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La polysémie

Pr. François MANIEZDirecteur du CRTT , EA 4162(Centre de Recherche en Terminologie et Traduction)Université Lumière Lyon 2requête Google : maniezf

La polysémie est un élément commun à toutes les langues naturelles.

Elle signifie qu’un même signe a plusieurs usages, ce qui répond au principe d’économie de la langue.

L’homonymie n’est pas essentielle au fonctionnement des langues; mais elle est également génératrice d’ambiguïté.

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I. Monosémie, polysémie, homonymie

A. Polysémie et monosémieLe mot polysémique s’oppose au mot

monosémique.Il présente un seul signe pour plusieurs

signifiés.Ex: canard (animal, morceau de sucre, son criard,

fausse nouvelle, journal)

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Extrait de l’entrée canard (TILF)

B. P. anal. […] b) [Avec le comportement gén. du canard]

Loc. et expr. Mouillé (trempé) comme un canard […]. Mon (petit) canard. Petit nom affectif souvent donné à un enfant : […] 2. [En parlant d'inanimés abstr. ou concr.] […] Fam. Morceau de sucre que l'on trempe en général dans de l'alcool ou du café.

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b) Lang. techn.MÉD. [P. anal. avec la forme du bec du canard] Tasse à long bec permettant de donner à boire à un malade en position allongée. […]MUS. [P. anal. avec le son discordant émis par le canard] Note manquée par un musicien. Synon. couac.

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TECHNOL. Pièce d'artifice qui se lance dans l'eau, plonge et en ressort.C. Fausse nouvelle souvent imaginée de toutes pièces et enflée jusqu'au mélodrame dans des journaux de seconde catégorie. […]

Arg. Mauvais journal; p. ext., journal quelconque. […]

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Le mot monosémique a une seule acception (ex. azote)

Le mot polysémique fait généralement partie du vocabulaire commun alors que l’unité monosémique fait généralement partie du vocabulaire de spécialité

(les langues de spécialité recherchent l’univocité, même si elles empruntent parfois leur vocabulaire à la langue commune (foyer, instruire, souris)

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Le mot polysémique a une fréquence élevée. Il arrive que des polysèmes aient des

acceptions opposées : on parle alors d’énantiosémie.

Ex: louer, Es <alquilar>, It <affittare>, mais De

<vermieten/mieten> et En<rent out/rent> On trouve également tomar en alquiler (ES) et

prendere in affitto (IT).

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1] Fr <hôte> → Gast (DE), huésped (ES), ospite (IT), guest (EN)

2] Fr <hôte> → Gastgeber, anfitrión, ospite, host.

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Sanctionner A. 1. Rendre exécutoire une disposition légale

par une sanction; confirmer par une sanction. Sanctionner un décret, une loi, un privilège.

B. 1. [Le suj. désigne une pers.] Punir, réprimer par une sanction, une punition quelque chose ou quelqu'un. Sanctionner un délit, une erreur, une faute; sanctionner des exactions.

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En règle générale la polysémie ne gêne pas le fonctionnement de la langue

En effet, les ambiguïtés lexicales sont résolues grâce au cotexte (entourage d’un mot) ou au contexte (circonstances énonciatives et situation référentielle).

Ex: Elle ne voyage jamais sans son guide. (animé/inanimé)

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B. Homonymie

1. Homonymes, homophones et homographes

Les homonymes ont une forme identique mais diffèrent par leurs signifiés.

Les homophones ont la même prononciation (car, quart, carre)

Les homographes ont la même orthographe (le nom et la conj. car)

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Le terme d’homonyme est généralement utilisé pour faire référence aux homophones qu’ils soient ou non homographes.

Les homographes non homophones (un fils / des fils, front row / diplomatic row) ne sont pas considérés comme des homonymes.

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La paronymie est une homonymie approximative, due à une ressemblance phonique. Elle est à l’origine de nombreuses erreurs d’usage.

Ex: collision / collusion, conjecture / conjoncture, éminent / imminent.

Le rapprochement de paronymes à des fins stylistiques ou réthoriques est la paronomase (Traduttore, traditore).

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2. Conflits homonymiquesLes homonymes résultent de l’évolution

phonétique d’étymons différents (locare et laudare pour « louer »).

