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Modes Alternatiifs de Reglements des Conflits
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Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 19 novembre 2011
Supplément juridique
Modes Alternatifs de Règlement des
Conflits(MARC’s)
Procès
Médiation
Droit collaboratif
JusticeConciliation
3Dossier RGP - MARC’s
Sommaire
Avant-propos
SUPPLÉMENT GRATUIT À LA LIBRE BELGIQUE RÉALISÉ PAR LA RÉGIE GÉNÉRALE DE PUBLICITÉ - 19 NOVEMBRE 2011Rue des Francs,79 - 1040 BruxellesTèl:02.211.28.49 - Fax:02.211.28.70
EDITEURS RESPONSABLES:Emmanuel DENIS, Henry VISART
COORDINATION ET PUBLICITÉ:Luc DUMOULIN (02/211 29 54)
luc.dumoulin@saipm.com
RÉDACTEURS:Dominique CLAES, Thibaut COLIN,
Marc DAL, Stéphanie DAVIDSON,
Patrick DE WOLF, Laurence DURODEZ,
Olivier d’URSEL, Roland FORESTINI,
Sophie JACMAIN, Maurice KRINGS,
Gérard KUYPER, Didier MATRAY,
Jean Pierre RENARD, Fabian TCHÉKÉMIAN,
Jean-François VAN DROOGHENBROECK,
Patrick VAN LEYNSEELE.
COORDINATION: Laurence DURODEZ
MISE EN PAGE: Azurgraphic sprl
PHOTOS: www.Photos.com,© Bénédicte Maindiaux
INTERNET: www.lalibre.be
Comment résoudre au mieux un différend ? Sans trop perdre de temps et d’argent si possible… C’est un dilemme auquel nombre d’entreprises se
trouve ou se trouvera confronté. Engager un procès est souvent le premier refl exe car nous pensons tous que le juge dira qui a raison et qui a tort et qu’après tout sera résolu ! Mais avant de franchir le pas et d’enga-ger une démarche judiciaire, les questionnements sont nombreux. Combien de temps va durer la procédure ? Combien va me coûter mon avocat ? Et si le juge me condamne ? L’enjeu en vaut-il la peine ? Est-ce une bonne publicité pour ma société ?
Y-a-t-il d’autres alternatives ? OUI. Existe-t-il une solution miracle ? NON.
Depuis plusieurs années se développent dans toute l’Europe de nouvelles manières de régler ou de dépas-ser les confl its voire de les prévenir. On les appelle les modes alternatifs de règlement des confl its ou MARC’s. Les MARC’s constituent un ensemble de dispositifs et de pratiques qui se distinguent des procédures judiciaires « classiques » et les complètent.
On pense immédiatement à l’arbitrage, à la médiation ou à la conciliation… mais les MARC’s sont bien plus
nombreux, d’autant plus qu’il est possible de les alterner, de les panacher … pour apporter la Solution au litige, celle qui prendra au mieux en compte les intérêts respec-tifs des parties en cause. Aussi, certains n’hésitent pas à parler de Mode Approprié de Règlement des Litiges.
Alors que l’arriéré judiciaire est de plus en plus abyssal, il nous est apparu nécessaire de faire le point sur les MARC’s en réunissant autour d’une table ronde d’éminents spécia-listes pour en débattre : Quels sont les différents MARC’s ? Comment choisir celui qui convient le mieux à mon litige ? Est-ce vraiment une solution sur mesure ? Quel sera mon rôle en tant qu’entreprise ou particulier dans ce processus ? Encadré par le Vice-président du CEPANI (Centre belge pour la pratique de l’arbitrage national et international), Mon-sieur Didier Matray, vous pourrez lire dans les pages sui-vantes le compte-rendu de leurs échanges. Les éclairages proposés par ces praticiens des MARC’s vous donneront autant d’éléments de réponses et de réfl exion si d’aven-ture un différend venait à se profi ler … Enfi n, de nombreux articles viennent compléter ce débat en abordant plus en profondeur certains aspects spécifi ques des MARC’s.
Bonne lecture à tous,
Laurence Durodez
Page 3: Avant - propos
Pages 4 à 14 : Compte rendu de la table ronde
Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ou les avantages comparés des MARC’s
Page 15 : Les nouvelles stratégies de règlement des confl its
Page 16 :Il vous rappellera tout
Page 18 :La conciliation fi scale : vers une évolution de l’esprit du contentieux
Page 20 :Investissements en Afrique : la sécurité OHADA
Page 22 :L’arbitrage en question (s)
Page 24 :Restructuration d’entreprise et Conciliation sociale : l’impossible défi ?
Page 26 : Extension du domaine de l’arbitrabilité des litiges
Page 28 :MARC’s : Panorama
Page 30 :L’arbitrage : les avantages d’une justice privée
4Dossier RGP - MARC’s
Table ronde
Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès
ou les avantages comparés des MARC’sPour ce dernier supplément de l’année 2011, nous avons eu le plaisir d’accueillir Monsieur Didier Matray,
Vice-président du Centre belge pour la pratique de l’arbitrage national et international (CEPANI). Il nous a
fait l’honneur d’animer notre table ronde réunie le 24 octobre dernier sur le thème des Modes Alternatifs de
Règlement des Confl its (MARC’s), débat lancé par cette phrase en forme de boutade « Un mauvais arrangement
vaut mieux qu’un bon procès ! »
Les intervenants de la table ronde organisée le 24 octobre dernier
De gauche à droite: Luc Dumoulin (RGP), Jean-François Van Drooghenbroeck (Nauta Dutilh),
Olivier d’Ursel (van Cutsem Wittamer Marnef & Partners), Dominique Claes (Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte),
Didier Matray (CEPANI), Patrick Van Leynseele (Dal & Veldekens), Jean Pierre Renard (Verhaegen Walravens),
Thibaut Colin (Cabinet Forestini), Fabian Tchékémian (De Wolf & Partners), Maurice Krings (Krings Law),
Laurence Durodez (LexGo.be)
« »
5Dossier RGP - MARC’s
Table rondeLes avantages comparés des MARC’s
Didier MATRAY
CEPANI
Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte
Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners
Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens
Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh
Laurence DURODEZ
LexGo.be
Maurice KRINGSKrings Law
Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens
Thibaut COLINCabinet Forestini
Didier Matray Pour nos lecteurs, je propose de rappeler brièvement ce que sont les Modes Alternatifs de Règlement des Confl its ou MARC’s. Il s’agit de mécanismes alternatifs au pro-cès, à la disposition des parties dans le cadre d’une démarche volontaire pour trouver une solution au confl it qui les oppose. Sont notamment concernés l’arbitrage, la médiation ou encore la conciliation, la tierce décision obligatoire, la négociation ou le droit collaboratif. Dans les limites du respect de l’ordre public, les MARC’s peuvent être pratiqués dans tous les domaines de la vie des affaires: droit des sociétés, droit commercial, droit social, droit civil, et même, dans une certaine mesure, droit fi scal … Nous avons la chance d’avoir autour de la table des spécia-listes de toutes ces matières. Aussi, je souhaiterai vous poser une question très simple qui permettra de rentrer dans le vif du sujet : quels sont selon vous les avantages ou les bienfaits des MARC’s par rapport à l’activité judiciaire ?
Patrick Van Leynseele Il y a beaucoup d’avantages. Le
premier avantage est d’éviter les tribunaux. Cela signifi e éviter
des procédures souvent lourdes, parfois inutilement lourdes,
qui sont presque toujours très lentes et qui compte tenu du
temps qu’elles prennent, peuvent se révéler fort coûteuses.
L’essentiel est là. Tout mode de résolution de confl it autre que
le mode judiciaire vaut la peine d’y réfl échir. Il faut se rendre
compte qu’il y a moyen de résoudre les confl its autrement
qu’en faisant appel à Monsieur le Juge. D’éminents magistrats,
aux Etats-Unis comme en Europe disent « avant d’arriver de-vant les tribunaux, vous devriez avoir tout essayé pour les éviter ; le tribunal ne devrait être que l’ultime recours quand vraiment, après avoir essayé tout le reste, vous n’avez pas réussi à résoudre votre confl it. ». Voilà une philosophie que
j’aime bien. Elle sous-tend toute la matière des MARC’s.
Olivier d’Ursel Il y a une multitude de manières de ré-
soudre des confl its. Mais il s’agit de choisir le mode le plus ap-
proprié aux besoins des parties. C’est très important. Si la voie
judiciaire est un mode de résolution, qui dans certains cas peut
être le bon, il est probable que dans la grande majorité des cas,
il ne soit pas le bon parce qu’il ne correspond pas à ce que
recherchent les parties. Les MARC’s ne visent pas à éviter le
confl it, ce qui en soit est quelque chose de positif, mais visent
à lui apporter une solution adaptée aux besoins des parties.
Fabian Tchékémian Pour ma part, je vois trois avantages
et un petit bémol. Avantages : rapidité, fl exibilité, maîtrise du
fond et des coûts, - et un petit bémol c’est qu’il faut à mon sens
relativiser les avantages théoriques que je viens de citer par
rapport à l’expérience pratique qui amène, malheureusement
à certains égards, à devoir revoir ces avantages.
Maurice Krings Le procès implique inéluctablement une
dramatisation des rapports entre les parties. Les parties, par
hypothèse, ont conclu un contrat, sont arrivées à avoir des
divergences sur ce contrat. Ces divergences se cristallisent au
stade de certaines demandes ou de défenses. Puis c’est la rup-
ture qui mène à la citation en justice. C’est la dramatisation
de la situation. On bascule d’une logique d’écoute de l’autre
à une logique de confl it : « je veux avoir raison et je veux que quelqu’un dise que l’autre a tort. ». L’arbitrage a comme
avantage qu’il permet ne fut-ce qu’au stade de l’élaboration
de l’acte de mission de donner la possibilité de dire aux par-
ties : « au regard du contentieux qui vous oppose, n’y a-t-il pas un certain nombre de points préalables qu’on pourrait éventuellement résoudre ? Parce que si ces points préalables étaient résolus, vous pourriez peut-être vous entendre sur toute une série de conséquences qui s’en déduisent ? »
C’est une des vertus de la sentence partielle en matière d’arbi-
trage. La sentence partielle est celle par laquelle l’arbitre ré-
pond à un certain nombre de questions préalables sur la base
desquelles les parties pourront, le cas échéant, résoudre elles-
mêmes le solde de leur confl it.
Dominique Claes En matière de droit social, je dénonce-
rai la totale inadéquation du judiciaire par rapport aux confl its
sociaux. Le droit social est pionnier de la conciliation. On uti-
lise d’ailleurs les termes de « partenaires sociaux ». Le judiciaire
n’a donc pas à s’immiscer dans une relation qui, par défi nition,
doit avoir lieu entre les partenaires. Le seul avantage du judi-
ciaire dans un confl it collectif du travail est qu’il parvient à faire
respecter certains droits fondamentaux. C’est la seule utilité
du judiciaire notamment dans une situation de privation de
liberté à l’occasion d’initiatives syndicales où là, effectivement,
le judiciaire retrouve sa place pour faire respecter ces droits
fondamentaux.
Jean Pierre Renard Pour illustrer les avantages des
MARC’s, je voudrais citer un proverbe chinois « Gagner un pro-cès, c’est acquérir une poule en perdant une vache ». Il fau-
drait le mettre au fronton de tous les tribunaux du royaume !
Quelque soit le résultat d’une procédure judiciaire, son coût et
sa durée – qui viennent d’être mentionnés -, je voudrais sou-
ligner l’incertitude de l’issue d’un procès, paramètre que les
chefs d’entreprise ne supportent pas! Ajoutons que les modes
alternatifs permettent d’être très rapidement sur la balle pour
rappeler aux personnes qui vivent le confl it, qu’il faut impéra-
tivement trouver une solution constructive parce qu’il y a tou-
jours un après judiciaire. Et, il faut constater que dans le cadre
des modes alternatifs, les continuations d’activités sont bien
plus nombreuses. En effet, quand les deux parties sont arrivées
à une solution, après s’être bien dit les choses en face, elles
vont continuer à vivre à deux, elles vont continuer à faire du
commerce à deux ... tandis que dans un confl it où un tribunal
va dire : qui a raison et qui a tort ...en général, c’est fi ni. C’est
un autre problème du judiciaire par rapport aux MARC’s.
Thibaut Colin La conciliation fi scale est récente
puisqu’elle est vraiment opérationnelle depuis le 1er juin
2010. Son effi cacité devra donc être prouvée. Mais, elle pré-
sente toutefois deux grands avantages : d’abord elle permet un
6Dossier RGP - MARC’s
Table ronde Les avantages comparés des MARC’s
Didier MATRAY
CEPANI
Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte
Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners
Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens
Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh
Laurence DURODEZ
LexGo.be
Maurice KRINGSKrings Law
Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens
Thibaut COLINCabinet Forestini
débat plus constructif entre l’administration fi scale et le contri-
buable, alors que parfois chacun campe sur sa position. De
plus, les tribunaux et les cours en matière fi scale sont vraiment
submergés (les premières dates d’audiences sont fi xées en
2014-2015), dès lors au niveau de la bonne administration de la
justice il faut clairement trouver des solutions. La conciliation
fi scale devrait résorber une partie de l’arriéré judiciaire qui est
galopant. Enfi n au vu de l’actualité économique mondiale, il
va falloir clairement faire entrer de l’argent dans les caisses de
l’Etat et la conciliation fi scale est une des réponses à apporter !
Jean-François Van Drooghenbroeck Pour mesurer
les avantages et les inconvénients de chacun des MARC’s, je
voudrais distinguer les modes alternatifs au jugement et les
alternatives au juge. Par ‘alternatives au juge’, j’entends que
le processus de décision reste le même : un tiers tranche un
litige dans le respect plus ou moins étendu de la contradiction.
On songe à l’arbitrage, à la tierce décision. Les avantages se
mesurent alors surtout en termes de résultats : la qualité, la
prévisibilité, la confi dentialité et avec un point d’interrogation,
la célérité. Quant aux avantages des ‘alternatives au jugement’,
où là l’innovation est plus spectaculaire encore puisqu’il est
question d’une réappropriation de la décision par les parties
elles-mêmes, les qualités sont partiellement identiques et par-
tiellement différentes : sérénité et réappropriation de l’histoire
litigieuse.
Didier Matray Je retiens plusieurs points qui méritent de retenir l’attention. D’abord, l’idée selon laquelle, il faut toujours choisir le mode le plus approprié. Aucun mode alternatif n’est en soi une panacée. Vous avez également souligné que dans les modes alternatifs au jugement, il y a une réappropriation du litige par les parties. C’est un élément distinctif très intéressant de l’approche proposée par les modes alternatifs. Revenons brièvement sur ces deux points.
