Haendel, un Saxon à Rome - chateauversailles-spectacles.fr · Haendel, un Saxon à Rome Haendel...

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18 RUE BARBES92128 MONTROUGE CEDEX - 01 74 31 60 60

02 JUIN 14Quotidien

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Eléments de recherche : VERSAILLES FESTIVAL : du 23/05 au 08/07/14 au Château de Versailles (78), toutes citations

REPORTAGE Le château de Versailles consacre son festival aux années italiennes de Georg Friedrich Haendel.À Rome et dans ses environs, les souvenirs du compositeur et de ses riches mécènes sont encore vivaces

Haendel, un Saxon à Rome

Haendel [ci-dessus, copie d'un portrait réalisé parBalthasar Denner) séjourna au Castellet Ruspoli(à droite), dans le village de Vignanello Ca 60 km

de Rome). Le marquis Ruspoli fut sans doutele plus dévoué à l'éclosion du génie de l'Allemand,

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ROMEDe notre envoyée spéciale

À la clarté des torchères qui sculptentde leur lumière le beau jardin Renais-sance, la façade austère du Castello Rus-poh se decoupe sur le ciel indigo La nuittombe sur Vignanello, aune soixantainede kilometres au nord de Rome C'est laqu'un jeune compositeur et organistesaxon, Georg Friedrich Haendel (ou plu-tôt Handel, tel que s'écrivait alors sonpatronyme germanique ), fut I hôte dumarquis Francesco Mana Ruspoh (16721731) Ce puissant mecene aimait ac-cueillir, dans ses villégiatures commedans ses demeures citadines, les artistesdont le genie concourrait au raffinementde sa maison

Lors de son sejour italien entre 1706 et1710, Haendel fut « adopte » par plusieurspuissants personnages romains, maîs lemarquis Ruspoh demeure sans doute leplus dévoue à I eclosion de son geniecréatif Aujourd'hui, les henUers de cettelignée mélomane perpétuent le souvenirdes fêtes du XVIIIe siècle Dans le salond'honneur, sous le plafond a caissons etle regard des ancêtres dont les portraitssolennels ornent les murs, la sopranoStefame True, accompagnée au clavecinpar Pablo Bonizzoni ravivent les accentshaendehens L'acoustique intime et lanoblesse sans ostentation des lieux offrentun ecrin de choix a trois des quelque150 cantates écrites a Rome par un artisted'à peine plus de 20 ans ' Lune d'elles meten musique un poème du cardinal Be-

nedetto Pamphili (ou Pamphilj), un autredes riches protecteurs du compositeurLes vers débordent d'admiration « Haendel, ma muse ne peut chanter des paroles—_. dignes de ta lyre »

Compare a Orphée lecompositeur a le pri-vilège de mettre enmusique son propreéloge

« Au début des an-nees 1700, la ville despapes comptait de f ormidables artistes telsAlessandro et Dome-nico Scarlatti Arcangelo Corelh Haendeln arrive donc pas en

territoire vierge, explique Pablo BonizzoniPourtant, on s étonna de son jeu plein defeu et de brio maîs aussi de la simplicité si

Les versdu cardinalBenedettoPamphili débordentd'admiration :« Haendel, ma musene peut chanterdes paroles dignesde ta lyre... »

émouvante de ses arias, comme la célèbreLascia la spina, dans II Tnonfo del Tempoe del Disinganno (« Le Triomphe du tempset de la désillusion »), sur un livret du cardînai Pamphili » On raconte même que,lors d'une joute pacifique organisée parle cardinal Pietro Ottoboni (encore unprélat mecene '), il fut confronte, au davecin puis a I orgue, a son exact contemporatn (ne en 1685 comme lui) DomemcoScarlatti Les deux artistes furent jugesex aequo au clavecin maîs Haendel l'emporta nettement à I orgue, supériorité quelui reconnut son adversaire du jour Cettebataille n entama en rien leur amitie

La supériorité de Haendel devant lesclaviers et les pédaliers de I orgue s'exerçanotamment a la tribune de la basiliqueSaint Jean-dé Latran, fondée au I\A sieclepar Constantin et profondement rema-niée, notamment par Borromini, au

REPERESÀ VERSAILLES, L'ITALIE DE HAENDEL• Ironie du sort, c'est dans le château royaltout empreint de ce classicisme françaislongtemps opposé aux débordements dubaroque italien que les années romaines deHaendel sont fastueusement célébrées ceprintemps De l'Opéra royal à la galerie des Glaceset de la Chapelle royale au Petit Trianon, unepléiade de concerts profanes et sacrés, vocaux etinstrumentaux composent une programmationprometteuse, avec Jordi Savall et John Eliot

Gardiner, Ottavio Dantone, Pablo Bonizzoni ouRobert King .. du côté des chefs d'orchestre,Philippe Jaroussky, Roberta Invernizzi, KarmaCauvin ou Valer Sabadus parmi les voix• La mise en lumière du rôle primordial desmécènes romains qui ont soutenu le jeuneHaendel figure, en filigrane, une ligne de forcedu festival. On peut y déceler, pourquoi pas,un plaidoyer en faveur d'un investissementplus actif de la part des puissantsd'aujourd'hui dans la création artistique.Du 23 mai au 8 juillet. RENS 01.30.83.78.89et www.chateauversailles-spectacles.fr

