BRETON, A. Max Ernst

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Max Ernst1 Andr Breton Linvention de la photographie a port un coup mortel aux vieux modes dexpression, tant en peinture quen posie o lcriture automatique apparue la fin du XIX sicle est une vritable photographie de la pense. Un instrument aveugle permettant datteindre coup srlebutquilssraientjusqualorspropos,lesartistesprtendirentnonsanslgret rompre avec limitation des aspects. Malheureusement leffort humain qui tend varier sans cesse la disposition dlments existants, ne peut tre appliqu produire un seul lment nouveau. Un paysage o rien nentre de terrestre nest pas la porte de notre imagination. Le serait-il que lui dniant a priori toute valeur affective nous nous refuserions lvoquer. Ilest,enoutre,galementstrilederevenirsurlimagetoutefaitedunobjet(clichde catalogue) et sur le sens dun mot comme sil nous appartenait de le rajeunir. Nous devons en passer par ces acceptions, quitte ensuite les distribuer, les grouper selon lordonnance quil nous plaira. Cest pour avoir mconnu, dans ses bornes, cette libert essentielle que le symbolisme et le cubisme ont chou. La croyance en un temps et un espace absolus semble prte disparatre. Dada ne se donne pas pour moderne. Il juge inutile, aussi, de se soumettre aux lois dune perspective donne. Sa nature le garde de sattacher si peu que ce soit la matire comme de se laisser griser par les mots. Mais la facult merveilleuse, sans sortir du champ de notre exprience, datteindre deux ralits distantes et de leur rapprochement de tirer une tincelle ; de mettre la porte de nos sens des figures abstraites appeles la mme intensit, au mme relief que les autres ; et, en nous privant de systme de rfrence de nous dpayser en notre propre souvenir,voilquiprovisoirementleretient.Deceluiquellecomble,unetellefacultne peut-ellefairemieuxquunpote,cedernierntantpasforcdavoirlintelligencedeses visions et devant, de toute faon, entretenir avec elles des rapports platoniques ? Il nous reste encore faire justice de plusieurs rgles semblables la rgle des trois units. On sait aujourdhui, grce au cinma, le moyen de faire arriver une locomotive sur un tableau. A mesure que se gnralise lemploi des appareils ralentisseur et acclrateur, quon shabituevoirjaillirdeschnesetplanerlesantilopes,onpressentavecunemotion extrme ce que peuvent tre ces temps locaux dont on entend parler. Bientt lexpression vue dil nous paratra dnue de sens, cest--dire que nous percevrons sans le moindre clignement de paupires le passage de la naissance la mort, de mme que nous prendrons conscience de variations infimes. Comme il est ais de sen apercevoir en appliquant cette mthode ltude dun combat de boxe, le seul mcanisme que cela risque de paralyser en nous est celui de la souffrance. Qui sait si, de la sorte, nous ne nous prparons pas quelque jour chapper au principe didentit ? Parceque,rsoluenfiniravecunmysticisme-escroquerielanaturemorte,il projettesousnosyeuxlefilmlepluscaptivantdumondeetquilneperdpaslagrcede souriretoutenclairantauplusprofond,dunjoursansgal,notrevieintrieure,nous nhsitons pas voir en Max Ernst lhomme de ces possibilits infinies.

1 In: BRETON, A. Les pas perdus. Paris: Gallimard, 1969.

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