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ÉCOLE DU LOUVRE
Christine Vincent
Exposer les ateliers d’artistes dans
un musée d’art : enjeux et
pratiques Étude de la programmation récente du
Centre Georges Pompidou
Mémoire d'étude
(1ère année de 2ème cycle)
présenté sous la direction
de Mme Bernadette Dufrêne
Mai 2011
2
EXPOSER LES ATELIERS D’ARTISTES DANS UN MUSEE D’ART :
ENJEUX ET PRATIQUES
ÉTUDE DE LA PROGRAMMATION RECENTE DU CENTRE GEORGES POMPIDOU
3
Table des matières
Table des matières .............................................................................................................................3
Avant-propos .....................................................................................................................................4
Introduction .......................................................................................................................................6
I. Du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO au musée d’art : vers une redéfinition du rôle
muséal des ateliers d’artistes ? ........................................................................................................ 11
1.1 Nouvelles définitions de l’ICOM et de l’ICOFOM ...................................................................... 11
1.2 Appropriation du concept par les musées d’art : un patrimoine culturel immatériel dans les
ateliers d’artistes ? ........................................................................................................................ 13
1.3 Affirmation de la recherche sur les ateliers d’artistes considérés en tant qu’objet de la
muséologie ................................................................................................................................... 20
1.4 Faire des ateliers d’artistes au musée le lieu d’une culture vivante en dialogue avec le passé, le
présent et l’avenir ......................................................................................................................... 24
II. L’atelier d’artiste : un agent de liaison entre la collection permanente et les expositions
temporaires : .................................................................................................................................... 29
2.1 Une programmation scientifique et culturelle dans la durée comprenant des expositions de la
collection permanente et des expositions temporaires ayant pour objet d’étude l’atelier ............. 29
2.2 Accompagner les accrochages des collections permanentes et les expositions temporaires
d’une documentation sur les lieux de la création des œuvres ........................................................ 33
2.3 Encourager le retour au musée par des expositions temporaires et des dispositifs de médiation
réactualisant la collection permanente autour du thème de l’atelier d’artiste ............................... 36
III. Le Centre Pompidou et les ateliers d’artistes : une stratégie visant également les publics : ....... 42
3.1 Les lieux de la création des œuvres de la collection permanente et des expositions temporaires
révélés par divers dispositifs de médiation .................................................................................... 42
3.2 Constituer des connaissances et favoriser la réflexion des visiteurs amenés à se questionner sur
les divers liens unissant les ateliers, les œuvres et l’institution muséale ........................................ 48
3.3 L’atelier d’artiste comme moyen de contextualisation et de problématisation de l’art moderne
et contemporain ........................................................................................................................... 53
Conclusion ........................................................................................................................................ 58
Bibliographie .................................................................................................................................... 62
4
Avant-propos
Après avoir suivi un cursus universitaire de 1er
cycle en histoire de l’art à l’Université de
Montréal au Québec, j’ai souhaité étendre mon champ de réflexion et me confronter à de
nouveaux défis en m’inscrivant au Master de muséologie de l’École du Louvre. Il s’agissait à
la fois d’obtenir une formation axée sur la muséologie, mais aussi, une occasion de découvrir
d’autres approches ainsi que de me familiariser avec de nouvelles institutions culturelles et
leur fonctionnement. Arrivée en France un an avant le début de mes études à l’École du
Louvre, je fus marquée par ma première visite au Centre Georges Pompidou au cours de
laquelle j’ai eu l’occasion de visiter l’exposition Lucian Freud : l’atelier. Cette expérience est
à l’origine de ma réflexion sur l’exposition des ateliers d’artistes dans les musées d’art et c’est
à partir de cette exposition temporaire que je me mis à effectuer des recherches sur le sujet.
Au fur et à mesure de l’avancement de celles-ci, le Centre Georges Pompidou m’a semblé un
véritable foyer de la mise en exposition des ateliers d’artistes et j’ai voulu en savoir davantage
sur les enjeux de cette pratique. Le temps venu de choisir un groupe de recherche pour la
rédaction du mémoire d’étude, le groupe Programmation et dispositifs de programmation
sous la direction de Madame Bernadette Dufrêne s’est avéré plus adapté à la réalisation du
projet de recherche que j’envisageais. Ce fut donc avec une grande satisfaction que mon
inscription dans ce groupe fut validée par le service de la scolarité de l’École du Louvre. De
ce fait, je tenais également à témoigner toute ma gratitude à ma directrice de recherche,
Madame Bernadette Dufrêne, pour son soutien et la confiance dont elle fit preuve tout au long
de mes recherches et pour m’avoir encouragée à poursuivre dans la voie que j’ai souhaitée
emprunter, ce qui était pour moi extrêmement important.
Au cours de mes recherches préliminaires, j’ai également découvert l’exposition Ateliers :
l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky qui eut lieu
en 2007 et qui est encore aujourd’hui la seule expérience d’exposition autonome de
documents et archives des collections de la Bibliothèque Kandinsky. Lorsque le temps fut
venu de choisir une personne-ressource pour mon mémoire d’étude, Monsieur Didier
Schulmann, Conservateur général et responsable de la Bibliothèque Kandinsky, était pour moi
la meilleure personne à contacter et c’est aujourd’hui avec une très grande reconnaissance que
je le remercie de s’être engagé sans aucune hésitation dans mon projet de mémoire, pour
m’avoir accordé du temps et une aide précieuse tout au long de mes travaux de recherches
5
sans laquelle je n’aurais pu bénéficier d’un corpus d’images aussi riche. Par le fait même, je
souhaite remercier Madame Karine Bomel, Responsable des collections photographiques de
la Bibliothèque Kandinsky, qui m’a également apporté une assistance considérable me
permettant d’avoir accès à des photographies non encore disponibles sur l’intranet de la
bibliothèque et pour ses conseils judicieux.
Je me dois aussi d’adresser mes plus sincères remerciements à Monsieur Didier Ottinger,
Directeur adjoint en charge de la programmation culturelle du Centre Georges Pompidou, qui
eut la grande gentillesse de me recevoir afin que nous puissions discuter de mes recherches et
pour me faire part de ses impressions à propos de la programmation récente d’expositions
concernant les ateliers d’artistes au Centre Pompidou.
Je remercie également Madame Véronique Wiesinger, Directrice de la Fondation Alberto
et Annette Giacometti et commissaire de l’exposition L’atelier d’Alberto Giacometti, qui m’a
accordé un entretien au cours duquel j’ai pu prendre connaissance de l’élaboration de ce
projet d’exposition, de la nature de la collaboration entre la Fondation et le Centre Pompidou,
des choix muséographiques qu’elle adopta ainsi que de son point de vue concernant l’intérêt
grandissant accordé aux ateliers d’artistes en contexte muséal. Toujours de la Fondation
Alberto et Annette Giacometti, je transmets mes remerciements à Madame Katia Busch,
Assistante de recherche et chargée de la photothèque des collections, ainsi qu’à Monsieur
Damien Bril, Responsable de la bibliothèque, des archives et des collections d’arts
graphiques, qui ont tout mis en œuvre afin que je puisse consulter les photographies de la
muséographie de l’exposition dont il est question.
Je tenais également à remercier tout le personnel de la BnF, de l’INHA, de la Bibliothèque
Kandinsky et de la Bibliothèque de l’École du Louvre pour leurs conseils qui m’ont permis de
m’orienter et de faciliter mes recherches. Je me dois également de remercier personnellement
Madame Marie-Christine de Brouët du Portal pour ses judicieux conseils informatiques et
méthodologiques si précieux pour la rédaction de mon mémoire.
6
Introduction
Ce mémoire d’étude, réalisé sous la direction de Madame Bernadette Dufrêne, Directrice
du groupe de recherche Programmation et dispositifs de programmation, s’inscrit dans le
parcours d’initiation à la recherche de la première année du master en muséologie de l’École
du Louvre. Réfléchissant depuis quelques temps à la place réservée aux ateliers d’artistes dans
les musées d’art, il nous apparaissait intéressant d’aborder le sujet du point de vue de la
programmation d’expositions et de dispositifs de médiation concernant les ateliers. Ayant
observé un intérêt grandissant de la part du Centre Georges Pompidou au cours de ces
dernières années pour les ateliers d’artistes, nous avons donc souhaité orienter notre recherche
vers une étude de la programmation récente de ce musée afin d’être en mesure d’identifier les
enjeux et les différentes pratiques liés à la mise en exposition ainsi qu’à la médiation des
ateliers en contexte muséal. Ce mémoire s’inscrit alors dans une recherche dont l’objet se veut
l’étude de la programmation culturelle et muséographique du Centre Pompidou, mais portera
également sur des réflexions muséologiques actuelles. Nous aborderons entre autre la
question de l’influence de la notion de patrimoine culturel immatériel sur la représentation des
ateliers dans ce musée d’art et nous chercherons également à démontrer qu’il existe au sein de
cette institution une programmation culturelle et scientifique dans la durée concernant les
lieux de la création artistique. En nous intéressant aux dispositifs de médiation des ateliers mis
en œuvre par de ce musée, nous espérons aussi mener une recherche concernant la médiation
culturelle et la prise en compte du public sans toutefois prétendre à une étude de réception. En
s’inscrivant dans l’actualité des événements culturels du Centre Pompidou, ce mémoire
tentera de répondre aux questions que pose l’intérêt grandissant de cette institution pour la
documentation, l’exposition et la médiation des ateliers d’artistes, mais aussi d’élaborer un
savoir dont la portée sera plus grande. Nous espérons ainsi que les conclusions de ce travail de
recherche pourront participer à une meilleure connaissance des pratiques muséales actuelles et
nous mener à en comprendre les objectifs. Cette recherche n’entend pas se limiter aux
pratiques muséographiques de la programmation du Centre Pompidou, mais explorera aussi
divers dispositifs de médiation tels que les catalogues d’exposition, les vidéos mis en ligne sur
le site internet du musée ou projetées en salle et les dossiers pédagogiques. Bien entendu, il
nous sera impossible d’étudier tous les dispositifs accompagnant les événements culturels du
musée, mais l’étude d’une programmation représente en soi un véritable défi. Aussi, nous
espérons que la méthodologie élaborée pour notre étude puisse servir de modèle à
7
d’éventuelles recherches portant sur l’identification de nouveaux enjeux muséologiques grâce
à une approche axée sur l’analyse des programmations muséales.
Ayant pour objectif d’apporter des éléments de réponse pouvant expliquer les raisons pour
lesquelles le Centre Pompidou accorde une place grandissante aux ateliers d’artistes au sein
de sa programmation culturelle depuis ces dernières années, nous chercherons à identifier par
quels moyens le musée parvient à donner une meilleure visibilité aux ateliers afin de mieux
comprendre les enjeux de les pratiques d’exposition, de recherche et de médiation les
concernant. Notre étude s’inscrivant dans le cadre d’un master en muséologie, nous avons
ainsi souhaité faire ressortir de l’analyse de la programmation récente du Centre Pompidou
des hypothèses concernant les enjeux muséologiques liés à l’exposition des ateliers. Pour se
faire, il nous fallait d’abord élaborer une méthodologie de recherche efficace nous permettant
de défendre et appuyer nos hypothèses sur les enjeux muséologiques impliqués à l’aide
d’exemples concrets d’expositions et de pratiques muséographiques participant à la
représentations des ateliers d’artistes dans l’espace muséal.
Cette méthodologie, qui peut être déclinée en trois principaux axes, impliquait dans un
premier temps de mener un travail de recherche afin d’établir notre corpus d’expositions,
d’œuvres et de dispositifs de médiation en lien avec notre problématique ainsi que de les
documenter en se référant notamment aux catalogues d’expositions, aux archives ainsi qu’aux
photographies de leur muséographie. Pour ce faire, nous avons essentiellement travaillé à la
Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art
moderne - Centre de création industrielle, afin de consulter les publications reliées à la
programmation culturelle du Centre Pompidou et pour constituer un corpus d’images sur la
muséographie des expositions. Cet axe méthodologique que nous avons développé nous a
permis de constituer des annexes étoffées sur lesquelles viennent s’appuyer notre recherche
ainsi que nos hypothèses.
Une autre étape essentielle de notre méthodologie fut la recherche théorique concernant les
enjeux de la médiation, les préoccupations muséologiques actuelles, les différents dispositifs
de médiation employés par les musées, l’histoire des ateliers et du Centre Georges Pompidou
lui-même ainsi que d’autres sujets pouvant participer à notre réflexion concernant les objectifs
et les pratiques de la mise en exposition des ateliers. Nous avons également cherché à nous
inspirer d’autres domaines, notamment de la sociologie ou encore de travaux portant sur
8
d’autres types d’institutions muséales tels que les musées de sciences ou d’anthropologie, afin
d’enrichir notre recherche et vérifier si les concepts qui y sont développés pouvaient
s’appliquer à notre champ d’études.
Le dernier axe primordial de notre méthodologie s’exprime également par le besoin que
nous avons ressenti de confronter nos théories à des professionnels du Centre Pompidou, mais
aussi de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, afin de recueillir leur avis sur les
hypothèses que nous avancions ce qui nous a permis de prendre connaissance d’opinions
partagées, mais aussi d’avis différents. Cette confrontation de nos hypothèses était pour nous
un excellent moyen de prendre le pouls des réflexions en cours dans le monde professionnel
des musées, plus particulièrement au Centre Pompidou en ce qui nous concerne, mais aussi de
voir en quoi notre travail recherche pouvait apporter de nouvelles connaissances quant aux
pratiques d’exposition et de médiation des ateliers d’artistes et les objectifs muséologiques
qu’elles peuvent atteindre.
Le corpus sélectionné pour notre étude sera analysé de manière à identifier les conditions
de représentation des ateliers en contexte muséal et les diverses stratégies de médiation
employées dans le but de mieux cerner les objectifs potentiels de cet intérêt pour les ateliers
d’artistes qui se manifeste à travers la programmation du Centre Pompidou. Ce mémoire
d’étude sera divisé en trois chapitres correspondant chacun à l’énonciation d’un enjeu
muséologique majeur lié à la conservation, la recherche, l’exposition et la médiation des
ateliers d’artistes au musée. Ces énoncés seront développés et explicités dans chacune des
sous-parties suivantes en s’appuyant sur des ouvrages de référence ainsi que sur l’analyse
d’un corpus étoffé constitué essentiellement de photographies muséographiques, d’images
tirées des catalogues d’exposition, de photographies d’archives et de divers extraits de
dossiers pédagogiques et de dossiers de presse. Nous espérons ainsi démontrer que les
diverses pratiques d’exposition et de médiation des ateliers d’artistes en contexte muséal,
éditorial ou autre, répondent à des préoccupations de la muséologie actuelle.
Dans un premier chapitre, nous nous intéresserons à l’émergence de la notion de
patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2003 en tentant de démontrer que son influence
a participé à la redéfinition du rôle muséal des ateliers d’artistes. Pour parvenir à expliciter
cette théorie, nous verrons dans un premier temps les modifications apportées aux Statuts de
l’ICOFOM en 2005 puis de l’ICOM en 2007 quant à ce concept de patrimoine culturel
9
immatériel. Après s’être penchés sur la redéfinition de la muséologie et des missions du
musée, nous tâcherons de montrer comment la recherche et l’exposition des ateliers au Centre
Pompidou peut aller de pair avec son rôle de conservation des témoins immatériels de
l’homme et de son environnement. Bien que ce concept de patrimoine culturel immatériel
semble dans un premier temps plus adapté aux musées d’anthropologie, nous considérons que
l’intérêt porté aux ateliers apparaît pour ce musée d’art comme un excellent moyen
d’appropriation et d’application de ce nouveau concept patrimonial. Ainsi, nous verrons
pourquoi les ateliers d’artistes peuvent être considérés comme des lieux porteurs d’un
patrimoine culturel immatériel à conserver, raison pour laquelle nous pensons que le rôle
muséal des ateliers d’artistes tend à être redéfini. Nous chercherons également à identifier par
quels moyens ce musée d’art parvient à affirmer et déployer une véritable recherche
scientifique sur les ateliers d’artistes devenus un objet de la muséologie car porteurs d’un
patrimoine culturel immatériel à préserver pour les générations futures. À cet effet, nous
étudierons plus particulièrement le travail mené par la Bibliothèque Kandinsky en terme
d’archivage et de documentation concernant les ateliers d’artistes d’hier et d’aujourd’hui. En
nous intéressant à la programmation du Centre Pompidou, nous pourrons ensuite démontrer
que les démarches de certains commissaires et artistes contemporains visent à faire des
ateliers muséalisés le lieu d’une culture vivante qui permet d’établir un dialogue avec le passé,
le présent et l’avenir bien qu’ils soient en constante évolution.
Nous souhaitons démontrer dans un second chapitre que l’atelier d’artiste, par ses divers
moyens d’exposition et de médiation, peut représenter pour le Centre Georges Pompidou un
puissant agent de liaison entre ses collections permanentes et ses expositions temporaires. Par
l’étude de sa programmation, nous chercherons à prouver l’existence d’un programme
scientifique dans la durée, impliquant à la fois les expositions temporaires et les accrochages
des collections permanentes, dont l’objet d’étude se veut les ateliers d’artistes. Toujours dans
cette idée que l’exposition des ateliers participe à un programme scientifique s’inscrivant dans
la durée, nous verrons comment l’intégration d’archives et de documents audiovisuels
concernant les ateliers dans les expositions du Centre Pompidou s’exprime avec la même
volonté d’offrir une documentation exhaustive concernant les lieux de la création artistique
moderne et contemporaine et ce, qu’il s’agisse d’expositions permanentes ou temporaires.
Nous entendons ainsi démontrer que les dispositifs de médiation et les divers moyens de
représentation déployés ne sont pas des choix isolés et considérés comme tels, mais qu’ils
sont plutôt pensés de manière à enrichir le contenu et la portée des expositions temporaires.
10
Nous verrons également comment l’atelier, en tant que thématique de dispositifs de médiation
et d’expositions temporaires, constitue un réel moyen de réactiver la collection permanente et,
par le fait même, d’encourager le retour du public de proximité au musée.
Dans un dernier chapitre, nous tenterons de démontrer que les expositions, la recherche et
la médiation des ateliers d’artistes au Centre Georges Pompidou peuvent également incarner
une stratégie dont l’un des principaux enjeux serait la prise en compte du public. Nous
identifierons dans un premier temps divers moyens de médiation des ateliers d’artistes mis en
œuvre pour le public par le Centre Pompidou tout en portant une attention particulière à la
nature ainsi qu’aux effets potentiels de ces dispositifs sur les visiteurs et leur expérience
muséale. Nous étudierons entre autre des stratégies d’immersion et divers moyens d’évocation
des lieux de la création artistique comme moyen de stimuler l’imagination des visiteurs dans
le but de faire de leur visite une expérience dont les conditions favorisent leur activité
psychologique. Par la suite, nous tâcherons de montrer que la programmation du Centre
Pompidou permet d’offrir aux visiteurs des conditions favorables à la constitution de
connaissances non seulement sur l’art, mais aussi sur les ateliers et leur environnement. Le
but étant de leur permettre d’avoir une meilleure compréhension des œuvres par la
monstration de leur contexte de création et de favoriser la constitution d’un savoir concernant
les ateliers d’artistes qui soit réutilisable lors d’expériences muséales futures. Nous verrons
également comment certaines interventions d’artistes contemporains amènent les visiteurs à
prendre conscience des transformations subies par les ateliers muséalisés, ou d’autres qui
rendent accessible la création contemporaine en faisant de l’atelier un espace public.
Considérant que beaucoup de visiteurs ont encore aujourd’hui de nombreuses appréhensions
concernant la création moderne et contemporaine, nous chercherons à expliquer de quelles
façons les événements constituant notre corpus permettent de mieux contextualiser les œuvres
exposées au Centre Pompidou. Nous entendons ainsi démontrer que la contextualisation et la
problématisation de la création artistique, par des références aux ateliers d’hier et
d’aujourd’hui, peuvent amener les visiteurs à mieux appréhender cet art pour lequel plusieurs
d’entre eux ne disposent que de peu de repères.
11
I. Du patrimoine culturel immatériel de
l’UNESCO au musée d’art : vers une
redéfinition du rôle muséal des ateliers
d’artistes ?
1.1 Nouvelles définitions de l’ICOM et de l’ICOFOM
Avec la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO
en 2003, la notion de patrimoine poursuit l’ouverture à de nouvelles sphères culturelles et
sociales qu’elle avait déjà entamée depuis ces dernières décennies. Ratifiée par la France le 10
juillet 2006, cette convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a participé
à la redéfinition même de la notion de patrimoine et a apporté de nouvelles réflexions dans le
monde des musées et de la muséologie. Bien que la Convention propose différentes formes et
pratiques pouvant correspondre à ce nouveau concept patrimonial, sa définition reste malgré
tout assez large et ouverte à l’intégration de multiples manifestations culturelles. Ce
patrimoine culturel immatériel définit par l’UNESCO inclue les :
« […] pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine
culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en
permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la
nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine »
1.
