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1 Nouvelles scènes figurant des souveraines ptolémaïques officiant seules 1 Au cours de ces dernières années, la question de la représentation de la souveraine ptolémaïque sur les parois des temples a été abordée à plusieurs reprises, surtout lorsqu’elle officiait seule 2 . En l’an 2000, dans un article consacré à l’étude d’un bloc d’une collection privée ayant sans doute présenté une reine comme seule officiante, Ol. Perdu dresse une liste de 38 attestations datées de la période ptolémaïque dans lesquelles la reine fait une offrande à une ou des divinités 3 . La première attestation, qu’il identifie dans le mammisi du temple de Philae, est datée par l’auteur du règne de Ptolémée III Evergète I, les dernières de celui de Cléopâtre VII. Deux occurrences retiennent particulièrement son attention. Sculptées en façade du spéos ptolémaïque d’Elkab, les deux représentations placées en correspondance montrent Cléopâtre III agitant des sistres devant la déesse locale Nekhbet. Contrairement aux autres attestations, la reine n’est pas mise en correspondance, dans la scène associée de la série liturgique opposée, avec une figure masculine, composante royale masculine, mais avec sa propre image. L’auteur estime que la nature féminine de la divinité bénéficiaire a pu justifier la figuration double de la reine, la volonté du décorateur étant d’accentuer la coloration féminine de la représentation 4 . Par la suite, ces attestations ont été examinées par deux autres chercheurs, G. Hölbl et M. Minas. Le premier estime qu’à Elkab, la présence de la reine se justifie d’abord par le fait qu’elle a occupé une place importante au sein du pouvoir politique puisqu’associée au règne de son fils Ptolémée IX Sôter II 5 . Quant à M. Minas, elle rejoint G. Hölbl dans sa justification 1 Qu’il me soit permis de remercier Cl. Traunecker, J.F. Quack et M. Minas-Nerpel pour leurs réflexions qui ont permis de faire considérablement évoluer ce travail ainsi que L. Schmitt et M. Meyer qui s’emploient avec toujours autant de patience et de gentillesse à la relecture de mes épreuves. 2 La primeur des études revient à J. Quaegebeur qui s’est intéressé à la question de la représentation des souveraines en particulier dans le cadre de ses travaux liés à la divinisation d’Arsinoé II. Voir J. QUAEGEBEUR, « Reines ptolémaïques et traditions égyptiennes », dans H. Maehler, V.M. Strocka (éd.), Das ptolemäische Ägypten. Akten des internationalen Symposions 27.-29. September 1976 in Berlin, Mayence, 1978, p. 245-246. Sur la question de la divinisation d’Arsinoé II, ibidem, « Ptolémée II en adoration devant Arsinoé II divinisée », BIFAO 69, 1971, p. 191-217 et « Documents concerning a cult of Arsinoe Philadelphos at Memphis », JNES 30, 1971, p. 239-270. 3 Ol. PERDU, « Souvenir d’une reine ptolémaïque officiant seule », ZÄS 127, 2000, p. 141-152. 4 Ol. PERDU, « Souvenir d’une reine ptolémaïque officiant seule », ZÄS 127, 2000, p. 151. 5 G. HÖLBL, « Ptolemäische Königin und weiblicher Pharao », dans N. Bonacasa, A.M. Donadoni Roveri, S. Aiose, P. Minà (éd.), Faraoni come dei, Tolemei come faraoni. Atti del V Congresso Internazionale Italo- Egiziano, Torino, Archivo di Stato – 8-12 dicembre 2001, Torino, Palermo, 2003, p. 93-94.

Nouvelles scènes figurant des souveraines ptolémaïques officiant seules - Martzolff

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Résumé : Dans les scènes des temples tardifs, les scènes dans lesquelles une souveraine officie seule devant une ou plusieurs divinités se limitent à une quarantaine d'exemples répertoriés dans un article d'O. Perdu paru en 2000. Dans la très grande majorité des cas, la scène d'offrande est mise en correspondance avec un tableau dans lequel le roi officie : là, la reine est figurée en qualité de composante féminine du couple royal. Dans de plus rares exemples, à Elkab, Philae et Et-Tôd, les scènes en correspondance figurent une reine. Dans ces trois cas, la présence de la reine ne se justifie pas par l'influence qu'elle peut avoir au sein du gouvernement, mais par l'importance accordée à la composante féminine dans la théologie locale.source : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00579826/

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    Nouvelles scnes figurant des souveraines ptolmaques officiant seules1

    Au cours de ces dernires annes, la question de la reprsentation de la souveraine

    ptolmaque sur les parois des temples a t aborde plusieurs reprises, surtout lorsquelle

    officiait seule2. En lan 2000, dans un article consacr ltude dun bloc dune collection

    prive ayant sans doute prsent une reine comme seule officiante, Ol. Perdu dresse une liste

    de 38 attestations dates de la priode ptolmaque dans lesquelles la reine fait une offrande

    une ou des divinits3. La premire attestation, quil identifie dans le mammisi du temple de

    Philae, est date par lauteur du rgne de Ptolme III Evergte I, les dernires de celui de

    Cloptre VII.

    Deux occurrences retiennent particulirement son attention. Sculptes en faade du spos

    ptolmaque dElkab, les deux reprsentations places en correspondance montrent

    Cloptre III agitant des sistres devant la desse locale Nekhbet. Contrairement aux autres

    attestations, la reine nest pas mise en correspondance, dans la scne associe de la srie

    liturgique oppose, avec une figure masculine, composante royale masculine, mais avec sa

    propre image. Lauteur estime que la nature fminine de la divinit bnficiaire a pu justifier

    la figuration double de la reine, la volont du dcorateur tant daccentuer la coloration

    fminine de la reprsentation4.

    Par la suite, ces attestations ont t examines par deux autres chercheurs, G. Hlbl et

    M. Minas. Le premier estime qu Elkab, la prsence de la reine se justifie dabord par le fait

    quelle a occup une place importante au sein du pouvoir politique puisquassocie au rgne

    de son fils Ptolme IX Ster II5. Quant M. Minas, elle rejoint G. Hlbl dans sa justification

    1 Quil me soit permis de remercier Cl. Traunecker, J.F. Quack et M. Minas-Nerpel pour leurs rflexions qui ont permis de faire considrablement voluer ce travail ainsi que L. Schmitt et M. Meyer qui semploient avec toujours autant de patience et de gentillesse la relecture de mes preuves. 2 La primeur des tudes revient J. Quaegebeur qui sest intress la question de la reprsentation des souveraines en particulier dans le cadre de ses travaux lis la divinisation dArsino II. Voir J. QUAEGEBEUR, Reines ptolmaques et traditions gyptiennes , dans H. Maehler, V.M. Strocka (d.), Das ptolemische gypten. Akten des internationalen Symposions 27.-29. September 1976 in Berlin, Mayence, 1978, p. 245-246. Sur la question de la divinisation dArsino II, ibidem, Ptolme II en adoration devant Arsino II divinise , BIFAO 69, 1971, p. 191-217 et Documents concerning a cult of Arsinoe Philadelphos at Memphis , JNES 30, 1971, p. 239-270. 3 Ol. PERDU, Souvenir dune reine ptolmaque officiant seule , ZS 127, 2000, p. 141-152. 4 Ol. PERDU, Souvenir dune reine ptolmaque officiant seule , ZS 127, 2000, p. 151. 5 G. HLBL, Ptolemische Knigin und weiblicher Pharao , dans N. Bonacasa, A.M. Donadoni Roveri, S. Aiose, P. Min (d.), Faraoni come dei, Tolemei come faraoni. Atti del V Congresso Internazionale Italo-Egiziano, Torino, Archivo di Stato 8-12 dicembre 2001, Torino, Palermo, 2003, p. 93-94.

    PtolmeTexte tap la machine

    PtolmeTexte tap la machineArticle paru dans la revue ZS 136, Leipzig, 2009, p. 37-55.

    PtolmeTexte tap la machine

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    des reprsentations et note galement que la reine, bien que figure seule dans les deux

    tableaux, nest pas affranchie totalement de toute tutelle masculine puisque les cartouches de

    Ptolme IX Ster II taient sculptes au niveau de la frise et que le souverain tait lofficiant

    des scnes sculptes sur la porte daccs la cour6.

    Nous nous proposons, dans cette contribution, dtudier deux autres cas de figure

    provenant des temples de Philae et de Td mettant en correspondance deux tableaux dans

    lesquels une souveraine ptolmaque officie seule. Ces deux nouvelles attestations, auxquelles

    doivent tre ajoutes quatre scnes du mammisi dErment, tent lexemple dElkab son

    statut dunicum et permettent de mettre en vidence lexistence de deux situations distinctes

    dans lesquelles la souveraine agit comme seule officiante. Dans la trs grande majorit des

    cas, les reines agissent devant une ou des divinits et sont associes, dans le tableau

    correspondant de la srie liturgique oppose, la composante mle laquelle leur rgne est

    associ, quil sagisse dun pre, dun fils ou dun poux. ces exemples peuvent tre

    opposs ceux dElkab, Philae et Td qui associent deux scnes en miroir ayant pour seule

    officiante la reine.

    Aprs un rappel des principales caractristiques des tableaux dElkab, nous prsenterons les

    scnes de Philae et de Td avant de revenir brivement sur les principales caractristiques des

    figurations dErment. Cela permettra de procder une comparaison des trois ensembles afin

    de mettre en vidence les particularits de ces reprsentations et de tenter didentifier les

    raisons qui en ont justifi la gravure.

    A. Rappel : les reprsentations du spos ptolmaque dElkab (fig. 1-2)

    Le spos ptolmaque dElkab se trouve lentre du ouadi Hellal, en bordure de

    dsert7. Les scnes qui nous intressent sont sculptes en faade du sanctuaire, de part et

    dautre de la porte8. Extrmement mal prserves, elles ne conservent aujourdhui plus que la

    6 Ph. DERCHAIN, Elkab I. Les monuments religieux l'entre de l'Ouady Hellal, Bruxelles, 1971, p. 37 et M. MINAS, Macht und Ohnmacht. Die Reprsentation ptolemischer Kniginnen in gyptischen Tempel , APF 51, 2005, p. 143-144. 7 F. DEPUYDT, S. HENDRICKX, D. HUYGE, Elkab IV. Topographie, Bruxelles, 1989, plan I, n57. 8 Ph. DERCHAIN, Elkab I. Les monuments religieux l'entre de l'Ouady Hellal, Bruxelles, 1971, pl. 8 et 14. Nous avons repris la dnomination propose par Ph. Derchain. Par sanctuaire nous entendons donc lespace creus dans la roche.

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    figure de la souveraine, Cloptre III, agitant des sistres devant la divinit locale, Nekhbet,

    dont seuls les nom et pithtes sont encore visibles.

    Le titre de la scne du tableau ouest est totalement perdu linverse de celui de la scne est

    dans laquelle la reine sadresse la divinit en ces termes : Salut, il de R, matresse des

    sistres, Dore, souveraine des Deux Pays celle dont les yeux sont rouges (de colre)

    lorsquelle exerce sa puissance contre des millions, en fureur, dame de terreur mais qui

    sapaise comme R, jamais.9. Nekhbet est dsigne comme une forme apaise de la

    Lointaine et est identifie la Dore, cest--dire Hathor. Ce contexte justifie pleinement

    laction de la reine qui agite les sistres, acte dapaisement par excellence10, et saccorde

    parfaitement avec la localisation topographique du spos, plac en bordure du dsert, en

    position idale pour accueillir la Lointaine lorsquelle revient en territoire civilis.