Les monosyllabes sont principalement touchés, car la brièveté d’une unité lexicale augmente la chance de coïncidence phonétique.

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Tour, f. vient du Lat. turrisTour, m. (Machine-outil servant à

façonner des pièces cylindriques tournant sur leur axe) vient du Lat. tornus (machine-outil)

Tour, m. (Circonférence d'un corps, d'un lieu plus ou moins circulaire, etc…) est un déverbal issu de « tourner », lui-même issu du lat. tornare.

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En cas de collision homonymique, la langue supprime un des termes et recourt à un nouveau signe.

Aimer du lat. amareEsmer du lat. aestimareL’emprunt de la forme savante estimer a

résolu ce conflit.

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La différenciation des homonymes se pratique

au niveau de l’orthographe (dessein / dessin)

Au niveau du genre (voile)L’homonymie ne pose pas de problème

lorsqu’elle touche des catégories grammaticales distinctes (porte).

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DESSEIN (TILF)

DESSEIN : []. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Homon. dessin.

dessein et dessin étaient des variantes orthographiques d'un même mot (desseing au XVI°)

la spécialisation définitive des 2 mots date du 18e siècle

Déverbal de des(s)(e)igner, anc. forme de dessiner*, qui eut aussi au XVIe s. le sens de « projeter » d'apr. son étymon l'ital. disegnare qui a ce sens dep. le XVe.

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Ce glissement de sens est à rapprocher de l’anglais blueprint (1886) ou road map (1883).

1 : a photographic print in white on a bright blue ground or blue on a white ground used especially for copying maps, mechanical drawings, and architects' plans

2 : something resembling a blueprint; especially : a detailed plan or program of action : a blueprint for victory

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road map (Webster’s)

1 : a map showing roads especially for automobile travel

2 a : a detailed plan to guide progress toward a goal b : a detailed explanation

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C. Homonymie / polysémie : le critère éymologique

Selon l’approche traditionnelle, homonymes et polysèmes se distinguent par l’étymologie.

louer (laudare / locare) baie : ouverture(déverbal de bayer), golfe

(déverbal de béer), fruit (Lat. baca), tromperie (It. Baia, abbaiare)

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En revanche, les diverses acceptions du mot éclair (brève lumière, bref moment, pâtisserie) proviennent toutes du même étymon (déverbal de éclairer du Lat. (pop.) exclar(i)are). Dans ce cas, il n’y a pas homonymie.

Les homonymes donnent lieu à des entrées multiples, les acceptions d’un mot polysémique étant numérotées au sein d’une seule entrée.

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Le critère étymologique n’est toutefois pas toujours décisif.

Une forte évolution sémantique peut conduire à une dissociation, la forme polysémique se scindant en signes homonymes.

grève (Lat. grava) : terrain de sable et de gravier au bord de l’eau.

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Les ouvriers qui attendaient l’embauche se réunissaient sur la place de Grève.

L’acception « arrêt de travail » s’est imposée au fil du temps.

En synchronie, le lien sémantique est rompu entre ces deux mots, d’où deux entrées distinctes.

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Grève 1 (TLF)

Terrain plat et uni, généralement constitué de sable et de graviers, sis au bord d'un cours d'eau ou de la mer. […]

Lieu d'embauche. Une des grèves les plus curieuses de Paris est celle qui se tient rue Vaucanson, au coin de la rue Réaumur. […]

[P. réf. aux chômeurs en quête de travail, qui se rassemblaient sur la place de Grève] Être en grève. À la recherche d'un travail.

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Grève 2

Cessation collective, volontaire et concertée du travail (généralement avec préavis et pour une durée déterminée) par des salariés qui cherchent ainsi à contraindre leur employeur à satisfaire leurs revendications professionnelles.

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Voler 1 (TLF)

1. Se soutenir dans l'air de manière plus ou moins prolongée et s'y mouvoir grâce à des ailes ou à des organes analogues. […]

Terme de fauconnerie. Un faucon dérobe les sonnettes, quand il s'en va sans être congédié. (Littré)

Étymol. et Hist. (TLF) A. 1. Ca 1480 fauconn. « chasseur au vol »; 2.

1690 (FUR.: on appelle un oiseau bon voleur, ou beau voleur, quand il vole bien et sûrement).

