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Diabète:«Ici,onn’amputepaslespieds»

Danger.Lespersonnesdiabétiquessontsouventsujettesauxplaiesdu pied.Un fléau bien trop négligéen France.

Un magasin de chaussures aucentre d’un service hospita-lier, surprenant ! Celui de dia-

bétologie-endocrinologie del’hôpital Hôtel-Dieu du Creusot,qui a plus d’un quart desiècle, faitfigure d’anomalie. Alors que laville, secouéepar une grave criseindustrielle, a perdu prèsd’un tiersde seshabitants pendant cette pé-riode, son activité n’a cessé decroître :une dizaine de milliers depatients paran y viennent en hos-pitalisation, en consultation, en

soinsexternesou en séancesd’édu-cation thérapeutique. Son rayon-nement dépasse le cadre de laSaône-et-Loire, alors que l’Hô-tel-Dieu lui-même décline et aétéplacé en liquidation judiciaire il ya deux ans,avant d’être repris parun groupe desantéprivé àbut nonlucratif. Enfin, ceservice est l’undes meilleurs pour lutter contreles troubles neurologiques et lesplaies du pied despersonnes dia-bétiques, alors que cette prise encharge fait figure de point noir en

France.« Ici onn’amputepaslespieds,s’exclame le Dr Sylvaine Clavel,chefdu service.Outrèsrarement.»

Avecplus de 3 millions de per-sonnes diabétiques, la France esttrèstouchée parcesplaies.Desan-nées de diabète déséquilibréentraînent desrisques de compli-cations au niveau desyeux, desreinsetdesnerfsqui vont jusqu’auxextrémitésdesmembres.Ainsi 15à25% desdiabétiques sont atteintsde plaies du pied au coursde leurvie. Et elles ne sont pas toujoursbien soignées,voire pasdu tout, sibien que, chaque année, près de8000de cesmaladessont amputésd’un membre inférieur en France.Cesamputations seraient trois foisplus fréquentes dans notre pays

Alapointe.L’unitédediabétologie-endocri-nologiedel’hôpitalHôtel-DieuduCreusot,dirigéeparleDrSyl-vaineClavel(aupre-mierplan),faitfigured’exceptionsurleterri-toirefrançais.

HÔPITAUX ET CLINIQUES

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PAYS : France PAGE(S) : 106,107,108,109,110…SURFACE : 790 %PERIODICITE : Hebdomadaire

RUBRIQUE : Hôpitaux et cliniquesDIFFUSION : 399291

24 août 2017 - N°2346

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qu’enItalie,deuxfoisetdemiepluscourantesqu’auRoyaume-UniouenSuisse,et deux fois plus fré-quentesqu’enSuède,d’aprèslePa-noramadelasanté2015del’OCDE.StableenFrance,leurfréquenceestendiminution auxPays-Bas,enFin-lande,auxEtats-Unis,enEcosseouauDanemark.«Lepieddiabétiqueestun fléauet unproblèmedesantépubliquemajeur»,nousalertait,il yaquatreans,leDr Jean-LucBesse,chirurgienorthopédiqueauxHos-picescivilsdeLyon.Rienn’achangé.

Diagnostic tardif. Laplupartdesplaiessont favoriséespar uneatteintenerveuse,intrinsèquementliéeàcettemaladiecaractériséeparunexcèsdesucredanslesang.«Orcetteneuropathieestdiagnostiquéetroptardivementcargénéralementlemaladenesentpasqu’ila undéfautdesensibilitédupiedetlesmédecinsnesaventpasbienlarepérer»,souligneleDr Clavel.Ainsi unepetitebles-surebénignedu piedpeut facile-mentdégénérer.Pourlepatient,ilestdifficiledevoir saplantedepied,et beaucoupdemédecinsn’exa-minent paslespiedsdeleurs pa-tientsdiabétiques.«Cesplaiessontsous-estiméespar les maladesetsous-diagnostiquéesparlesmédecins,constateleDrClavel.Orcespatients

