Comportement alimentaire du fumeur : mécanismes et observations mécanismes et observations...

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Comportement alimentaire

du fumeur :

mécanismes et observations

DIPLÔME INTER-UNIVERSITAIRE de TABACOLOGIE

Dr Didier ChapelotLaboratoire des Réponses Cellulaires et Fonctionnelles à l’Hypoxie EA 2363

Equipe Physiologie du Comportement AlimentaireUFR Santé Médecine Biologie Humaine, Bobigny, Université Paris 13

Petit préalable : symboles

Étude chez l’humain ou mécanisme concernant le fumeur

Etude chez le rat ou limitée à une interprétation chez l’animal

Qu’est-ce que le comportement alimentaire ?

• C’est la traduction en acte d’ingestion d’un message biologique de besoin énergétique

• Il est composé d’une séquence particulière appelée cycle prandial

un signal de faim qui déclenche le repas

un signal de rassasiement qui l’interrompt

une période de satiété jusqu’au repas suivant

Faim

Satiété

Prise alimentaire cumulée

TempsRassasiement

Intervalle -interprandial

La séquence prandiale

d'après Louis-Sylvestre & Le Magnen, NeuroSci Bio Behav, 1981

faim

rassasiement

1 grepas

1,10

1,00

0,90

0,80

3 min

satiété

Gly

cém

ie (

g/l)

Signal de faim : l’hypoglycémie préprandiale

Dîner100

Déjeuner

-1

0

1

2

3

4

-100 -80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80

Glu

cose

pla

smat

ique

(m

mol

/L)

Intervalle interprandial (%) Chapelot et al. Physiol Behav. 2004

Goûteurs

Goûter Non-goûters

Signal de faim : l’hypoglycémie préprandiale

0.5

0.7

0.9

1.1

1.3

1.5

0 30 60 90 120 150 180 210 240

Temps (min)

Glu

cose

(g/

l)

Petit déjeuner

Demande du déjeuner

CGMS

Charlot et al., AFERO 2009

La baisse de glucose préprandial peut être observé en utilisant un dispositif de suivi en continu du glucose (type CGMS)

Signal de faim : l’hypoglycémie préprandiale

L’arrêt de la prise alimentaire se fait par « lassitude sensorielle » = rassasiement sensoriel spécifique

Rassasié pour un aliment, on ne l’est pas pour celui qui a des caractères sensoriels différents

Ce rassasiement sensoriel est relayé par des messages intestinaux = relais biochimiques

Un rassasiement terminal survient à la fin du repas quand • Palette sensorielle couverte• Message intestinal de suffisance métabolique perçu

Rassasiement : mécanisme sensoriel conditionné

• C’est l'état pendant lequel il existe une disponibilité de glucose suffisante pour les cellules

• Elle dépend de l'utilisation du glucose • ...qui dépend elle-même de l'utilisation des autres

substrats notamment des acides gras libres • qui vont différer la baisse de glucose déclenchante• Elle a pour agent essentiel l'insuline • Elle est principalement d’origine périphérique

Satiété : conséquence d’un état métabolique

Leptine et contrôle central

Leptine va agir sur l’aire hypothalamique

Origine périphérique du contrôle central du comportement alimentaire

Tissu adipeuxEstomac Tissu adipeux Pancréas

d

Prise alimentaire et métabolisme

Noyau Arqué

Inhibe

Stimule

Chapelot, 2009

Système nerveux central

Adipocytes

Leptine

AGL

Système nerveux

sympathique

Insuline

Satiété

Oxydation totale

Glucose

InhibitionStimulation

AGL

Pancréas

Satiété : conséquence d’un état métabolique

Message n°

1

Le comportement alimentaire a

des déterminants biologiques

Prise de poids à l’arrêt du tabac (1/5)

Étude de Williamson et al., 1991• 1000 sujets adultes suivis pendant 10 ans

< 3kg

3 à 8 kg

8 à 13 kg

> 13 kg

Prise de poids à l’arrêt du tabac (2/5)

Étude de Colditz et al., 1992• 55 000 femmes suivies 8 ans, 2640 ont arrêté de fumer

Gains pondéraux moyens (kg)

