De la crise de la finance dérégulée à la crise des dettes souveraines

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De la crise de la finance dérégulée

à la crise des dettes souveraines

Acte I

Une crise immobilière

La crise des subprimes2007

1.Qu’est-ce que les subprime ?

2. Pourquoi le système fonctionnait au début ?

3. Pourquoi ce système s’est effondré?

1.Qu’est-ce que les prêts

subprime ?

• Deux premières années : faibles remboursements mensuels, mais qui augmentent fortement au bout de deux ans.

Prêts accordés à des ménages modestes offrant peu de garanties. Crédit hypothécaire : possibilité pour la banque de saisir la maison si le ménage ne peut plus rembourser.

• Taux d’intérêt plus élevés : parfois 18% contre 5-6% pour un prêt dit « prime ».

• Taux variables (taux qui varient en fonction des taux d’intérêt pratiqués dans l’économie). Si ces taux remontent, le ménage devra rembourser davantage.

Pourquoi le système

fonctionnait au début ?

Les banques saisissaient les biens des ménages en difficultés et se remboursaient sans problème (prix sans cesse en hausse de l’immobilier)

1. Les prix de l’immobilier ne cessaient de grimper (bulle immobilière).

2. Les taux d’intérêt étaient faibles : la FED (banque centrale américaine) faisait tout pour que ces taux restent faibles pour doper la croissance par le crédit (crédits immobiliers, mais aussi crédits à la consommation).

La plupart des ménages pouvaient au début honorer leurs remboursements en raison des faibles taux d’intérêt.

Pourquoi le système s’est

effondré?

Trois principales raisons Les taux d’intérêt ont fini par remonter. Donc les remboursements que les ménages devaient acquitter ont brusquement augmenté (taux variables prévus dans les contrats).

Comme toute bulle, la bulle immobilière a fini par éclater. Les prix de l’immobilier ont chuté, notamment en raison de la hausse des taux d’intérêt qui a réduit la demande de logements.

Pour convaincre les ménages de contracter des prêts subprime, le contrat prévoyait de faibles remboursements la première, voire les deux premières années. Mais après, les remboursements prévus augmentaient fortement (ce qui avait parfois été caché aux ménages). +40% de remboursement mensuel pour certains ménages.

A partir de 2007 les prix cessent de grimper

Et ensuite baissent de

25%

Mais le marché de l’immobilier est en chute libre et ces ventes massives aggraver le phénomène. De nombreuses banques ne reverront jamais l’argent qu’elles avaient prêté aux ménages sous forme de prêts subprimes.

Conséquences

De nombreux ménages ne peuvent plus honorer leurs remboursements et se retrouvent sans maison. 3 millions d’entre eux se retrouvent à la rue.

Les banques les obligent à revendre leurs maisons pour se rembourser.

Plus d’un million et demi

de ménages américains expulsés en neuf mois…

Acte II

une crise financière

La titrisation et la diffusion de la crise

2. Comment les autorités les ont laissées faire ? N’y a-t-il pas des procédures de contrôle ?

1.Pourquoi les banques ont pris de tels risques en accordant des prêts subprime ?

3. Comment la crise a mis en difficulté les banques?

Pourquoi les banques ont-elles

pris de tels risques?

Réponse : En raison du mécanisme de TITRISATION

DES CREANCES !

M. Jones BanqueCrédit = 100 000 $

Remboursement = 100 000 $ + intérêts

La banque est attentive aux capacités de remboursement du client car elle endosse totalement le risque d’un défaut de paiement

Relation classique banque/emprunteur en l’absence de titrisation

M. Jones Banque

Relation banque/emprunteur avec titrisation

Crédit = 100 000 $

Institution financière créée par

la banque pour titriser les crédits

Banque revend la créance qu’elle

détient sur M. Jones

100 000 $

Emission d’obligations adossées aux crédits titrisésInvestisseurs sur les marchés

financiers : fonds de pension, hedge funds, banques elles-

mêmes, etc. Achat d’obligations = 100 000 $

Les investisseurs perçoivent les intérêts de M. Jones

Remboursement et intérêts sont versés à l’institution

financière créée par la banque

L’important pour elle est de multiplier le volume des crédits pour encaisser les commissions et empocher le différentiel de taux d’intérêt (écart entre le taux d’intérêt appliqué à M. Jones et le taux d’intérêt appliqué aux détenteurs d’obligations).

