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DOCUMENT DE TRAVAIL WORKING PAPER N°12-01.RS RESEARCH SERIES
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ETLA CRISE EN EUROPE : QUELQUESREFLEXIONS Jean -Luc DEMEULEMEESTER
Avenue F.D. Roosevelt, 50 - CP-140 l B-1050 Brussels l Belgium
DULBEA l Université Libre de Bruxelles
1
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET LA CRISE EN EUROPE : QUELQUES REFLEXIONS
Jean Luc DEMEULEMEESTER (professeur à l’Université Libre de Bruxelles)
E‐mail : jldemeul@ulb.ac.be
JEL codes : I22, I23, I28
Introduction
La crise économique et financière qui frappe le monde depuis maintenant plusieurs années ne
pouvait laisser l’enseignement supérieur indemne – pas plus en Europe qu’aux Etats‐Unis. D’abord
parce que la crise a affecté l’économie réelle, donc les débouchés professionnels – et donc les
demandes des jeunes face à l’université et aux Hautes ou Grandes Ecoles. Le désir d’échapper au
chômage peut conduire un nombre plus considérable de jeunes à poursuivre des études
universitaires ou supérieures, ainsi qu’à se soucier davantage de la qualité des formations prodiguées
(en termes d’ouverture professionnelle) (Damme et Karkkainen, 2011). Ensuite parce que le
sauvetage des banques à l’automne 2008 en Europe a conduit à un accroissement important de
l’endettement public. On a vu cette année comment cet accroissement d’endettement public a
nourri à son tour une spéculation qui mène les divers états à de brusques mesures d’économie. Or,
en Europe, l’enseignement supérieur dépend de façon massive du financement public, y compris au
Royaume‐Uni. Enfin, la crise ne pouvait laisser l’enseignement supérieur indemne car même sans
elle celui‐ci était en voie de réforme radicale. Dans un sens, la crise n’a été qu’un révélateur et un
accélérateur d’évolutions déjà bien présentes depuis deux décennies.
Dans ce chapitre nécessairement assez court, nous proposons une approche comparative et
historique de l’évolution des grands systèmes d’enseignement supérieur européens. Nous nous
proposons tout d’abord de passer en revue l’impact de la crise sur l’enseignement supérieur de
divers pays européens, en mettant en avant certains qui ont fait le choix de coupes massives et
d’économies budgétaires brutales dans ce secteur (Angleterre1, Etats Baltes…) tandis que d’autres
(France, Allemagne) ont préféré « sanctuariser» ce secteur considéré comme central pour la
compétitivité, la croissance et l’employabilité par le courant dominant de la science économique et
les divers « policy makers ». Bien entendu, les réponses des divers pays à la crise furent directement
liées aux conditions socio‐économiques propres à chacun, ainsi qu’à leur contexte institutionnel.
L’Angleterre n’est ni la France, ni l’Allemagne, que ce soit en termes d’endettement (hausse très
élevée en Angleterre), de choix de politique monétaire (l’Angleterre est en dehors de la zone euro)
ou de secteur‐clé de la compétitivité du pays analysé (les services financiers sont centraux en
Grande‐Bretagne depuis Thatcher, alors que l’Allemagne est un pays exportateur de biens industriels
de qualité). Les politiques menées peuvent néanmoins aussi s’interpréter au travers d’une analyse
de moyenne durée. Depuis la fin des années 90 en effet, les pays européens (principalement
d’Europe continentale – l’Angleterre étant largement en avance dans ce domaine) se sont lancés
dans un vaste mouvement de réforme de leurs systèmes d’enseignement supérieur (processus de
Bologne, 1999) en lien avec une ambitieuse politique visant à faire de l’Union Européenne
« l’économie de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde » (Stratégie de
Lisbonne, 2000) – en écho aux transformations observées dans la seconde moitié des années
1 C’est à dessein que nous parlons ici de l’Angleterre et non pas du Royaume‐Uni ou de la Grande‐Bretagne. Les politiques et le financement de l’enseignement supérieur ne sont en effet pas les mêmes en Ecosse.