B. 1. 1516 « personne qui s'empare du bien d'autrui »

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Voler 2

1. 1539 « déposséder une personne de ce qui lui appartient » […] De voler1*, dans son empl. comme terme de fauconn. (cf. voleur).

On employait précédemment : rober « dérober par force », cf. dérober ou to rob

(EN) roubōn (GERM) rumpere (LAT) embler « dérober par ruse », usuel jusqu'au XVIIe.

(Du lat. class. involare proprement « voler dans » d'où « se précipiter sur, se saisir de ».

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D’emblée : locution formée à partir du participe passé substantivé de embler.

av. 1453 d'emblée (à propos de la prise d'une ville), « par surprise » XVe s. d'emblée = « immédiatement »

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II – Traitements homonymique et unitaire

A. Traitement homonymique Si une forme linguistique manifeste des

différences de sens, le lexicographe détermine si elles relèvent de l’homonymie ou de la polysémie.

Si ces différences sont importantes, il appliquera le traitement homonymique, qui consiste à scinder le mot polysémique en plusieurs homonymes dégroupement des entrées.

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Si les sens ou les emplois sont assez proches pour être considérés comme les acceptions d’un même mot, le lexicographe adopte le traitement unitaire.

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Critères du dégroupement

1 - Le critère syntaxiqueIl est généralement employé pour la

sélection des acceptions des verbes et des adjectifs (cf. défendre)

cher1 (aimé) est obligatoirement accompagné d’une extension alors que cher2 (d’un prix élevé) ne nécessite pas de complément :

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cher1 : ce livre m’est cher cher2 : ce livre est cherEn position épithète (EN attributive),

cher1 précède généralement le nom alors que cher2 est toujours placé après le nom :

Il ne quitte pas ses chères pantoufles.Il achète des pantoufles chères.

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L’emploi d’un sens dans une syntaxe inhabituelle permet de jouer sur la polysémie.

Renvoyer quelqu'un à ses (chères) études : Demander, ordonner ou conseiller à quelqu'un de retourner à son occupation.

Très chères études

L’UNEF alerte sur la paupérisation des étudiants et fustige l’autosatisfaction du gouvernement sur le sujet. (L’Humanité, 9 septembre 2009).

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Cette homonymie est présente dans d’autres langues romanes (IT caro, ES caro=querido) mais pas dans les langues germaniques (DE lieber/teuer, EN dear/expensive)

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2 - Le critère sémantiqueL’adjectif cher est généralement considéré

comme polysémique, ce qui provoque le dégroupement.

Mais un locuteur donné pourrait percevoir une relation entre les deux sens « aimé » et « coûteux » (qui partagent le sème /mesurable/.

Le critère sémantique est donc fragile.

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3 - Le critère morphologiqueDeux mots sont homonymes lorsqu’ils

sont à la base de séries dérivationnelles distinctes.

Ce critère peut confirmer le repérage des homonymes. Ainsi, chéri et chérir sont dérivés de cher1, cherté de cher2.

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Exemple du verbe relever

Pour déterminer les homonymes d’un verbe, on peut avoir recours à la description distributionnelle de son environnement lexical.

Pour un verbe transitif, on opère une sous-catégorisation sémantique des substantifs employés comme objets.

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A. [+H] V [+ H] [- animé] [+ concret]

« mettre debout, en position verticale »Paul relève le siègeVirginie relève l’enfant qui était tombé.

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B. [+H] V [- animé] [+ concret] [+ partie du corps] [- animé] [+ concret] [+ vêtement]

« diriger vers le haut »Paul relève la têteVirginie relève le col de son manteau.

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C. [+H] V [- animé] [+ concret] [+ comptable]

« noter, faire remarquer »Paul relève des erreursL’employé relève le compteur.Les policiers relèvent des traces de balle

sur le mur.

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D. [+H] V [+ abstrait] [+ H] [+ collectif]

« restaurer, rendre la prospérité à »Le ministre a relevé l’économie du pays.Le ministre a relevé le pays.

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E. [+H] V [- animé] [+ concret] [+ quantifiable]

« porter à un degré plus élevé»Le ministre a relevé les impôts.

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F. [+H] V [- animé] [+ concret] [+ aliment] [+ cuisiné]

« donner plus de goût»Le cuisinier relève la sauce avec du

piment.