Avec la titrisation, la banque s’est déchargée du risque, elle n’endosse plus le risque d’un défaut de paiement. Donc elle ne se soucie guère des capacités de remboursement des clients.

Pourquoi les autorités ont laissé faire les

banques? N’y a-t-il pas des

procédures de contrôle?

Mais grâce à la titrisation, les banques ont pu s’affranchir des règles prudentielles pour les crédits hypothécaires qu’elles ont fait disparaître de leur bilan en les transférant dans les institutions financières créées à l’occasion et souvent basées dans les paradis fiscaux où il n’y a aucun contrôle de leurs activités.

Il y a donc bien eu un déficit de régulation publique

Les procédures de contrôle existent : Une banque qui a à son actif des créances doit les couvrir en partie en alimentant en conséquence son compte à la banque centrale. Il existe un ratio réglementaire entre les fonds propres et les crédits accordés.

La déréglementation financière à l’origine de la crise

Ce sont donc bien des décisions politiques des Etats qui ont permis cette multiplication de produits dérivés toujours plus complexes, tels que les dérivés de crédit liés à la titrisation.

La déréglementation financière intervenue depuis les années 80 a laissé libre cours à l’innovation financière.

Voir le film inside job qui montre comment le monde de la finance a obtenu des responsables politiques (dont un certain nombre sont issus de l’univers de la finance) une liberté toujours plus grande.

Comment la crise a mis en difficulté les banques ?

Le bilan des banques avant la crise

crédits accordés=

créances détenues par la banque

=actifs

de la banque=

100 Mds $

Passifles ressources des banques

Capitaux propres des actionnaires

10 Mds $

Dépôtsreçus des clients

90 Mds $

Actif l’ utilisation de ces ressources

Total actifs possédés 100 Mds $

Total des ressources 100 Mds $

Cette réponse – rationnelle individuellement – était collectivement suicidaire. Après cette panique financière, les crédits titrisés ne valaient plus rien.

La perte de valeur des crédits titrisés

Les défauts des ménages ayant contracté des crédits subprime se multiplient

Les agences de notation ont fini par dégrader la note des crédits titrisés. Ces titres deviennent risqués aux yeux de tous les investisseurs sur les marchés.

Mouvement de panique sur les marchés financiers. Les acteurs sur les marchés ont voulu se débarrasser massivement de ces titres devenus toxiques.

Perte de valeur des obligations adossées à des crédits immobiliers selon la qualité de ces titres

entre juillet et novembre 2007

Les meilleurs titres ont perdu 20 %

Les moins bons 80 % !!

Le succès des crédits subprime titrisés

Les agences de notation les notaient triple A. Ces agences de notation sont rémunérées par l’entreprise ou la banque dont elles notent les titres. Donc forte incitation à mettre de bonnes notes si l’agence ne veut pas perdre son client (conflit d’intérêts).

Pourquoi étaient-ils très demandés ?

Ils étaient très rémunérateurs (rappelez-vous que les taux d’intérêt appliqués à M. Jones étaient très élevés).

Leurs cours sur les marchés ne cessaient de monter, donc possibilité de réaliser d’importantes plus-values lors de la revente.

Ils étaient garantis par les biens immobiliers hypothéqués et la bulle immobilière ne cessait d’enfler, donc ils apparaissaient sans risque.

Ils étaient mélangés dans des espèces de pochette surprise (CDO = collateralised debt obligations) avec d’autres crédits titrisés beaucoup plus sûrs (titres de dette publique, prêts étudiants, etc.).

Des banques prises à leur propre jeu

Les banques ne se sont pas contentées de titriser les crédits, elles ont voulu participer au banquet et ont acheté elles-mêmes des crédits titrisés en espérant faire des plus-values lors de la revente.

Elles ont donc dans leur bilan des titres qui ne valent plus rien. Elles engrangent alors des pertes colossales.

De plus, les banques et institutions financières sont reliées les unes les autres par une chaine de crédits. Donc lorsque l’une ne peut plus honorer ses dettes (ou un hedge fund), les autres banques font des pertes. Crise systémique.