2
nonante aux Etats‐Unis (New Economy, Silicon Valley, modèle californien… ‐ voir Artus, 2001 et
Finegold 1999). Il est intéressant de noter qu’en 2010‐2011 la vision du futur des élites européennes
n’a guère changé et que malgré (ou à cause de) la crise, les objectifs tant de Lisbonne que de Bologne
ont été reconduits ou revus et approfondis. Nous étudierons en détail cette stratégie. Finalement,
sans doute que pour comprendre vers où les systèmes d’enseignement supérieur en Europe vont
s’orienter, il est bon de comprendre dans la longue durée l’évolution d’un modèle particulier mais à
notre sens représentatif : celui de l’Angleterre. C’est en effet ce pays qui a joué un vrai rôle de
pionnier dans la mise en place de réformes des systèmes d’enseignement supérieur dès les années
80. Il a connu toutes les phases de transformation d’un modèle initialement relativement proche des
autres modèles continentaux (universités relativement autonomes même si financées publiquement
– cadre typiquement humboldtien, avec un certain élitisme) pour évoluer vers quelque chose d’autre
où en tous cas le « centre » (l’état via ses modes de financement) contrôle l’évolution du système
dans le cadre d’une concurrence administrée (quasi‐marché et évaluations systématiques). On
ignore encore à l’heure actuelle vers où va évoluer le modèle anglais (privatisation complète ou
maintien d’une concurrence administrée) mais il est certain que les réformes en cours en Europe
depuis les années 90 se calquent bien davantage sur ce modèle que sur celui des Etats‐Unis, malgré
une certaine rhétorique. On ne transforme en effet pas du jour au lendemain un système « public »
en un modèle à l’américaine hautement différencié (l’objectif tracé par le Manifeste Ritzen de juin
2010) (Ritzen, 2009, 2010).
Dans la section suivante nous passons rapidement en revue les réponses politiques à la crise
économique et financière débutée en 2007 aux USA et frappant l’Europe à l’automne 2008. Après
avoir souligné les grandes divergences entre pays européens en termes de politiques menées, nous
abordons dans la section suivante l’analyse des politiques (des institutions) européennes
d’enseignement supérieur préconisées depuis les années 90. Nous soulignerons tant la référence
quasi constante au « modèle américain » que le caractère plutôt anglais des techniques de
gouvernance préconisées pour tendre vers ce résultat. C’est pourquoi dans une dernière section
nous abordons plus particulièrement l’évolution du modèle anglais depuis les années 80. En
conclusion, nous chercherons à interpréter les évolutions en cours comme forme d’accélération des
tendances lourdes existantes (en Europe), tandis que la référence au modèle anglais nous permettra
de tenter quelques conjectures sur le point final éventuel de ces évolutions en Europe.
I. IMPACTS DE LA CRISE SUR LES SYSTEMES D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EUROPEENS
Ce n’est pas le lieu ici d’analyser les causes et le déroulement de la crise économique et financière
qui a débuté en 2007 aux Etats‐Unis pour se diffuser ensuite au reste du monde, et en particulier en
Europe. Dans le courant des années 2008 (seconde moitié) et 2009, on a assisté à une chute de la
croissance marquée, une baisse de l’inflation (voire un risque de déflation) et une brusque montée
du chômage. Si la croissance économique a repris dès la seconde moitié de 2009 (d’abord
modérément, puis plus intensément en 2010 et le premier trimestre de 2011 – les prévisions
semblant nettement plus sombres pour la suite), l’impact sur le chômage est resté sensible. Selon le
rapport de janvier 2011 de l’European University Association, le taux de chômage dans la zone Euro
est resté de l’ordre de 10,1% en novembre 2010 contre 9,9% un an plus tôt. Directement lié à notre
problématique, le chômage des jeunes atteint des niveaux préoccupants : 20,7% (taux de chômage
des moins de 25 ans) en novembre 2010 dans la zone Euro, avec une énorme variance (43,6% en
Espagne, contre 8,4% aux Pays‐Bas et 8,6% en Allemagne). La zone Euro elle‐même se caractérise
3
par une forte hétérogénéité de ses performances, avec une zone dynamique et dégageant des
excédents commerciaux autour de l’Allemagne (qui connaît une croissance exceptionnelle au début
de 2011), et une zone Sud en proie à une croissance atone et des déficits commerciaux et publics
importants. Les politiques menées pour sauver le système bancaire lors de la crise de l’automne
2008 ont conduit à un surcroît d’endettement public dans tous les pays. Dès que la reprise
économique a semblé revenir, la majorité des états (poussés aussi par la Commission Européenne et
les agences de notation préoccupées par la soutenabilité des dettes des pays de la zone sud et
l’Irlande en ordre principal, mais avec un écho global sur le maintien ou non de l’Euro) a mené des
politiques de réduction des déficits parfois extrêmement drastiques. Les universités et écoles
supérieures européennes, financées publiquement pour la plus grande part (David, 2009), se sont
retrouvées en première ligne dans le cadre de ces mesures d’économie (d’autant plus que
l’enseignement supérieur entre en conflit avec d’autres postes budgétaires comme les soins de santé
– vus comme plus prioritaires peut‐être par des populations plus âgées). Selon les chiffres de l’OCDE,
avant la crise (en 2008), pour la plupart des pays européens, le financement public de
l’enseignement supérieur représente entre 75% et 95% du total.