    Dans ltude quil a consacre ldifice, Ph. Derchain avait not la titulature particulire de

    la reine, titulature quil qualifiait de virile 11. En effet, Cloptre III est Horus-R,

    taureau vigoureux, Horus femelle, matresse des deux terres . Cette titulature, intgre ces

    reprsentations o la souveraine est seule reprsente, est assurment pour lui un indice de

    la ralit de son pouvoir, quelle exerce donc en titre 12. La reine est galement dsigne,

    dans la colonne marginale divine du tableau ouest, comme la fille de roi, lpouse de roi, la

    mre de roi, la souveraine, la matresse des deux terres Cloptre 13. Ces pithtes sortent

    la reine de son isolement et la situent, pour la seule et unique fois pour lensemble des textes

    des deux tableaux, par rapport dautres protagonistes royaux de sexe masculin : elle est la

    fille du roi (Ptolme VI Philomtor), lpouse du roi (Ptolme VIII Evergte II) et la mre

    du roi (Ptolme IX Ster II). Cette mention accorde une justification plus grande encore la

    reprsentation de la reine qui est lgitime par ce pedigree royal. Bien que seule officiante

    figure dans les deux tableaux de faade, il ne faut pas oublier, comme la soulign justement

    M. Minas, quelle tait bien associe son fils Ptolme IX Ster II14 dont les noms, inscrits

    au niveau de la frise, alternent avec des visages dHathor. Cest ce mme roi qui officiait dans

    les scnes adjacentes de la porte, aujourdhui dtruite, mais dont on peut deviner 9 Traduction Ph. DERCHAIN, op. cit., p. 49a. 10 C. ZIEGLER, Sistrum , L V, 1984, col. 960 et J.-Cl. GOYON, Le rituel du sHtp 4xmt au changement de cycle annuel, BdE 141, 2006, p. 86. 11 Ph. DERCHAIN, op. cit., p. 49b et 494. 12 Ph. DERCHAIN, op. cit., p. 494. Lauteur souligne le caractre exceptionnel de ces reprsentations et fait le lien avec les scnes de Kom Ombo o la reine officie seule. 13 Ph. DERCHAIN, op. cit., p. 7*[d]. 14 Sur lidentification de ce roi plutt que Ptolme X Alexandre I, voir Ph. DERCHAIN, op. cit., p. 37note 1.

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    lorganisation du dcor partir dun relev de Nestor LHte et des travaux de

    Ph. Derchain15.

    B. La nouvelle documentation

    1. Les scnes de la porte du second pylne de Philae (annexes 1-2, fig. 3-5)

    [Datation] La porte du second pylne de Philae a t dcore sous le rgne de

    Ptolme VIII Evergte II et Cloptre II16. La reine, qui y est figure et mentionne

    plusieurs reprises, est systmatiquement qualifie de sur (sn.t) et pouse (Hm.t) du roi. Ces

    deux titres associs ne sont appliqus qu Cloptre II et sont caractristiques de sa titulature

    antrieure au second mariage de Ptolme VIII Evergte II avec Cloptre III17. Lensemble

    du dcor de la porte a donc t ralis entre 145 av. J.-C. et 141/140 av. J.-C. 18.

    [Position de la reine] Cloptre II apparat dans diffrents tableaux de la porte, mais

    sa position varie19. Dans les deux scnes du linteau de la face interne ainsi que dans la scne

    suprieure du tableau de lembrasure (fig. 3n87-88, n106), elle suit passivement le roi, ne faisant

    que lever une main en signe de salut. En revanche, elle apparat comme seule officiante dans

    15 J. VANDIER D'ABBADIE, Nestor L'Hte, 1804-1842 : Choix de documents conservs la Bibliothque nationale et aux Archives du muse du Louvre, Leiden, 1963, pl. 352 et Ph. DERCHAIN, op. cit., p. 473 et 486 ; pl. 23B. Lauteur a pu retrouver deux blocs remploys qui entraient dans la composition du dcor de la porte. Le premier, encastr dans la porte de la mosque de Hellal, prsente les vestiges dune offrande dencens Nekhbet. Le second montre le souverain se dirigeant vers la droite, sans quil ait de divinit face lui. 16 Bien quencore indite, la dcoration peut tre analyse partir de photographies de lexpdition allemande de 1908-1910 et les fiches du Wrterbuch der gyptischen Sprache qui offrent une copie de la quasi totalit des textes des deux scnes. Voir H. JUNKER, H. SCHFER, Berliner Photos der preuischen Expedition 1908-1910 nach Nubien, gyptologisches Microfiche-Archiv 3, Wiesbaden, 1975, n270, 272 (abrg photo(s) Berlin). Les fiches du Wb sont disponibles, aprs stre enregistr, sur le site du Thesaurus Linguae Aegyptiae (http://aaew.bbaw.de/tla/). Les renvois aux fiches sont effectus dans les annexes 1 et 2. 17 M. ELDAMATY, Die ptolemasche Knigin als weiblicher Horus , article paratre dans le volume de communications faites dans le cadre des journes internationales intitules gypten zwischen innerem Zwist und uerem Druck. Die Zeit PtolemaiosVI. bis VIII. (Heidelberg, 17-19 septembre 2007). Aprs le second mariage de Ptolme VIII Evergte II, le titre de sn.t est rserv Cloptre II alors que celui de Hm.t est attribu Cloptre III. Je tiens remercier lauteur qui ma autorise consulter et citer son texte avant publication. 18 Sur ce mariage, qui a eu lieu entre le 8 mai 141 et le 14 janvier 140 av. J.-C., voir P.W. PESTMAN, The archive of the Theban choachytes (Second century B.C.). A survey of the demotic and greek papyri contained in the archive, StudDem 2, 1993, p. 86b et M. MINAS, Die hieroglyphischen Ahnenreihen der ptolemaschen Knige. Ein Vergleich mit den Titeln der eponymen Priester in den demotischen und griechischen Papyri, AegTre 9, 2000, p. 145-147. 19 Ces variations de positionnement ne sont pas le fait de phases successives de dcoration. Lanalyse du dcor de la porte ne permettant pas de mettre en vidence une interruption dans les travaux, il faut donc admettre que lensemble du dcor de la porte a t ralis en une seule fois.

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    la paire de scnes suprieures des montants de la face extrieure (fig. 3n77-78, fig. 4-5). Tous

    les autres tableaux (linteau et montants) figurent Ptolme VIII Evergte II comme excutant

    des rites.

    [Titres et noms de la reine] Dans les deux scnes, Cloptre II est identifie par deux

    cartouches, mais seul lun dentre eux renvoie directement sa personne. Le second, qui

    prsente le nom de naissance de son poux, nest mentionn que pour prciser le statut de la

    reine par rapport la composante masculine rgnante. Elle est la souveraine, la matresse des

    deux terres, Cloptre, la sur et pouse du fils de R, Ptolme vivant jamais, aim de

    Ptah. La reine, bien que figure seule officiante dans les tableaux, ne saffranchit donc pas

    pleinement de la tutelle de son poux qui, en plus dtre lacteur principal des scnes

    adjacentes des montants et du linteau, est systmatiquement mentionn dans les inscriptions

    des deux scnes. Son nom de naissance apparat dans les textes didentification de la reine

    alors que le qualificatif de nTr.wy mnx.wy, les deux dieux vergtes, est inscrit la fin de la

    srie dpithtes de la reine et la fin des colonnes marginales royales. Notons enfin que dans

    les colonnes marginales divines, la reine exhorte les desses protger le roi, alors

    quhabituellement cest lofficiant lui-mme qui est soumis la protection des figures

    divines. Ainsi, Cloptre II est bien figure seule, mais est toujours troitement associe son

    poux20. Lexamen des autres pithtes portes par la reine ne permet pas de tirer

    dinformation relative un statut particulier de cette dernire. Les titres de HqA.t et nb.t tA.wy

    sont attests chez les souveraines ptolmaques ds le rgne dArsino II21, alors que le

    groupe sn.t Hm.t ne prsente un rel intrt, comme nous lavons mentionn prcdemment,

    que pour les questions de datation du dcor. Bien quexcutante des rites, la reine ne porte

    aucun titre ou qualificatif spcifique une fonction de prtrise.

    [Analyse du dcor] Le linteau de la face externe de la porte fonctionne comme un

    vritable panneau daffichage de la thologie locale regroupant, dans les scnes centrales, les

    divinits insulaires principales (Osiris / Isis) et invites (Khnoum-R / Hathor), dans les

    scnes latrales, deux divinits importantes rgnantes lies aux thologies mammisiaque

    20 Sur cette question, voir M. MINAS, Cleopatra II and III: the queens of Ptolemy VI and VIII as guarantor of kingship and rivals of power , communication paratre faite dans le cadre des journes internationales intitules gypten zwischen innerem Zwist und uerem Druck. Die Zeit PtolemaiosVI. bis VIII. (Heidelberg, 17-19 septembre 2007). Quil me soit permis de remercier lauteur qui ma autorise consulter et citer son texte avant publication. 21 J. QUAEGEBEUR, Ptolme II en adoration devant Arsino II divinise , BIFAO 69, 1971, p. 191-217 et p. 204.

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    (Amon-R) et dcadaire (Harendotes). Les actions engages par le souverain (courses et

    prsentation de vin) sont habituelles des linteaux et indpendantes des identits divines.

    Les scnes des montants mettent laccent sur un aspect spcifique de la thologie insulaire, le

    mythe de la Lointaine. Dans la scne suprieure ouest (fig. 3n77, fig. 4), Cloptre II fait face

    Isis et Nekhbet qui elle offre un pectoral dor beb. lEst (fig. 3n78, fig. 5), elle agite les

    sistres devant Nephthys et Ouadjet alors quun objet-menat est jet en travers de son bras

    droit22. Les divinits sont organises par paire : la figuration de Nephthys rpond celle dIsis

    et celle de Ouadjit celle de Nekhbet. Les squences dpithtes des desses Isis et Nephthys

    prsentent une structure similaire avec dabord lattachement fraternel et mythologique des

    desses Osiris (xw sn=s et sn.t-nTr), puis lvocation des divinits comme desses

    dangereuses (ir.t Ra) et enfin leur prsentation comme desses universelles (nb(.t) p.t

    Hnw.t nTr.w). Ces squences dpithtes refltent parfaitement la thologie dveloppe sur

    lle de Philae o la desse Isis, avec ici sa pardre de toujours, est la fois protectrice de son

    frre, actrice des rites dcadaires et forme apaise de la desse lointaine du fait de son

    rapprochement avec la desse Hathor. La prsence dIsis lOuest, cest--dire gauche,

    sexplique par la position prdominante de la desse Philae. Le choix de lui associer

    Nephthys droite, et non Hathor comme cela est souvent observ sur lle23, indique que les

    dcorateurs ont mis laccent sur le caractre osirien des desses, lvocation de leur aspect de

    desse lointaine ntant faite quen seconde position.

    A la paire Isis / Nephthys est associ le couple Nekhbet / Ouadjit24. Les pithtes des desses

    les prsentent dabord comme les reprsentantes et garantes de la royaut de Haute et Basse

    22 Lassociation aux sistres de lobjet-menat jet en travers du bras droit de la reine rappelle les reprsentations des prtresses dHathor lAncien Empire, prtresses qui taient reconnaissables ces objets caractristiques (E. STAEHELIN, Menit , L IV, 1982, col. 52 et et A.M. BLACKMAN, The rock tombs of Meir II. The tomb-chapel of Senbis son Ukh-1otep, ASE 23, 1915, pl. 15). La prsence de cet objet, troitement associ la desse Hathor, tient certainement plus au contexte dans lequel les reprsentations de la souveraine apparaissent (action devant des formes de la Lointaine) que dune identification de la reine une prtresse dHathor. 23 Les dcorateurs associent souvent Isis (place gauche), actrice des rites dcadaires, Hathor, personnification apaise de la Lointaine. On trouve galement la mise en correspondance de deux formes dIsis, lune actrice des rites dcadaires, lautre mre divine dans le mammisi. Voir Ad. GUTBUB, Remarques sur quelques rgles observes dans l'architecture, la dcoration et les inscriptions des temples de basse poque , dans Fl. Thill, Fr. Geus (d), Mlanges offerts J. Vercoutter, Paris, 1985, p. 135-136 et L. AT AMROUCHE-MARTZOLFF, Recherches sur la dcoration des pylnes des priodes ptolmaque et romaine, Thse indite soutenue lUniversit Marc Bloch de Strasbourg en 2005, p. 565. 24 On ne peut sempcher de penser un des pectoraux de Toutnkhamon qui montre le roi protg par la desse vautour Nekhbet, galement nomme Isis, et la desse uraeus Ouadjit prsente comme Nephthys. la grille iconographique premire montrant le roi de Haute et Basse gypte protge par les desses tutlaires des deux pays, se superpose une grille osirienne dfinie par l'aspect du roi et les dnominations des deux desses. Cet exemple a t prsent et dvelopp par Cl. TRAUNECKER dans Temples, cultes et thologies tardives dans les rgions coptite et thbaine. Mmoire d'habilitation indit prsent en 1992 l'Universit de Lille III, p. 8-10). Je remercie lauteur de mavoir donn accs ce travail indit.

