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LA NUTRITIONENCONSULTATION
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| N°2 386vendredi 20 octobre 2006
CAHIER 2N
°23
86
RÉGIMES D’ANTANLA CUISINEAU MOYEN ÂGE
EN PRATIQUEL’ALIMENTATION DEL’ENFANT DE 1 À 3 ANS
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R 2 DOSSIER
Les complémentsalimentaires : quand et à qui les conseiller ?
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HORS-SÉRIE
4 L’ ACTUALITÉ
En Bref Le Pnns 2 face à l’obésité.Les intoxications au méthylmercure.Un guidenutrition pour les petits. L’alimentation des seniors.La réhabilitation du pain…
8 DOSSIER
LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
16 EN PRATIQUE
Les fruits et légumes Favoriser leur consommation Anorexie Dépister et prendre en charge Diabète gestationnel Repérer les formes sévèresL’alimentation de l’enfant de un à trois ans Une période de transition cruciale
24 FOCUS SUR…
Les folates Supplémenter avant et pendant la grosssesse Les allergies alimentaires De plus en plus fréquentes chez l’enfant
27 DÉBATS
Qualité alimentaire Jusqu’où réglementer ? Consommation d’alcool Boire du vin est-il bon pour la santé ?
30 UN PEU D’HISTOIRE
Régimes d’antan La cuisine au Moyen Âge,une savante alchimie
PHA
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L’ÉDITORIALVendredi 20 octobre 2006 | Nº 2386
cahier 2
8 DOSSIER
LES COMPLÉMENTSALIMENTAIRES
LES ÉDITIONS DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE21, rue Camille-Desmoulins, 92789 Issy-les-Moulineaux Cedex 9Tél. : 01.73.28.14.70. Fax de la direction : 01.73.28.14.71.http ://www.legeneraliste.frS.A.S. au capital de 150000 eurosDurée : 60 ans à compter du 24 décembre 1975Actionnaire unique: MEDICA HoldingPrésident-directeur général,directeur de la publication: Dr Gérard KouchnerDirecteur général: Philippe Leducphilippe.leduc@fr.cmpmedica.com
Directeur de la rédaction: Jean Paillard (14.74)jean.paillard@fr.cmpmedica.com
Rédactrice en chef: Dr Annie Dumonceau (14.82)annie.dumonceau@fr.cmpmedica.com
PublicitéAnnie Ayral (14.89), directrice commercialeannie.ayral@fr.cmpmedica.com Angélique Hatchuel (14.88), directrice de clientèleangelique.hatchuel@fr.cmpmedica.com Gaëlle Recoursé (15.01), directrice de clientèlegaelle.recourse@fr.cmpmedica.comSandrine Caporusso (14.69), chef de publicitésandrine.caporusso@fr.cmpmedica.comMaïté Bordessoulles (14.87), responsable productionmaite.bordessoulles@fr.cmpmedica.com
Abonnements: 01.49.60.62.78.abonnements.generaliste@fr.cmpmedica.com40 numéros : médecins : 81,50 euros TTC ;étudiants : 48,90 euros TTC
Dépôt légal : à parution. Commission paritaire : 0207 T 81255ISSN : 0183 4568Copyright le Généraliste
Impression, Brochage :SIEP 77590 Bois-le-Roi
Routage :France-Routage, 77183 Croissy-Beaubourg
Le Généraliste est une publication de CMPMedica France
DR ANNIE DUMONCEAU,rédactrice en chef
La santé vient en mangeant !
Tel est le leitmotiv qui rythme les campagnes du Pnns (Plan nationalnutrition santé) qui vient d’éditer plusieurs ouvrages à destinationdu grand public. Après le guide Nutrition pour les enfants de la naissance
à trois ans paru en début d’année, voici le guide Nutrition pour les seniors. Quel que soit l’âge, les consignes sont désormais précises. Personne ne peut plus ignorerles grandes principes d’un régime équilibré, ou nier que les fruits et légumessont bons pour la santé et les frites à consommer avec modération, etc. Mêmeles industriels du secteur agro-alimentaire s’y mettent et prennent des initiativespour limiter le « gras », le « sucré » et le « salé » dans leurs produits.
Si, avec toutes ces consignes, l’obésité et le surpoids ne finissent paspar céder du terrain, c’est à désespérer ! Eh bien justement, les premiers indicesencourageants sont donnés par l’enquête OBEPI dont les résultats ont étérécemment publiés. Cette grande enquête, qui a suivi un échantillon représentatifde la population française depuis dix ans, montre une stabilisation du surpoidsdans notre pays… Mais attention, il est beaucoup trop tôt pour crier victoire,mettent en garde les nutritionnistes ! Car n’oublions pas qu’en 2006, l’obésitéconcerne encore 12,4 % des Français et le surpoids presque 30 % d’entre nous.
Il faut donc continuer à marteler les messages de prévention et de bonneconduite alimentaire. Afin que de plus en plus de Français, jeunes et moins jeunes,sachent comment il faut manger et bouger pour rester en bonne santé ! �
Le second volet du Plan nationalnutrition santé (Pnns) s’est donnépour objectif de réduire de 20 % surcinq ans (2006-2010) le taux de per-sonnes en surpoids ou obèses. Tousles moyens sont bons pour y arriver:modification du programme de for-mation initiale des professionnels desanté, équipement adapté d’un hôpi-tal pôle de référence par région, multiplicationdes réseaux de prise en charge… Le ministèrea également initié une réflexion sur l’image du
corps, le culte de la min-ceur voire de la maigreuret la stigmatisation desobèses. En outre, le gou-vernement encouragetrès fortement les indus-triels et les entreprises derestauration collective àaméliorer la qualité de
leur offre alimentaire. A ce titre, la créationd’un Observatoire de la qualité alimentairedes produits est prévue prochainement. �
SPÉCIAL NUTRITIONL’ACTUALITÉ
4 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
Le Pnns 2 déclare la guerreà l’obésité
AGF et Danonescellent à leurtour un pacte Après la médiatique annonce d’Unilever et deMaaf Assurances de rembourser la margarineanticholestérol Pro-activ®, Danone et AGF se lan-cent dans la course. Les bénéficiaires d’une as-surance santé adultes AGF qui ont souscrit leurcontrat avant le 31 mars 2006 pourront se fairerembourser les trois premiers mois de consom-mation de produits de la gamme anticholestérolDanacol® (une bouteille ou deux pots par jour)acheté entre le 1er avril et le 31 décembre 2006.Très controversé, ce type d’accord permet tou-tefois aux médecins de rappeler aux patientsque la santé passe aussi par l’alimentation. �
Les allégationssanté enfinréglementéesLe Parlement européen a récemment voté l’obli-gation pour les industriels de faire valider toutenouvelle allégation nutritionnelle par des expertsindépendants. Désormais, les mentions « allégéen sucre », « renforce les os » ou encore « faitbaisser le taux de cholestérol » affichées sur lesemballages sont réservées à des produits présen-tant un certain profil nutritionnel en termes de quantité de sel, de matières grasses et de sucre. La Commission établira prochainementune liste exhaustive des allégations et des pro-fils nutritionnels exigés pour en bénéficier. �
L’éducation modifieles comportements alimentaires
DR
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Feu vert pour le rimonabant Le 19 juin dernier, la Commis-sion européenne a délivré uneautorisation de mise sur le mar-ché européenne au rimonabant(Acomplia®). Le rimonabantsera indiqué chez les patientsobèses (IMC ≥ 30 kg/m2) ou ensurpoids (IMC > 27 kg/m2) avecfacteurs de risque associéstels que diabète de type 2 oudyslipidémie, en association aurégime et à l’activité physique.
Le rimonabant est un anta-goniste sélectif du récepteurcannabinoïde de type 1. Le sys-tème endocannabinoïde est
présent dans le cerveau ainsi que dans les tissus périphériques (notamment les adipo-cytes). Le rimonabant agit sur l’équilibre énergétique, le métabolisme du glucose etdes lipides, le poids corporel et il module également la prise d’aliments hautementappétitifs, sucrés ou gras. La mise sur le marché français attend toujours, en revanche,son feu vert. �
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Les premiers résultats de l’étude ELPAS (Etudelongitudinale prospective alimentation etsanté) montrent qu’une éducation reposantsur des consignes simples peut modifier lecomportement alimentaire des adultes et desenfants. Cette étude avait pour but d’inciter1 000 enfants de 7 à 9 ans et 1 000 adultesà diminuer leurs apports en lipides et à aug-
menter leurs apports en glucides complexes – en réduisant ou non les glucides simples –puis d’en mesurer l’impact sur la santé. Ces personnes ont été suivies pendant l’annéescolaire 2005-2006. Des résultats complémen-taires staturo-pondéraux et biologiques dirontsi ces modifications sont bénéfiques sur lasanté de certains profils de personnes. �
Un guide pour l’alimentationdes petits
Après le guide du Syndicat français des aliments de l’enfance labellisé
Pnns en 2005, voilà le Guide nutrition de la naissance à 3 ans validé
par l’Inpes. Ce nouveau guide diffusé à 900 000 exemplaires, est déjà dis-
ponible dans les maternités. L’Inpes a souhaité mettre un terme aux idées
reçues sur l’alimentation des petits et fournir aux mères des repères
validés scientifiquement. L’allaitement est toujours recommandé durant
les premiers mois de la vie ; la diversification doit avoir lieu vers 6 mois,
puis l’alimentation doit être adaptée à l’enfant jusqu’à 3 ans, âge à par-
tir duquel l’enfant peut commencer à manger comme ses parents. Ce
guide peut être téléchargé sur le site www.inpes.sante.fr �
5Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
Le curseur nutritionnel emballe les alimentsSoucieuses de faciliter la lecture des informations nutritionnelles sur les emballages de
leurs produits, certaines entreprises agro-alimentaires ont adopté le « curseur nutritionnel ».
Conçu par deux experts de la nutrition
française, le Dr Jean-Michel Cohen et
le Dr Patrick Serog, ce curseur indique
la situation nutritionnelle d’un aliment
par rapport aux autres, dans sa catégorie
(poisson pané, produit laitier…).
Trois désignations permettent de
classer les produits : « plaisir nutrition » à privilégier pour alléger son alimentation, « plaisir
classique » à consommer au quotidien et « plaisir gourmand » à déguster de temps en
temps. Cette classification simpliste repose sur une analyse nutritionnelle effectuée par
un comité scientifique. �
Prévenirles intoxications
au méthylmercureUn récent avis émit par l’Afssa alerte sur les risques de toxi-
cité au méthylmercure des femmes enceintes ou allaitantes
et des enfants de moins de trente mois. Les poissons sont sus-
ceptibles de concentrer certains contaminants dont le méthyl-
mercure. Le niveau de contamination en méthylmercure dépend des
espèces et tend à être plus élevé chez les poissons prédateurs. Or, le
système nerveux central humain y est sensible au cours de son déve-
loppement. A ce titre, l’Afssa recommande de diversifier la consomma-
tion de poissons, d’éviter, à titre de précaution, la consommation d’es-
padon, de marlin ou de siki, et d’éviter de consommer plus d’une portion
par semaine (150 g pour les femmes enceintes ou allaitantes et 60 g pour
les enfants jusqu’à 30 mois) de poisson prédateur sauvage (lotte, flétan,
brochet, raie, thon…). Cet avis ne remet pas en cause les préconisations du Plan national
nutrition santé de consommer au moins deux fois du poisson par semaine. �
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L’Association des diététiciens de langue fran-
çaise et la Haute Autorité de santé ont émis
des recommandations concernant la prati-
que clinique en nutrition. Les consignes
s’adressent plutôt aux dié-
téticiens, mais concernent
également les profession-
nels impliqués en nutri-
tion et les acteurs de santé
publique. Elles définissent
la conduite et le contenu
de la consultation diététi-
que, aident à réaliser un
diagnostic diététique et à
établir des objectifs ; elles
insistent aussi sur l’évalua-
tion des actions menées
et font le point sur la com-
munication interprofes-
sionnelle. Le texte intégral des recommanda-
tions est disponible sur le site de l’HAS :
www.has-sante.fr, en cherchant « consulta-
tion diététique ». �
SPÉCIAL NUTRITIONL’ACTUALITÉ
6 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
Le régimeméditerranéenne perd pasle nord
Le fameux « régime méditerranéen », outre
ses bénéfices pour le système cardiovasculaire,
préviendrait également le risque de démence lié
à la maladie d’Alzheimer. Une étude menée
auprès de 2 258 personnes suivies pendant
quatre ans aux Etats-Unis va dans ce sens.