Selon le rapport de l’European University Association (EUA) de janvier 2011, les systèmes
d’enseignement supérieur des différents pays européens ont été affectés de façon très variée (EUA,
2011). Chaque pays (ou groupe de pays) a en effet été frappé différemment par la crise et à des
moments différents (certains plus tôt, d’autres plus tard). La tendance globale dans l’ensemble des
pays européens a été à la baisse des moyens (« budget cuts ») mais avec une intensité fort variable
selon les pays. Certains pays qui avaient été très fort touchés par la crise et souhaitaient opérer un
effort très marqué ont opéré des coupes parfois très importantes dans le budget de l’enseignement
supérieur (cas de la Lettonie, de l’Angleterre, de l’Italie, de la Grèce), tandis que d’autres se sont
contentés de postposer leurs engagements à accroître le financement public dans ce domaine. Des
pays comme la France et l’Allemagne ont maintenu leurs engagements et ont quelque part
« sanctuarisé » les dépenses d’enseignement supérieur (mais ont néanmoins accompli un certain
nombre de réformes). En général, lors de ces réductions budgétaires, l’enseignement a été plus
touché que la recherche (nous y reviendrons plus loin – cela se comprend dans le cadre de la
tendance lourde du processus de réforme des systèmes d’enseignement supérieur européens). Ce
fut ainsi le cas en Angleterre (seules les sciences dures – les « STEM2 » ‐ y ont été préservées des
coupes massives dans l’enseignement au niveau « undergraduate »), de l’Estonie, de la Lettonie, de
la Hongrie et de la Belgique flamande.
On va étudier maintenant ce qui se passe dans deux groupes extrêmes de pays – ceux qui coupent
massivement dans les dépenses d’enseignement supérieur par rapport à ceux qui les maintiennent.
Impacts dans les pays « budget cutters »
Comme on l’a souligné, on a assisté à des coupes budgétaires brutales dans quatre pays : Lettonie,
Italie, Grèce et Grande‐Bretagne3. La Hongrie, l’Islande et l’Irlande ont connu eux aussi (comme pays
les plus tôt touchés par la crise) des baisses dans le budget central affecté à l’enseignement
supérieur entre 2007 et 2010 (Damme et Karkkainen, 2011). En Lettonie, une première coupe
budgétaire de 48% au début 2009 a été suivie d’une autre de 18% en 2010 (sous la pression du FMI
2 STEM, pour “Sciences, Technology, Engineering, Medicine and Mathematics.” 3 Nous nous fonderons ici sur le Rapport de l’EUA de janvier 2011.
4
et de la Banque Mondiale), avec toutes les conséquences « qualitatives » que l’on peut imaginer
(fermeture de départements, changements structurels, privatisation partielle…). En Italie, on
anticipe une baisse des moyens budgétaires de l’ordre de 20% d’ici 2013. De par la contrainte qui
pèse sur les droits d’inscription (ceux‐ci ne peuvent excéder 20% de leur financement public total)
certaines universités sont au bord de la banqueroute (EUA, 2011). La Grande‐Bretagne (plus
exactement l’Angleterre) est un cas exemplaire sur lequel nous reviendrons en détail. Il suffit ici de
dire que le gouvernement conservateur en place (dans la lignée de ce que préconisait le rapport de
Lord Browne of Madingley d’octobre 2010, commandé par le gouvernement travailliste ; Browne,
2010) prévoit une baisse de 40% du budget de l’enseignement supérieur anglais d’ici 2014‐2015 ‐ la
plus grosse partie affectant l’enseignement (le budget d’enseignement des universités est diminué
de 79%) – principalement des sciences humaines et sociales (plus de financement public au niveau
« undergraduate »). Cette baisse drastique des moyens pour l’enseignement supérieur doit être
compensée par une hausse drastique des droits d’inscription (entre 6,000 et 9,000 livres) afin
d’épargner le contribuable.