1mois 6 mois 12 mois

Fumeurs 1,32 0,88 1,08

Ex F interm 2,21 2,82 3,05

Ex F stricts 2,99 5,46 5,92

Étude de Klesges et al., 1997• 209 sujets volontaires dans un groupe de thérapie

comportementale • avec abstinence vérifiée

Prise de poids à l’arrêt du tabac (3/5)

Étude de Janson et al., 2004• 1550 femmes tabagiques comparées à 2381 femmes

témoins. • 9 ans plus tard, 388 avaient cessé de fumer

Poids (kg)

• Fumeuses 3,2 5,8

• Ex fumeuses 7,6 6,1

• Témoins 3,7 5,2

Prise de poids à l’arrêt du tabac (4/5)

Prise de poids à l’arrêt du tabac (5/5)

Étude de Basterra-Gortari et al., 2010• 7550 femmes et hommes suivis pendant environ 4 ans• Prise de poids de 1,63 kg pour les hommes et de 1,51 kg

pour les femmes qui ont cessé de fumer

Hommes et femmes

Risques maximum de prise de poids massive pour fumeurs

si : • jeunes , tabagisme intense, niveau socio-économique

faible

Femmes • dont la prise énergétique initiale est très élevée ou très

faible, en sous-poids et/ou en restriction alimentaire,

inactives –sédentaires, dont le tabagisme est ancien, dont

la dépendance est forte

Cependant, la majorité (~ 50%) des sevrés prend moins

de 3 kg en 1 an

Prise de poids à l’arrêt du tabac : conclusion

Message n°

2

A l’arrêt du tabac il existe bien une prise

de poids

Le comportement alimentaire du fumeur : choix des macronutriments

Prise énergétique des 24h Prise énergétique au repas

Le comportement alimentaire du fumeur : choix des macronutriments

Fréquence des repas

Durée des repas Sensation de faim avant le

repas

Densité énergétique du repas

Avec boissons

Sans boissons

inférieure

La nicotine réduit la prise alimentaire avec surcompensation à l’arrêtPerfusion de nicotine et prise alimentaire chez le rat

D'après Miyata et al., 1999

14

8

10

12

14

16

18

20

6

-6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

Jours

Pri

se a

lime

nta

ire

(g/j)

*

contrôle

nicotine (1mg/kg/j)

nicotine (5mg/kg/j)

nicotine (9mg/kg/j)**

* * * *

* p<0,05

perfusion

D'après Arai et al., 2001

12

16

20

24

28

32P

rise

alim

en

tair

e q

uo

tid

ien

ne

(g

)Placebo

Appariés

Nicotine

*

*

Perfusion (12 mg/kg pompe)

Base J1 J2-J7 J8-J15 J16-J18

L’effet de la nicotine sur la prise alimentaire s’épuise avec le temps

D'après Bellinger et al., 2003

5 injection/j (4 mg/kg)

Base J1-J4 J5-J9 J10-J15 J16-J29

0.5

1

1.5

2

Taill

e d

es r

epas

(g) * * * *

10

12

14

16

18

20

Nom

bre

de

repa

s

* **

La nicotine agirait sur la taille des repas, la fréquence augmentant avec le temps

D'après Bellinger et al., 2003

Prise énergétique des 24hPoids corporel

Taille des repas Fréquence des repas

Cas particulier de la nicotine autoadministrée

Cas particulier de la nicotine autoadministrée

• La nicotine semble la molécule responsable des effets du

tabac sur la prise alimentaire• Elle agirait en réduisant la taille des repas = rassasiement

plus précoce• Les conséquences transitoires de son effet sur le poids

(baisse) serait due (mais incertain) à l’augmentation

secondaire de la fréquence des repas = satiété plus courte• Le rattrapage à l’arrêt passerait surtout par une

augmentation de la fréquence des repas = satiété plus

courte

Tabac et comportement alimentaire : conclusion des études sur l’animal

Message n°

3

Le tabac modifie bien le comportement

alimentaire

L’effet n’est pas lié à un effet anorexigène direct de la nicotine car :

• perfusion de nicotine à des rats préalablement très amaigris => prise alimentaire augmentée jusqu’à nouvel état d’équilibre (Schwid et al., 1992)

• pulvérisation nasale de nicotine => pas anorexigène chez le fumeur abstinent depuis quelques heures seulement (Perkins et al., 1990, 1991)

L’effet pourrait passer par l’activation du système nerveux sympathique => mobilisation des graisses

Mécanisme d’action de la nicotine sur le comportement alimentaire

D’après Narkiewicz K. et al., 1998.