Aucune d’entre elles ne présentait de signe de
démence au début de l’étude. Elles ont suivi un
« régime méditerranéen », puis des signes de dé-
mence étaient recherchés tous les dix-huit mois.
Les résultats dépendent, selon cette étude, de fa-
çon flagrante de l’adhésion au régime alimen-
taire. Chez les personnes assez fidèles au régime,
le risque de démence était réduit de 15 % à 25 %
par rapport à celles qui ne l’avaient pas ou très
mal suivi. Chez les personnes très fidèles
au régime, le risque était diminué de 40 %.
Le « régime méditerranéen » repose sur une
consommation élevée de fruits et légumes,
favorise le poisson au détriment de la viande
rouge et utilise l’huile d’olive. �
L’alimentation des personnes âgées sousles projecteursDans le cadre du second Plan national de nutrition santé (Pnns 2),
les pouvoirs publics s’adressent aux seniors mais aussi à leurs ai-
dants et à leurs médecins. Le guide nutrition à partir de 55 ans
mis à la disposition des seniors s’accompagne d’un Guide nutri-
tion pour les aidants des personnes âgées et d’un Livret d’accom-
pagnement destiné aux professionnels de santé. Ce dernier fait
le point sur les connaissances scientifiques liées à la nutrition des
personnes âgées et donne des conseils pratiques. Il vous sera
adressé prochainement. Vous pouvez également le télécharger
sur le site www.mangerbouger.fr. �
Des recommandations pour la consultation de diététique
«Du pain à chaque repas !»Depuis le mois de septembre, des affiches vous interpellent avec
ce message dans les boulangeries. Cette campagne, soutenue par
le Pnns et orchestrée par la Collective du Pain, a pour but de ré-
habiliter le pain à chaque repas pour ses qualités nutritionnelles.
En parallèle, un recueil de données scientifiques et nutritionnelles
sur le pain est mis à disposition des professionnels de santé sur
simple demande au 01.44.88.88.25. �
DR
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Pages réalisées par Aude Rambaud.
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LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES Si l’on en croit les ventes,les Français adhèrent de plus en plus aux compléments alimentaires.Amélioration de l’offre, obsession de la nutrition et crainte de carences éventuelles, les motifs sont nombreux pour expliquer cette croissance. En outre, le système législatif s’est doté d’une loigarantissant la sécurité des produits. Mais le dilemme persiste sur l’intérêt des compléments alimentaires et les patients attendentsouvent un conseil avisé de leur médecin. DOSSIER RÉALISÉ PAR AUDE RAMBAUD
COMMENT S’Y RETROUVER ET QUAND LES CONSEILLER ?
SPÉCIAL NUTRITION
DOSSIER
8 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
Les derniers sondages sont sans appel. D’après une
enquête du Généraliste réalisée en mars 2006,
96 % des médecins considèrent que les prescrip-
tions en matière de nutrition vont se développer dans
les années à venir et plus de la moitié d’entre eux re-
commandent déjà personnellement à leurs patients
d’utiliser des compléments ou des aliments enrichis
en substances bénéfiques pour la santé. Parmi ces pro-
duits, les compléments alimentaires se font la part belle.
Le marché connaît une progression à deux chiffres de-
puis 2000, témoignant d’un dynamisme exceptionnel.
Pourtant ces produits restent chers et manquent
parfois d’évaluation. En outre, prévient Serge Hercberg,
président du Plan national nutrition santé 2 (Pnns 2),
« l’utilisation de ces produits n’est pas justifiée scientifi-
quement dans le cadre d’une automédication et peut
détourner les gens d’un comportement alimentaire
correct ». Dès lors, comment expliquer l’engouement
des Français pour ces gélules, comprimés ou ampoules
non remboursés ?
Une offre élargiePlusieurs événements concordent. « Les médias grand
public ne cessent de relater l’importance de l’alimenta-
tion pour la santé, les risques liés à un déficit en anti-
oxydants ou en oméga 3, les problèmes encourus par
un excès de cholestérol. Ils mettent en avant les bien-
faits des fruits et des légumes à condition d’en consom-
mer au moins cinq par jour, l’intérêt du poisson sous peine
d’en manger deux fois par semaine… Toutes ces instruc-
tions ont de quoi perturber la population, reconnaît
Damien Galtier, diététicien au centre hospitalier Manhès
(Fleury-Mérogis, Essonne). Et, malgré la volonté réelle
de certaines personnes, il est difficile de manger équili-
bré. Les activités professionnelles, les rythmes de vie,
les contraintes budgétaires sont des freins réels à une ali-
mentation saine. Les fabricants de compléments alimen-
taires l’ont bien compris. Ils ont élargi leur offre, amélioré
les circuits de distributions et affichent des promesses qui
paraissent intéressantes. »
Un nouveau cadre législatifEn outre, l’adaptation de la législation européenne
en 2002, puis française en 2006, a contribué à la croissance
du marché ces cinq dernières années. Les compléments
alimentaires disposent enfin d’un cadre législatif propre
leur conférant une vraie légitimité. Pour Jacques Karlsson,
le secrétaire général de Synadiet, syndicat national des
fabricants en produits diététiques, naturels et complé-
ments alimentaires, « avant 2002, l’administration fran-
çaise niait tout simplement l’existence des compléments
alimentaires. Elle cherchait à les intégrer de façon
inadaptée dans la réglementation de l’alimentation. En
publiant un décret dédié aux compléments alimentaires,
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la France s’est dotée d’un système législatif perfor-
mant ». Ce décret oblige désormais les fabricants
et les distributeurs à déclarer tout nouveau produit
auprès de la Dgccrf et offre plus de transparence
sur le contenu, les doses et l’étiquetage des produits.
Cette évolution a incité les fabricants à commu-
niquer davantage sur leurs produits auprès du
grand public, mais également vers les diététiciens
et les médecins. Certains d’entre eux font désor-
mais l’objet d’évaluations sur l’innocuité et l’effi-
cacité et arrivent sur le marché avec des études
cliniques. « Ces produits sont parfois présentés
aux médecins en visite médicale. Cette nouvelle
tendance contribue fortement à la croissance
du marché et devrait se renforcer dans les années
à venir », prévoit Jacques Karlsson. �
9Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
LE SECTEUR DES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRESEN CHIFFRES
Chiffre d’affaires total :
– En 2003 : 650 millions d’euros,
en progression de 19 % par rapport à 2002.
– En 2004 : 750 millions d’euros,
en progression de 15,8 % par rapport à 2003.
– En 2005 : 900 millions d’euros,
en progression de 17,8 % par rapport à 2004.0
200
400
600
800
1000
Dans la foulée de son décret, le mi-
nistère a publié un arrêté fixant
la liste exacte des vitamines et
des minéraux autorisés à rentrer dans les
compléments alimentaires ainsi que leurs
doses maximales journalières. Une autre
liste est à l’étude pour les substances à but
nutritionnel ou physiologique et devrait
voir le jour prochainement. Actuellement,
seules les substances autorisées dans le
cadre de l’alimentation générale sont au-
torisées à figurer comme ingrédient de
complément alimentaire. Une troisième
liste réservée aux plantes et préparations
de plante est en cours d’élaboration.
Aujourd’hui, 34 plantes*, inscrites à la
pharmacopée française, sont autorisées.
Les épices, aromates, gommes devraient
bientôt rejoindre ce panier. Au total, la
prochaine liste devrait englober 147 ingré-
dients.« Ces nouvelles listes vont nous per-
mettre de toiletter l’offre des compléments
alimentaires et de mettre tous les produits
et leurs doses en conformité avec des exi-
gences officielles pour le bénéfice de tous »,
s’engage Jacques Karlsson. �
Les ingrédients et les doses autorisés
650750
900
Secteurs de distribution (valeurs moyennes en millions d’euros /
pourcentage des ventes totales de compléments alimentaires)
Consommation moyenne de la population française en 2005 :
13 euros par an par personne. Source : SCDA et Synadiet.
Pharmacies: 55% (480 millions d’euros)
Magasins de diététique : 13 % (120 millions d’euros)
Le marché des compléments alimentaires connaît,depuis l’an 2000 une progression exceptionnelle.
Parapharmacies: 8% (70 millions d’euros)
Grandes et moyennes surfaces: 11% (100 millions d’euros)
Vente par correspondanceet Internet: 13%(120 millions d’euros)
Les principaux segments de vente en 2005 en pharmacie
(valeurs moyennes en millions d’euros / pourcentage du total des ventes
de compléments alimentaires en pharmacie)
Minceur : 30 % (140 millions d’euros)
Toniques(multivitamines,
ginseng…) : 18 %(85 millions d’euros)
Ménopause : 10 % (48 millions d’euros)
Autres : 25 % (solaires,sphèregénito-urinaire,minéralisationosseuse,défenses immunitaires…)
Ophtalmologie : 5 %(2 millions d’euros en 2001,24 en 2005)
Cheveux/phanères : 6 %(26 millions d’euros)
Peau : 6 %(30 millions d’euros)
2003 2004 2005
* Bardane, bouillon-blanc, bourgeon de pin, bourrache, bruyère, camomille, chiendent, cynorrhodon, eucalyptus , frêne, gentiane, guimauve, hibiscus, houblon, lavande, lierre terrestre, matricaire, mauve,
mélisse, menthe, ményanthe, olivier, oranger, ortie blanche, pariétaire, pensée sauvage, pétales de rose, queue de cerise, reine-des-prés, feuilles de ronce, sureau, tilleul, verveine, violette.
Source : décret de 1979.
DOSSIER
LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
1120 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
RÉGLEMENTATION Quatre ans après la réglementation européenne,la France a décidé en 2006 d’encadrer les compléments alimentaires par une directive spécifique.Cette nouvelle loi garantit plus de transparence, mais n’exige jusqu’àprésent aucune preuve d’efficacité.
Quelles garanties d’innocuité et d’efficacité ?
Dès 2002, l’Europe se dote d’une régle-
mentation spécifique aux complé-
ments alimentaires. Puis, en 2006, la
France est entraînée et modernise son arse-
nal législatif par une directive spécifique aux
« constituants analogues ou à l’effet analogue
aux substances présentes dans l’alimentation
et aux mêmes concentrations ». Cette nouvelle
loi garantit plus de transparence sur les sub-
stances utilisées et les doses proposées, mais
n’exige aucune preuve d’efficacité.
Chaque nouveau produit est déclaré au-
près de la Dgccrf (Direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes). Chaque produit
arrivant sur le marché est déclaré auprès de
cette instance. Si une substance intégrée dans
le complément n’est pas inscrite comme
produit alimentaire en France, la Dgccrf peut
réclamer une évaluation sur l’innocuité de
cette substance auprès de l’Agence française
de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).
Si l’Agence souhaite empêcher la commer-
cialisation du produit, elle doit prouver qu’il
présente effectivement un danger pour la
santé. « Il s’agit donc d’une machine à auto-
riser les ingrédients en France », reconnaît
Jacques Karlsson.
Une surveillance des dosesL’Afssa surveille également les doses conte-
nues dans les compléments alimentaires.