Impact dans les pays qui sanctuarisent l’enseignement supérieur
La France est un des pays au cœur de la zone Euro et de la construction européenne. Fidèle à ses
engagements pris dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, ainsi qu’à l’esprit de la recommandation
au Conseil européen sur la « modernisation des universités européennes », elle a fait de
l’enseignement supérieur le seul secteur qui échappe aux coupes budgétaires. Afin de financer entre
autres les dépenses d’avenir, elle a lancé un « Grand Emprunt » qui va contribuer à un accroissement
public global significatif de l’enseignement supérieur. Ainsi pour 2010, selon le rapport de l’EUA
(EUA, 2011), 11 milliards d’euros sont prévus pour des investissements destinés à améliorer la
qualité globale de l’enseignement supérieur, 8 milliards destinés à financer la recherche, et 8
milliards « sélectifs » pour créer de nouveaux « campus d’excellence » ou en restructurer. Pour
2011, les perspectives restent positives avec un accroissement supplémentaire du budget de l’ordre
de 4,7 milliards d’euros. Ces investissements sont destinés à accroître l’attractivité de la carrière
d’enseignant‐chercheur, soutenir la réforme de l’université (voir plus loin – loi LRU « responsabilité
des universités » du 10 août 2007 et nouveau statut des enseignants‐chercheurs en 2009), la
politique sociale étudiante et accroître les ressources pour la recherche. Le rapport de l’EUA (EUA,
2011) souligne cependant qu’une grande partie de ces investissements consistent en contributions
en capital et dès lors les moyens effectivement reçus par les universités dépendront donc des
marchés financiers avec les risques que cela comporte (montants potentiellement plus faibles
qu’anticipés – on observe depuis quelques mois une forte instabilité des marchés financiers). Toutes
ces mesures se prennent dans un cadre de réformes institutionnelles très importantes sur lesquelles
nous reviendrons plus loin (et marquées du sceau d’un certain élitisme, de mise en concurrence,
d’évaluations systématiques et de concentration des moyens sur des laboratoires et campus
« d’excellence »).
L’Allemagne est le pays central de la zone Euro. Il y a dans ce pays une réflexion sur la structure
institutionnelle idéale de gouvernance du système. Jusqu’ici les Länder (états fédérés) exerçaient le
plus grand rôle en matière de financement de l’enseignement supérieur, mais le Fédéral a fait des
efforts afin d’assurer la sécurité financière des institutions d’enseignement supérieur et de
recherche. Toujours selon l’EUA, un « pacte d’enseignement supérieur » renouvelé prévoit 800
millions d’euros pour soutenir la croissance du nombre d’étudiants jusque 2015. Une « initiative
5
allemande d’excellence » prévoit des investissements de 2,7 milliards d’euros sur 2012‐2015 (EUA,
2011). Un « Pacte d’innovation et de recherche » prévoit un financement additionnel via une hausse
de 5% par an. D’autres ressources financières sont garanties sur les 10 prochaines années via un
« Pacte pour accroître la qualité de l’enseignement » ainsi qu’une augmentation de 2% des niveaux
actuels de soutien aux étudiants (EUA, 2011). Parallèlement, l’Allemagne tend à aller dans un sens
diamétralement opposé à la tendance observée en Angleterre en supprimant complètement les
droits d’inscription dans les universités. Chaque Land tend à les supprimer (par exemple en
Rhénanie‐du‐Nord‐Westphalie récemment). On assiste aussi à une reprise en main lente mais
certaine de la part du niveau fédéral via le biais financier. Les états fédérés opérant des coupes
budgétaires dès 2011, le Fédéral vient compenser et accroît son pouvoir.