À l’occasion d’une conférence annuelle ayant eu lieu à Calgary en 2005, le Comité
international pour la muséologie (ICOFOM) proposa une nouvelle définition du musée dans
sa Déclaration de Calgary incluant pour la première fois le concept de témoins
« immatériels » :
« Le musée est une institution au service de la société, qui a pour mission d’explorer et de comprendre le monde par la recherche, la préservation et la communication, notamment par
l’interprétation et par l’exposition, des témoins matériels et immatériels qui constituent le
patrimoine de l’humanité. C’est une institution sans but lucratif. »2
1 http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00022 [Dernière consultation le 08 mai 2011] 2 MAIRESSE François et DESVALLÉES André (dir.), « Vers une nouvelle définition du musée », dans Vers une
redéfinition du musée?, L’Harmattan, (Muséologies), Paris, 2007, p.14
12
Cette définition proposée par l’ICOFOM fut précédée en 2003 par les réflexions et la volonté
du Conseil international des musées (ICOM) de revoir la définition du musée afin de
s’adapter aux « récentes évolutions du monde des musées »3. Il va sans dire que la notion de
patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO faisait alors partie des évolutions évoquées.
Bien que cette volonté de revoir la définition du musée fut d’abord celle de l’ICOM, André
Desvallées et François Mairesse, partagent l’avis que ce travail mené par l’ICOFOM aurait
« […] privilégié une réflexion théorique, envisageant le musée sous l’angle strict de la muséologie et se distanciant – pour mieux les analyser – des préoccupations d’ordre plus pratique
de l’ICOM »4.
Ceci étant, il faudra attendre deux ans, soit en 2007 à l’occasion de la 21e Conférence
générale à Vienne, pour que l’ICOM adopte sa nouvelle définition du musée qui intègrera
officiellement la notion de patrimoine immatériel à ses Statuts :
« Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine
matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de
délectation. »5.
L’ICOM a donc adopté la notion de « patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de
son environnement », remplaçant ainsi les termes « témoins matériels et immatériels qui
constituent le patrimoine de l’humanité » privilégiés par l’ICOFOM, en reconnaissant ainsi le
concept de patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO et, par le fait même, la place que le
musée doit lui accorder. De plus, l’ICOM a remplacé le rôle de communication de ces
patrimoines, inscrit dans son ancienne définition, par celui de la transmission, fonction mieux
adaptée au concept de patrimoine immatériel. D’autant plus que l’UNESCO insiste sur
l’importance de la transmission du patrimoine culturel immatériel et sur le fait que ce
patrimoine constitue une tradition vivante permettant à une communauté de ressentir « un
sentiment d’identité et de continuité »6. Notons également que ce patrimoine est aussi
«traditionnel, contemporain et vivant à la fois » et qu’il ne comprend donc « pas seulement les
traditions héritées du passé, mais aussi les pratiques rurales et urbaines contemporaines,
propres à divers groupes culturels »7.
3 MAIRESSE François et DESVALLÉES André (dir.), « Vers une nouvelle définition du musée », dans Vers une redéfinition du musée?, L’Harmattan, (Muséologies), Paris, 2007, p.13 4 Idem, p.16 5 http://icom.museum/qui-sommes-nous/la-vision/definition-du-musee/L/2.html [Dernière consultation le 08 mai 2011] 6 http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00022 [Dernière consultation le 08 mai 2011] 7 Idem
13
À la lumière de ces précisions, nous sommes davantage en mesure de concevoir ce que
peut représenter le patrimoine immatériel pour les musées d’art, bien qu’il soit plus difficile
d’adapter ce concept à la nature de ses collections d’art qu’en ce qui concerne les musées de
civilisation, de sciences ou encore d’anthropologie. Les collections des musées d’art étant
essentiellement constituées d’œuvres et d’objets d’art, donc centrées sur la conservation et
l’exposition de ces biens matériels, il nous semblait important de réfléchir à ce que l’on
pourrait considérer comme un patrimoine culturel immatériel dans ce type de musée. Bien que
les Statuts de l’ICOM ne fassent pas acte de loi, il reste important de se rappeler que le
Conseil international des musées est une organisation mondialement reconnue comptant
parmi ses membres plus de 28 000 professionnels des musées à travers le monde et il va sans
dire qu’il a une influence considérable sur la recherche et les pratiques muséales, notamment
par l’intermédiaire du comité national français ICOM-France8. Nous intéressant à la
représentation des ateliers d’artistes au sein de la programmation culturelle du Centre
Pompidou, nous avons donc cherché à orienter ces réflexions que nous avons amorcées afin
de déterminer si la conservation, l’exposition et la médiation des ateliers en contexte muséal
pouvaient participer à la transmission d’un patrimoine culturel immatériel qui concernerait les
lieux de la création artistique.
1.2 Appropriation du concept par les musées d’art : un
patrimoine culturel immatériel dans les ateliers d’artistes ?
S’il semble évident que l’exposition des ateliers dans un musée d’art permet de
contextualiser la création artistique par l’évocation d’un cadre architectural, géographique et
matériel bien précis, leur muséalisation suscite des questions quant à leur statut, leur rôle et
leur utilité dans le contexte muséal. Questions d’autant plus complexes qu’il existe une
multitude de moyens permettant de représenter ces ateliers impliquant eux-mêmes leur part de
questionnement. Au Centre Pompidou, l’exposition des ateliers s’est d’abord manifestée par
la reconstitution de l’atelier de Constantin Brancusi dont le contenu fut légué par l’artiste à
l’État français en 1956, soit un an avant son décès, avec pour condition qu’il soit conservé et
exposé en respectant l’état dans lequel il se trouvait au moment de son décès (Annexes, 2.1,
Fig.10, p.15). Le contenu de l’atelier intègrera les collections du Musée national d’art
moderne, alors situé au Palais de Tokyo où il sera reconstitué pour une première fois en juillet
8 http://www.icom-musees.fr/index.php/page/index/accueil [Dernière consultation le 08 mai 2011]
14
1961. Transféré au Centre Georges Pompidou dès son inauguration en 1977, l’atelier sera
reconstitué sur la Piazza dans une espace permettant aux visiteurs d’y circuler, mais une
inondation en 1989 forcera le musée à fermer l’atelier et à restaurer les œuvres endommagées.
Ce n’est qu’à partir de 1997 que l’atelier sera à nouveau accessible au public grâce à un
nouvel espace d’exposition, conçu par l’architecte Renzo Piano, offrant à l’atelier et son
contenu de meilleures conditions de conservation. Le choix quant à la muséographie de cette
nouvelle reconstitution fut de cerner l’atelier par des vitrines ne permettant plus au public d’y
entrer (Annexes, 2.1, Fig.3, p.8). Bien que l’atelier de Brancusi fût présent au Centre
Pompidou dès son ouverture, il est par contre important d’insister sur le fait que cette
reconstitution était une exigence de l’artiste et non un choix muséographique provenant
uniquement du Mnam, même si ce dernier a tout mis en œuvre pour la réaliser.
Il faudra attendre jusqu’à ces dernières années pour que l’on puisse observer une
recrudescence de la place accordée aux ateliers d’artistes dans la programmation et c’est pour
en comprendre les raisons et les enjeux que nous avons entrepris ces recherches. Nous
croyons que l’intérêt porté aux ateliers d’artistes depuis ces dernières années par le Centre
Pompidou pourrait répondre à des préoccupations liées à la conservation, l’étude et la
transmission d’un patrimoine culturel immatériel. Étant conscients que les lieux de la création
sont généralement considérés pour leur matérialité, leur organisation et leur contenu, pouvant
entre autre comprendre du mobilier, des œuvres ou encore les outils utilisés par l’artiste
(Annexes, 2.1, Fig.4, p.9), nous sommes par contre convaincus que l’idée d’un patrimoine
culturel immatériel dans les ateliers d’artistes muséalisés n’est pas contradictoire à sa
tangibilité, mais qu’elle est plutôt complémentaire et permet d’accorder aux ateliers une autre
valeur patrimoniale. Lors d’un entretien mené par Florence Graezer Bideau, David Vitali,
Responsable du dossier patrimoine culturel immatériel à l’Office fédéral de la culture en
Suisse, répondait à propos du rôle des musées dans l’application de la Convention du
patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO que :
« […] la convention de 2003 ouvre des perspectives intéressantes pour la compréhension de la culture, des traditions vivantes dans une approche plus globale, car elle met l’accent sur la
dimension immatérielles des objets exposés. Les musées peuvent ainsi jouer un rôle important dans la sensibilisation du grand public à cette thématique en mettant en évidence la complémentarité de
la dimension matérielle et immatérielle d’un objet lors de leurs expositions. »9.
9 GRAEZER BIDEAU Florence, Entretien avec VITALI David, « Et après la ratification de la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ? », dans Museums.ch, L’objet de l’immatérialité, n°5, Baden,
2010, p.24
15
C’est entre autre ce que permettait selon nous la reconstitution de l’atelier de Piet
Mondrian (Annexes, 4.5, Fig.50, p.56), pièce de la Collection Link, exposée au Centre
Pompidou dans le cadre de l’exposition Mondrian/De Stijl. Accompagné à sa sortie par des
photographies réalisées par André Kertész de Mondrian dans son atelier et plusieurs clichés le
représentant également avec d’autres artistes (Annexes, 4.5, Fig.51-53-54, p.57-59-60), le
studio de Mondrian n’apparaît plus seulement comme un atelier de travail, mais aussi et
surtout comme un véritable environnement de création, un lieu de vie et d’échanges culturels
ayant eu une influence considérable sur sa façon de penser l’art et de créer ses œuvres.
L’atelier est ainsi montré comme un véritable environnement de sociabilité, de créativité et
d’influences artistiques et théoriques ayant favorisé non seulement la reconnaissance de
l’œuvre de Mondrian, mais aussi de tout un courant artistique qui s’est étendu au-delà de la
peinture de chevalet pour investir le design et l’architecture. Cet exemple permet donc selon
nous de mieux considérer le rôle des ateliers, devenant pour certains de véritables foyers
culturels à partir desquels se sont développées de nouvelles conceptions de l’art, telles des
plaques tournantes où des savoir-faire, des pratiques artistiques, des influences culturelles et
des idées théoriques ont pu se forger et se transmettre. En conservant par divers moyens
matériels les témoignages passés ou actuels des lieux de la création artistique, le Centre
Pompidou participe alors à la préservation d’un patrimoine culturel immatériel.
À propos des ateliers-musées issus de la conservation in situ des ateliers, Laurier Lacroix
parle quant à lui d’un patrimoine immatériel qui se concrétise dans l’objet et qui lui accorde
une plus grande valeur de signification :
« L’on assiste aujourd’hui au développement d’une pensée muséologique et patrimoniale qui est de plus en plus soucieuse du patrimoine immatériel, l’UNESCO adoptant même en 2003 une
convention pour la sauvegarde de ce patrimoine. La notion de patrimoine immatériel insiste sur les savoir-faire, les usages et les pratiques sociales, les connaissances et les traditions esthétiques qui
se concrétisent dans l’objet et qui lui donne tout son sens. C’est un patrimoine vivant qui se
perpétue dans son milieu. »10
.
Conserver la trace de l’atelier par des témoins matériels ou l’atelier lui-même dans sa
matérialité, in situ ou dans un musée d’art, permettrait donc de participer à la sauvegarde et la
préservation d’un patrimoine culturel immatériel puisqu’il est le lieu de pratiques culturelles
socialement reconnues par la communauté des spécialistes du milieu de l’art, par les artistes
10 LACROIX Laurier, « L’atelier-musée, paradoxe total de l’œuvre d’art », sous la dir. de HOWES David et MARCOUX Jean-Sébastien, Directrice SAILLANT Francine, Département d’anthropologie de l’Université Laval, Québec, dans La culture sensible, volume 30, n°3, 2006, p.29-44 http://www.erudit.org/revue/AS/2006/v30/n3/014924ar.html (paragraphe 17)
[Version en ligne consultée le 08 mai 2011]
16
eux-mêmes, mais aussi par le public en général. Cette reconnaissance de la valeur culturelle
des ateliers s’effectue également dans le domaine de l’histoire de l’art qui en fait
progressivement un objet d’étude. À ce sujet, Alfred Pacquement, Directeur du Musée
national d’art moderne et du Centre de création industrielle écrit :
« Au-delà de sa charge romanesque ou pittoresque qui mobilise les magazines, au-delà de son caractère intime de lieu privatif qui intéresse la sociologie et la psychologie de l’art, l’atelier
d’artiste, en tant qu’espace de création, commence tout juste à être un objet d’histoire de l’art. »11
.
En plus de cet intérêt de la discipline de l’histoire de l’art pour les ateliers qui s’observe
par une augmentation visible des publications concernant les ateliers d’artistes, nous
retrouvons une volonté de la part des artistes et des institutions d’ouvrir les lieux de la
création à l’espace public. Laurier Lacroix souligne qu’il existe depuis ces « trente dernières
années » de la part des artistes des « efforts pour réduire l’espace et la distance entre la
création et l’exposition de leur travail »12
. Opinion également partagée par Didier Ottinger,
Directeur adjoint en charge de la programmation culturelle du Centre Georges Pompidou, qui
lors d’un entretien nous affirmait qu’il y a en effet de plus en plus de démarches menées par
les artistes et encouragées par les commissaires d’exposition allant dans ce sens en citant
notamment l’œuvre Mapping The Studio II (Annexes, 2.5, Fig.18, p. 23 ), réalisée par Bruce
Nauman en 2001 et acquise en 2004 par le Mnam. Cette installation, comprenant sept
vidéoprojecteurs et plus d’une quarantaine d’enregistrements nocturnes de l’atelier de l’artiste
fut exposée pour la première fois en 2006 dans le cadre de l’accrochage thématique des
collections permanentes Mouvement en image – Art et cinéma et évoquée dans le dossier
pédagogique de l’exposition (Annexes, 2.5, Fig.19, p.24), participe à l’inscription de l’atelier
dans l’espace public du musée. Les ateliers d’artistes ainsi représentés avec des dispositifs les
plus divers telles que les reconstitutions, les photographies, les vidéos, ou encore les
installations, les performances et les œuvres relationnelles telles qu’évoquées par Laurier
Lacroix,
« […] sont autant de manières de porter l’atelier dans l’aire publique et d’associer l’espace de
production à celui de la diffusion, d’entraîner le spectateur vers le partage de la démarche et des étapes du cheminement créatif perçues comme partie intégrante de l’œuvre»
13.
11 PACQUEMENT, Alfred, « Préface », dans Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de SCHULMANN Didier et RIMMAUDO Annalisa, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2006, p.12 12 LACROIX Laurier, « L’atelier-musée, paradoxe total de l’œuvre d’art » http://www.erudit.org/revue/AS/2006/v30/n3/014924ar.html (paragraphe 10) [Version en ligne consultée le 08 mai 2011] 13 Idem
17
Nous pensons à l’artiste François Boisrond qui, au cours de l’année 2007, s’est installé dans
une salle des collections d’art contemporain avec tout son matériel pour peindre devant les
visiteurs (Annexes, 6.1, Fig.58, p.64), encourageant ainsi l’inscription de son lieu de création
dans l’espace public muséal de même que l’interactivité avec les visiteurs. Cette intervention
fut également mentionnée dans le dossier pédagogique thématique L’atelier de l’artiste
contemporain (Annexes, 6.1, Fig.59, p.65) qui accompagnait l’accrochage des collections
contemporaines au cours des années 2007 et 2008. C’est donc parfois moins l’œuvre que le
lieu de création lui-même qui fait ainsi l’objet d’une médiation, raison pour laquelle ces
pratiques permettent de mettre en valeur les savoir-faire, les processus de création, la relation
avec l’environnement de production, les échanges socioculturels pouvant s’y produire et
d’autres éléments faisant de l’atelier le vecteur d’un patrimoine culturel immatériel.
Bien que Monsieur Ottinger souligne avec raison qu’il existe « une montée en puissance de
l’importance accordée aux données biographiques concernant les artistes » ainsi qu’une
« peopolisation » de la culture contemporaine, qui expliqueraient selon lui l’augmentation
récente de l’intérêt porté aux ateliers d’artistes par les musées, nous continuons de penser que
leur présence dans la programmation culturelle du Centre Georges Pompidou doit également
répondre et participer aux réflexions ainsi qu’aux enjeux actuels de la muséologie. Bien
entendu, nous sommes parfaitement conscients qu’il s’est développé, non sans critique, une
spectacularisation de la culture depuis ces trente dernières années et que nous faisons sans
doute face aujourd’hui à cette « peopolisation » qui place la figure de l’artiste contemporain
international au premier plan. En ce qui concerne les reconstitutions d’atelier, Alfred
Pacquement rejoint cette idée lorsqu’il évoque la « transformation de l’atelier en sanctuaire »
comme une « entreprise d’héroïsation des artistes »14
car l’artiste devient alors perçu comme
un héros de son temps. Cet avis, également partagé par Madame Véronique Wiesinger,
Directrice de la Fondation Alberto et Annette Giacometti et commissaire de l’exposition
L’atelier d’Alberto Giacometti, mériterait que l’on s’y attarde davantage, mais cette
interprétation ne pourra être plus longuement abordée dans notre mémoire dont l’objet
d’étude se veut l’identification d’enjeux muséologiques dans l’exposition des ateliers
d’artistes au musée. Bien que cette « peopolisation » existe et participe à la visibilité accordée
aux ateliers en contexte muséal, une œuvre telle que celle de Bruce Nauman nous amène
14 PACQUEMENT, Alfred, « Préface », dans Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de SCHULMANN Didier et RIMMAUDO Annalisa,
Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2006, p.12
18
malgré tout à nous questionner sur l’atelier lui-même et l’autonomie qu’il acquiert par rapport
à la figure de l’artiste. Car en effet, alors même que cet artiste expérimentait depuis plusieurs
décennies la vidéo et les performances filmées dans son atelier, il s’est plutôt intéressé à la vie
nocturne de ce son lieu de création et de ce fait, sa présence se fait pratiquement anecdotique :
« L’utilisation de caméras de télésurveillance permet à l’artiste de disparaître en tant qu’auteur et de laisser le monde se construire aléatoirement, selon le cours des choses. Le studio apparaît
avec tous ses éléments – des outils, des fragments d’œuvres en cours, des papiers, du matériel
divers et des caisses, mais aussi son ambiance nocturne et ses habitants impromptus. Métaphore d’un univers propice à la réflexion, mais vide de présence humaine, telle est la vision du studio que
Nauman nous offre ici. »15
.
Toutefois, comme nous l’avons vu avec l’exemple de François Boisrond, il existe bien des
pratiques qui, au contraire, mettent en scène l’artiste et sa création artistique en ayant recours
à un déplacement du lieu de production dans l’espace muséal. Alors qu’elles participent à une
forme de spectacularisation de la production artistique, ces pratiques de déplacement nous
amène à reconsidérer les lieux de la création et favorisent selon nous une redéfinition des
ateliers en faveur du concept de patrimoine culturel immatériel puisque la relation entre
l’instant de la création, l’espace de la production et le public encourage la reconnaissance des
savoir-faire et des pratiques artistiques actuelles. Aussi, cette redéfinition de l’atelier permet,
en se rapprochant du contexte d’exposition et de médiation des œuvres, de se débarrasser de
son statut de « lieu magique hors du monde et refermé sur le créateur »16
tel que l’exprime
Véronique Rodriguez et favorise donc la rencontre entre le public et le lieu de la création
artistique. Cependant, il est important de rappeler que seuls quelques artistes contemporains
utilisent ce déplacement de l’atelier dans l’espace public comme dispositif de diffusion de la
production artistique, mais nous pourrions également inclure ceux qui réalisent des
interventions in situ puisque la production est également déplacée dans l’espace muséal. En
prenant place dans cet espace public, l’atelier se retrouve dépourvu de sa fixité et d’une
grande part de sa matérialité au profit de sa fonction de lieu de production. À ce sujet,
Véronique Rodriguez souligne que
« […] dans la pratique in situ, l’atelier n’emmagasine plus des œuvres en attente d’une éventuelle diffusion, il devient un moment, qui s’étend de la proposition de l’exposition à
l’inauguration du projet au public. L’atelier est donc métamorphosé et si le mot même n’a pas
disparu du lexique de ces artistes, c’est parce qu’à défaut d’une terminologie plus précise, on
15 VAN ASSCHE Christine, Sur Mapping the studio II with color shift, flip, flop & flip/flop (fat Chance John Cage) de Bruce Nauman, dans l’Encyclopédie nouveaux médias [Dernière consultation le 08 mai 2011] Site internet : http://www.newmedia-art.org/cgi-bin/show-oeu.asp?ID=150000000042745&lg=FRA 16 RODRIGUEZ Véronique, « L’atelier et l’exposition, deux espaces en tension entre l’origine et la diffusion de l’œuvre», dans Sociologies et sociétés, vol. 34, n°2, Montréal, automne 2002, p.121-138 http://www.erudit.org/revue/socsoc/2002/v34/n2/008135ar.html (paragraphe 34)
[Version en ligne consultée le 08 mai 2011]
19
continue de nommer ainsi l’espace privé de création redéfini. Celui-ci a effectivement perdu un de
ses fondements, sa fixité. »17
.