CONSTRUIRE LA SOLUTION ADAPTEE A SON PROPRE LITIGE
Jean-François Van Drooghenbroeck La meilleure ma-
nière de mener les parties à une solution pour un litige qui les
oppose est de les aider à en mesurer elles-mêmes les tenants et
aboutissants. Et, pas à pas, sous l’égide bienveillante d’un mé-
diateur ou d’un conciliateur, de construire une solution dont
elles ne se dépossèdent pas et maîtrisent mieux les tenants et
aboutissants. Cela garantit la pérennité de la solution. Mais, pa-
radoxalement, c’est précisément cette réappropriation qui peut
faire peur dans la médiation. Chacun s’accorde sur les mérites
de la médiation mais pas pour soi ! On constate une angoisse
de s’abandonner dans son litige et le risque peut-être de voir
triompher la loi du plus fort à son détriment. Donc, il y a une
sorte de paradoxe dans cette réappropriation : elle fait peur.
Pour la célérité, là aussi un petit paradoxe : au regard des
statistiques moyennes, l’arbitrage -pour ne parler que de lui
- est un mode globalement plus rapide que le litige judiciaire
notamment parce qu’il est sur mesure et que l’appel est peu
fréquent, voire interdit. Mais paradoxalement l’arbitrage est,
en tout cas en Belgique, moins bien équipé pour tenir le choc
de l’urgence. Il n’existe pas encore (je ne dis pas encore parce
qu’il existe peut-être des réfl exions au Cepani notamment),
d’Emergency Arbitration, c’est-à-dire la possibilité pour les
arbitres de pouvoir ordonner des mesures conservatoires, qui
ne peuvent souffrir le moindre délai. C’est un peu le paradoxe,
le choc de l’urgence n’est pas encore assumé par l’arbitrage
belge !
Didier Matray Effectivement, la Chambre de Commerce Internationale a modifi é son règlement et, à partir du 1er jan-vier 2012, des arbitres «d’urgence» pourront être désignés. Le CEPANI, le Centre belge pour la pratique de l’arbitrage national et international, a mis la question à l’étude. Mais pour l’ins-tant, il existe une complémentarité effi cace entre les modes alternatifs et le pouvoir judiciaire: les procédures de référé per-mettent aux Présidents de tribunaux d’ordonner très rapide-ment des mesures provisoires par le moyen de décisions qui sont immédiatement exécutoires. Même si l’on prévoyait dans le règlement d’arbitrage du CEPANI un arbitre d’urgence, il ne faudrait pas, à mon sens, exclure pour autant de façon géné-rale tout recours au référé. Revenons à la réappropriation du litige, qu’en est-il en matière fi scale ?
Thibaut Colin Lorsqu’il fait appel à la conciliation fi scale,
le contribuable n’abandonne pas la possibilité de porter le
litige devant des magistrats. C’est une distinction importante
par rapport à d’autres MARC’s. C’est une procédure qui est
distincte de l’arbitrage, puisqu’elle n’est pas contraignante,
et également de la médiation puisque l’objectif n’est pas vrai-
ment d’arriver à un compromis où chacun va devoir lâcher du
lest même si on peut y arriver et y tendre ; ce qui est impor-
tant c’est de tenter d’arriver à un compromis et surtout à le
faire admettre. Souvent, le contribuable voit l’Etat comme un
« vieux voleur » et donc faire admettre que parfois il a tort,
que ce soit pour l’administration ou pour le contribuable, c’est
forcément important.
Didier Matray La conciliation n’a-t-elle pas ses limites dans la mesure où la loi fi scale est d’ordre public ?
Thibaut Colin C’est un point important. La conciliation
ne peut pas amener à une exemption de l’impôt, ni à une
réduction, ni porter sur un point d’interprétation. Le service
des conciliations fi scales n’a pas de pouvoir d’interprétation
de la loi fi scale. Il ne peut pas trancher de questions de droit.
La conciliation porte généralement sur des questions de faits
comme par exemple : le caractère non déductible, non profes-
sionnel d’une dépense, tout ce qui est relatif au recouvrement.
Beaucoup de demandes portent sur des questions de recou-
vrement ou bien sur la taxation judiciaire
7Dossier RGP - MARC’s
Table rondeLes avantages comparés des MARC’s
Didier MATRAY
CEPANI
Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte
Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners
Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens
Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh
Laurence DURODEZ
LexGo.be
Maurice KRINGSKrings Law
Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens
Thibaut COLINCabinet Forestini
Didier Matray Avez-vous une idée des statistiques de recours à la conciliation ?
Thibaut Colin Depuis le 1er juin 2010, le service de conci-
liation fi scale a traité plus de 3.000 demandes. C’est un chiffre
encore faible pour la simple raison que beaucoup de contri-
buables et même certains fi scalistes ignorent cette procédure.
Parmi les demandes un grand nombre concernent le recou-
vrement. Mais, certaines demandes ne sont pas de véritables
demandes de conciliation mais simplement des demandes de
contribuables qui se retrouvent dans ce service pour un rensei-
gnement qui n’a rien à voir avec de la conciliation fi scale ! C’est
un processus qui doit encore mûrir pour pouvoir faire le point
dans un an, deux ans ou plus.
Jean Pierre Renard Je reviens sur l’aspect « célérité » pour
signaler que Bruxelles est un cas particulier. Mais, si on fait le
calcul par rapport à l’arbitrage ou à d’autres mesures, la voie
judiciaire me paraît toujours nettement plus longue. Quant à
la palette des modes alternatifs, je voudrais mentionner « le
protocole de négociation préparé par Barreau de Bruxelles ».
Il contient notamment les négociations directes avec la confi -
dentialité et la suspension des procédures, ainsi que les diffé-
rents recours à des tiers. S’agissant de trouver les mesures les
plus appropriées pour régler un différend, on s’aperçoit que
le choix est vaste : recours à un expert, évaluation juridique
indépendante, recours au médiateur, recours au conciliateur
et accord transactionnel avec fi n du processus. Le « protocole
de négociation préparé par le Barreau de Bruxelles » est une
« convention pré-faite » dont l’objectif est d’aider à la résolu-
tion du confl it. Mais, le gros problème est celui de l’informa-
tion et du changement de mentalité. Les avocats ne sont mal-
heureusement pas encore suffi samment formés pour inciter
leurs clients à la médiation. Ou bien la raison est qu’ils sont
consultés trop tard, mais il est très clair aussi qu’un avocat
pense plutôt au contentieux ! Il faut donc leur apprendre ce
qu’est une médiation. Il est intéressant de constater qu’après
être passé par la médiation, autant les avocats que les clients
disent : « c’est une merveille » ; par contre ceux qui n’y sont
pas encore passés ont une espèce d’appréhension de se dire :
« mais qu’est-ce que c’est ?». L’information est donc essentielle !
Fabian Tchékémian Sur la célérité, il faut relativiser. A
Bruxelles, aujourd’hui si on introduit une procédure devant
un tribunal de commerce réputé pour ne pas avoir beaucoup
d’arriérés, il faut compter 18 mois entre la date d’introduc-
tion et la date de plaidoirie avec parfois des mises en état très
courtes. Avec des délais de mises en état de 6 mois, deux jeux
de conclusions par partie, s’il n’y a que deux parties, il faut
ajouter un délai d’attente de plus ou moins un an avant de
pouvoir plaider. Si on compte la faculté d’appel rarement pré-
vue en matière de MARC’s, le délai est d’environ 4 à 5 ans de
procédure judiciaire pour avoir une décision défi nitive. Au ni-
veau de la célérité le mode alternatif, de par le fait qu’il est par
essence plus court et ne fut-ce que parce qu’il n’a pas souvent
double degré de juridiction, peut aider.
S’agissant du fait qu’aucun mode de règlement, qu’il soit judi-
ciaire ou autre, ne soit la panacée, nous sommes bien d’ac-
cord. Il faut pouvoir panacher tout ou partie de ces modes
alternatifs ou judiciaires. Parfois, le recours unilatéral au juge
peut être une bonne chose notamment pour démarrer dans
des situations extrêmes et pour provoquer soit la concertation
soit la conciliation, ou pour déboucher sur un arbitrage ou une
médiation. Tout est dans tout. Il faut pouvoir, le cas échéant,
panacher, en utilisant tous les modes à disposition, ou en choi-
sir certains par rapport à l’intérêt du client ou par rapport à
l’enjeu lui-même.
En ce qui concerne la réappropriation du litige par les parties
dans le cadre d’un mode alternatif, tout dépend aussi de la
personnalité du client et de son réel souhait de s’impliquer.
Certains s’impliquent beaucoup dans leur dossier judiciaire
et font 80 % du travail à la place de leur avocat, alors que
d’autres pas. Et, inversement dans les modes alternatifs, cer-
taines personnes sont extrêmement craintives parce qu’elles
ont l’impression de se mettre à nu devant un tiers et ont plus
confi ance dans le juge. Ce peut aussi être un frein à certains
moments. Il y a beaucoup de choses à relativiser dans un cas
comme dans l’autre.
Olivier d’Ursel La réappropriation du litige me paraît im-
portante. Elle se situe sur l’ensemble de la relation qu’auront
les parties. En s’impliquant, toute partie a la faculté - si évidem-
ment son adversaire joue aussi le jeu -, de faire avancer plus
rapidement la résolution du litige. Mais, surtout elle a la faculté
aussi de l’exécuter d’une manière plus adéquate puisqu’elle
aura elle-même dans le cadre de la médiation, construit la solu-
tion du litige. Elle sera donc probablement plus motivée pour
l’appliquer. La réappropriation du litige passe par la réappro-
priation de l’ensemble des relations : une fois que le litige aura
été résolu, les relations peuvent continuer de manière plus
harmonieuse voire plus amicale dans la durée. C’est dans ce
sens qu’on peut parler d’une relation durable. Un des objectifs
des MARC’s, quels qu’ils soient, est de permettre une relation
à plus long terme, et plus elle va permettre d’élever le regard
des parties, plus le terme de la relation sera long.
Jean Pierre Renard Je rebondis en qualité de juge sup-
pléant. En effet, il est possible comme arbitre dans l’acte de
mission de déterminer avec les parties le cadre dans lequel
on va décider. Mais, le juge est, lui, coincé par une citation et
par ce que les parties vont demander. Il ne peut pas aller au-
delà de ce qui lui est soumis. La frustration qui est la mienne
comme juge suppléant est importante. Souvent, on se dit que
le jugement ne va pas résoudre le problème, ou en tout cas
que la question est mal posée et que ce n’est pas ainsi qu’elle
sera résolue.
8Dossier RGP - MARC’s
Table ronde Les avantages comparés des MARC’s
Didier MATRAY
CEPANI
Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte
Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners
Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens
Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh
Laurence DURODEZ
LexGo.be
Maurice KRINGSKrings Law
Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens
Thibaut COLINCabinet Forestini
Didier Matray En droit social, je voudrais revenir un instant sur l’idée que le judiciaire n’est pas adapté au confl it collectif. Pourtant, l’absence d’un magistrat indépendant et impartial ne pourrait-il avoir pour conséquence que les parties au confl it poussent leurs avantages par le recours à la voie de faits, parfois même la violence ? Dans la vie en société, le règle-ment judiciaire est une forme de garantie du maintien de la démocratie. Là où il n’y a pas de pouvoir indépendant extérieur pour contrôler les abus ou en tout cas pas suffi samment, n’y a-t-il pas un risque d’atteinte aux valeurs fondamentales de notre société ?
Dominique Claes Il faut faire le constat : la concertation
est de plus en plus ébranlée par les voies de faits répétées.
Prenons le droit de grève. Principe fondamental pour les tra-
vailleurs de faire entendre leur point de vue. Les cours et les
tribunaux, lorsqu’ils sont saisis pour des voies de faits comme
des piquets de grève, se montrent de plus en plus tolérants
tant que les piquets de grève restent un mode d’expression
pacifi que du droit de grève. Par contre, les cours et tribunaux
ont des diffi cultés à se positionner sur des faits de séquestra-
tion. Le judiciaire est fort inadapté. Avec une ordonnance du
Président du tribunal de première instance sur requête unila-
térale, ordonnant le libre accès à l’usine, la libre circulation du
personnel et de ses dirigeants, comment faire respecter cette
décision de justice, lorsque vous avez 300 travailleurs devant
les portes ? Le judiciaire est peut-être une chambre d’échos
aux problèmes auxquels est confronté le management. Sou-
vent les décisions inappliquées sont utilisées comme moyen
de ramener les partenaires autour de la table. Mais, il faut sur-
tout éviter la banalisation des voies de faits. C’est un constat un
peu amer pour les praticiens du droit du travail de s’apercevoir
que les syndicats voient les piquets de grève et la séquestra-
tion comme un passage obligé pour aboutir à un accord ! Ceci
donne un ton un peu négatif des relations sociales collectives.
Mais, la note positive est que tous les confl its collectifs se ter-
minent par une solution négociée.
Didier Matray N’est-ce pas parfois alors la victoire du plus fort, même si dans un certain nombre de cas, il faut nuan-cer ? Mais, quand les parties sont face à face, un tiers neutre et objectif, indépendant et impartial, ne pourrait-il parfois mieux mettre fi n au confl it en tranchant le différend ?
Dominique Claes Le judiciaire sanctionne uniquement
un mode d’expression des travailleurs à un moment crucial
d’un confl it. Lorsque vous annoncez à 500 travailleurs que
demain ils seront chômeurs, on peut comprendre les mouve-
ments d’humeur. Malheureusement ils ne sont pas encadrés.
Le judiciaire ne va donc pas régler une restructuration, il n’en
a pas le pouvoir. Par notre ordre juridique en droit social, nous
sommes très bien organisés sur une structure paritaire, que ce
soit au niveau interprofessionnel au CNP, au niveau paritaire,
au niveau des commissions paritaires, au niveau de l’entre-
prise, dans les organes sociaux. Il y a suffi samment de relais
pour relancer la négociation et la concertation lorsqu’elle
échoue. Nous disposons d’ailleurs d’un instrument qu’il fau-
drait peut-être remettre au goût du jour, c’est le bureau de
conciliation au sein de commissions paritaires, et la désigna-
tion d’un conciliateur social par le Ministre de l’emploi. Pour
favoriser un règlement amiable à un confl it social, avant de
recourir au judiciaire ne pourrait-on pas imposer aux parties
d’abord de se faire entendre par un conciliateur social ? Et que
les parties aient l’obligation de suspendre toute mesure tant
du côté employeur que du côté des syndicats ?
Didier Matray C’est la question des outils. Quels sont les outils à la disposition des artisans des modes de résolution des confl its ? Notons une ouverture de plus en plus grande puisque la loi prévoit maintenant que si le juge estime à un moment donné que le judiciaire n’est pas la bonne méthode pour sortir du litige, il peut suspendre la procédure et proposer aux parties une médiation. Voilà quelque chose d’assez neuf qui témoigne d’un changement de mentalité important. La phase judiciaire aura été utile pour permettre de dégrossir toute une série de choses, et puis on peut terminer le litige par une conciliation ou bien par une médiation. De plus en plus, les tribunaux favo-risent les médiations, car aucun juge n’aime rendre une déci-sion qu’il va considérer comme conforme au droit, mais non-conforme à l’intérêt des parties ou plus généralement à l’équité.
Fabian Tchékémian Juste à une petite chose. On ne
s’est pas posé la question fondamentale, qui est plus théorique
et philosophique que pratique, à savoir qu’aujourd’hui nous
sommes dans une société où on confl ictualise beaucoup plus,
ou en tout cas où on rend publics plus facilement les confl its.