« Nous veillons notamment à ce qu’elles ne
soient pas trop élevées ou trop basses, pour
que le produit présente vraiment un intérêt »,
explique Irène Margaritis, responsable de
l’évaluation des produits alimentaires à
l’Afssa. L’Afssa réfléchit en parallèle à la mise
en place d’une pharmacovigilance pour les
compléments alimentaires. « Nous
cherchons à connaître les conséquen-
ces sur la santé des supplémenta-
tions en identifiant les risques, mais
il est difficile d’évaluer l’imputabi-
lité d’un danger à un complément
alimentaire, tant il peut exister de
facteurs de confusion », conclut
Irène Margaritis. Contrairement
aux médicaments, les compléments
alimentaires ne sont pas soumis à
l’évaluation de leur efficacité avant
leur commercialisation. « Les indus-
triels proposent parfois spontané-
ment des études d’évaluation, mais
cela n’est pas systématique », recon-
naît Irène Margaritis. Ils peuvent
donc prétendre soulager la fatigue
ou certains symptômes sans en ap-
porter la preuve. �
L’Affsa surveille lesdoses de principe actif
contenues dans lescomplémentsalimentaires.
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Plusieurs laboratoires ont décidé de se lancer dans l’évaluation de leurs produits avant l’heure
pour convaincre les professionnels de santé. C’est le cas, par exemple, de Merck Médication
Familiale. « Nous menons pour nos compléments alimentaires, une démarche de développement,
d’évaluation et de commercialisation, proche de celle du médicament, explique Olivier Terrillon,
chef de produit. Cette “médicalisation” passe notamment par la présentation de nos compléments
alimentaires aux médecins généralistes par des réseaux de visiteurs médicaux. Les profession-
nels de santé sont ouverts à cette démarche, car ils sont à la recherche de moyens alternatifs de prise
en charge et ont une demande de la part de leurs patients. Ils ne regardent pas vraiment le statut
du produit, mais plutôt les preuves de son efficacité. C’est pourquoi nous menons en interne des
études d’évaluation de l’efficacité de presque tous nos compléments : BION® 3 a, par exemple,
fait l’objet d’une étude de prévention du rhume et syndrome grippal en double aveugle versus
placebo. En outre, nous menons des études de toxicologie assurant la bonne tolérance et la
sécurité du produit et assurons un suivi de pharmacovigilance ». �
Certains industriels évaluentleurs produits
TROIS « CLASSES » de compléments alimentaires sont disponibles et entendentrépondre à des besoins spécifiques : les nutriments (vitamines et minéraux),les substances à but nutritionnel ou physiologique (anti-oxydants,acides aminés,acides gras poly-insaturés…) et les plantes ou préparations de plante (tilleul, verveine…).
Les compléments alimentaires,pour quoi faire ?
Les nutriments compensent un ou plu-
sieurs déficits d’apports. Lorsqu’un
médecin repère une alimentation dés-
équilibrée, il doit identifier les comportements
alimentaires et l’hygiène de vie de son patient
pour essayer de corriger ces déficits par des
conseils nutritionnels adaptés. Les besoins en
folates chez les femmes enceintes ou encore
en vitamine D chez les seniors sont importants.
« Dans un second temps, en plus des efforts du
patient, un complément alimentaire peut être
utile », explique le Dr Laurence Plumey, direc-
trice de l’organisme de formation continue
EPM Nutrition à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).
La prescription de vitamines et minéraux doit
répondre à quelques règles. « Il ne faut pas
surcharger un patient en nutriments. Le risque
de surdosage ou d’effets combinés inattendus
existe, notamment avec l’utilisation des com-
plexes polyvitaminés, prévient Irène Margari-
tis, chargée de l’évaluation des compléments
alimentaires au sein de l’Afssa. Des fortes
concentrations de zinc diminuent, par exemple,
l’absorption du cuivre et des excès de chrome,
de cuivre, de sélénium, de zinc ou encore de vi-
tamines A, D ou E peuvent être nocifs. Certains
industriels savent bien respecter les ratios dans
le cadre de leurs produits polyvitaminés, d’au-
tres un peu moins », prévient-elle. « Un produit
qui couvre 100 % des apports journaliers en
vitamines ou minéraux, est à déconseiller, ren-
chérit enfin Laurence Plumey. L’alimentation
apporte une partie des apports. Il faut donc se
limiter à des produits qui apportent 25 à 50 %
des apports journaliers. »
Les substances à but physiologique peu-
vent être intéressantes pour les médecins,
mais elles n’ont pas toutes démontré leur in-
térêt. Elles répondent à des besoins de santé
bénins ou sans alternative thérapeutique chez
des patients qui s’alimentent mal. Plusieurs
substances ont fait parler d’elles ces dernières
années, le lycopène pour son effet antiradica-
laire, la lutéine indiquée dans la prévention
de la dégénérescence maculaire liée à l’âge,
les isoflavones de soja pour la prévention de
l’ostéoporose, les phytostérols pour leur
intérêt à limiter l’absorption du cholestérol,
les oméga 3 pour leur effet bénéfique sur le
système cardiovasculaire, mais également
les probiotiques susceptibles de renforcer
les défenses immunitaires, etc. « Attention,
cependant, à ne pas confondre complément
alimentaire et médicament, clarifie Damien
Galtier. Un complément alimentaire contient
des doses physiologiques de substances insuf-
fisamment présentes dans l’alimentation d’un
patient par opposition aux médicaments
qui proposent des doses thérapeutiques et
possèdent une AMM. »
Une troisième catégorie de produits asso-
ciant nutriments, plantes ou encore substan-
ces physiologiques répond à des soucis de
« bien-être ». Ils prennent soin des cheveux,
aident à mincir, favorisent le bronzage et soi-
gnent la peau… L’offre est gigantesque et cette
catégorie représente la plus grosse partie de ven-
tes. « Au-delà de l’utilité réelle de ces produits,
il y a une part de confort et de psychologie à
ne pas négliger », précise Damien Galtier. �
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LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
1320 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
TABLEAU RÉCAPITULATIF
PROBLÈMES DE SANTÉ SUBSTANCESAmélioration des performances physiques Acides aminés ramifiés, créatine, arginine, pyruvate, inosine,
acide linoléique conjugué, triglycérides à chaîne moyenne, carnitine, pollen, chrome, fer, magnésium, phosphore…
Cholestérol Chitosane, levure de riz rouge, phytostérols et phytostanols, protéines de soja, acides gras oméga 3, spiruline, germe de blé, vitamine B3…
Excès de poids Algues, orange amère, calcium, caféine…Fatigue Caféine, acides aminés, gelée royale, germe de blé, ginseng,
taurine et carnitine, vitamines B et C, fer, coenzyme Q10…Problèmes de peau et de cheveux Acides gras oméga 3 et oméga 6, vitamines A et B, caroténoïdes,
cystéine et méthionine, zinc, levure de bière, fer…Problèmes digestifs Papaïne et bromélaïne, charbon végétal, pectines, chlorophylle, curcuma, algues,
bétaïne, choline, probiotiques, psyllium, fructo-oligosaccharides, inulines…Rhumatismes (arthrose) Chondroïtine, glucosamine, acides gras oméga 6, cuivre, manganèse,
zinc, calcium, curcuma…Stress, troubles du sommeil Acides gras oméga 3, décapeptide de caséine alpha 1, shiitaké,
maïtaké et reishi, vitamines B, magnésium…Syndrome prémenstruel Gingko, vitamines B6 et E, calcium, magnésium…Troubles de la ménopause Isoflavones, protéines de soja, yam, DHEA…Vieillissement Anti-oxydants : caroténoïdes, flavonoïdes, sélénium, zinc,
coenzyme Q10, superoxyde dismutase, vitamines C et E…
Source : Le guide Nutrition et Santé, Vidal, 2006.
POUR LE DR JEAN-MICHEL LECERF, qui travaille dans le service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, le recours aux compléments alimentaires ne doit pasêtre systématique. Il faut les réserver à certains patients qui s’alimentent malpour différentes raisons ou les prescrire transitoirement dans des situations à risque de carence. Ils peuvent contribuer à ralentir l’évolution de pathologiescomme la DMLA ou participer au traitement de l’hypocholestérolémie.
Un recours utile chez certains patients
Quel crédit et quelle placeaccordez-vous aux complémentsalimentaires ?La question n’est pas de savoir si l’on est pour
ou contre les compléments alimentaires.
Certains d’entre eux ont un intérêt avéré et
peuvent être utiles, d’autres non. Il faut ap-
prendre à connaître les micronutriments et
les différentes substances pour savoir lesquels
présentent un intérêt. J’insiste, en revanche,
sur le fait qu’une alimentation variée et
équilibrée répond aux besoins nu-
tritionnels de tous les individus. Le
premier devoir du médecin est
d’essayer de corriger les mauvaises
habitudes alimentaires de ses pa-
tients. Un produit laitier sera tou-
jours plus intéressant d’un point de
vue nutritionnel que du calcium en
comprimés. Par la suite, si un défi-
cit persiste, la prescription d’un
complément alimentaire peut être
envisagée.
Quels sont les complémentsalimentaires les plus utiles selon vous ?Les vitamines et minéraux sont les complé-
ments alimentaires les plus sûrs. Les teneurs
sont réglementées et les déficits nutrition-
nels des patients assez faciles à déceler. Ces
compléments sont utiles aux personnes qui
ne veulent ou ne peuvent pas corriger leurs
écarts pour des motifs de goût ou de rythme
de vie, à condition de respecter les doses,
de ne pas cumuler les produits et d’effectuer
une cure sur une durée limitée.
Une autre catégorie de substances dites
fonctionnelles, actives sur le métabolisme,
peut également être utile. L’efficacité de cer-
tains de ces produits est discutée, mais des
études apportent progressivement des élé-
ments de réponse.
La lutéine est désormais reconnue
comme efficace pour prévenir l’évolution
d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge.
Les phytostérols ont également apporté la
preuve de leur intérêt dans le cadre d’un
régime hypocholestérolémiant.
Quant aux produits destinés au « bien-
être », cheveux, ongles, minceur, peau, tonus,
il existe des produits intéressants mais
d’autres sont inutiles et peuvent même
présenter un danger potentiel sur la santé.
Le réflexe « complémentsalimentaires » peut-il présenter un danger pour la population ? Le recours systématique aux compléments
alimentaires peut présenter deux risques :
celui de ne pas diagnostiquer une
maladie face à une plainte de lassi-
tude, de fatigue, de faiblesse qui en-
traînerait une simple prescription de
vitamines. Ou encore le risque de ne
pas traiter correctement un patient
par une vraie thérapie. Cependant,
chez des patients qui s’alimentent mal, ou
qui risquent de ne pas atteindre l’apport
journalier recommandé, une supplémen-
tation nutritionnelle à titre préventif est
intéressante dans certains cas. L’apport en
vitamine B9 prévient, par exemple, la ferme-
ture du tube neural du fœtus chez la femme
enceinte. �
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LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
14 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
POUR EN SAVOIR PLUS
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Le Vidal a sorti un précieux « Guide Nutrition et Santé ».
Les compléments alimentaires y occupent une place de
choix. On y trouve la définition, la bonne utilisation,
la description des principales substances et l’avis
des experts sur l’intérêt des molécules… mais
aussi comment déchiffrer les étiquettes, choisir
un complément alimentaire, etc. Cet ouvrage
donne toutes les clés pour vous aider et aider vos
patients à mieux connaître cet environnement.
Pour le Dr Jean-Michel Lecerf, « un produit laitier, c’est toujours mieux,sur le plan nutritionnel, que du calcium en comprimés ».