Concernant ces métamorphoses des ateliers d’artistes, l’exposition Ateliers : l’artiste et ses
lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky présentait en 2007 une
importante exposition, réalisée à partir d’archives, de photographies, de documents et divers
témoins matériels, qui proposait une approche typologique des ateliers du siècle dernier
jusqu’à nos jours en retraçant trois redéfinitions importantes des lieux de production :
l’atelier-fabrique, le post-studio et finalement l’atelier plate-forme. Cette exposition participa
selon nous à cette reconsidération du rôle muséal des ateliers et à la reconnaissance du
patrimoine culturel immatériel dont ils sont porteurs par la nature et le contenu des documents
exposés et reproduits dans le catalogue d’exposition. Lorsque l’on compare les reproductions
de photographies de l’atelier de Brancusi dans le catalogue de l’exposition de la Bibliothèque
Kandinsky (Annexes, 2.6, Fig.26, p.31) avec celles de l’ouvrage L’Atelier Brancusi18
(Annexes, 2.1, Fig.7, p.12) publié en 1998 à l’occasion de la nouvelle reconstitution réalisée
par Renzo Piano en 1997, nous constatons en effet d’importants changements quant au
traitement et à la place qui leur est accordée. Dans l’ouvrage publié en 1998, l’accent est
plutôt mis sur la reproduction des œuvres et des photographies de la reconstitution
nouvellement inaugurée, alors que les photographies de l’artiste dans son atelier sont
simplement réservées à la « Chronologie » et servent ainsi plutôt à illustrer la biographie de
l’artiste. Quelques photographies parmi celles qui y sont reproduites se retrouvent également
dans le catalogue de l’exposition de la Bibliothèque Kandinsky, notamment celle de Man Ray,
Fernand Léger et une photographie de groupe comprenant Brancusi, Tzara et Man Ray
(Annexes, 2.1, Fig.8, p.13), mais avec une toute autre approche. Mises en relations avec deux
correspondances de Brancusi, l’une provenant de Marcel Duchamp et l’autre de Fernand
Léger, ces photographies mettent plutôt l’accent sur l’atelier de Brancusi comme le lieu de
rencontres et d’échanges culturels entre Brancusi et d’autres artistes influents de leur époque.
Bien qu’il nous aurait été possible d’évoquer d’autres exemples tout aussi pertinents pour
illustrer cette appropriation du concept de patrimoine culturel immatériel par le Centre
Pompidou appliqué aux ateliers d’artistes, il nous apparaît évident que les cas que nous avons
17 RODRIGUEZ Véronique, « L’atelier et l’exposition, deux espaces en tension entre l’origine et la diffusion de l’œuvre», dans Sociologies et sociétés, vol. 34, n°2, Montréal, automne 2002, p.121-138 http://www.erudit.org/revue/socsoc/2002/v34/n2/008135ar.html (paragraphe 34) [Version en ligne consultée le 08 mai 2011] 18 Centre National d’art et de culture Georges Pompidou, L'Atelier Brancusi, avec AILLAGON Jean Jacques, TABART
Marielle, LEMMY Doïna, Éditions du Centre Georges Pompidou, (La Collection), Paris, 1998, 287 p. (ill. noir et coul.)
20
étudiés participent à la reconnaissance de la valeur patrimoniale immatérielle des lieux de la
création artistique moderne et contemporaine. Afin de parvenir à mieux connaître ce
patrimoine et le mettre en valeur, la recherche sur les ateliers d’artistes devient une démarche
incontournable et c’est cet aspect que nous souhaitons maintenant aborder.
1.3 Affirmation de la recherche sur les ateliers d’artistes considérés en tant qu’objet de la muséologie
Après avoir abordé la possibilité pour le Centre Pompidou de s’approprier la notion de
patrimoine culturel immatériel en redéfinissant le rôle muséal des ateliers d’artistes, il nous
apparaissait essentiel d’approfondir davantage cette hypothèse en s’attardant sur l’importance
accordée aux ateliers d’artistes dans le domaine de la recherche muséale. En étudiant plus
longuement le travail mené par la Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation du
Musée national d’art contemporain et du Centre de création industrielle, nous souhaitons
démontrer que les ateliers d’artistes représentent un véritable objet de la muséologie, ce qui en
implique donc à la fois la conservation, la documentation, l’étude et l’exposition. En
participant à chacune de ces étapes, la Bibliothèque Kandinsky participe de ce fait à la
reconnaissance des ateliers d’artistes en tant que patrimoine culturel immatériel.
En ce qui nous concerne, notre réflexion prend pour point de départ la première et unique
exposition temporaire exclusive de la Bibliothèque Kandinsky, Ateliers : l’artiste et ses lieux
de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, qui fut ouverte au public du 1er
avril au 28 mai 2007 (Annexes, 2.6, Fig.20 à 25, p.25 à 30). Réunissant près de quatre cents
documents les plus divers (Annexes, 2.6, Fig.29, p.34), cette exposition fut l’occasion
d’exposer au public une centaine d’ateliers d’artistes du XXème
et XXIème
siècle en leur offrant
un parcours calqué sur des typologies d’ateliers. Didier Schulmann nous confiait lors d’un
entretien l’ampleur du travail réalisé par toute l’équipe de la Bibliothèque et l’enthousiasme
partagé malgré les recherches colossales qui durent être menées dans les divers fonds
d’archives qui y sont conservés. Évoquant dans un premier temps la difficulté à retrouver la
trace des documents qui n’ont pas de « visibilité immédiate » dans les collections de la
Bibliothèque Kandinsky et la diversité des supports, Didier Schulmann considère que
« […] c’est au détour d’une lettre, dans un livre d’artiste, dans un catalogue d’exposition – dont le propos général n’est nullement consacré à la question du lieu de création -, qu’une notation ou
21
une vision inattendue de l’atelier s’imposera, puis prendra force et sens dans une relation établie
avec un autre document. »19
.
Ce n’est donc qu’en croisant les sources et en établissant des rapports entre leur contenu que
l’on parvient à révéler une autre facette des lieux de la création. Cette mise en relation de
documents de différentes natures pouvait clairement s’observer dans la muséographie adoptée
(Annexes, 2.6, Fig.23, p. 28), notamment à l’intérieur des différentes vitrines et c’est sur ce
même principe que sera produit le catalogue de l’exposition (Annexes, 2.6, Fig.26 à 28, p.31 à
33). Reproductions de photographies, de cartons d’invitation, d’affiches d’exposition, de
catalogues, de correspondances, de documents officiels ou encore de livres d’artistes, sont
ainsi mises en relation avec diverses citations éclairant certains aspects des ateliers
représentés en suivant la même typologie que celle proposée dans le parcours de la visite.
Cette exposition ne peut être considérée qu’à partir du travail repris et mené par la
Bibliothèque Kandinsky depuis sa création en 2001, ancienne documentation générale issue
de la fusion entre la bibliothèque des conservateurs du Palais de Tokyo et du service de
documentation du Centre national d’art contemporain, et qui est intrinsèquement lié aux
collections du Musée national d’art moderne et du Centre de création industrielle, fusionné au
Mnam à partir de 1992. À ce sujet, Alfred Pacquement, Directeur du Musée national d’art
moderne - Centre de création industrielle, écrit :
« À force d’avoir rassemblé les traces et les empreintes singulières d’ateliers d’artistes considérés individuellement, la Bibliothèque Kandinsky a accumulé une masse documentaire
extrêmement variée, permettant d’en dessiner une typologie : la fabrique artisanale ; la sortie de l’atelier qui ouvre la période et le concept d’un « post-studio » c’est-à-dire d’un atelier
« dématérialisé » ; la plate-forme contemporaine, enfin agence de moyen, située à
l’embranchement de réseaux, qui capte et qui redistribue. »20
.
Il est évident que ce travail de documentation des lieux de création est bien antérieur au
concept de patrimoine culturel immatériel, mais nous trouvons important de souligner que
cette masse documentaire, en premier lieu et principalement élaborée pour documenter les
œuvres des collections permanentes du Mnam, ne prend de sens que si des choix y sont
effectués et que des rapports sont établis entre les documents sélectionnés. Ceux retenus pour
l’exposition de la Bibliothèque Kandinsky et reproduits dans le catalogue furent sélectionnés
19 SCHULMANN, Didier, « Secrets d’ateliers, il faut qu’une porte soit ouverte et fermée », dans Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de SCHULMANN Didier et RIMMAUDO Annalisa, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2006, p.15 20 PACQUEMENT, Alfred, « Préface », dans Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de SCHULMANN Didier et RIMMAUDO Annalisa,
Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2006, p.12
22
car ils permettaient d’évoquer l’histoire et les usages des ateliers d’artistes depuis le XXème
et
ce n’est qu’en réunissant tous ces témoins qu’il devenait possible d’en retracer les
changements. À propos de la documentation de l’art moderne et contemporain, Bruno Racine,
anciennement président du Centre Pompidou, écrit dans l’avant-propos du catalogue :
« elle a acquis, dans l’environnement muséal, tout à la fois, une autonomie sémantique et une puissance d’évocation des œuvres ou des démarches artistiques les plus complexes. En racontant un
siècle d’histoire des ateliers d’artistes, elle est susceptible d’atteindre des problématiques et des
thématiques que les seules œuvres ne permettent pas toujours de déployer »21
.
Ce pouvoir d’évocation de la documentation, qui s’étend au-delà des œuvres elles-mêmes,
est à considérer avec la plus grande attention car elle permet d’évoquer des intentions et des
contextes socioculturels dont elle est la trace matérielle. La conservation, l’étude et
l’exposition des archives et autres documents, tels qu’ils furent présentés au public au cours
de cette exposition, sont des démarches essentielles à la transmission de la valeur patrimoniale
des ateliers d’artistes et permettent d’en assurer la médiation en situation muséale. Mais ces
documents, bien que réunis à des fins de conservation, d’étude et d’exposition doivent
généralement leur présence dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky à un legs, un
don, une dation ou à une acquisition de l’institution. S’agissant principalement de documents
matériels tels que des tirages photographiques, des négatifs, des enregistrements, des
diapositives, des revues, des livres d’artistes, des documents papier et d’autres, nous croyons
qu’il est indispensable de repenser la démarche documentaire à l’ère du numérique.
Encouragée par l’État, la numérisation des collections participe à la dématérialisation
progressive de l’archive et la production de documents numériques issue des activités des
institutions muséales tend de plus en plus à remplacer d’anciens supports matériels. Ce qui est
d’ailleurs le cas en ce qui concerne la documentation photographique de la muséographie des
expositions du Centre Pompidou, conservée par la Bibliothèque Kandinsky, qui est passée au
support numérique depuis ces dernières années. Nous sommes donc amenés à nous
questionner sur l’avenir des archives et à être confrontés aux problèmes liés à la conservation
et la transmission des documents numériques. Conscients des possibilités du numérique,
notamment en termes de duplication des images et d’intégration instantanée à d’autres
supports numériques, rappelons que sa conservation et sa transmission sont soumises à de
nombreuses menaces, notamment à celle de l’obsolescence des technologies, aux problèmes
informatiques pouvant mener à leur disparition totale ou encore à leur égarement dans la
21 RACINE, Bruno, « Avant-propos », dans Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de SCHULMANN Didier et RIMMAUDO Annalisa,
Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2006, p.9
23
masse des documents numériques produits. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous
sommes portés à croire que les reportages dans les ateliers d’artistes menés depuis 2004 dans
les ateliers d’artistes contemporains par la Bibliothèque Kandinsky (Annexes, 5.1, Fig.55 à
57, p.61 à 63) représentent une alternative intéressante aux problèmes du document
numérique. Réaliser des photographies dans les ateliers d’artistes contemporains, c’est selon
nous anticiper sur les problèmes de transmission, voire même d’héritage des documents
numériques produits par ces derniers. Face à la dématérialisation de l’archive, nous croyons
que l’action menée par la Bibliothèque Kandinsky, qui lui donne un rôle de producteur et non
seulement de conservateur de la documentation, lui permet de mener à bien son étude des
lieux actuels de la création artistique par l’anticipation des problèmes liés au numérique, mais
aussi à la disponibilité tardive et souvent même posthume d’archives et documents concernant
les artistes.
Nous retrouvons l’illustration de l’utilité de cette recherche active concernant les ateliers
d’artistes toujours dans l’exemple de l’exposition des collections de la Bibliothèque
Kandinsky. Monsieur Didier Schulmann nous confiait lors d’un entretien que l’exposition,
initialement prévue pour l’année 2006, fut intégrée à la programmation de 2007 alors que le
catalogue de l’exposition avait déjà été produit. De ce fait, une seule année sépare les
photographies numériques issues des reportages menés en 2005 dans les ateliers de Thomas
Hirschhorn et Xavier Veilhan de leur reproduction dans le catalogue d’exposition (Annexes,
2.6, Fig.27, p.32). Pour des fins d’exposition, ces photographies numériques furent imprimées
et exposées en vitrine avec d’autres documents dans la salle dédiée au « post-studio »
(Annexes, 2.6, Fig.24, p.29) et il est intéressant de voir comment ce changement de support
leur permet d’exister matériellement et donc de prendre la forme plus traditionnelle des
tirages photographiques. Ce qui ne les empêche toutefois pas d’avoir une valeur patrimoniale
immatérielle par ce qu’elles représentent.
Bien que nous nous soyons concentrés sur l’exposition des collections de la Bibliothèque
Kandinsky afin d’illustrer cette affirmation de la recherche sur les ateliers d’artistes en tant
qu’objet de la muséologie, nous pensons qu’il est important de rappeler que cette démarche
s’effectue également en collaboration avec les conservateurs du Mnam qui ont également
comme mission d’assurer le commissariat des expositions temporaires ainsi que d’élaborer les
nouveaux accrochages des collections permanentes du musée. L’exposition Ateliers : l’artiste
et ces lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, expérience unique
24
d’un commissariat autonome de la Bibliothèque Kandinsky, n’est donc qu’un exemple de
cette affirmation de la recherche muséologique sur les ateliers d’artistes. Elle est appelée à
prendre part à la documentation de chaque exposition temporaire et permanente organisée au
Centre Pompidou, sans oublier les prêts de documents et archives qu’elle accorde à d’autres
institutions culturelles.
1.4 Faire des ateliers d’artistes au musée le lieu d’une culture
vivante en dialogue avec le passé, le présent et l’avenir
L’idée d’une culture vivante est essentielle au patrimoine culturel immatériel car ce dernier
implique la transmission d’une mémoire, de savoir-faire, de pratiques culturelles et autres par
des témoins matériels et immatériels. C’est dans ce partage, dans cette perpétuation et cette
reconnaissance par la communauté que ce patrimoine peut survivre. La conservation muséale
de ce patrimoine et de ses témoins n’est donc pas suffisante en soi pour en faire une culture
vivante car il est nécessaire que l’institution en assure la transmission, la réactualisation et la
filiation avec des traditions et des pratiques culturelles hérités du passé et toujours d’actualité.
L’institution peut également en retracer les changements car le patrimoine culturel
immatériel, étant un patrimoine vivant, est appelé à évoluer et se modifier selon les époques et
le contexte social, culturel et artistique. Cette transmission peut se faire par des moyens et des
supports les plus divers et Mariannick Jadé écrit à ce sujet :
« Ce peut être un objet, une écriture, une formule écrite, des paroles… L’homme peut également
être un support potentiel. Il peut porter en lui, par ses souvenirs et ses connaissances de nombreux patrimoines « immatériels » auxquels il est capable de donner une matérialité et une médiation par
le discours, le geste, etc. […] Par conséquent, le support est multisensoriel dans le sens où il peut
prendre toutes les formes matérielles, l’essentiel est qu’il soit perceptible par l’un de nos cinq sens »
22
La prise en compte de la transmission de la valeur patrimoniale immatérielle des ateliers
d’artistes en contexte muséal nécessite donc de s’intéresser à une multitude de facteurs
susceptibles d’influer sur notre perception. Bien que la reconstitution des ateliers soit un
moyen de représentation adopté par le Centre Pompidou depuis son ouverture avec l’Atelier
Brancusi puis en 2003 avec le mur de l’atelier d’André Breton (Annexes, 2.4, Fig.15-16, p.20-
21) suite à une dation de la famille de l’artiste (Annexes, 2.4, Fig.17. p.22), il est nécessaire
de rester prudent par rapport à cette pratique qui a tendance à muséifier l’atelier et à en faire
22 JADÉ Mariannick, Patrimoine immatériel : perspectives d’interprétation du concept de patrimoine, L’Harmattan,
(Muséologies), Paris, 2006, p.136
25
un véritable « sanctuaire » pour reprendre l’expression d’Alfred Pacquement. Cet aspect
mythique, voire sacré de l’atelier est d’autant plus fort que les deux reconstitutions que nous
avons évoquées sont exposées derrière une vitrine qui a pour effet d’accentuer l’occultation de
leur contenu figé dans le temps et l’espace. Concernant l’exposition L’atelier d’Alberto
Giacometti, réalisée essentiellement à partir des collections de la Fondation Alberto et
Annette Giacometti, Véronique Wiesinger nous expliquait lors d’un entretien que l’espace
d’exposition conçu à l’échelle de l’atelier de l’artiste (Annexes, 4.2, Fig.34-35, p.40-41) avait
pour but de faire ressentir aux visiteurs le volume exigu de son atelier du 46, rue Hippolyte-
Maindron et de stimuler leur perception de l’espace sans leur présenter une reconstitution,
choix muséographique auquel elle s’oppose car il obligerait de sélectionner un état de l’atelier
à un moment particulier ce qui empêcherait de tenir compte des évolutions successives de cet
espace de création et de la production artistique. L’expérience sensorielle et perceptive qu’elle
décida d’offrir aux visiteurs était renforcée par l’exposition de photographies de l’époque
prises dans l’atelier de l’artiste afin d’en montrer les états et le contenu.
Toujours en ce qui concerne les reconstitutions, Dominique Poulot écrit à propos de cette
pratique d’ « in situation » des ateliers dans l’espace muséal qu’il s’agit:
« (d’) autant de paradoxes dont se nourrissent à des degrés divers l’atelier de Brancusi et le mur
de Breton à Beaubourg, ou la réplique de l’atelier de Pollock pour l’exposition du MoMA, artefacts muséographiques qui voudraient jouer l’in situ et la révélation d’une rencontre avec une vie abolie.
La reconstitution d’atelier témoigne sans doute, aujourd’hui, d’une lassitude à l’égard des
démonstrations muséographiques : comme l’écrit Brian O’Doherty, les œuvres dans l’atelier sont encore « indéterminées ». »
23
Il s’agit d’un avis que nous ne partageons pas car exposer des œuvres dans une reconstitution,
c’est bien sûr « jouer l’in situ » en simulant en quelque sorte un glissement de l’espace de
production à l’espace muséal, mais cette pratique traduit une intention de replacer l’œuvre
dans le contexte de l’atelier et de la déterminée comme un objet matériel issu d’un
environnent bien particulier. Il est par contre important de rappeler que ces reconstitutions
font partie des collections du Musée national d’art moderne et participent de ce fait à
l’approche plus historique des grands courants artistiques. Intégrées à ce discours et
présentées sans véritable médiation, leur muséalisation risquerait d’avoir pour conséquence de
brouiller leur fonction de lieux de production et d’en faire de simples objets de musée.
L’atelier d’artiste, exposé en tant qu’espace de production reconnu comme un patrimoine
23 POULOT Dominique, Musée et muséologie, La Découverte, (Repères, Culture-communication), Paris, 2009, p.87
26
culturel immatériel, nécessite donc de la part du musées et des commissaires une attention
toute particulière afin d’en faire le lieu d’une culture vivante et d’en assurer la transmission.