Avant, dans des systèmes plus communautaires, beaucoup de
choses se réglaient « en petit comité ». Aujourd’hui, les gens
vont pratiquement dans un cabinet d’avocats pour « acheter »
un procès. Alors, on se pose la question de savoir quelle est la
solution à apporter à ce confl it judiciaire ? Il y a donc peut-être
une question en amont qu’il faudrait se poser, qui est celle de
la source du confl it et celle de son règlement préalable avant
d’aller voir l’avocat.
Patrick Van Leynseele « Le juge tranche un litige, mais il ne le résout pas ». C’est une phrase prononcée par Marc
Juston1 qui résume assez bien ce qui a été dit ici.
Deux commentaires. D’abord, sur la célérité, méfi ons-nous
des amalgames ! Quand on pense célérité, on pense arbitrage
et on imagine que l’arbitrage est véritablement plus rapide que
les tribunaux. Non pas nécessairement et pas toujours, sauf s’il
n’y a pas de phase d’appel. Choisir l’arbitrage pour la célérité
est un mauvais argument parce que le risque est qu’il prenne
quand même beaucoup de temps. Par contre, pour les autres
MARC’s, ce peut être un énorme avantage. Quand je fais une
médiation, c’est un dossier qui dure deux mois et est terminé
au bout de deux mois… depuis le moment où j’ai reçu le pre-
mier appel pour me demander d’intervenir comme médiateur
1 le président (ou ex) du tribunal de grande instance
de Tarascon.
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10Dossier RGP - MARC’s
Table ronde Les avantages comparés des MARC’s
Didier MATRAY
CEPANI
Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte
Fabian TCHÉKÉMIANDe Wolf & Partners
Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens
Jean-François VAN DROOG-HENBROECKNauta Dutilh
Laurence DURODEZ
LexGo.be
Maurice KRINGSKrings Law
Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens
Thibaut COLINCabinet Forestini
dans le litige et le moment où le dossier se clôture, 3 fois sur
4 par un accord, 1 fois sur 4 par une absence d’accord. Ces
deux mois c’est quoi ? C’est le temps utilisé par les parties avec
l’aide du médiateur pour résoudre leur litige. Ici, je reprends
l’idée d’appropriation. C’est parce que le médiateur se place
entre les parties, qu’il travaille avec elles et arrive à ce qu’elles
se rendent compte qu’au fond le dossier n’est pas tout blanc
ou tout noir, et qu’il y a moyen de réfl échir de manière plus
constructive soit en choisissant quelque chose de gris soit en
se disant : « construisons ensemble quelque chose de totale-ment différent de ce que la solution juridique ou judiciaire donnerait. » Pourquoi ? Parce que la limitation des possibili-
tés n’existe pas. Un litige peut être résolu de très nombreuses
manières différentes. Certaines sont conformes à ce que pré-
voirait le Code civil, mais d’autres pas, non pas qu’elles soient
illégales mais parce que les parties peuvent construire autre
chose et renouer une relation ou mettre un terme à une rela-
tion autrement que de la manière dont le juge devrait le faire
parce qu’il est contraint d’appliquer les règles du droit
Maurice Krings Patrick Van Leynseele vient de le dire:
« on voit des arbitrages qui durent aussi longtemps si pas plus que des procédures au fond ». Je voudrais replacer le contexte.
Il y a des arbitrages dans lesquels les arbitres doivent prendre
connaissance de milliers de pièces ! Il est parfois plus réaliste
de se dire que des arbitres en prendront connaissance plus
sûrement que des juges qui doivent traiter le dossier parmi des
quantités d’autres. C’est sans doute un avantage de l’arbitrage
au delà de l’aspect célérité. Par ailleurs, l’arbitrage s’impose
parfois dans certaines situations. Fabian Tchékémian a parlé
précédemment de la publicité faite autour des procès. Le prin-
cipe de l’arbitrage et de la confi dentialité de tout ce qui s’y at-
tache, évite cette publicité. N’oublions pas que les entreprises
impliquées dans des arbitrages fi nanciers et industriels sont
par ailleurs des opérateurs qui se rencontrent dans une mul-
titude d’affaires. Par conséquent, si elles ont un confl it, elles
vont le résoudre par l’arbitrage car elles savent très bien que
demain elles seront ensemble sur une autre affaire !
PAS DE SOLUTION DECEVANTE, MAIS UNE SOLUTION ACCEPTEE
Jean-François Van Drooghenbroeck Dans le cadre de
la médiation, de la conciliation et du droit collaboratif, la réap-
propriation du litige est à la fois une vertu mais aussi un défi .
Vertu ? Parce que les modes alternatifs vont permettre d’abord
aux parties d’injecter dans le débat les éléments en nombre, en
qualité et en portée qu’elles ont souhaités. Combien de fois a-
t-on entendu comme avocat « le juge n’a rien compris » ? Vertu
également : réappropriation en termes de cadence. On n’est
pas face à un problème mort avec des solutions mortes qui
viennent 10 ans plus tard ! On est sur le vif, les parties sont maî-
tresses d’une certaine cadence qu’elles peuvent choisir, ralen-
tir, temporiser. Quel bienfait en termes de vertu ! Egalement
en termes de réappropriation, les seuils de tolérance sont
exprimés. Il n’y a pas de solution déprimante ou décevante. Il
y a de solution que celle qu’on a acceptée et sentie venir, avec
chacun nos seuils de tolérance. Et puis aussi, tout simplement
la fi erté du travail accompli. Plutôt que de maudire son juge, ici
il y a cette fi erté d’avoir la copaternité ou la comaternité d’une
solution qu’on a soi-même créée. De fait, on est plus enclin à la
respecter. Mais c’est aussi un défi , le pari de s’abandonner à la
résolution dans la réappropriation de son propre litige et de ne
pas avoir le confort du tiers décideur qui discrétionnairement
du haut de son pouvoir souverain va m’imposer une solution.
C’est une question de responsabilité et fi nalement c’est le pari
de la confi ance en soi et en l’autre.
Didier Matray Me Van Drooghenbroeck a évoqué le droit collaboratif. Quels en sont les avantages par rapport au pro-cessus de conciliation et de médiation ? Peut-être serait-il inté-ressant de donner une défi nition du droit collaboratif pour nos lecteurs ?
Patrick Van Leynseele La caractéristique du droit colla-
boratif est que chacune des parties choisit un avocat qui n’inter-
vient que pour trouver une solution négociée au litige. La pre-
mière condition évidemment c’est que les deux parties fassent
le choix de cette procédure de résolution et que les avocats ne
puissent intervenir que dans ce cadre-là. C’est en cela qu’on
l’appelle « collaborative » parce que permettant aux parties de
collaborer à la recherche d’une solution et quelque part de tirer
un maximum d’échelles de secours au cas où ça ne fonctionne-
rait pas. C’est un parti pris pour la solution négociée.
Olivier d’Ursel Le droit collaboratif, pourquoi est-ce
bien ? Mais parce qu’il donne un cadre à ce qui n’est rien
d’autre qu’une négociation de partie à partie assistée par des
avocats. Et pourquoi a-t-on besoin d’un cadre ? Tout d’abord
parce que ça rassure. Cela donne une assise contractuelle à la
confi dentialité qui est bien souvent un élément indispensable
pour que la négociation puisse avoir lieu. Grâce à cette confi -
dentialité, à la collaboration avec les avocats, à la compréhen-
sion du mécanisme, on peut aller au fond des choses ce qui
n’est pas toujours possible dans une négociation simplement
de partie à partie, voire même assistée par les avocats. On a
créé un cadre et tout le monde s’est mis d’accord sur ce cadre
sachant exactement à quoi s’en tenir.
Dominique Claes Par analogie en droit social dans les
relations collectives, il existe un concept proche : la Loi Re-
nault. Elle impose dans une première phase, à tous les par-
tenaires sociaux, d’instruire le processus de restructuration.
Durant cette phase, qui n’est pas délimitée dans le temps, les
représentants syndicaux ont le droit de faire valoir tous leurs
moyens de défense quant à un projet de restructuration. La
loi prévoit qu’au terme de cette phase d’instruction va démar-
rer une phase de négociation. Cette phase est par contre déli-
mitée dans le temps puisqu’elle est, en théorie, d’un délai de
30 jours. Et donc, à l’échéance de ce processus d’instruction/
négociation on arrive classiquement à un plan social, si tout
va bien.
11Dossier RGP - MARC’s
Table rondeLes avantages comparés des MARC’s
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CEPANI
Dominique CLAESTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte
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Jean Pierre RENARDVerhaegen Walravens
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Maurice KRINGSKrings Law
Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens
Thibaut COLINCabinet Forestini
Fabian Tchékémian Les avantages des différentes tech-
niques que nous venons d’évoquer impliquent nécessairement
que les parties soient de bonne foi. En effet, parce que parfois
- et c’est la grande différence entre l’arbitrage et le judiciaire où
on s’en remet à quelqu’un qui est investi d’une autorité et qui
tranche - dans les modes plus collaboratifs que ce soit le droit
collaboratif ou la médiation, on doit compter sur la bonne foi
du confrère et des parties. Si une des parties utilise ces tech-
niques comme mode dilatoire ou comme « enfumage », il peut
y avoir plus de dégâts in fi ne ! Un élément à apprécier : c’est la
bonne foi de l’interlocuteur !
LA REUSSITE DES MARC’S SUPPOSE LA BONNE FOI DES
PARTIES
Maurice Krings C’est vrai que dans les MARC’s, on n’ima-
gine pas des acteurs de mauvaise foi. En matière d’arbitrage,
les audiences ne sont pas uniquement des audiences de plai-
doiries à l’inverse de la procédure judiciaire où en réalité il y a
un paravent entre la partie, le juge et l’avocat. L’avocat raconte
l’histoire qu’il a mise au point avec son client, formalisée dans
des conclusions qui ont été peaufi nées etc. On a gommé tout
ce qui pouvait éventuellement être dangereux ou diffi cile à
défendre. Il y a un discours de plaidoirie parfaitement préparé
par l’avocat dont le juge doit se contenter. Quand on plaide de-
vant un juge 1 ou 2 heures, on est contents. Mais en arbitrage,
il n’est pas exceptionnel d’avoir des journées d’audience, d’au-
dition des parties ou de témoins, voire plusieurs jours. C’est
très diffi cile à ce moment-là de maintenir un discours de mau-
vaise foi. Dans l’arbitrage où on prend le temps d’écouter tous
les acteurs, la vérité sort toujours !
Patrick Van Leynseele La mauvaise foi en arbitrage, Me
Krings nous dit qu’il n’y croit pas beaucoup, qu’on arrive tou-
jours à la voir. En matière de médiation, une fois sur deux j’en-
tends les parties dire que l’autre est de mauvaise foi. Il y a tou-
jours de la mauvaise foi. En réalité, quand on taxe quelqu’un
de mauvaise foi bien souvent c’est parce qu’on ne le comprend
pas. On ne voit pas ce qui l’anime. Le dialogue qui peut être
instauré permet de balayer tout ça. J’ai très souvent eu des ac-
cords en médiation alors que les parties parlaient de mauvaise
foi au départ. Donc, je me méfi e. Ceci dit, je suis entièrement
d’accord pour dire que dans les MARC’s basés sur l’accord
des parties, la vraie mauvaise foi n’a pas sa place. Il faut faire
confi ance à un moment donné. Le médiateur, si réellement
il voit, sent, ou sait qu’il y a de la mauvaise foi, va lui-même
interrompre la médiation parce qu’il ne peut pas participer à
un processus biaisé, qui ne suit pas le cours normal. Il faut de
la collaboration et la mauvaise foi n’est pas compatible avec la
collaboration.
Didier Matray C’est un constat important. Tous les pro-cessus fondés sur l’accord des parties et la volonté des parties d’aboutir ne peuvent fonctionner si une des parties ne joue pas le jeu. Une limite est ainsi tracée. Mais voyez-vous d’autres obs-tacles au bon aboutissement des MARC’s?
Fabian Tchékémian Un autre inconvénient : le coût. Cer-
taines procédures sont jugées extrêmement coûteuses par les
parties, peut-être à tort, car il est vrai qu’il faut faire un bilan
entre plusieurs années de procédure et quelques jours ! Par ail-
leurs, vu le haut degré de spécialisation des intervenants, il est
clair que cela engendre un coût certain qui peut être dissuasif.
Il y a aussi l’aspect d’attente, parfois d’attente irraisonnée de
certaines parties sur la solution. Ceci notamment parce qu’on
leur a vanté les mérites des MARC’s. Et, de nouveau la diffé-
rence entre la pratique et la théorie. Parfois, on esquisse théo-
riquement un tableau des avantages et des inconvénients mais
en pratique on peut avoir une mauvaise surprise. Encore une
fois, il faut relativiser entre les attentes des uns et des autres
et le résultat pratique en fonction des intervenants et des élé-
ments du litige. Il peut effectivement y avoir un hiatus.
Olivier d’Ursel Il est certain que quand une partie est
de mauvaise foi, n’importe quel processus de résolution d’un
litige est ralenti. Mais, dans les MARC’s la mauvaise foi se verra
assez rapidement. Si réellement une partie est de mauvaise foi,
il faut abandonner évidemment le système ou bien le mettre en
veilleuse. La mauvaise foi ou la diffi culté d’accepter un système
alternatif existe mais le temps peut souvent aider aussi à accep-
ter. Au niveau des inconvénients - qui n’en est pas réellement
un mais plutôt un obstacle - je pense à l’engagement dans le
litige. C’est vrai qu’on perd, comme disait Me Van Drooghen-
broeck, l’avantage de se dire « maintenant je confi e tout à un juge et puis je ne m’en occupe plus ». Rares sont les personnes
qui peuvent le faire, qui ont ce détachement par rapport au
litige. Autre inconvénient qui est quelque part le revers, mais
que je vois comme un avantage, c’est la responsabilisation
des parties dans le processus. C’est certain qu’au départ on
peut être réticent, et puis au fur et à mesure de l’évolution du
processus on fait un travail sur soi-même, sur le dossier et sur
l’adversaire, qui fait qu’on arrive à une solution.
Jean Pierre Renard Un inconvénient notamment sur
un point précis. En matière de «procédures collectives » pour
parler de manière générale, nous avons un problème en ma-
tière de médiation. En effet, imaginons qu’on représente 200
personnes, en face se trouve celui qui veut négocier. Il va se
poser la question suivante « La médiation d’accord, mais que se passe-t-il s’il a encore 100 autres personnes dans la même situation ? ». C’est un inconvénient. A cet égard, les hollandais,
qui sont des gens pratiques, ont déjà trouvé la solution. Ils ont
une espèce de « class mediation » c’est-à-dire qu’une fois qu’on
a un accord avec un certain nombre de personnes, on peut dé-
poser cet accord auprès du tribunal et celui-ci sera opposable
(je passe les détails) aux autres parties qui se trouvent exac-
12Dossier RGP - MARC’s
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tement dans les mêmes situations. C’est à mon sens le point
sur lequel on doit réfl échir. L’absence de « class mediation » a
souvent conduit à l’échec de nombreuses médiations.