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    gypte. Mme si aucune des deux figures nest porteuse de lappellation caractristique dil

    de R, diffrents indices vont pourtant dans le sens de la figuration de formes apaises de la

    desse lointaine. Ainsi, les pithtes de Ouadjit sachvent par la squence matresse du

    Per-our, dame du Per-neser , squence qui qualifie Sekhmet dans le rituel dapaisement de

    la desse25, alors que les paroles prononces par Nekhbet la dsignent comme celle qui orne

    le front des souverains, cest--dire la desse apaise qui prend la forme de luraeus

    protecteur.

    Ce sont donc plusieurs grilles de lecture identitaires qui se superposent pour ces seuls

    tableaux : une grille relevant du mythe de la Lointaine et une grille osirienne. La figuration de

    la reine devant ces identits divines doit mriter toute notre attention. Lassociation de

    Cloptre II, par le biais de loffrande, aux garantes de la royaut Ouadjit et Nekhbet,

    dmontre bien que la souveraine est considre comme lgale du roi. On sait dailleurs qu

    compter du rgne de Ptolme VI Philomtor, plus prcisment ds 163 av. J.-C.,

    lappellation de pharaons au pluriel (pr-aA.w) est employe pour dsigner le roi et la reine.

    Ces mentions apparaissent dabord dans les textes dmotiques puis passent dans la

    documentation hiroglyphique des temples ds le dbut du rgne de Ptolme VIII

    Evergte II26.

    Les actions effectues par la reine, agitation des sistres et prsentation du pectoral beb

    saccordent bien avec les caractristiques des desses prsentes comme des desses

    dangereuses. Comme nous lavons mentionn plus haut, lagitation des sistres est laction par

    excellence qui est effectue pour apaiser la lionne son retour de Nubie, alors que loffrande

    du pectoral beb est idale pour calmer la furie de la divinit qui en pare sa poitrine27. Les

    offrandes pratiques dans les autres tableaux des montants, offrandes qui sont toutes

    adresses des divinits fminines, ont le mme but : apaiser la Lointaine. Sur les montants, 25 J.-Cl. GOYON, Le rituel du sHtp 4xmt au changement de cycle annuel, BdE 141, 2006, p. 86. 26 P.W. PESTMAN, Chronologie gyptienne d'aprs les textes dmotiques, P.L.Bat. 15, 1967, p. 50. Au temple de Td, dans une scne qui peut galement tre date du dbut du rgne commun de Ptolme VIII Evergte II avec Cloptre II, les souverains sont dsigns comme les deux Horus ou les deux souverains . C. THIERS, Td. Les inscriptions du temple ptolmaque et romain II. Textes et scnes nos 173-329, FIFAO 18-2, 2003, n2851, 2996 et 2968. La scne est commente dans J.-Cl. GRENIER, Ptolme vergte II et Cloptre II d'aprs les textes du temple de Td , dans N. Bonacasa, A. Di Vita (d.), Alessandria e il mondo ellenistico-romano. Studi in onore di Achille Adriani I, Studi e Materiali 4, Palerme, 1983, p. 33. Une critique quant la relle porte historique de la reprsentation est faite par Fr. COLIN dans L'Isis "dynastique" et la Mre des dieux phrygienne. Essai d'analyse d'un processus d'interaction culturelle , ZPE 102, 1994, p. 274note 17. Il est intressant de noter que ces mentions dans le temple de Td et les scnes de Philae peuvent toutes tre dates du dbut du rgne (pour le titre de sn.t Hm.t porte par Cloptre II Td, voir C. THIERS, Td. Les inscriptions du temple ptolmaque et romain II. Textes et scnes nos 173-329, FIFAO 18-2, 2003, n3003). 27 M.-Cl. MIALON, L'offrande du bijou liturgique beb dans les grands sanctuaires ptolmaques et romains , Kyphi 1, 1998, p. 68.

  • 8

    et linverse de ce qui est observ sur le linteau, squences dactions et didentits sont donc

    troitement lies.

    2. Les scnes provenant du temple de Td (annexe II, fig. 6-7)

    Au temple de Td, le linteau de la face extrieure de la porte menant la salle des

    desses, dsigne par les textes comme une hout-noub28, porte deux reprsentations montrant

    une souveraine, seconde dans chaque tableau par un officiant masculin et un officiant

    fminin, qui prsente deux divinits fminines des linges et un onguent (probablement de la

    myrrhe29) contenu dans un rcipient prenant la forme dun sphinx30. Dans le tableau droit, le

    personnel associ prsente, en accord avec loffrande de la souveraine, des pots contenant le

    mme produit. En revanche du ct gauche, ils portent sur des plateaux des signes verticaux

    qui voquent la fibre croise et donc le tissu ( ), mais qui ne sont pas non plus sans rappeler le

    signe hiroglyphique sA ( ) synonyme de protection.

    [Datation] Les textes des deux scnes nont pas t inscrits, lexception des

    pithtes prcdant les cartouches laisss vides de la reine. Elles la dsignent comme la

    souveraine, matresse des deux terres vide . La prsence de tableaux et dinscriptions

    gravs au nom de Ptolme XII Nos Dionysos dans la salle adjacente des offrandes permet

    de proposer une identification de la souveraine Cloptre VII sans pour autant que les

    indices soient dterminants31. Il est toutefois plus difficile de prciser quelle priode de son

    rgne ces scnes doivent tre rattaches. Les souverains des parois internes de la salle des

    desses sont tous anonymes : il pourrait aussi bien sagir de Ptolme XII Nos Dionysos,

    Ptolme XIII, Ptolme XIV voire mme Ptolme XV Csarion. Selon les cas, la reine

    serait figure en qualit de corgente (rgne de Ptolme XII Nos Dionysos), reine associe

    un de ses frres (Ptolme XIII ou Ptolme XIV) ou son fils (Ptolme XV Csarion).

    28 C. THIERS, Td. Les inscriptions du temple ptolmaque et romain II. Textes et scnes nos 173-329, FIFAO 18-2, 2003, n283B. La question de la ralit de la hout-noub sera examine la fin du paragraphe consacr aux reprsentations du temple de Td. 29 Dans la salle des desses, une offrande similaire est prsente devant Sekhmet et le texte prcise quil sagit de myrrhe. Un autre tableau montre le roi qui tend Neith un pot comparable celui port par les suivants de la reine et qui contient galement de la myrrhe (C. THIERS, op. cit., n279 et 282). 30 C. THIERS, op. cit., n246-247. 31 Les cartouches de ce souverain apparaissent sur la face extrieure de la porte principale axiale menant la salle des offrandes et sur les parois nord et sud de cette mme salle (C. THIERS, op. cit., n173-176 et n235, 242-243).

  • 9

    Cinq colonnes de textes sont inscrites sur les montants de porte. Cloptre VII, pour peu que

    notre identification de la reine soit exacte, est la seule figure royale inscrite en faade de la

    porte. On ne trouve dans lensemble des textes gravs aucune mention dun souverain mle.

    Nous savons que la porte axiale menant la salle des offrandes a t dcore sous le rgne de

    Ptolme XII Nos Dionysos, mais la date de la ralisation du dcor de la portion de mur

    faisant la jonction entre les portes axiale et mridionale nest pas connue. Il est donc fort

    possible que, pendant un laps de temps plus ou moins long, cest--dire jusqu linscription

    des scnes adjacentes du linteau sur la paroi, la reine soit reste sans figure masculine

    visuellement associe.

    [Analyse du dcor] En labsence dinscriptions, lidentification des divinits du

    linteau est impossible mme si des solutions peuvent tre proposes. La coiffe de la premire

    desse du couple du tableau gauche, lutrus de vache, est gnralement caractristique de la

    desse Tjenenet qui apparat sous la mme forme au revers de la porte32. Parmi les trois

    desses coiffes des cornes de vache enserrant le disque solaire, doit se trouver au moins une

    figuration de la desse Hathor, limage de lassociation prsente au revers de porte, et

    certainement une image de la desse Rttaouy.

    Dans les deux scnes du linteau, la souveraine apparat comme llment guidant laction

    dun personnel dont les titre et rang ne sont pas spcifis. Il faut toutefois remarquer que les

    personnages masculins et fminins portent tous deux des coiffes longues atteignant les

    paules et que le costume de la figure masculine est complt par une queue de taureau. Ce

    complment vestimentaire est dimportance car il permet de rattacher ces personnages une

    catgorie bien prcise. En effet, la queue de taureau nest porte que par le roi et les divinits

    masculines parmi lesquelles sont comptabiliss les gnies33. Le personnel accompagnant la

    reine serait donc de nature divine.

    Lexamen du dcor de la face interne de la porte ainsi que des parois internes de la

    salle des desses permet sans nul doute dapporter des informations essentielles la bonne

    comprhension de la figuration de la souveraine en faade. Alors que le linteau de la face

    interne de la porte est occup par un disque solaire ail, chaque montant est divis en trois

    32 C. THIERS, op. cit., n258 et M.-Th. DERCHAIN-URTEL, Synkretismus in gyptischer Ikonographie. Die Gttin Tjenenet, GOF IV, 8, 1979, p. 6. Ce mme emblme peut orner la tte de Meskhenet mais est caractristique de la desse Tjenenet dans le temple de Td. Pour une reprsentation de lutrus de vache coiffant Osiris, voir Fr. DAUMAS, Les mammisis de Dendara, Le Caire, 1959, pl. 61bis et p. 1399 [11]. 33 G. JQUIER, La queue de taureau insigne des rois dgypte , BIFAO 15, 1915, p. 165. Pour des reprsentations de gnies, voir par exemple Edfou XIII, pl. 546-550 ; Fr. DAUMAS, Les mammisis de Dendara, Le Caire, 1959, pl. 56 et C. THIERS, Y. VOLOKHINE, Ermant I. Les cryptes du temple ptolmaque, MIFAO 124, 2005, p. 56-58

  • 10

    scnes. Les tableaux infrieurs sont occups par la figuration des quatre desses hippopotame

    Meskhenet, desses protectrices des naissances divines et royales34. Dans les tableaux

    suprieurs, un personnel agit sur les naoi et les statues divines fminines quils contiennent35.

    La prsence de longues robes et dune poitrine nettement marque permet daffirmer sans nul

    doute que ce personnel, qui se caractrise par une coiffe courte, est fminin. Aucune

    inscription naccompagne les tableaux. Nanmoins, le texte 254 grav sur le montant interne

    sud de la porte mentionne un personnel fminin et masculin charg duvrer pour la desse

    Oupeset. Ce personnel est dsign comme les pures (wab.wt ) et ceux qui

    entrent (aqy.w )36. Le personnel fminin reprsent sur la face interne de la porte

    disparat des scnes sculptes sur les parois latrales mais reparat dans une scne inscrite

    dans le tableau de lembrasure ouest de la porte perce dans le mur sud du temple, ouvrant sur

    la salle hypostyle. L, une femme qui entre dans le temple est purifie par Horus et Thot37.