D’après nos observations, il existerait plusieurs dispositifs de médiation et d’exposition
permettant de réactiver et d’offrir une relecture des ateliers en contexte muséal. L’exemple
sans doute le plus significatif est celui de l’Atelier Brancusi dans lequel le Musée national
d’art moderne a invité des artistes contemporains à plusieurs reprises depuis 2002 à investir
l’espace de la galerie (Annexes, 2.1, Fig.6, p.11). Parmi les artistes ayant réalisé des
interventions dans cet espace, nous nous sommes plus particulièrement intéressés à
Emmanuel Saulnier avec Place Blanche, Place noire (Annexes, 4.1, Fig.31-32, p.37-38.) en
2004 puis à Sarkis dans le cadre de l’exposition Passages en 2010 qui y impliqua plusieurs
installations dont Les 12 Kriegsschatz dansent avec le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky
et Conversations entre Joraï et mon atelier (Annexes, 4.3, Fig.39, p.45) réactivées pour
l’occasion. Toujours avec Sarkis et cette même exposition, le visiteur était également appelé à
se déplacer dans divers espaces du Centre Pompidou (Annexes, 4.3, Fig.41, p.47), notamment
dans les salles des collections d’art moderne où il pouvait voir La vitrine des Innocents
exposée face à la reconstitution du mur de l’atelier d’André Breton (Annexes, 4.3, Fig.40,
p.46). Toutes ces interventions dans un espace dédié à la reconstitution d’un atelier
permettent, en établissant un dialogue avec cette dernière, d’établir une filiation entre ces
ateliers muséalisés et ceux de la création contemporaine. Elles offrent également la possibilité
de voir ces reconstitutions sous un nouveau jour, de les réactualiser dans le présent et d’y
apporter ce que Sarkis appelle de la « chair fraîche ». Compte tenu de l’importance de ces
interventions d’artistes contemporains pour la réactualisation des reconstitutions du Centre
Pompidou et l’inscription de ces ateliers dans un patrimoine vivant, il est dommage de
constater que la programmation pour l’année 2011 ne prévoit aucun événement de ce genre,
mais il ne s’agit toutefois pas du seul moyen permettant d’assurer la transmission de la valeur
patrimoniale des ateliers.
Si l’exposition Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la
Bibliothèque Kandinsky de 2007 représente pour nous l’exposition ayant le plus participé à
démontrer la valeur patrimoniale immatérielle des ateliers d’artistes, elle fut également
l’occasion d’inscrire les ateliers d’artistes modernes et contemporains dans une culture
vivante avec ses évolutions et ses continuités. La muséographie de l’exposition, autant que le
catalogue qui fut pensé comme un album de photographies, permettait en effet de dresser le
27
portrait de l’atelier des artistes représentés dans les collections du Mnam et de les réunir dans
un seul et même lieu grâce à divers témoins matériels permettant d’en montrer des aspects
rarement ou partiellement évoqués dans les expositions du Centre Pompidou. Jusqu’à
récemment du moins puisque l’on observe une importante augmentation de l’autonomie et de
la place accordée aux archives ainsi qu’aux photographies dans la muséographie des
expositions de ces dernières années. Si l’approche typologique sur laquelle reposait la
muséographie de cette exposition pourrait nous faire penser que l’évolution des ateliers s’est
faite de manière chronologique, il est important de rappeler que bien qu’il existe en effet un
enchaînement de changements concernant la définition et la fonction des ateliers, les artistes
quant à eux n’ont pas tous suivi systématiquement ces évolutions et certains parmi eux
produisent encore aujourd’hui dans un atelier au sens plus traditionnel du terme ou dans ce
que l’exposition proposait comme « l’atelier-fabrique ». C’est aussi ce qu’a voulu montrer
l’exposition en incluant des représentations de l’atelier de Miquel Barceló dans cette section
dédiée à « l’atelier-fabrique » dans l’exposition et son catalogue. Nous pouvons également
poursuivre cette réflexion en nous intéressant à l’exposition temporaire Lucian Freud :
l’atelier présentée en 2010 dans laquelle les photographies de David Dawson (Annexes, 4.4,
Fig.44-46-47, p.50-52-53), réalisées dans l’atelier de l’artiste, permettaient aussi de constater
que cet espace de production et le lien que l’artiste entretient avec lui se rapproche de l’atelier
traditionnel du peintre. Il s’agira d’ailleurs d’un aspect important évoqué par le dossier
pédagogique de cette exposition (Annexes, 4.4, Fig. 48, p.54).
Nous souhaitons évoquer à nouveau l’exemple de François Boisrond qui a déplacé son lieu
de création dans une salle des collections permanentes d’art contemporain du Mnam car nous
considérons que cette action a également pour effet de renvoyer ses œuvres ainsi que celles
qui étaient alors exposées à leur espace de production. Réalisant ses tableaux à partir d’images
issues d’une caméra numérique qu’il visualise sur un écran d’ordinateur disposé à proximité
de son chevalet, François Boisrond décide d’exposer le processus de création en tant que tel.
Se montrant ainsi au regard de tous, l’artiste propose une redéfinition de l’espace de la
création artistique tout en s’inscrivant dans une forme de tradition ; celle de la peinture de
chevalet figurative issue de l’observation de l’environnement du peintre. Toutefois, cette
observation est rendue possible par les technologies dont nous disposons aujourd’hui et
l’instant de la création artistique devient celui de la rencontre de l’artiste et des visiteurs dans
l’espace muséal. Cette redéfinition de l’espace de production en tant qu’espace public, dans
lequel se rejoignent la création et les échanges relationnels entre l’artiste et les visiteurs, fait
28
de l’atelier en contexte muséal le lieu d’une culture vivante. En s’inscrivant dans une certaine
forme de tradition et en offrant une nouvelle vision de l’atelier, l’intervention de François
Boisrond se réfère à la fois aux lieux de la création artistique du passé et à ceux d’aujourd’hui.
En documentant ce déplacement de l’espace de production dans l’espace public du Musée,
cette action sera également susceptible de s’inscrire dans l’histoire des transformations des
ateliers d’artistes et de celles à venir car l’espace culturel de l’atelier est le lieu d’une culture
vivante en perpétuelle redéfinition.
Conserver la trace des ateliers d’artistes, les documenter et effectuer des recherches à partir
de ses témoins matériels, les réactiver par des interventions d’artistes contemporains ou
différents dispositifs de médiation et faire des ateliers le lieu d’une culture vivante au musée
sont autant de moyens permettant de préserver, de transmettre et de faire reconnaître la valeur
patrimoniale culturelle et immatérielle des lieux de la création artistique. Mais pour être en
mesure de prendre pleinement conscience des enjeux de cet intérêt accordé aux ateliers depuis
ces dernières années, il apparaît nécessaire de ne pas envisager ces actions souvent
ponctuelles de façon strictement individuelle, mais plutôt de les inclure dans une analyse de la
programmation scientifique et culturelle du Centre Pompidou dans son ensemble et c’est
d’ailleurs ce que nous entreprendrons dans le prochain chapitre.
29
II. L’atelier d’artiste : un agent de liaison entre
la collection permanente et les expositions
temporaires :
2.1 Une programmation scientifique et culturelle dans la durée
comprenant des expositions de la collection permanente et des
expositions temporaires ayant pour objet d’étude l’atelier
Après avoir étudié les ateliers d’artiste d’après le concept de patrimoine culturel
immatériel, nous nous consacrerons désormais à l’étude de ce que nous envisageons comme
une programmation scientifique et culturelle dans la durée concernant les ateliers d’artistes.
Au cours de notre analyse, nous tenterons également de démontrer que cette programmation,
dont l’objet d’étude se veut les lieux de la création artistique, concerne tout autant les
accrochages des collections permanentes et les expositions temporaires conçues ou accueillies
au Centre Pompidou. Toutefois, il est important de se rappeler que les dispositifs de médiation
et de mise en exposition des ateliers d’artistes sont soumis à des variations pouvant
s’expliquer en partie par le type d’exposition concernée, mais aussi par les choix
muséographiques adoptés par les commissaires et les artistes contemporains. En ce qui
concerne l’artiste contemporain dont la production artistique se fait dans l’espace du musée, il
est aussi important de souligner, tel que l’exprime Alfred Pacquement :
« (qu’) il attendra du musée qu’il tienne le rôle de « producteur » des œuvres en question. Le musée dès lors perd une assez large part de ses capacités critiques dans sa lecture personnelle d’une
œuvre pour se transformer en producteur d’un scénario dont il n’a pas toujours assuré la maîtrise et où il agit certes dans le dialogue avec l’artiste, mais sans toujours peser de tout son poids sur sa
version finale. »24
.
Il convient donc de rester prudent et de ne pas accorder au Centre Pompidou des intentions
qui ne seraient pas les leurs et il devient nécessaire d’apporter des nuances concernant les
expositions issues d’artistes-commissaires ou de commissaires invités. Ceci étant, réaliser une
chronologie illustrée par une ligne du temps à partir des expositions de notre corpus
(Annexes, 1.1-1.2, Fig. 1-2, p.5 à 7) nous a permis de situer dans le temps les diverses
expositions et dispositifs de médiation constituant notre corpus et de constater que les années
24 PACQUEMENT Alfred, « Expériences d’exposition au Centre Pompidou », dans L’art contemporain et son exposition
(2), CAILLET Élisabeth et PERRET Catherine (dir.), L’Harmattan, (Patrimoines et sociétés), Paris, 2007, p.173
30
2007 et 2010 ont été particulièrement importantes pour la représentation des ateliers d’artistes
au Centre Pompidou. Ne pouvant analyser toutes les expositions que nous avons retenues
pour notre étude de cette programmation, nous nous concentrerons donc sur ces deux années
significatives de l’intégration des ateliers d’artistes dans la programmation scientifique et
culturelle du Centre Pompidou.
Comme nous l’avons déjà évoqué, l’Atelier Brancusi fut présent dans les collections
permanentes du Mnam dès l’ouverture du Centre Pompidou et est toujours d’actualité avec la
reconstitution de 1997 par Renzo Piano sur la Piazza car il s’agit bien évidemment d’une
reconstitution permanente disposant d’un espace autonome qui lui est entièrement dévoué. Si
la reconstitution du mur de l’atelier d’André Breton fut exposée pour la première fois en 2000
au moment de la réouverture du Centre Pompidou, puis en 2002 dans le cadre de l’exposition
temporaire La Révolution surréaliste, elle sera définitivement exposée lors du nouvel
accrochage des collections d’art moderne en 2003 comme un « témoignage unique de
l’univers surréaliste » (Annexes, 2.4, Fig.17, p.22). Il est en effet important de souligner une
distinction importante entre cette reconstitution et celle de l’Atelier Brancusi car si ce dernier
est clairement un lieu de production artistique d’œuvres et de photographies (Annexes, 2.1,
Fig.4-5, p.9-10), le mur de l’atelier d’André Breton s’apparente davantage au cabinet de
curiosité d’un collectionneur. En ce qui concerne du moins les œuvres d’art qu’il contient,
Didier Ottinger écrit :
« Le « mur » résume l’histoire du surréalisme. Les trois peintures qui le couronnent rappellent les trois phases esthétiques du mouvement. Le Double Monde de Picabia (1919) en rappelle la «
préhistoire » dadaïste. Miró, qualifié par Breton en 1925 de « plus surréaliste de nous tous25
»,
témoigne de son épanouissement. Le Pollen noir de Degottex (1955) la réinterprétation de l’automatisme par la peinture surréaliste d’après-guerre. »
26.
La portée de cette reconstitution est donc toute autre car plutôt que d’être le témoin du travail
d’un seul artiste, il est représentatif d’un mouvement artistique en entier et de ses différentes
« phases esthétiques ».
Pour en revenir à l’analyse de la programmation culturelle de 2007, qui fut sans doute
l’année au cours de laquelle nous retrouvons la plus forte concentration d’expositions et de
dispositifs de médiations concernant les ateliers d’artistes, il y eut en plus de ces
reconstitutions plusieurs expositions temporaires thématiques parmi lesquelles se trouvait
25 Ouvrage cité par OTTINGER Didier : A. Breton, Le Surréalisme et la peinture, Paris, Gallimard, 1965, p.37 26 http://www.andrebreton.fr/fr/item/?GCOI=56600100228260# [Dernière consultation le 08 mai 2011]
31
l’exposition de la Bibliothèque Kandinsky qui fut, rappelons-le, retardée d’une année et
intégrée à la programmation de 2007 bien qu’elle était prête à être présentée. Considérant le
nombre d’expositions et de dispositifs de médiation dédiés au thème de l’atelier d’artiste au
cours de cette année, il nous semble évident que le déplacement de cette exposition témoigne
d’une volonté assumée de l’intégrer dans la programmation scientifique et culturelle de 2007
dont l’accent était mis sur l’exposition des ateliers d’artistes.
Au cours de cette même année, le Centre Pompidou accueillait l’exposition de la Fondation
Alberto et Annette Giacometti L’atelier d’Alberto Giacometti (Annexes, 4.2, Fig.38, p.44)
dont le projet fut entièrement pensé par Véronique Wiesinger et l’équipe de la Fondation avec
la collaboration du Centre Pompidou qui lui accorda une très grande liberté. Si le Centre
Pompidou n’avait pas connaissance de l’étendu ni du titre du projet d’exposition au moment
où il accepta de recevoir cette exposition thématique dans ses lieux, il n’en reste qu’elle eut
une grande importance dans la programmation culturelle de 2007 d’autant plus que
l’exposition rencontra un énorme succès auprès des visiteurs.
Du côté des collections permanentes du Mnam, l’année 2007 fut également le moment de
revoir les accrochages des collections d’art moderne et contemporain et rappelons que
Mapping the studio II de Bruce Nauman était toujours exposée dans le cadre de l’accrochage
Le mouvement des images – Art et cinéma jusqu’au 29 janvier 2007. En ce qui concerne les
collections d’art moderne, nous nous sommes plus particulièrement intéressés à l’exposition
de photographies de l’atelier de Constantin Brancusi dans la salle qui lui était dédiée
(Annexes, 2.2, Fig.11, p.16). Ce type de dispositif qui renvoie à l’atelier participe selon nous à
la représentation des lieux de la création artistique au sein de la programmation et assure à la
fois une médiation de l’œuvre de Brancusi et de son atelier reconstitué. Alors que
l’accrochage des collections contemporaines de 2007 n’était pas thématique, le dossier
pédagogique L’atelier de l’artiste contemporain qui l’accompagnait permettait quant à lui
d’apporter un autre regard sur les œuvres exposées et de prendre conscience des variations
concernant les lieux de leur production, notamment en ce qui concerne les créations de Xavier
Veilhan (Annexes, 3.1, Fig.30, p.35-36) et de François Boisrond (Annexes, 6.1, Fig.59, p. 65).
Pour ce qui est de la programmation culturelle de l’année 2010, nous avons également
observé différentes expositions qui établissaient des rapports avec les ateliers d’artistes. Il y
eut donc dans un premier temps l’exposition Passages de Sarkis dont nous avons déjà parlé et
32
qui comprenait diverses interventions en dialogue avec la reconstitution de l’atelier de
Constantin Brancusi puis du mur de l’atelier d’André Breton. Au cours de cette exposition,
nous avons également constaté qu’un fragment de peinture murale de l’atelier d’Alberto
Giacometti (Annexes, 2.3, Fig.12-13, p.17-18), prêt de la Fondation Alberto et Annette
Giacometti, était exposé dans la salle réservée à cet artiste à proximité immédiate de la salle
d’André Breton dans laquelle était installée La vitrine des Innocents de Sarkis. Il y avait donc
dans un espace assez restreint au sein des collections permanentes d’art moderne différents
dispositifs d’exposition évoquant l’atelier ; d’une part ce fragment exposé en relation avec les
œuvres de Giacometti et d’autre part, la reconstitution du mur de l’atelier d’André Breton
réactualisée par l’installation de Sarkis qui s’inscrivait dans un plus large parcours menant
également les visiteurs à l’Atelier Brancusi. Le mois suivant était inaugurée l’exposition
temporaire Lucian Freud : l’atelier (Annexes, 4.4, Fig.42 à 45, p.48 à 51), avec comme
commissaire Cécile Debray, qui rencontra un franc succès (Annexes, 4.4, Fig.49, p.55) tout
comme l’exposition de Giacometti en 2007. À la fin de cette même année, le Centre
Pompidou inaugurait également l’exposition Mondrian/ De Stijl dans laquelle était exposée la
reconstitution de l’atelier de Piet Mondrian que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer et
dans laquelle fut accordée une place importante aux photographies de l’artiste dans son lieu
de vie et de production.
Après avoir fait ce survol de la programmation scientifique et culturelle du Centre
Pompidou de l’année 2007 et 2010, mais aussi en prenant en considération les reconstitutions
d’ateliers du Mnam et les divers dispositifs de médiation accompagnant les expositions, il
nous semble maintenant clairement évident que les ateliers figurent parmi les préoccupations
scientifiques et culturelles de la programmation du Centre Pompidou et qu’une attention toute
particulière leur est portée autant dans le cadre des expositions temporaires que dans celui des
accrochages des collections permanentes. Il s’agit donc d’un thème commun permettant
d’assurer une liaison entre ces deux logiques d’expositions puisque toute création artistique
est issue d’un espace de production. Si l’atelier d’artiste considéré en tant qu’agent de liaison
s’incarne dans la programmation scientifique et culturelle du Centre Pompidou, il en va de
même dans l’attention portée à la documentation des lieux de la création artistique pour ces
deux logiques d’exposition et c’est d’ailleurs ce que nous nous apprêtons à étudier.
33
2.2 Accompagner les accrochages des collections permanentes
et les expositions temporaires d’une documentation sur les
lieux de la création des œuvres
Après avoir étudié l’atelier d’artiste comme un important agent de liaison entre les
collections permanentes et les expositions temporaires et l’inscription des lieux de la création
artistiques, aussi divers soient-ils, dans la programmation scientifique et culturelle du Centre
Pompidou, nous verrons comment cet intérêt pour l’atelier s’exprime également par la
proposition d’une documentation aussi exhaustive dans ces deux logiques d’exposition. Si
nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer différents dispositifs de médiation et de
représentation des ateliers d’artistes, nous tenterons de démontrer que ce choix de documenter
les lieux de la création artistique s’incarne avec la même volonté qu’il s’agisse des
accrochages des collections permanentes ou des expositions temporaires. Pour ce faire, nous
porterons une attention particulière à différents dispositifs utilisés dans le cadre de ces deux
logiques d’exposition en tentant d’établir des parallèles et des similitudes quant à leurs
usages.
L’usage de la photographie est sans doute le dispositif le plus répandu pour documenter les
lieux de la création artistique. Rappelons que dans le cadre de l’exposition organisée à partir
des collections de la Bibliothèque Kandinsky, plusieurs centaines de photographies d’ateliers,
reproduites sur divers supports, ont été exposées tout au long du parcours et qu’une
impressionnante sélection de ces mêmes images fut intégrée au catalogue de l’exposition qui
reprend les trois typologies rencontrées dans la muséographie. Bien qu’il s’agisse d’une
exposition temporaire et thématique, il est important de souligner qu’elle fut réalisée à partir
d’une collection permanente et c’est pourquoi nous la considérons au même titre que les
accrochages des collections du Mnam-Cci même si cette collection se distingue par la nature
des documents qui la constitue et par le fait que ce soit la Bibliothèque Kandinsky qui en soit
chargée de la conservation. Ceci étant, la Bibliothèque Kandinsky est un incontournable en ce
qui concerne la documentation photographique des expositions du Centre Pompidou, mais
aussi pour les dossiers pédagogiques, notamment celui dédié à Constantin Brancusi (Annexes,
2.1, Fig.9, p.14) dans lequel est reproduit de nombreuses photographies réalisées par l’artiste
et léguées avec tout le contenu de son atelier. En ce qui concerne les accrochages des
collections permanentes du Mnam, nous avons déjà évoqué les photographies de l’atelier de
Brancusi exposées en 2007 dans la salle 33 des collections historiques (Annexes, 2.2, Fig.11,
34
p.16), mais aussi celles reproduites dans l’ouvrage publié à l’occasion de la nouvelle
reconstitution de l’atelier de l’artiste en 1997 (Annexes, 2.1, Fig.7, p.12).
Dans le cadre de l’exposition Mondrian/De Stijl, rappelons également que les
photographies d’André Kertész exposées à la sortie de la reconstitution de l’atelier de Piet
Mondrian (Annexes, 4.5, Fig.51, p.57) furent reproduites dans le catalogue d’exposition
(Annexes, 4.5, Fig.53, p.59) et bien que plusieurs d’entre elles fassent partie des collections
de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine à Paris, certaines étaient quant à elles
issues des collections du Mnam. Toutefois, ce qui nous intéresse bien sûr n’est pas forcément
la provenance des photographies, mais l’usage qui en est fait au sein de la muséographie et du
catalogue de l’exposition. Car rappelons également que les photographies de David Dawson
présentées au cours de l’exposition Lucian Freud : l’atelier sont toutes issues de collections
particulières et que le but était d’offrir « une mise en contexte discrète » puisque « celles-ci
renseignent sur l’espace de travail tenu rigoureusement secret, à l’écart de toute visite
inopportune, sur le processus, les étapes du travail – de l’esquisse grossière au fusain sur la
toile au recouvrement progressif » 27
.