Patrick Van Leynseele Sur les inconvénients, je crois
qu’il ne faut pas trop faire d’amalgames. Chaque mode de ré-
solution des confl its a ses avantages et ses inconvénients. La
médiation a comme inconvénient que statistiquement une fois
sur quatre ça rate. C’est quand même un gros inconvénient !
Le système de l’ombudsman dont on n’a pas encore parlé
a un inconvénient : on n’est jamais très sûr que ce tiers soit
neutre et indépendant parce que même s’il est là pour aider
à résoudre un confl it entre utilisateur d’un service public et
le service public, il est quand même payé tous les mois par le
service public ! L’arbitrage a comme inconvénient que ça coûte
cher et que ça peut durer longtemps. Le droit collaboratif et
le protocole de négociation dont on parlait tout à l’heure ont
comme inconvénient que ce n’est jamais qu’une négociation,
et une négociation n’est pas forcée d’aboutir. Il y a toujours
des inconvénients. C’est précisément la raison pour laquelle
les parties et leurs avocats doivent passer en revue « tous les
modes de résolution des confl its » avant de s’embarquer ou
d’accompagner leur client dans un des modes, qu’il soit judi-
ciaire, non-judiciaire, qu’il soit arbitral ou qu’il soit de négocia-
tion. Il faut voir ce qui convient à son client et qui conviendra
probablement le mieux au client de la partie adverse, ce qu’il
ne faut pas oublier !
Didier Matray Je suis assez sensible à la notion d’indépen-dance. N’est-elle pas cruciale, compte tenu du rôle que jouent par exemple les co-arbitres ou les conciliateurs? Du côté judi-ciaire, beaucoup de garanties sont données et l’indépendance fait partie de la culture de base des juges. J’aimerais avoir vos réactions sur cette notion d’indépendance.
Maurice Krings La question de l’indépendance de l’ar-
bitre reste un point polémique et particulièrement pour les
arbitres désignés par les parties. Ils doivent normalement si-
gner une déclaration d’indépendance à l’égard des parties et
de leurs conseils. Donc, on suppose que les arbitres désignés
par les parties sont indépendants. Mais, c’est vrai que s’ils ont
été désignés, c’est qu’ils ont des liens forcément. Un juge on
ne le choisit pas ! Ceci dit, si effectivement on peut parfois
se dire « tiens, pourquoi telle personne est-elle désignée ? » notamment si cette personne n’est pas connue pour sa pra-
tique de l’arbitrage et se trouve désignée comme arbitre, per-
due au milieu d’avocats praticiens habituels de l’arbitrage. On
suppose évidemment que cet arbitre a été désigné en raison
des liens avec la partie qui a proposé sa désignation. Cela m’est
arrivé une fois. Sinon, je n’ai jamais eu le sentiment de siéger
dans des arbitrages où il y avait des arbitres qui prenait partie.
Est-ce qu’un arbitre a l’indépendance d’esprit ou pas par rap-
port aux parties ? Je ne me suis jamais senti mal à l’aise à ce
niveau-là. Autre inconvénient de l’arbitrage : la nécessité pour
la décision de l’arbitre de demander l’exequatur. Mais, aussi et
surtout la possibilité à chaque sentence partielle de recourir à
un recours en annulation. C’est un inconvénient réel. Il faut
vraiment réfl échir à la possibilité de restreindre, voire d’inter-
dire ce type de recours que je ressens comme l’un des incon-
vénients de l’arbitrage. C’est un frein à la possibilité de mener
des arbitrages en souplesse.
L’HUMAIN AU CENTRE DES MARC’s AVANT LE JURIDIQUE
Dominique Claes Je fais un petit détour par le droit so-
cial et les concertations collectives parce que le modèle social
belge impose la concertation. C’est le passage obligé. Cepen-
dant nous avons un gros problème d’acteurs. On met face à
face pour se concerter et se concilier des gens qui se côtoient,
travaillent et s’affrontent au quotidien ! Et, on leur demande de
trouver une issue amiable au confl it social. Notre modèle social
manque d’un tiers. Il faudrait imposer dans la conciliation so-
ciale la présence d’un accompagnant, que ce soit un concilia-
teur social, un avocat, peu importe, mais un tiers ayant l’habi-
tude de vivre des confl its collectifs. Il pourrait être le point de
repère lorsque la négociation dérape. Lorsque vous me parlez
de la qualité, de l’indépendance, etc., des experts, des arbitres,
des médiateurs, le problème en droit social est qu’il n’y en a
pas ! (à l’exception des conciliateurs sociaux qui sont désignés
par le Ministère de l’Emploi). C’est aussi la raison pour laquelle
beaucoup de revendications dérapent en confl its collectifs,
parce qu’on n’a pas l’écoute de l’autre. C’est peut-être une
spécialisation qu’il faudrait encourager. Nous sommes tous tel-
lement enfermés dans l’aspect juridique de la médiation, de la
conciliation, des litiges civils, mais sur le terrain les relations
sociales ont besoin également d’une expertise !
Patrick Van Leynseele Une des qualités d’un médiateur
est précisément de faire fi de ses réfl exes juridiques. Il y a du
relationnel d’abord. La solution, il faudra l’emballer juridique-
ment, mais il y a d’abord un problème de relations. Ce que
vous dites à propos des confl its sociaux l’illustre parfaitement.
Jean-François Van Drooghenbroeck Je voudrais souli-
gner deux inconvénients ou plutôt deux infi rmités : l’une gué-
rissable et l’autre dont il faudra s’accommoder. Guérissable,
c’est l’inaptitude pour l’instant à tenir le choc de l’urgence.
Des mesures conservatoires, a fortiori réclamant l’extrême
urgence, à ce stade nous sommes assez mal équipés. Que les
institutions d’arbitrage s’inspirent de ce qui se fait soit à l’étran-
ger soit dans des institutions internationales, je le souhaite
personnellement. Pour l’instant, nous en sommes à devoir
recourir au juge des référés du tribunal, mais c’est guérissable.
Une autre infi rmité à mon avis congénitale, c’est l’inaptitude
à l’implication forcée de tiers. C’est que le mal est une bulle
qui lorsqu’elle évolue comme une bulle c’est-à-dire entre par-
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ties initiales peut donner des merveilles mais si d’aventure le
confl it doit s’ouvrir à un autre intervenant, il y a des blocages
que vous connaissez.
Un petit mot sur l’indépendance et l’impartialité. Soupçonner
les juges, les arbitres, les experts quant à leur impartialité, je
crois d’expérience que cela relève plus du fantasme que de la
stricte réalité. Ceci dit, je me demande si on ne pourrait pas
faire deux choses : un effort de plus grande communication, de
transparence quant au statut des arbitres, au recrutement des
arbitres, à leur diversité. Est-il également bien indispensable,
nécessaire et souhaitable de multiplier le nombre d’arbitres ?
Est-ce que ce n’est pas de nature non seulement à renchérir
les coûts et à prolonger les délais inutilement ? Mais aussi à
créer l’impression totalement biaisée que chacune des parties
a son propre arbitre pour la coacher ? Est-ce qu’une manière
plus radicale d’aborder le problème ne serait pas de faire de la
pluralité des arbitres une exception ?
Didier Matray C’est une bonne question. Dans beaucoup d’arbitrages multipartites, une solution effi cace est le choix d’un l’arbitre unique. L’arbitre unique est nécessairement tenu d’être indépendant et impartial, car il n’a pas été désigné par une seule partie. Pour en terminer avec les possibles inconvénients des MARC’s, qu’en est-il en matière de conciliation fi scale ?
Thibaut Colin Je voudrais souligner 3 inconvénients.
Le premier, et je rejoins Me Van Leynseele dans sa réfl exion
sur l’ombudsman, c’est bien sûr le manque d’impartialité et
d’indépendance. La cellule de conciliation fi scale est une cel-
lule autonome mais reste tout de même une cellule du SPF
Finances et se situe d’ailleurs dans les mêmes bureaux ! La
seconde critique concerne l’absence d’interprétation de ce
service puisque quand bien même une circulaire serait incor-
recte ou illégale, ce service n’a pas le droit de se prononcer
et de donner un avis sur celle-ci. C’est donc un frein à son
bon fonctionnement et également à son impartialité et à son
indépendance puisque permettre à ce service de critiquer,
d’émettre un avis concernant une circulaire prouverait juste-
ment son ‘impartialité et son indépendance par rapport à l’ad-
ministration fi scale ! En comparaison avec les autres MARC’s
où les deux parties sauf mauvaise foi souhaitent arriver à un
débat constructif et à une solution autre que judiciaire, le
contribuable va introduire une demande de conciliation mais
ce n’est pas pour autant que le fonctionnaire taxateur voudra
arriver à un compromis. Il va peut-être camper sur sa position
et participer à un échange avec le contribuable uniquement
parce que la loi l’y oblige ! A ce niveau-là la loi ne peut rien
faire. Il faut qu’un changement de mentalité s’opère au niveau
de l’administration fi scale. J’espère que ce sera le cas et que la
conciliation fi scale atteindra son objectif premier de soulager
l’arriéré du contentieux judiciaire en matière fi scale.
Maurice Krings Le service de conciliation en matière fi s-
cale est à mon avis un vrai leurre créé par la loi. La conciliation
en matière fi scale s’oppose à un principe constitutionnel lié à
l’égalité de tous devant l’impôt. Pourquoi est-ce que certains
paieraient leurs impôts et d’autres iraient se concilier ? En plus,
la compétence de ce service de conciliation en matière fi scale
est extrêmement limitée dans le temps puisque le service n’est
compétent que lorsqu’il existe un confl it entre le contribuable
et l’administration, sans confl it le service n’est pas compétent,
et dès qu’un recours judiciaire est introduit contre une déci-
sion de l’administration, le service de conciliation fi scale n’est
plus compétent. Autre chose que je voudrais quand même
signaler, c’est que l’avis du service de conciliation se trouve au
dossier de l’administration. Lorsque l’avis est défavorable au
contribuable, et que le contribuable maintient sa position par
un recours judiciaire, l’avis négatif du conciliateur se trouve au
dossier. On a beau dire que le juge ne doit pas tenir compte de
l’avis du conciliateur, qu’il n’est pas lié à cet avis, c’est quand
même un avis qui est au dossier et qui pèsera forcément contre
le contribuable. C’est une curieuse idée que cette conciliation
en matière fi scale !
Jean-François Van Drooghenbroeck La confi dentialité
est la condition sine qua non de tous les modes alternatifs. La
divulgation des résultats d’une conciliation rapportée est pour
moi contre nature, que ce soit en médiation, en arbitrage. Cela
fait partie des dogmes.
Patrick Van Leynseele En Italie ils ont inventé le
contraire ! Du coup, la médiation aboutit à des tas de blocages.
Le médiateur doit dire quels étaient les derniers états des
offres qui ont été formulées, ça n’a pas de sens !
Didier Matray Les sujets de débat ne manquent pas au-tour de cette table. Malheureusement, il nous faut conclure. Aussi, j’aimerai vous demander votre souhait ou votre vœu à formuler en guise de conclusion … en vous remerciant de nous avoir éclairé sur tous ces aspects des MARC’s.
Dominique Claes Mon vœu : améliorer la concertation
sociale. On sent bien qu’au fi l des incidents qu’occasionnent
les confl its sociaux, il manque un acteur dans cette concerta-
tion sociale. On ne peut pas demander à deux personnes en
confl it de trouver toutes seules la solution. Ma recommanda-
tion serait d’imposer à l’annonce de chaque licenciement col-
lectif, de chaque restructuration, un accompagnant, que ce soit
un conciliateur social ou un autre expert. Son choix pourrait
être laissé à la discrétion des parties. Le rôle de cet accompa-
gnant serait également de tempérer non seulement les ardeurs
des acteurs autour de la table, de leur servir de fi l conducteur,
de construire un peu leur débat ce que les partenaires sociaux
n’ont pas toujours comme capacité. Il pourrait être entendu si
un débat judiciaire devait s’ouvrir. Ce rôle pourrait être inté-
ressant pour un magistrat afi n de connaître la réalité du terrain
qui actuellement lui est soumise par une seule des parties dans
le cadre d’une procédure unilatérale.
14Dossier RGP - MARC’s
Table ronde Les avantages comparés des MARC’s
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Laurence DURODEZ
LexGo.be
Maurice KRINGSKrings Law
Olivier d’URSELvan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Patrick VAN LEYNSEELEDal & Veldekens
Thibaut COLINCabinet Forestini
Thibaut Colin Améliorer le service de conciliation fi scale
tel qu’il existe aujourd’hui et pourquoi pas de se rapprocher,
comme Me Van Leynseele l’a dit, d’une médiation en matière
fi scale : c’est mon souhait. Autant pour le contribuable que pour
l’administration, cela peut avoir du bon parce que lorsqu’on
voit la lenteur des procès en matière fi scale, lorsqu’on voit les
coûts pour les contribuables, à mon avis aucune des parties
n’a intérêt à se lancer dans des procédures qui durent, comme
dans certains dossiers, plus de 20 ans. Il serait bon que le légis-
lateur puisse amener également les confl its en matière fi scale
dans des processus de médiation et à tout le moins d’amélio-
rer le service tel qu’il existe aujourd’hui puisque je ne pense
pas qu’il est véritablement effi cace et surtout crédible aux yeux
du contribuable.
Jean-François Van Drooghenbroeck Par rapport à la
boutade «un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès», boutade devenue politiquement correcte – et, je
m’en effraye un peu - j’ai toujours considéré que nous avions
une justice étatique parmi les plus dignes et les plus intelli-
gentes d’Europe, pour ne pas dire du monde. Elle souffre de
ses lenteurs et de ses coûts. C’est certain. Mais, je reste per-
suadé qu’en termes de résultats notre justice étatique n’a pas
à rougir de ceux produits par les modes alternatifs. Les modes
alternatifs présentent la faculté d’être plus agréables à vivre
et plus sereins en termes de processus. Sur ce point, je suis
d’accord. Mais, en termes de résultats, je pense qu’une bonne
justice fonctionne de manière aussi satisfaisante que les bons
arbitrages, ou que les bonnes médiations.
Maurice Krings Effectivement, nous avons une bonne
justice. Mais, c’est une justice, je parle ici de justice civile et
commerciale, peu armée pour de gros procès où il y a beau-
coup de matière à assimiler, des faits compliqués. Je n’ai ja-
mais vu au civil ou au commercial des audiences qui duraient
éventuellement une semaine. Or je crois que c’est utile et c’est
quand même tout l’avantage de l’arbitrage : pouvoir dire aux
arbitres « écoutez, nous vous demandons de consacrer tout le temps nécessaire et utile ».
