayez de ramener l’esprit au présent mais il n’écoute pas. Malgré tout, vous essayez
et essayez encore. A un certain moment, au point où vous commencez à être assez stressé, à
ce moment particulier, dites à l’esprit : « D’accord, vas-y ! » et voyez si, oui ou non, il s’en
va. L’esprit ressemble beaucoup à un enfant. Si vous lui dites de ne pas faire une chose, il la
fera, et si vous lui dites de faire une chose, il ne la fera pas ! Plus vous forcez l’esprit, plus il
se rebelle. L’esprit a sa propre vie et vous devriez « la respecter ». Nous ne pouvons pas
contrôler l’esprit en nous y prenant comme nous le faisons habituellement. Par exemple, si
je disais maintenant : « sois en colère ! », vous ne sauriez pas comment faire ! Quand nous
sommes en colère, c’est comme si la colère décidait spontanément d’être en colère. Mais,
comme nous pouvons le constater, afin de nous mettre en colère, nous avons besoin de
quelque chose ou de quelqu’un qui suscite notre colère ! Il n’y a pas de colère indépendante
qui existe de manière indépendante.
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En ce qui concerne les distractions dues à la conceptualisation, là encore quand les pensées
sont peu nombreuses, restez sur le souffle et soyez simplement conscient de la respiration.
Si elles sont nombreuses et qu’elles vous submergent, alors laissez-les se manifester mais ne
vous laissez pas prendre. Si elles sont nombreuses mais qu’elles ne vous submergent pas,
focalisez-vous sur une seule pensée. Il y a beaucoup de pensées, beaucoup d’images, mais
vous vous focalisez sur une seule. Puisque nous ne pouvons pas avoir deux objets dans
l’esprit en même temps, quand nous nous focalisons sur un seul, le reste disparaît. C’est
comme par exemple quand vous êtes à une fête au milieu d’un grand nombre de personnes.
Une seule personne vous intéresse et vous discutez seulement avec elle. Au fur et à mesure
que vous vous concentrez sur cette personne, tous les autres disparaissent. Ça se passe
comme cela, n’est-ce pas ? De la même façon, comme il y a de nombreuses pensées,
focalisez-vous sur une seule et le reste disparaîtra, et cette pensée elle-même finira par
passer.
Revenons à la douleur.
La capacité à supporter ou non la douleur dépend d’une « réflexion correcte ». Comme nous
le savons, quand nous avons mal à la tête par exemple, nous pensons normalement : « Si
j’avais mal aux dents, j’arriverais à le supporter bien mieux ! » Et quand c’est aux dents que
nous avons mal, nous pensons : « Oh, si c’était un mal de tête, je suis sûr que je le
supporterais mieux ! » Mais nous le savons, quelle que soit la douleur, grande, petite, ou
différente, nous ne la supportons tout simplement pas. Qu’elle soit petite ou grande, tant
que nous avons peur d’elle et que nous n’essayons pas d’en tirer parti en nous entraînant à
la patience, nous sommes sûrs de souffrir.
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La patience est une qualité qui s’élève en dépendance d’une réflexion correcte. Comme l’a
dit Shantidéva : « S’il existe une solution, pourquoi s’inquiéter ? Et s’il n’y a pas de solution, à
quoi sert de s’inquiéter ? » C’est seulement quand nous éprouvons une véritable douleur
que nous pouvons comprendre et faire l’expérience de la vérité de ce verset.
Ce n’est pas simplement par l’impression agréable causée par l’impact que cette phrase a
sur nous quand nous la lisons pour la première fois que nous pouvons la comprendre. Ça,
c’est juste l’effet « slogan accrocheur ». Deux choses sont nécessaires pour s’entraîner à la
patience : la présence de la douleur, et rester détendu. Si pendant l’assise vous faites
l’expérience de la douleur, et s’il se trouve que vous êtes pleinement conscient, alors
réfléchissez ainsi. D’abord pensez aux deux premiers vers de Shantidéva : « S’il existe une
solution, pourquoi s’inquiéter ? » Réfléchissez : « Si simplement en réajustant ma posture, la
douleur disparaît, pourquoi m’inquiéter ? » (Puis, les deux autres vers de Shantidéva) : « Et
s’il n’y a pas de solution… » Réfléchissez : « Si la douleur ne disparaît pas même après avoir
réajusté la posture, à quoi sert de s’inquiéter ? Cela ne fera qu’augmenter ma souffrance. »
Après avoir éliminé la panique (pas la douleur), poursuivez à présent votre réflexion avec la
méditation suivante : devant vous, du côté gauche, imaginez-vous vous-même, « celui (ou
celle) qui se plaint et se lamente », celle (ou celui) qui tout au long de la session s’est apitoyé
sur soi : « Qu’est-ce qui m’arrive ? J’ai mal, c’est insupportable ! Qu’est-ce qui se passe… » et
ainsi de suite. Puis imaginez un groupe de gens, des gens qui ont été frappés par une
maladie terrible, ou ont été victimes disons d’une catastrophe naturelle, qui ont perdu leurs
êtres chers, qui sont eux-mêmes blessés, et qui sont peut-être aussi démunis, malades, etc.