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G. [+H] V [+ abstrait] + de + [+ abstrait]

« agrémenter»Le conteur relève son récit d’anecdotes.

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H. [+H] V [+ H]

« remplacer»Les soldats se relevaient toutes les

heures pour monter la garde.

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I. [+H] V [+ H] + de + [+ abstrait]

« libérer, dégager»Paul a été relevé de ses fonctions.

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J. [+ abstrait] V de + [+ abstrait] de + [+ H]

« dépendre de, être du ressort de»Cette étude relève de la lexicographie.Cette décision relève du président.

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A partir de ces divers sens, on peut opérer un regroupement en 4 sens principaux :

1. « mettre plus haut, faire passer à un état supérieur » (tous sauf C, H, I et J).

2. (C) « noter »3. (H et I) « remplacer, libérer »4. (J) « dépendre de »

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Distinctions des sens 2, 3 et 4

Le sens 2 donne les dérivés relevé et releveur, qui lui sont spécifiques. C’est la seule distinction avec les emplois A, B et C, qui suivent le schéma [+ humain] V [- animé] [+ concret]

Le sens 3 n’admet qu’un complément humain. Le dérivé relève ne concerne cependant que l’emploi H.

Le sens 4 se distingue sémantiquement et syntaxiquement (seul emploi de la préposition de).

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Sens spécialisé

Imaginons que je relève un chorus de Stan Getz, Lester Young ou d'un musicien moins célèbre. Il n'y a probablement pas de droit sur la 'partition' qui en résultera. […]Mais le label qui a publié l'enregistrement originel […] peut-il revendiquer quelque chose si le relevé est publié ou joué en public ?

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B. Traitement unitaireIl consiste à maintenir dans une

perspective synchronique l’unité du polysème.

Lorsque les diverses acceptions d’un mot polysémique sont liées (notamment par le biais de tropes), le traitement unitaire est généralement retenu.

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Selon Guillaume, le sens est une construction du linguiste et doit se décrire comme un mouvement de pensée continu dans lequel le discours opère des coupes.

Picoche (Structures sémantiques du lexique français) pense qu’un polysème a un signifié unique qui permet de rendre compte de tous ses effets de sens. Il l’appelle signifié de puissance.

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Exemple du mot créneau (p. 12-14)

1. Les créneaux du château fort2. [Se garer en / faire un] créneau3. cette agglomération industrielle

sinistrée à trouvé un bon "créneau" pour se faire une "nouvelle image"

4. Les sénateurs de l'opposition sont montés au créneau contre la proposition de loi sur le travail du dimanche.

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1. « portions de murailles isolées les unes des autres par des vides de même dimension et de même forme rectangulaire, ménagées en haut d’une fortification pour servir de protection à ses défenseurs ».

Deux sèmes : l’un est concret (muraille de pierre), l’autre abstrait (défense).

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A partir de ce sens plénier, deux cinétismes se développent :

alternance de places pleines et de places vides (2), qui se poursuit dans l’abstraction (3) : dans ces deux sens, le créneau ne désigne plus la portion pleine, mais la portion vide.

notion de défense (4)

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Le glissement de sens de (2) et (3) est déjà présent dans certains sens concrets :

B. P. ext. Ouverture pratiquée dans un mur pour tirer à couvert sur l'assaillant (cf. meurtrière). Créneaux d'étage (dans la muraille), de pied (au pied de la muraille).Spéc. Dans les tranchées, trou par lequel on tire. Tout le monde aux créneaux!P. anal., TECHNOL. Ouverture pratiquée de distance en distance dans les fourneaux des potiers.

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Sens B Au fig. (TLF)

1. [Dans l'espace]a) Intervalle entre deux véhicules à l'arrêt ou en marche. […] Spéc. Sur une route étroite, section élargie pour faciliter les dépassements. b) [Abstrait] Segment de marché où la concurrence est réduite, les possibilités non encore exploitées. c) Techn. milit., vx. Intervalle que les pelotons laissent entre eux dans l'ordre de bataille. […]2. [Dans le temps]a) Espace disponible entre deux autres qui sont occupés (dans un emploi du temps). Quels sont vos créneaux d'ici à vendredi?b) Temps de parole. L'Assemblée Nationale va avoir son créneau à la télévision.