Patrick Van Leynseele Quand je parle des MARC’s, je
dis Mode Approprié de Règlement des Confl its et… la justice
en fait partie. C’est un des modes de règlement des confl its, il
ne faut pas l’oublier. Je voudrais conclure sur la complémen-
tarité qui existe en pratique et a énormément de vertus. En
introduisant une procédure comme un référé par exemple
pour un rachat forcé d’actions, une des premières choses que
le magistrat m’a dit « avez-vous pensé à la médiation ? ». Je lui
réponds « Madame le Juge, j’ai évidemment pensé à la média-tion mais cela n’a pas eu l’air de plaire à la partie adverse ». Le magistrat se tourne vers l’avocat de la partie adverse : « Vous ne voulez pas aller en médiation Maître ? - Mais bien entendu Madame le juge ». Voilà une complémentarité entre la justice
et la médiation. Et il y en a d’autres. Quand on disait, à juste
titre, un des problèmes de l’arbitrage est qu’il n’y a pas de vraie
bonne solution pour les problèmes urgents, mais il y a une
complémentarité dans l’autre sens qui s’appelle le référé. Il ne
faut pas dire c’est l’un ou l’autre. Il faut dire l’un et l’autre. Je
crois énormément à ces idées de complémentarité : avec une
bonne clause de résolution dans un contrat, si on arrive dans
un différend, la première chose à faire est d’en parler, de négo-
cier à l’amiable; si on ne trouve pas de solution on tente une
médiation, donc une négociation accompagnée par un tiers, et
si on ne s’en sort toujours pas, on va à l’arbitrage. Voilà encore
un exemple de complémentarité.
Olivier d’Ursel Je suis tout à fait d’accord avec Me Van
Leynseele. Il faut choisir le mode le plus approprié et ne dis-
créditer aucun des modes. Je rebondis sur la proposition de
Me Claes sur l’organisation de la résolution d’un confl it dans
une situation de crise donnée. Après cette table ronde, s’il y a
une suggestion à faire c’est de réfl échir à l’anticipation du litige
- plus le litige aura été anticipé, plus son mode de résolution
aura été préparé, plus rapidement il pourra être résolu et donc
moins il aura pris d’ampleur. Je terminerai en rappelant que
les trois vertus qui me semblent importantes pour essayer de
trouver une solution à un litige : c’est la souplesse, l’imagina-
tion et la formation.
Fabian Tchékémian Pour conclure, je voudrais insister
sur notre rôle d’avocat par rapport au client qui nous consulte.
Il faut qu’il soit le premier juge de son affaire comme le rappe-
lait tout à l’heure Me Van Leynseele. Nous devons le conseiller
selon ses intérêts, parfois même au contraire de ce qu’il peut
penser, le dissuader éventuellement de prolonger le confl it si
ce n’est pas nécessaire. Si réellement il y a nécessité de pour-
suivre ce confl it, lui donner l’éclairage suffi sant pour pouvoir
choisir et discuter avec lui d’une voie plutôt qu’une autre ou
de se réserver la possibilité de mélanger plusieurs voies en fai-
sant une grande distinction et un grand effort de clarifi cation
puisqu’on peut fi nalement rassembler en deux grands groupes
les méthodes de résolution des confl its - d’un côté celle où le
tiers n’est jamais qu’un vecteur facilitateur et d’un autre côté
celui où il est fi nalement le référant qui tranche, c’est-à-dire
l’arbitre ou le juge; et en rappelant également que le juge a un
devoir de conciliation qui est inscrit dans notre Code judiciaire,
qu’il utilise trop peu souvent, et qu’il a également le pouvoir
d’inciter les parties à aller vers la médiation, voir vers un autre
mode de règlement. Eclairé utilement, le client pourra tran-
cher pour réfl échir à son problème le mieux possible.
Retrouvez l’intégralité des débats de la table ronde sur www.lexgo.be
15Dossier RGP - MARC’s
L’ouverture d’un confl it a toujours une forte connotation émotionnelle dans le chef des protagonistes, quelle que soit
la nature de celui-ci (professionnelle, syndi-cale, familiale, de voisinage, etc.). Même une procédure visant à obtenir le paiement d’une facture impayée peut se charger d’émotions au fur et à mesure de l’évolution du litige. La dispute ne peut pas rester émotionnellement neutre.
La procédure judiciaire structure le confl it et le « théatralise » en « mettant en scène » les acteurs du confl it et de sa résolution : les par-ties, les avocats, le juge, le décor, les habits, le vocabulaire utilisé, la manière d’échanger les arguments, ...
Lorsque les adversaires envisagent la pro-cédure judiciaire, c’est qu’ils sont générale-ment déjà très loin dans leur opposition, ce qui, d’une certaine manière, les « aveugle » et aboutit à faire prévaloir le confl it pour lui-même. L’adversaire devient l’objet du confl it et non plus un acteur de celui-ci. Il faut sou-vent du temps pour que la charge émotion-nelle s’atténue et que le confl it soit remis en perspective. Paradoxalement, l’écoulement
du temps causé par l’arriéré judiciaire a, à cet égard, une vertu.
Du point de vue émotionnel, la frustration qui est à l’origine du confl it se trouve exacerbée, quelle que soit la décision fi nale. Au demeu-rant, la fonction de juger n’a pas pour objectif de réconcilier les parties. Elle vise à imposer une solution.
Les modes alternatifs de règlement des confl its (en abrégé, les « MARCs ») que sont la négociation raisonnée, la médiation, le droit collaboratif et la conciliation offrent une perspective différente aux parties en confl it. Ils supposent de pouvoir prendre du recul et se concentrer sur ce que l’on souhaite réel-lement.
Les « MARCs » proposent une approche stra-tégique dans la résolution des confl its. Ils impliquent de se projeter dans l’avenir et de réfl échir à la manière de régler le litige.
C’est une véritable gymnastique de l’esprit et, d’une certaine manière, un jeu de straté-gie qui nécessite, pour avoir une vue claire de la situation, de s’intéresser à son adversaire, à ses besoins, à ses perspectives, ses points
forts et ses faiblesses. Lorsqu’un avocat est consulté, il doit, de la même manière, s’inté-resser à son client et à l’adversaire : quelles sont leurs contraintes respectives, leurs pos-sibilités, leurs besoins et leurs intérêts ? Son rôle ne peut plus se limiter à une analyse pu-rement juridique du litige. Quel serait en effet l’intérêt de mener un procès si l’adversaire n’est pas en mesure d’exécuter le jugement ? Sait-on seulement qu’en matière commer-ciale, 30% des jugements ne sont pas exécu-tés parce que l’adversaire n’en a matérielle-ment pas ou plus les moyens ?
Les « MARCs » permettent de gagner autre-ment. C’est une invitation à la créativité, au mouvement. La confi dentialité des négocia-tions et du processus de médiation permet aux parties de s’exprimer plus librement et favorise l’émergence de solutions créatives. La procédure judiciaire est classique et son résultat est souvent aléatoire. Les « MARCs » sont déroutants et suscitent une perception différente de la réalité.
En ayant recours aux « MARCs », les parties ne sont plus les victimes d’un confl it mais de-viennent les stratèges de sa résolution.
Les nouvelles stratégies de règlement des confl its
Gérard KUYPER
Avocat associé Alterys
16 Dossier RGP - MARC’s
Les parties en litige ont désigné ou fait désigner un médiateur et elles sont réunies pour la première rencontre de
médiation.
Avec l’aide de ce médiateur, elles vont défi -
nir les modalités d’organisation et la durée
du processus de médiation. Elles rédigeront
à cet effet un «Protocole» dont la signature
suspendra durant la médiation le cours de la
prescription des obligations querellées.
Outre le contenu imposé par la loi, les par-
ties seront bien inspirées par le médiateur de
rédiger ce Protocole d’une manière qui leur
permette de s’assurer bonne compréhension
et mémoire des principes de la médiation :
Processus VolontaireChaque partie décide librement de participer
au processus de médiation afi n de trouver
une solution au litige. Elles peuvent organi-
ser la médiation comme elles l’entendent et
y mettre fi n à tout moment. Elles peuvent
notamment décider de recourir ou non simul-
tanément aux procédures judiciaires ou arbi-
trales mais les suspendront généralement,
sauf celles qui revêtent un caractère pure-
ment conservatoire.
Combien de temps dure une médiation ?Les parties ont la maîtrise de la durée du
processus. Déjà écouter dans son entièreté
l’exposé du point de vue de son adversaire et
exposer complètement le sien est bénéfi que.
Une bonne perception des besoins et intérêts
respectifs stimulera la poursuite active de la
médiation.
Le Médiateur a-t-il un rôle ?Selon le Brussels Business Mediation Center
(BBMC) le médiateur «facilite, structure et
coordonne les négociations des parties en
litige, en vue d’aboutir à une solution viable ».
Son rôle est de créer ou recréer et d’entre-
tenir un lien de confi ance permettant un tel
aboutissement.
En toute indépendance et impartialité, il
s’emploiera à maintenir un climat d’écoute
qui permettra une bonne communication,
expression et compréhension par chacun des
attentes et diffi cultés réciproques. Les parties
construiront alors un accord dont le média-
teur n’a, en principe, à juger ni de la valeur
ni de l’opportunité sauf s’il percevait en âme
et conscience qu’il engendrerait un préjudice
grave ou serait tellement déséquilibré qu’il
risquerait fi nalement de n’être qu’une bombe
à retardement.
Le médiateur est soumis à une déontologie
(code de bonne conduite). Même s’il est
juriste, il ne donnera pas d’avis juridique aux
parties, lesquelles pourront être assistées
d’un avocat durant toute la médiation.
Des apartés ?S’il le juge utile, le médiateur demandera à
rencontrer chacune des parties séparément
au cours de « caucus » (apartés). Il le fera éga-
lement à la demande de l’une ou l’autre des
parties. Ce qui se dit au cours de ces apartés
reste confi dentiel sauf ce que la partie concer-
née autorise à divulguer en séance plénière.
Confi dentialité Tant le législateur belge que l’européen pré-
voient que, sauf accord contraire des parties,
ni le médiateur ni les personnes participant
au processus de médiation ne peuvent rendre
publiques des informations glanées au cours
d’un processus de médiation, sauf rares ex-
ceptions telles que des raisons impérieuses
d’ordre public. La violation de tels secrets est
sanctionnée pénalement.
Les documents et les communications échan-
gés au cours de la médiation sont donc confi -
dentiels, de même que les différents projets
de conventions élaborés en cours de média-
tion. S’ils devaient malgré tout être communi-
qués en violation de cette règle dans le cadre
d’une procédure, ils seraient d’offi ce écartés
des débats. Une telle violation de l’obliga-
tion de confi dentialité pourrait donner lieu
à condamnation à des dommages et intérêts.
Les documents que les parties détenaient
déjà avant le début du processus de média-
tion ou qu’elles auraient pu obtenir légale-
ment par ailleurs ne sont pas visés par cette
confi dentialité.
L’accord issu de la médiation est-il effi cace ?L’objectif des législateurs européen et belge
est de garantir par la médiation un meilleur
accès à la justice. La médiation est une solu-
tion de même valeur que d’autres types de
procédure. Dès lors, un accord issu de la
médiation doit pouvoir, au même titre qu’une
décision judiciaire ou arbitrale, être exécuté
dans chaque Etat membre de l’Union Euro-
péenne.
En Belgique, c’est l’homologation par le Tri-
bunal qui – au besoin - permettra l’exécution
de l’accord. Pour ce faire, il est requis que le
médiateur qui a encadré l’éclosion de l’ac-
cord soit agréé par la Commission Fédérale
de Médiation. Les décisions d’homologation
rendues dans un Etat membre de l’Union Eu-
ropéen sont reconnues dans les autres Etats
membres sans qu’il soit en principe néces-
saire de recourir à aucune autre procédure,
ce qui permet à un accord de médiation de
traverser les frontières et, selon le vœu du
parlement et du conseil européens, de pré-
server une relation amiable et durable entre
les parties de manière plus marquée encore
dans des situations comportant des éléments
transfrontaliers.
Cela étant, étant donné que les parties ont
elles-mêmes «construit» leur accord, elles
l’exécuteront spontanément, sans devoir re-
courir à l’homologation.
et le coût ?Les honoraires et frais du médiateur seront
déterminés au Protocole et seront générale-
ment pris en charge à part égale par chacune
des parties.
Droit applicable. Une déontologie ?Le Protocole prévoira enfi n le droit applicable.
Lorsque le Médiateur, du fait de sa profes-
sion, est soumis à une déontologie, c’est le
moment de le rappeler, cette déontologie se
juxtaposant à celle à laquelle il est soumis en
sa qualité de médiateur : une double garantie
pour les parties.
Pour conclure, soulignons que le « Protocole »
constitue déjà un premier point d’accord des
parties qui, dès le début, s’entendront déjà
sur le processus dans lequel elles s’engagent,
sur certaines règles de base de leur commu-
nication et sur la valeur réelle, au même titre
qu’un jugement ou une sentence arbitrale,
qu’aura la convention à laquelle elles arrive-
ront à la fi n de ce processus.
Il vous rappellera tout
Olivier d’URSEL
Avocat associévan Cutsem Wittamer Marnef & Partners
Droit des sociétés
Droit des associations et fondations
Droit commercial
Droit du travail et de la sécurité sociale
Droit fi scal
Droit de la distribution
Droit des assurances et de la responsabilité
Banque et crédit
Droit à la propriété intellectuelle et des pratiques du commerce
Droit de la concurrence
Droit européen
Droit immobilier
Droit de la construction
Litiges et arbitrages et médiations
Droit des personnes et des familles
Droit de la circulation
Recouvrement de créances
Procédure de règlement collectif de dettes – Médiation de dettes
Droit de la presse
Domaines de Compétence
Depuis 35 ans, notre équipe d’une quarantaine d’avocats accompagne les entreprises,
de la PME à la multinationale, dans la réalisation de leurs projets.
Roeland MOEYERSONS
Pierre BEYENS
Damien DE KEYSER
Bertrand WITTAMER
René-François PIRET
AlainVANDERSTRAETEN
Bernard DAUTRICOURT
Eric LOUIS
Katrien SERRIEN
Jean-Pierre van CUTSEM
Pierre VAN FRAEYENHOVEN
Jan CUYPERS
Laurent TAINMONT
Olivier d’URSEL
Patrick MARNEF
18 Dossier RGP - MARC’s
La loi du 25 avril 2007 a créé le « Ser-
vice de conciliation fi scale ». Selon les
termes de la loi, cette cellule autonome
du Service public des fi nances « examine les
demandes de conciliation dont il est saisi,
en toute objectivité, impartialité et indépen-
dance et dans le respect de la loi ; il tend à
concilier les points de vue des parties et leur
adresse un rapport de conciliation ». Ce ré-
cent service n’est toutefois opérationnel que
depuis juin 2010 et il est donc à ce jour fort
peu connu des fi scalistes et encore souvent
méconnu des contribuables.
Ce service a donc pour objectif de tenter de
concilier l’administration et le contribuable
en cas de litige ; et ce pour l’ensemble des
impôts relevant de la compétence du SPF Fi-
nances : impôts sur les revenus, TVA, revenu
cadastral, douanes et accises, droits d’enre-
gistrement (à l’exclusion des droits d’hypo-
thèque et de greffe) et droits de succession.
