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La verite sur. • •Ie couteux destin des vieux trains

Sous-traite, au grand dam des cheminots, le desamiantage du materielroulant ancien de la SNCF a pris du retard. Bloquant sa reuente.

L es trains ont du mal a secacher pour mourir. ASottevill e-Ies- Rouen(Seine-Maritime), a Ville-

neuve-Saint-Georges (Val-de-Mame), aCuloz (Ain), a Baroncourt(Meuse), a Vesoul (Haute-Saone),des convois sont gares sur des voiessecondaires et attendent en pourris-sant d'etre envoyes ala casse. Loco-motives, .voitures de voyageurs etwagons de fret s'accumulent. Presde 3700 en tout, soit « 150 kilo-metres mis bout a bout », selonArnaud Ayme, du cabinet SiaConseil, effare par la masse de tra-vail qui attend ... les desamianteurs.

«Dix ans de boulot"C'est la que Ie bat blesse. Demolirun train, c'est beaucoup de forcephysique et de bons chalumeaux.Maisavant de decouper la tole et dela vendre aux ferrailleurs, encorefaut-il extraire l'amiante de tous cestrains construits entre les annees1950et 1980.Cette matiere toxiqueest presente dans les enduits exte-rieurs, dans les joints et dans lesprotections de chauffage. La retirerexige un travail lent, precaution-neux, dans des hangars adaptes, pardes ouvriers specialises equipes descaphandres. Or il n'y a que deuxcentres de desamiantage ferroviaireen France : Recylux dirige celui deBaroncourt, en « restructurationtechnique » depuis juillet 2012. IIreste celui de SME, situe a CuIoz.Bon an, mal an, l'entreprise, situeeentre Ie Jura et les premiers contre-forts des Alpes, parvient a desa-mianter environ 150 « caisses » paran, alors que la SNCFen a sorti 1200- huit foisplus - de sa fiotte en 2012.« La SNCF nous dit qu'il y a ladix ans de boulot », expliqueJocelyn Portalier, secretaire du col-

50. CHALLENGES W337 - 21 MARS 2013

LA FLOTTE DELASNCF

TGV450.

Locomotives2870.

Voitures devoyageurs

3200 Corail,2400 TER,900 trains

de banlieue aun niveauet 838 a

deux niveaux.Fret

80000 wagons.SOURCES: SNCF,

CGT-CHEMINOTS, 2010.

lectif materiel ala CGT-Cheminots.Mais ce boulot n'est pas pour lescheminots. II est sous-traite.

Sous I'c:eil des cheminotsUn peu genee aux entoumures, laSNCFa du mal a dire pourquoi ellene desamiante pas ses trains elle-meme. « Dans nos ateliers, notrecmur de metier est la maintenanceet la reparation des trains, expliqueJacques Damas, directeur generaldelegue de la SNCF. Vis-a-vis del'amiante, nous nous limitons leplus souvent a la depose de pieces,ce qui represente des niveaux d'ex-position jaible pour lesquels nospersonnels sont strictement equipesen conjormite avec la reglementa-tion. » Un autre dirigeant du groupepublic fait tres clairement com-prendre pourquoi les cheminots nedemolissent pas leurs trains: « Nonssommes le monde des trains vi-vants. Le desamiantage, ce sontleurs pompes junebres. »

Or les syndicats, eux, reclament de-puis des annees de recuperer cetteactiviteOaunom de lapreservation de

l'emploi. Mais ils suivent aussi detres pres Ie dossier pour de simplesraisons de salubrite publique : Iecentre de desamiantage du Mans,confie a un sous-traitant, a He fermeen 2011par ordre de l'inspection duTravail, suite aux plaintes des che-minots et des riverains. Les trainsetaient desamiantes a l'air libre, lais-sant les particules se disperser alle-grement dans la nature, et les ou-vriers n'etaient pas proteges!

Retard au desamiantageEn attendant, les files de trains«radies », comme on les appelle enjargon SNCF,gares sur les voies de.service, s'allongent ineluctablement.La SNCF a pris un retard conside-rable et n'arrive plus a faire face.Maistout n'est pas sa faute. L'evolu-tion des normes de securite, de plusen plus strictes, a considerablementralenti Ie travail de demolition destrains. « Pour obtenir une certifica-tion, il jaut entre neuj et quatorzemois », estime Michel Bonfils, l'undes dirigeants de SME, qui ainvesti pres de 7 millions d'euros

