La biochimie sanguine, un examen utile en élevage cunicole

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50 I LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE I N° 1808 I 10 MAI 2019

PRATIQUE MIXTE FORMATION

TÉMOINS MOYENNE ÉCART-TYPE MALADES MOYENNE ÉCART-TYPECa (mg/l) 121 4 Ca (mg/) 137 9P (mg/l) 28 6 P (mg/l) 45 8

Ca/P 4.42 0.78 Ca/P 3.12 0.45TP (g/l) 59 4 TP (g/l) 64 4Alb (g/l) 35 1 Alb (g/l) 37 1

Glob (g/l) 24 4 Glob (g/l) 26 3Alb/Glob 1.49 0.22 Alb/Glob 1.43 0.19

Urée (mg/l) 0.41 0.04 Urée (mg/l) 0.46 0.03Créat (mg/l) 9.1 0.5 Créat (mg/l) 11.5 1.52

PAL (UI/l) 59 9 PAL (UI/l) 201 188ALAT (UI/l) 27 12 ALAT (UI/l) 32 14Trig (mg/l) 0.29 0.08 Trig (mg/l) 0.37 0.08Chol (g/l) 0.50 0.02 Chol (g/l) 0.52 0.09

La biochimie sanguine est un exa-men complémentaire très fréquenten médecine individuelle. Bienqu’historiquement peu utilisée enproductions hors sol, et notammentpour les lapins de chair, de nom-

breux intérêts existent que ce soit pour lesmaladies infectieuses ou dans la gestiondes troubles purement métaboliques, entémoigne le cas clinique ci-dessous, d’unesituation de baisse de fertilité. Depuis plu-sieurs mois, l’éleveur constate une baisserégulière du taux de palpation de ses fe-melles, descendu à moins de 70% au coursde la dernière bande. Dans le même temps,il a observé une augmentation modéréemais régulière du poids des lapines. Deplus, l’éleveur décrit deux populations defemelles : soit des lapines (qualifiées desaines) qui n’ont jamais connu d’épisodesd’infertilité, soit des lapines (qualifiées demalades) qui ont connu un ou deux épi-sodes d’infertilité autour de la deuxièmeou troisième gestation. Un bilan sanitaireet technique réalisé par le vétérinaire del’élevage n’a pas révélé de causes infec-tieuses évidentes. Dans ce contexte, uneexploration des causes métaboliques etnutritionnelles susceptibles d’expliquer lesproblèmes de fertilité a été suggérée.

Un révélateur d’une souffranceorganiquePour ce faire, un bilan sanguin biochimiqueest proposé et deux groupes de lapinessont constitués, à savoir un lot de femellesde rang 6 n’ayant jamais subi d’épisoded’infertilité (lot témoins) et un lot de fe-

melles de rang 3 ayant subi au moins unépisode d’infertilité (lot malades). L’analysedes résultats (voir tableau) révèle une dif-férence statistiquement significativeconcernant le calcium, le phosphore, lerapport phospho-calcique et la créatinine.L’ensemble est cohérent avec une souf-france rénale, mais pas une insuffisancerénale à proprement parler, les valeurs encréatinine notamment restant basses. Ladifférence avec le lot témoins montrenéanmoins que la fonction rénale est plussollicitée sur les lapines ayant connu l’épi-sode d’infertilité.Une augmentation significative des phos-phatases alcalines (PAL) est également ob-servée, en faveur d’un défaut de perméa-

A N A L Y S E

La biochimie sanguine, un examen utile en élevage cunicole de chair

bilité des voies biliaires. Tous les sujets ma-lades ont des valeurs deux fois supérieuresou plus aux sujets sains. Enfin, une ten-dance à des valeurs plus élevées en trigly-cérides sur les sujets malades est notée,même si la différence n’est pas statistique-ment significative. Cette tendance est co-hérente avec le constat d’un embonpointplus marqué des femelles. L’ensemble deces éléments est en faveur de désordresmétaboliques contemporains de dysfonc-tionnements du système reproducteur.Dans ce cadre, deux mesures ont été adop-tées : un apport d’un traitement protecteurhépatique et rénal, favorisant aussi l’ab-sorption des graisses dans les jours précé-dents l’insémination artificielle, ainsi qu’unpassage à un aliment moins énergétique.Au bout de trois bandes, le taux de palpa-tion a retrouvé un niveau satisfaisant(85%), validant les mesures mises en place.

Un atout dans un contextede démédicationLes professionnels de la filière cunicole sonthabitués aux troubles infectieux et la dé-marche initiale consiste généralement àrechercher des agents pathogènes. En ab-sence de lésions infectieuses ou de détec-tion de ces germes, ou encore en cas demauvaise réponse aux traitements anti-in-fectieux, la biochimie sanguine permet dedétecter des causes métaboliques et desdysfonctionnements organiques. Certainessituations pathologiques non élucidées parles examens et analyses habituelles peu-vent être ainsi expliquées. De plus, dans lecadre de la démédication engagée dans lafilière cunicole, l’examen biochimique ap-porte des éléments objectifs permettant dejustifier le recours dans certaines situationsà des produits diététiques en complémentou en alternative aux traitements anti-in-fectieux habituels. Cet examen peut êtreégalement envisagé en dehors d’un cadrepathologique pour faire un bilan de santéde l’élevage au même titre que lorsqu’il estfait pour un seul individu. Le prélèvementde 5 à 10 sujets permet d’obtenir une pho-tographie représentative de la situation mé-tabolique de l’élevage. Un bilan de santésatisfaisant permet de garantir le bien-êtrephysiologique du troupeau et de considérerque les conditions d’alimentation et demaintenance n’altèrent pas le fonctionne-ment biologique des animaux. •

Les sites de prélèvements possibles sont l’artère ou laveine auriculaire, la veine cave craniale, et enintracardiaque. Le lapin est placé dans une boîte decontention. Les prises de sang sont faites sur tubehépariné et l’analyse sur plasma après centrifugation.

© SAM

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R É S U L T A T S D U B I L A N B I O C H I M I Q U E

Les résultats indiqués en rouge correspondent à une différence statistiquement significative entre les deux groupes(p-value < 0,05, test de Wilcoxon bivarié).

SAMUEL SAUVAGET

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