Concrètement, le contribuable - personne
physique ou morale - peut faire appel au ser-
vice de conciliation (par email, fax, courrier
ou oralement lors des permanences organi-
sées) tant que le litige se trouve dans la phase
administrative ; ce qui implique qu’une récla-
mation ait été préalablement introduite. La
mission de ce service est limitée par le carac-
tère d’ordre public de la législation fi scale :
son intervention ne peut donc aboutir à une
exemption ou modération d’impôt contraire
à la loi fi scale. Le contribuable fera généra-
lement appel à lui pour des questions ou
situations de fait comme dans le cas du rejet
du caractère professionnel d’une dépense,
dans le cas d’une discussion sur la réalité
des dépenses du ménage lors d’une taxation
indiciaire, en cas de refus du receveur de per-
mettre au contribuable ou à un assujetti de
payer l’impôt en plusieurs fois, dans la situa-
tion où une garantie exigée par le receveur
est impossible à fournir, etc.
Une fois saisi, le service de conciliation fi scale
fi xe alors un calendrier où les parties sont
invitées à échanger leur point de vue. A la fi n
de cette procédure, le conciliateur remet un
rapport de conciliation, dans lequel il ne peut
que constater le compromis ou les points
divergents des interlocuteurs. En pratique,
il est évident que le service de conciliation
prendra position sous forme d’un « avis » qui
permettra peut-être à l’administration fi scale
ou au contribuable d’admettre une décision
ou un fait établi et ainsi d’éviter une procé-
dure judiciaire. Mais il ne prononce aucune
décision contraignante pour les parties : le
contribuable n’est pas lié par ce rapport et
peut en conséquent porter son litige devant
le tribunal de première instance s’il n’est pas
d’accord avec la décision rendue par le Direc-
teur des contributions. En revanche, si elle
conclut un compromis avec le contribuable,
l’administration sera liée par celui-ci étant
donné qu’il s’agit d’un accord administratif.
Le fi sc ne pourra donc pas ultérieurement,
lors de la réponse à la réclamation, changer
d’avis en rendant une toute autre décision.
La conciliation fi scale est un procédé qui
s’inscrit dans la lignée de bon nombre de
modes alternatifs de résolution des confl its
(« MARC’s ») ayant fl euri ces dernières années
dans le paysage juridique. L’objectif de cette
initiative est de réduire l’arriéré judicaire
grandissant en matière fi scale (à Bruxelles, les
dates d’audiences sont aujourd’hui fi xées au
plus tôt fi n 2014 !) et de réduire de manière
générale les contentieux judicaires parfois
injustifi és et coûteux en termes humains et
fi nanciers. Si l’objectif initial de ce nouveau
procédé est parfaitement louable, il n’a toute-
fois pas échappé aux critiques des praticiens
du droit fi scal, certains y voyant un « nouveau
bidule fi scal » ou un « leurre » pour les contri-
buables.
Tout d’abord, il a été reproché la création de
ce service au sein même du SPF Finances, et
le fait qu’il soit composé d’anciens membres
de l’administration fi scale pour la plupart.
Cela représente inévitablement un handicap
quant à son objectivité et son impartialité,
pourtant voulues par le législateur. Il est en
effet malaisé d’être à la fois conciliateur et
partie…
Ensuite, selon la doctrine, les chances de
réussite de ce service sont également hypo-
théquées par le fait qu’il n’est pas compétent
pour interpréter la loi, ce qui limite sérieuse-
ment les possibilités de son intervention. Le
service de conciliation fi scale ne pourra, par
exemple, pas empêcher le fi sc de continuer à
appliquer une position condamnée par la ju-
risprudence ou une circulaire manifestement
illégale.
Enfi n, la conciliation fi scale peut s’avérer être
une arme à double tranchant pour le contri-
buable car, dans le cas où l’avis du service de
conciliation ne penche pas en sa faveur, il fera
néanmoins partie du dossier administratif et
le juge qui sera ultérieurement amené à se
prononcer sur le litige y aura donc accès. En
conséquent, il est légitime de craindre que cet
avis négatif puisse infl uencer la décision du
magistrat en défaveur du contribuable.
A regarder le nombre croissant de demandes
introduites, le Service de conciliation fi scale
est un succès : 1198 demandes en 2010, déjà
plus de 2000 demandes depuis début 2011.
Sans pour autant démolir cette réussite gran-
dissante, l’utilité de la conciliation fi scale doit
être prouvée sur le terrain et remplir concrè-
tement son rôle, à savoir diminuer le nombre
de litiges portés devant la justice. A ce titre,
aucun chiffre ne permet d’affi rmer ou d’infi r-
mer l’utilité et donc le véritable succès de ce
service.
En conclusion, il convient dans un premier
temps de féliciter cette initiative qui se veut
moderne et pragmatique. Elle a le mérite de
tenter d’apporter une réponse parmi d’autres
pistes pour lutter contre un arriéré judicaire
croissant, intolérable pour les contribuables
et inadmissible dans un Etat de droit. Dans
un second temps, et outre les améliorations
nécessaires à y apporter, le Service de conci-
liation fi scale n’a pas encore prouvé qu’il rem-
plissait pleinement son rôle. Il lui appartient
donc, à l’avenir, de démontrer son effi cacité.
Enfi n, attirons tout de même l’attention du
contribuable sur le fait qu’il ne coûte rien de
faire appel à ce service et qu’il doit lui être
gardé à l’esprit « qu’un mauvais arrange-
ment vaut mieux qu’un bon procès ».
La conciliation fi scale : vers une évolution de l’esprit du
contentieux ?
COLIN
Avocat
FORESTINI
Avocat associé Maître de conférences à l’ULBCabinet Forestini
22 Dossier RGP - MARC’s
La gestion d’un litige pour une entreprise est un enjeu qui se mesure en termes de temps et de coûts et qui allie aux
contraintes de ces investissements une bonne dose d’incertitude : suis-je bien défendu(e) ? le juge va-t-il entendre ce que j’ai à dire ? quand aurais-je mon jugement ? si je gagne, l’adversaire acceptera-t-il d’exécuter volontai-rement la condamnation ? combien tout cela va-t-il me coûter ?
A ces questions légitimes, l’avocat ne peut pas toujours répondre de manière positive ou encourageante ; le manque de moyens dont disposent les juridictions belges (sur-tout bruxelloises) et l’arriéré judiciaire qui en résulte sont autant d’aléas qui s’ajoutent à ces interrogations. C’est pourquoi de nombreux avocats conseillent aujourd’hui à leurs clients entrepreneurs de se tourner vers ce que l’on a longtemps appelé les « modes alternatifs de résolution des confl its » (« MARC » ou, en anglais, « Alternative Dispute Resolution » ou « ADR ») et que la tendance actuelle renomme plus volontiers « modes adaptés de résolution des confl its ». L’arbitrage, à l’instar de la né-gociation ou de la médiation, est l’un de ces modes de résolution de confl it.
Qu’est-ce que l’arbitrage? L’arbitrage résulte d’un accord né entre des parties à un litige, existant ou susceptible de survenir, portant sur le fait de soumettre les questions qui les opposent à un (ou des) tiers (le ou les arbitres), à charge pour celui-ci de rendre une décision (la « sentence arbi-trale »), qui tranche défi nitivement ce litige. Cet accord doit être écrit et, dans la pratique, porte le terme de « clause compromissoire » ou « clause d’arbitrage ». Il peut être prévu à l’avance, lors de la conclusion d’un contrat, ou lors de la survenance du différend.
En acceptant de prendre part à une procédure d’arbitrage, les parties renoncent à la possibi-lité de se tourner vers les cours et tribunaux et s’engagent à accepter la sentence qui sera rendue par le tribunal qu’elles auront choisi. En effet, parmi les nombreux avantages of-ferts par l’arbitrage et dont on ne retient ha-bituellement que la rapidité et la discrétion, fi gurent, d’une part, le fait que la très grande majorité des sentences sont volontairement exécutées à l’issue d’une procédure qui ne prévoit pas de possibilité de degré d’appel et, d’autre part, la possibilité pour les parties de participer à la constitution de leur tribunal.
Cet exemple illustre un aspect essentiel de l’arbitrage : il s’agit d’une procédure dont les parties restent maîtres et qu’elles peuvent modifi er à leur guise ou adapter à leurs be-soins, pour autant que le respect des droits fondamentaux (droits de la défense et prin-cipe contradictoire) soit assuré. Oubliées, les lourdeurs de procédure inhérentes à un Code judiciaire qui a, certes, subi divers rafraîchis-sements, mais qui refl ète encore et toujours une conception de la justice du 19ème siècle : les parties souhaitent choisir leur juge ou sou-mettre leur litige non pas à un seul juriste mais également à un technicien, seul à même de comprendre les subtilités qui les opposent ? C’est possible. Les parties aimeraient pouvoir faire venir des témoins et les interroger devant les arbitres, leur poser des questions et tenter
de faire sortir la vérité lors d’une audience ? C’est possible. Les parties veulent que la procédure ait lieu en langue anglaise, seule langue commune ? C’est possible. Les parties souhaitent que tout soit traité par e-mail, afi n de limiter les coûts et pertes de temps ? C’est encore possible. En matière d’arbitrage, tout est modélisable et la procédure peut être tail-lée sur mesure, par les parties elles-mêmes, afi n de répondre aux besoins de leur litige. En vue de guider les parties dans la procédure et d’inscrire celle-ci dans un cadre règlemen-taire, des centres d’arbitrage ont vu le jour ; l’arbitrage est alors dit institutionnel. En Bel-gique, le Cepani est certainement le plus re-connu. Ces centres offrent des règles de pro-cédure pré-établies et un canevas dans lequel les parties peuvent s’inscrire. Mais le recours à un centre d’arbitrage n’est pas obligatoire et les parties peuvent décider de créer ensemble leurs règles ou se référer à celles prévues par le Code judiciaire ; dans ce cas, l’on parle d’ar-bitrage ad hoc.
L’arbitrage est-il susceptible de régler le litige de mon entreprise? Oui, l’arbitrage a essentiellement pour vocation de répondre aux contraintes des entreprises et commerçants. C’est une procédure qui s’est développée en matière de commerce interna-tional, sous l’égide des chambres de commerce (et notamment de la CCI à Paris). Et si elle peut parfaitement s’adapter aux besoins de multi-nationales et à des litiges internationaux d’une grande complexité, la procédure d’arbitrage, par la souplesse qui la caractérise, rencontre tout autant les besoins locaux des PME.
En Belgique, la loi autorise le recours à l’arbi-trage pour toutes les matières « sur lesquelles il est permis de transiger » et ceci inclut évi-demment les litiges civils et commerciaux (mais pas ce qui a trait notamment à l’état civil des personnes). L’interprétation, la vio-lation ou la mauvaise exécution d’un contrat et le préjudice qui en est résulté pour une partie forme la matière de prédilection des arbitrages nationaux : rupture d’un contrat de distribution, interprétation et application d’une clause de calcul de commissions pour un vendeur, litige autour d’une convention de cession d’actions ou d’entreprises, mise en cause de la responsabilité d’un entrepreneur dans la réalisation d’un ouvrage ... en sont autant d’exemples.
Tout commerçant est susceptible, un jour, de connaître un différend qu’il préfèrerait voir tranché par un tribunal arbitral. Les rai-sons peuvent être nombreuses et, à titre d’exemple, l’on peut songer à la volonté de maîtriser la procédure ; au souhait de fi xer les critères de détermination des arbitres, voire le fait de désigner un des arbitres et de le choisir pour son expertise en la matière ; ou encore, à la possibilité d’éviter une procédure d’appel et donc d’être fi xé plus rapidement et de manière défi nitive. L’on reviendra ci-après sur le coût de l’arbitrage mais si - pas ques-tion de se voiler la face - la procédure est plus onéreuse que le recours au service public de la justice, ce coût a le mérite de pouvoir être calculé au regard de barèmes et donc être budgété. Dans la panoplie des procédures qui
s’offrent au dirigeant d’entreprise, aux côté de la procédure judiciaire classique, une nou-velle place doit être créée pour les MARC’s, et l’arbitrage en fait évidemment partie.
L’arbitrage est-il rapide ?La durée d’une procédure arbitrale varie se-lon la complexité de l’affaire, le cas échéant, des délais convenus entre les parties, voire de l’attitude plus ou moins procédurière des par-ties et de leurs avocats. Ceci étant, la durée moyenne d’un arbitrage placé sous l’égide du Cepani en 2010, du jour de l’introduction de la procédure jusqu’au jour où la sentence est rendue, était de 15 mois. Il faut avoir à l’esprit que, sauf accord exprès des parties, la sentence arbitrale ne pourra être frappée d’appel. A l’exception d’un éventuel recours en annulation, la sentence arbitrale sera donc rendue en dernier ressort. Les parties qui décident de recourir à l’arbitrage feront donc, en règle générale, le choix de renoncer à l’appel et au délai supplémentaire qui s’y rapporte. Il s’agit d’un indéniable avantage en termes de durée de la procédure.
L’arbitrage est-il cher ?Le tribunal arbitral sera rémunéré en vertu d’un accord intervenu entre lui et les parties. Il est donc possible, par exemple, que les arbitres soient rémunérés sur la base d’un taux horaire ou selon toute autre formule convenue. De telles modalités de rémunération sont généra-lement rencontrées pour les arbitrages ad hoc. Les arbitres intervenant dans le cadre d’arbi-trages institutionnels seront généralement rémunérés sur la base d’un barème arrêté par le centre d’arbitrage et déterminé en fonction de l’enjeu du litige. Ce barème couvre les ho-noraires et frais des arbitres mais également les frais administratifs du centre d’arbitrage. A titre d’exemple, les frais d’arbitrage, comprenant les honoraires de l’arbitre et les frais administratifs, s’élèveront à 625 EUR pour un arbitrage placé sous l’égide du Cepani dont le montant en jeu sera inférieur à 12.500 EUR. Pour un litige por-tant sur 100.000 EUR, les frais d’arbitrage s’élè-veront en moyenne à 13.000 EUR pour un ar-bitre unique et à 30.500 EUR pour trois arbitres intervenant conformément au règlement de la CCI. La moyenne sera de 4.400 EUR pour un arbitre unique et de 13.200 EUR pour trois ar-bitres intervenant dans le cadre du Cepani. En-fi n, il faut savoir qu’en matière d’arbitrage, le tri-bunal peut décider de faire supporter à la partie qui perd le procès les frais et coûts de la procé-dure de l’arbitrage ainsi que les frais d’avocat de la partie qui a gagné ; en d’autres termes, pour l’entreprise qui voit sa thèse triompher, la charge d’un procès peut être assumée, parfois dans sa totalité, par son adversaire.
Si le coût de l’arbitrage est souvent dénoncé par ses détracteurs, une récente étude démontre que le fait de disposer d’une politique claire de résolution des confl its offre de toute évi-dence un important avantage stratégique. 86% des personnes interrogées affi rment qu’une telle politique permet d’économiser des coûts parce qu’elle assure une gestion effi cace de la procédure de litige ou contribue à minimiser les risques d’une escalade du confl it.