Un cas vraiment désespéré. Visualisez ces personnes devant vous, sur le côté droit. Et puis
vous, le méditant, assis sur votre coussin de méditation. Considérez celui de gauche, puis
ceux de droite, et posez-vous la question : « Qui mérite vraiment que l’on s’inquiète pour lui,
ou pour eux, celui de gauche ou ceux de droite ? » Maintenez cette contemplation au niveau
de la simple observation sans trop spéculer. Laissez juste parler votre cœur.
Revenons à l’objet de la pleine conscience.
Comme je l’ai dit, les quatre objets de la pleine conscience, quand on les développe,
constituent vingt et un sujets. En ce qui concerne le corps, nous avons :
1 la conscience de la respiration,
2 la posture du corps : debout, assis, couché et en train de marcher,
3 la pleine conscience avec la compréhension claire. Cela signifie que l’on est conscient
des diverses activités : marcher, se laver, nettoyer, se pencher, s’étirer, ouvrir la porte, la
refermer derrière soi, etc. Etre conscient des diverses activités fait croître la pleine
conscience. Ce qui rend la pleine conscience plus forte, plus claire, plus aiguisée et plus
stable, c’est exactement cela : la pleine conscience avec la compréhension claire. Puis les
autres sujets du corps sont :
4 l’attention ou la contemplation des quatre éléments,
23
5 la laideur du corps et
6 la contemplation des « neuf cimetières ».
Parmi les vingt et un sujets, la conscience de la respiration, la contemplation de la laideur du
corps et des neuf cimetières peuvent conduire à l’obtention de jhana, les absorptions. La
méditation sur la laideur du corps est la contemplation des parties du corps. Il y a trente-
deux parties dans notre corps, à commencer par les cheveux, la peau, la chair, les os, etc.
Traditionnellement, on les répèterait ou les réciterait pendant 165 jours, puis une deuxième
fois mentalement pendant 165 jours. Après les récitations orale et mentale, on les
contemple du point de vue de la direction, de la forme, de la couleur, etc.
Le méditant contemple chaque partie du corps prise individuellement : les cheveux, la peau,
les os, le sang, l’urine, le pus, l’estomac, etc., individuellement et chacune prise de son côté.
Chaque partie du corps, quand elle est prise séparément, est perçue clairement pour ce
qu’elle est : repoussante (dans le sens de rebutant) et sans attrait.
Quand ce terme de « répulsion » est utilisé dans le contexte de la contemplation de la
laideur du corps, il ne débouche pas (ou ne devrait pas déboucher) sur la perception de
notre corps comme étant quelque chose de dégoûtant et d’abominable ; ce terme vise à
produire un sentiment de « distanciation dépassionnée » et de non-attachement. Quand
l’attachement a cessé, l’agitation et la nervosité se dissipent, ce qui rend l’esprit
complètement calme. Quand l’esprit est calme (vraiment calmé), le méditant trouve les
objets des sens grossiers et il ou elle aspire naturellement à se retirer et à garder l’esprit
tourné vers l’intérieur.
Les neuf cimetières sont une investigation/contemplation du processus de décomposition du
cadavre. Dans le passé, on pratiquait cela avec un vrai cadavre laissé sur le cimetière à ciel
ouvert pendant des jours et des semaines. Les moines étaient encouragés à s’y rendre et à
passer du temps à observer les diverses étapes du processus de décomposition du corps,
jusqu’à ce que le cadavre ne soit plus qu’un tas d’os et de chair.