Le dossier pédagogique étant, comme nous l’avons déjà exprimé, un dispositif employé
pour assurer une forme de médiation des ateliers d’artistes en contexte muséal, ce qui fut
notamment le cas avec la proposition d’un nouveau dossier pédagogique L’atelier de l’artiste
contemporain ou encore celui dédié à Constantin Brancusi, il représente toutefois une
stratégie de médiation davantage employée pour les collections permanentes et plus rarement
pour les expositions temporaires. Nous avons par contre pu constater que le Centre Pompidou
en a produit un pour les deux grandes expositions temporaires et thématiques de notre corpus ;
L’atelier d’Alberto Giacometti28
en 2007 et Lucian Freud l’atelier (Annexes, 4.4, Fig.48,
p.54) en 2010, toutes deux étant des expositions monographiques accordant une place
importante à l’atelier de l’artiste. La conception de dossiers pédagogiques à l’occasion de ces
deux expositions participe selon nous à cette volonté de documenter les lieux de la création
des œuvres par l’évocation de leur espace de production bien qu’ils accordent une importance
relative et souvent secondaire à l’atelier, surtout en ce qui concerne celui de L’atelier
d’Alberto Giacometti dans lequel cet espace est simplement évoqué comme un
27 DEBRAY Cécile, « Introduction », dans Lucian Freud : l’atelier, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de DEBRAY Cécile, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2010, p.33 28 http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-giacometti/ENS-giacometti.html
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
35
« laboratoire ». Il est par contre important de souligner que cette exposition de la Fondation
Alberto et Annette Giacometti, tout en accordant une place importante à l’atelier de l’artiste,
était essentiellement centrée sur les œuvres sculptées de Giacometti et leur processus de
création. Par contre, le catalogue d’exposition mettra davantage l’accent sur le rapport entre le
processus de création des œuvres et leur environnement de production en mettant en relation
plusieurs photographies représentant les sculptures de l’artiste, les esquisses réalisées sur
papier ou sur les murs de son atelier et l’artiste dans son atelier (Annexes, 4.2, Fig.36-37,
p.42-43). En ce qui concerne les étapes de production des œuvres dans leur atelier, rappelons
aussi que le dossier pédagogique L’atelier de l’artiste contemporain renvoie également au site
internet de Xavier Veilhan sur lequel est publié des photographies du processus de création de
l’œuvre Le Rhinocéros exposée au cours de l’année 2007 parmi les œuvres de la collection
permanente d’art contemporain du Mnam et donne également accès à d’autres photographies
de son atelier.
Un autre moyen important pour documenter les ateliers est la présentation
d’enregistrements vidéo dans les salles d’exposition, ce qui est d’ailleurs le cas actuellement
dans la salle dédiée à la reconstitution du mur de l’atelier d’André Breton à côté de laquelle
est présenté un extrait du documentaire L’œil à l’état sauvage réalisé en 1994 par Fabrice
Maze dans l’atelier de Breton avant que son contenu ne soit vendu aux enchères (Annexes,
6.2, Fig.60, p.66). Plus évocateur encore, la projection de l’émission Chroniques de France,
magazine n° 21, Giacometti, réalisée par Francine Torrent en 1964 dans l’atelier d’Alberto
Giacometti et dont l’artiste réalisera un buste29
devant l’œil de la caméra, sur un petit écran
dans la quatrième salle de l’exposition L’atelier d’Alberto Giacometti (Annexes, 4.2, Fig.33-
35, p.39-41) et dont trois plan furent reproduits dans le catalogue30
en relation avec le buste
réalisé à l’occasion de cette émission. Notons également la projection dans une salle à la toute
fin du parcours de l’exposition Lucian Freud : l’atelier (Annexes, 4.4, Fig.45, p.51) de deux
vidéos sur Lucian Freud dans son atelier, Inside Job [Dans l’atelier]31
de David Dawson et
Small Gestures in Bare Rooms [Petits gestes dans les pièces vides]32
de Tim Meara, toutes
deux réalisées peu de temps avant l’exposition. La vidéo, en plus d’être un support
29 [Buste de femme aux bras croisés (Francine Torrent)], 1964, plâtre, 53,4 x 25,8 x 21,6 cm, Collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti 30 Centre National d'art et de culture Georges Pompidou, L'Atelier d'Alberto Giacometti : collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de Wiesinger Véronique, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2007, p.159 31 David DAWSON, Inside Job, 2009, Film sonore, coul., 30 minutes, DVD 32 Tim MEARA, Small Gestures in Bare Rooms, 2010, Film sonore, 10 minutes, DVD (16mm)
36
documentaire important des ateliers d’artistes au sein de la muséographie de l’espace muséal,
est également utilisée afin de faire la promotion des expositions et il n’est plus rare que
l’artiste lui-même participe à la médiation et à la diffusion de ces œuvres en intervenant dans
la vidéo promotionnelle mise en ligne sur le site du Centre Pompidou. Il arrive même que
l’artiste se trouve dans son propre atelier et qu’il explique sa démarche et ses intentions
artistiques, ce qui fut d’ailleurs le cas avec Sarkis dans le cadre de son exposition Passages33
qui, après un détour dans son atelier, effectue un parcours commenté de ses diverses
installations dans le Centre Pompidou.
Bien que nous aurions pu évoquer d’autres moyens d’offrir une documentation sur les
ateliers en contexte d’exposition permanente et temporaire, il nous apparaît que les dossiers
pédagogiques, les photographies et les vidéos présentées sur divers supports figurent parmi les
moyens les plus efficaces pour accompagner les expositions d’une documentation sur les
ateliers. Nous aurions par contre pu évoquer également toutes les formes écrites, telles que les
correspondances, les documents officiels, les revues, les plans d’occupation et autres,
exposées en marge des salles dédiées aux œuvres des collections permanentes à l’intérieur de
vitrines ou dans le cadre d’expositions temporaires et très souvent reproduites dans les
catalogues du Centre Pompidou. Du moins, nous avons été en mesure de constater l’effort
partagé entre les accrochages des collections permanentes et les expositions temporaires en ce
qui concerne la documentation des lieux de la création artistique au cours de la
programmation récente du Centre Pompidou et nous verrons dans une prochaine partie
comment certaines expositions et dispositifs de médiation encouragent le retour du public au
musée et permettent de réactualiser la collection du Mnam par l’évocation des ateliers
d’artistes.
2.3 Encourager le retour au musée par des expositions
temporaires et des dispositifs de médiation réactualisant la
collection permanente autour du thème de l’atelier d’artiste
Toujours dans cette idée que l’atelier d’artiste peut représenter un puissant agent de liaison
entre les collections permanentes du Musée et les expositions temporaires de sa
programmation, nous avons constaté que les différents dispositifs permettant de représenter
ou réactualiser les ateliers au Centre Pompidou pouvaient attirer de nouveaux publics, mais
33 http://www.centrepompidou.fr/Presse/video/20100415-sarkis2/ [Dernière consultation le 08 mai 2011]
37
surtout encourager le retour du public de proximité. Si l’exposition des collections
permanentes du Mnam est essentiellement centrée sur « l’accrochage plus ou moins
permanent des « chefs-d’œuvre » de la collection », mis à part les quelques accrochages
thématiques de ces dernières années, le Musée s’inspire du principe des expositions
temporaires en revoyant presque annuellement ses accrochages. Faire en sorte que les
accrochages des collections permanentes soient relativement temporaires est une pratique qui
encourage les visiteurs à revenir au Musée pour découvrir des œuvres qui étaient conservées
dans les réserves, mais permet aussi de porter un nouveau regard sur les « chefs-d’œuvre » par
de nouvelles mises en relation. Ceci étant dit, nous croyons que les expositions temporaires
concernant directement ou indirectement les ateliers d’artistes ainsi que les dispositifs en
assurant la médiation encouragent le retour du public au Musée et permettent aussi de
réactualiser la collection permanente. Nous étudierons donc quelques exemples de la
programmation de ces dernières années qui sont significatifs de cette réactualisation des
collections permanentes par des pratiques qui évoquent les ateliers d’artistes.
Avant toute chose, il nous apparaissait essentiel d’apporter une nuance à ce principe de
réactualisation des collections permanentes. Bien que nous ayons déjà abordé cette notion en
ce qui concerne une forme de réactivation des reconstitutions du Centre Pompidou par des
interventions contemporaines afin de faire des ateliers muséalisés le lieu d’une culture
vivante, nous considérons ici cette réactualisation plutôt dans le sens d’un renouvellement de
l’expérience muséale par de nouvelles expositions temporaires et la rencontre de dispositifs de
médiation participant à l’éveil d’une nouvelle conscience sur le contexte de production des
œuvres. Partant du fait qu’il est connu que les expositions temporaires permettent de
renouveler plus rapidement les offres culturelles et d’attirer davantage de publics par leur
diversité et leur enchaînement, nous considérons que les expositions temporaires et certains
dispositifs de médiation concernant les ateliers encouragent le retour des visiteurs au musée et
permettent de réactualiser la compréhension des œuvres exposées dans les accrochages des
collections permanentes. Cependant, il est important de souligner que l’exposition Lucian
Freud : l’atelier peut difficilement participer à renouveler la perception des œuvres des
collections permanentes car force est de constater qu’aucune des œuvres, vidéos ou
photographies exposées ne faisaient partie des collections permanentes du Musée, d’autant
plus que le site internet des collections permanentes ne répertorie qu’une seule peinture de
38
l’artiste, d’ailleurs en dépôt au Musée des Beaux-arts de Nancy depuis 199834
. Si nous
pensons que cette exposition permettait d’enrichir l’expérience de visite et de sensibiliser les
visiteurs à l’importance de l’environnement de création des œuvres, c’est surtout parce qu’elle
leur offrait l’occasion d’observer les œuvres, les photographies et les vidéos et de produire du
sens à partir de ces expôts et du discours proposé. Bien que cette exposition peut être
considérée comme un véritable « blockbuster », en atteste le communiqué de presse diffusé
pour souligner la fréquentation exceptionnelle de l’exposition (Annexes, 4.4, Fig.49, p.55), il
n’empêche qu’elle a fortement encouragé le retour des publics au musées. En se référant aux
résultats d’une enquête quantitative réalisée grâce à un questionnaire sur le site internet du
Centre Pompidou35
, 63,72% des 226 visiteurs ayant répondu à ce dernier ne disposaient pas
du Laissez-passer du Centre. Bien que nous devons rester prudents par rapport à ces
statistiques, nous pouvons par contre supposer que l’exposition permit d’attirer des publics
venant sans doute plus occasionnellement que ceux disposant du Laissez-passer. Notons
également que si la majorité a répondu que c’est l’artiste exposé qui les attira à l’exposition,
rappelons-nous tout de même de la promotion entourant l’importance de ce peintre faite par le
Centre Pompidou et la presse en général, 20,80 % des participants ont indiqué que c’est le
sujet proposé qui motiva leur choix de visite. Si nous évoquons ces statistiques qui n’ont pas
encore été interprétées et qui sont d’ordre très général, c’est que nous y voyons malgré tout un
intérêt pour la thématique et une satisfaction générale en ce qui concerne le parcours proposé,
la présentation des œuvres et les attentes des visiteurs.
Bien qu’il soit difficile d’en apporter la preuve sans une enquête de publics spécifiquement
conçue pour comprendre les habitudes de visite des visiteurs au Centre Pompidou et leurs
capacités à transposer les contenus proposés par les expositions temporaires dans leur
expérience de visite au sein des accrochages des collections permanentes, nous pensons que la
concentration des évocations et des représentations des ateliers dans un temps relativement
restreint est susceptible d’éveiller la conscience des visiteurs au sujet des lieux de la création
artistique moderne et contemporaine. En prenant en compte l’intérêt des visiteurs pour les
ateliers d’artistes, le Centre Pompidou favorise l’apparition de ce que Colette Dufresne Tassé
entend comme les conditions essentielles à « l’apparition de bénéfices psychologiques » :
34 http://collection.centrepompidou.fr/Navigart/images/image_fset.php?it=1&is_sel=0&cc=0&iid=18738&maxh=860 [Dernière consultation le 08 mai 2011] 35http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/questionnaires.nsf/Stats?openview&sessionM=&L=1&exp=5FB5A4C084EA
C1B3C12576E4004D9ABB [Dernière consultation le 08 mai 2011]
39
« Pour que la visite soit profitable, le type de musée ou l’objet exposé doit correspondre aux goûts du visiteur ou susciter son intérêt et le toucher »
36.
À la lumière des résultats obtenus par Colette Dufresne Tassé au cours de ses études de
publics visant à comprendre le fonctionnement psychologique des visiteurs, il nous apparaît
évident que la place accordée aux ateliers dans la programmation du Centre Pompidou permet
à l’institution d’être plus en mesure de toucher ses publics et de leur offrir des conditions
favorables à l’obtention de bénéfices psychologiques sur le plan cognitif et imaginaire
concernant les lieux de la création des œuvres. À défaut de bénéficier d’une étude de publics
sur ce que nous avançons, nous émettons tout de même l’hypothèse que la somme des
expériences muséales concernant les ateliers peur transformer le regard porté par les visiteurs
sur les œuvres des collections permanentes dans la mesure où les visites précédentes auraient
éveillé une meilleure compréhension des lieux de la production artistique et ce, plus
particulièrement si l’évocation antérieure d’un atelier correspond à celui dans lequel fut créée
une œuvre exposée dans les collections permanentes. À ce propos, il aurait été intéressant
d’effectuer une étude auprès des visiteurs de l’exposition Ateliers : l’artiste et ses lieux de
création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky afin d’être en mesure de
déterminer si l’exposition de l’impressionnant corpus d’ateliers et l’approche typologique
proposée leur a permis de porter un nouveau regard sur les œuvres de la collection
permanente du Centre Pompidou et d’avoir une meilleure compréhension de leur contexte de
production.
Toujours à la frontière du spectaculaire et du divertissement, nous croyons que les vidéos
promotionnelles des expositions temporaires de notre corpus participent également à attirer
davantage de visiteurs au Musée. Il suffit de regarder celles qui furent mises en ligne à
l’occasion de l’exposition Lucian Freud : l’atelier ou Passages de Sarkis pour constater à
quel point la trame sonore et les séquences visuelles en font une sorte de « teaser » alléchant
dévoilant petit à petit quelques vues de l’atelier et de ce que l’exposition propose. Si plusieurs
s’opposent à ce brouillage des frontières entre la culture et l’industrie du spectacle, il
n’empêche que l’ICOM conserve dans ses Statuts le principe selon lequel l’exposition se fait
également pour la « délectation » du public, notion qui conserve son ambiguïté d’autant plus
que la définition du plaisir est aujourd’hui fortement influencée par la société du
divertissement et du spectacle dans laquelle nous évoluons. Ceci étant, nous considérons que
36 DUFRESNE TASSÉ Colette et LEFÈBVRE André, Psychologie du visiteur de musée : contribution à l'éducation des
adultes en milieu muséal, dans Les Cahiers du Québec, Psychopédagogie, Hurtubise HMH, Montréal, 1995, p.112
40
l’atelier d’artiste, en tant que thématique d’exposition ou de dispositifs de médiation favorise
le retour des visiteurs intéressés par le sujet qui conserve dans leur imaginaire une part de
secrets et de mystères causée par l’inaccessibilité physique des lieux de la création. Le
documentaire Un soir au musée : Dans l’atelier de Mondrian (Annexes, 6.2, Fig.61, p.67),
diffusé quant à lui sur France 5 le 9 décembre 2010, soit à peine huit jours après
l’inauguration de l’exposition Mondrian/De Stijl au Centre Pompidou, impliqua la
participation de Brigitte Léal et Frédéric Migayrou, commissaires de l’exposition. Bien que
l’atelier cité dans le titre ne soit pas le seul objet de ce documentaire, il en fut tout de même
question à plusieurs reprises et sa diffusion télévisée, qui donna également lieu à la sortie d’un
DVD en janvier 2011, s’adressait à un très large public ce qui nous amène à penser qu’il a pu
attirer davantage de visiteurs en suscitant entre autre leur curiosité et leur intérêt pour l’atelier
de l’artiste.
Sans vouloir nous attarder à des exemples que nous avons déjà eu l’occasion d’analyser,
nous souhaitions faire un bref retour sur les dossiers pédagogiques qui permettent d’aborder
les accrochages des collections permanentes et de redécouvrir certaines œuvres en les situant
dans leur environnement de création. Nous nous référons bien évidemment au dossier
pédagogique L’atelier de l’artiste contemporain qui pouvait également servir à élaborer un
nouveau parcours thématique à l’intérieur même de l’accrochage des collections
contemporaines, nous pensons notamment au corps professoral qui s’inspire régulièrement du
contenu des dossiers pédagogiques pour y puiser des informations ainsi que pour prévoir un
itinéraire de visite avec leur groupe scolaire, car rappelons-le, les dossiers pédagogiques sont
issus principalement d’une approche éducative bien que souvent trop formelle. Toutefois, il
n’en reste que ce dispositif thématique est un excellent moyen de renouveler l’expérience de
visite des collections permanentes et qu’il peut de ce fait encourager le retour des visiteurs
désireux de redécouvrir les œuvres du Musée à la lumière de leur environnement de
production.
Par l’étude de l’exposition Lucian Freud : l’atelier et des résultats de son questionnaire
disponibles sur le site internet du Centre Pompidou, nous avons donc été en mesure de
démontrer que cet événement temporaire avait attiré des publics intéressés par la thématique
de l’atelier et que la majorité des visiteurs ayant répondu au questionnaire ne disposait pas du
Laissez-passer du Musée ce qui nous porte à croire qu’une partie de ces visiteurs correspond
sans doute à un public occasionnel. La fréquentation exceptionnelle de cette exposition, mais
41
aussi de L’atelier d’Alberto Giacometti dont le nombre de visiteurs par jour37
dépassait celui
de l’exposition de Lucian Freud, témoigne bien entendu d’un intérêt pour l’artiste exposé,
mais aussi pour la thématique proposée. Ces grandes expositions monographiques abordant la
question de l’atelier participent donc à attirer de nouveaux publics et encouragent le retour des
visiteurs au Centre Pompidou. En plus d’avoir abordé les vidéos promotionnelles
d’expositions comme un moyen de séduire les visiteurs en leur révélant partiellement les
ateliers d’artistes et les expositions concernées, nous avons aussi étudié le dossier
pédagogique comme un moyen de réactualiser la perception des œuvres et le parcours de
visite dans les collections permanentes par l’appropriation de ses contenus. Représentant un
important agent de liaison entre les accrochages des collections permanentes et les expositions
temporaires, nous avons également abordé l’exposition et la médiation des ateliers comme un
moyen d’optimiser l’apparition de bénéfices psychologiques au cours de l’expérience de visite
puisqu’il s’agit d’un sujet apprécié par les visiteurs et donc plus susceptible d’influer sur leur
perception et leur compréhension des œuvres des collections permanentes et de leur
environnement de production. Souhaitant poursuivre notre réflexion concernant les visiteurs,
nous étudierons prochainement l’exposition et la médiation des ateliers au Centre Pompidou
comme une stratégie visant à mieux prendre en compte ses publics.
37 http://www.centrepompidou.fr/presse/09/cpfrequentation.pdf [Dernière consultation le 08 mai 2011]
42
III. Le Centre Pompidou et les ateliers
d’artistes : une stratégie visant également les
publics :
3.1 Les lieux de la création des œuvres de la collection
permanente et des expositions temporaires révélés par divers
dispositifs de médiation
Après avoir étudié les ateliers d’artistes en tant que patrimoine culturel immatériel et leur
représentation en contexte muséal comme un agent de liaison entre les collections
permanentes et les expositions temporaires, la question du public apparaît comme un élément
essentiel de notre étude concernant les enjeux et les pratiques de l’exposition des ateliers
d’artistes en contexte muséal ainsi que leur médiation. Bien que nous n’ayons pas d’étude de
publics permettant d’analyser la réception des expositions constituant notre corpus, il nous est
apparu évident tout au long de nos recherches que les dispositifs mis en place par le Centre
Pompidou afin d’assurer la médiation des œuvres pouvaient permettre de révéler au public les
lieux de la création artistique d’hier et d’aujourd’hui. Les moyens sont quant à eux assez
divers et varient en fonction de chaque exposition, notamment en ce qui concerne les choix
muséographiques et l’aspect du catalogue d’exposition. Nous étudierons divers moyens mis
en place pour le public afin de leur révéler les lieux de création des œuvres exposées en
portant une attention particulière à la nature des dispositifs de médiation et des choix
muséographiques impliqués dans cette opération. Parmi ceux-ci, nous aborderons plus
particulièrement l’exposition d’œuvres représentatives de leur environnement de création, les
reconstitutions d’ateliers comme dispositif d’immersion des visiteurs, les catalogues
d’exposition et la vidéo comme support favorisant la mise en relation des œuvres et de leur
atelier grâce à leur reproduction photographique et plus brièvement, l’intégration de
photographies dans la muséographie des expositions.