doiventêtreadressésàdesstructuresexpertes,lesquellesdoiventêtreorga-niséespourlesprendreenchargedanslesquarante-huitheures.» PeudecentresfonctionnentdelasorteenFrance.«Aucunrecensementn’aja-maisétéentrepris,maisil estcertainqu’iln’yenapasunpardépartement»,affirme laspécialiste.Defait, uneétudepilotemenéeen2015parlaSociétéfrancophone du diabètedans21établissementset auprèsde200patientsaconstatéqueseu-lement10%despatientsayantuneplaiedupiedavaientétéadressésdanslesdeuxjoursàuncentreex-pert, la moitié d’entre euxn’arri-vantqu’aprèsquatresemaines.

A l’Hôtel-DieuduCreusot,unequarantainedepersonnesspécia-liséestravaillentdansleservicedediabétologie-endocrinologie,enré-seauavec600professionnelsdesantédudépartementformésauxproblématiquesdu diabète.«Aumoindreproblème,lespatientspeuventnoustéléphonernuit etjourpourren-contreruneinfirmièreet unendocri-nologue», assureSylvaineClavel,l’un descinq médecinsduservice.Lastructuredisposed’uneastreinte24heuressur 24.Un étageentierestconsacréàlapodologie,pourlapréventiondestroubles orthopé-diques, leur prise en charge,la

confectiondesemellesetd’orthèseset…laprescriptiondechaussuresadaptéesquelesmaladespeuventessayeravantdelescommanderenpharmacie.D’oùcestockimpres-sionnantdesandales,modèlespourfemmes,pourhommes,mocassins,bottines…«Lapriseenchargequ’onproposeestcomplète.Lepremierstadeestdesavoirsi lepatientestà hautrisqueetdeluiexpliquerquoifairepourrégler70%destroublesdupied.Quandlesnerfssontabîméspar lediabète,nousproposonsunepriseenchargepo-dologiqueetpodo-orthopédique.Encasdepointd’appuianormal,onmetdessemelles.Encasdefrottementaveclachaussure,onenchange.Sidessoinschirurgicauxsontnécessaires,noussa-vonslesfairesurplace.»

«Il fautconstruiredescentresdupieddiabétiquespécialisés»,réclameauxpouvoirspublicsle Dr PierreSérusclat,présidentduConseilna-tional professionneld’endocrino-logie, diabétologie et maladiesmétaboliques.Uneffort énormeaétéproduitil yaunevingtained’an-néespourmailler la Franced’uni-tésdesoinsintensifsencardiologiepour lapriseenchargedesinfarc-tusdu myocardeet autrescardio-pathiesaigues.Lamêmestratégieaétéentrepriseil y adix ansaveclesunités neuro-vasculairespourlapriseenchargedesaccidentsvas-culairescérébraux.Avecdesrésul-tatséloquentsen termesdeviessauvées,decomplicationsetd’han-dicapsévités.Pourquoin’ya-t-ilpasdes«centresdu pieddiabétique»organisésde la même manière?«Çadépenddesprioritésduministèredela Santé,estimelePrAgnèsHar-temann,chefdu servicedediabé-tologie à l’hôpital de laPitié-Salpêtrière,à Paris.Il ya des“centresdupieddiabétique”,maisilss’autoproclamentcommetels.Unpe-titgroupedeprofessionnelsdontjefaispartieessaientd’élaborerunannuairereposantsuruncahierdeschargesquidevraitbientôtêtredisponible.LaCaissenationaled’assurance-maladiesepréoccupedecetenjeudesantépu-blique,maisdepuispeudetemps,etasurtoutmisdesmoyenssurlesforfaitsdepréventionpodologique.» Entre-tempsdesamputationsévitablessonttoujourspratiquées§

Acausedeplaiesmaloupasdutout soignées,chaqueannée,prèsde8 000 maladessontamputésd’unmembreinférieur.

Suivi.Aumoindreproblème,lespatientspeuventtéléphonernuitetjourpourren-contreruneinfirmièreet unendocrinologue.Lastructuredisposed'uneastreinte24 heuressur24.

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