Quelques réflexions
On voit bien qu’il n’y a pas de tendance commune à l’ensemble de l’Europe. On observe qu’il existe
un lien clair entre le type de capitalisme (pour reprendre cette thématique – cf. Michel Albert, 1991 ;
Bruno Amable, 2005; André Sapir, 2006) et le type de réformes d’enseignement supérieur mené
suite à la crise. Les modèles de marché anglo‐saxon comme l’Angleterre ou les pays baltes tendent à
mener des coupes budgétaires très importantes et tendre vers une forme de privatisation. Les pays
du monde capitalisme méditerranéen (décrié tant pour son inefficacité que pour son inéquité)
tendent à faire de même – ce qui au vu de leurs problèmes de compétitivité n’est peut‐être pas la
meilleure politique à suivre. Ce sont les pays au cœur du « capitalisme rhénan » (aussi membres de
la zone Euro, imposant certaines contraintes sur leur politique économique – comme l’impossibilité
de jouer de l’arme de la dévaluation compétitive et les poussant peut‐être à davantage sauvegarder
la qualité de leurs produits – choix d’une voie « talents élevés – produits de qualité – main d’œuvre
chèrement payée », la « high wage – high skills route » pour suivre Finegold et Soskice, 1988) qui
restent attachés au maintien de leur engagement budgétaire vis‐à‐vis des systèmes d’enseignement
supérieur et de recherche. Là, la stratégie de Lisbonne et la déclaration de Bologne sont prises au
sérieux. On y suit les préceptes de la nouvelle théorie de la croissance « néo‐schumpétérienne »
(Aghion et Cohen, 2004 ; Aghion et Howitt, 2005) pour laquelle, en se rapprochant de la frontière
technologique, les pays européens les plus avancés doivent miser sur l’innovation plutôt que
l’imitation pour générer de la croissance. Les systèmes éducatifs imaginés juste après la seconde
guerre mondiale pour répondre aux besoins d’économies en reconstruction et en voie de rattrapage
technologique par rapport aux USA doivent être réformés. Ces divergences entre groupes de pays en
fonction des grandes stratégies économiques suivies avaient déjà été constatées par certains auteurs
(Deer, 2002 ; Demeulemeester et Deer, 2004) dans les années 80 et 90 – entre l’Angleterre
(spécialisée dans les services financiers, jouant de la flexibilité du marché du travail, de taxes faibles
et du flottement de la livre – et investissant relativement peu dans l’éducation et la formation) et la
France (intégrée dans la zone euro, obligée de miser davantage sur le capital humain, la recherche et
la qualité de ses produits). Nous reviendrons dans la suite de ce chapitre sur cette question.
II. MISE EN PERSPECTIVE : LES TENDANCES LOURDES DES POLITIQUES D’ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR PRONEES PAR L’UNION EUROPEENNE ET LES ETATS DEPUIS LA FIN DES
ANNEES 90
Pour donner du sens à ces différentes mesures, parfois extrêmement drastiques, prises dans les
différents pays européens à la suite de la crise, et tenter de discerner les lignes d’évolution futures
6
probables des modèles européens d’enseignement supérieur, il y a lieu de replacer ces évènements
récents dans le trend général des politiques de réforme des systèmes d’enseignement supérieur
depuis la fin des années 90. On peut en effet y observer une forme de « logiciel » commun et assez
cohérent, ainsi qu’un modèle plus ou moins explicitement mis en avant (le modèle américain), ainsi
qu’un cheminement pour y arriver qui requiert en fait d’importer dans l’Europe entière les
techniques de gouvernance du système académique imaginées en Angleterre dès les années 80.
C’est d’ailleurs pourquoi dans la section III nous étudierons plus avant cette évolution.