Tout au long de nos recherches, nous avons été en mesure d’identifier une grande variété
de dispositifs d’exposition et de médiation des ateliers dans le contexte muséal du Centre
Pompidou, mais aussi en dehors de l’expérience de visite et nous avons également observé de
nombreuses variations quant aux supports utilisés. À ce sujet, Francesco Panese écrit :
43
« La diversité des éléments transformés en musealia peut nécessiter la multiplication de supports techniques (audio, audio-visuel, reproductions, dispositifs interactifs, etc.). Si leur usage
peut-être problématique dans un contexte muséal, il permet aussi de rendre accessible une variété de contenus difficilement montrables sans ces médiations techniques qui peuvent marquer la
scénographie d’une exposition. »38
En ce qui concerne la documentation, rappelons que Bruno Racine évoquait la possibilité
pour la documentation sur l’art moderne et contemporain « d’atteindre des problématiques et
des thématiques que les seules œuvres ne permettent pas toujours de déployer »39
. Cependant,
il existe aussi des œuvres étant elles-mêmes représentatives de l’atelier dans lequel elles
furent produites ce qui est notamment le cas des installations vidéos Mapping the studio II de
Bruce Nauman ou encore de Conversations entre Joraï et mon atelier de Sarkis (Annexes,
4.3, Fig.39, p.45) qui utilisent tous les deux la vidéo, Nauman en apportant de légères
modifications à l’image de ses enregistrements et Sarkis en faisant littéralement appel à la
retransmission en direct de son atelier. Nous souhaitions par contre étudier plus
particulièrement les œuvres de l’exposition thématique Lucian Freud : l’atelier, sélectionnées
en fonction de leur représentation de l’atelier et du rapport qu’elles entretiennent avec cet
environnement, l’artiste et ses modèles. Parmi les salles dont les sous-thèmes représentent
différents aspects de ce rapport (Annexes, 4.4, Fig.45, p.51), nous nous sommes
particulièrement intéressés à celle intitulée « Réflexion » car plusieurs des œuvres qui y
étaient exposées furent réalisées par l’utilisation d’un miroir permettant à l’artiste de se
représenter soi-même, parfois accompagné d’un modèle comme c’est le cas pour The Painter
Surprised by a Naked Woman. Associée aux photographies de David Dawson exposées en fin
de parcours (Annexes, 4.4, Fig. 46-47, p.52-53), cette œuvre devient porteuse d’indices sur les
méthodes utilisées par l’artiste pour sa réalisation tout étant la représentation de la perception
que le peintre a de lui-même, de son modèle et de l’environnement de son atelier, mais
témoigne également de son long processus de création. Philippe Comar souligne à ce sujet
« (qu’) à l’inverse de la photographie qui se contente d’un instantané, la peinture de Lucian Freud est un long plan séquence sur une chose vivante et immobile, et qui par la durée même de la pose, souvent très longue, donne à voir ce qu’aucune photo ne pourrait montrer. Ce ne sont pas des
corps saisis en un centième de seconde, dans un éphémère insignifiant, mais des corps qui ont été
attentivement observés, médités, contemplés, des corps qui sont le fruit d’un long travail de
décantation dans l’atelier du peintre. »40
.
38 PANESE Francesco, « L’opération scénographique : le façonnage des objets en musealia », dans L’objet de la muséologie, Études réunies par MARIAUX Pierre Alain, Éditions de l’Institut d’histoire de l’art et de muséologie, (L’atelier de Thesis), Neuchâtel, 2005, p.110 39RACINE, Bruno, « Avant-propos », dans Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de SCHULMANN Didier et RIMMAUDO Annalisa, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2006, p.9 40 COMAR Philippe, « L’atelier clandestin », dans Lucian Freud : l’atelier, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de
DEBRAY Cécile, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2010, p.58
44
Si nous partageons cet avis en ce qui concerne l’observation attentive des corps nus dans la
durée et le rendu des corps que Philippe Comar qualifie de véritable « carnation » du
murissement de la chair au cours de ce long processus41
, nous pensons cependant que c’est la
présence des photographies qui permet véritablement cette constatation car, bien qu’exposées
en fin de parcours, elles instaurent un comparatif entre la réalité captée par l’appareil
photographique et celle dépeinte par l’artiste. Ce raisonnement nous amène malgré tout à nous
questionner sur les choix muséographiques car nous pouvons nous demander si la mise en
relation des œuvres et des images aurait été plus efficace en ce qui concerne les capacités
d’observation et de production de sens des visiteurs dans le cas où les photographies auraient
été exposées plus à proximité des tableaux ou en début de parcours. Toutefois, cette question
devra rester en suspens, mais rappelons que la muséographie de cette exposition était marquée
par la volonté de distinguer les expôts en fonction de leur médium.
Après avoir abordé à plusieurs reprises les reconstitutions en tant que dispositif
muséographique permettant la représentation des ateliers en contexte muséal, nous avons
souhaité les resituer dans le champ de la médiation des œuvres pour les visiteurs. Reposant
sur le même principe que les period rooms, Richard Montpetit décrit cette « muséographie
analogique » comme
« […] un procédé de mise en exposition qui offre, à la vue des visiteurs, des objets originaux ou reproduits, en les disposant dans un espace précis de manière à ce que leur articulation en un tout forme une image, c’est-à-dire, fasse référence, par ressemblance, à un certain lieu ou état hors
musée, situation que le visiteur est susceptible de reconnaître et qu’il perçoit comme étant à
l’origine de ce qu’il voit »42
d’où le principe d’analogie entre la reconstitution et le lieu d’origine. S’il est fort possible que
les visiteurs ne connaissent pas l’atelier à l’origine de la reconstitution, le premier contact
avec cet espace de création muséalisé risque toutefois de stimuler leur imagination et
d’interagir avec leurs propres représentations de l’atelier. Généralement axée sur le principe
de l’immersion sensible des visiteurs, les reconstitutions sont donc conçues à l’échelle du lieu
d’origine et se présente de « plain-pied » afin de permettre
« […] aux visiteurs d’avoir l’impression de partager et de vivre l’espace; la réception se fait alors non pas sous le mode du seul regard, comme devant un tableau ou une scène de théâtre, mais
aussi sous le mode de l’habitabilité propre à la perception des volumes architecturaux »43
.
41 COMAR Philippe, « L’atelier clandestin », dans Lucian Freud : l’atelier, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de DEBRAY Cécile, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2010, p.58 42 MONTPETIT Raymond, « Une logique d’exposition populaire : les images de la muséographie analogique », dans Les dioramas, Publics & Musées N°9 janvier-juin 1996, Presses universitaires de Lyon, Lyon, 1996, p.58 43 Idem, p.73
45
Contrairement aux deux reconstitutions des collections permanentes du Mnam, délimitées
par une verrière qui selon nous, tout en stimulant l’imagination des visiteurs, favorisent
davantage l’occultation de leur contenu et le simple engagement du regard accompagné d’un
déplacement déambulatoire, nous considérons que la reconstitution de l’atelier de Piet
Mondrian (Annexes, 4.5, Fig.50, p.56) était plus favorable à cette « habitabilité propre à la
perception des volumes architecturaux » évoquée par Richard Montpetit. Car en effet, les
visiteurs n’y étaient plus de simples observateurs et leur présence physique à l’intérieur même
l’espace reconstitué rendait plus efficace leur immersion sensible et favorisait du fait même
une meilleure perception des volumes. Bien que la salle conçue à l’échelle de l’atelier
d’Alberto Giacometti ne peut être considérée comme une véritable reconstitution (Annexes,
4.2, Fig.34, p.40), d’autant plus que nous avons déjà souligné le refus de Véronique
Wiesinger d’employer cette muséographie, nous croyons tout de même qu’elle participa à ce
principe d’immersion des visiteurs, renforcé par la mise en relation des photographies de
l’atelier rue Hippolyte-Maindron. Pour en revenir au principe des reconstitutions d’ateliers, ce
qui nous intéresse du point de vue de la médiation est le fait que la réception des œuvres se
fait dans un lieu qui, par analogie, les renvoie à leur espace de production à une époque
donnée, ce qui est plus particulièrement le cas avec la reconstitution de l’atelier de Constantin
Brancusi qui est présenté comme un véritable espace de production par l’exposition des outils
et du matériel nécessaire à la taille de la pierre (Annexes, 2.1, Fig.4-5, p.9-10). La réception
des œuvres exposées dans l’Atelier Brancusi est de ce fait enrichie par le contexte
architectural et leur mise en espace qui font référence à l’atelier original de l’artiste impasse
Ronsin. Toutefois, nous nous devons de rester prudent quant à la réelle réception de ces
dispositifs d’immersion car, comme le souligne Florence Belaën en se référant aux réflexions
de Pierre Bourdieu sur la question des codes,
« […] une exposition d’immersion, comme une œuvre d’art, revêt tout son sens à celui qui en possède les clefs de lecture. Le sentiment d’immersion n’est pas immédiat, il est en fait issu d’un
système de codes, conscientisés ou pas. »44
.
Agissant également sur la perception des visiteurs, d’autres dispositifs essentiellement
centrés sur l’image et sa reproduction permettent de révéler les ateliers par la mise en relation
des œuvres et de leur contexte de production. Si la principale fonction de ces rapprochements
est d’assurer une médiation de l’œuvre exposée, rappelons tout de même que la représentation
des ateliers favorise également leur propre médiation en contexte muséal ou éditorial. Les
44 BELAËN Florence, « Les expositions d’immersion », dans la Lettre de l’OCIM, n°86, Dijon, 2003, p.31
46
supports quant à eux peuvent aller de la photographie intégrée à la muséographie d’une
exposition, de la vidéo documentaire ou promotionnelle à la reproduction de photographies
dans les catalogues d’exposition ou les dossiers pédagogiques. Ayant déjà eu l’occasion
d’évoquer à plusieurs reprises la présence de photographies dans la muséographie des
expositions de notre corpus, notamment dans le cadre des expositions de la Bibliothèque
Kandinsky, nous souhaitons consacrer cette partie de notre étude à des dispositifs que nous
avons peu analysés jusqu’à présent en gardant à l’esprit qu’ils sont soumis à d’importantes
variations d’une exposition à l’autre, voire d’un commissaire à un autre.
La succession des photographies reproduites dans le catalogue de l’exposition L’atelier
d’Alberto Giacometti, permet de mettre en relation les œuvres de l’artiste avec son atelier.
Véronique Wiesinger souhaitait que ces images défilent comme les séquences d’un film et
que le visiteur en ayant fait l’achat puisse avoir le choix de le feuilleter indépendamment de la
lecture. Bien que l’on pourrait penser que cette approche fait du catalogue un simple album
photographique, chaque rapprochement d’images fut pensé de manière à mettre en relation la
reproduction des œuvres parfois dans le contexte de l’atelier, les différentes étapes de leur
production (Annexes, 4.2, Fig.37, p.43) ou encore des fragments de peintures murales
correspondant à des esquisses des œuvres en question (Annexes, 4.2, Fig.36, p.42). Alors
qu’il existe une certaine indépendance entre les reproductions des œuvres et les photographies
de l’atelier dans plusieurs catalogues de notre corpus, ce qui est notamment le cas pour le
catalogue Lucian Freud : l’atelier dans lequel les vues de l’atelier sont simplement
reproduites au début et à la fin de l’ouvrage, ce qui est d’ailleurs en continuité avec la
séparation des œuvres et des photographies au sein même de la muséographie de l’exposition.
L’ouvrage publié à l’occasion de l’exposition dédiée à Giacometti est sans doute celui qui
parvient avec le plus d’efficacité à révéler le contexte de production des œuvres. D’un tout
autre concept et bien que l’exposition dans son ensemble n’était pas consacrée à la thématique
de l’atelier, le catalogue de l’exposition Passages45
consacre également une place importante
à ce type de photographies. On peut y observer les différentes installations de l’exposition
dans l’atelier de Sarkis au début de l’ouvrage et les quarante dernières pages reproduisent
quant à elles la muséographie de l’exposition, dont plusieurs vues des installations dans
l’Atelier Brancusi et face à l’atelier d’André Breton (Annexes, 4.3, Fig.39-40, p.45-46).
45 Centre National d’art et de culture Georges Pompidou, Sarkis : Passages, Catalogue de l’exposition, Éditons du Centre
Georges Pompidou, Paris, 2010, 136 p. (ill. coul.)
47
Ce dernier catalogue nous amène à nous pencher sur la bande-annonce de Passages46
, qui
est directement accessible sur la page internet de l’exposition, basée sur le principe de la
rencontre de l’artiste dans son atelier qui nous parle de ses œuvres, au cours de laquelle Sarkis
nous présente La Vitrine des Innocents, dans l’obscurité de son atelier éclairé par les néons de
ses œuvres, et nous explique les particularités de cette œuvre et ses intentions artistiques. Une
autre vidéo47
, toujours disponible sur la même page internet, est une visite commentée par
l’artiste de ces différentes interventions dans le Centre Pompidou et il s’attardera cette fois-ci
à ses œuvres dans l’Atelier Brancusi en expliquant son intention de réintégrer de l’action dans
cet espace figé dans le temps par la retransmission en direct de son atelier et l’animation de
ses installations. En plus de découvrir des œuvres, les visiteurs peuvent observer
l’environnement de l’atelier d’où elles proviennent. Pour ce qui est de l’exposition Lucian
Freud : l’atelier, la bande-annonce48
exploitera finalement les possibilités de mise en relation
directe des photographies de l’atelier de l’artiste et de ses œuvres, ce qui n’avait pas été fait
dans la muséographie ni dans le catalogue de l’exposition dans lequel on chercha davantage à
établir les références artistiques des motifs peints par l’artiste. Il existe cependant un point
commun entre le catalogue et la bande-annonce puisque tous deux reproduisent des
photographies inédites et non exposées de l’atelier de l’artiste. Il n’y a aucun commentaire
dans la vidéo, seule la succession des images avec une trame sonore parfois tragique ou
délicate permet d’établir des rapports visuels entre les photographies de l’atelier et les œuvres
issues de cet environnement. L’analyse du rapprochement possible entre l’œuvre The Painter
Surprised by a Naked Woman et les photographies de David Dawson que nous avons déjà
faite précédemment se retrouve également dans la bande-annonce qui établit le même rapport
en attirant l’attention sur des détails de l’œuvre en cours de réalisation, mais aussi sur le
miroir et les pinceaux posés sur le tabouret par des « zooms » progressifs qui orientent notre
regard sur les éléments qui nous permettent de faire cette analogie.
En s’appuyant sur l’exposition d’œuvres représentatives de leur environnement de
création, sur les reconstitutions d’ateliers en tant que dispositifs d’immersion des visiteurs, les
catalogues d’expositions, l’intégration des photographies dans la muséographie des
expositions et la vidéo, nous avons donc été en mesure d’étudier divers dispositifs de
46 http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/D8D675F2F61B3036C12576A80034F65B [Dernière consultation le 08 mai 2011] 47http://www.dailymotion.com/video/xdonk7_passages-visite-par-sarkis_creation%22%20target=%22_blank%22 [Dernière consultation le 08 mai 2011] 48 http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/57C293CB2BD5E0CFC12576E3003A4771?OpenDocument
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
48
médiation et de représentation permettant de révéler le contexte de production des œuvres
exposées. Si certains de ces dispositifs sont régulièrement mis en place dans le cadre de
chaque exposition, nous pensons plus particulièrement à la présence de photographies dans la
muséographie, la production systématique d’un catalogue d’exposition et plus récemment la
mise en ligne de plus en plus récurrente de vidéos promotionnelles pour les grandes
expositions, nous sommes toutefois parvenus à la conclusion qu’ils restent extrêmement
variés et que les stratégies employées pour mettre en relation les œuvres et leur atelier de
création peuvent être plus ou moins efficaces en ce qui concerne la médiation pour les
publics. Il est également important de rappeler que tout visiteur ne visionne pas forcément les
vidéos disponibles sur le site Internet du Centre Pompidou et que tous ne feront pas
nécessairement l’achat du catalogue d’exposition. Nous croyons toutefois que les visiteurs
concernés par ces dispositifs bénéficieront d’une meilleure connaissance du lien qui unit les
œuvres et leur espace de production et c’est d’ailleurs cette réflexion qui nous amène à
analyser plus en profondeur l’acquisition de connaissances chez les visiteurs sur les ateliers.
3.2 Constituer des connaissances et favoriser la réflexion des
visiteurs amenés à se questionner sur les divers liens unissant les ateliers, les œuvres et l’institution muséale
Après avoir analysé diverses stratégies de médiation permettant de révéler l’environnement
de production des œuvres exposées au public, nous nous apprêtons désormais à resituer
certains exemples de notre corpus dans l’étude de la constitution de connaissances concernant
les ateliers d’artistes et l’apparition de réflexions sur les liens qui unissent les espaces de
production, les œuvres et le Centre Pompidou. Toutefois il nous apparaît nécessaire dans un
premier temps d’éclaircir ce que nous entendons par la notion d’acquisition de connaissances
sur les ateliers d’artistes car plutôt que de l’entendre comme un apprentissage induisant une
éducation formelle peu adaptée à l’expérience muséale, nous la définissons dans le sens d’une
compréhension de l’influence des ateliers sur la production des œuvres. Au sujet de
l’apprentissage en contexte muséal, Colette Dufresne Tassé souligne
« (qu’) au musée, l’apprentissage pose un problème de définition important. Il n’y a pas d’intérêt à l’y concevoir de la même manière que dans le milieu scolaire ou qu’au laboratoire de
psychologie, strictement en terme d’acquisition de connaissances ou d’habiletés formelles. On peut l’y voir plus simplement comme la découverte de l’objet muséal, de sa signification, et comme
l’appropriation de cette découverte ou de cette signification par le visiteur. En l’envisageant de
49
cette manière, on ne modifie en rien le sens profond du concept, puisque découverte, élaboration de
signification et appropriation se soldent au musée par des acquisitions. »49
.
Ces précisions maintenant apportées, nous étudierons le rôle de l’institution quant à la
muséalisation des témoins matériels et immatériels des lieux de la création artistique qui rend
possible la visualisation des ateliers dans l’espace muséal, mais aussi une proximité de ces
lieux avec les visiteurs ayant pour effet de favoriser l’acquisition de connaissances sur les
ateliers. Nous analyserons également des interventions d’artistes contemporains qui favorisent
selon nous la réflexion des visiteurs à propos des conditions dans lesquelles s’effectue la
muséalisation ou le déplacement des espaces de production des œuvres dans le musée.
L’utilisation de la documentation sur les ateliers en contexte d’exposition ou éditorial joue
un rôle considérable dans la visibilité d’un aspect important de la production artistique, soit le
lieu de la création des œuvres. Mais surtout, la documentation et les divers moyens de
représentation des ateliers, qu’ils soient intégrés à la muséographie d’une exposition ou à
divers supports de médiation culturelle, permettent la visualisation en contexte muséal de
lieux physiquement, géographiquement et parfois même temporellement inaccessibles ; c’est-
à-dire que les pratiques de mise en exposition des ateliers au Centre Pompidou permettent de
donner accès aux visiteurs à des lieux de création dans lesquels ils ne sont généralement pas
admis, d’évoquer dans l’espace public de l’institution muséale l’espace privé de l’atelier
géographiquement distant du Musée, mais aussi de représenter grâce à divers témoins
matériels ou immatériels des ateliers qui n’existent plus. La représentation, l’accessibilité et la
visualisation des ateliers d’artistes représentent selon nous des conditions fondamentales à une
acquisition de connaissances sur le sujet en situation muséale et participeraient également à
l’établissement d’un nouveau rapport entre les visiteurs et le patrimoine.
S’exprimant sur le « sens du patrimoine », Dominique Poulot écrit qu’il « reposait jadis sur
le respect des œuvres et des ancêtres qu’il donnait à entendre fidèlement », mais
« (qu’) il se fonde aujourd’hui sur l’intérêt de publics divers pour la mémoire, son travail et ses représentations. Il a acquis de ce fait un caractère profondément démocratique, tout à fait inédit au
cours de son histoire. Ainsi la familiarité et la proximité sont devenues deux valeurs déterminantes du patrimoine contemporain au sein des pays développés, bien plus que les représentations
traditionnelles du chef-d’œuvre exemplaire ou de la haute culture. »50
.
49 DUFRESNE TASSÉ Colette et LEFÈBVRE André, Psychologie du visiteur de musée : contribution à l'éducation des adultes en milieu muséal, dans Les Cahiers du Québec, Psychopédagogie, Hurtubise HMH, Montréal, 1995, p.136 50 POULOT Dominique, Patrimoine et musées : L’institution de la culture, Hachette, (Carré histoire), Paris, 2001, p.203-
204
50
En rendant plus accessible l’environnement de production des œuvres et en mettant également
l’accent sur leur histoire et les divers témoignages que nous en avons conservés, le Centre
Pompidou favorisait une meilleure familiarisation des visiteurs avec les ateliers et de ce fait,
permettrait une plus grande accessibilité à la création artistique d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi,
le musée n’apparaît plus seulement comme le lieu dédié à la conservation des œuvres d’art et
de la « haute culture », mais plutôt comme une institution qui encourage la transmission d’une
mémoire et qui offre par le fait même des conditions favorables à une plus grande
« familiarité et proximité » des visiteurs avec les œuvres. Nous sommes donc persuadés que
les différentes pratiques de mise en exposition et de médiation des ateliers employées au cours
de ces dernières années par le Centre Pompidou participent à la démocratisation de la culture.