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XVIIe siècle. L'instrument imposant - sansdoute le plus grand orgue de l'Italie ba-roque - était tout indiqué pour mettre envaleur la maîtrise et la vélocité du jeunevirtuose. « Un Allemand vient d'arriverdans la ville, qui est un excellent joueurde clavecin et un compositeur. Aujourd'hui,il a fait montre de son talent en jouant del'orgue à Saint-Jean-de-Latran à l'admi-ration de chacun », rapporte un bourgeoisanonyme dans son journal, en date du14 janvier 1707. Plus de trois cents ansaprès, Fabio Bonizzoni fait à son tour re-tentir les jeux et souffler les tuyaux tandisque, dans la gigantesque nef, les magni-fiques statues des douze apôtres captiventles visiteurs de la basilique. Plusieursd'entre eux lèvent les yeux, cherchant d'oùviennent ces tendres caresses et ses ru-gissements somptueux. « Je crois que l'onpeut affirmer que, à Rome, Haendel a in-venté le concerto pour orgue. Ces compo-sitions apportaient un réel parfum denouveauté qui a enthousiasmé le public »,poursuit Fabio Bonizzoni.

Le voyage en Italie, avant et après Haen-del, participe de l'apprentissage et del'initiation des artistes européens,peintres et écrivains, architectes et mu-siciens... Les circonstances de son séjourà lui restent assez imprécises car peudocumentées. Son parcours commençaà Florence, mais l'accueil peu chaleureuxde Cosme III de Médicis l'encouragea àpoursuivre sa route plus au sud. Rome serason centre de gravité avec quèlques échap-pées vers Naples où il s'adonne à l'opéra,genre profane prohibé dans la ville

pontificale... Le «Cam Sassone»(cher Saxon) laisse ses dernières tracesitaliennes à Venise : son Agrippina ytriomphe et lui vaut d'être sollicité par leprince-électeur de Hanovre dont il devientle maître de chapelle à son retour en Al-lemagne.

Si les détails de la vie romaine de Haen-del restent dans l'ombre, la prodigieuseinfluence de l'Italie sur son oeuvre ne fait,elle, aucun doute. Au Castello Ruspoli, ilse lie avec la soprano Margherita Duras-tanti, prima donna qui crée le rôle-titred'Agrippina et que le compositeur retrou-vera plus tard à Londres (I). Le cataloguede ses productions romaines est consi-dérable. Outre les cantates, de nombreusespièces religieuses de tout premier plan,dont le Dixit Dominus, un chef-d'œuvred'expressivité entre la rigueur du contre-point germanique et les fusées de la vo-calité latine. C'est pour les Ruspoli encore

qu'il écrit La Resurrezione (La Résurrec-tion). Dirigé par Corelli, chanté notam-ment par la Durastanti, cet oratorio ausuccès éclatant annonce la future supré-matie de Haendel sur un genre qui ferasa gloire et dont il fera la gloire (avec enparticulier Le Messie), réunissant le dramedu théâtre à la ferveur de la spiritualité.

La prodigieuse influencede l'Italie sur l'œuvrede Haendel ne faitaucun doute.

Comme il est d'usage alors, le musicienpuisera sans cesse et sans scrupule dansce vaste répertoire constitué en Italie pourenrichir maintes partitions ultérieures.L'aria Lascia la spina évoquée plus hautsera, par exemple, « recyclée » - avec denouvelles paroles - dans Rinaldo, créé àLondres en 1711. De nos jours, sa mélodied'une ineffable mélancolie est devenuela « carte de visite » de toute interprètedu répertoire baroque.

À Rome, les souvenirs « haendéliens »se retrouvent aussi à la Galerie Doria-Pamphilj, où la physionomie magnétiquedu pape Innocent X, peint par Vélasquez,atteste l'autorité de la famille. C'est sonpetit-neveu Benedetto qui fit adopter leGermanique Georg Friedrich dans laprestigieuse Académie d'Arcadie qu'ilpatronnait... Tout près de là, au palais dela Chancellerie, demeure du cardinalPietro Ottoboni au temps de Haendel, levisiteur vient avant tout contempler lafresque peinte en cent jours par GiorgioVasari, l'un des joyaux de la peinture ro-maine. Mais le touriste mélomane seraému d'apprendre que cet édifice, propriétédu Vatican, fut le théâtre du « concours »pacifique entre Scarlatti et son rivalsaxon...

Ce que l'on ne saura jamais, en re-vanche, ce sont les impressions, les sen-sations éprouvées par ce jeune hommevenu du nord de l'Allemagne, découvrantla lumière inimitable de Rome. Ni sonémerveillement ou son étonnement de-vant les ruines antiques; pas plus qu'onne connaîtra l'opinion de ce grand amou-reux des plaisirs de la vie sur les vins etles mets italiens !... Comment Haendel sesouvint-il plus tard, sous les ciels brumeuxde Londres, des éclats dorés de son séjourméridional ?

EMMANUELLE CUJLIANI

[I) Après un premier séjour, Haendel s'installeradéfinitivement à Londres en 1712. JUJJH. jn j^t js

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