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Écrire le monde à la Renaissance : atlas, cartes et récits de voyage Exposition de documents rares
N.B. : les chiffres rouges entre parenthèses correspondent aux numéros des cartels. Le sigle * renvoie au glossaire
Étymologiquement, le terme « géographie* » désigne la description de la Terre. Le suffixe
« graphie » forme un nom correspondant à une notion d’écriture, de dessin, ou d’image. C’est
la raison pour laquelle nous avons retenu le verbe « écrire » pour le titre de l’exposition, car il
s’agit bien de faire voir le monde, de le raconter à travers cartes, atlas ou encore récits de
voyage.
Concernant les délimitations temporelles de la Renaissance, nous avons déterminé « l’assiette
large », à savoir de la chute de Constantinople (1453) à la mort de Galilée en 1642
(habituellement, en France, la date retenue est la mort d’Henri IV en 1610)1, mais quelques
documents présentés sont un peu postérieurs, et ce afin de montrer la situation de la
géographie au sortir de la Renaissance et au seuil du Siècle des Lumières.
I - De l’antiquité aux découvertes arabes.
Les cartes les plus anciennes connues décrivant la Terre proviennent de Babylone et sont
datées du neuvième siècle avant J.C. Toutefois, les Grecs sont la première civilisation connue
pour avoir étudié la géographie, à la fois comme science et comme philosophie (1). Son
influence s’est étendue jusqu’au XVIe siècle ; deux courants principaux s’y sont formés :
Le premier, représenté par Ératosthène, est une géographie mathématique et astronomique.
Ératosthène (284 env. – 192 env. avant J.-C) calcula la circonférence de la sphère terrestre,
mettant en évidence un ordre de représentation géométrique. Son œuvre fut poursuivie par
Claude Ptolémée (90 env. – 168 env. après J.-C), dont l’entreprise cartographique, Imago
mundi, fut la base de toute représentation de la Terre durant des siècles (2).
1 Certains auteurs vont jusqu'à mettre en doute la pertinence d'une définition temporelle. Au sujet de ce débat, voir par exemple, Paul Oskar
Kristeller (1905-1999).
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La deuxième tendance, plus historique et descriptive, a pour « chef de file » Hérodote (484
env. – 425 env. avant J.-C), dont les voyages abondent en descriptions et explications
pertinentes, et Strabon (64 av-36 apr. J.-C), dont la Géographie en dix-sept volumes est le
premier des dictionnaires et encyclopédies géographiques (3).
Les Romains, considèrent quant à eux que la géographie est indispensable pour gouverner et
conquérir de nouvelles terres, retenant avant tout son intérêt pratique.
À l’autre extrémité de l’œcoumène*, en Chine, les fondements du savoir géographique sont
élaborés presque au même moment que dans le monde méditerranéen : la cartographie repose
sur la détermination de coordonnées depuis Chang-Hen (78-139 apr. J.-C) ; la première carte
d’ensemble de la chine est élaborée par Phei Hsui en 267. Il manque cependant à ce savoir le
cadre théorique que les Grecs ont pu imaginer.
Le Moyen Âge connaît un déclin des connaissances géographiques. Pourquoi ? Parce que les
formes de constructions sociale et politique qui triomphent alors reposent sur des rapports
personnels : c’est par notables locaux interposés que le pouvoir s’exerce au loin ; point n’est
besoin de formaliser le savoir géographie dans une telle société : la connaissance des hommes
suffit.
Le flambeau de la géographie quitte alors l’Europe chrétienne pour être repris par une
extraordinaire floraison de géographes arabes, parmi lesquels on peut citer Obeïd Allah Jakout
(574-626), le voyageur Ibn Battuta (1304-1368), le géographe Ibn Khaldun (1332-1406) ; les
travaux de ce dernier constituent une intelligente description de la géographie zonale de
l’hémisphère Nord. Mais leurs ouvrages eurent une faible influence sur la pensée européenne
qui continua de vivre largement sur l’héritage de l’antiquité.