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DE : Zinne / Schießscharte – einparken – Zeitintervall - Marktlücke

EN : crenel – parallel park – time slot - niche ES : almena – aparcar – hueco IT : merlo – posteggiare – spazio libero - nicchia di

mercato Le sens (2) semble systématiquement traduit par un

verbe dans ces langues. Le sens (3) est souvent traduit par d’autres

métaphores (niche, nicchia di mercato, Marktlücke ). Lücke : (in Zaun) brèche , (in Wissen, Gesetz) lacune

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Niche

1. 1395 «enfoncement ménagé dans le mur d'une pièce pour y placer une statue»

2. 1666-89 «décrochement ménagé dans le profil d'un mur et pouvant recevoir un meuble»

3. 1697 «petite cabane où couche un chien»; 1760 p. ext. fam. «demeure, refuge» .

P. anal. Anfractuosité, enfoncement; abri naturel dans une paroi rocheuse.

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Etymologie

Soit déverbal de nicher*, soit empr. comme terme d'archit. à l'ital. nicchia bien que celui-ci ne soit att. que dep. le XVe s., forme nicchio, «coquille» d'orig. incertaine, peut-être issu, avec aphérèse, du lat. vulg. *onicula «sorte de mollusque», dér. dimin. de onycha fém. tiré de onyx, -ychis «id.», également «onyx»

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Emplois spécialisés (TLF)

Image radiologique correspondant au moulage opaque de la paroi d'un viscère creux au niveau d'une ulcération et apparaissant en saillie sur la paroi ou comme une tache […] niche ulcéreuse sur la portion horizontale de la petite courbure gastrique (1965)

Niche écologique. Place qu'occupe une espèce vivante à l'intérieur d'un écosystème. […] il n'existe théoriquement qu'une seule population déterminée par niche écologique(1974).

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Niche fiscale

Lacune ou vide législatif permettant d’échapper à l’impôt sans être en infraction.

Journal officiel de la République française du 12 mai 2000

"niche fiscale" inurl:dglf.culture DE : Steuersubvention EN : Tax deduction, tax loophole IT : Deduzione fiscale

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Loophole 15911 a : a small opening through which small

arms may be fired b : a similar opening to admit light and air or to permit observation

2 : a means of escape; especially : an ambiguity or omission in the text through which the intent of a statute, contract, or obligation may be evaded

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Une niche fiscale […] est […] un [sic] ''échappatoire'' au paiement de l'impôt.

Mais une niche fiscale peut aussi être un manque total de législation, un ''vide législatif'', permettant au contribuable d'éviter l'impôt sans être en infraction avec la loi.

http://www.pourquois.com/societe/qu-est-ce-qu-niche-fiscale.html

Remotivation : « dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui aboie » 

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Les structures actancielles

L’analyse des structures actancielles des verbes polysémiques peut favoriser le traitement unitaire.Les actants sont les participants au procès du

verbe (sujet et compléments essentiels), que l’on oppose traditionnellement aux circonstants.

Les verbes polysémiques ont une structure actancielle profonde qui peut différer de la structure syntaxique de surface.

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Le cas du verbe défendre

Les deux structures syntaxiques de défendre donnent lieu à une disjonction en deux homonymes:

Elle défend à Paul de fumer.L’avocat défend son client.A1 humain défend à A2 animé de + inf.A1 humain défend A2 contre A3

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III – Glissements sémantiques : le mécanisme des tropes

Les changements de sens peuvent être traités du point de vue diachronique ou synchronique.

En diachronie, on présente l’évolution sémantique du polysème en suivant l’ordre d’apparition de ses acceptions.

En synchronie, on décrit les relations qui unissent les différentes acceptions du polysème.

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Les tropes sont « des figures par lesquelles on fait prendre à un mot une signification qui n’est pas précisément la signification propre de ce mot ».

Dumarsais (1730) : Des Tropes ou Des diferens sens dans lesquels on peut prendre un mème mot dans une mème langue : ouvrage utile pour l'intelligence des auteurs.

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TROPE, subst. masc.Empr. au lat. tropus « trope (en rhét.);

chant, mélodie », et celui-ci au gr. « tour, tournure; manière, façon »; en parlant du chant « mode, mélodie, ton, chant »; en rhét. « manière de s'exprimer, style », en partic. « figure de mots, trope ».