24
Dans cette méditation, à chaque étape, la personne pense : « Mon corps n’est pas différent
de celui-ci. Voilà ce qui va arriver à mon corps aussi. De même que ce cadavre est
repoussant et laid, de même est mon propre corps. Il n’y a aucune raison pour que la même
chose ne m’arrive pas à moi. » Si l’on demande ce qui produit les activités mentales, l’esprit
agité et nerveux, la réponse est l’attachement. Par la méditation sur la mort, comme celle
qui précède, le méditant coupe court à l’attachement. Ces deux méditations, la laideur du
corps et les neuf cimetières, concourent à mettre fin, à apaiser l’attachement au point que
l’esprit peut totalement se retirer vers l’intérieur et induire l’expérience de l’absorption.
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Le second objet de la pleine conscience est la sensation. Il y a trois types de sensations :
plaisante, déplaisante et neutre. Quand nous voyons, touchons, goûtons, entendons,
sentons ou pensons, nous produisons une sensation/expérience.
Qu’est-ce que la sensation ? La sensation, c’est ce qui ressent. Pour nous, la sensation nous
apparaît comme étant l’objet « ressenti », mais du point de vue de l’expérience yogique, la
sensation est « ce qui ressent ». La question est souvent posée : Qui est celui qui fait
l’expérience? Qui ressent ? Qui est attentif ? Qui est distrait ? Qui est en colère ? Selon la
vue supérieure de l’Abhidharma, c’est l’esprit qui fait l’expérience du monde, et non le soi.
Dans le système vipassana du bouddhisme des anciens, on commence à comprendre que ce
qui fait l’expérience n’est pas le « Je », mais l’esprit. Puis, quand on évolue vers le mahayana
(mahamoudra), on commence à remettre l’esprit également en question.
Quand on analyse l’esprit, comme on le fait dans le système du mahamoudra par exemple,
alors l’esprit aussi cesse d’être ce qui fait l’expérience. Cela devient « juste l’expérience », la
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« conscience de base impersonnelle ». Puis, cette conscience de base, quand elle est
identifiée et analysée avec le pouvoir d’observation de la pleine conscience (qui à ce point
du raisonnement n’est plus simplement « sati » mais connaissance discriminante), on finit
par trouver que cette conscience de base est également vide, vide de toute caractéristique
particulière identifiable.
La sensation est le résultat karmique d’actions passées. Chaque fois que nous faisons
l’expérience d’une sensation, qu’elle soit plaisante ou déplaisante, la cause racine de cette
expérience remonte jusqu’à nos actions (vies) passées. Puisque la cause de l’expérience
présente (la sensation) est passée depuis longtemps, on ne peut rien faire pour changer le
cours de cette expérience, cette sensation. Si bien que la sensation selon le bouddhisme
n’est pas quelque chose à purifier une fois qu’elle est apparue, mais quelque chose à
contrôler. Qu’est-ce que signifie « contrôler la sensation » ? On contrôle la sensation en
apprenant à la laisser telle qu’elle est, qu’elle soit plaisante, déplaisante ou neutre ; en ne la
suivant pas, comme nous le faisons toujours, avec saisie-attachement, aversion ou
indifférence. C’est en dépendance des sensations plaisantes, déplaisantes et neutres que
l’attachement, la colère ou l’indifférence se manifestent. En voyant la sensation telle qu’elle
est, semblable à une bulle d’eau, le méditant s’efforce de ne laisser aucune trace derrière
lui : pas de trace d’attachement, de colère ou d’indifférence. Le plaisir laisse des traces de
désir et d’attachement ; le déplaisir laisse des traces d’aversion, d’irritation et puis de
colère ; tandis que les sensations neutres (quand nous n’y sommes pas attentifs) nous
rendent confus et désorientés. Aussi, il est conseillé au méditant d’être attentif aux
sensations de façon à voir clairement leur véritable nature, ou mode d’être : leur nature
semblable à une bulle d’eau, fragile et éphémère. Les sensations ne font que s’élever et
passer, en elles-mêmes elles ne produisent aucune trace d’attachement ou de colère. C’est
notre ignorance (qui perçoit la sensation comme quelque chose qui est ressenti) qui crée la
tendance habituelle à saisir et à tomber dans la confusion.
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En ce qui concerne la pleine conscience de l’esprit : nous avons l’esprit principal, à savoir les
consciences visuelle, auditive, olfactive, tactile, gustative et mentale, accompagné des
« facteurs mentaux ». Les facteurs mentaux accompagnent toujours l’esprit principal, les six
consciences. Leur fonction est de colorer, ou parfumer, l’expérience. La colère, la
compassion, l’attention, la pleine conscience, l’intention, la sensation, la foi, etc., sont toutes
des facteurs mentaux. Elles décident de notre humeur : heureuse, malheureuse ou
indifférente. Nos humeurs et nos états d’esprit changent en dépendance de ce qu’on appelle
les facteurs mentaux.