Rappelons aussi que selon l’ICOM, le musée « expose et transmet le patrimoine matériel et
immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de
délectation »51
et c’est d’ailleurs ce qui nous amène à considérer cette transmission des
connaissances sur les ateliers par le Centre Pompidou comme une volonté de faire bénéficier
ses publics d’une meilleure compréhension et expérience des œuvres en encourageant
l’acquisition de savoirs sur les lieux de leur production.
Si chaque exposition ou dispositif de médiation est susceptible de partager ponctuellement
des connaissances avec les visiteurs sur l’atelier d’un artiste en particulier, la place accordée à
ces lieux dans la programmation récente du Centre Pompidou encouragerait quant à elle la
constitution et l’enrichissement dans la durée de savoirs sur les ateliers et la relation qu’ils
entretiennent avec les œuvres. Toutefois, par le nombre important d’ateliers représentés et la
grande diversité des aspects qui en furent abordés, nous croyons que l’expérience de visite
d’une exposition telle que celle organisée par la Bibliothèque Kandinsky est capable à elle
seule d’apporter une meilleure compréhension des lieux de la création artistique et de
favoriser l’acquisition de savoirs réutilisables concernant les ateliers modernes et
contemporains. Nous sommes d’autant plus convaincus de ce que nous avançons du fait que
cette exposition fut exclusivement conçue à partir de la documentation des artistes représentés
dans les collections permanentes du Musée. L’appropriation par les visiteurs des contenus
proposés par la Bibliothèque Kandinsky, mais aussi celle qui peut s’opérer dans la durée par
la fréquentation des expositions de la programmation du Centre Pompidou, participerait donc
à l’acquisition de connaissances sur les lieux de la création artistique, à l’enrichissement des
51 http://icom.museum/qui-sommes-nous/la-vision/definition-du-musee/L/2.html [Dernière consultation le 08 mai 2011]
51
représentations que s’en font les visiteurs, mais aussi à une meilleure intelligibilité des
démarches artistiques car l’atelier « cristallise l’engagement de l’artiste » (Annexes, 2.6,
Fig.29, p.34). Ces savoirs étant réutilisables, ils sont également susceptibles de modifier le
regard des visiteurs et leur compréhension des œuvres, notamment au cours de leurs futures
visites des accrochages des collections permanentes et des expositions temporaires du Centre
Pompidou. Il est également important de rappeler que l’appropriation des contenus des
expositions et l’acquisition de connaissances sur les ateliers peut aussi s’effectuer en amont de
l’expérience de visite grâce aux catalogues d’expositions dont nous avons déjà établis les
possibilités de mise en relation entre les ateliers et les œuvres reproduites, mais aussi par les
documentaires généralement produits dans le cadre des grandes expositions.
Il existe également de plus en plus d’artistes qui utilisent la relation entre les œuvres et leur
espace de production pour amener les visiteurs à se questionner sur l’espace muséal en tant
que tel et sur ce qui le définit. À ce sujet, Peter Schneemann écrit :
« In contemporary art, the artist does not so much focus on the museum in order to break down the rules, but rather to make them visible. Instead of the idea of leaving the museum, or trying to
establish spaces outside or to blur the border there is, the tendency is to strengthen the significance, the special quality of the museum as space and site »
52.
Parmi les interventions d’artistes contemporains figurant dans le corpus de notre étude, nous
constatons cette même volonté décrite par Schneemann de rendre visible les règles du musée
et les spécificités de son espace, mais en ce qui nous concerne, par la référence à l’espace de
production des œuvres ou encore par la mise en évidence des conditions dans lesquelles
s’effectue la muséalisation des ateliers au Centre Pompidou. La démarche de François
Boisrond qui déménagea son espace de production au Mnam, réalisant ses œuvres devant le
regard intéressé des visiteurs (Annexes, 6.1, Fig.58, p.64) pour inscrire la création artistique
dans l’espace public, permettait selon nous de rendre visible la tendance selon laquelle le
Musée se transforme en espace de production et n’est plus seulement dédié à la conservation
et la diffusion de l’art. Cette tendance s’exprime plus particulièrement au Centre Pompidou
par l’invitation d’artistes contemporains à faire des interventions in situ dans les espaces
d’exposition. Tel que nous l’avons déjà évoqué, l’exposition d’Emmanuel Saulnier à l’Atelier
52 SCHNEEMANN Peter J., « Laws of Space and Specificity. Contemporary Art in the Museum », dans Les lieux de la muséologie, MARIAUX Pierre Alain (éd.), Éditions Peter Lang, (L’Atelier : Travaux d’histoire de l’art et de muséologie), Bern, 2007, p. 169 Traduction Christine Vincent : « Dans l’art contemporain, l’artiste ne s’intéresse plus vraiment au musée dans le but d’en briser les règles, mais plutôt pour les rendre visibles. Alors que certains artistes tentèrent de quitter le musée, d’établir des espaces à l’extérieur de celui-ci ou de brouiller les frontières qui existent, la tendance est plutôt d’en renforcir la
signification et de montrer les spécificités du lieu et de l’espace muséal. »
52
Brancusi avec ses installations Place blanche, dans la galerie de l’Atelier Brancusi (Annexes,
4.1, Fig.31, p.37), et Place noire dans le jardin extérieur (Annexes, 4.1, Fig.32, p.38),
s’inscrivait dans une série d’invitations du Centre Pompidou adressées à des artistes
contemporain sollicités à intervenir dans ce lieu. Ayant déjà étudié cet exemple comme une
stratégie de réactualisation de la reconstitution de l’Atelier Brancusi, nous trouvions important
de l’inclure dans cette partie de notre étude car ces deux installations pouvaient amener les
visiteurs à se questionner sur l’espace de production et sur la muséalisation de l’atelier de
Brancusi. Si Emmanuel Saulnier dit s’inspirer des œuvres de l’artiste, de leur verticalité et de
la lumière dans laquelle elles baignent, l’utilisation du verre dans Place blanche n’est pas sans
évoquer la prédominance de cette matière dans la reconstitution de l’atelier de Brancusi,
notamment en ce qui concerne les vitrines qui la délimitent et la reproduction de la verrière.
Plus efficace encore dans le fait de rendre visible les conditions de la muséalisation de cet
atelier, mais moins en ce qui concerne le rôle de producteur du Centre Pompidou puisque
Sarkis produit ces œuvres mobiles dans son propre atelier et les recontextualise généralement
dans de nouveaux espaces, l’artiste-commissaire décida d’intervenir dans l’Atelier Brancusi
dans le cadre de l’exposition Passages pour dénoncer en quelque sorte l’arrêt total et
permanent des œuvres qui y sont exposées. Le contraste entre l’animation de ses installations
(Annexes, 4.3, Fig.39, p.45), notamment de ses 12 trésors de guerre et de la projection en
direct de l’activité de son atelier, et le statisme de la reconstitution de l’atelier de Constantin
Brancusi encourageait en effet les visiteurs à prendre conscience des choix muséographiques
du Centre Pompidou et de leurs inconvénients. Avec la volonté de lutter contre l’arrêt total
des œuvres dans l’espace muséal, les installations de Sarkis et les relations qu’elles
entretiennent avec les ateliers muséalisés du Centre Pompidou font malgré tout du musée le
lieu de possibles dialogues entre les œuvres des collections permanentes et la création actuelle
et c’est dans cet échange que s’inscrit l’expérience des visiteurs.
Après avoir défini ce que nous entendions par l’acquisition de connaissances sur les
ateliers d’artistes en se référant notamment aux propos de Colette Dufresne Tassé, nous avons
démontré que le Centre Pompidou encourage une plus grande familiarité et proximité de ses
publics avec la création artistique moderne et contemporaine en accordant une place
importante aux ateliers dans sa programmation d’expositions et ses dispositifs de médiation
culturelle en leur donnant ainsi la possibilité d’acquérir des savoirs réutilisables sur les lieux
de la création artistique. Par l’étude de quelques interventions in situ d’artistes contemporains,
nous avons été en mesure de démontrer que ces derniers utilisent fréquemment la relation
53
entre l’espace de production, les œuvres et le musée, ce qui a pour effet de rendre visible le
fonctionnement, les spécificités et la signification de l’espace muséal, mais aussi d’amener les
visiteurs à réfléchir à la nature de ces rapports dans l’espace public du musée. Nous avons
donc vu qu’avec ces interventions, le Centre Pompidou apparaissait comme un lieu de
production et de dialogues entre les œuvres des collections permanentes du Mnam et la
création actuelle dans lequel les visiteurs sont amenés à reconsidérer la relation entre
l’institution muséale, les œuvres exposées et leur environnement de production. Puisque nous
avons évoqué la possibilité que l’exposition et la médiation des ateliers d’artistes aux Centre
Pompidou favorise une meilleure compréhension des œuvres, nous tenterons de démontrer
que la référence aux espaces de production peut être un excellent moyen de diminuer les
appréhensions des visiteurs concernant la création moderne et contemporaine.
3.3 L’atelier d’artiste comme moyen de contextualisation et de problématisation de l’art moderne et contemporain
Après avoir abordé la représentation des ateliers d’artistes comme un moyen de constituer
des connaissances sur les lieux de la création artistique permettant aux visiteurs d’avoir les
éléments nécessaires pour établir divers rapports entre l’œuvre et son contexte de production,
l’artiste et sa démarche artistique et le rôle de l’institution muséale, nous nous apprêtons
maintenant à démontrer comment la référence aux ateliers peut permettre de problématiser et
contextualiser l’art moderne et contemporain afin de mieux les appréhender. En s’exprimant
sur le rôle de la Bibliothèque Kandinsky dans l’apport d’archives et documents dans les
expositions du Centre Pompidou, Bruno Racine écrit :
« (qu’) il ne s’agit plus seulement d’installer ponctuellement un appoint explicatif aux œuvres,
mais de concourir à la transmission et à l’intelligibilité des démarches et des intentions artistiques de leurs auteurs »
53.
Lorsque les œuvres modernes ou contemporaines exposées risquent de poser des problèmes
de réception et de compréhension de la démarche des artistes, nous pensons tout comme
l’exprime Bruno Racine que la documentation a cette possibilité d’éclairer non seulement les
œuvres, mais aussi les intentions artistiques. Sachant que beaucoup de gens, même des
amateurs d’art fréquentant les musées, ont de nombreuses appréhensions concernant l’art
moderne, surtout lorsqu’il s’agit d’art abstrait, et l’art contemporain en général pour des
53 RACINE, Bruno, « Avant-propos », dans Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky, Catalogue de l’exposition, sous la dir. de SCHULMANN Didier et RIMMAUDO Annalisa,
Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2006, p.9
54
raisons très diverses, mais souvent reliées à une forme d’incompréhension des démarches
artistiques associées à un artiste ou à un mouvement artistique, nous pensons que la référence
aux ateliers permet de mieux cerner l’art moderne et contemporain en offrant une meilleure
contextualisation de la création et des intentions artistiques. De même, l’évocation des ateliers
d’artistes peut représenter un excellent moyen de problématisation de l’art exposé au Centre
Pompidou parce qu’il s’agit d’un sujet à la portée de tous, d’autant plus que les visiteurs
semblent faire part d’un grand intérêt pour la découverte des lieux de production des œuvres,
mais aussi parce que les ateliers sont susceptibles d’incarner eux-mêmes des problématiques
de la création artistique moderne et contemporaine. En nous appuyant sur des exemples
sélectionnés en fonction de leur possible problème de réception, nous tenterons de démontrer
que l’évocation des ateliers d’artistes peut en permettre une meilleure compréhension par la
contextualisation et la problématisation de la création artistique participant par le fait même à
l’atténuation des appréhensions pour l’art moderne et contemporain.
La médiation culturelle a un rôle fondamental à jouer dans la réception des œuvres
exposées et bien qu’il serait nécessaire de prendre en compte toutes les offres de médiation
dans l’espace muséal, nous pensons entre autre aux audioguides, aux panneaux de salles et
aux cartels allongés, nous croyons toutefois que la référence aux ateliers en contexte
d’exposition est un excellent moyen pour contextualiser et problématiser la création et les
intentions artistiques. D’autant plus que l’exposition d’archives, de photographies ou de
vidéos représentant l’espace de production des œuvres permet d’aborder d’autres aspects de la
création d’une œuvre, de stimuler l’imagination des visiteurs, d’établir des relations entre ces
documents et les œuvres exposées, mais aussi de représenter visuellement ce qui aurait pu être
longuement explicité dans des textes. Ce qui n’induit absolument pas que ces expôts doivent
se substituer aux textes muséographiques, mais seulement qu’ils peuvent être un excellent
complément de la médiation écrite et participer également à la réception des œuvres exposées.
Concernant la médiation de l’art contemporain, Marie-Luz Ceva écrit :
« La première manière de répondre à la dimension pragmatique de l’art contemporain consiste à mettre à disposition des informations sur les œuvres et les artistes. Il s’agit alors de combler les
écarts existant entre l’artiste et le spectateur. […] Tous les documents d’accompagnement sont alors autant de moyens de rendre l’arrière-plan de l’artiste commun avec celui du spectateur, afin
que celui-ci puisse entrer en relation avec l’œuvre comme l’artiste le souhaite »54
54 CEVA Marie-Luz, « L’art contemporain demande-t-il de nouvelles formes de médiations ? », sous la dir. de CAILLET Élisabeth et JACOBI Daniel, dans Culture et musées, « Les médiations de l’art contemporain », n°3, Éditions Actes Sud,
Paris, 2004, p.83
55
Réduire cet écart entre les visiteurs et l’artiste peut se faire par l’exposition ou la diffusion de
photographies de l’atelier de l’artiste contemporain car il s’agit d’une invitation à découvrir
l’espace de production d’une œuvre et d’en suivre le processus de création ce qui consiste
donc à un partage avec les visiteurs de « l’arrière-plan de l’artiste ». Cette stratégie visant à
faire tomber les appréhensions et les incompréhensions des visiteurs est d’ailleurs employée
par Xavier Veilhan qui est toujours soucieux d’assurer une médiation de ses œuvres par des
photographies de son atelier et parfois même des différentes étapes de production de ses
œuvres. Rappelons que dans le cadre de l’exposition Vanishing Point présentée à l’Espace
315 du Centre Pompidou, une photographie de son atelier fut reproduite en guise de
couverture du catalogue d’exposition et du carton d’invitation et que le dossier pédagogique
L’atelier de l’artiste contemporain (Annexes, 3.1, Fig.30 p.35-36) souligne également cette
volonté de l’artiste d’assurer une meilleure compréhension de ses œuvres et revoie au site
internet de l’artiste. Si nous sommes d’accord avec Marie-Luz Ceva sur l’importance des
informations et documents mis à la disposition des visiteurs par l’institution et les artistes eux-
mêmes pour « répondre à la dimension pragmatique de l’art contemporain », nous restons par
contre perplexes par rapport à sa conception de la médiation de l’art contemporain :
« Elle évite ainsi un rejet de celui-ci qui résulterait d’une incompréhension, mais elle assure également la construction de significations correctes en évitant que chacun élabore ses propres
interprétations individuelles et relatives. »55
.
S’il est vrai que la médiation des œuvres contemporaines peut en assurer une meilleure
réception et éviter certaines formes de rejets de la part des visiteurs qui seraient issues d’une
incompréhension de leurs significations et de la démarche des artistes, nous sommes toutefois
en désaccord avec l’idée que la médiation devrait faire en sorte que les visiteurs n’élaborent
pas leurs propres interprétations d’une œuvre car c’est déjà les mettre en position d’ignorance
et d’infériorité par rapport à une institution qui détiendrait tous les savoirs. Nous pensons en
effet que la médiation en contexte muséal doit plutôt stimuler l’imagination des visiteurs et les
amener à utiliser leurs propres capacités d’observation et de réflexion leur permettant de créer
du sens à partir des informations qui leurs sont proposées. Il ne s’agit donc pas d’imposer une
interprétation « correcte » d’une œuvre, mais d’accompagner les publics dans leur découverte
de la création contemporaine et leur donner les moyens d’élaborer des significations à partir
de l’œuvre exposée et son contexte de production, des contenus proposés et de leurs propres
55 CEVA Marie-Luz, « L’art contemporain demande-t-il de nouvelles formes de médiations ? », sous la dir. de CAILLET Élisabeth et JACOBI Daniel, dans Culture et musées, « Les médiations de l’art contemporain », n°3, Éditions Actes Sud,
Paris, 2004, p. 89
56
représentations. Nous croyons que ce n’est qu’à la rencontre de ces trois aspects au cours de
l’expérience de visite que les appréhensions pour l’art contemporain sont susceptibles de
laisser place à un dialogue entre l’artiste et son œuvre, l’institution muséale ainsi que les
visiteurs et de favoriser par le fait même une meilleure compréhension des œuvres et des
démarches artistiques. De ce fait, la représentation des ateliers au Centre Pompidou a un rôle
considérable à jouer dans la réception des œuvres et l’intelligibilité des intentions des artistes,
mais aussi dans la contextualisation et la problématisation de la création contemporaine.
L’exemple que nous avons souhaité étudier pour la contextualisation et la problématisation
de l’art moderne par des références au lieu de la création des œuvres est celui de l’exposition
Mondrian/De Stijl car le mouvement pluridisciplinaire De Stijl et le néoplasticisme de Piet
Mondrian, théoriquement et esthétiquement radicaux, peuvent représenter un obstacle de taille
pour les visiteurs non-connaisseurs. L’esthétique du néoplasticisme de Mondrian étant à la
fois totalement abstraite et régie par des principes complexes, nous pensons que la
reconstitution de l’atelier de l’artiste (Annexes, 4.5, Fig.50, p.56) permet d’incarner plusieurs
problématiques essentielles de la « nouvelle plastique » telle que définie par Mondrian et ses
pairs. Car en effet, l’intérieur cet atelier reprend la même esthétique que les œuvres exposées
à proximité de la reconstitution ; les couleurs primaires, le blanc, le noir et les nuances de gris
que l’on retrouve dans le mobilier, les murs et les cartons colorés qui y sont disposés sont les
mêmes que l’artiste utilisa pour ses toiles à l’approche de la parution de son manifeste Le
Néo-Plasticisme en 1921 dans lequel nous retrouvons les principes théoriques de sa
« nouvelle plastique ». Autant dans ses œuvres que dans son atelier, Mondrian utilisait des
aplats de couleurs, la forme rectangulaire et la ligne pour expérimenter des rapports
d’équilibre purement plastiques. L’atelier de l’artiste apparaît comme un lieu
d’expérimentation et le documentaire Un soir au musée : dans l’atelier de Mondrian
(Annexes, 6.2, Fig.61, p.67) insistait d’ailleurs sur la manière dont Mondrian y expérimentait
avec ses cartons colorés, toujours à la recherche de nouveaux rapports plastiques faisant de
son atelier l’incarnation de son concept d’ « art total » (Annexes, 4.5, Fig.54, p.60) car l’art et
la vie s’y rencontraient pour former un tout régi par les principes du néoplasticisme :
« Les Arts Décoratifs disparaissent dans le Néo-Plasticisme, tout comme les Arts Appliqués : le meuble, la poterie, etc., naissent par l’action simultanée de l’Architecture, de la Sculpture, et de la
Peinture nouvelles et se règlent automatiquement d’après les lois de la Plastique Nouvelle. »56
.
56 MONDRIAN Piet, « Le Néo-Plasticisme », dans le catalogue de l’exposition Mondrian/De Stijl, Centre National d’art et de culture Georges Pompidou, Mondrian, sous la dir. de LEAL Brigitte, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris,
2010, p.97
57
Le « Néo-Plasticisme » englobant les arts décoratifs, les arts appliqués, l’architecture et la
peinture, l’atelier apparaît comme un véritable manifeste de ce mouvement artistique et
anticipe au sein du parcours de l’exposition sur la troisième section (Annexes, 4.5, Fig. 52,
p.58) dédiée à De Stijl et les applications de cette nouvelle plastique aux domaines
mentionnés par l’artiste. Mais aussi, une photographie d’André Kertész exposée à la sortie de
la reconstitution (Annexes, 4.5, Fig.53, p.59) représentait Mondrian dans son atelier
accompagné de plusieurs personnes, dont Michel Seuphor qui en plus de participer au
néoplasticisme en tant qu’artiste, sera également un critique d’art important pour Mondrian à
qui il confiera en 1926 la réalisation de la maquette de sa pièce de théâtre L’Éphémère est
éternel. Cette photographie témoigne de cette collaboration entre Michel Seuphor et Piet
Mondrian et renvoie à des documents et archives sur la conception de cette maquette
présentés dans la salle précédant la reconstitution. Plus qu’une simple esthétique, la nouvelle
plastique de Mondrian, qui s’incarne notamment dans son atelier, peut donc être perçue par
les visiteurs comme un principe universel, multidisciplinaire et expérimental qui va au-delà de
la simple abstraction pour redéfinir le rapport de l’homme à son environnement.