La transformation des modèles européens d’enseignement supérieur : les tendances de fonds
Le mouvement de réforme des systèmes d’enseignement supérieur a débuté dans un certain nombre
de pays pionniers dès les années 80 (en Europe : Angleterre et Pays‐Bas). Dès la fin des années 80,
au niveau de ce qui était encore la Communauté économique européenne, on voit se former des
groupes d’influence patronaux (par exemple l’ERT, European Roundtable of Industrialists, regroupant
les représentants de très grandes entreprises européennes du moment) qui suggèrent des réformes
qualitatives importantes au niveau des curricula (tous niveaux d’enseignement confondus), de la
structure des systèmes d’éducation et de la culture à y insuffler (entrepreneuriale). Les firmes
européennes se trouvent en effet confrontées à un environnement de plus en plus concurrentiel
avec la mise en place du Marché Unique européen (1986), bientôt suivie de la libéralisation des
mouvements de capitaux et l’ouverture croissante des économies européennes à la concurrence
internationale. Cette tendance se marquera encore plus avec l’effondrement du bloc de l’Est (dès
novembre 1989), la tendance vers l’abaissement généralisé des barrières aux échanges (avec la
constitution de l’Organisation Mondiale du Commerce en 1995), et le changement technologique
avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Dans un
univers globalisé, où on voit de plus en plus émerger un marché mondial du travail (et où les
travailleurs et les diverses régions du monde sont mises en concurrence les unes avec les autres),
l’idée est que les Européens, qui ont développé un Etat social généreux et sont dès lors plus chers
que la plupart des autres pays (aussi parce qu’ils sont plus productifs), se doivent de compenser leur
handicap de coût par une haute qualité de leurs productions et une capacité des systèmes productifs
de s’adapter constamment aux changements (notamment des goûts des consommateurs et par là
des types de produits demandés). La pression compétitive réduit d’autre part la possibilité pour les
firmes de former les travailleurs en leur sein – ce qui requiert de la part du secteur éducatif de
produire des diplômés mieux adaptés – et adaptables – aux modifications de l’environnement
économique. Les anciennes structures éducatives, fort rigides tant institutionnellement (obligation
de suivre un curriculum bien circonscrit selon un ordre bien spécifique, souvent assez théorique et
éloigné de la culture d’entreprise ; savoirs certifiés par des systèmes de diplômes régis
nationalement et publiquement) que pédagogiquement (culture livresque, enseignement ex
cathedra qui ne donne pas à l’étudiant un rôle actif et central, et qui fait peu usage des nouvelles
technologies de l’information et la communication), sont fortement décriées. A ce propos, la
Commission Européenne va jouer un rôle important dans la diffusion de ces idées initialement
limitées au monde patronal. La publication en 1995 du Livre Blanc Enseigner et Apprendre. Vers la
société cognitive est en ce sens exemplaire. Il sera suivi par bien d’autres publications appelant à une
réforme profonde des systèmes d’enseignement supérieur (et de plus en plus de recherche, au fur et
à mesure que les nouvelles théories de la croissance économique influencées par le monde réel –
notamment le succès fulgurant de l’économie américaine durant la seconde moitié des années 90 –
lui donneront un rôle central). Cependant, l’Union Européenne n’a que des pouvoirs assez faibles en
7
matière d’éducation et de formation, et c’est plutôt des Etats eux‐mêmes que viendra l’impulsion
décisive aux changements au niveau de l’Europe continentale : la déclaration de la Sorbonne (1998 ;
portée par les ministres français, anglais, allemands et italien de l’enseignement supérieur) bientôt
suivie un an plus tard de la déclaration de Bologne (juin 1999, contre‐signée par 27 pays ? et en
regroupant aujourd’hui 46). Le succès de cette déclaration n’est pas anodin et son adoption par un
nombre toujours croissant de pays n’est pas un hasard, mais la réponse à des contraintes
fonctionnelles du capitalisme. On ne doit pas ici sous‐estimer le rôle de la France et de ses élites
dans la diffusion du système – un pays confronté au niveau national à de gros problèmes de blocage
de réformes dures de l’enseignement supérieur analogues au cas anglais pour des raisons que nous
expliquerons plus avant dans la dernière section.
La déclaration de Bologne en juin 1999 est une initiative des états – et pas de l’Union Européenne
(même si cette dernière cherchera à capturer le processus au cours de la décennie 2000). Elle se
donne pour objectif d’accroître la visibilité et l’attractivité de l’enseignement supérieur européen par
une harmonisation des structures (sur le modèle anglo‐saxon Bachelor‐Master‐Doctorat), par la
facilitation de la mobilité des personnels et étudiants à l’intérieur de l’Union – ce qui passe à la fois
par la systématisation du recours aux ECTS (censés mesurer la charge de travail effective de
l’étudiant) et une évaluation transparente de la qualité des formations. On glisse assez facilement
vers l’idée d’une mise en concurrence et un étalonnage des performances des universités,
départements, et bientôt professeurs eux‐mêmes. On n’est pas loin de l’idée de marché de
l’enseignement supérieur européen – mais celui‐ci reste néanmoins considéré comme un « bien
public ». On recourt plutôt au concept d’Espace européen d’enseignement supérieur (et assez vite,
une fois lancée la stratégie de Lisbonne, de la recherche). L’objectif avoué est de renforcer la qualité
et donc l’attractivité et la compétitivité de l’enseignement supérieur européen afin de faire en sorte
qu’il puisse rivaliser avec le modèle américain et être capable d’attirer à son tour les meilleurs
cerveaux du monde – vus comme la ressource rare à attirer dans ce que l’on appelle l’économie de la
connaissance. A cet objectif extérieur s’ajoute un objectif intérieur de renforcer l’employabilité des
jeunes européens en stimulant la mobilité, l’apprentissage des langues et un « esprit européen »,
ainsi que stimuler la qualité des institutions européennes par leur mise en concurrence induite par la
stimulation de la mobilité et les mécanismes d’évaluation et d’accréditation promus par le processus
de Bologne. La « stratégie de Lisbonne » (2000) qui vise à faire de l’Union Européenne l’économie de
la connaissance la plus compétitive du monde d’ici 2010 va également donner une impulsion à ce
processus en donnant aux universités un rôle‐clé.