Sens propre sens figuré ou dérivé.

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Tropes lexicalisés : métaphore, métonymie, synecdoque

Exemple de trope d’invention : « cette faucille d’or » (VH à propos d’un croissant de lune).

Les différents tropes sont nommés en fonction du lien logique qui unit le sens propre au sens figuré.

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A. La métaphore

1. Ressemblance entre les signifiés C’est un trope par ressemblance, qui consiste

à donner à un mot un autre sens en fonction d’une comparaison implicite.

Dans le cas de perle, les sèmes /rareté/ et /excellence/ sont communs aux deux acceptions A et B unies par une relation métaphorique (A : petite bille de nacre, B : personne remarquable).

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Les mots composés et les locutions comptent un grand nombre d’emplois métaphoriques, qui peuvent relever de divers registres de langue :Jeter des perles aux pourceauxDonner de la confiture aux cochons

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Une relation métaphorique peut être à l’origine de plusieurs dérivations pour un même mot, par ex. bouton (BOT. bourgeon peu avancé) donne :bouton sur la peaubouton de chemisebouton de manchettebouton de sonnette

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Une relation métaphorique peut également unir un ensemble de mots distincts à un même signifié :

la tête est désignée en argot par divers noms d’objets ronds auxquels elle est censée ressembler (boule, bobine, bille, cafetière, etc.)

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2. Du concret au concret, du concret à l’abstrait

La relation métaphorique opère le plus souvent d’une acception concrète à une acception abstraite.

Passage du concret au concret (par anal.) :canard (sucre, fausse note)

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A. Baie oblongue, fruit disposé en régime, […] à peau jaune lorsqu'il est mûr, à pulpe comestible, farineuse et sucré.

B. 1. Mèche de cheveux enroulée sur le front. 2. Petit sac porté à la ceinture. 3. Argot : a) Décoration militaire b) Divers objets (Grand hélicoptère à deux rotors, kayak fatigué, dont la carcasse se courbe, meuble déjeté).

(Fam., Wiktionary) avoir la ~ : Être heureux.

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A. 1. Fruit […] de forme ronde, à noyau très dur, à chair juteuse et très savoureuse.

B. P. anal.[…] 2. Arg., pop. et fam.a) Tête, visage. Synon. pop.gueule, poire. Loc. verb. Se fendre la ~. Bien s'amuser, rire aux éclats. Synon. pop. se fendre* la gueule, la pipe, la poire.

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b) Coup de poing, gifle. Synon. beigne, châtaigne, gnon, marron. J'avais déjà dégusté une ~ en pleine poire et un coup de pompe dans le buffet (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p.40).c) Avoir, tenir la ~, loc. verb. Être plein de dynamisme, être en pleine forme. Synon. avoir la frite*.

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Passage du concret à l’abstrait (fig.) : Insecte hyménoptère de petite taille vivant en

colonies nombreuses. B. Au fig. 1. Personne très petite de taille. 2.

Personne laborieuse, ou patiente, ou économe 3. Loc. Avoir, se sentir des ~ dans les jambes (ou

dans quelque autre partie du corps). Éprouver des picotements analogues à ceux que provoqueraient des ~ qui courraient à fleur de peau.

P. ext. Avoir envie de marcher, être impatient de bouger.

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3. Processus sémiquePour certains sémanticiens, la relation

métaphorique consiste dans l’identité d’au moins un des sèmes, par exemple pour le mot impasse :

A : /rue/ /sans issue/B : /situation/ /sans issue/Martin, R. (Pour une logique du sens, p. 70)

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D’autres sémanticiens (M. Le Guern, Sémantique de la métaphore et de la métonymie, p.

15) pensent que la métaphore consiste en la mise entre parenthèses d’une partie des sèmes constitutifs (ex. éclair) :

A : « lumière brève, intense, sinueuse, survenant pendant un orage, provoquée par une décharge électrique.

B : « moment bref et intense »

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Picoche (Structures sémantiques du lexique

français) appelle ce phénomène subduction : c’est un mouvement de pensée qui relie une acception riche en sèmes (saisie plénière) à une acception pauvre.

Il s’agit donc d’un processus d’abstraction et d’appauvrissement sémique.

