Congès Laval 2010 : Homélie

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Homélie de Mgr. SCHERRER, Evêque de Laval

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Congrès de LAVAL 2010 Homélie de Mgr. SCHERRER, Evêque de Laval

30° dimanche (C) – Cathédrale de Laval

Chers frères et sœurs,

Au terme de ces trois jours de congrès, la Parole de Dieu entendue ce dimanche

projette une lumière vive sur les réflexions et les partages que nous avons eus.

C’est bien cette Parole qui doit être accueillie comme fondatrice de nos

engagements respectifs auprès des personnes malades ou âgées. Les malades et les

vieillards en effet sont nos frères et sœurs ; par l’épreuve qui les touche, ils sont ces

pauvres dont Ben Sirac nous dit que leur prière traverse les nuées, qu’elle parvient

à toucher le cœur de Dieu. Cette conviction, le psalmiste l’exprime à son tour avec

force, comme s’il avait d’ailleurs vécu lui-même ce dont il parle : « Le Seigneur

entend ceux qui l’appellent, de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du

cœur brisé, il sauve l’esprit abattu ». Nous l’avons nous-mêmes chanté il y a

quelques instants : « Un pauvre a crié : Dieu l’écoute et le sauve ». C’est vrai, cela,

si l’on comprend que c’est par notre écoute et notre cœur compatissant que Dieu

aujourd’hui continue de se pencher sur les malades, les angoissés, et qu’il les

relève. Cet appel retentit pour nous comme un impératif que la tradition chrétienne

n’a cessé de relayer au fil des siècles.

Le philosophe juif Franz Rosenweig disait : « La foi ne consiste pas à affirmer que

Dieu existe, mais à le faire exister ». Qu’elle est donc suggestive, cette parole, et

tellement vraie ! Ce n’est pas évidemment que l’existence de Dieu dépende de

notre action – sa révélation pour nous est de l’ordre de la gratuité –, mais c’est par

notre agir que la foi lui donne un visage concret. Nous faisons exister Dieu en

aimant puisque, comme le dit le cantique que la liturgie nous fait chanter le Jeudi-

Saint, « là où est la charité, Dieu est présent », ubi caritas, Deus ibi est. Le Dieu

invisible devient en quelque sorte visible dans le cri que nous lance le prochain

souffrant et dans l’élan de compassion qui nous porte vers lui et nous conduit à

alléger son fardeau. « L’Église enveloppe de son amour tous ceux que la faiblesse

humaine afflige. Bien plus, dans les pauvres et les souffrants elle reconnaît l’image

de son fondateur pauvre et souffrant, elle s’efforce de soulager leur misère et, en

eux, c’est le Christ qu’elle veut servir » (LG 8). Oui, depuis que Dieu en Jésus s’est

fait pauvre, depuis qu’il a partagé personnellement le sort des souffrants, le visage

de l’autre, surtout de l’autre souffrant, devient l’unique voie d’accès à Dieu. Et

c’est ainsi que la vraie foi évangélique ne saurait être confinée dans le privé de

l’intériorité, elle ne peut se contenter d’être une foi privée. Si elle est relation avec

Dieu qui est l’Autre dans l’absolu, ce Dieu ne peut être atteint que dans la

médiation absolue de l’autre, à savoir tous ces pauvres et ces malades que nous

rencontrons sur le chemin de la vie. Nos Hospitalités, c’est trop évident, sont en

attente de frères et de sœurs qui, par le bénévolat, consentiront à entrer avec les

malades dans ce rapport de gratuité que requiert l’amour du prochain de par sa

nature même. Dans l’amour, en effet, ce n’est pas tellement la réciprocité qui a la

primauté, mais le don lui-même. Ce ne sont pas ses mérites ou ses qualités qui

rendent l’homme digne du don que je peux lui faire de mon temps, de ma personne,

mais il en est digne uniquement par le fait qu’il est lui-même. Sa valeur en tant que

personne est un absolu pour moi.

On comprend alors le sens de la parabole de Jésus aujourd’hui dans l’évangile.

Cette parabole du pharisien et du publicain est un appel à l’humilité. Impossible en

effet d’aimer les pauvres si nous ne savons pas nous mettre à leur portée, si nous ne

descendons pas du piédestal de nos certitudes pour accueillir ce qu’ils ont à nous

apprendre eux-mêmes par l’épreuve qu’ils traversent, par l’expérience humaine et

spirituelle que cette épreuve leur donne de vivre. C’est important cela parce que,

même inspirées et portées par un réel élan de générosité et d’amour, nos œuvres

d’apostolat ne sont jamais entièrement pures et entièrement gratuites. Qui d’entre

nous, honnêtement, pourrait se dire : mon service est irréprochable et totalement

désintéressé ? Nous voyons bien au contraire que nos actes, même les plus

généreux, peuvent dissimuler beaucoup d’amour propre : que, dans notre manière

de servir, il y a telle propension à dominer, à exercer un certain pouvoir sur l’autre

(cet autre qui, en l’occurrence, quand il est malade ou âgé, est le ‘faible’ par rapport

auquel je suis en position de force) ; que dans notre manière de servir s’exprime

encore tel besoin d’être reconnu (je rends service, donc je suis quelqu’un de bien ;

servir me fait exister aux yeux des autres), qu’à travers ma rencontre des malades

au chevet desquels je me porte se dissimule telle quête affective, tel désir plus ou

moins conscient d’être moi-même aimé par les retours que je pourrais recevoir de

chacune d’elles. À la lumière de l’Évangile, nous voici donc invités à examiner la

véritable nature de nos actes, à en sonder les motifs, les intentions profondes, nous

voici appelés à être en état de discernement permanent par rapport à nos œuvres de

charité ou nos pratiques pastorales de manière à ce qu’elles révèlent le vrai visage

de l’amour, le vrai visage de Jésus-Christ.

Frères et sœurs, en nous rappelant l’option préférentielle de notre Église pour les

pauvres, la Parole de Dieu entendue ce dimanche voudrait nous provoquer à un

surcroît de compassion et de charité. C’est Dieu Lui-même qui donne la grâce

d’aimer ainsi que le rappelait Paul à son disciple Timothée : « Le Seigneur m’a

assisté. Il m’a rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer l’évangile

et le faire entendre à toutes les nations païennes ». C’est l’appel que le Seigneur

nous adresse aujourd’hui. C’est un fait que, dans les circonstances actuelles, la

mission de l’Église ne peut s’accomplir que dans le témoignage de la charité. C’est

l’unique condition de sa crédibilité. La charité en effet n’agresse personne.

Elle touche au contraire tous les hommes et donne la force de croire que, malgré les

injustices et les difficultés de ce monde, l’amour est et sera toujours victorieux dans

le cœur des hommes. Benoît XVI l’a redit dans son encyclique Deus caritas est, 25

: « La charité n’est pas pour l’Église une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on

pourrait aussi laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une

expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer ».

Rendons grâce ce matin pour nos frères et sœurs hospitaliers qui se dévouent sans

compter à Lourdes pour que les malades soient soutenus et aimés. Prions pour que

de nombreux laïcs se lèvent pour les assister et les remplacer. N’ayons pas peur

surtout d’inviter nos jeunes à vivre cette riche expérience du service désintéressé

des plus pauvres : ils en seront, c’est certain, les premiers bénéficiaires. Et

accueillons maintenant l’amour sauveur de Jésus qui s’offre à nous dans ce

sacrement merveilleux de l’eucharistie.