A la crise de solvabilité liée aux pertes liées à la crise des subprime s’ajoute une crise de liquidités : les banques obtiennent de plus en plus difficilement les liquidités nécessaires à leur fonctionnement car elles refusent de se prêter mutuellement des liquidités.

Des banques prises à leur propre jeuLes banques ont besoin régulièrement de se refinancer sur le marché monétaire. Elles empruntent des liquidités aux autres banques. Ces échanges sont vitaux pour elles.

Or, l’effondrement du cours des CDO entraine une crise de défiance généralisée entre banques (les banques ne se font plus confiance donc ne se prêtent plus).

Le bilan des banques durant la crisebaisse de la valeur de l’immobilier de 20 %

Montant des crédits accordés=

valeur des créances détenues par la banque

=valeur des actifs de la banque

=80 Mds $

Pertes de 20 mds $

Passifles ressources des banques

Capitaux propres des actionnaires

10 Mds $

Dépôtsreçus des clients

90 Mds $

Actif l’ utilisation de ces ressources

Total actifs possédés 80 Mds $

Les banques n’ont plus assez de

liquidités pour faire face aux retraits de

leurs clients

On est mal …

Dépréciation des actifs de quelques banques

Au fil des mois les pertes des institutions financières se révèlent de plus en plus élevées, leur valeur en bourse s’effondre

Les investisseurs estiment que les

dettes sont tellement élevées

que ces sociétés ne valent plus rien

En septembre 2008 la crise financière bat son plein !!

Le 7 septembre, Freddie Mac et Fanny Mae sont mises sous tutelle. Ces deux institutions « qui assurent ou garantissent près de

5 300 milliards de dollars de prêts

considérées comme « trop grandes pour faire faillite » Le Trésor américain envisage d'y investir 200 milliards $

Le 15 septembre 2008, Lehman Brothers se déclare en faillite après que. Cette faillite qui constituerait «  la banqueroute la plus importante de toute l'histoire

financière des États-Unis » provoque un affolement des bourses mondiales

Le 16 septembre 2008, AIG, premier assureur américain, est sauvé par l'État au prix d'un prêt de 85 milliards de dollars accordé par la Fed et d'une nationalisation

du capital à hauteur de près de 80%En

Le 19 septembre 2008, la banque britannique Halifax-Bank of Scotland

(HBOS) est rachetée pour 12,2 milliards de dollars par la Lloyds TSB

Le 25 septembre 2008, Washington Mutual, l'une des premières caisses d'épargne

américaines, a été saisie et l'essentiel des actifs seront revendus à JPMorgan Chase,

pour 1,9 milliard de dollars, qui devient alors la première banque américaine

Le 28 septembre 2008, la banque du Bénélux Fortis, est nationalisée partiellement, les trois

États du Bénélux apportant 11,2 milliards

d'euros de capitaux propres pour 49% du

capital

Le 28 septembre 2008 également, la banque

britannique Bradford & Bingley, spécialisée en crédit

immobilier, est nationalisée

Le 28 septembre, toujours, la banque allemande

Hypo Real Estate, spécialisée dans le financement de l'immobilier, est

sauvée par un plan d'urgence de 35 milliards d'euros qui doit permettre « une liquidation dans l'ordre et non

en catastrophe 

Le 30 septembre, la première banque mondiale pour le

financement des collectivités locales, la franco-belge Dexia, lève 6,4 milliards

d'euros auprès des gouvernements belges,

français et luxembourgeois

Au final, quand M. Jones fait défaut, c’est une banque française ou australienne ou même le conseil général de la Seine-Saint-Denis qui engrange une perte !

Les CDO se sont diffusés dans le monde entier au gré des reventes successives. On ne sait d’ailleurs plus très bien qui est relié à la dette initiale de M. Jones.

Les ingénieurs financiers de Wall Street ont créé des CDO composés de différents CDO (CDO2) et même des CDO3 composés de différents CDO2.

Des banques en difficulté dans le monde entier

C’est tout le système financier mondial qui bat de l’aile !

Les places financières s’effondrent…..