    Les nom et qualificatif de ce personnage ne sont pas prservs, toute la partie suprieure de la

    scne tant manquante, mais le bandeau de soubassement prcise que cette porte est celle par

    laquelle pntrent les aqy.w(t) ( ), Celles qui entrent38 .

    34 C. THIERS, op. cit., n252-253 ; M.-T. DERCHAIN-URTEL, Mesechenet , L IV, 1982, col. 107; Em. CHASSINAT, Le mystre d'Osiris au mois de Khoak 1, Le Caire, 1966, p. 339-341 ; D. MEEKS, Gnies, anges, dmons en Egypte , dans D. Meeks et alii, Gnies, anges et dmons, SO 8, 1971, p. 39. La figuration des quatre Meskhenet nest pas rare, mais la forme anthropomorphe est gnralement prfre la forme animale. Voir par exemple, Em. CHASSINAT, Le mammisi d'Edfou, MMAF 13, 1910, p. 4413 ; Dendara II, pl. 127 (p. 14813) ; Dendara X, pl. 99 (p. 2068) et pl. 150 (p. 26911) ; Dendara XI, pl. 78 (p. 10811) ; Fr. DAUMAS, Les mammisis de Dendara, Le Caire, 1959, pl. 59bis (p. 11317); Esna III, n31113. 35 C. THIERS, op. cit., n255-258. 36 C. THIERS, op. cit., p. 1522-3. 37 Wb I, 23213. Les scnes montrant la purification dune femme ne sont pas trs nombreuses. Un autre exemple est attest sur un bloc provenant de la chapelle rouge de Karnak et concerne une pouse divine (Fr. BURGOS, Fr. LARCH, La chapelle rouge. Le sanctuaire de barque dHatschepsout I. Fac-simils et photographies des scnes, Paris, 2006, p. 216 (bloc n292) et P. LACAU, H. CHEVRIER, Une chapelle d'Hatshepsout Karnak I, Le Caire, 1977, p. 330, 568). 38 Le terme aqy.t est bien attest dans la littrature et dsigne une servante ou la desse Hathor en qualit de servante du dieu solaire (Wb I, 23213-14). Toutefois, dans ce contexte prcis et tant donn la localisation de la reprsentation, dans le passage dune porte, aqy.t est trs certainement la version fminine du terme aqy ( celui qui entre ; Wb I, 23212) qui est une manire de dsigner une catgorie de personnel entrant dans le temple (H. DE MEULENAERE, Recension de louvrage de W. Otto (), Beitrge zur Hierodulie im hellenistischen gypten, (ABAW 29, 1950) , BiOr 8, 1951, p. 222 ; R. EL-SAYED, Quelques prcisions sur lhistoire de la province dEdfou la 2E priode intermdiaire (tude des stles JE 38917 et 46988 du Muse du Caire) , BIFAO 79, 1979, p. 184bb). Dans le temple dEdfou, le terme aqy.w dsigne le personnel sortant du lac sacr qui apporte les offrandes dans le temple (Edfou VII, 183-4). plusieurs reprises, ce mme terme est employ dans des numrations de titres de prtrise (G. DARESSY, Description des monuments pigraphiques trouvs Karnak en 1921-1922 , ASAE 22, 1922, p. 266 ; Edfou III, 36012 ; Dendara XI, 13211 ; J. DE MORGAN, Catalogue des monuments et inscriptions de l'gypte Antique III. Kom Ombos II, Vienne, 1895, n878). H. de Meulenaere estime donc quil faut considrer le terme aqj.w comme un participe substantiv dsignant lensemble des personnes, prtres ou autres, ayant le droit dentrer dans le temple. Ds lors, une seule traduction simposerait : "ceux qui peuvent entrer". (BiOr, 8, 1951, p. 222). Ce vocable ne doit donc pas tre

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    Lapparence des oprantes sculptes sur la face interne de la porte de la salle des desses et

    dans lembrasure de la porte ouvrant sur la salle hypostyle est trs diffrente de celle des

    personnages fminins figurs en faade de la salle des desses, la suite de la reine. Alors

    que les compagnes de la souveraine portaient des coiffes longues, les officiantes de la salle

    des desses se caractrisent par une perruque courte, limage de celle que peuvent porter les

    prtres39. Leur reprsentation nest pas sans rappeler les pleureuses divines associes au lit

    mortuaire dOsiris qui peuvent prendre les noms dIsis, Nephthys, Merkhetes ou Chentayt40.

    Dans le petit temple romain del-Qala, les deux divinits maternantes associes la Grande

    desse, Tameretentaneb et Tairetepertem, peuvent porter cette coiffe courte41. Il faut enfin

    remarquer quune des officiantes porte des sandales, attribut absent de toute autre

    reprsentation42.

    Quant aux parois latrales de la salle, elles sont occupes par vingt-quatre tableaux doffrande

    dans lesquels le roi est lunique officiant devant des divinits exclusivement fminines, ce qui

    a valu cette pice lappellation de salle des desses.

    [Fonction de la salle des desses] La raison de la prsence de la reine en faade de

    cette salle semble tre motive la fois par le sexe des divinits et par la prsence de ce

    personnel fminin dont la fonction exacte reste dfinir, en prenant soin de distinguer les

    personnalits divines sculptes en faade, la suite de la reine, des oprantes coiffe courte

    intervenant sur les naoi. Cela revient invitablement sinterroger sur la fonction de cette

    pice.

    Dsigne par les textes comme une hout-noub, cest--dire un lieu o sachevaient la

    prparation et la conscration des statues et accessoires liturgiques avant leur utilisation

    dans le culte43 , la salle ne prsente pourtant pas un programme dcoratif caractristique de

    ce type despace44, en tous les cas tel que lon peut se limaginer partir des exemples bien

    class parmi les noms de fonction dsignant des catgories sacerdotales (Hm-nTr, it-nTr par exemple) mais parmi les noms daction qui prcisent une action dfinie et implique tous les protagonistes susceptibles deffectuer cette action. Les aqy.w sont les personnes susceptibles dentrer dans le temple pour y effectuer une tche prcise. Ils ne font donc pas obligatoirement partie du personnel sacerdotal. 39 Voir par exemple Edfou I, pl. 38a-d, e, j, n, o ou Dendara VII, pl. 666, 668-671, 677-678. 40 Dendara X, pl. 52, 53, 96-97, 104-107, 243, 247 et 257. 41 L. PANTALACCI, Cl. TRAUNECKER, Le temple del-Qalaa II, Le Caire, 1998, n186, 210, 213 et p. 4, 7. 42 C. THIERS, op. cit., n255. 43 Ph. DERCHAIN, L'Atelier des orfvres Dendara et les origines de l'Alchimie , CdE 65, n 130, 1990, p. 220. 44 Ce fait a dj t relev par C. Thiers et W. Waitkus. Voir C. THIERS, op. cit., p. XV et C. THIERS, Ouadjyt et la lac du saule , dans L. Gabolde (d.), Hommages Jean-Claude Goyon, BdE 143, 2008, p. 375-376 ;

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    connus de Dendra ou de Karnak45. Les parois latrales de la pice sont occupes par des

    prsentations doffrande tout fait habituelles. Il y a bien les tableaux montrant un personnel

    agissant sur des naoi et des statues, mais aucune reprsentation voquant clairement la hout-

    noub avec, par exemple, une ouverture de la bouche de la statue ou du matriel consacr46.

    Ptah et Khnoum, patrons des artisans prsents Dendra et Karnak, sont absents des parois

    de la salle des desses.

    Nous avons not que les pleureuses dOsiris pouvaient tre reprsentes avec des coiffes

    courtes comparables celles portes par les femmes agissant sur les statues dans les naoi.

    Plus quun personnel modelant les statues, ces femmes pourraient plutt appartenir un

    personnel de soin, dentretien. Il faut dailleurs prciser que les textes des hout-noub ne font

    jamais rfrence un personnel artisan fminin mme lorsquil est question de la confection

    de statues fminines47. La ligne de texte inscrite sous la scne de purification de lofficiante

    prcise que les aqy.w(t) entrent afin daccomplir les crmonies (ir irw) pour Tjenenet et

    Hathor, conformment ce qui existe dans lIounou du Sud48. Dans linscription 254 grave

    sur la face interne de la porte, les officiantes ont la mme fonction49. La squence ir irw peut

    tre comprise de deux manires, selon le sens retenu pour irw. Ce terme peut dsigner

    limage, laspect de la divinit50. Dans ce cas, ces officiantes seraient les ralisatrices des

    images divines. Toutefois, nous avons vu quaucun personnel fminin ntait attest dans les

    W. WAITKUS, Recension de louvrage de C. Thiers, Td. Les inscriptions du temple ptolmaque et romain II. Textes et scnes nos 173-329, FIFAO 18-2, 2003 , Orientalia 74, 2005, p. 423-424. 45 Pour la hout-noub du temple de Dendra, voir Dendara VIII, pl. 802-814 et p. 127-145 ainsi que Ph. DERCHAIN, L'Atelier des orfvres Dendara et les origines de l'Alchimie , CdE 65, n 130, 1990, p. 219-241. Pour lexemple de Karnak, voir Cl. TRAUNECKER, Le "Chteau de l'Or" de Thoutmosis III et les magasins nord du temple d'Amon , CRIPEL 11, 1989, p. 89-111. Cl. Traunecker nous signale galement que la chambre XV de la tombe de Padiamnop Thbes (TT 33) est dsigne par les textes comme une hout-noub. Les parois prsentent une reprsentation de Ptah, la barque de Sokaris et plusieurs figurations dOsiris Hemag (J. DMICHEN, Der Grabpalast des Patuamenap in der thebanischen Nekropolis 1, Leipzig, 1884, pl. 1 et F. VON BISSING, Das Grab des Petamenophis in Theben , ZS 74, 1938, pl. IIb). 46 Dendara VIII, pl. 811et p. 14310-16 ; Cl. TRAUNECKER, Le "Chteau de l'Or" de Thoutmosis III et les magasins nord du temple d'Amon , CRIPEL 11, 1989, p. 96. 47 Ph. DERCHAIN, L'Atelier des orfvres Dendara et les origines de l'Alchimie , CdE 65, n 130, 1990, p. 233-324. Sur le personnel des hout-noub, voir A. VON LIEVEN, Im Schatten des Goldhauses. Berufsgeheimnis und Handwerkerinitiation im Alten gypten , SAK 36, 2007, p. 147-155. Dans les textes inscrits dans le passage de la porte menant la salle des desses, il nest pas question de ce personnel fminin; on ne parle que des prtres (aqA.w) qui sont les seuls susceptibles de voir la divinit. Voir C. THIERS, op. cit., p. 1406-7. 48 t. DRIOTON, G. POSENER, J. VANDIER, J.-Cl. GRENIER, Td. Les inscriptions du temple ptolmaque et romain I. La salle hypostyle n1-172, FIFAO 18-1, 1980, p. 778-9: sbA wr aq n aqy.w(t) im=f r ir irw=s[n] n 6ATnnt 1w.t-1r mi.tt xpr m Iwnw-5ma. 49 C. THIERS, op. cit., p. 1522-3. 50 Wb I, 11314.

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    hout-noub pour raliser les statues. De plus, dans les textes de Dendra dcrivant la

    confection des images divines, irw nest jamais employ pour qualifier les effigies divines,

    contrairement aXm, sxm ou nn. irw peut galement prendre le sens de crmonie, acte

    liturgique ce qui convient bien ce contexte, dautant plus que la squence ir irw,

    accomplir une crmonie , est bien atteste51. Ces femmes ninterviennent donc pas dans

    la ralisation des statues divines, mais appartiennent un personnel fminin charg

    daccomplir des crmonies en liaison avec Tjenenet et Hathor.

