Florence Raguenez « Il respirait la bienveillancerespirait la bienveillance. Il avait l’art de...

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en danger, pour accep-ter d’être bousculé.Monsieur Billard avaitaussi une patience etune sérénité à touteépreuve. Je ne l’aijamais vu en colère.Pas question pourautant de se dissiper ni de se reposer sur seslauriers… Je réussis-sais bien mais il m’en-courageait toujours àaller plus loin. Un jouril m’a dit : « Là, tu faisl’âne pour avoir lacarotte ! », sans doutepour m’inciter àapprofondir. Plus tard, au collège,je suis devenue amieavec la fille de Mon-sieur Billard que j’aidonc été amenée à

découvrir dans sa vie privée. En le retrouvant fidèle àl’image que je me faisais de lui comme professeur, j’airéalisé combien on enseigne avec ce que l’on est pro-fondément. Ainsi, Monsieur Billard a sans doute contri-bué à ce que la journaliste que j’ai été se reconvertisse àquarante ans en professeur des écoles. Il a confortél’image très positive du métier que me renvoyait aussima mère, enseignante de lettres en collège. Rencontresavec Michel Tournier, promenades littéraires en bordde Loire, pièces de Molière jouées à Chambord : elleramenait à la maison toute la joie que ces multiples pro-jets lui procuraient. J’apprécie de pouvoir m’appuyeraujourd’hui sur son expérience et ses conseils.Finalement, enseigner est unmétier qui conduit à sanscesse travailler sur soi et àapprendre… C’est sans doutecela aussi qui m’a amenée àlancer mon blog. Observerles collègues dans leur classe,me retrouver dans une pos-ture d’élève m’enrichit énor-mément en me permettantde continuer à apprendre demes pairs.

Propos recueillis par Virginie Leray

1. professeursdesecoles.wordpress.com

Journaliste reconvertie en professeurdes écoles, Florence Raguenez, dont leblog1 rend hommage à ses collègues,évoque Monsieur Billard qui, en CM1,lui a donné le goût d’apprendre… puis, plus tard, d’enseigner.

J’entends encore sa voix… Trèscalme, posée, chaude, exigeantemais souriante… J’ai eu la chance

d’avoir Monsieur Billard comme ensei-gnant, à l’école Claude-Bernard d’Orléans (45), en CM1 puis en CM2.J’étais une bonne élève, heureuse àl’école. Mais c’est vraiment avec Mon-sieur Billard que j’ai pris conscience duplaisir immense d’apprendre, d’en-trer dans le travailcomme on plongedans l’eau… et, sou-dain, de comprendre.C’est cette magie queje cherche aujourd’huià recréer avec mesélèves, à l’affût de cesétincelles qui, dansleurs yeux, me signa-lent qu’ils ont compris.De grande taille, Mon-sieur Billard dégageaitune autorité naturelle, sansêtre intimidant puisqu’ilrespirait la bienveillance. Ilavait l’art de mettre saclasse dans une ambiancepropice à la concentration.Aujourd’hui encore, avecmes élèves, je guette ces moments où la nature du bruitchange, où l’on entend le groupe se mettre au travail,réfléchir.Avec Monsieur Billard, je garde notamment le souve-nir d’une séance d’histoire où nous devions reproduireun tableau représentant l’assaut d’un château fort.J’étais tellement absorbée que j’ai eu l’impression devivre la scène. Obligée de faire un effort pour revenir àla réalité, j’ai réalisé que j’étais dans un état deconscience particulier. À travers de telles expériences, Monsieur Billard m’adonné le goût d’apprendre. Face au savoir, on se sentcomme au bord d’un précipice, prêt à s’élancer versl’inconnu. C’est pour moi une impression délicieuse,mais qui n’est pas dénuée d’appréhensions, de craintes.Il faut se sentir en confiance pour oser ainsi se mettre

Florence Raguenez

« Il respirait la bienveillance »

Un jour, un prof

Un enseignant a croisé leur route, et leur vie en a été transformée. Ils nous racontent cette rencontre décisive.

MINI-BIOs1967 : naissance dans l’Allier.s1970 : primaire à l’école Claude-Bernard à Orléans.s1977 : cours moyen avecMonsieur Billard.s1995 : s’établit en Bretagne etdevient journaliste, d’abord pour unhebdomadaire agricole.s2007 : prépare et obtient leconcours de professeur des écoles.s2011 : enseignante à l’école Saint-Augustin à Noyal-sur-Vilaine (35).s2012 : crée son blog : « Lequotidien (heureux ?) desprofesseurs des écoles ».

Monsieur Billard avaitaussi une patience etune sérénité à touteépreuve. Je ne l’ai

jamais vu en colère.

Phot

os :

D. R.

N° 372 AVRIL - MAI 2016 ECA 53

... du goût d’apprendre au plaisir d’enseigner.

Florence Raguenez à 10 ans...

372 p52-54 DEF.qxp_- 19/04/2016 13:43 Page53

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