HOMMAGE A MONSIEUR MANNOURY

Preview:

Citation preview

P H I L O S O P H I C A L A D D R E S S A D R E S S E P H I L O S O P H I Q U E W U R D I G U N G E I N E S F O R S C H E R S

HOMMAGE A MONSIEUR MANNOURY

Le 17 mai 1947, M. Gerrit Mannoury aura quatre-vingts ans. Le comitk de redaction de Dialectica ,ne saurlait Iaisser echapper cette occasi,on ,de nianiflester tout 1'intkrPt qu'i'l porte aux recher.ches philosophiques .de cet esprit origin ail e t compl &tem en t dbpolurvu Ide supers ti tion.

I1 arrive que1,queifoi.s a l'ouvrier de cette immense entreprise collective qu'est la science ,de lever mles yeux Ide 'son t'ravail set de demender a la phiilo- sophie {de lui explilquer le sens et la portbe de lcette rechemhe commune a laquelle ill parti.ci,pe dans la :me.sure de ses moyens. ,Le,s philosophies tra'di- tionnel1e.s sont-elles en mesure de rkpon,dre a ces question,s ? Certe8s t o u h font i i la sciensce une place importante. Mais elles n'abor,dent pas de pro- blbme directement, mcomme un problbme pri'mitif, elles situent la 'connais- sanice scientifique dains un systhme Jde concepts prkalabilement ktahli et dlans un cadre de vue,s bien determinkes sur la nature de la pen!sbe et du monde matkriel. Or, ,on ,dksirerait souvent des conclusions m,oins grandi.0se.s et moins genPrale,s, mais p1u.s prk'cises et surtout mieux adaptkes eux prk- o,ccupatio8ns journalikres de la pratique sscientifique. On voudrait par exemp1.e co:nnaitpe des ,crit&res qui permettent d.e ,determiner si telle spbcu- iation mPrite d'0tre consildkrke comme s'cientifique, ,ou bien une description des condition,s psychologiques nbces,saires a la recherche scientifique, ou 'en'core (l'importanice ,des habitudes sciientifi,que,s dans (la vie ,de tous Jes j'ours. Ckst a 'de!s questions 1d.e ce genre que M. Mannoury &sire rkpondre.

aulcune notion d'une philo- sQphie 'dkterminbe. Elle 8prkte:nd analyser la production scientifique, comme tout autre Iphknombne vitatl par tous les moyens empiritques que nous avons a .notre idisposi,tion. Comme la ,science prksente ldeux aspects e.ssentiellss : la science qui est faite et expo.ske dans lles iivres a I'aide id'un sym,bolisme approprik et qui constitue un phtnomdne linguistique et la science qui se fait qui co'nstitue un phdnomdne psychologique \d,eterminC, le prob,l&me qu'il importe lde r88sou)dre d'abord c'est dIexpliciter les relations qu8i lient ce.s idleux phknorn&nes ; c'est pourquoi M. Mann,oury dksigne sa mkthode s o w le n.om Ide psycho-linguistique.

Les philosophels ,peuvent bien traiter cet'te m6thode avec quelmque dkdain, car il y a 'entre les mkthodes classiques ide la phiaosophie et la psycho- dinguistique autant 1d.e IdiffCrenNce ,qu'il p a t y avoir entre la dkfinition de B'Amour (dams une Iphi,losophie i.dkatiste et celle que poorrait qdmner une habile entremettense. Outre nahurelllement le fait que I'efficacitk pratique est du c6Ntk ide l'entremetteu,se, cdll'e-ci a sur les philosophes un avantage

La mbth'oide qu'il em,p,loie ne fait appel

190 A. PREISSMANN

de principe ; .elk peut, en ebfet, si el4le jouit d’une culture suffihante, faire des textes philiosophiques sur l’amour une Ctude psyicho-linguistique e t tirer ides conclusions intbressantes sur le comportement psychologique des auteurs. Nous ne croyons pas, par contre, que le philosophe s’abaisse jamais a considkrer ‘l’entremetteuse autrement que comme un accident sans importance sur lequel iil vaut mieux se taire. Les philosophes peuvent donc pretendre avec qudque raison que la psycho-linguistique ne constitue pas une philosophie.

Nous avons, par contre, aussi d’excellentes raisons de penser qu’a l’ori- gine m&me de la psycho-linguistique, il y a une prkoccupation et une attitude authentiquement philosophiques. En cherchant caractbriser cette attitude, nous nous rendons compte combien elle est proche de la position philosophique des ldirecteurs de cette revue. Pour faire apparaitre cette parent&, il nous suffira de citer quelques-unes des propositions qu’implique l’emploi de la psycho-linguistique :

10 I1 n’y a pas ide thCorie ide la connaissance antCrieure B la connais- sance ; 1’Ctude des moyens pratiques de la connaissance et la connaissance elle-m&me sont nos seules sources d’information.

20 Aucune manifestation ide l’activite scientifique ne doit rester en dehors ides preoccupations id’une theorie de la connaissance. Si quelque nouvele thCorie scientifique devait provisoirement sortir des cadres d’un schema gnosbologique, c’est que ile schema doit &tre Clargi.

30 Nous pouvons et nous devons souinettre nos idees sur ,la connaissance scientifique a une critique constante par les moyens m&mes qui nous permettent de juger ide la connaissance.

M. Mannoury va naturellement beaucoup plus loin ; il ne fait pas que definir Ide faCon plus ou moins prCcise l’attitude philosophique 18 adopter en face des problkmes ide la connaissance, mais applique vraiment sa methode aux diffkrentes sciences. L’Ctude qu’il a spkcialement consaicrCe aux mathkmatiques 1 constitue non seulement une analyse vivante et pleine d’esprit des notions ifonidamentales de cette science, niais aussi un acte d e courage et de probite intelleictuels par ce refus constant de c6der aux attraits des mythes qui entourent les sciences niathkmatiques.

Nous esperons que M. Mannoury aura l’occasion d’blargir encore le champ de ses investlgations, mais, dans tous les cas, des recherches de ce genre correspondent trop bien B des prhoccupations siinplement humaines et aux mCtho8des effectives de la science pour &tre jamais abandonnbes.

A. PREISSMANN.

1 La traduction fransaise de l’original paru sous le titre Die signifischen Grundlagen der Mathernatik dans la revue Erkenntnis (Rand IV, 1934) sort de presse en mCme temps que cette revue. On y trouvera une bihliographie ,detaill6e et des precisions sur la position de M. Mannoury par rapport k d’autres mouvements de philosophie scientifique (en particullier, l’intuitionnisme et l’empirisme logiqne).

Recommended