Ces transformations et ces actions politiques doivent se comprendre dans le contexte particulier des
années 90 et en particulier le succès qui semble fulgurant de l’économie américaine (ce qu’on a
appelé la « New Economy », Artus, 2001). L’économie américaine connaît alors un taux de
croissance double de celui de l’économie européenne, portée par une économie innovante fondée
sur un réseau d’universités de pointe mondiale, capables d’attirer les meilleurs cerveaux du monde,
générant des innovations très vite transformées en produits commercialisés par des diplômés aussi
inventifs qu’entrepreneuriaux, soutenus par un éco‐système favorable (taxation faible, marchés du
travail et des produits très dérégulés, marché du capital ouvert et flexible). Le modèle californien de
la Silicon Valley s’impose tout particulièrement dans les esprits (Finegold, 1999). Ce qui est né plus
ou moins spontanément aux USA (du moins, ce qui est le fruit d’une longue évolution endogène), les
élites européennes veulent le reproduire au sein de l’UE dans un contexte tout différent : les
marchés sont compartimentés, les marchés du travail et des produits sont encore assez rigides, les
8
universités sont de petite taille et peu présentes aux sommets de la hiérarchie des universités de
recherche mondiale – et relativement peu attractives. Les économistes néo‐classiques, notamment
ce qu’on nomme les théoriciens de la croissance endogène, ont mis en avant dès les années 80‐90
toute l’importance du capital humain (son accumulation dans les modèles à la Lucas, 1988) ou de
l’innovation (dans les modèles où la partie du stock de capital humain affecté à la croissance joue un
rôle central ; Romer, 1990, 1993 ; Aghion et Howitt, 1992) dans l’atteinte d’une croissance auto‐
entretenue. Ces modèles exerceront une influence certaine au niveau des politiques économiques,
notamment au sein de l’Union Européenne au travers de Philippe Aghion dont les travaux irriguent
en partie la stratégie de Lisbonne et surtout le rapport Sapir (2003). Leur idée centrale est que les
économies européennes en se développant après la deuxième guerre mondiale via une stratégie
d’accumulation et d’imitation, ont rattrapé le niveau technologique américain dès les années 80. Les
institutions qui étaient optimales pour générer de la croissance dans le cadre de la reconstruction et
des Golden Sixties se révèlent inadéquates une fois que l’on se rapproche de la frontière
technologique. A ce niveau c’est l’innovation qui serait génératrice de croissance. Pour la stimuler,
ce sont les institutions qu’il faut modifier, et donc aussi les institutions éducatives. D’un système qui
porte des masses d’étudiants à des niveaux de diplôme intermédiaires (le secondaire supérieur), il
faut passer à un système qui pousse davantage l’enseignement supérieur, et en particulier certaines
filières d’excellence. Une différenciation du paysage d’enseignement supérieur s’impose, avec à la
fois une massification à un niveau plus élevé mais plus professionnalisé pour la grande partie de la
jeunesse qui va s’intégrer dans un marché du travail de plus en plus dur, globalisé et mouvant – et un
système d’institutions de recherche et d’excellence mondiale capables d’attirer les meilleurs pour
contribuer à l’innovation. Ces réformes s’insèrent dans un tissu d’autres (Aghion et Howitt, 2005),
qui grosso modo visent à libéraliser les marchés, accroître la concurrence, favoriser un financement
flexible des entreprises innovantes (plus via le marché des capitaux que par les banques).
Influençant tant les réformes nationales (voir le rapport Aghion et Cohen, 2004) qu’européennes,
elles se sont traduits dans un vaste mouvement de réforme des systèmes européens d’enseignement
supérieur.