0

25

50

75

100

125

150

Act

ivit

é sy

mp

ath

iqu

e au

niv

eau

d

e la

pea

u (

%)

Placebo Cigarette

P = 0,03

Le tabac a bien une action de stimulation sympathique

Cigarette et activité du système nerveux sympathique

60

80

100

120

140

160

180

Nor

adré

nali

ne (%

de

la b

ase)

0,5 µg/kg/min 0,25 µg/kg/min

0

50

100

150

200

250

300

-30 0 30 60 90 120Temps (min)

Adr

énal

ine

(% d

e la

bas

e)

5070

90110

130150

170190

210

-30 0 30 60 90 120Temps (min)

Gly

céro

l (%

de

la b

ase)

Nicotine, catécholamines et lipolyse intra-adipocytaire

D’après Andersson & Arner, 2001

Cet effet a bien une action lipolytique

• réduit la sécrétion d'insuline (l'agent de stockage des

graisses par excellence)

• permet la mobilisation des graisses

stockées dans le tissu adipeux ou le muscle

• améliore leur oxydation

• augmente la thermogenèse donc la perte calorique

Arrêt du tabac => réduction de l’activité sympathique

=> perte des bénéfices sur l’utilisation des

graisses

Le système nerveux sympathique

0

50

100

150

200

250

300

350

Nourri Nourri +Nicotine

Jeûne Jeûne +Nicotine

Imm

unor

éact

ivit

é

NPY ir

Leptin-r cel

*

*

La nicotine réduit les récepteurs au NPY, augmente l’activité des neurones sensibles à la leptine...

Récepteur hypothalamique à la leptine

02468

101214161820

RNAm OB-RbC

ha

ng

em

en

t a

prè

s n

ico

tin

e

(%)

*

…et augmente l’expression du récepteur à la leptine

dans l’hypothalamus

D'après Li & Kane, 2003

Effet de la nicotine sur la leptine et le NPY

Kramer et al., 2007

Effet de la nicotine sur les différents neuromédiateurs du comportement alimentaireArgument en faveur du rôle du CART dans la réponse alimentaire précoce à la nicotine

Lerman et al., 2004

Les porteurs de l’allèle A1 du

récepteur D2 à la dopamine éprouvent un effet récompense de l’aliment plus fort après arrêt du tabac

Ces effets sont atténués par le bupropion

Prédit la prise de poids post-

arrêt à 6 mois (+ 4,4 kg)

Modification du comportement alimentaire et dopamine

Message n°

4

L’effet «anorexigène»

du tabac pourrait passer

par l’activité sympathique

et/ou les neuro-médiateurs

centraux

Diminution de la perception du gras chez les fumeurs

Sucrosité : 0%

0

0,1

0,20,3

0,4

0,5

0,6

0,70,8

0,9

1

Laitmaigre

Laitentier

Demi-crème

Crème

Version lipidique

Inte

nsi

té d

u g

ras

per

çu (

log

)

Nicotine

Placebo

Sucrosité : 5%

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

Laitmaigre

Laitentier

Demi-crème

Crème

Version lipidique

Inte

nsi

té d

u g

ras

per

çu (

log

)

Nicotine

Placebo

Sucrosité : 10%

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

Laitmaigre

Laitentier

Demi-crème

Crème

Version lipidique

Inte

nsi

té d

u g

ras

per

çu (

log

)

Nicotine

Placebo

D'après Perkins et al., 1990

D'après Frye et al.,1990

0 30 60 90 120

Paquets-années

36

32

34

38

40

Sco

res

de

se

nsib

ilit é

ol fa

cti v

e

Diminution de la sensibilité olfactive chez les fumeurs

Message n°

5

L’effet du tabac sur la prise

alimentaire peut aussi passer par

des facteurs sensoriels

• Comportementales = conseils diététiques et comportementaux

• Substitution nicotinique : d’autant plus efficace et prolongé que niveau de substitution élevé (Nordstrom et al., 1999)