    Ces officiantes doivent tre distingues de celles associes la reine et qui sapparentent,

    semble-t-il, un personnel divin. Loffrande de linges et myrrhe en faade nest pas

    caractristique des hout-noub. Nanmoins, il nest pas rare que ces produits soient prsents

    dans un contexte de naissance, la divinit parturiente. Cest le cas sur les parois de la

    chambre sud clbrant la naissance de lenfant Horus dans le temple dOpet52. Ce contexte de

    naissance semble tre confirm par la figuration, au revers de la porte, des quatre Meskhenet

    et saccorde parfaitement avec la personnalit de Tjenenet qui intervient dans les naissances53.

    La salle des desses, bien que dsigne par les textes comme une hout-noub,

    sapparente plus un espace dans lequel taient pratiques des crmonies sur les effigies des

    desses Hathor et Tjenenet, crmonies qui taient mettre en rapport avec la personnalit de

    Tjenenet et en particulier son rle de protectrice des naissances. Ces crmonies ncessitaient

    lintervention dun personnel de soin fminin qui est reprsent entrant dans le temple et

    agissant sur les naoi. Ce contexte trs fminin a justifi la reprsentation, en faade de la

    salle, de la souveraine en qualit dofficiante accompagne de gnies masculins et fminins.

    Ces protagonistes sintgrent la thmatique dveloppe en prsentant aux divinits des

    linges, de la myrrhe et des symboles de protection.

    3. Les quatre reprsentations du mammisi dErment

    En labsence dinformations suffisantes pour un commentaire plus complet, les scnes

    du mammisi dErment ne seront quvoques et non intgralement tudies. Ol. Perdu a

    51 Wb I, 11311. 52 C. DE WIT, Les inscriptions du temple d'Opet Karnak II. Index, croquis, position des planches, BiAe 12, 1962, pl. 5-6. 53 M.-Th. DERCHAIN-URTEL, Synkretismus in gyptischer Ikonographie. Die Gttin Tjenenet, GOF IV, 8, 1979, p. 34-36.

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    relev un grand nombre de tableaux figurant une reine officiant seule. Seules deux de ces

    reprsentations semblent avoir en miroir des scnes o la souveraine agit. Elles occupent le

    second registre des parois ouest et est du sanctuaire (deux scnes par registre).

    Les seules informations dont nous disposons pour reconstituer la dcoration de ce registre

    sont fournies par K.R. Lepsius et se limitent une description trs rapide des tableaux

    prcisant (parfois) la nature de loffrande prsente et le nom des divinits bnficiaires (

    dfaut de produire un nom, lauteur dcrit les attributs des divinits).

    Sur la paroi ouest, la reine prsente les couronnes de Haute et Basse gypte trois desses :

    la premire porte cette mme couronne, les deux suivantes sont lontocphales. La scne

    adjacente voit loffrande dun bandeau de cheveux trois divinits fminines dont deux sont

    porteuses de la couronne rouge54. Des scnes de la paroi correspondante, nous navons que

    peu dinformations. Les offrandes ne sont pas prcises ; K.R. Lepsius identifie les trois

    divinits de la premire scne trois formes de Rttaouy et mentionne Nekhbet, Ouadjit et

    une troisime divinit, en qui il faut reconnatre Iousas, pour la seconde reprsentation55.

    B. Commentaire

    Ces cas de figure mettant en scne des souveraines officiant dans deux scnes se

    rpondant sont suffisamment rares pour que les caractristiques de ces reprsentations et les

    contextes dans lesquels ces scnes apparaissent soient compars. Compte tenu du nombre

    relativement limit dattestations, ce commentaire, ax sur un ensemble de points dont ltude

    nous a paru pertinente, sera susceptible dvoluer, dtre prcis ou modifi en fonction des

    nouvelles attestations qui pourraient apparatre dans la documentation.

    1. Localisation des reprsentations

    Les attestations prsentant des scnes doubles de reines officiant seules sont toutes

    localises en Haute gypte (Philae, Elkab et Td). En fait, ce phnomne nest pas limit

    ces cas de figure mais concerne toutes les scnes figurant la souveraine en qualit de seule 54 PM V, p. 15525-26 et LD Text IV, p. 10. 55 PM V, p. 15629-30 et LD Text IV, p. 11. Pour lidentification de Iousas, voir J. VANDIER, Iousas et (Hathor) Nebet-Htpet- I , RdE 16, 1964, p. 140XCVI.

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    officiante, quelle soit ou non mise en correspondance avec sa propre image56. Ce fait tient

    certainement plus la mauvaise ou partielle conservation des monuments de Basse et

    Moyenne gypte qu une relle volont dexclure du dcor des parois les reprsentations de

    la souveraine.

    Les tableaux prsentant une reine comme seule officiante ne sont pas caractristiques

    dun type ddifice prcis ni mme dune partie spcifique de ce dernier57. Les

    reprsentations peuvent tre localises dans un espace daccs relativement restreint et donc

    tre difficilement visibles ou, linverse, tre trs exposes comme sur la face externe dun

    mur denceinte du temple dEdfou58.

    Concernant les trois exemples retenus o la figuration de la reine est double, une

    tendance peut tre releve. Ces scnes apparaissent toujours sur ou proximit de portes :

    Td, ce sont deux scnes de linteau, Philae, deux scnes suprieures de montants et Elkab

    les deux tableaux encadrent la porte. Ce fait relve-t-il de la concidence ou dune relle

    volont dassocier ces espaces les figurations doubles ? Aucun indice ne permet de trancher

    en faveur de lune ou lautre des hypothses. En tous les cas, la localisation de ces scnes au

    niveau des portes permet sans nul doute de plus encore les mettre en valeur.

    Si les tableaux sont tous mettre en relation avec des portes, on observe dans chaque cas des

    contextes extrmement diffrents, car les portes concernes ne commandent pas laccs des

    espaces de mme nature. Dans lexemple de Philae, la porte ouvre sur la partie arrire du

    temple, au spos dElkab sur le sanctuaire et dans le cas de Td sur une salle spcifique du

    temple. Philae, lorsque Ptolme VIII Evergte II prend le pouvoir, le projet de

    monumentalisation du site engag par Ptolme VI Philomtor est dj arriv dans une

    seconde phase puisque les constructions sont acheves et les phases de dcoration entames59.

    Ptolme VIII Evergte II poursuivra ce projet en ordonnant lagrandissement du mammisi et

    56 Voir le catalogue des reprsentations prsent par Ol. PERDU dans Souvenir dune reine ptolmaque officiant seule , ZS 127, 2000, p. 146-149. Cela concerne les sites de Philae, Edfou, Kom Ombo, Coptos et Erment. 57 Ils apparaissent aussi bien dans le corps des temples (parois, colonnes) que sur les murs extrieurs ou dans des chapelles. 58 Edfou XIV, pl. 642. La scne prsente Cloptre Brnice III offrant du vin et du lait Hathor et Harsomtous. La scne en miroir dans la srie liturgique correspondante voit Ptolme X Alexandre I officier. 59 Sur cette question, voir G. HAENY, A short architectural history of Philae , BIFAO 85, 1985, p. 197-234 et M. MINAS, Die Dekorationsttigkeit von Ptolemaios VI. Philometor und Ptolemaios VIII. Euergetes II. an gyptischen Tempeln (Teil 2) , OLP 28, 1997, p. 102-108. Le nom de Ptolme VI Philomtor est prsent dans les scnes de la porte perce dans le mole ouest du premier pylne menant au mammisi (face externe et passage, PM VI, p. 21293-102), ainsi que dans les textes et reprsentations associes aux portes ouvrant sur le mole est et donnant accs aux chambres internes du rez-de-chausse et la vole descalier (PM VI, p. 212114-116 et p. 212105-106).

  • 16

    la ralisation de la dcoration du portique prcdant les chambres annexes du temple dans la

    section est de la cour. La mention de Cloptre III dans les textes recouvrant ces espaces

    indique que ces phases de dcoration sont postrieures celle qui a vu la sculpture des figures

    de la porte et qui constitue donc le premier projet mis en chantier aprs larrive de

    Ptolme VIII Evergte II au pouvoir. Il faut donc simaginer, au dbut de ce rgne, un

    personnel voluant dans la cour du temple qui ne prsente alors pour seuls lments dcors

    environnants que les tableaux des portes. Les figures de Cloptre II taient particulirement

    mises en valeur, au sommet des montants, et en faade du temple.

    Elkab, la disposition devait tre tout aussi remarquable. Certes, les scnes de la porte

    voyaient le roi officier, mais les scnes les plus visibles taient sans nul doute ces grands

    tableaux encadrant la porte, quand bien mme surmontaient-ils dautres reprsentations

    figurant ventuellement le souverain comme officiant60. Enfin, Td, seule la reine officie

    sur la porte, les autres espaces dcors tant occups par des textes. Dans les trois cas, les

    scnes sont donc mises en valeur ce qui ne pouvait tre que volontaire.

    2. Le statut des souveraines et la manire de les nommer

    Dans les trois cas rencontrs, les souveraines sont diffrentes : Cloptre II Philae,

    Cloptre III Elkab et probablement Cloptre VII Td. Comme nous lavons vu, la

    dcoration de la porte de Philae date des premires annes du rgne de Ptolme VIII

    Evergte II. Cloptre II apparat dans les scnes en sa qualit de reine associe au rgne du

    souverain : elle est la sur et pouse de Ptolme VIII Evergte II et, au moment o la scne

    est inscrite, na jamais exerc seule le pouvoir61. La souveraine figure dans les tableaux

    dElkab prsente un statut diffrent : Cloptre III est la reine mre qui a hrit du pouvoir

    par testament et qui est associe son fils Ptolme IX Ster II62. Elle dtient donc

    60 Le relev de Nestor LHte ne laisse pas deviner la prsence de scnes sous les reprsentations de la reine, mais sur photographies, on distingue nettement, sous le tableau est, les traces dune scne infrieure (Ph. DERCHAIN, Elkab I. Les monuments religieux l'entre de l'Ouady Hellal, Bruxelles, 1971, pl. 8 et 14). 61 Cloptre II a bien connu une priode pendant laquelle elle a exerc seule le pouvoir, entre 132/131 et 130 avant J.-C., cest--dire aprs la sculpture des scnes de la porte du second pylne. Voir G. HLBL, Geschichte der Ptolemerreiches: Politik, Ideologie und religise Kultur von Alexander dem Groen bis zur rmischen Eroberung, Darmstadt, 1994, p. 174-179. 62 JUSTIN, Epitoma historiarum philippicarum, XXXIX, 31-2. Tandis que le royaume de Syrie tait le thtre de ces discordes et de ces parricides, le roi dgypte, Ptolme mourut, laissant sa couronne sa femme et celui de ses deux fils quelle choisirait, comme si vraiment lgypte devait tre plus tranquille que le royaume de Syrie, quand la mre, ayant choisi un de ses fils, aurait lautre pour ennemi. (Traduction m. Chambry et

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    indniablement une forte influence dans les affaires du pays. Enfin, Cloptre VII, selon la

    datation des reliefs, est figure soit en qualit de corgente, soit en qualit de reine associe

    un de ses frres ou son fils. En tous les cas, elle exerce rellement le pouvoir. Mme sil est

    indniable que Cloptre III et Cloptre VII sont deux souveraines qui ont eu une forte

    influence politique, la figuration de Cloptre II est l pour prouver que la prsence de ces

    scnes ne peut sexpliquer uniquement par le fait que ces reines ont un jour concentr entre

    leurs mains le pouvoir.

    ces diffrences de statut sajoutent des variantes dans la manire de nommer la reine.