Indice Footsie Londres

- 45 %

- 61 %

- 58 %

- 50 %

Le CAC

à Paris

Dow Jones

New York Nikkeï

à Tokyo

Entre juillet 2007 et décembre 2008

Acte III

une crise économique

Les canaux de transmission à

l’économie réelle

Cela nuit aussi à la consommation. Consommation par endettement plus difficile. Essentiel de la dynamique de la conso aux Etats-Unis fondée sur l’endettement.

Les banques qui sont en difficulté vont essayer de reconstituer leurs fonds propres et donc limiter drastiquement les crédits accordés. La crise financière va donc se propager à l’économie réelle par la contraction du crédit (crédit-crunch).

Cela nuit à l’investissement des entreprises, notamment pour les PME qui ne trouvent plus de financement.

Cela nuit à l’investissement des ménages : l’immobilier est en crise et les ménages n’obtiennent plus aussi facilement qu’avant les prêts qu’ils souhaitent.

un mécanisme de transmission : le « crédit crunch »

→ Cela va conduire à la plus violente récession depuis la crise des années 30 et à une montée spectaculaire du chômage dans la plupart des pays.

La détérioration de la situation sociale, la montée du chômage, le blocage des salaires conduisent les acteurs économiques à faire des anticipations pessimistes.

Les entreprises repoussent leurs projets d’investissement car la demande effective est faible.

Les ménages épargnent davantage en prévision des temps difficiles à venir. De plus, ceux qui avaient placé leur épargne en bourse voient leur patrimoine fortement réduit en raison de la baisse des cours boursiers.

Montée du taux de chômage

Les causes structurelles de

cette crise économique

Comment soutenir alors la croissance ? Par une politique monétaire de la FED de très faibles taux d’intérêt pour encourager la consommation à crédit. La dette privée des ménages américains est considérable. Cela a encouragé la formation de bulles immobilières et boursières qui ont fini par éclater.

La déréglementation financière qui a permis à l’ingénierie financière de mettre en place des innovations financières toujours plus complexes et toujours plus risquées. Les ingénieurs de Wall-Street croyaient domestiquer le risque avec des modèles mathématiques qui se sont révélés totalement inefficaces en période de retournement du marché. Les rendements élevés sans risque n’existent pas et n’existeront jamais.

Les politiques néolibérales aux Etats-Unis qui ont conduit à une explosion des inégalités de revenus qui a limité le pouvoir d’achat de l’immense majorité des ménages américains. Aux Etats-Unis, les 10% les plus riches ont 48% des revenus (ce qui est le niveau le plus élevé jamais atteint depuis 1928) et les 10% les plus pauvres seulement 2%. Dans ce cadre, il est mathématiquement impossible que chacun ait les revenus suffisants pour être propriétaire de sa maison...

Répartition de plus en plus inégalitaire :45% des revenus pour les 10% les plus riches

Part des revenus (en %) allant aux 10%, 5% et 1% les plus hauts (USA)

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

45%

1917

1921

1925

1929

1933

1937

1941

1945

1949

1953

1957

1961

1965

1969

1973

1977

1981

1985

1989

1993

1997

2001

2005

10% les plus riches

5% les plus riches

1% les plus riches

Source : E. Saez, Striking It Richer ; données fiscales USA, Univ. of California

1/3 des revenuspour 5%

Retour au débutdu XXe siècle

1/5 des revenuspour 1%

Evolution des revenus réels des 20% les moins riches comparés aux 5% les plus aisés aux Etats-Unis (1979=100)

8090

100110120130140150160170180

1967 1971 1975 1979 1983 1987 1991 1995 1999 2003

Premiers 20% Top 5%

Comment la crise économique liée à la crise des subprime a

fait exploser la dette des Etats ?

3. Des recettes fiscales en baisse en raison de la faiblesse de la croissance.

1. De l’argent public pour recapitaliser les banques et racheter les créances toxiques qu’elles avaient dans leur bilan (surtout aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne mais aussi en France).

2. Des dépenses publiques pour relancer l’activité économique.

Ne pas oublier que la crise actuelle des finances publiques est due en grande partie à une crise de la finance privée.

Cette crise de la finance privée étant due à des choix idéologiques et politiques (déréglementation, confiance dans l’efficience des marchés financiers, politiques néolibérales).

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