• Bupropion (inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline, antagoniste des récepteurs nicotiniques à l’acétyl-choline)

• Exercice physique

Prise de poids à l’arrêt du tabac : mesures préventives

Abord comportemental • Demander à contrôler son poids n’a aucun effet sur la

prise de poids et conduit à réduire l’abstinence • Une approche diététique (VLCD), individualisée ou

cognitivo-comportementale réduit la prise de poids

(entre 2,5 à 5 kg de moins sur 12 mois) avec maintien de

l’abstinence

Prise de poids à l’arrêt du tabac : mesures préventives

Revue publiée en Janvier 2009 dans Cochrane Database Syst Rev par Parsons et al. sous le titre « Interventions for preventing weight gain after smoking cessation ». http://mrw.interscience.wiley.com/cochrane/clsysrev/articles/CD006219/pdf_fs.html

Principales conclusions

Abord pharmacologique

1. Les substituts nicotiniques limitent légèrement la prise

pondérale (de 200 à 700 g) mais effet plus retrouvé à 1 an

2. Le bupropion (600 mg/j) a le même effet (de 350 g à 1,20

kg, effet disparu à 1 an)

3. La fluoxétine (30 mg ou 60 mg/j) a le même effet (de 690

g à 1,9 kg) et se maintient pour sa part à 1 an

4. La varénicline a un effet similaire (de 380 g à 1 kg) mais

pas d’étude à 1 an

Abord physique

1. L’exercice physique permet de réduire la prise de poids,

mais cet effet nécessite 1 an pour être significatif

Étude de Marcus et al. (2005)• 281 femmes sédentaires et tabagiques

• Assignées soit à un groupe TCC seul, soit à un groupe TCC +

exercice physique intense 3 fois par semaine

• Évaluation à 5, 12, 20 et 60 semaines

Abstinence complèteTCC seul 5,4%TCC + exercice physique 11,9%

Gain de poids moyen au terme du traitement :TCC seul 5,40 kgTCC + exercice physique 3,05 kg

Activité physique et prévention de la prise de poids lors du sevrage tabagique

Prapavessis et al., Addict Behav, 2006

Exercice : 45 min, 3 fois par semaine, à environ 70% de leur

fréquence cardiaque maximale pendant 12 semaines

Activité physique et prévention de la prise de poids lors du sevrage tabagique

Message n°

6

Les approches préventives de la lutte

contre la prise de poids au

sevrage sont encore

incertaines

Merci

Principaux messages

1. Le comportement alimentaire a des déterminants biologiques

2. A l’arrêt du tabac, il existe bien une prise de poids

3. Le tabac modifie bien le comportement alimentaire

4. L’effet «anorexigène» du tabac pourrait passer par l’activité sympathique

5. L’effet anorexigène de la nicotine pourrait aussi passer par une modulation des neuro-médiateurs centraux

6. L’effet du tabac sur la prise alimentaire peut aussi passer par des facteurs sensoriels

7. Les approches préventives de la lutte contre la prise de poids au sevrage sont encore incertaines

Le tabac comme moyen de ne pas prendre de poids : impact comportemental ?

• Association bien « ancrée » dans l'esprit de beaucoup de jeunes filles et de jeunes femmes, notamment celles qui présentent un comportement alimentaire dit restreint (Facchini et al., 2005)

• Images de mannequin telles que la publicité en fait usage, renforce la notion chez les jeunes femmes restreintes que le tabac aide à rester mince (McKee et al., 2006)

• Ceci pourrait freiner vraisemblablement les résolutions de sevrage tabagique, le faible poids étant un facteur lié à un faible taux de sevrage initié (Twardella et al., 2006)

Aubin HJ et al., 2004

Effet du bupropion sur poids à l’arrêt du tabac• 509 sujets, • 150 mg bupropion LD pendant 7 semaines, • évaluation à 7 et 26 semaines

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