ÉCONOMIE L’économie mondiale face au piège de la dette · 2019. 4. 24. · ÉCONOMIE...

Preview:

Citation preview

ÉCONOMIE

L’économie mondialeface au piège de la dettet Le monde n’a jamaisété autant endetté, ce qui faitcraindre l’imminence d’unenouvelle crise. Les banquierscentraux ont aujourd’huila lourde responsabilitéde piloter la sortied’une décennie vécue sousle règne de l’argent facile.

Sommes-nous assis sur un vol-can de dettes ? Va-t-on vers unenouvelle crise qui pourrait êtrepire que celle de 2008 ? C’est entout cas la thèse d’un livre paruces derniers jours. Il ne vient pasde n’importe qui : Georges Ugeux,banquier d’affaires d’originebelge et ancien numéro deux dela Bourse de New York. Dans LesErrances de la finance  (1), il lanceune sévère mise en garde à pro-pos de la folle croissance de l’en-dettement, depuis quelques an-nées. « La dette cumulée des Étatsse monte à plus de 60 000 mil-liards d’euros, dit-il, c’est deux foisplus qu’en 2008. »

« Nous avons deuxans pour donnerun coup de barreet prendre une autredirection, sinon,la prochaine criserisque d’être dixfois plus grave quecelle que nous avonsconnue en 2008. »

Cette dette n’est pas celle depays émergents, mais pour lesdeux tiers celle des pays déve-loppés : les États-Unis, l’Europeet le Japon. Et elle ne concernepas que les États, mais aussi lesentreprises qui s’endettent, auxÉtats-Unis, parfois seulementpour racheter leurs propres ac-tions. Ou les ménages qui fontdes prêts immobiliers, contri-buant ainsi à la hausse des prixdans les grandes villes.

« L’encours des obligations spé-culatives a pratiquement doubléaux États-Unis et dans la zoneeuro depuis la crise » financièrede 2008, constate le FMI dans sonrapport sur la stabilité financièredans le monde, publié mercredi10 avril. L’institution craint quecela n’expose l’économie mon-diale au danger accru d’une ré-cession

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 18SURFACE : 69 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : ÉconomieDIFFUSION : 94673JOURNALISTE : Alain Guillemoles

11 avril 2019 - N°41379

Cette situation a été renduepossible par la politique desbanques centrales. Après la der-nière crise, en 2008, la Réservefédérale (Fed) américaine s’estlancée dans des achats massifsde titres publics, afin de fairebaisser les taux d’intérêt et d’en-courager les banques à prêter.La Banque centrale européenne(BCE) a suivi à partir de 2015, toutcomme la banque du Japon. Endix ans, elles ont créé l’équivalentde 10 000 milliards de dollars.

Résultat, l’endettement a aug-menté : celui des ménages a crûde 25 % en dix ans, celui des en-treprises de 20 %, et celui desgouvernements de 100 %. Selonles chiffres de l’Institute of Inter-national Finance (IIF), organismeaméricain qui dresse une carto-graphie trimestrielle, l’ensembledes dettes contractées dans lemonde représente l’équivalentde 243 milliers de milliards dedollars, soit plus de trois fois lePIB mondial.

Faut-il s’inquiéter de cette si-tuation ? Sans aucun doute, selonGeorges Ugeux, qui estime queles taux sont inéluctablementamenés à remonter sous peu.

Une partie du chemin a été faiteaux États-Unis, avant que la Fedannonce une « pause » en janvierface au risque de ralentissementéconomique.

L’Europe, elle, n’a pas encoreamorcé le mouvement. « L’Al-lemagne emprunte à dix ans àtaux zéro. La BCE joue avec lefeu » , alerte Georges Ugeux, quiplaide pour que les pays euro-péens adoptent des mesures derigueur, mais demande aussi unetaxation des plus riches, pourque l’effort soit équitablementréparti. « Nous avons deux anspour donner un coup de barre etprendre une autre direction, si-non, la prochaine crise risqued’être dix fois plus grave que celleque nous avons connue en 2008 » ,s’alarme-t-il.

Tous les prévisionnistes nepartagent pas la même inquié-tude : « Le niveau d’endettementdevient problématique quand ilexiste la perspective d’un choc à lahausse des taux d’intérêt. Or on nele voit pas venir à court terme » ,relève William de Vijlder, cheféconomiste à BNP Paribas. De

plus, il relève que « les pays eu-ropéens ont profité des taux baspour allonger la maturité de leurdette, si bien qu’ils sesont prému-nis contre une éventuelle haussedes taux » .

Certes, le niveau de l’endet-tement exige d’être « vigilant » .Mais il rappelle que la croissancedu crédit était précisément le butrecherché par les banques cen-trales, lorsqu’elles ont mis enœuvre leur politique de rachat.

Il est donc exact de dire queles pays développés sont assissur un volcan. Mais si les ban-quiers centraux parviennent àpiloter la sortie de la politiqueactuelle de taux bas avec doigté,il est possible d’éviter l’éruption.« La situation est très risquée.Mais les actions des banques cen-trales peuvent permettre de tem-poriser la correction afin qu’elles’étale dans la durée , dit l’écono-miste Véronique Riches-Flores.Les banquiers comme les gou-vernements sont très en alerte etconscients du risque. »

Reste donc à souhaiter qu’ilssachent piloter au milieu des ré-cifs. Car si jamais un choc écono-mique devait survenir, on ne voitplus très bien comment il seraitpossible de mobiliser de nou-velles liquidités. Et il n’est passûr, de toute façon, que cela suf-firait. Car aujourd’hui, même si lecrédit est devenu abondant, celane suffit pas à relancer la crois-sance.Alain Guillemoles

(1) Les Errances de la finance,

Georges Ugeux, Odile Jacob,338 p., 23,90 €.

Pour la BCE, la probabilitéde récession reste « faible »

Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi,a estimé mercredi 10 avril que la conjoncture en zone eurose dégrade, mais jugé en même temps que « la probabilitéd’une récession reste faible ». Selon lui, le ralentissements’explique principalement par la baisse de la demandeextérieure, mais les « conditions favorables de financement » ,le recul du chômage et la hausse des salaires continuentde soutenir l’économie européenne.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 18SURFACE : 69 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : ÉconomieDIFFUSION : 94673JOURNALISTE : Alain Guillemoles

11 avril 2019 - N°41379

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 18SURFACE : 69 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : ÉconomieDIFFUSION : 94673JOURNALISTE : Alain Guillemoles

11 avril 2019 - N°41379

Recommended