DR
SPÉCIAL NUTRITIONEN PRATIQUE
16 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
DE NOUVELLES RECOMMANDATIONS Malgré les campagnes précédentes,deux Français sur trois restent de piètres mangeurs de fruits et légumes.Un des messages du Pnns 2*, « Pour votre santé mangez au moins cinq fruits et légumes par jour » vise à réduire de 25 % le nombre de ces petits consommateurs. Au médecin généraliste de traduire ce message de santé publique auprès de ses patients. DR MAIA BOVARD-GOUFFRANT
Favoriser la consommationde fruits et légumes
Il est bien établi maintenant que la
consommation régulière de fruits
et légumes protège de l’obésité, du
diabète, des maladies cardiovasculaires
comme de certains cancers, mais aussi
de l’ostéoporose et de certaines patho-
logies oculaires liées à l’âge. La consom-
mation quotidienne de fruits et légumes
est inversement corrélée au surpoids,
à un rapport taille/hanche élevé, à la
dyslipidémie et à l’HTA. Une étude
nord-américaine récente montre que la
mortalité cumulée (par AVC, maladie
cardiovasculaire) ou la mortalité glo-
bale, de même que l’incidence des
AVC et des cardiopathies ischémiques
est inversement proportionnelle à
l’apport quotidien de fruits et de légu-
mes. L’étude SUVIMAX a prouvé, elle,
qu’une alimentation plus riche en fruits
et légumes (500 g/j) permettrait de
diminuer les risques de cancer de 31 %.
Un atout dans la préventiondu diabète et de l’obésitéLa consommation de fruits et de légu-
mes est à l’évidence un atout dans la
prévention du diabète et de l’obésité.
Généralement faiblement caloriques
(25 kcal/100 g pour les légumes et
50 kcal/100 g pour les fruits en
moyenne), ils permettent surtout d’ap-
porter des substances irremplaçables,
comme les vitamines (C, E, B, caroté-
noïdes), les minéraux (magnésium,
potassium, calcium), les fibres ali-
mentaires et les composants antioxy-
dants divers (flavonoïdes, polyphénols,
composés soufrés, phytostérols). On
connaît bien l’effet protecteur des caro-
ténoïdes (bêta-carotène, lycopène,
lutéine) vis-à-vis des cancers, des ma-
ladies cardiovasculaires, mais aussi de
certaines pathologies oculaires – cata-
racte et DMLA –. L’acide folique est
indispensable au développement du
tube neural chez l’embryon et à la lutte
contre le vieillissement cognitif et car-
diovasculaire. Les polyphénols ont
montré leur intérêt dans la prévention
des cancers, des maladies cardiovas-
culaires, de l’ostéoporose, du diabète
et du syndrome métabolique.
La consommation d’environ 300 g
de fruits et 300 g de légumes apporte
près de 50 % des besoins quotidiens en
potassium et 20 % des besoins en cal-
cium, magnésium et fer, permettant
ainsi de rééquilibrer le rapport potas-
sium/sodium, incriminé dans le déve-
loppement de l’hypertension artérielle
et d’augmenter le pouvoir alcalinisant
des aliments, particulièrement béné-
fique pour prévenir l’ostéoporose. De
plus, un apport suffisant de fibres ali-
mentaires évite les troubles fonction-
nels digestifs, comme la constipation,
et joue aussi un rôle protecteur vis-à-
vis des cancers digestifs, de l’hyper-
tension, de l’obésité abdominale ���
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SPÉCIAL NUTRITIONEN PRATIQUE
18 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
et de l’hypercholestérolémie. Une
consommation insuffisante de fruits et
légumes ne peut être remplacée par la
prise de compléments alimentaires.
Un très grand nombre de substances
composent les végétaux, et on ne sait
pas toujours exactement celle qui est
bénéfique. Par ailleurs, tous ces com-
posés agissent en synergie, et leur ad-
ministration isolée n’a pas toujours le
même impact. Ainsi, les vitamines
antioxydantes protègent contre le ris-
que cardiovasculaire lorsqu’elles sont
apportées par l’alimentation, mais pas
lorsqu’elles sont ingérées sous forme de
suppléments oraux. De même pour les
fibres, dont les bénéfices sont beaucoup
plus inconstants lorsqu’elles provien-
nent de compléments alimentaires. Les
fruits et légumes ne contiennent pas
tous les mêmes éléments nutritifs, aussi
est-il fortement conseillé de diversifier
l’apport, aucun légume ou fruit ne pou-
vant à lui seul apporter toute la gamme
des éléments indispensables.
Le cru ou le cuit ?Les différentes types de préparation
– frais, cuits ou crus, en conserve
ou surgelés – ont tous leurs avan-
tages. On a longtemps consi-
déré que les fruits et légumes
crus apportaient plus de vi-
tamines, à condition de les
consommer peu de temps
après l’achat, mais on n’a ja-
mais prouvé que le bénéfice
était plus important qu’avec les
aliments cuits : en fait, certains
composants végétaux doivent être
cuits pour être mieux absorbés ou plus
digestes et la cuisson à l’huile est pré-
férable pour certains composés lipo-
solubles. La soupe est un moyen simple
et efficace d’augmenter les apports
en légumes, et on a constaté que sa
consommation contribue à diminuer
l’IMC et le LDL-c. Les surgelés et les
conserves sont souvent moins onéreux
pour un bon apport nutritionnel, à
condition de vérifier l’absence de sel
ou de sucre ajoutés. De même pour les
jus de fruits ou de légumes, faciles à
proposer aux personnes âgées ou aux
enfants, mais qui n’apportent pas de
fibres alimentaires et ne devraient
compter que pour une portion par jour.
Du Pnns à l’assiette La quasi-totalité des Français se décla-
rent convaincus des bienfaits des fruits
et des légumes, mais sans pour autant
passer à l’acte ! Il existe un certain nom-
bre d’obstacles à leur consommation :
prix élevé, côté « moins pratique ». Il
est prévu, parallèlement à l’introduc-
tion de messages sanitaires dans les pu-
blicités alimentaires, de faciliter l’accès
aux fruits et légumes – « chèques
fruits et légumes », mise à disposi-
tion des stocks retirés du marché
pour les bénéficiaires de l’aide
alimentaire, accès facilité dans
les entreprises et les écoles –.
Un effort sera fait pour soute-
nir la formation médicale ini-
tiale et continue sur la nutrition,
afin de fournir au praticien les
outils nécessaires pour répondre
aux questions de ses patients et les ai-
der à transcrire le message sanitaire
dans leurs comportements. �
*2e Programme national nutrition santé 2006-2012.
Manger 5 fruits et légumes
par jour signifie consommer
au moins 400 g de fruits
et légumes par jour, soit au
minimum 5 portions de 80 g
par jour, ce qu’on pourrait
schématiser auprès
de son patient par
« la moitié de son repas
en fruits et légumes ».
Peut-être n’est-il pas inutile
de rappeler à certains que
pâtes, riz, pommes de terre,
etc., ne sont pas considérés
comme des légumes,
mais des féculents,
et que la confiture n’est pas
un fruit, mais du sucre !
Des exemples simples
montrent que ces 5 portions
ne sont après tout pas si
difficiles à avaler puisqu’une
portion représente :
� Pour les fruits, un fruit
de taille moyenne (pomme,
poire, orange, banane…),
deux petits fruits (abricot,
prune, kiwi…), deux à
trois tranches d’ananas
ou de melon, trois cuillerées
à soupe de compote de fruits
ou de fruits au sirop, un
petit verre de jus de fruits
(150 ml), éventuellement
une cuillerée à soupe
de fruits secs ;
�Pour les légumes, il peut
s’agir de 3 cuillerées à soupe
de légumes cuits, d’un bol
de crudité, d’un bol
ou d’une assiette creuse
de soupe de légumes.
5 FRUITS ET LÉGUMES = 5 PORTIONS
���
Quelques conseils pour augmenter les apports I
l n’est pas question de devenir
végétarien ou de bouleverser
totalement son alimentation.
Un fruit peut facilement être
pris en collation de milieu de ma-
tinée ou d’après-midi, ou en cas
de petite faim. On peut débuter
les principaux repas par une en-
trée légumes/crudités et accom-
pagner les viandes et poissons de
légumes. Si la base de l’alimenta-
tion familiale repose sur riz, pâ-
tes et pizzas, on peut conseiller
d’y ajouter des légumes plutôt
que de vouloir absolument leur
substituer des haricots verts.
On évoque souvent comme
frein à la consommation de fruits
et légumes le manque de temps
nécessaire à leur préparation et à
leur consommation : les patients
habitués à déjeuner sur le pouce
choisiront plutôt des sandwichs
avec de la salade ou des tomates ;
des produits tout préparés (com-
potes ou concentrés de fruits et
légumes) sans adjonction de su-
cre, de sel, ni de matières grasses,
constituent une alternative inté-
ressante sur le plan nutritionnel.
La « règle des 5 » doit néan-
moins être souple : il est possible
de manger 3 portions de fruits et
légumes un jour et 7 le lende-
main ; de même que si la variété
dans l’apport est très souhaitable,
il est préférable de manger 5 pom-
mes ou 5 tomates que pas de
fruits et légumes du tout ! �
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SPÉCIAL NUTRITIONEN PRATIQUE
19Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
QUE FAIRE DEVANT L’ANOREXIE ? Mme X. vient vous voir, car elle est inquiète pour safille de 14 ans. Celle-ci était un peu ronde et, il y a quelques mois, elle a commencé d’elle-même un régime. Elle a déjà perdu 15 kilos… Mme X. se demande si sa fille n’est pas en train de devenir anorexique.
Une jeune fille qui perd du poids
Comment savoir si Mlle X.souffre d’anorexie mentale ?Il faut commencer par vérifier si l’amaigris-sement dépasse 15 % du poids normal, sa-chant que dans les cas graves d’anorexie, ilpeut atteindre 30 à 50 % du poids initial.Puis, on doit questionner la mère sur lescirconstances de cette perte de poids, sur l’at-titude de la jeune fille face à la nourritureet sur ses changements de comportement.A-t-elle en permanence peur de grossir, aupoint de se peser après les repas ou de véri-fier la teneur calorique des aliments ? Refuse-t-elle de participer aux repas familiaux, demanger autre chose que ce qu’elle cuisineelle-même ? A-t-elle une image de son corpsqui ne correspond pas à la réalité ? La pertedes règles, qui survient généralement quel-ques mois après la restriction alimentaire,l’absence de fatigue et l’hyperactivité mo-trice, sont aussi des signes importants àprendre en compte.
La rencontre avec la jeune fille va per-mettre de confirmer le diagnostic. Les signesrévélés par l’examen physique sont caracté-ristiques : peau terne au niveau du visage,cheveux cassants, ongles cassants et striés ;fonte musculaire ; constipation ; troublescirculatoires notamment des extrémités,avec peau violacée et abondante sudation ;tension artérielle abaissée ; pouls ralenti.« Sur le plan psychologique, on retrouve sou-
vent une grande anxiété, une mauvaise es-
time de soi assortie d’une grande exigence
de réussite, et un manque d’autonomie vis-
à-vis des parents, en particulier de la mère »,
constate le Pr Philippe Jeammet.
Comment prendre en charge et traiter cette jeune patiente ?Le rôle du généraliste est de po-ser des limites, en expliquant àla jeune fille qu’elle n’a pas ledroit « d’attaquer » son corps etqu’on ne la laissera pas conti-nuer à maigrir. Il ne faut pasfixer de poids minimum, mais
lui donner comme objectif deretrouver un poids normal. À côtéde cela, il est important de recher-cher les raisons de l’anxiété, enproposant une psychothérapieindividuelle ou familiale, et danscertains cas un antidépresseur ouun anxiolytique.
Une double prise en charge parle médecin référent et une équipespécialisée est souvent nécessaire.« Ces adolescentes doivent être
suivies tous les huit à quinze jours.
Elles ont besoin d’avoir un inter-
locuteur extérieur à la famille »,estime le Pr Jeammet.