II – La Renaissance
Trois événements raniment les études cosmographiques à la Renaissance. Le premier est
l’usage multiplié de la boussole. Le deuxième est le retour de Claude Ptolémée. Le troisième
est l’invention de l’imprimerie.
Les connaissances pratiques évoluent rapidement dans un monde où les déplacements se
multiplient (Marco Polo ; les grands navigateurs portugais et espagnols). Grâce à la boussole,
transmise par les Arabes, les marins s’éloignent des côtes (les Portugais passent le XVe siècle
à chercher une voie orientale vers l’Inde). Les progrès de la cartographie (les portulans*
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apparaissent dès le XIIIe siècle…) apportèrent une vision réaliste du monde et entraînèrent
une nouvelle organisation du savoir, en contradiction avec la tradition... Ces voyages eux-
mêmes sont accompagnés par un intense effort réflexif, au cours duquel les géographes
mettent en place un nouveau concept de la Terre. Se forme, à cette époque, le concept d’une
« Terre universelle » (Gregor Reisch), c’est-à-dire d’un orbis terrarum qui n’est plus limité,
comme on l’affirmait jusqu’alors, à la zone tempérée de l’hémisphère nord, mais se confond
virtuellement avec le globe terrestre considéré dans sa totalité. Cette Terre partout habitable,
sol désormais universel de l’existence humaine, constitue alors l’objet propre de la
géographie.
La redécouverte de Ptolémée fut donc l’occasion de discussions entre les Anciens et les
Modernes. Les géographes du temps partent des bases ptoléméennes qu’ils élargissent et
approfondissent. La Terre de Ptolémée relève d’un vieux modèle : immobile, elle règne au
centre de l'univers, tandis que les astres tourbillonnent autour d'elle en décrivant des cercles
d'une complication décourageante. L’Alexandrin avait fortement exagéré l’extension en
longitude du monde connu : la distance à couvrir par mer s’en trouvait réduite d’autant.
Christophe Colomb découvre ainsi, en cherchant la route des Indes au nom des souverains
espagnols, les Antilles et le Nouveau Continent à partir de 1492. Les vues de l’œcoumène qui
s’étaient élaborées depuis deux mille ans volent en éclat.
Les temps sont troublés en ces temps de Réforme et de Contre-réforme. Les préoccupations
religieuses continuent à peser largement sur les représentations du monde, mais elles prennent
une nouvelle orientation : la foi est vécue de manière plus personnelle. La géographie devient
un outil indispensable à la connaissance d’un monde qu’il faut comprendre pour le rendre
pleinement chrétien (cf. le rôle des missionnaires).
Au modèle géocentrique en vigueur succède un modèle héliocentrique défendu par Nicolas
Copernic, perfectionné par Johannes Kepler, Galilée, et Newton. Cette évolution fit passer
l'humanité d'une vision d'un monde clos à un univers infini, en tout cas sans limites connues.
Les croyances vacillent, les repères sont ébranlés. Néanmoins, l’image du monde reste
l’expression de la bonté et de la générosité divines. De nombreux géographes, Mercator y
compris, tenteront « d’englober » la révélation de l’universalité terrestre au sein d’un discours
de fondation à caractère religieux. Jacques d’Auzoles-Lapeyre produira même une Saincte
géographie, décryptant le dessein de Dieu à la lumière des nouvelles découvertes (10).
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L'imprimerie a enfin un impact majeur sur la diffusion des idées à la Renaissance, au moment
même où les grands voyages d'exploration du XVIe siècle et du XVIIe siècle ont ravivé le
désir d'une plus grande précision des détails géographiques. Dans la nouvelle organisation
sociale qui voit le jour, l’État à besoin de la géographie pour rationnaliser l’espace. Le rôle
des atlas sera à ce propos déterminant (4-5-6-7-8-9).
En outre, les récits de voyages passionnent l’opinion, frappée par la rencontre de tant de
peuples aux mœurs étranges et de tant d’animaux fantastiques (11-12-13).