Comment médite-t-on sur le troisième objet de la pleine conscience ? Comme le dit le
Bouddha : « Un bhikkhou demeure dans la contemplation de la conscience en conscience. Il
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connaît une conscience de concupiscence en tant que conscience de concupiscence, une
conscience sans concupiscence en tant que conscience sans concupiscence… »
On est attentif quand un certain état mental est présent et attentif quand cet état mental
n’est pas présent. On est attentif quand l’état mental de la colère est présent, et attentif
quand la colère est absente. On sait comment on se sent quand elle est là et comment on se
sent quand elle n’est pas là. Le méditant connaît plus clairement la nature de tous les états
mentaux parce qu’il (ou elle) est attentif(ve), non seulement à leur présence, mais aussi à
leur absence. Comment savons-nous comment on se sent sans la colère si nous ne sommes
pas attentifs/conscients de son absence? Tel est le moyen de connaître clairement si
quelque chose est bon ou nuisible pour nous. Il n’est pas suffisant d’être attentif quand la
colère est présente, il est aussi très important d’être conscient de son absence et de ne pas
simplement être content de ne pas être en colère.
La pleine conscience des « objets mentaux » est le quatrième objet de la pleine conscience
et il y a cinq sujets mais ici nous allons considérer le premier, à savoir les cinq obstacles :
le désir sensoriel.
la malveillance (ce qui inclut également la colère, l’aversion et les irritations).
l’indolence et la torpeur.
l’agitation et le remords.
le doute.
L’indolence et la torpeur comptent pour un seul obstacle bien qu’elles constituent deux
entraves différentes. C’est parce qu’elles ont la même fonction, la même cause et le même
opposé. Leur fonction à toutes les deux est de causer la somnolence. Leur cause est la
paresse et l’apathie, et leur opposé est l’effort.
L’agitation et le remords comptent aussi pour un seul alors que ce sont deux entraves
différentes. Ils ont la même fonction, la même cause et le même opposé. La fonction de
l’agitation et du remords est de causer l’inquiétude, le fait de ne pas avoir l’esprit tranquille.
La cause aussi est la même, c’est le fait de penser. Par le biais d’un certain processus de
pensée, on devient agité : quand on pense à la famille, aux gens, aux situations, etc. Le
remords est aussi causé par les pensées : « Qu’est que j’ai fait ? Je n’aurais pas dû faire
cela ! », etc. Leur opposé est la tranquillité. En effet le remords et l’agitation sont stoppés
par la tranquillité.
Ces obstacles ne s’opposent pas seulement à la quiétude mentale. Ils font tout
particulièrement obstruction au développement d’états mentaux sains. C’est pour cette
raison qu’on les appelle des obstacles, ou obstructions. Quand l’esprit est possédé par le
désir, il est difficile de pratiquer la vertu, il est difficile de faire naître un état d’esprit sain.
Quand il y a malveillance ou colère, il est difficile de faire naître un état d’esprit salutaire.
Quand il y a indolence ou torpeur, somnolence, léthargie, lourdeur du corps et de l’esprit, il
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est difficile de faire naître un état d’esprit vertueux. Quand il y a agitation et remords, là
encore, il est très difficile de faire naître un état d’esprit favorable. Et quand s’installe le
doute, la production d’un état d’esprit positif est encore plus difficile à cause de l’indécision
et de la confusion.
Comment gère-t-on ces cinq obstacles ? Il y a deux façons : celle de la méthode
vipassana/vue supérieure et la méditation analytique conceptuelle. Quand le désir sensoriel
s’élève, la première chose à faire est d’être attentif/conscient. « Il y a du désir sensoriel en
moi, mon esprit est accompagné par le désir sensoriel. » On est attentif, on ne s’implique
pas, on reste en retrait. Il peut passer, et on en est conscient quand il passe. Quand le désir
est passé, on en est conscient : « il n’y a pas de désir sensoriel en moi. »
Mais si le désir est encore là, alors il y a six façons de s’y prendre. Pour chacun des cinq
obstacles, il y a six façons de le gérer.