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Il décrit deux types de subduction :

1) Remontée d’un sens plénier concret à un sens subduit concret :

A : vaisseau qui distribue le sang (saisie plénière)

B : voie de communication (saisie subduite)

2) Remontée d’un sens plénier concret à un sens subduit abstrait :

Cf. créneau. Autre exemple : A) Ustensile de table […] à deux, trois ou

quatre dents, dont on se sert pour piquer les aliments.

B) Écart entre deux valeurs extrêmes dans une évaluation chiffrée.

Les deux types de subduction peuvent s’appliquer au même lexème :

Exemple en français

Dispositif transportable composé de deux montants généralement parallèles, ou légèrement écartés vers le bas, réunis par traverses régulièrement espacées, et servant d'escalier.

Ligne graduée, tableau servant à mesurer des grandeurs physiques, comportant généralement une figuration matérielle du rapport indiqué.

Système d'évaluation, de référence, pour la mesure d'une grandeur abstraite, d'un phénomène.

Exemple en anglais

1 : a human upper limb; especially : the part between the shoulder and the wrist

[…]6 : a support (as on a chair) for the elbow

and forearm[…]9 : a functional division of a group,

organization, institution, or activity

Merriam Webster’s Collegiate Dictionary

1 a : a head covering especially with a visor and no brim […]

5 : a paper or metal container holding an explosive charge (as for a toy pistol)

6. an upper limit (as on expenditures)7 : the symbol indicating the intersection

of two sets compare CUP 9

1 a : the overhead inside lining of a room[…]5 : an upper usually prescribed limit

1 : the level base of a room […]6 : a lower limit : BASE

B. La métonymie

1. Contiguïté des objets dénotés. C’est un trope par correspondance qui

consiste à nommer un objet par le nom d’un autre objet en raison d’une contiguïté entre ces objets (sens étymologique : nom pour un autre nom).

Il y a ellipse : J’ai bu [le contenu d’]un verre. Les diverses catégories de métonymie se

définissent par le type d’ellipse impliquée.

De la cause pour l’effet ou de l’origine pour le produit : vivre [du produit de] son travail, un [tableau de] Renoir.

De l’instrument pour son utilisateur : trois jeunes tambours, une fine lame.

De la matière pour l’objet : les cuivres [ustensiles de cuisine / instruments de musique].

Du contenant pour le contenu : [les étudiants de] l’amphi. Il a bu [le contenu d’]une bouteille à lui tout seul.

Du lieu pour la chose : du [fromage de] Camembert, [la bourse de] Wall Street, [le régime de] Vichy

Du signe ou de l’emblème pour la chose signifiée : la couronne, le sabre et le goupillon.

D’un organe ou attribut physique pour une personne : son bras droit est un cerveau. / The brains of the [operation / outfit].

D’un attribut vestimentaire pour la personne : les casques bleus, les cols blancs.

Il s’agit là des glissements de sens les plus courants, mais cette liste n’est pas limitative.

2. Du concret au concret, de l’abstrait au concret.

La métonymie instaure une relation d’un référence concrète à une autre référence concrète (le cuivre les cuivres)

Chose rarement observée dans le cas de la métaphore, elle relie également un emploi abstrait à un emploi concret :

Action d'ajouter un ou plusieurs éléments numériques ou nombrables à un ou plusieurs autres de manière à en obtenir le total.

Note détaillant la somme due par un client pour ses consommations dans un restaurant, un café, etc.

Fait d'interrompre un mouvement. Le ou les points qui terminent une couture.

Méthode de cuisson consistant à plonger un aliment dans un bain de matière grasse bouillante.

Bain de matière grasse dans lequel on fait frire divers aliments.

Action ou manière de pêcher. Produit de la pêche.

Action de quitter un lieu; moment où l'on quitte ce lieu.

Somme dépensée.

Sortie dans le TLFi

NB : Le TLFi ne donne pas de sens métonymique :

A. [À propos d'une pers. qui fait l'action de sortir]1. a) Action de passer du dedans au dehors; action de quitter un lieu; moment où l'on quitte ce lieu. Attendre qqn à la sortie; faire une sortie remarquée ; sortie de la gare, de l'hôpital, de l'hôtel, de la messe; porte de sortie.

3. Processus sémique.Le transfert métonymique consiste à

passer d’un sémème A à un autre sémème B sans modification notable de sémème initial (cf. friture).