La préoccupation est de mettre de l’ordre dans un savoir qui ne cesse de se renouveler et de
s’affiner (14).
La géographie est ainsi devenue un instrument de la pensée et de l’action vis-à-vis du monde
extérieur mais aussi (comme le montrent les usages religieux et philosophiques de la
cartographie) vis-à-vis du « monde intérieur ». En ce sens, le siècle des Lumières, durant
lequel la géographie se développera d’une manière encore plus scientifique, en digne héritier
de la Renaissance, constitue bel et bien l’avènement de l’individu.
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Glossaire
Cartographie : La cartographie désigne la réalisation et l'étude des cartes géographiques et
géologiques. Elle est très dépendante de la géodésie, science qui s'efforce de décrire, mesurer
et rendre compte de la forme et des dimensions de la Terre.
Chorographie : La chorographie est une description du monde région par région et montrant la
diversité de la Terre. Ce terme était employé par les Anciens par opposition à la géographie
qui était une description globale de la Terre.
Cosmographie : La cosmographie est la science de la description de l'Univers. L'ancienne
acception du terme, au Moyen Âge notamment, était très large, puisqu'elle comprenait à la
fois la géologie, la géographie et l'astronomie.
Cosmologie : La cosmologie scientifique établie à un instant donné dépend directement de ce
que l'on connaît de l'univers. Avant le XIXe siècle, l'univers connu était essentiellement réduit
au seul système solaire, et la cosmologie portait donc uniquement sur la formation de celui-ci.
Géodésie : La géodésie est la science, destinée à l'origine au tracé des cartes, qui s'est attachée
à résoudre le problème des dimensions, puis de la forme de la Terre.
Géographie : la géographie est l'étude de la planète, ses terres, ses caractéristiques, ses
habitants, et ses phénomènes. Une traduction littérale serait « décrire ou écrire sur la Terre ».
Mappemonde : Le terme mappemonde est, dans son sens strict, une carte représentant toutes
les parties du globe terrestre divisé en deux hémisphères enfermés chacun dans un grand
cercle.
Œcoumène : L'œcoumène est une notion géographique pour désigner l'ensemble des terres
anthropisées (habitées ou exploitées par l'Homme). L'acception moderne du mot concerne
généralement l'humanité entière mais il a eu des significations plus ciblées, notamment à des
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périodes plus lointaines depuis la terre grecque antique (Terra cognita, terre connue). La
limite de l'écoumène est l'érème.
Planisphère : Un planisphère est une projection plane des deux hémisphères du globe
terrestre.
Portulan : Un portulan (de l’italien portolano, livre d’instructions nautiques) est une sorte de
carte de navigation, utilisée du XIIIe siècle au XVIIIe siècle, servant essentiellement à repérer
les ports et connaître les dangers qui peuvent les entourer : courants, hauts-fonds....
Terra incognita : une terra incognita (du latin signifiant « terre inconnue ») est un territoire qui
n'a pas encore été exploré par l'Homme, ou par les explorateurs, voyageurs et marchands
européens. L’expression est liée à la découverte et aux grands espaces, elle est donc
fréquemment utilisée dans le domaine de la connaissance et de la recherche.
Topographie (du grec topos = lieu et graphein = dessiner) est la science qui permet la mesure
puis la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain,
qu'ils soient naturels (notamment le relief et l'hydrographie) ou artificiels (comme les
bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe
quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un
champ ou d'un corps de rue.
Bibliographie
- Besse J-M., Les grandeurs de la Terre. Aspects du savoir géographique à la Renaissance,
ENS éditions, 2003
- Claval Paul, Histoire de la géographie, Que-sais-je ? n°65, PUF, 2001
- Lapouge Gilles, La légende de la géographie, Albin Michel, 2009
- Lefort Jean, L’aventure cartographie, Pour la science, Belin, 2004
- Minelle Françoise, Représenter le monde, Presse Pocket, 1992
- Wikipédia, article « Histoire de la géographie »
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