En ce qui concerne le désir sensoriel, la première façon est la contemplation de la laideur du
corps. En contemplant la laideur du corps, le désir sensoriel peut se dissiper. Si, suite à cette
contemplation, le désir passe, on en prend note : le désir est passé. « Il n’y a pas de désir en
moi. »
La seconde consiste à contempler la laideur du corps jusqu’à atteindre l’absorption. Quand
cela se produit, on en est conscient : « Maintenant il n’y a pas de désir sensoriel en moi ».
Cela aura lieu bien sûr une fois que l’on sera sorti de l’absorption.
La troisième consiste à contrôler les portes des sens. En contrôlant les sens, le désir peut
être réduit. Quand cela se produit, on en est conscient. Contrôler, ou réfréner, est une autre
façon de réduire et d’apaiser le désir.
La quatrième est la modération à l’égard de la nourriture. La nourriture est un très puissant
objet d’attachement, si bien que la modération à l’égard de la nourriture concourt à
contrôler le désir. Tout particulièrement en retraite. En retraite, on pratique la retenue : pas
de conversations, de musique, de distraction, etc., mais on peut manger. Si bien que tous
nos désirs convergent vers la nourriture. En retraite, on ne mange pas seulement de la
nourriture. On « mange » aussi des sons, des objets du toucher, de la vue, etc… D’abord
nous mettons dans l’assiette la nourriture proprement dite, puis le remplacement des sons,
des objets visuels, de la conversation et de toutes ces autres choses qui manquent. Alors
l’assiette devient comme le mont Mérou avec ses quatre continents !
La cinquième consiste à s’associer avec un ami du Dharma, un/une « bon/ne ami/e ». Des
personnes qui ont une bonne discipline, qui n’ont pas beaucoup de désirs. Cela peut avoir
une influence sur l’apaisement du désir. Quand, suite à cela, le désir se dissipe, on en est
conscient.
La sixième est une conversation appropriée. Cela signifie par exemple échanger au sujet des
bienfaits de réfréner les sens.
La malveillance
Ici aussi, il y a six façons qui concourent à apaiser la colère par la méditation analytique
conceptuelle :
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On commence toujours par essayer l’approche vipassana/vue supérieure : l’attention nue à
l’expérience, à savoir la colère. En ne s’y engageant pas, la colère peut se dissiper, et ainsi on
est conscient de sa nature transitoire.
La première méditation analytique est la méditation sur l’amour bienveillant, metta. Metta,
ou maitri, signifie en fait bienveillance. Normalement, nous utilisons le mot amour pour
parler de quelque chose que nous voulons. Au lieu de dire « je veux cette chose », nous
disons « j’aime cette chose ». Ainsi le mot amour est fortement relié au fait de vouloir
quelque chose plutôt qu’au fait de donner. La signification correcte est bienveillance, mais
nous utilisons quand même le mot « amour » afin de ne pas créer trop de confusion dans
l’esprit de ceux qui sont des disciples fidèles de certains talk-shows de l’après-midi.
L’objet de l’amour est le bonheur, le fait de souhaiter que les autres soient heureux. L’esprit
a besoin d’un grand nombre de conditions pour être en colère, mais la plus importante, c’est
le mécontentement. Nous sommes des proies faciles pour la colère quand nous sommes
malheureux. C’est pourquoi l’amour n’est pas en réalité l’antidote à la colère mais l’antidote
au malheur.
La deuxième consiste à pratiquer la méditation de l’amour bienveillant jusqu’à atteindre
l’état de jhana/d’absorption.
La troisième est la réflexion sur le karma en tant que nous appartenant en propre. Quand
nous sommes l’objet de maltraitance par exemple, une maltraitance verbale, une critique,
qui nous fait mal, qui cause une sensation déplaisante, nous nous mettons immédiatement
en colère contre cette personne. Comme nous l’avons déjà vu, la sensation est le résultat de
nos propres actions passées. La cause directe de la douleur dont nous faisons l’expérience
quand nous recevons ces paroles blessantes n’est donc pas vraiment le mot dur (qui n’est
que la condition) mais la sensation déplaisante. Alors, contre qui devrions-nous être en
colère ? On peut mener des réflexions dans ce sens et cela peut aider à apaiser la colère.
La quatrième consiste à réfléchir aux inconvénients de la colère et aux bienfaits de l’amour.
La cinquième consiste à s’associer avec des personnes patientes qui sont pleines de retenue,
d’amour et de compassion.
La sixième est la « conversation appropriée », conversation sur les bienfaits de l’amour et de
la patience. Suite à l’association avec certaines personnes, la colère peut aussi se dissiper.