    Philae, Cloptre II est figure seule dans deux scnes pour mettre en avant une opposition

    fminin / masculin. Comme nous lavons mentionn, sa titulature se compose dpithtes

    comprenant deux cartouches : le premier la concerne directement et la prnomme Cloptre,

    le second est intgr lensemble des pithtes qui qualifie la reine et prcise sa relation avec

    le souverain rgnant (sur et pouse). Dans ces deux scnes, lisolement de la souveraine

    nest quiconographique, les textes se chargeant de rattacher troitement la reine au roi

    rgnant.

    De ce point de vue, la situation observe dans les scnes dElkab et de Td est fort diffrente.

    Td, les textes de la scne nont pas t gravs dans leur intgralit, mais la titulature de la

    reine ne comprenait quun seul cartouche. Elkab, les textes sont mal conservs, mais l

    encore, seul un cartouche est sculpt au nom de la reine alors que le roi, son fils, nest pas

    mentionn dans les colonnes marginales, ni mme voqu par lemploi de lpithte dsignant

    le couple rgnant Ptolme IX Ster II / Cloptre III, Theoi Philometores Soteres63. Dans

    ces deux cas, il est question dune sparation totale des deux lments rgnant, lassociation

    du roi ne pouvant se faire que par lobservation des scnes et lments de dcoration

    adjacents. Dans le cas dElkab, peut-tre est-ce galement valable pour Td, cette

    prsentation traduit une ralit politique : Cloptre III rgne en association avec un fils et

    non un poux. Toutefois, les situations observes au spos dElkab et dans le temple de

    Philae ne peuvent servir tablir une rgle dictant le nombre de cartouches inscrits en

    fonction de la position de la souveraine au sein du pouvoir royal. En effet, dans les

    reprsentations montrant Cloptre III officiant seule dans le temple dEdfou, reprsentations

    L. Thly-Chambry, Paris, 1936). La question du testament de Ptolme VIII Evergte II a t rexamine par L. Criscuolo dans le cadre des journes internationales intitules gypten zwischen innerem Zwist und uerem Druck. Die Zeit PtolemaiosVI. bis VIII. Heidelberg ( I testamenti di Tolemeo VIII , communication paratre). 63 G. HLBL, Geschichte der Ptolemerreiches: Politik, Ideologie und religise Kultur von Alexander dem Groen bis zur rmischen Eroberung, Darmstadt, 1994, p. 184.

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    qui sont galement dates de son rgne commun avec Ptolme IX Ster II, la souveraine est

    parfois accompagne dun seul cartouche suivant directement une numration de titres64.

    Dans dautres cas, ses pithtes sont plus dveloppes et la dsignent comme la mre du

    souverain rgnant faisant alors apparatre un second cartouche au nom de Ptolme65.

    3. Les caractristiques vestimentaires des souveraines

    premire vue, les images des reines prsentes Philae, Elkab et Td sont trs

    semblables. Les souveraines portent toutes une robe moulante et dans une scne au moins

    dElkab et une de Td, Cloptre a le cou orn dun large collier. Les autres reprsentations

    sont trop endommages pour juger de la prsence ou non du bijou. Ce dernier constitue une

    parure habituelle de la reine, parure qui peut tre complte par des bracelets de bras66.

    Dans les six scnes concernes, la reine est coiffe dune perruque agrmente dun bandeau

    nou larrire et dun uraeus dress sur le front. Sur cette perruque repose la coiffe

    hathorique alliant des cornes de vache enserrant un disque solaire deux hautes plumes67. Il

    sagit de la coiffe porte habituellement par les souveraines ptolmaques68. Td, la coiffe

    64 Edfou III, pl. 83 et p. 35421-23. 65 Voir par exemple Edfou X, pl. 107 (texte en Edfou IV, 3726-37216) et Edfou X, pl. 146 (texte en Edfou VI, 821-848). Cette dernire scne doit tre considre avec prudence. La reine est figure, accompagne des filles et femmes de Bousiris, Pe et Dep, en train daccueillir Horus victorieux. Cloptre III est ici identifie la desse Isis et il est normal que sa qualit de mre du souverain plac sur le trne soit mise en avant par lassociation du cartouche de son fils au sien. 66 Voir les nombreux exemples proposs par M. MINAS dans Macht und Ohnmacht. Die Reprsentation ptolemischer Kniginnen in gyptischen Tempel , APF 51, 2005, p. 127-154. 67 Sur cette coiffe, voir M. MALAISE, Histoire et signification de la coiffure hathorique plumes , SAK 4, 1976, p. 215-236. 68 J. QUAEGEBEUR, Reines ptolmaques et traditions gyptiennes , dans H. Maehler, V.M. Strocka (d.), Das ptolemische gypten. Akten des internationalen Symposions 27.-29. September 1976 in Berlin, Mayence, 1978, p. 257. La perruque simple est, en de rares occasions, remplace par la dpouille de vautour, formant ainsi une composition caractristique des ttes des desses et non plus des reines. Cette association est bien connue au Nouvel Empire et atteste sur les ttes des souveraines (voir par exemple LD III, pl. 147, 172, 174, 175). la priode lagide, cette coiffe se trouve, de rares exceptions, exclusivement sur le chef des desses, en particulier Hathor. Voir H. JUNKER, E. WINTER, Das Geburtshaus des Tempels der Isis in Phil, DAW Sonderband, 1965, p. 70, 86, 122, 138, 154, 161, 162, 180, 200, 220 ou 286 ; P. DU BOURGUET, Le temple de Deir al-Mdna, Textes dits et indexs par L. Gabolde, MIFAO 121, 2002, n14, 18 ou encore G. ROEDER, Les temples immergs de la Nubie-Der Tempel von Dakke II, Le Caire, 1930, pl. 42, 101. Des divinits rapproches ou identifies Hathor peuvent galement porter cette coiffe comme Henouttaouy ou Mat Deir el Mdineh (P. DU BOURGUET, op. cit., n 2, 7, 27, 72, 83, 106, 120, 189 pour Mat et n174 pour Henouttaouy). Cette association dpouille de vautour / coiffe hathorique apparat galement sur la tte des reines, mais en un nombre doccasions trs rduit. Sur les 42 attestations de souveraine officiant seule qui ont t recenses, la reine nest coiffe de cette composition que dans deux cas. Cela concerne une reprsentation de Brnice II ( ?) dans le mammisi de Philae, une autre de Cloptre VII dans le temple de Kom Ombo (H. JUNKER, E. WINTER,

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    hathorique repose directement sur la perruque. Philae et Elkab, la jonction est opre par

    un mortier qui est habill, dans la reprsentation est dElkab, duraei. Lassociation de ce

    support avec la couronne hathorique nest pas nouvelle et bien atteste au Nouvel Empire69.

    Bien que moins frquente la priode ptolmaque, elle nest pas spcifique la figure de

    Cloptre III puisquon la trouve dj sur la tte de Brnice II dans les tableaux de la porte

    dEvergte Karnak ou du propylne de Montou Karnak-Nord70. Lassociation semble tre

    toutefois relativement rare sur la tte des souveraines ptolmaques.

    4. Le caractre fminin des contextes dans lequel apparaissent ces

    reprsentations

    En tudiant le cas dElkab, Ol. Perdu avanait lide que la prsence de deux desses

    fminines pouvait suffire justifier la double figuration de la reine. Il crit ainsi Ds lors,

    on peut se demander si la prsence rgulire de la reine devant Nekhbet ne rsulte pas de

    cette tendance vouloir associer une divinit un officiant du mme sexe pour accentuer la

    coloration "masculine" ou "fminine" de la composition. 71. La prsence de la souveraine se

    justifierait donc par le sexe de la divinit bnficiaire des offrandes.

    Philae, la reine apparat en faade de la porte, parmi les scnes des montants qui

    figurent des identits divines exclusivement fminines. Comme Elkab, on pourrait admettre

    que ce contexte fminin justifie la figuration dun officiant fminin. Toutefois, les choses

    savrent plus complexes. Lensemble de la dcoration de la porte du second pylne de Philae

    est ax sur le mythe de la Lointaine et les divinits fminines figures en faade ne sont que

    op. cit., p. 132 et J. DE MORGAN, Catalogue des monuments et inscriptions de l'gypte Antique II. Kom Ombos I, n347-348 et idem. Kom Ombos II, n915). Dans lensemble des reprsentations de temples, ce sont plusieurs reines qui peuvent porter cette coiffe: Arsino III (Edfou I, pl. 19), Cloptre II (Edfou II, pl. 42a et J. DE MORGAN, op. cit., n526-528) et Cloptre III (Edfou III, pl. 75). 69 M. MALAISE, Histoire et signification de la coiffure hathorique plumes , SAK 4, 1976, p. 216 et pour un exemple de reprsentation, voir Medinet Habu V, pl. 310E. La coiffe est ici associe la dpouille de vautour. Il est galement frquent que les souveraines coiffe de la couronne agrmente du kalathos duraei portent au front le double uraeus (voir par exemple le cas de Tiyi, pouse dAmenhotep III dans The tomb of Kheruef, Theban Tomb 192, by the Epigraphic Survey, in cooperation with the Department of Antiquities in Egypt, OIP 102, 1980, pl. 26). 70 P. CLRE, La porte d'Evergte Karnak II, MIFAO 84, 1961, pl. 13, 16, 31, 32 ou encore 43 ; S.H. AUFRRE, Le propylne d'Amon-R-Montou Karnak-Nord, MIFAO 117, 2000, n75-76. Dans les scnes de la porte dEvergte, le kalathos duraei est galement prsent sur la tte des desses (Rttaouy, Hathor, Nehemetouay, Ipet, Isis et Nephthys) et fait le lien entre la dpouille de vautour et la couronne porte (voir pl. 7-8, 12-13, 16, 22-24, 28-33, 42, 45, 62-63 et 68). 71 Ol. PERDU, Souvenir dune reine ptolmaque officiant seule , ZS 127, 2000, p. 151.

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    des formes de cette desse, apaises ou en voie dapaisement. Sur la face interne de la porte,

    les protagonistes masculins du mythe font leur apparition. Dans les scnes couvrant les

    embrasures extrieure et intrieure ainsi que les deux reprsentations du tableau de

    lembrasure, les divinits sont exclusivement masculines, exception faite de la figuration

    dIsis dans la scne 107 qui se trouve justifie par le caractre spcifique de loffrande

    propose, celle du Dodcaschne, qui est adresse la divinit tutlaire du site. Or, nous

    avons vu que dans le passage de la porte et dans les scnes du linteau de la face interne, la

    reine tait bien figure, mais passive, derrire le souverain. La reprsentation double de la

    souveraine en faade ne rpond pas seulement une volont dassocier des divinits

    fminines un officiant du mme sexe -sinon, pourquoi ne pas figurer de manire systmatique

    la reine dans toutes les scnes des montants ?- mais entre dans un jeu dopposition masculin /

    fminin que les dcorateurs ont mis en avant en sparant les protagonistes du mythe.

    Lexamen de la situation des deux scnes sculptes au temple de Td ne fait que

    confirmer ce qui vient dtre expos. La souveraine apparat en faade prsentant une

    offrande des desses lies un contexte de naissance. Dans la salle des desses, les divinits

    bnficiaires des offrandes sont une fois encore exclusivement fminines. Les scnes inscrites

    sur les faces interne et externe de la porte montrent un personnel exclusivement fminin,

    exception faite des deux personnages masculins qui accompagnent la reine sur le linteau mais

    qui sont des gnies associs loffrande de la reine. linverse, les reprsentations inscrites

    sur les parois latrales de la salle voient disparatre ce personnel fminin qui est remplac par

    le roi. On retrouve donc un jeu dopposition construit sur le sexe des officiants et le

    positionnement des scnes avec une rpartition territoriale plaant la reine officiante dans une

    partie des scnes en faade et le roi dans toutes les reprsentations internes.