Sachant que 7 à 10 % des ano-rexies ont une évolution mortelleet que 20 % évoluent vers la chro-nicité, devant certains signes degravité (IMC < 14, bradycardie < 50,pression artérielle < 9/5, hypo-thermie, épuisement physique,mais aussi chronicité), il est impor-tant de réagir vite en proposantl’hospitalisation. Celle-ci dureen moyenne trois à quatre mois, lajeune patiente s’engageant sur un« contrat de poids ». �
Dr Isabelle Gonse
D’après un entretien avec le Pr Philippe Jeammet,
département de Psychiatrie del’adolescent et du jeune adulte
à l’Institut mutualiste Montsouris,Paris.
ANOREXIE ET BOULIMIE, LE COUPLE INFERNAL
La boulimie est plus
difficile à détecter que
l’anorexie, car le poids
reste souvent normal,
du fait des vomissements
et de l’usage de laxatifs
ou d’autres mesures
de contrôle du poids
(activité physique
intense…). Elle apparaît
plus tard que l’anorexie,
vers 18-20 ans, au moment
de la séparation d’avec la
famille, et s’accompagne
souvent de dépendance
à d’autres substances
comme le tabac, la drogue
ou l’alcool. Deux tiers des
anorexiques deviendront
boulimiques, l’évolution
inverse étant rare.
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20 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
DIABÈTE GESTATIONNEL Ce terme englobe des situations très diverses (intolérance au glucose ou véritable diabète),parmi lesquelles il importe de repérer les formes sévères afin de prévenir les complications maternelles et fœtales.
Identifier les femmes à risque
L’ OMS définit le diabète ges-
tationnel(DG) comme une
hyperglycémie de sévérité
variable, diagnostiquée pour la
première fois pendant la gros-
sesse, quelle qu’en soit l’étiologie,
l’ancienneté et l’évolution après
la grossesse. Cette définition re-
couvre à la fois des intolérances
au glucose liées à la grossesse,
mais aussi des diabètes mécon-
nus de type 2 (D2) et, beaucoup
plus exceptionnellement, de type 1.
Selon la plupart des recommandations
existantes, le diagnostic de diabète gestation-
nel repose sur des tests de charge orale en glu-
cose (HGPO). Les stratégies en un temps sont
basées sur la réalisation, dans la population à
risque, d’une HGPO après charge de glucose
de 75 g. Les stratégies en deux temps sont ba-
sées sur la réalisation d’un test de dépistage
(HGPO 50 g dit « test de O’Sullivan ») sur la po-
pulation à risque, suivie d’un test diagnostique
(HGPO 100 g ou HGPO 75 g) qui confirme ou
non le diabète gestationnel chez les femmes
dépistées positives.
Les valeurs seuilsSur l’ensemble des recommandations interna-
tionales, deux valeurs seuils sont retenues pour
le test de dépistage : 1,30 g/l pour l’HGPO 75 g
et 1,40 g/l pour l’HGPO 100 g. Certaines recom-
mandations proposent un diagnostic d’emblée
lorsque la glycémie à une heure est ≥ 2 g/l.
Néanmoins, il n’y a pas de consensus inter-
national sur les stratégies de dépistage, les ou-
tils diagnostiques à privilégier et sur les seuils
à utiliser.
L’Alfediam avait recommandé un dépistage
systématique, très peu suivi en pratique. Il est
plus logique de repérer les femmes qui sont
à risque en raison d’antécédents familiaux au
premier degré de D2, IMC
> 25 kg/m2, hyperglycémie
sous pilule ou lors d’une
grossesse précédente, passé
obstétrical avec macrosomie,
malformation ou mort fœtale
inexpliquées, âge supérieur
à 40 ans ou femme apparte-
nant à des groupes à risque
(Afrique du Nord, Asie, An-
tilles). Ce sont ces femmes
qui doivent bénéficier d’un
traitement, car elles font des
complications (macrosomie,
mort in utero ou pré-éclamp-
sie) avec une mortalité périnatale six fois plus
importante que chez les témoins. En revanche,
les résultats d’études récentes tendent à dé-
montrer que dans les intolérances au glucose
sans diabète vrai, la mortalité périnatale n’est
pas augmentée et aucune intervention théra-
peutique n’a prouvé qu’elle diminuait le taux
de macrosomies ou de césariennes. Dans le D2,
l’hyperglycémie reste longtemps asymptoma-
tique, aussi c’est avant la conception qu’il fau-
drait rechercher un diabète chez les femmes
à risque en âge de procréer pour leur permet-
tre de mieux programmer leur grossesse.
Un dépistage précoce et ciblé L’hyperglycémie à jeun doit être recherchée
chez les femmes à risque à la première consul-
tation prénatale. On propose 1,05 g/l comme
seuil pathologique (il n’a pas été retrouvé de
malformations fœtales en dessous de ce chif-
fre). Si la glycémie est normale, on envisagera
de réaliser une glycémie à jeun et un test de
charge vers la 24-28e semaine. « Dans le cas où
le dépistage n’a pas eu lieu lors de la première
consultation prénatale, on le proposera entre
la 24e et la 28e semaine et toujours dans le
groupe à risque, précise le Pr Lepercq, car un
dépistage systématique à cette période là ne
permettrait pas de différencier intolérance au
glucose gestationnelle et D2 méconnu. »
A noter que l’HbA1c n’a aucun intérêt pour
le dépistage pendant la grossesse. La mesure
de la glycosurie reste obligatoire tous les mois,
sachant qu’une glycosurie supérieure à deux
croix est généralement présente dans le groupe
à risque. �
Dr Maia Bovard-Gouffrant
D’après un entretien avec le Pr Jacques Lepercq, service de Gynécologie-
Obstétrique, hôpital Cochin, Paris.
� A l’exception
des authentiques diabètes
de type 1, le diabète
gestationnel nécessite
d’abord une intervention
diététique, avec
autocontrôle glycémique
six fois par jour à jeun
et deux heures
après les repas.� Surveillance et
régimes sont continués
si les glycémies se sont
normalisées au bout
d’une semaine ;
sinon on instaure
une insulinothérapie.
Quelques études
commencent à proposer
des antidiabétiques
oraux, mais leurs
résultats doivent
être confirmés avant
d’être applicables.
UNE PRISE EN CHARGE STÉRÉOTYPÉE
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IESPÉCIAL NUTRITIONEN PRATIQUE
POUR EN
SAVOIR PLUS
HAS. Rapport
de synthèse
sur le dépistage
et le diagnostic
du diabète gestationnel.
Juillet 2005. Service
des recommandations
professionnelles.
SPÉCIAL NUTRITIONEN PRATIQUE
22 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
L’ALIMENTATION DE L’ENFANT DE 1 À 3 ANS Chez le nourrisson et le petit enfant, l’alimentation doit être source de plaisir,tout en respectant les besoins physiologiques. Il est essentiel que le lait reste la base de l’alimentation jusqu’à 3 ans.
Une période de transition cruciale
Entre 1 an et 3 ans, l’alimenta-
tion de l’enfant se rapproche
de celle de l’adulte. Cependant,
elle doit rester adaptée à l’âge de
l’enfant et à ses besoins, afin de lui
assurer un bon développement,
tant physique que psychique. En
effet, durant cette période, l’en-
fant multiplie son poids de nais-
sance par quatre et double sa
taille. Il est essentiel d’éviter les
excès en tous genres : excès de sel
dû à une alimentation courante
salée ; excès de protéines lié à
des rations trop importantes de
viande, de poisson ou d’œufs ;
excès de sucres rapides, lorsque
les parents ajoutent du sirop à la
boisson de l’enfant quand « il
n’aime plus l’eau » ! Enfin, il faut
éviter le lait de vache, trop riche
en protéines mais pauvre en fer
et en acides gras essentiels.
L’intérêt du lait de croissanceA partir de l’âge de un an, le lait 2e âge est rem-
placé par un lait de croissance, enrichi en fer,
acides gras essentiels, vitamine D et allégé en
protéines. Il apporte 3,3 g de fer pour 250 ml,
contre 0,13 g pour le lait de vache. De ce fait,
il peut compenser les éventuelles carences
en fer qui touchent 20 à 25 % des enfants
entre 2 et 3 ans. En outre, il contient six fois
plus d’acides gras essentiels et deux fois
moins de protéines que le lait de vache. Le
lait de croissance doit être poursuivi jusqu’à
l’âge de 3 ans, à raison de 500 ml/jour.
L’enfant âgé de 1 an peut manger sans res-
triction des légumes, des féculents et des
fruits. Pour ce qui est des protéines, la quan-
tité de viande ou de poisson consommée par
jour reste la même (40 g) jusqu’à l’âge de
2 ans. En effet, les quantités doivent être adap-
tées à l’âge de l’enfant. Il ne faut pas perdre
de vue qu’une portion moyenne pour un en-
fant correspond au quart de celle d’un adulte.
Afin d’éviter l’excès de sel, il ne faut pas re-
saler les petits pots (ceux-ci sont cinq fois
moins salé que le même plat préparé en fa-
mille), mais plutôt ajouter des herbes et des
aromates. Il convient de ne pas introduire
trop précocement les frites (consommées
par 50 % des enfants de moins de
3 ans !), la charcuterie, les sodas
et les sauces (ketchup, mayon-
naise… ). Pour limiter le grigno-
tage, respecter le rythme de
quatre repas par jour. Enfin, ne
pas oublier une activité physique
régulière.
Respecterle rythme de l’enfantIl est important de faciliter l’ap-
prentissage du goût de l’enfant,
mais l’alimentation doit rester un
plaisir. Lorsqu’un enfant refuse de
manger un aliment inconnu, il ne
faut pas insister. Il faudra lui repré-
senter de nouveau, quelque temps
plus tard, en l’associant éventuel-
lement à un autre aliment, déjà
connu. Quant aux petits man-
geurs, ne pas dramatiser tant que
la courbe de poids n’est pas inquié-
tante, tout en restant vigilant. �
Dr Marie Pierson
D’après les communications des Drs CatherineRomain (pédiatre, Paris) et Marie-France Le
Heuzey (pédopsychiatre, hôpital Robert-Debré,Paris) lors d’une conférence du Syndicat français
des aliments de l’enfance.
� Les parents doivent être informés
que trouble digestif n’est pas synonyme
d’allergie aux protéines du lait
de vache. Si l’enfant a été mis
temporairement à un lait de soja,
sans argument biologique probant,
il faut l’arrêter et lui donner un lait
de croissance.
� Attention aux excès de protéines.
Aux parents qui donnent de la viande
deux fois par jour à leur enfant (par
exemple : viande à midi et jambon
le soir), il faut expliquer que le lait,
comme la viande, apporte les protéines
dont l’enfant a besoin.
� Ne pas arrêter le lait, sous
prétexte que l’enfant commence
à manger comme un grand !
� Les supplémentations vitaminiques
se révèlent inutiles, à l’exception
de la vitamine D.
� Vers l’âge de 2 ans, attention
aux risques de grignotage, que l’enfant
mange bien ou non lors des repas.
D’après un entretien avec le Dr Jacques Maisonneuve, pédiatre, Lyon.
LES PIÈGES À ÉVITER
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SPÉCIAL NUTRITIONFOCUS SUR...
24 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
L’acide folique ou vitamine B9
se trouve à l’état naturel sous
forme de polyglutamates appe-
lés folates. La majorité des folates ali-
mentaires est apportée par les légumes
verts, mais aussi par les fruits et les fro-
mages, surtout affinés, et en moindre
quantité par les œufs, le foie, certains
fruits et légumineuses. Vitamine hy-
drosoluble, la vitamine B9 est fragile,
sensible à la chaleur, à la lumière, à
l’oxydation ; l’ébullition est d’autant
plus néfaste que les aliments sont
épluchés et fractionnés.