Bien qu’il nous aurait été possible d’évoquer d’autres expositions ou dispositifs de notre
corpus, nous pensons notamment à l’exposition de la Bibliothèque Kandinsky qui permettait
de resituer une grande diversité de pratiques artistiques parmi les trois typologies d’ateliers
qu’elle proposait, les exemples que nous avons étudiés nous ont permis de comprendre
l’importance du rôle de la représentation des ateliers d’artistes en contexte muséal pour la
compréhension des œuvres et l’intelligibilité des démarches artistiques. Il fut très intéressant
de voir jusqu’à quel point les ateliers, et le rôle que leur accordent les artistes, permettent
d’incarner les changements de paradigme de la création artistique moderne et contemporaine.
Tel que nous l’avons démontré, la contextualisation de la création et la problématisation des
démarches artistique par des références aux ateliers constituent de ce fait un excellent moyen
pour assurer une meilleure compréhension des œuvres et diminuer les appréhensions des
visiteurs pour l’art, même sous ses formes les plus inaccessibles pour les non-connaisseurs.
Que le choix de la médiation des œuvres par des représentations de l’atelier soit effectué par
l’artiste lui-même ou par les conservateurs du Mnam chargés du commissariat des
expositions, nous croyons que les objectifs atteints restent sensiblement les mêmes et qu’il
favorise la rencontre des publics du Centre Pompidou avec l’art moderne et contemporain.
58
Conclusion
Après avoir étudié l’émergence du concept de patrimoine culturel immatériel avec la
Convention de l’UNESCO en 2003 pour la sauvegarde de ce patrimoine, nous avons été en
mesure d’analyser les nouvelles définitions du musée ; d’abord celle de l’ICOFOM en 2005
avec la Déclaration de Calgary, puis celle proposée en 2007 par l’ICOM et qui inclut depuis
le «patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement ». Souhaitant
démontrer que le rôle muséal des ateliers d’artistes au Centre Pompidou fut redéfini au cours
de ces dernières années, nous avons donc étudié ces définitions afin d’avoir pleinement
connaissance des récents changements apportés dans le domaine de la muséologie ainsi que
pour fonder notre hypothèse de la redéfinition du rôle des ateliers au regard de cette notion de
patrimoine culturel immatériel. En s’appuyant sur des exemples concrets d’expositions et de
dispositifs de médiation, nous avons donc été en mesure de prendre conscience de la valeur
patrimoniale immatérielle des ateliers d’artistes et d’affirmer que l’intérêt qui leur est porté
pourrait être un excellent moyen pour les musées d’art de s’approprier ce concept de
patrimoine culturel immatériel et de participer ainsi aux missions des musées redéfinies par
l’ICOM. En étudiant plus particulièrement les activités et l’exposition de la Bibliothèque
Kandinsky, nous avons pu démontrer qu’il existe depuis ces dernières années une affirmation
de la recherche sur les lieux de la création artistique moderne et contemporaine qui tend
également à faire des ateliers d’artistes un véritable objet de la muséologie et de l’histoire de
l’art. Ce faisant, il nous était donc possible de concevoir l’utilité de cette recherche pour la
conception d’expositions permanentes et temporaires, mais aussi pour l’élaboration de
dispositifs de médiation des ateliers participant à faire des lieux de production un véritable
patrimoine vivant sans oublier les interventions d’artistes contemporains qui jouent également
un rôle considérable dans cette opération.
Poursuivant notre réflexion, nous avons cherché à démontrer que ces lieux représentent
également un important agent de liaison entre les collections permanentes et les expositions
temporaires puisqu’ils sont indissociables et communs à toute production artistique et ce,
malgré les redéfinitions récentes des lieux de la création. Pour ce faire, nous avons analysé la
programmation du Centre Pompidou au cours de ces dernières années en s’attardant
essentiellement aux années 2007 et 2010 qui, comme nous avons été en mesure de le
constater, furent particulièrement représentatives de l’intégration des ateliers d’artistes dans la
59
programmation scientifique et culturelle du Musée. Issus également de l’affirmation de la
recherche sur les lieux de la création moderne et contemporaine, nous avons pu étudier divers
exemples témoignant de l’intention d’offrir une documentation considérable sur les ateliers en
contexte muséal avec une même volonté d’exhaustivité pour les collections permanentes et les
expositions temporaires, notamment en ce qui concerne les usages de la photographie et de la
vidéo au sein de la muséographie. En s’appuyant sur les expositions Lucian Freud : l’atelier
et L’atelier d’Alberto Giacometti, sur leur succès auprès des visiteurs en termes de
fréquentation et le sondage quantitatif mis en ligne sur la page internet de l’exposition
thématique dédiée à Lucian Freud, nous avons été en mesure de démontrer que le thème de
l’atelier, aussi repris dans certaines vidéos promotionnelles, intéresse les visiteurs et
encourage leur retour au Centre Pompidou. En s’appuyant sur l’interprétation des résultats des
enquêtes de publics menées dans le cadre des recherches de Colette Dufresne Tassé sur le
fonctionnement psychologique des visiteurs, il nous fut possible d’envisager l’exposition et la
médiation des ateliers comme d’excellents moyens de voir apparaître des bénéfices
psychologiques permettant aux visiteurs de porter un nouveau regard sur les œuvres exposées
en ayant conscience de leur lieu de production. Souhaitant démontrer l’influence des
dispositifs de médiation sur la visite et la construction du discours sur les œuvres, nous avons
donc abordé le dossier pédagogique L’atelier de l’artiste contemporain en insistant sur sa
fonction première et ses possibles usages pouvant mener à l’appropriation de ses contenus et à
l’élaboration d’un parcours thématique au cœur des accrochages des collections permanentes.
Dans l’intention de poursuivre notre réflexion concernant les visiteurs, nous avons tenté de
montrer que l’exposition et la médiation des ateliers au Centre Pompidou constituent une
importante stratégie visant tout particulièrement les publics. D’abord, nous avons été en
mesure d’étudier différents dispositifs, notamment les reconstitutions comme dispositifs
d’immersion sensible des visiteurs, l’exposition d’œuvres étant elles-mêmes représentatives
de leur environnement de production, la présence de photographies d’atelier dans la
muséographie, des exemples de catalogues d’exposition dont la conception permet différentes
approches de mise en relation entre les photographies d’atelier et les reproductions d’œuvres
puis les vidéos sous forme d’entretien avec l’artiste commentant ses intentions artistiques ou
tout simplement sous forme de bande-annonce dont la succession des plans et des images
permet de mettre en relation œuvres et atelier. Nous avons par la suite démontré que les
représentations et les dispositifs de médiation étudiés pouvaient mener à l’acquisition de
connaissances sur les lieux de la création artistique et offrir une meilleure compréhension des
60
œuvres exposées en contexte muséal. Nous avons également constaté que certaines
interventions d’artistes contemporains issues du déplacement de l’espace de production dans
celui du musée pouvaient susciter des réflexions chez les visiteurs concernant les choix
muséographiques du Centre Pompidou ou encore les amener à concevoir autrement le lien qui
unit les œuvres, l’espace de production et l’institution muséale. Par la suite, nous sommes
parvenus à montrer par quels moyens l’évocation, la représentation ou les dispositifs de
médiation des ateliers d’artistes pouvaient permettre de mieux contextualiser et problématiser
les œuvres, leur processus de création et les intentions de l’artiste afin d’assurer une plus
grande proximité et familiarité des visiteurs avec l’art, ce qui participe à l’atténuation des
appréhensions des visiteurs dues à leur incompréhension des démarches artistiques.
Les résultats de notre recherche apportent une meilleure connaissance des enjeux
muséologiques de la préservation, de l’exposition et de la médiation des ateliers d’artistes
ainsi que de ses témoins matériels. Parvenus à réunir et étudier un imposant corpus des
différents pratiques liées à la mise en exposition et à la médiation des lieux de la création
artistique adoptées par le Centre Pompidou au cours de ces dernières années, la rédaction de
ce mémoire a toutefois fait naître d’autres réflexions qui mériteraient tout autant d’être
approfondies dans le cadre d’un prochain travail de recherche. Pour ce qui est de la question
des publics et des bénéfices reliés à l’intégration des ateliers en contexte muséographique ou
éditorial, nous sommes convaincus qu’une enquête s’impose et qu’il est donc nécessaire
d’anticiper sur les offres culturelles du Centre Pompidou et de toutes autres institutions
proposant une médiation des œuvres par divers moyens d’évocation des ateliers afin d’être en
mesure de disposer d’outils adaptés à cet objet d’étude. Nous croyons cependant que les
résultats de notre recherche pourraient constituer un excellent point de départ duquel nous
pourrions établir différents critères servant à développer un questionnaire ou une méthode
d’enquête permettant d’étudier la réception et l’appropriation des informations concernant les
ateliers au cours des expériences muséales des visiteurs. Il serait également intéressant de
prendre en compte certains dispositifs que nous n’avons pas étudiés, mais qui occupent une
place importante au cours de la visite. Nous pensons notamment aux audioguides et à tous les
textes muséographiques dont il faudrait étudier les contenus, mais aussi aux nouveaux
dispositifs de médiation, tels que les téléphones intelligents, qui sont appelés à prendre une
place importante dans l’expérience muséale et pour lesquels les institutions développent de
plus en plus d’applications. Créée en 2006, l’Institut de recherche et d’innovation du Centre
61
Pompidou57
a d’ailleurs pour mission de développer de nouveaux outils numériques interactifs
destinés à être utilisés par les visiteurs en contexte muséal et d’organiser des séminaires sur
les nouvelles technologies.
Tout au long de nos recherches, nous avons également été frappés par la forte proportion
de la représentation des ateliers français et nous croyons qu’il serait très intéressant de
prolonger cette réflexion dans une étude qui tenterait de comprendre les relations entre la
conservation de ces lieux de création et la définition de l’identité culturelle. La seizième
conférence triennale de l’ICOM-CC58
, qui aura lieu à Lisbonne en septembre 2011, portera
d’ailleurs sur la question du patrimoine et de l’identité culturelle et sera l’occasion d’aborder
la relation qui existe entre ces deux concepts et l’importance de l’interdisciplinarité dans la
préservation du patrimoine. Puisque nous parlons d’identité, nous pensons qu’il y a également
une recherche à faire sur la pratique photographique des artistes dans le contexte de leur
atelier et sur la question de l’image qu’ils veulent donner d’eux-mêmes car nous avons pu
observer au cours de notre étude de que nombreux artistes se mettaient véritablement en
scène. Il serait donc intéressant d’analyser la constitution de l’identité d’un artiste à partir des
autoportraits ou portraits photographiques réalisés dans son atelier et de vérifier s’ils ont pu
influer sur sa réputation, l’élaboration d’une mythologie le concernant et l’image que nous en
conservons. Ceci étant, les résultats de notre travail de recherche montrent clairement
l’indissociabilité des ateliers et du patrimoine culturel et l’intérêt qu’on leur porte aujourd’hui
s’étend bien au-delà du Centre Pompidou. D’autres institutions s’y sont également intéressées
et tout nous porte à croire qu’il s’agit d’un phénomène en pleine expansion dans le domaine
muséal et éditorial. Dans ce contexte, notre travail de recherche s’inscrit dans l’actualité
culturelle et apporte des réponses quant au potentiel de la représentation des ateliers en
contexte muséal en termes de conservation du patrimoine, d’offres culturelles, de médiation
pour les publics et de démocratisation de la culture. En se gardant bien de tomber dans la
facilité et d’en faire une simple spectacularisation de la culture, les musées ont donc tout
intérêt à reconnaître la valeur des ateliers et l’étendue de leurs possibilités en leur accordant la
place qui selon nous leur revient au cœur de l’expérience muséale.
57 http://www.iri.centrepompidou.fr/ [Dernière consultation le 08 mai 2011] « En explorant le champ des technologies culturelles et cognitives, l’IRI a pour ambition d’élaborer de nouvelles formes d’adresse au public dans le domaine de la culture et de développer les applications culturelles et scientifiques, en particulier dans le domaine muséal, des technologies numériques destinées aux amateurs, aux chercheurs et aux artistes dans le contexte de l’ingénierie des connaissances, des réseaux sociaux et des interfaces multimodales. » 58 http://www.icom-cc.org/244/triennial-conferences/16th-triennial-conference,-lisbon,-portugal/
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
62
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CAILLET Élisabeth et PERRET Catherine (dir.), L’art contemporain et son exposition (2),
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Centre National d’art et de culture Georges Pompidou, L’atelier d’Alberto Giacometti :
collection de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, Album de l’exposition, sous la dir.
de WIESINGER Véronique, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2007, 60 p. (ill.
coul.)
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sous la dir. de LEAL Brigitte, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2010, 360 p. (ill.
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l’exposition, sous la dir. de LEAL Brigitte, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris,
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CEVA Marie-Luz, « L’art contemporain demande-t-il de nouvelles formes de médiations ? »,
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DESVALLÉES André et MAIRESSE François, « Sur la muséologie », sous la dir. de
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GRAEZER BIDEAU Florence, Entretien avec VITALI David, « Et après la ratification de la
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de SCHULMANN Didier, mémoire d’étude, École du Louvre, Paris, 2009, 58 p. (ill. coul.)
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Québec, 2000, 461 p.
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universitaires de Rennes, 2004, 282 p.
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volume 30, n°3, 2006, p.29-44
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l’origine et la diffusion de l’œuvre », dans Sociologies et sociétés, vol. 34, n°2, Montréal,
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http://www.erudit.org/revue/socsoc/2002/v34/n2/008135ar.html
Site de l’Encyclopédie Nouveaux Médias
http://www.newmedia-art.org/
Site de la Collection permanente du Musée national d’art moderne – Videomuseum
http://collection.centrepompidou.fr/Navigart/index.php?db=minter&qs=1
Site de Xavier Veilhan
http://www.veilhan.net/home.php
Site l’ICOM (Conseil international des musées)
http://icom.museum/L/2.html
66
Site internet dédié à André Breton
http://www.andrebreton.fr/fr/item/?GCOI=56600100228260#
Site de la Fondation Alberto et Annette Giacometti
http://www.fondation-giacometti.fr/
Dossiers Pédagogiques - Collections du Musée national d’art moderne :
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
L’atelier de Constantin Brancusi :
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-brancusi/ENS-brancusi.htm
L’atelier de l’artiste contemporain – Accrochage des collections contemporaines :
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-atelier-artiste-contemporain/ENS-
atelier-artiste-contemporain.html
Le mouvement des images – Accrochage thématique des collections permanentes du
Mnam- Cci :
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-mouvement_images/ENS-
mouvement-images.htm
Dossiers pédagogiques – Expositions temporaires :
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
Lucian Freud : l’atelier :
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-freud/ENS-freud.html
L’atelier d’Alberto Giacometti :
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-giacometti/ENS-giacometti.html
Dossiers de presse :
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
L’atelier d’Alberto Giacometti :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/ID1612A360C5D1ED85
C1257329003515AB/$File/dpGiacometti.pdf
Mondrian/ De Stijl :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/ID81D654C7E88CA979
C12577AD004D79F8/$File/20101027-DP-mondriandestijl.pdf
Passages, Sarkis :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/IDEA8EE86DE7F8795A
C12576A40035F70A/$File/20100415-dp-sarkis.pdf
Vanishing Point, Xavier Veilhan :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/ID0597528B38663F82C1
256F090033D2FD/$File/dpveilhan.pdf
Lucian Freud : l’atelier :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/ID276828BF26699243C1
25769B003BE4E0/$File/20100302-Freud-DP.pdf
67
Communiqués de presse :
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
Place blanche, Place noire, Emmanuel Saulnier :
http://www.centrepompidou.fr/pompidou/communication.nsf/Docs/ID6509066BA4B5C087C
1256F1D0045BBD1/$File/emmanuel%20saulnier.pdf
Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque
Kandinsky :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/ID138AC1E6738DE049C
12572AE00545C34/$File/Communiqu%C3%A9%20de%20presse-Ateliers-
1er%20avril%20au%2028%20mai%202007.pdf
Dation du mur de l’atelier d’André Breton :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/IDCACA3D604373A715
C1256D1700490A61/$File/cpdationbreton.pdf
Fréquentation exceptionnelle de l’exposition Lucian Freud : l’atelier :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/IDD4F01D1641CCB39A
C1257753005BB441/$File/cp.frequent.freud.pdf
Vidéos promotionnelles, entretiens avec les artistes et documentaires :
[Dernière consultation le 08 mai 2011]
Vidéo sur l’exposition Passages avec Sarkis:
http://www.centrepompidou.fr/Presse/video/20100415-sarkis2/
Vidéo sur l’exposition Vanishing Point avec Xavier Veilhan :
http://www.centrepompidou.fr/streaming/veilhan/alternative.htm?video=video.rpm
Vidéo promotionnelle de l’exposition Lucian Freud : l’atelier :
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/57C293CB2BD5E0CFC12576E3003
A4771?OpenDocument
Photographies et documents de la Bibliothèque Kandinsky :
André Breton :
Atelier André Breton, rue Fontaine Paris 1994 [PHOTOGRAPHIES], Photographies de
Jacques Faujour, Documentation du MNAM-CCI, Paris, 1994, 135 tirages noir et blanc et 9
tirages couleur, (tirages argentiques numérisés)
André Breton [VIDEO], Réalisation de Fabrice Maze, Édition Seven Doc, [s.d.], Grenoble,
1994, 1 DVD (67 min.), 1 livret non paginé (88 p.), 1 coffret.
Atelier Brancusi :
L’Atelier Brancusi [PHOTOGRAPHIES], Photographies numérisées de Bertrand Prévost,
Disponibles sur l’intranet de la Bibliothèque Kandinsky, Éditions du Centre Georges
Pompidou, Paris, 1997
68
Centre Pompidou Atelier Brancusi [PHOTOGRAPHIES NUMERIQUES], Exposition au
Centre Pompidou, Photographies de Georges Meguerditchian, Éditions du Centre Georges
Pompidou, Paris, 2004, 1 disque optique numérique (CDROM), 34 vues de l’Atelier Brancusi
(coul.)
« Ateliers : l’artiste et ses lieux de création dans les collections de la bibliothèque
Kandinsky » :
Ateliers : l'artiste et ses lieux de création dans les collections de la Bibliothèque Kandinsky
[PHOTOGRAPHISE NUMERIQUES], Accrochage de l’exposition, Photographies par Adam
Rzepka, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2007, 2 disques optiques numérique
(DVD) (coul.)
Emmanuel Saulnier :
Emmanuel Saulnier à l'atelier Brancusi, place blanche, place noire [PHOTOGRAPHIES
NUMERIQUES], Accrochage de l'exposition, Photographies de Georges Meguerditchian,
Éditions du Centre Georges Pompidou, 1 disque optique numérique, 12 vues de l'exposition
avec vues extérieures de l'Atelier Brancusi
Lucian Freud :
Lucian Freud, l'Atelier [PHOTOGRAPHIES NUMERIQUES], Exposition au Centre
Pompidou, Du 10 mars 2010 au 19 juillet 2010, galerie 2, Photographies par Georges
Meguerditchian et Hervé Véronèse, Éditions du Georges Centre Pompidou, Paris, 2010, 2
disques optiques numériques (CDROM), 31 vues des accrochages et 52 vues du vernissage
(coul.)
Piet Mondrian :
Mondrian/De Stijl [PHOTOGRAPHIES NUMÉRIQUES], Exposition au Centre Pompidou,
Du 01 décembre 2010 au 21 mars 2011, Galerie 1, Photographies de Philippe Migeat,
Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2010, (information indisponible)
Sarkis :
Sarkis - Passages [PHOTOGRAPHIES NUMERIQUES], Exposition au Centre Pompidou, Du
10 février au 21 juin 2010, Photographies de Hervé Véronèse, Éditions du Centre Georges
Pompidou, Paris, 2010, 2 disques optiques numériques (CDROM), 308 vues des accrochages
et 64 vues du vernissage (coul.)
Xavier Veilhan :
Atelier de Xavier Veilhan [PHOTOGRAPHIES NUMERIQUES], Photographies de Jean-
Christophe Mazur, visite de l’atelier de l’artiste à Paris, lundi 17 octobre 2005, Éditions du
Centre Georges Pompidou, Paris, 2005, 1 disque optique numérique (CD-ROM) (coul.)
Thomas Hirschhorn :
Atelier de Thomas Hirschhorn [PHOTOGRAPHIES NUMERIQUES], Photographies de Jean-
Christophe Mazur, visite de l’atelier à Aubervilliers, lundi 17 janvier 2005, Éditions du Centre
Georges Pompidou, Paris, 2005, 1 disque optique numérique (CD-ROM) : coul. ; 12 cm
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