    5. Des souveraines prtresses ou simplement figures comme officiantes ?

    Les scnes sculptes au temple de Td, plus que les autres peut-tre, posent rellement

    la question du rle exact assum par la souveraine. Est-elle figure en qualit de prtresse qui

    prend part de manire directe aux actions de ce personnel fminin et agit donc dans le cadre

    des crmonies en liaison avec la salle des desses, ou bien nest-elle quune animatrice

    musicale ou vocale, activit bien connue pour le personnel fminin de la Maison Royale

  • 21

    partir de lAncien Empire72 ? Sagit-il de figurer une officiante relle qui prend part aux

    crmonies ou bien de traduire et de mettre en vidence, par le choix de la reine, une

    opposition masculin / fminin ?

    Concernant le statut de prtresse de la souveraine, les titulatures ne permettent pas de

    trancher. Jamais la reine ne porte une pithte qui la dsigne comme prtresse. La seule

    association, dans la scne est de Philae, de lagitation des sistres la menat, association

    souvent observe dans les reprsentations des prtresses dHathor lAncien Empire, nest

    pas suffisante pour rattacher la souveraine cette catgorie73. Mme si la prtrise fminine est

    bien atteste pour la priode tardive, la question du rle tenu par la reine et de son ventuelle

    implication dans la ralisation dun rituel, voire mme de sa conduite propre, reste pose.

    Au temple de Td, cela pose galement la question de la fonction relle du personnel fminin

    dont la reprsentation, qui ne fait certainement pas figure dunicum, reste toutefois

    extrmement rare. Ce personnel fminin, dont on ne connat finalement que le nom, aqy.wt,

    interviendrait dans la ralisation de crmonie en rapport avec Tanent et Hathor. La nature

    mme de ces crmonies nest pas prcise et lappellation daqy.wt, qui sapparente plus un

    nom daction que de fonction74, ne nous informe pas sur le rle exact assum par ce

    personnel. La scne sculpte dans lembrasure de la porte montre la purification dune

    personne fminine, purification qui lui octroie alors un statut de puret suffisant pour entrer

    dans le temple et pratiquer une crmonie. Ce statut de puret, confirm par la dsignation de

    pures prsente dans linscription 254, nest toutefois pas synonyme de fonction de

    prtrise. La fminisation du titre masculin aqy.w, ne permet pas de trancher la question. aqy.wt

    pourrait aussi bien dsigner un personnel sacerdotal fminin, quun personnel lac habilit

    entrer dans le temple, car pur. Il a t dmontr qu la priode lagide les femmes pouvaient

    72 A.M. BLACKMAN, On the position of women in the ancient egyptian hierarchy , JEA 7, 1921, p. 8-30 et plus particulirement p. 20-25. 73 la Priode Tardive les titres de prtrise fminine sont rares, mme si des femmes sont indniablement associes aux cultes divins. Sur cette question, voir H.G. FISCHER, Priesterin , L IV, 1982, col. 1100-1105 ; A.M. BLACKMAN, On the position of women in the ancient egyptian hierarchy , JEA 7, 1921, p. 8-30; W. OTTO, Priester und Tempel im hellenistischer gypten I, Leipzig, Berlin, 1905, p. 92-93 ; L. TROY, Patterns of Queenships in ancient egyptian myth and history, Boreas 14, 1986, p. 73-91 et plus rcemment Fr. COLIN, Les prtresses indignes dans l'gypte hellnistique et romaine: une question la croise des sources grecques et gyptiennes , dans H. Melaerts, L. Mooren (d.), Le rle et le statut de la femme en gypte hellnistique, romaine et byzantine. Actes du colloque international, Bruxelles-Leuven 27-29 Novembre 1997, StudHell 37, 2002, p. 41-122. 74 Cf. supra, note 38.

  • 22

    bien tre prtresses et conduire, au mme titre que les hommes, un rituel75. Rien nempche

    donc de voir dans les figures de Td des prtresses.

    On peut galement sinterroger sur la fonction exacte de la reine dans cet ensemble. Alors que

    laction du personnel fminin dans le cadre de crmonies semble bien rel (mention dans les

    textes de leur action, figuration de tableaux les montrant en action), les tableaux du linteau

    dans lesquels apparat la souveraine accompagne des gnies sont totalement sortis du rel et

    ne sexpliquent que par la volont des dcorateurs dassocier ce contexte trs emprunt de

    fminit une figure royale fminine. Ces reprsentations, tout comme celles provenant des

    temples de Philae et dElkab, ne sont donc en aucun cas les tmoins dune activit liturgique

    relle de la souveraine mme si, comme le notait avec justesse Fr. Colin, (...) le roi tait aux

    yeux des gyptiens le prototype de tous les officiants du pays, la reine peut tre regarde en

    quelque sorte comme la premire prtresse dgypte.76 .

    6. Limplication relle de la souveraine dans loffrande

    Dans les tableaux montrant une reine comme seule officiante, la souveraine se

    prsente face la divinit et opre une action face elle : agitation de sistres, offrande de

    pectoral ou encore prsentation de myrrhe et de linges. Il est intressant de noter que dans ces

    reprsentations, la reine ne semble pas tre directement implique par loffrande, si ce nest

    par sa figuration. Ainsi, dans les deux scnes de Philae, le pronom suffixe =i nest jamais

    employ dans les titres de scnes pour faire parler la souveraine la premire personne alors

    que cest le cas pour le souverain dans les scnes n71 7477. De mme, aucun change nest

    75 H.G. FISCHER, Priesterin , L IV, 1982, col. 1103 et Fr. COLIN, Les prtresses indignes dans l'gypte hellnistique et romaine: une question la croise des sources grecques et gyptiennes , dans H. Melaerts, L. Mooren (d.), Le rle et le statut de la femme en gypte hellnistique, romaine et byzantine. Actes du colloque international, Bruxelles-Leuven 27-29 Novembre 1997, StudHell 37, 2002, p. 41-122. Aprs avoir redfini les lments permettant de caractriser la prtrise la priode lagide (possession dun titre, excution concrte dun rituel et exploitation des bnfices dun culte, possibilit de fonder ou dintgrer une association religieuse) lauteur en arrive la conclusion, aprs lexamen des donnes gyptiennes et grecques, quil existait bien une prtrise indigne dont on trouve dailleurs mention dans la procession couvrant le soubassement du mur extrieur du sanctuaire du temple dEdfou o le titre de la prtresse principale suit celle du grand prtre pour chacun des nomes dgypte (Edfou I, p. 329-344). 76 Fr. COLIN, Les prtresses indignes dans l'gypte hellnistique et romaine: une question la croise des sources grecques et gyptiennes , dans H. Melaerts, L. Mooren (d.), Le rle et le statut de la femme en gypte hellnistique, romaine et byzantine. Actes du colloque international, Bruxelles-Leuven 27-29 Novembre 1997, StudHell 37, 2002, p. 116. 77 La chose nest pas certaine pour la scne n73 (la paroi est endommage lendroit o le titre de scne est inscrit) mais hautement probable. Dans les tableaux n75 et 76, comme pour les deux tableaux suprieurs, les pronoms suffixes disparaissent dans le titre de scne comme pour faire correspondre aux quatre scnes

  • 23

    effectu entre la divinit et la reine. Les paroles prononces en retour par les divinits ne

    voient jamais lemploi du pronom suffixe deuxime personne du singulier fminin =T pour

    sadresser directement la reine alors que cela est systmatique quant le roi officie (emploi

    du pronom =k)78. Dans le texte correspondant aux paroles de Nekhbet cest le pronom suffixe

    pluriel deuxime personne qui est employ (=Tn) niant de fait la prsence unique de la reine et

    appliquant ce discours au couple royal dans son ensemble79. Il est mme un cas o la desse

    ne sadresse pas, comme laccoutume, lofficiant, mais elle-mme (annexe II ; paroles

    de Nephthys). Philae, les inscriptions nintgrent donc jamais la reine dans sa fonction

    dofficiante.

    C. Conclusion

    Il apparat que les figurations doubles de souveraines officiantes ne sont spcifiques ni

    un rgne et une souveraine, ni un type ddifice, ni mme un espace particulier du

    temple mme sil est vrai que les tableaux sont toujours localiss proximit de portes.

    Dans deux des trois cas prsents (Elkab et Philae), les scnes apparaissent dans le contexte

    thologique du mythe de la Lointaine et les souveraines sont alors charges, au mme titre

    que les rois, deffectuer des actions dapaisement : agitation de sistres ou prsentation du

    pectoral beb80. Le contexte est diffrent dans le cas des scnes du temple de Td car la reine

    apparat lie un contexte de naissance.

    Llment commun ces trois cas de figure ne relve pas dune thologie particulire, mais

    du contexte fminin trs marqu avec une volont vidente de la part des dcorateurs de

    marquer une opposition territoriale entre masculin et fminin. Cela passe, dans ces trois cas,

    par lintgration au programme dcoratif de scnes montrant la reine en qualit dofficiante.

    On peut videmment sinterroger sur la raison de la prsence dun nombre si faible

    infrieures prsentant le pronom, quatre tableaux suprieurs o il est absent. Il est impossible de se prononcer pour les quatre scnes du linteau car une cassure courant sur toute la largeur de la porte endommage les colonnes de textes. 78 Voir les scnes n65 68 et 71 76. 79 Cl. Traunecker propose une autre explication la prsence de ce pronom pluriel. Notant lexistence de tableaux de linteaux dans lesquels la reine est figure accompagnant le roi (par exemple sur la face sud de la porte du propylne de Montou Karnak-Nord), il pense que, par jeu, un glissement de sa figure aurait t opr du linteau vers les montants, expliquant de ce fait lemploi du pronom pluriel. 80 On remarquera que le texte 254 du temple de Td qui mentionne les officiantes pures rattache ces dernires la confection de leffigie de la desse Oupeset, forme de la desse Lointaine.

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    dattestions de ce type car il existe sans nul doute dautres difices et espaces dcors

    fortement emprunts de fminit. Cest le cas des sanctuaires des mammisis et nous avons

    mentionn les quatre reprsentations provenant du sanctuaire dErment. Les exemples sont

    toutefois peu nombreux par rapport lensemble de la documentation attenante ce type

    ddifice et concentrs sur ce site81.

    Il ne nous a pas t possible de trouver une ou des raisons complmentaires justifiant

    lapparition de ces scnes spcifiquement Philae, Td ou Elkab et il faut probablement

    admettre que les dcisions de figurer ces doubles scnes ont t prises de manire locale et

    isole. compter du rgne de Cloptre I, linfluence des souveraines est alle

    grandissante82. Comme il a dj t mentionn, la documentation hiroglyphique qualifie,

    partir du rgne de Ptolme VIII Evergte II-Cloptre II, les deux composantes rgnantes de

    pharaons ce qui a peut-tre facilit lapparition de ces tableaux dans lesquels la souveraine

    est figure seule, ce qui concerne aussi bien les reprsentations o la souveraine est place en

    correspondance avec le roi que celles o sa figure est double. On stonnera tout de mme

    du faible nombre de reprsentations de ce type83.