Un rôle clé dans lerenouvellement cellulaireLes folates jouent un rôle clé dans le
renouvellement de toutes les cellules
de l’organisme, globules rouges et
blancs, cellules de la peau, du foie, de
l’intestin, cellules nerveuses, etc. Ils
participent au métabolisme des acides
aminés et des acides nucléiques et sont
également impliqués dans la synthèse
des neuromédiateurs, indispensables
au bon fonctionnement du système
nerveux.
Si l’apport en folates est important
à tous les âges, la prévention de leur
carence lors de la grossesse est primor-
diale. La carence en folates chez la
femme enceinte est désormais recon-
nue comme une cause majeure d’ano-
malies de la fermeture du tube neural
(AFTN), spina bifida et anencéphalie.
La prévalence de 10 pour 10 000 nais-
sances en France est supérieure à
celle de la Grande-Bretagne – alors que
d’où une supplémentation conseillée
par la Direction générale de la santé de
400 µg/j en l’absence de risque, c’est-à-
dire en l’absence d’antécédent person-
nel ou familial d’AFTN. En prévention
primaire, cette prescription diminuerait
de 50 à 70 % la prévalence des malfor-
mations du tube neural. Or « trop peu
de femmes bénéficient actuellement de
cette supplémentation et de plus en plus
de jeunes femmes mangent des quan-
tités insuffisantes de fruits et légumes,
si bien que leur statut en vitamine B9 est
loin d’être celui des recommandations »,
La majoritédes folatesest apportée parles légumes verts.
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LES FOLATES Jouant un rôle clé pour le renouvellement de toutesles cellules de l’organisme, les folates sont nécessaires à tout âge.La prévention de leur carence lors de la grossesse est primordialepour éviter une malformation du tube neural. DR CLÉMENCE DUCLOUX*
Supplémenter avant et pendant la grossesse
c’était l’inverse il y a quelques années –
ce qui démontre l’efficacité de la sup-
plémentation systématique en acide
folique chez les femmes désirant une
grossesse chez nos voisins.
Restaurer le statut correct en vitamine B9Les besoins en acide folique sont accrus
pendant la grossesse du fait du transfert
des folates au fœtus et de l’augmenta-
tion de leur catabolisme à partir du
deuxième trimestre. Ces besoins sup-
plémentaires sont évalués à 200 µg/j,
25Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
affirme le Pr Ambroise Martin. 50 % des
grossesses ne sont, en effet, pas pro-
grammées et il faut environ quatre mois
pour restaurer un statut correct en vita-
mine B9. C’est donc au médecin géné-
raliste qu’il revient d’expliquer aux
jeunes femmes la nécessité de manger
plus de légumes et de fruits et de les
supplémenter en acide folique dès que
le désir de grossesse apparaît, au moins
deux mois et demi avant la conception
et un mois après.
En prévention secondaire, c’est-à-
dire pour les femmes ayant déjà donné
naissance à un enfant souffrant d’une
malformation du tube neural ou bien
en cas d’antécédent familial, la supplé-
mentation doit être de 5 mg/j.
L’acide folique étant un élément de
la synthèse d’ADN, de la division cel-
lulaire et du métabolisme cérébral, la
carence en acide folique est également
associée à une augmentation de l’inci-
dence des avortements spontanés, des
accouchements prématurés et des pe-
tits poids de naissance : « en France,
entre 25 et 65 % des femmes enceintes
– selon les régions, les conditions de vie
et d’alimentation – reçoivent moins de
250 µg/j d’acide folique, ce qui multi-
plie par deux les risques d’hypotrophie
selon une étude américaine ! »
Des besoins accrus
dans certaines situations
La carence en folates peut résulter
d’une insuffisance d’apports, mais
aussi de besoins accrus en rapport
avec l’alcoolisme chronique, le taba-
Pour réduire le risque de carence,
certains pays ont décidé de supplé-
menter soit toutes les farines (Etats-
Unis) ou seulement les farines du pain
(Suisse). En France, aucun enrichisse-
ment des aliments courants n’est à
ce jour autorisé, mais cela pourrait
changer avec un prochain règlement
européen. Une proposition d’enrichis-
sement des farines panifiables a été
faite en ce sens par l’Afssa. �
*D’après un entretien avec le Pr Ambroise Martin, ancien directeur
de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires de l’Agence française de sécurité
sanitaire des aliments (Afssa).
PRINCIPAUX ALIMENTS RICHES EN FOLATES
PRODUITS LAITIERS CÉRÉALES ET DÉRIVÉS PRODUITS CARNÉS FRUITS ET LÉGUMES
500-700 Foie de volaille cuit, foie gras
300-350 Germe de blé Pâté de foie de Haricot blanc sec,volaille, farine de soja
foie de veau cuit
250-300 Foie de génisse cuit,foie d’agneau cuit
200-250 Graine de tournesol,lentille sèche,
cresson cru,cerfeuil frais
180-200 Épinard cru, pissenlit
150 -170 Brie Céréales de petit- Pâté de campagne Soupe de légumes,déjeuner enrichies persil frais, mâche,
noix, oseille crue,cacahuète grillée salée
130 -140 Saint-Marcellin Châtaigne, épinard cuit,ciboulette fraîche
120-130 Fromage de chèvre Céréales de petit-demi-sec, chabichou déjeuner au son, muesli
100-110 Pâté de foie de porc Asperge cuite,cacahuète, melon,pois chiche cuit,chicorée frisée,
noisette
95-100 Fromage bleu, chaource, Graine de sésame,fromage pâte molle 60 % MG, pistache, oseille cuite
camembert, carré de l’est
80-90 Chou de Bruxelles cuit,laitue,
chou-fleur cru,haricot blanc cuit,haricot rouge cuit
70-80 Farine de seigle Rognon de bœuf cuit, Brocoli cuit, litchi,rognon de veau cuit, amanderognon d’agneau cuit
Teneur en folates(mg/100 g)
gisme, la contraception hormonale ou
la consommation de certains médica-
ments (barbituriques, hydantoïnes et
valproate chez la femme épileptique,
sulfasalazopyrine).
L’augmentation de l’homocystéiné-
mie corrélée au déficit d’acide folique
est un facteur de risque vasculaire. Cer-
taines études américaines ont mis en évi-
dence la diminution des décès d’origine
cardiovasculaire grâce à la supplémen-
tation en folates et par voie de consé-
quence la diminution de l’homocystéi-
néme. Par ailleurs, des travaux récents
font évoquer le rôle des folates dans la
dégénérescence cognitive et le cancer.
APPORTSCONSEILLÉSEN ACIDEFOLIQUE
� Chez les enfants :
100 µ/j.
� Chez les
adolescents :
300 µ/j
� Chez les femmes
avant et pendant
la grossesse
et durant la
période de
l’allaitement :
330 à 400 µ/j.
� Chez les femmes
à risque, dose
thérapeutique
recommandée :
5 mg/j.
� Chez les
hommes : 300 µ/j.
� Chez les
personnes âgées
de plus de 75 ans :
330 à 400 µ/j.
� Chez les fumeurs
de plus de dix
cigarettes /j : unesupplémentationde 20 % estrecommandée.
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A noter que ce tableau non exhaustif (par ex. la levure alimentaire contient 3 900 mg de folates/100 g) a été réalisé à partirdes données disponibles actuellement, d’après la dernière mise à jour réalisée le 23 mars 2001 par le CIiqual.
SPÉCIAL NUTRITIONFOCUS SUR...
26 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
LES ALLERGIES ALIMENTAIRES Concernant environ 8 %des enfants en France, les allergies alimentaires ne cessentd’augmenter. Les allergènes d’origine animale sontmajoritaires jusqu’à 6 ans, les allergènes d’origine végétaleétant plus fréquents après cet âge. Le principal traitementreste l’éviction du ou des allergènes alimentaires incriminés.
De plus en plusfréquentes chez l’enfant
L’allergie alimentaire concerne 8 à 10 % desenfants de moins de 15 ans, alors qu’elle
touche 3 % des adultes. Celle-ci est définiecomme l’ensemble des manifestations clini-ques digestives, cutanées ou respiratoires quirésultent d’une réponse immuno-allergiqueau contact d’un allergène alimentaire. Lesprincipaux aliments incriminés sont le laitde vache, l’œuf, l’arachide, le blé, le poisson,responsables de 80 % des allergies alimen-taires. Les aliments d’origine animale pré-dominent jusqu’à l’âge de 6 ans. Ensuite, cesont les aliments d’origine végétale.
L’allergène alimentaire peut pénétrer pardifférentes voies : digestive, cutanée (suite àl’application d’une crème à base de lait oud’avoine, par exemple) ou respiratoire (inha-lation de vapeur dégagée par un alimentcomme le poisson ou les crustacés). Dès lanaissance, un nourrisson peut être sensibiliséà un ou plusieurs aliments. En effet, une sen-sibilisation in utero peut se produire dès la22e semaine de gestation. Dans les premièresannées de vie, les manifestations digestivesprédominent : vomissements, diarrhée. En-suite, elles sont plutôt cutanées à type d’ec-zéma ou d’urticaire. Plus tard, elles sont respiratoires : asthme, rhinite.
Un interrogatoire minutieuxLe diagnostic d’allergie alimentaire repose surun interrogatoire minutieux des parents, àla recherche d’antécédents familiaux d’atopie,des aliments consommés, des manifestationscliniques, de leur intensité et de leur délaid’apparition après la prise alimentaire.L’interrogatoire n’étant pas toujours trèscontributif, des tests cutanés ou « prick-tests » peuvent alors être réalisés en consul-tation, soit avec des extraits commerciaux,soit avec des allergènes natifs. « Un dosage
biologique multi-allergénique tel que le
Trophatop® enfant est utile, précise leDr Molkhou. Il permet de détecter dans le
sérum des IgE spécifiques. Lorsque les prick-
tests (qui explorent les formes immédiates de
l’allergie-IgE) sont négatifs, on utilise alors
des patch-tests cutanés qui explorent un
autre type d’hypersensibilité retardée avec
des allergènes alimentaires,
frais de préférence. Par exem-
ple, le Diallertest® permet de
détecter une allergie aux pro-
téines lactées bovines (voirphoto). Ce test est disponible
en pharmacie et peut être
appliqué pendant 48 heures
dans le dos du nourrisson
par les parents eux-mêmes.
La lecture s’effectue, pour sa
part, 72 heures plus tard ».
L’éviction de rigueurLe seul traitement est l’évictiondu ou des aliments identifiés, car il existe ac-tuellement, et de plus en plus, un « syndromedes allergies multiples ». En cas d’allergie auxprotéines du lait de vache, celui-ci doit êtrearrêté et remplacé par un hydrolysat à basede caséine, voire une formule à base d’amino-acides comme le Néocate®, si l’enfant est éga-lement allergique aux hydrolysats de caséine.Un traitement médicamenteux symptomatique
peut être associé : antihistami-nique, cortisone, voire adrénalineen cas de choc anaphylactique.
La désensibilisation, déjà uti-lisée pour traiter les allergies aux
pollens et aux acariens, est à l’ordre du jourpar voie sublinguale, avec des résultats pro-metteurs pour le lait de vache*.
Dr Marie Pierson �
D’après un entretien avec le Dr Paul Molkhou,hôpital Saint-Vincent de Paul, Paris.
* De Boissieu D. et Dupont C., Sublingual Immunotherapyfor Cow’s Milk Protein Allergy : A Preliminary Report,
Allergy, 2006, 61 (10) 1238-1239.
POUR INFOL’allergie aux protéines
du lait de vache
disparaît, dans 80 %
des cas, vers l’âge
de 4-5 ans et celle
à l’œuf vers 6-7 ans.
En revanche,
l’allergie au poisson
ou à l’arachide persiste
en général toute la vie.
Les raisons
de l’augmentation
des allergies alimentaires
peuvent être multiples :
� une diversification
alimentaire
trop précoce
des nourrissons
(< 6 mois) ;
� la consommation
accrue d’aliments
exotiques ;
� une forte allergénicité
des nouveaux allergènes :
lupin, sésame ;
� l’utilisation de
nouvelles technologies
dans l’industrie
agro-alimentaire ;
� une augmentation
des allergènes masqués.