Petit mammifère carnassier, trapu, bas sur pattes, plantigrade à fourrure rayée, au poil raide, ayant pour habitat un terrier.

Pinceau en poils de ~ utilisé par les peintres pour obtenir des effets de fondu.

Le sémème A réapparaît sous forme de sème spécifique (~) dans le sémème B.

Pinceau utilisé par les peintres en porcelaine pour appliquer le vernis.

2. Pinceau en poils de ~ employé pour épousseter les objets délicats (pièces dorées, plaques photographiques)3. Cour. Brosse de poils fins utilisée pour savonner la barbe.

Ces sens sont métaphoriques.

La métonymie diffère de la métaphore en ce sens qu’il y a enrichissement sémique dans la chaîne des transformations :

Substance solide, transparente et cassante, obtenue par la fusion d'un sable siliceux avec du carbonate de sodium ou de potassium.

Récipient pour boire, en ~ ou, p. anal., fabriqué avec une autre matière.

Contenu d'un ~ . Une boisson, généralement alcoolisée, prise,

en dehors des repas, dans un café, etc.

L’enchaînement des métonymies est généralement décrit selon l’ordre diachronique :

Étoffe grossière de laine brune.(XII°)Table, souvent couverte d'un tissu de

bure, ou d'une autre matière protectrice, sur laquelle on fait les comptes (1361).

Métonymies successives :

Table de travail (XIV°)Pièce où elle se trouve (1495)Établissement ouvert au public (1557)Employés travaillant dans celui-ci (1718)Membres d’une assemblée élus par

leurs collègues pour diriger leurs travaux (1787).

Comme dans le cas des métaphores, les locuteurs d’une langue perdent conscience des métonymies une fois qu’elles sont lexicalisées : c’est le phénomène de la démotivation.

Cette démotivation peut conduire à une disjonction en homonymes (A : meuble et pièce, B : établissement et personnel).

Les catachrèses sont des tropes qui comblent un vide lexical :

Lucarne, fenêtre ronde ou ovale pratiquée dans la partie supérieure d'un édifice ou dans un mur.

P. méton. Antichambre du grand appartement du roi à Versailles où se réunissaient les courtisans.

1 : a very hard globular candy 2 : a circular piece of glass with a lump in the

middle formed at the end of a glassblower's pipe

3 a : the center of a target; also : something central or crucial b : a shot that hits the center of a target; broadly : something that precisely attains a desired end

4 : a simple lens of short focal distance; also : a lantern with such a lens

Les catachrèses sont des métaphores (boutons de manchettes, dents de scie, gorges d’une rivière) ou des métonymies (la Cour, le Parquet) qui ne sont plus ressenties comme telles.

Ce sont des figures totalement lexicalisées.

109

C. La synecdoque

C’est un trope par connexion fondé sur la relation d’inclusion entre les référents dénotés.

On distingue en général deux catégories (partie pour le tout, espèce pour le genre)

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I. Synecdoques de la partie et du tout C’est le genre le plus répandu. A : « partie supérieure du corps de l’homme » B : « individu » (c’est tant par ~) A :« partie supérieure d’un édifice » B : « maison » (être sans ~) La relation référentielle d’inclusion semble

dominer au dépens de l’ellipse, ce qui distingue la synecdoque de la métonymie.

111

I. Synecdoques de l’espèce et du genre La restriction de l’extension dans le sens B

entraîne un accroissement de l’intension (un addition de sèmes)

A : Vx. « ensemble des aliments dont se nourrit l’homme »

B : « chair des mammifères et des oiseaux dont l’homme se nourrit »

A : « tranche de bœuf grillée » B : « nourriture » (gagner son ~)

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Importance de la réalité socioculturelle (pain bifteck)

En diachronie, les synecdoques provoquent des échanges entre le lexique général et le lexique de spécialité

TraireGagner

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TRAIRE

En ancien français, traire = tirer cf. abstraire, extraire, soustraire et leurs

dérivés en –traction, cheval de traitSpécialisation en français moderne

« tirer le lait d’une femelle »

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Gagner

Sens originel = faire paître le bétail Pâturer, paître, faire paître.Cultiver, bléer, récolter.Faire profiter.Trafiquer, commercer.Gagner la guerre, piller. « s’assurer un profit matériel par le

travail »

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