    Dans le cas des reprsentations fonctionnant par paires, aucun attribut spcifique ou

    titre particulier de la souveraine na pu tre identifi. Bien quofficiantes par la reprsentation

    puisque seules figures agissantes devant la divinit, ces souveraines restent indissociables

    dune composante masculine avec, il est vrai, une indpendance plus grande pour

    Cloptre III et Cloptre VII dont les corgents ne sont pas directement mentionns dans les

    reprsentations. Les reines ne sont jamais clairement dsignes comme officiantes dans les

    textes et ne sont figures quen qualit de composante fminine. Comme lexemple de Td le

    montre clairement, la figuration de la reine na pas pour but de dmontrer limplication de 81 Dans le sanctuaire premier du mammisi de Philae, Ol. Perdu a repr la premire attestation dune souveraine ptolmaque officiant seule, attestation quil date du rgne de Ptolme III Evergte I. Toutefois, la reine est place en correspondance avec une reprsentation du souverain agissant devant la divinit. Il sagit donc l dun exemple de figuration scinde du couple royal (Ol. PERDU, Souvenir dune reine ptolmaque officiant seule , ZS 127, 2000, p. 149 ; H. JUNKER, E. WINTER, Das Geburtshaus des Tempels der Isis in Phil, DAW Sonderband, 1965, p. 132. Une photographie de la scne est disponible dans E. VASSILIKA, Ptolemaic Philae, OLA 34, 1989, pl. 15C). 82 M. MINAS, Cleopatra II and III: the queens of Ptolemy VI and VIII as guarantor of kingship and rivals of power , communication faite dans le cadre des journes internationales intitules gypten zwischen innerem Zwist und uerem Druck. Die Zeit PtolemaiosVI. bis VIII. (Heidelberg, 17-19 septembre 2007, publication paratre). 83 Reste la question de la figuration de Brnice II comme officiante dans le mammisi de Philae (H. JUNKER, E. WINTER, Das Geburtshaus des Tempels der Isis in Phil, DAW Sonderband, 1965, p. 132). Le rattachement de ces tableaux au rgne de Ptolme III Evergte I ne se fait que sur la base de ltude des phases de dcoration, les cartouches nayant pas t sculpts. Cette datation pose toutefois problme car les caractristiques stylistiques de la souveraine ne sont pas comparables aux autres productions de ce rgne sur le site (robe, coiffe). Divers indices permettent de proposer une identification de la souveraine avec Cloptre II.

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    cette dernire dans une liturgie, mais dassocier, ces contextes fortement emprunt de

    fminit, la seule femme susceptible dtre figure en qualit dofficiante devant les divinits.

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    Fig. 1. Faade du spos ptolmaque dElkab, scne ouest (clich L. Schmitt)

    Fig. 2. Faade du spos ptolmaque dElkab, scne est (clich L. Schmitt)

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    Fig. 3. Rcapitulatif de la dcoration de la porte du second pylne de Philae (L. Martzolff) Face sud Face nord

    Embrasure ouest Embrasure est

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    Fig. 4. Porte du second pylne de Philae, montant ouest (clich C. Traunecker)

    Fig. 5. Porte du second pylne de Philae, montant est (clich L. Martzolff)

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    Fig. 6. Linteau de la porte de la salle des desses du temple de Td, scne nord

    Fig. 7. Linteau de la porte de la salle des desses du temple de Td, scne sud

    (Fig. 6-7 : C. THIERS, Td. Les inscriptions du temple ptolmaque et romain II. Textes et scnes nos 173-329, FIFAO 18-2, 2003, n246-247)

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    Annexe 1 : inscriptions de la scne 77 de la porte du second pylne de Philae

    Titre de scne84 :

    1Hnk bb n nbw n mw.t=s As.t xw sn=s m 24nm.t ir(.t) Ra nb(.t) p.t Hn&w.t\ tA.wy Ray.t m Sn nb 1Prsenter le collier-beb85 dor sa mre Isis, la protectrice de son frre 2dans Biggeh, lil de R, la matresse du ciel, la dame des deux terres, Ryt dans tout lorbe (du disque).

    Nom et pithtes de la reine86 :

    3HqA.t nb(.t) tA.wy QliwAptrA 4sn.t Hm.t n sA Ra Ptwlmys anx D.t mry PtH 5nTr.wy mnx.wy anx D.t 3La souveraine, la matresse des deux terres Cloptre, 4la sur et pouse du fils de R Ptolme vivant jamais, aim de Ptah, 5les deux dieux vergtes vivants jamais.

    Colonne marginale royale87 :

    6wnn HqA.t nb(.t) tA.wy QliwAptrA sn.t Hm.t n sA &Ra\ Ptwlmys anx D.t mry PtH nTr.wy mnx.wy Hr Hnk bb 6La souveraine, la matresse des deux terres Cloptre, la sur et pouse du fils de R Ptolme vivant jamais, aim de Ptah, les deux dieux vergtes88, offre le collier-beb.

    84 Pour une copie du titre de scne, voir Das Digitalisierte Zettelarchiv (DZA) n25.852.780. La mme fiche est rpertorie sous DZA n22.873.990. 85 Sur la lecture de ce terme, voir S. CAUVILLE, Le fonds hiroglyphique au temps de Cloptre, Paris, 2001, p. 193. 86 DZA n28.883.500. 87 DZA n22.874.000. 88 Il est intressant de noter que les graphies du groupe nTr.wy mnx.wy varient, dans les deux scnes, en fonction

    de lemplacement o elles apparaissent. est employ dans les colonnes marginales royales, dans les

    colonnes marginales divines et la fin des squences dpithtes de la reine.

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    pithtes et paroles dIsis89 :

    7Dd mdw in As.t90 xw sn=s 8m 4nmt ir(.t) Ra 9nb(.t) p.t Hnw.t nTr.w nb.w 7Paroles prononces par Isis qui protge son frre 8dans Biggeh, lil de R, la matresse du ciel, 9la dame de tous les dieux.

    10sAw(=i) rnp.wt Hr [1/2 cadrat]tp 10Je prolonge les annes sur le trne91. pithtes et paroles de Nekhbet92 :

    11Dd mdw in Nxbt HD.t Nxn 12Aw(.t)-a Fag nb(.t) p.t 11Paroles prononces par Nekhbet, la blanche de Nekhen 12au bras tendu, celle de Fg, la matresse du ciel.

    13xa=i Hr tp=tn mi 9r 13Japparais sur votre93 tte comme (sur celle de) Djer94.

    89 DZA n28.883.500. 90 La direction des signes dans le cadrat comprenant le nom de la desse a t totalement inverse de manire faire correspondre lorientation de la reine avec celle des hiroglyphes servant crire le nom de la desse. Les inversions de ce type ne sont pas rares dans les textes du second pylne de Philae et concernent majoritairement le nom de la desse Isis (scnes 65, 71, 72, 106 et 107) sans pour autant quune rgle ne puisse tre nonce. Ce phnomne, qui est galement attest pour Nephthys (scne 78) et Osiris (scnes 65 et 97), est indpendant du sexe de lofficiant. Linversion ne peut donc sexpliquer par la volont de mettre en correspondance une divinit et un officiant de mme sexe. 91 Le premier signe appartenant au terme nest pas reconnaissable sur la paroi. La traduction du terme par trne est propose par le rdacteur de la fiche et convient parfaitement au contexte. 92 DZA n31.679.400. 93 Le pluriel ne peut sappliquer quaux deux souverains, Cloptre II et Ptolme VIII Evergte II. 94 Il sagit du nom du dieu solaire Philae (Wb V, 59513).

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    Colonne marginale divine95 :

    14wnn bik.t wr.t aA(.t) Hnw.t 4nm.t xw sn=s m s.t96=s xw97=T nsw.t-bi.ty iwa n nTr.wy pr.wy stp n PtH ir mAa.t Ra sxm anx Imn nTr.wy mnx.wy 14Le trs grand faucon femelle, la dame de Biggeh qui protge son frre dans sa place, puisses-tu protger le roi de Haute et Basse gypte lhritier des dieux piphanes lu de Ptah, qui accomplit la mat de R, limage vivante dAmon, les deux dieux vergtes.

    95 DZA n22.837.970.

    96 Lorientation du cadrat a t change ce qui tient sans nul doute la prsence du signe utilis pour crire le nom de la desse Isis. Sur les questions dinversion, cf. supra, note 89. 97 Le scribe a semble-t-il inscrit un t la place du x.

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    Annexe 2 : inscriptions de la scne 78 de la porte du second pylne de Philae

    Titre de la scne :

    1ir(t) sSS.ty m Hr=T nfr nb(.t) nTr.w Hnw.t nTr.&wt\ wr(.t) 2mnx.t xnt(y.t) 4nmt nb(.t) Irq 1Agiter les deux sistres devant ton beau visage, la matresse des dieux, la dame des desses, la grande, 2la vnrable qui prside Biggeh, la matresse de Philae.

    Nom et pithtes de la reine98 :

    3HqA.t nb(.t) tA.wy QliwAptrA 4sn.t Hm.t n sA Ra Ptwlmys anx D.t mry PtH 5nTr[.wy mnx.wy anx D.T] 3La souveraine, la matresse des deux terres Cloptre, 4la sur et pouse du fils de R Ptolme vivant jamais, aim de Ptah, 5les [deux] die[ux vergtes vivants jamais99].

    Colonne marginale royale :

    6[wnn HqA.t nb(.t) tA.wy QliwAptr]100A sn.t Hm.t n sA Ra Ptwlmys anx D.t mry PtH nTr.wy mnx.wy Hr ir sSS.ty 6[La souveraine, la matresse des deux terres Cloptr]e, la sur et pouse du fils de R Ptolme vivant jamais, aim de Ptah, les deux dieux vergtes, agite les deux sistres.

    pithtes et paroles de Nephthys101 :

    7Dd mdw in Nb.t-Hw.t102 sn.t nTr ir(.t) Ra nb(.t) 8[p.t] Hnw[.t] nTr.w nb(.t) Irk 7Paroles prononces par Nephthys, la sur du dieu, lil de R, la matresse 8du [ciel103], la dame des dieux, la matresse de Philae.

    98 DZA n28.786.780. 99 La restitution se fait sur la base de la squence de noms et pithtes de la scne correspondante. 100 Le texte en lacune est restitu partir de la scne correspondante. 101 DZA n29.062.630. 102 Cf. supra, note 89.

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    9swr(=i) mrw.t Hr ib sn=i 9Je fais crotre lamour dans104 le cur de mon frre.

    pithtes et paroles de Ouadjit105 :

    10Dd mdw in WAD.t nb(.t) P 8p 11nb(.t) Pr-wr Hnw.t Pr-nsr 10Paroles prononces par Ouadjit, la matresse de Pe et de Dep, 11la matresse du Per-our, la dame du Per-neser.

    12swr(=i) Hs.wt m stp-sA.w rnp.wt [1/2 cadrat] D.t 12Je grandis les louanges dans les palais ainsi que les annes [1/2 cadrat106] jamais.

    Colonne marginale divine107 :

    13wnn wn sSp swAwA kkw sht rnp.wt n nHH xw=T nsw.t-bi.ty iwa n nTr.wy pr.wy stp n PtH ir mAa.t Ra sxm anx Imn nTr.wy mnx.wy 13Celle qui amne la lumire, qui loigne lobscurit, qui sehet108 les annes de lternit-neheh, puisses-tu protger le roi de Haute et Basse gypte lhritier des dieux piphanes lu de Ptah, qui accomplit la mat de R, limage vivante dAmon, les deux dieux vergtes.

    103 Les pithtes de la desse Isis de la scne correspondante permettent de complter le cadrat pour lire , la matresse du ciel, la dame des dieux . 104 Sur le sens de la prposition, voir H. JUNKER, Grammatik der Denderatexte, Leipzig, 1906, 1924. 105 DZA n29.062.760. 106 Peut-tre faut-il voir dans cette lacune une graphie du pronom suffixe =Tn et lire vos annes (de rgne) ? 107 DZA n22.368.140 ou DZA n28.786.780. 108 Le sens de ce verbe, intgr cette expression qualifiant Nephthys (Wb IV, 2095), na pu tre prcis.

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    English summary In the graeco-roman temples, the scenes in which the queen is officiating alone in front of one or several divinities are limited since only forty or so cases have been recorded by O. Perdu in 2000. In a very large majority of cases, the scene where the queen is appearing is put in correspondence with another one where a king is acting. The queen being the equal of the king, this construction is putting the stress on the two parts of the royal couple, the male and female one. However, two scenes carved in frontage of the hemispeos of Elkab must be isolated. There, the two scenes showing the queen are associated on both sides of the door. Being first considered as an exception, this situation is also observed in the temples of Philae and Tod. This work proposes to present and study these four new scenes. The examination of the theological context of those representations proves that the figuration of the queen is not due to her implication in the government but to the feminine aspect of the theology developed.