DE MULTIPLES RAISONS
BURGER/PHANIE
SPÉCIAL NUTRITIONDÉBATS
QUALITÉ ALIMENTAIRE Autrefois conçues comme des stratégiesmarketing, les initiatives « nutrition » des industriels sont rattrapéespar la réalité du surpoids ou des excès de cholestérol. Les conséquences des dérives alimentaires sur la santé incitent les pouvoirs publicsà s’immiscer dans l’offre des industriels. Ils viennent même d’annoncer la création d’un Observatoire de la qualité alimentaire. AUDE RAMBAUD
Jusqu’où réglementer l’offre alimentaire ?
La guerre contre l’obésité est dé-
clarée. Le gouvernement, dans le
cadre de son second Plan natio-
nal nutrition santé (Pnns), s’est attaché
à décrire toutes les mesures qui doivent
contribuer à freiner l’épidémie d’obé-
sité dont souffre la population française.
Outre ses nouveaux conseils et recom-
mandations nutritionnels, les mesures
concernent de près l’industrie alimen-
taire. Xavier Bertrand, le ministre de la
Santé, a affirmé sa volonté de « travail-
ler en partenariat avec l’industrie agro-
alimentaire ». Il a appelé tous les acteurs
à « s’engager en signant une charte por-
tant sur la composition nutritionnelle
des aliments, leur présentation et leur
promotion » (lire page 28). Alors que le
gouvernement doit encore plancher sur
la nature de cette charte, les industriels
ont déjà une longueur d’avance.
Les initiatives « santé » des industriels« Nestlé a créé son département “nu-
trition” dès 1995, bien avant la mobi-
lisation actuelle sur la nutrition »,
témoigne Simone Prigent, responsable
de cette entité. Nestlé a décidé de re-
voir tous les produits de sa gamme
pour adapter leur composition aux re-
commandations des pouvoirs publics
ou encore de l’OMS. C’est ainsi que la
teneur en sel des soupes a été dimi-
nuée de 22 % en moyenne. Le sucre
et le sel ajoutés ont disparu des petits
pots pour bébés. En outre, l’entreprise
développe désormais des produits
apportant un bénéfice nutritionnel
avec, par exemple, l’ajout de céréales
complètes dans toutes les céréales
d’enfants et d’adultes ou élargit son
offre de produits surgelés à base de
légumes pour favoriser leur consom-
mation. L’exemple de Nestlé n’est
qu’un parmi tant d’autres. Danone a
créé un Institut Santé axé sur la recher-
che nutritionnelle, Andros a revu les
teneurs en sucre de ses jus de fruits
et compotes, Knorr a sorti des bou-
teilles de fruits et légumes à boire pour
favoriser leur consommation, etc.
Pour Brigitte Laurent, chef de pro-
jet « nutrition » à l’Ania (Association na-
tionale des industries alimentaires), « la
charte prévue par les pouvoirs publics
ne fera que formaliser les différentes ini-
tiatives prises par les entreprises pour
améliorer la qualité de l’alimentation ».
Mais les exigences des pouvoirs pu-
blics pourraient bien devenir rapide-
ment élevées. Les pouvoirs publics,
comme inspirés par les initiatives des
industriels, ne jurent plus que par les
« profils nutritionnels » des
En matière de qualité
alimentaire,il s’agit
de trouver l’équilibre
entre exigences des pouvoirs
publics et satisfaction
du consommateur.
27Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
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SPÉCIAL NUTRITIONDÉBATS
28 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
Une charte de l’alimentation
aliments. Haro sur les produits
gras, sucrés ou salés. « Les industriels
doivent diminuer les quantités de
sucre, de sel et de graisses, et amélio-
rer la qualité de ces dernières. Et cela,
sur le maximum de leurs produits, ex-
plique Serge Hercberg (lire ci-dessous)
et vice-président du comité stratégique
du Pnns. Ce n’est pas simple, car s’ils
s’y engagent pour certains produits
dans le cadre d’une charte, ils auront
à justifier du fait qu’ils n’adoptent pas
un bon profil nutritionnel pour l’en-
semble de leurs produits », insiste-t-il.
Haro sur le gras,le sucré et le saléLe Parlement européen vient en paral-
lèle d’encadrer les allégations, ces in-
formations figurant sur les emballages.
Les produits se disant « pauvre en ma-
tières grasses », « protégeant les os ou
les défenses immunitaires » ou encore
« faisant baisser le taux de cholestérol »
devront bientôt répondre à des critères
nutritionnels stricts, définis par la
Commission de l’Efsa (European Sa-
fety Food Authority).
Enfin, au-delà de la composition des
produits, une directive sur la publicité
des produits alimentaires obligera
bientôt les industriels à diffuser des
messages sanitaires dans le cadre de
la publicité sur certains aliments, sous
peine de payer des taxes équivalentes à
1,5 % du prix de la publicité. Ces mes-
sages ressembleront à « Mangez au
moins cinq fruits et légumes par jour »,
« Limitez votre consommation de glu-
cides simples », etc. Enfin, dans le cadre
du Pnns 2, Serge Hercberg, a annoncé
la création d’un Observatoire de la
qualité alimentaire des produits qui
surveillera l’offre et la composition des
aliments et préparations disponibles
sur le marché.
Cette nouvelle approche inquiète
les industriels du secteur. « Nous avons
un rôle à jouer pour améliorer la qua-
lité alimentaire, reconnaît l’Ania, mais
les problèmes de surpoids et d’obésité
sont des problèmes de société liés aux
comportements alimentaires. A préco-
niser toujours les aliments “santé”, on
risque de culpabiliser le consommateur.
Il ne s’agit tout de même pas de tabac,
d’alcool ou de médicaments », prévient
Brigitte Laurent. �
Une charte signée conjointement par le gouver-
nement et les industriels permettra bientôt
d’améliorer la qualité de l’offre alimentaire. Danone
et Coca-Cola sont déjà sur les rangs. Les industriels
seront libres de signer ou non la charte et de s’enga-
ger à améliorer la qualité de leurs produits, en dimi-
nuant les teneurs en sucre, en sel et en graisses. Les
autorités de santé n’imposeront pas de norme à attein-
dre, mais exigeront que les entreprises fixent des ob-
jectifs nutritionnels pour le maximum de produits, dès lors qu’il est possible
d’en améliorer leur profil nutritionnel. « Sans mettre tout le monde au régime,
l’engagement des industriels apportera un bénéfice pour les consommateurs sans
changer leurs habitudes alimentaires », note le Dr Serge Hercberg (photo).
Les entreprises devront faire une proposition concrète de « progrès nutri-
tionnel » décrivant la nature des engagements et les délais fixés pour y arriver.
Ce projet sera soumis à un comité d’experts composé de médecins, nutrition-
nistes, consommateurs, industriels, sociologues ou encore économistes, sous
l’égide des trois ministères de la Santé, de l’Agriculture et de la Consommation.
Si le projet est jugé intéressant, l’industriel bénéficiera de la reconnaissance
des pouvoirs publics grâce à la charte et pourra communiquer sur son engage-
ment en nutrition. L’avancée des projets sera ensuite mesurée régulièrement
par l’Observatoire de la qualité alimentaire des produits. �
D’après un entretien avec Serge Hercberg, directeur de recherche à l’Inserm
et vice-président du comité stratégique du Pnns.
Un certain nombre d’arguments épidémio-
logiques permettent d’affirmer qu’une
faible consommation d’alcool réduit le risque
coronarien, mais cette réduction reste modérée.
« De plus, précise le Pr Claude Got, un grand
nombre d’études n’ont pas suffisamment diffé-
rencié le non buveur au moment de l’enquête
de celui qui n’a jamais bu. Ainsi, parmi les
personnes ayant répondu aux questionnaires,
certaines ont eu des consommations importan-
tes d’alcool, parfois tellement problématiques,
qu’elles ont arrêté de boire. D’où la nécessité
d’être très méfiant vis-à-vis de l’effet favorable
d’une faible consommation d’alcool car il existe
un biais lié aux anciens buveurs qui ne se sont
pas déclarés comme tels. »
Par ailleurs, il est difficile d’analyser les
facteurs de « non risque » associés à la notion
de modération. L’analyse du comportement
des consommateurs « modérés » a mis en
évidence une modération dans différents
domaines de leur vie : ils ne mangent pas en
excès et ont donc un poids moyen normal ; ils
pratiquent une activité physique ou sportive
avec régularité et, sur le plan médical, sont à
jour de leurs vaccinations et des examens de
dépistage recommandés (frottis et mammo-
graphie pour les femmes, glycémie et dosage
du cholestérol pour les hommes, etc.). Il en
résulte, de fait, un effet favorable sur leur
santé. Par conséquent, la consommation mo-
dérée d’alcool apparaît simplement comme
un marqueur global de modération.
Le paradoxe françaisPour le Pr Got, « Attribuer à l’alcool – et plus
spécifiquement au vin – la faible diminution
de l’incidence des infarctus du myocarde est
loin d’être évident ! En effet, explique-t-il, il
est difficile de passer de la corrélation à la
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Boire du vin es
causalité ». La plupart des chercheurs admet-
tent qu’il semble bien y avoir un effet causal,
mais celui-ci est faible. L’hypothèse la plus
favorable est qu’il existe d’autres facteurs géo-
graphiques liés à cette consommation. Ce qui
rejoint ce qu’on a appelé le « paradoxe français »
ou encore le constat épidémiologique de l’effet
favorable du « comportement » méditerranéen,
qui associe à une consommation modérée de
vin, une activité physique notable et, surtout,
une alimentation incluant plus de fruits, de
légumes et d’huile d’olive. Alors que dans le
Nord, les individus consomment davantage
de graisses animales et boivent plus d’alcool…
Les méfaits d’une consommationexcessive de vinCertains experts considèrent que l’effet anti-
oxydant du vin rouge pourrait en partie
expliquer ce « paradoxe français ». Ainsi,
une équipe de chercheurs (CHI Montbard,
Châtillon-sur-Seine) a évalué le potentiel
global de défenses antiradicalaires, avant
et après un régime méditerranéen, avec vin
rouge chez des sujets témoins (6) sur une jour-
née et sans vin rouge chez des patients hospi-
talisés (18) après sept et quatorze jours. Les
résultats semblent montrer que lorsque le vin
rouge fait partie du régime ali-
mentaire, l’effet antiradicalaire
est présent. Ces résultats ob-
tenus sur de petits effectifs doi-
vent être confirmés par la mise
en place d’études avec des ef-
fectifs plus importants et des
durées plus longues.
« N’oublions pas pour au-
tant les méfaits sur la santé
d’une consommation excessive
d’alcool et, notamment, de
vin », poursuit le Pr Got. Pour preuve, la dé-
croissance des indicateurs de mortalité liés
à l’alcool (cirrhose alcoolique du foie et
cancers des voies aérodigestives supérieures)
parallèlement à la baisse de la consommation
de vin en France ces dernières années. La
consommation de vin, en litres, est en effet
passée de 11,75 litres en 1970 à 7,28 litres en
1994 et moins de 7 litres aujourd’hui. La France
est le seul pays où la consommation d’alcool
diminue régulièrement depuis quarante ans.
« Les Français ont réduit leur mortalité liée
à l’alcool essentiellement car
ils ont consommé moins de
vin », précise l’expert.