Mais que faire des vieux TGV Sud-Est

V oici un sujethautementconfidentiel a la

SNCF: la demolitiondes premiers TGV.La societe nationalen'a jamais mentionnequ'elle en a deja sortisix de sa flotte en2012 (dont quatrerames ex-Lyria) et lesa envoyes pour litredemanteles dansI'atelier du Mans.Neuf autres suivronten 2013. II s'agit despremieres series du

TGV Sud-Est, quicontiennent deI'amiante. lis ontde surcroTtdepassela date maximaled'exploitation detrente ans prevue(un peu au hasard)par Alstom audebut de I'aventureTGVen 1981. Car,finalement,ces trains se sontreveles absolumentincrevables, etla SNCF rechigneales envoyer

a la casse alors qu'ilssont toujours bonspour Ie service.D'ici a cinq ans,la SNCF affecterad'autres ramesdu TGV SUd-Estau remplacement,pendant une dizained'annees, desvoitures Corailles plus anciennes.D'autres, enfin,serviront de trainsde depannageen cas d'incident surd'autres rames .•

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pour mettre toutes ses installationsauxnormes.Param~lement, les regions, depuis laloi de decentralisation de 2002, sontdevenues autorites orgallisatrices enmatiere de transport, et elles en ontprofite pour entierement remplacerIe parc de leurs TER, envoyant lesvieux alacasse. L'lle-de-France s'estainsi debarrassee fID janvier de ses«petits gris », entres en service en ...1965. Les prochains seront les an-ciens RER A, environ 400 voitures devoyageurs datant de 1967.Mais si tant de retard a ete pris, c'estaussi que la SNCF ne sait plus tresbien ce qu'elle peut faire de sestrains. Avant les premieres regle-mentations sur l'anliante, en 1996, laquestion ne se posait pas: chaquecaisse, revendue a un ferrailleur, luirapportait 3 000 euros. Aujourd'hui,avant de pouvoir revendre la tOlenettoyee entre 6 000 et 9 000 eurosaux memes demolissems, la SNCFdoit la faire desamianter, ce qui luicoute entre 30 000 et 35 000 euros.Elle perd donc entre 21000 et29 000 euros par caisse! Pour sortir

de ce cauchemar, la SNCF s'est deci-dee a investir. En septembre pro-chain, deux sites de desamiantageouvriront: l'un a Chalindrey, sous lahoulette de sa filiale Geoclis, qui trai-tera250 caisses en 2014, etl'autre auMans, qui sera confie a un sous-trai-tant, avec comme objectif de Oiec\e-barrasser de 300 caisses par an. Leslieux de garage devraient commen-cer a se vider a pmtir de 2015.

DepOt de materielusage dansla gare de triagede Sotteville-Ies-Rouen. Au total,3 700 wagons,voitures oulocomotivesattendent, surdes voies degarage, d'etredesamiantes.

site industriel Ie bon deroulement dudesarniantage.L'entreprenem, qui affume que sonnom figme « dans toutes les normesamiante depuis 1994 », maitred'CEuvre de tres nombreux chan-tiers de desmniantage en France, yutilisera un produit nouveau,le 801-vemu!. Celui-ci reduit les enduitsan1iantes a une masse spongieusede la consistance du yaourt, qui peutetre raelee ensuite pom reduire lesemissions de fibres. La fiche tech-nique du Solvemul previent derisques certains pour l'environne-ment et pour l'homme en cas d'in-gestion, mais Jacques Damas jureque « la Roumanie jaisant partiede [,Un'ioneuropeenne, son utilisa-tion sera rigoureusement contr6-lee ». Surtout, des lars qu'elle estpratiquee dans ce pays, l'operationpeut se reveler plutOt rentable: Ietransport et Ie desamiantage dechaque caisse coutent 20000 euros.Et sm Ie marche intemational, untrain renove peut etre revendujusqu'a 25000 emos. Bien nlieux queIe prix de la tole. Anna Rousseau

Filiere roumaineAutre fac;:onpour la SNCF d'a!legersa fiotte de vieux trains: la revente al'etrm1ger. Mais voila, toute transac-tion de trains contenant de l'arnianteest en plincipe interclite depuis 2005.Porutant, la SNGF va envoyer debutavril des trains en Rorun3Jlie, en es-perant les vendre. Le desarniantagese fera sur place, dans une usineflan1bant neuve. « Nous allons deve-nir, aBrasov, le premier centre eu-ropeen de desamiantage pour dumateriel je1"'l'oviaire a moderni-ser », explique Jean-Philippe Car-pentier, Ie dirigeant franc;:ais dugroupe Iram, qui controlera sur Ie

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