L’arbitrage en question(s)
DAL DAVIDSON
Avocat associé
Avocat associéDal & Veldekens
24 Dossier RGP - MARC’s
La concertation sociale est le fondement
de notre système de relations collectives
de travail. Notre ordre juridique social est
structuré en ce sens et repose sur le prin-
cipe de la parité : le Conseil national du
travail, les Commissions paritaires et, au
niveau des entreprises, le Conseil d’entre-
prise et le Comité pour la prévention et la
protection du travail.
Si le dialogue est le maître-mot de nos
relations sociales, alors pourquoi autant
d’échecs dans la concertation sociale ?
Pourquoi de plus en plus de restructura-
tions n’ont d’écho dans les médias qu’en
fonction des coups d’éclat des travail-
leurs ? On ne parle plus que de piquets
de grève, de grève sauvage, d’occupation
d’usine et même de séquestration. Devant
la menace qui pèse sur leur emploi, les
travailleurs estiment leurs moyens d’ac-
tion légitimes et proportionnés.
Le droit de grève qui, rappelons-le, est
un droit fondamental, connait une dérive
inquiétante. Son exercice se traduit de
plus en plus rarement par une action paci-
fi que.
Devant ces actions irrégulières souvent
abusives, les employeurs n’ont qu’un re-
cours pour protéger la liberté du travail, la
liberté d’entreprise et le droit de proprié-
té: le judiciaire. Mais cette institution n’a
pas vocation - quelle que soit la juridiction
qui serait désignée pour être compétente
(tribunal de première instance ou tribunal
du travail) - pour régler un confl it collectif
de travail. Elle ne peut ordonner dans l’ur-
gence que des mesures coercitives, sans
aborder les objectifs et préoccupations
des uns et des autres.
Ce n’est pas avec une ordonnance as-
sortie d’une astreinte qu’un employeur
gagne l’épreuve de force sociale. Il aura
seulement affi ché sa détermination quant
à sa volonté de voir aboutir son projet de
restructuration.
C’est un fait : la crise économique radica-
lise les comportements des « partenaires
sociaux ».
Et le dialogue social dans tout ça ?
Il faut éviter la banalisation des « voies de
fait ». Elles ne doivent pas devenir un pas-
sage obligé à un accord social.
La question que l’on est en droit de se po-
ser est celle de savoir si, dans le cadre des
confl its collectifs de travail, notre système
de conciliation est encore adapté à ces
situations d’affrontement. Aujourd’hui, en cas de situation de blocage au niveau d’une entreprise, soit la partie la plus dili-gente saisit le bureau de conciliation de la commission paritaire compétente, soit un conciliateur social du SPF Emploi et Tra-vail est affecté à la situation de crise.
Cette démarche souffre bien évidemment de son caractère a posteriori mais surtout du fait que les conciliateurs sont limités à une intervention ponctuelle et ne dis-posent pas d’une connaissance suffi sante du dossier, n’ayant aucun background du climat social de l’entreprise.
Ce constat est cependant rarement expri-mé car tous les confl its sociaux sont desti-nés à connaître une issue négociée.
L’accord social auquel les parties abou-tissent diffi cilement ne doit cependant pas occulter les incidents parfois violents qui l’ont précédé et la grande amertume qui s’ensuit pour tous les acteurs ; la re-lation de confi ance qui est un élément essentiel de la concertation sociale s’en trouve sensiblement affectée.
Ne faudrait-il pas intervenir en amont du confl it social ? Ainsi, ne pourrait-on ima-giner que dès l’annonce d’une restructu-ration, l’employeur et les organisations syndicales présentes dans l’entreprise doivent faire choix d’un « accompagna-teur social ».
Il devrait s’agir d’un « expert » indépen-dant des parties, choisi parmi les pra-ticiens du droit social (juges sociaux, membre du SPF Emploi, DRH, avocat spé-cialisé) sur une liste dont les participants seraient désignés, après candidature, par le Conseil national du travail.
Leur rôle consisterait à assister à la phase d’information et de consultation prévue par la Loi Renault (Loi du 13 février 1998) en cas de restructuration ainsi qu’à celle de négociation du plan social.
Leurs compétences pourraient être va-riées : fi xation du calendrier des réunions d’information, rédaction des procès-ver-baux, assistance à la préparation des ques-tions des travailleurs et des réponses de l’employeur, avis quant à la clôture de la phase de consultation. Dans la phase de négociation, ils pourront conseiller les parties en matière d’élaboration d’un plan social effi cient (ex : techniques de garan-tie des plans de prépension, poursuite des assurances soins de santé et pension complémentaire, aspects sociaux et fi s-caux des régimes de sécurité d’existence,
des régimes dérogatoires de prépension,
de plans warrants et autres indemnités
conventionnelles), ils pourront assister
aux assemblées du personnel en support
technique des délégués et permanents
syndicaux, ils participeront à la rédaction
des conventions collectives de travail en
vue d’assurer leur conformité aux accords
intervenus ainsi qu’à la mise en place de la
cellule pour l’emploi, ils assureront le sui-
vi des dossiers de reconnaissance comme
entreprise en restructuration ou en diffi -
culté, etc…
Ils seront dans un premier temps modéra-
teur et garant du respect de la procédure
légale et, dans un second temps, ils pour-
ront, si nécessaire, se muer en concilia-
teur. Leur valeur ajoutée est de connaître
les acteurs et la problématique de la res-
tructuration dès l’annonce de celle-ci.
Dans le cadre d’une procédure judiciaire,
ils pourraient même être les témoins
impartiaux qui font toujours défaut aux
magistrats lorsqu’ils doivent statuer dans
un confl it collectif, que la procédure soit
unilatérale ou contradictoire.
Le concept « d’accompagnateur social »
n’est pas un gadget. De par leur indépen-
dance, leur expertise et les prérogatives
qui leurs seront attribuées, ils pourront
favoriser en cas de crise sociale le retour
à nos fondamentaux : le dialogue social.
Le principal obstacle à l’intervention de
ces nouveaux acteurs est la méfi ance
presque idéologique des organisations
syndicales qui pourraient y voir une forme
d’atteinte à leur monopole de défense des
droits des travailleurs en cas de restructu-
ration. Qu’ils ne se méprennent pas, ces
« accompagnateurs sociaux » n’ont qu’une
mission, celle d’entretenir le dialogue
entre ceux qui doivent rester des parte-
naires.
Leur réussite dépendra de l’acceptation
des uns et des autres de leur légitimité à te-
nir un discours « vérité » qui pourrait infl é-
chir tant la position de l’employeur quant à
son plan de restructuration initial que celle
des travailleurs quant à leurs revendica-
tions et aux moyens de les exprimer.
N’attendons pas qu’un accident majeur se
produise lors d’un confl it collectif de travail.
Le modèle belge de concertation sociale
n’a plus évolué depuis des décennies.
Adaptons- le aux nouveaux comporte-
ments sociaux et économiques. Soyons
innovants.
Restructuration d’entreprise etConciliation sociale : l’impossible défi ?
CLAES
Avocat associéTaquet, Clesse & Van Eeckhoutte
L’association Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte est un cabinet spécialisé en droit social. Elle compte également des spécialistes reconnus en droit fi scal, en droit des affaires ainsi qu’en droit de l’enseignement et en droit administratif.
Composée d’une soixantaine d’avocats qui exercent leur activité à Bruxelles, Liège et Gand, cette association constitue un des pre-miers cabinets belges spécialisés dans le con-seil et le contentieux en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit fi scal, droit commercial et des affaires au sens large.
Issue du rapprochement entre le cabinet Ta-quet & Van Eeckhoutte et le cabinet Clesse – Deprez – Neuprez, cette entité constitue un des acteurs juridiques majeurs dans le droit des entreprises.
L’association Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte of fre un service complet, ses avocats accom-pagnent, conseillent et défendent leurs clients depuis les juridictions de proximité jusqu’à la Cour de cassation.
Une approche personnalisée: au-delà d’un conseil juridique ou d’une défense en justice, nos avocats apportent une aide à la décision fondée sur une longue expérience pratique des problèmes ren-contrés par les entreprises et les personnes privées. Grâce à la maitrise et la répartition de ses compé-tences, l’association offre à ses clients un service personnalisé et rapide ainsi qu’une disponibilité totale pour résoudre les problèmes les plus urgents.
Une approche scientifi que: association à la pointe du droit pouvant compter sur l’apport scienti-fi que de ses membres dont plusieurs professeurs d’université ou de hautes écoles, elle intervient dans le développement de la doctrine par ses nombreux ouvrages et publications et assure la formation permanente de ses membres et clients par l’organisation de séminaires.
Une approche diversifi ée: le droit social, le droit fi s-cal ainsi que le droit des sociétés s’inscrivent dans une structure globale qu’il faut maîtriser. Soucieux de garder des passerelles avec toutes les branch-es du droit, le cabinet compte des spécialistes en droit des contrats, responsabilité pénale et civile, réparation du préjudice corporel, droit des assur-ances…La maîtrise de ces diverses compétences permet d’offrir un service complet.
Une approche régionale, nationale et interna-tionale : intégré de longue date dans le tissu so-cio-économique de chaque région, le cabinet Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte répond aux be-soins locaux de sa clientèle. Nos avocats sont en outre reconnus depuis longtemps comme des interlocuteurs crédibles par les acteurs de la vie économique au niveau national et par les juridic-tions du pays. Enfi n, nous entretenons des relations privilégiées avec des cabinets de niche en droit social et présents sur la scène internationale.
Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte offre:
Contacts : www.bellaw.be
Bruxelles : chaussée de la Hulpe, 166à 1170 Bruxelles – 02.660.69.00
Liège : Quai de Rome, 2 à 4000 Liège - 04.254.11.00
Gand : Drie Koningenstraat, 3 à 9051 Gand – 09.220.82.00
26 Dossier RGP - MARC’s
Dans le cadre de ce supplément juri-
dique consacré aux Modes Alternatifs
de Règlement des Confl its (MARC’s)
notre propos se limitera à quelques considé-
rations relatives à l’arbitrage comme mode
de règlement des confl its qui trouvent leur
origine dans l’exécution (ou l’inexécution)
d’obligations conventionnelles. Le Code judi-
ciaire belge défi nit l’arbitrage comme étant la
convention en vertu de laquelle deux ou plu-
sieurs parties conviennent de confi er à un ou
plusieurs arbitres la mission de trancher entre
elles un différend né ou à naître. La «conven-
tion d’arbitrage» apparaît fréquemment sous
forme d’une disposition insérée par les par-
ties contractantes dans une convention dont
l’objet peut concerner, par exemple, une
vente, un contrat d’entreprise, un contrat
de fi nancement, etc. Les litiges qui trouvent
leur cause dans l’exécution (ou l’inexécution)
des obligations contractuelles constituent
par conséquent le domaine d’élection de
l’arbitrage organisé soir par le Code judiciaire
belge, soit – lorsqu’ils s’appliquent – par des
traités internationaux.
Le développement de l’arbitrage en Belgique est un phénomène relativement récentLa loi belge sur l’arbitrage date du 4 juillet
1972. Cette loi insérait dans le Code judiciaire
les dispositions de la loi uniforme issue d’une
convention européenne en matière d’arbi-
trage. Avant cette loi de 1972, le recours à
l’arbitrage entre parties établies en Belgique
était relativement exceptionnel en raison des
conditions restrictives de l’ancien Code de
procédure civile de 1806 relatives à l’arbitrabi-
lité des litiges. Depuis la loi du 4 juillet 1972,
le recours à l’arbitrage comme mode de règle-
ment des confl its a connu un développement
remarquable en Belgique.
Quel est l’effet d’une clause d’arbitrage conte-
nu dans une convention? Une convention
d’arbitrage a pour effet de soustraire la solu-
tion du litige entre parties à la compétence des
juridictions de l’Ordre judiciaire. Lorsqu’une
clause d’arbitrage valable existe entre parties,
les cours et tribunaux de l’Ordre judiciaire
perdent leur compétence pour trancher le
litige entre elles. Si l’une d’elles porte le diffé-
rend devant un tribunal de l’Ordre judiciaire,
le juge est tenu de se déclarer incompétent.
Pourquoi des entreprises ou des particuliers ont-ils recours à des arbitres qu’il faut rémunérer, alors que la justice est un service public mis gratuitement à la disposition des justi-ciables? Quels sont les avantages de l’arbitrage? Les
parties qui y ont recours y voient principa-
lement trois avantages. Le premier est la fa-
culté (fréquente dans la pratique) de renon-
cer à toute possibilité d’appel. Les arbitres
statuent en ce cas en dernier ressort, sans
possibilité pour la partie qui succombe dans
la procédure d’arbitrage de tenter d’obtenir
une réformation devant d’autres arbitres. Le
deuxième avantage est une plus grande sou-
plesse de la procédure ce qui permet aux
arbitres d’adapter la procédure de l’arbitrage
aux besoins spécifi ques du litige dont ils sont
saisis. Ainsi par exemple, lorsque le litige re-
quiert de longues auditions de témoins, les
audiences d’arbitrage peuvent se prolonger
pendant plusieurs jours, voire pendant plus
d’une semaine, chose diffi cilement conce-
vable devant les tribunaux de l’Ordre judi-
ciaire compte tenu de leur charge de travail.
Le troisième avantage est la discrétion de l’ar-
bitrage : les audiences ne sont pas publiques;
les sentences d’arbitrage restent en principe
confi dentielles.
L’arbitrage n’est certes pas la procédure qui
s’impose absolument par préférence à tout
autre mode de règlement des confl its. Nous
avons en Belgique un système judiciaire qui,
dans la très grande majorité des cas, fonc-
tionne remarquablement bien. Cependant,
lorsque les parties sont établies dans des pays
différents, un phénomène de méfi ance vis-à-
vis des institutions judiciaires de l’autre par-
tie se rencontre et c’est tout naturellement
que les parties choisiront l’arbitrage comme
mode de règlement des différends entre elles.
Ceci explique le développement de l’arbi-
trage en Belgique depuis une quarantaine
d’années. Chaque année, des milliers de li-
tiges sont ainsi soumis et résolus en Belgique
par les arbitres.
Le champ d’application de l’arbitrage (ce que
l’on dénomme «l’arbitrabilité» du litige) n’a
cessé de croître. Au départ confi née dans le
domaine strictement contractuel entre en-
treprises commerciales, la compétence des
arbitres a été reconnue dans les domaines les
plus divers. Les arbitres peuvent par exemple
prendre des décisions qui s’imposeront à tous
(et donc pas seulement aux parties qui ont
soumis leur différend aux arbitres). Ainsi des
arbitres peuvent prononcer la nullité d’une
société et leur décision s’imposera à tous si
cette décision fait l’objet des publications
prévues par le Code des sociétés. Les arbitres
peuvent également par exemple prononcer
la nullité d’un brevet. En outre, les arbitres
peuvent se prononcer sur l’application de dis-
positions d’ordre public comme par exemple
la contrariété d’une convention à une loi
d’ordre public ou une norme européenne.