Echanger sur les bienfaits de la patience et de l’amour peut donc aider à apaiser la colère et,
quand cela se produit, on est conscient de la dissipation de la colère.
L’indolence et la torpeur
Ici, la première méthode est la modération à l’égard de la nourriture. La toute première
chose que le Bouddha a enseignée c’est la voie médiane, libre des deux extrêmes : le laisser-
aller et la mortification. Ainsi manger exagérément entraîne la léthargie accompagnée de
lourdeur du corps et de l’esprit. Tandis qu’en ne mangeant pas suffisamment, on peut causer
un déséquilibre dans les vents d’énergie, appelé loung. La voie médiane est donc la
modération à l’égard de la nourriture. Quand, suite à la pratique de la modération, vous
remarquez une diminution de la léthargie, vous êtes attentif/conscient de cela.
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La seconde méthode consiste à modifier la posture. Cela sera possible bien sûr si vous faites
une retraite chez vous tout seul ou dans un type de retraite de groupe qui permet cela.
Autrement, cela peut s’avérer dérangeant pour l’autre méditant. Tout d’abord, comme je l’ai
dit ci-dessus, vous essayez d’être attentif à la léthargie elle-même et il se peut que vous la
voyiez se dissiper. Si cela ne marche pas, si vous êtes en difficulté, alors vous pouvez (en
toute conscience) changer votre posture.
La troisième est de rester dans un lieu ouvert, de marcher ou de s’asseoir dans un espace
ouvert.
La quatrième consiste à visualiser une lumière brillante.
La cinquième consiste à s’associer avec des amis du dharma pleins d’enthousiasme.
La sixième est la conversation appropriée, sur les défauts de la paresse ou de l’indolence et
les qualités de l’effort.
L’agitation et le remords
Ces deux obstacles sont aussi des phénomènes impermanents et transitoires. Dans la
méditation, ils peuvent donc s’élever et, en pratiquant la pleine conscience/attention, vous
pouvez les voir se dissiper. Dans ce cas, vous faites appel à la méthode vipassana de la vue
supérieure.
Si l’on fait appel à d’autres méthodes hors vipassana, la première consiste à étudier le
Dharma.
La seconde à savoir ce qu’il faut abandonner et ce qu’il faut pratiquer.
La troisième à connaître les règles et les préceptes. Cela est particulièrement important pour
les personnes ordonnées, le fait de connaître les vœux. Il est très important de connaître les
règles et les vœux parce que le remords s’élève quand on les enfreint.
La quatrième consiste à s’associer avec des personnes bien disciplinées, ayant une bonne
moralité (shila).
La cinquième consiste à avoir « un bon ami ».
La sixième est la conversation appropriée sur les qualités de la tranquillité et les
inconvénients de l’agitation.
Le doute
Le dernier obstacle est le doute. Avec le doute, c’est la même chose, quelle que soit
l’importance de votre confusion, vous commencez par diriger votre pleine conscience vers le
doute lui-même. Il peut se dissiper et vous en êtes conscient. Normalement nous essayons
de mettre fin au doute et à la confusion en réfléchissant à ceci et cela alors que l’on est dans
la confusion ! Ce n’est pas très malin. D’abord attendez, cela peut passer. En disant cela, on
ne veut pas dire que le doute est balayé. Cela enlève simplement la confusion et crée un peu
d’espace pour considérer le sujet avec un esprit plus clair par la suite.
Dans l’autre approche, qu’est-ce qui va prévenir les doutes ? D’abord, l’étude. Plus on sait de
choses, moins on a de doutes.
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La seconde méthode est de se renseigner sur les Trois Joyaux. Il y a beaucoup de sources de
doute. Mais dans ce contexte, le doute concerne particulièrement les Trois Joyaux. Voilà
pourquoi il est important de connaître les qualités des Trois Joyaux.
La troisième consiste à connaître les préceptes, à étudier les préceptes. Ici encore, on est
dans le contexte de personnes ordonnées.
La quatrième est la foi/confiance, car quand elle est là, le doute est absent. Le doute est
l’opposé de la foi.
La cinquième est le fait d’avoir « un bon ami ».
La sixième est la conversation appropriée, des échanges qui concourent à éliminer les
doutes.
Tels sont les trente sujets, ou branches, des cinq obstacles.
Traduction française : Brigitte Lucas et Vénérable Ngeunga, Institut Vajra Yogini, Juin-Juillet 2014.
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