Par ailleurs, l’analyse
des statistiques épidémio-
logiques de mortalité a pu
mettre en évidence une dif-
férence entre les hommes et
les femmes, avec un rapport
constant d’environ 1/3 à
1/4. Ainsi, les femmes, qui
ont une consommation d’al-
cool et de vin nettement plus faible que celle
des hommes, meurent beaucoup moins de
pathologies attribuées à l’alcool. « Au total,
la réduction des pathologies associées à la di-
minution de la consommation de vin et le fait
que les femmes moins consommatrices ont
moins de pathologies mortelles liées à l’alcool
que les hommes, permettent d’affirmer que
l’objectif de santé publique pour les années à
venir est de continuer à diminuer la consom-
mation d’alcool et, notamment, de vin »,
assure le Pr Got.
A la question « Boire du vin est-il bon pour
la santé ? », on serait tenté, à l’instar du Pnns*,
de répondre qu’une consommation quoti-
dienne, à condition qu’elle soit modérée
(deux verres pour une femme et trois verres
pour les hommes) ne peut être que bénéfique,
à la fois pour ses vertus protectrices cardio-
vasculaires et la convivialité qu’un verre de
bon vin peut apporter au sein d’un repas ! �
Dr Marie Pierson
D’après un entretien avec le Pr Claude Got, Paris.
*Plan national nutrition santé – www.sante.gouv.fr
CONSOMMATION D’ALCOOL La réduction du risquecoronarien retrouvé chez les consommateurs modérésest-elle liée aux propriétés vasculo-protectrices du vin ou, simplement, au fait qu’il s’agit d’individusqui font preuve de modération dans tous les domaines de leur vie ? Il faut reconnaître que la baissede la consommation d’alcool, et notammentde vin, constatée en France ces dernières annéess’accompagne d’une baisse de la mortalité des pathologies liées à l’alcool.
PLUS DE
60 % de l’alcool consommé en France est du vin.
L’effet vasculo-protecteur du vin serait
dû non seulement à son action sur le
cholestérol (une consommation régulière
et très modérée de vin – un à deux verres
par jour – diminuerait le LDL-cholestérol
et augmenterait le HDL-cholestérol), mais
également à son action sur l’agrégation
plaquettaire. Les polyphénols contenus
dans le vin entraîneraient, en effet, une
diminution de l’adhésion des plaquettes
à l’endothélium et, par conséquent, une
diminution de l’agrégation plaquettaire.
In vitro, un effet du vin rouge
sur l’oxydation des LDL a été montré.
Le resvératrol, notamment, empêche
l’oxydation des LDL, ce qui contribuerait
à diminuer la formation de dépôt
de cholestérol au niveau des parois
des vaisseaux. De plus, lorsqu’il est mis
en contact avec des plaquettes,
le resvératrol pénètre dans
ces plaquettes et inhibe leur agrégation.
UN EFFET VASCULO-PROTECTEUR
29Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
s t-il bon pour la santé ?
SPÉCIAL NUTRITIONUN PEU D’HISTOIRE...
30 Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
Les particuliers font leur marché sur la ceintureverte entourant la ville où l’on trouve céréales,choux, raves, navets, fèves, vignes, ainsi que des
produits de provenance variée, comme l’huile d’olive deMajorque, les vins de Beaune, etc. Le bétail arrive surpied pour être vendu aux boucheries de Saint-Germain,du Châtelet et de Sainte-Geneviève.
Les grands nobles et les monastères disposent de vé-ritables complexes culinaires comprenant un vivier, unpoulailler, des lieux de stockage, une aire de boucherie,des potagers et vergers, et de grandes cuisines équipéesde fours, de cheminées à crémaillère, d’alambics… Lesréserves doivent permettre de tenir au moins une année,en cas de famine ou de guerre. Ceux qui ne disposentpas d’une cuisine déjeunent dans les auberges ou achè-tent des plats à emporter chez les « fourniers » quicuisent des petits pâtés sur leur four mobile.
Dans l’antre du cuisinierDans les milieux modestes, c’est la femme qui cuisine,tandis que chez les nobles, cette fonction est réservéeaux hommes. Le cuisiner en chef, ou « maître queux »,dirige un bataillon de sauciers, tourne-broches, souf-fleurs, récureurs de pots… qui peut aller jusqu’àsoixante-dix personnes. Pour la préparation des mets,il s’appuie sur des traités de cuisine ou de médecine :les premiers livres de recettes apparaissent en Occidentau cours du XIIIe siècle. « Le cuisinier en chef travaille
en collaboration avec le médecin et l’apothicaire, car la
diététique tient une place très importante dans la cuisine
au Moyen Age. Le régime, fondé sur les humeurs, varie
en fonction de l’âge, de la complexion et de la saison. La
composition du sang, que l’on pense constitué de bile jaune
ou mélancolie, sang, phlegme et bile noire ou humeur
colérique, résulte, selon les croyances de l’époque,
des différents mets consommés. Ceux-ci sont classés en
catégories : “chauds” ou “froids”, “secs” ou “humides” »,
explique ainsi Danièle Alexandre-Biron, commissaire
Dans les monastèresou les châteaux, on
entassait des réservespour un an en cas defamine ou de guerre
(ci-dessus).
En dehors du pain,« l’aliment roi »,il fallait souvent
se contenter de plats bouillis
dans les milieuxmodestes (ci-contre).
de l’exposition « La cuisine au Moyen Âge ». Chaque catégorie inclut quatre degrés. Ainsi le
poivre, au quatrième degré de chaleur, ne conviendrapas à une personne colérique. Les champignons, au qua-trième degré de froideur, considérés comme presquedangereux, sont sautés aux épices qui sont à l’opposé.En hiver, il faut consommer davantage d’épices quiéchauffent ; les sauces sont donc de nature chaude, avecde la moutarde, du poivre, du gingembre, de l’ail ou du
RÉGIMES D’ANTAN Les préparations culinaires au Moyen Âge sont dictées par de nombreuses règles, qui prennent en compte la saveur des mets et la diététique,mais aussi la dimension symbolique des aliments. Sans oublier le statut social : la table du noble n’a pas grand-chose à voir avec celle du paysan. Isabelle Gonse
La cuisine au Moyen Âge,une savante alchimie
31Vendredi 20 octobre 2006 | numéro 2386 – pages spéciales
vinaigre, alors qu’à la belle saison, elles doivent êtrelégères, au verjus (jus de raisin cueilli vert), au jus degrenade, au sucre et à l’eau de rose.
Dans l’idéal, le cuisinier devait combiner les ingré-dients selon le dîneur et la saison : à un vieillard, detempérament froid, il faut servir des mets chauds,comme le sucre et le miel ; à un enfant, on ne doit pasdonner de sucreries… L’ordre des mets est censé faci-liter la digestion : aliments qui ouvrent l’appétit, puismets longs à digérer, plats légers et, enfin, fromage qui« enfonce » le repas.
Trop de viande et pas assez de légumesLe pain est « l’aliment roi ». Sans sel, au froment pourle riche et de seigle pour le pauvre, il est consommé sousdifférentes formes et entre dans nombre de recettes.Le vin jeune (il se garde au mieux un an en tonneau) etfaiblement alcoolisé est la boisson courante, par craintede boire de l’eau polluée. À la fin du Moyen Âge, laconsommation de viande atteint des niveaux records.Cependant, les morceaux ne sont pas les mêmes selonles catégories sociales. La noblesse est friande d’animauxjeunes, de viandes rôties ou grillées et de volailles, tan-dis que la masse des paysans doit se contenter de platsbouillis. Lait, œufs et fromages sont aussi consommésen abondance. Un bon fromage doit sentir fort commeLazare ! Un jour sur trois, l’église prescrit de « faire mai-gre » : seuls les poissons et les légumes sont permis.Tandis que les nobles se délectent de poissons ou decoquillages variés et frais (turbot, carpe, dauphin,civet d’huîtres…), le reste de la population se nourritde poissons séchés ou fumés (hareng, morue…).
Les végétaux sont hiérarchisés selon leur positionpar rapport à la terre. Les légumes, proches du sol (enparticulier les carottes et les tubercules) sont ainsi jugésinférieurs à tous les autres ingrédients, et les noblesne les apprécient pas. Ils sont surtout utilisés dans la préparation de bouillons, potages et porées (purées).Les fruits entrent dans la composition des mets et dessauces, et sont consommés crus en début de repas pourouvrir l’appétit, ou secs à la fin du repas. Les fleurs servent à aromatiser et à colorer les mets (pétales deroses dans les sauces, violettes dans les omelettes…).
La couleur attise en effetl’appétit et possède unevaleur symbolique, lejaune étant la couleur pré-férée, suivi du vert. Quantaux épices, elles caractéri-sent la cuisine noble. Ven-dues par les apothicaires,puis utilisées dans lesgâteaux, les boissons, etles sauces, elles sont trèsappréciées pour leurssaveurs et sont censéesfavoriser la digestion.Les épices préférées des
Français sont le safran, le gingembre et la cannelle.Sur les tables nobles, on sert parfois jusqu’à vingt plats,mais tout n’est pas consommé. Des spectateurs sontconviés pour assister au banquet, et les restes sontconsommés par les serviteurs et distribués aux portesdu palais, car l’aumône aux pauvres est une obligationdictée par l’Eglise. Chacun est servi selon sa hiérarchiesociale, et pour éviter d’être empoisonné, les princes onttous leur goûteur personnel (qui doit être un proche).Les moindres fêtes sont prétexte à organiser un ban-quet et à exprimer son pouvoir ou sa foi, à décider desguerres ou des croisades.
Le nombre de calories quotidien dépasse celuique nous jugeons convenable aujourd’hui, pouvantatteindre jusqu’à 5 000 pour un marin ou un soldat.Les maladies nées d’une cuisine trop riche sont claire-ment identifiées au début du XVIe siècle dans un texteintitulé La condamnation de banquet : apoplexie, goutte,colique, calculs rénaux, hémorroïdes… Les alimentspurgatifs et vomitifs, la pose de sangsue, de ventousesou le clystère sont couramment utilisés. Contre l’obésité– qui ne porte pas encore son nom –, on préconise lejeûne un jour sur deux, la privation de matières gras-ses ou la consommation d’aliments amaigrissants. �
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CUISINE SUR ORDONNANCEDès le XIVe siècle, la diététique joue un rôle primordial dans l’alimentation. Enfants,femmes enceintes, nourrices, veuves, mais aussi soldats, paysans et voyageurs,chacun se voit conseiller une alimentation différente par son médecin, sa sage-femme ou son apothicaire. Pour encourager la conception, des « soupes » de painau vin ou du potage de poireau sont de rigueur. On pense qu’une femme est stérileparce qu’elle mange de la viande de mauvaise qualité ou des nourritures tropaigres. La nourrice ne doit pas boire trop de vin ni manger trop d’ail et d’oignon…La laitue lui est prescrite pour son nom, qui évoque la lactation. Les maladessont désaltérés d’eau de noisettes, de tisanes d’herbes ou d’orge, de chaudeau(bouillon de tripes ou de viandes) plutôt que de lait de vache, considéré comme tropindigeste, et leur alimentation est riche en beurre, aliment de carême jugé curatif.On prescrit du fenouil contre les calculs de la vessie, des châtaignes contre les mauxde foie ou d’estomac, des potages de lentilles contre les diarrhées… et du serpoletqui, appellation oblige, passe pour protéger contre le venin des serpents.
POUR EN SAVOIR PLUSA visiter : L’exposition « La cuisine au Moyen Age » :� Jusqu’au 5 novembre 2006 :
Tour Jean-sans-Peur,
20, rue Etienne Marcel,
Paris IIe.�Du 15 novembre
au 12 janvier à Périgueux.�De mi-avril à mi-août 2007
à Castelnau.� En septembre
à Manosque.�D’octobre à décembre
à Livry-Gargan.
À lire :�« Manger au Moyen Âge »,
par Bruno Laurioux,
éd. Hachette Littérature,
coll. La vie quotidienne. �« Une archéologie
du goût », par Danièle
Alexandre-Biron,
éd. Picard, 2005.
Tandis que le commundes mortels se contentaitde poisson séché, les noblesse délectaient de turbot fraisou de carpe.
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