Mais y a-t-il en défi nitive des matières qui échappent à la compétence des arbitres ? Le Code judiciaire impose effectivement
deux types de restriction à l’arbitrabilité d’un
litige. Tout d’abord les personnes morales de
droit public (l’Etat, les Régions, les provinces,
les communes, les CPAS, etc.) ne peuvent
conclure une convention d’arbitrage que
pour le règlement de différends relatifs à
l’exécution d’une convention. Ensuite l’arbi-
trage n’est permis que pour trancher un litige
relatif à un rapport de droit sur lequel il est
permis de transiger. Ce qui est hors com-
merce ne peut faire l’objet d’une transaction
et par voie de conséquence, les litiges relatifs
à ce type de rapports de droit ne peuvent
être soumis à l’arbitrage. Il existe donc des
domaines du droit qui échappent à la com-
pétence des arbitres. Ce sont – de manière
très sommairement résumées – les matières
où s’exerce la puissance publique : le droit
de la famille, le droit pénal, le droit fi scal et
les «voies d’exécution» (c’est-à-dire la mise à
exécution - le cas échéant - forcée de déci-
sions de justice, en ce compris les décisions
des arbitres). Ceci étant, les modes alternatifs
de règlement des confl its interviennent, mais
– serait-on tenté de dire – à la marge, même
dans ces matières : médiation familiale, mé-
diation pénale, conciliation fi scale.
Hormis ces matières qui constituent dans
tous les pays le «noyau dur» des compétences
des juridictions étatiques, le domaine de com-
pétence des arbitres, l’arbitrabilité des litiges,
a connu au cours des quarante dernières an-
nées un remarquable développement.
Extension du domaine de l’arbitrabilite des litiges
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Avocat associéKrings Law
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28 Dossier RGP - MARC’s
Rapide rappel historiqueC’est en 1980 qu’apparurent aux Etats-Unis
les premiers modes alternatifs de règlements
des confl its inhérents à la vie des affaires. Le
coût et la durée des procédures aux Etats-
Unis ne furent sans doute pas étrangers à la
naissance des « ADR » (Alternative Dispute Re-
solution). Ce courant passa l’Atlantique dans
les années 1990. En Europe francophone, l’on
parle aussi des « Modes Alternatifs de Règle-
ments des Confl its » ou « MARC ».
Les avantages d’éviter un procès sont
connus : une procédure coûte cher, est lente
(à Bruxelles on attend entre 18 et 24 mois
pour plaider un dossier) et surtout connaît
une issue incertaine (ce qui est, pour un chef
d’entreprise, peu acceptable), alors qu’une
solution hors prétoire est rapide (hors l’hypo-
thèse de l’arbitrage), confi dentielle, souple,
adaptée à la volonté commune des parties
qui l’ayant trouvée ensemble l’appliqueront
plus facilement qu’une décision de justice qui
leur est imposée. Mais l’avantage décisif d’un
« MARC » est qu’après avoir résolu ce confl it,
ce qui arrive dans 3 cas sur 4, les parties se
retrouvent et peuvent continuer à avoir des
relations, sans perdant, ni gagnant que ce soit
comme associé, partenaire commercial, four-
nisseur, client,...
Les deux voies royales des MARC’s : la médiation…Mais quels sont ces modes alternatifs dont
on nous parle tant ? Deux de ceux-ci nous pa-
raissent devoir être mis en avant, car bien que
les plus pratiqués, ils sont souvent confon-
dus : la médiation et la conciliation.
Il n’existe pas de défi nition légale de la mé-diation. Nous utiliserons celle des travaux
préparatoires de la loi du 21 février 2005 qui
a introduit, de manière générale, la médiation
en Belgique : « La médiation est un proces-sus de concertation volontaire entre parties en confl it, avec le concours actif d’un tiers indépendant qui facilite la communication et tente de conduire les parties à sélection-ner elles-mêmes une solution ». Chaque mot
est important !
Voici les principales caractéristiques de la
médiation :
La médiation est un processus volontaire,
une négociation entre parties qui peut donc
commencer et s’arrêter à tout moment ;
Par rapport à une simple négociation, la
médiation fait intervenir un tiers (un mé-
diateur agréé) mais qui n’aura qu’un rôle
limité : celui de trouver la bonne longueur
d’ondes qui permettra aux parties de se
(re)parler et de trouver ensemble une solution. Pour ce faire, le médiateur qui ne peut imposer aucune solution, pourra avoir des contacts avec l’une ou l’autre partie séparément (ce qu’on appelle des « caucus ») ;
Comme la loi de 2005 le précise, la média-tion est confi dentielle : rien ne pourra sor-tir de ces discussions et des documents échangés à cette occasion ;
La médiation qu’elle soit volontaire (c.-à-d. décidée par les parties hors toute pro-cédure) ou judiciaire (c.-à-d. décidée par un juge avec l’accord des parties) suspend toute procédure judiciaire ;
La médiation, si elle réussit (en général on parle en jours et maximum en mois) se termine par la signature d’un protocole d’accord qui sera éventuellement déposé au tribunal pour être entériné par le juge.
En notre qualité d’administrateur de l’asbl BBMC, créée par les deux Ordres du Barreau de Bruxelles et la Chambre de Commerce de Bruxelles (devenue BECI), nous nous per-mettons de conseiller à ceux qui sont inté-ressés par cette formule d’aller visiter le site : www.bmediation.be. Ils y trouveront tous les renseignements utiles pour résoudre un diffé-rend « B to B ».
…et la conciliationBien que souvent confondue avec la média-tion, la conciliation est toute différente. Il s’agit d’ « un mode pacifi que de règlement des différends grâce auquel les parties s’en-tendent soit directement soit par l’entremise d’un tiers pour mettre un terme à leur litige. Si le conciliateur est un tiers, il s’autorisera des recommandations sur le fond, des pro-positions de solutions, des tentatives d’in-fl uence dans la recherche de l’accord ».
Cette défi nition, tirée également des travaux parlementaires, nous permet d’appréhender les points communs et les différences de cet autre « MARC » avec la médiation :
Comme la médiation, la conciliation peut être volontaire ou judiciaire ; la loi prévoit d’ailleurs la conciliation dans certaines cas, comme le renouvellement d’un bail com-mercial ;
Il y a aussi intervention d’un tiers : ce tiers peut être un juge ou quiconque (un conci-liateur ne doit pas être agréé) ;
Mais ce tiers est plus « interventionniste» puisqu’il peut donner son opinion quant aux solutions proposées ou même en re-commander ;
Sauf si les parties le prévoient (dans la conciliation volontaire), la conciliation n’est pas confi dentielle. A défaut d’accord devant un juge, il sera d’ailleurs dressé un « procès verbal de non conciliation ».
Si la médiation est une technique relative-ment neuve, la conciliation était déjà prévue dans notre Code judiciaire depuis 1967 mais est encore trop peu utilisée par les plaideurs. Pourtant la première confrontation avec le juge peut souvent rapprocher les points de vue ou au moins permettre de jauger la façon dont celui-ci tranchera l’affaire s’il est appelé par la suite à en juger.
Les autres MARC’sPour aborder les autres formules (à ce su-jet, l’imagination est aux pouvoirs), nous nous servirons du tout récent et excellent modèle de « Protocole de négociation » que vient d’établir l’Ordre français du Barreau de Bruxelles.
Outre le recours à la médiation ou à la conci-liation, ce protocole prévoit de faire appel à:
L’avis d’un expert souvent fort utile pour donner à un litige sa juste proportion ou
L’évaluation juridique indépendante don-née confi dentiellement par un tiers juriste qui donne aux parties une indication utile quant à leurs droits et obligations respectifs, sans passer par le détour d’une procédure.
Brèves conclusionsLa rapidité et l’internationalisation des rap-ports commerciaux rendent les procédures judiciaires (sauf celles d’urgence, appelées « les référés ») inadéquates pour résoudre les différends « B to B » de toute nature.
Certes il ne faut pas tomber dans l’angélisme, il faudra toujours des tribunaux civils voire pé-naux pour défendre les droits de ceux qui se trouvent confrontés à des aigrefi ns ou autres gougnafi ers.
Toutefois les MARC’s sont avant tout une fa-çon d’aborder les diffi cultés en ne cherchant pas « à qui la faute » mais comment résoudre celles-ci en faisant un effort commun. La dé-pense d’énergie (et d’argent) sera souvent moins importante et, oh combien, plus pro-fi table à court et long terme.
Merci à La Libre Belgique de nous avoir permis de vous esquisser les MARC’s car en cette ma-tière, comme en beaucoup d’autres, il faut avant tout informer pour changer les mentalités.
Notre vœu fi nal : transformer le dicton po-pulaire en: un bon arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès !
MARC’s : PANORAMA
RENARDAvocat associé Barreaux de Bruxelles et de Nivelles, Juge suppléant du tribunal de commerce de NivellesVerhaegen Walravens
Gagner un procès, c’est acquérir une poule en perdant une vache (proverbe chinois)
30 Dossier RGP - MARC’s
Face aux pesanteurs de la justice éta-
tique, voire de l’inaptitude de celle-ci
à trancher certains litiges hors normes,
l’arbitrage s’est considérablement développé
ces dernières années tant sur le plan interna-
tional que sur le plan national.
L’arbitrage est une forme de règlement de
confl it par laquelle les parties en litige déci-
dent de soumettre leur différend à un tribunal
arbitral, juridiction privée et choisie, compo-
sée généralement de un à trois arbitres. Ceux-
ci, aux termes une procédure « sur mesure »,
fl exible et en principe rapide, rendent une
décision - la sentence arbitrale - qui n’est pas
susceptible de recours, sauf les cas exception-
nels d’annulation et à moins que les parties
ne se soient réservé l’appel. Exécutée volon-
tairement dans la plupart des cas, le pouvoir
judiciaire doit rarement accorder l’exequatur
de la sentence aux fi ns d’exécution forcée.
L’arbitrage dit «ad hoc» (organisé par les par-
ties elles-mêmes, souvent pas référence aux
dispositions de notre Code judiciaire) ou
institutionnel (via une institution comme
le CEPANI ou la CCI,..) permet une justice
plus rapide rendue par des spécialistes choi-
sis pour leur compétence dans la matière
litigieuse et leurs garanties de totale discré-
tion. Les arbitres sont en effet astreints à une
confi dentialité absolue : l’arbitrage n’est pas
public et les sentences arbitrales ne peuvent
être publiées qu’avec l’accord des parties.
Mécanisme conventionnel de résolution des
confl its, l’arbitrage repose entièrement sur
la volonté des parties, qu’elles se réfèrent au
règlement d’une institution ou qu’elles pré-
fèrent organiser elles-mêmes la procédure.
Les justiciables demeurent ici maîtres de leur
litige, ce qui tend à maintenir un certain climat
de confi ance entre elles. Or, la préservation
du lien s’avère souvent nécessaire lorsque les
opérateurs économiques sont appelés à res-
ter en relations d’affaires. La conciliation des
parties, par les arbitres, s’en trouve du reste
facilitée
S’agissant de relations commerciales inter-
nationales, les parties optant pour l’arbitrage
s’épargnent une empoignade aventureuse,
dans une langue étrangère, au prix d’une
procédure inconnue voire incompréhen-
sible, jalonnées d’interminables confl its de
juridictions. Par le recours à l’arbitrage, elles
s’offrent de situer leur différend dans un cadre
familier, dans une langue (fréquemment l’an-
glais) qu’elles auront au préalable agréé, sous
l’égide d’une institution d’arbitrage, et dans
un espace-temps, uniques.
Mais cette forme de résolution de confl its
n’est elle pas réservée à une catégorie privilé-
giée de justiciables? Même si les partisans de
l’arbitrage fl attent la prévisibilité de ses coûts,
il faut concéder que cette forme de justice
privée s’avère, notamment par la barémisa-
tion des honoraires des arbitres en fonction
de l’enjeu du litige et de leur degré de compé-
tence, beaucoup plus onéreuse que notre jus-
tice traditionnelle, ce d’autant que les arbitres
rechignent souvent à condamner la partie
succombante au paiement des frais d’arbi-
trage. Or, grâce au récent système des indem-
nités de procédure, le perdant s’expose, dans
le cadre d’un litige judiciaire, à la prise en
charge, non seulement de ses propres frais
mais également, et dans une certaine mesure,
à ceux de son adversaire. (P)osons, plus fon-
damentalement, la question : l’arbitrage est-il
une panacée ?? Nos juridictions sont-elles à ce
point défaillantes qu’il faille recommander la
déjudiciarisation à tout (tous !) prix ?
Sur le plan national, l’arbitrage se conçoit
certes en presque toutes matières. Mais
nos cours et tribunaux sont organisés en
chambres spécialisées et maitrisent souvent
excellemment les contentieux qui leur sont
soumis, en sorte que le recours à un (et a
fortiori plusieurs) arbitre(s) spécialisé(s) ne
se justifi e pas si souvent. Il ya aussi, quant à
l’avantage de la célérité, que l’arriéré judiciaire
est un fl éau essentiellement bruxellois, tandis
quel es arbitres, souvent avocats et/ou profes-
seurs, consacrent rarement l’entièreté de leur
temps - hormis quelques exceptions- à cette
fonction particulière, ce qui relativise leur
disponibilité. En pratique, même s’ils veillent
à la ponctualité de leurs sentences, celles-ci
se font parfois attendre. Songeons aussi que
l’arbitrage accuse certaines limites, comme
celles de l’urgence et de son extension à des
tiers., Malgré tout, il demeure que certains
types de litiges, à haute densité passionnelle
(ex. une succession) ou technique (ex. en
informatique), de même que les litiges de
faible ‘importance n’ont pas leur (meilleure)
place au palais de justice, et n’y trouvent pas
de solution vraiment pérennes et apaisantes..
Là ou souvent les arbitres tendent à statuer
en équité, nos cours et tribunaux se doivent
d’appliquer « froidement » les règles de droit,
au risque d’éloigner les parties de l’idée de
«justice» et leur laisser en héritage une solu-
tion unanimement frustrante. C’est alors,
précisément, que l’arbitrage - couplé, idéale-
ment, aux autres modes de règlements alter-
natifs de litige comme l’expertise technique,
la médiation, le mini-trial organisées par les
mêmes institutions - présente sans conteste
une inestimable plus- value, tant nos juridic-
tions sont peu équipées, débordées, cade-
nassées par les lois et procédures inaptes à
sceller une vrai paix judiciaire dans ces litiges
particuliers.
Pour toutes ces raisons, dans tous ces cas,
ainsi que dans le cadre des litiges transfron-
taliers et, multipartites, aux contours juri-
diques et factuels complexes, l’arbitrage et
les autres modes alternatifs de règlement des
litiges présentent sans conteste de nombreux
avantages par rapport à notre justice tradi-
tionnelle et sont, sans doute, encore voués à
un bel avenir. Gageons, entre autres souhaits,
que ces prétoires alternatifs sauront, à tous
égards, rester accessibles, et pourront rele-
ver le défi de l’urgence qui, inexorablement,
gagne les contentieux de tous types.
L’ arbitrage: les avantages d’une justice privée
Jean-François VAN DROOGHENBROECK
Sophie JACMAIN
Professeur à l’université catholique de Louvain et aux Facultés Universitaires Saint Louis, Avocat au Barreau de Bruxelles
Associate Partner, Assistante ULB en matière de procédures collectives et sûretésNauta Dutilh
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