La nécessité de changement va se traduire par un pilotage par en haut du système, même si on
utilise en parallèle la mise en concurrence (contrôlée) pour identifier les meilleurs institutions. C’est
ici que l’on se rend compte que les réformes menées au cours des années 2000 en Europe et
singulièrement accélérées par la crise (c’est certainement le cas en France avec les réformes
Pécresse, la loi L.R.U. d’août 2007 et le nouveau statut des enseignants‐chercheurs en 2009) se sont
inspirées directement des réformes menées en Angleterre. Il s’agissait en effet de faire bouger les
systèmes d’enseignement supérieur au départ publics vers une direction voulue par les pouvoirs
politiques – et c’est sans doute cela là que l’Angleterre a servi de modèle à suivre pour le reste de
l’Europe.
III. LES RÉFORMES ANGLAISES DES SYSTÈMES D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DEPUIS LES
ANNÉES 80 : UN MODÈLE POUR LES PAYS EUROPÉENS DANS LES ANNÉES 2000
Pour bien comprendre le sens des évolutions en cours actuellement en Europe continentale, et
notamment l’importance des réformes institutionnelles réalisées à la faveur de la crise en France et
en Allemagne notamment, il faut retourner à l’histoire longue d’un modèle particulier dont la
transformation radicale sert à notre sens de modèle pour l’évolution future probable dans le reste de
l’Europe : le cas anglais. Il est clair qu’il semble a priori difficile de dessiner un portrait commun aux
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réformes menées dans les différents pays européens, tant compte la dépendance à la trajectoire
institutionnelle. Même sur la base de mêmes injonctions les réformes menées dépendent en effet
fortement de la base institutionnelle de départ (la manière dont les systèmes d’enseignement
supérieur ont été organisés), qui diffère fortement d’un pays à l’autre. Cela ne signifie pas pour
autant qu’il n’y aura pas convergence sur le long terme. La question que nous tentons d’élucider ici
est de voir si France et Allemagne, apparemment aujourd’hui éloignées de l’évolution actuelle du
modèle anglais, ne suivent néanmoins pas la même évolution mais retardée. C’est un peu notre
thèse : la crise a permis de faire sauter dans une série de pays les verrous qui empêchaient jusque‐là
la transformation radicale des systèmes d’enseignement supérieur selon le modèle de ce qui s’est
passé en Angleterre depuis les années 80. Pour bien le comprendre nous proposons ici une analyse
de l’évolution de ce modèle depuis la fin des années 70, avec en contrepoint une approche
comparative avec ce qui fut longtemps considéré comme le contre‐modèle (celui où les tentatives de
réforme ont longtemps échoué pour des raisons que nous évoquerons), à savoir la France.
Pourquoi une comparaison France‐Angleterre ?
Ces deux pays sont de taille (en termes de population) comparable, avec un niveau de
développement économique également semblable et des valeurs sociétales/politiques globalement
proches. Ils sont intéressants à étudier en termes d’évolution de leurs systèmes d’enseignement
supérieur car à partir du début des années 80 ces deux sociétés feront des choix socio‐économico‐
politiques différents mais stables. En France, à partir de l’élection de François Mitterand (mai 1981)
jusque 1995 (et de 1997 à 2002), on suivra une voie sociale‐démocrate (ou socialiste selon les points
de vue), avec quelques épisodes de cohabitation avec la droite – suivie depuis lors par une période
où la droite est au pouvoir. En Grande‐Bretagne, de 1979 à 1997 on suivra une voie conservatrice
avec Thatcher puis John Major comme premiers ministres – suivie d’une période « new labour » de
1997 à 2010. L’enseignement supérieur sera profondément réformé en Angleterre, alors qu’en
France un grand nombre de grandes réformes seront bloquées (ce qui ne signifie pas pour autant
absence de réformes). On montrera dans le cas anglais (dans la lignée de Archer, 1979 et Deer,
2002) le rôle‐clé des structures institutionnelles de départ, notamment celui de l’autonomie des
institutions (et la facilité qui s’ensuit de faire jouer entre les universités une concurrence
administrée), dans le succès des réformes. C’est ce que la ministre française de l’enseignement
supérieur sous Sarkozy, Valérie Pécresse, semble avoir bien compris. Les réformes institutionnelles
sont centrales afin de préparer le terrain à une mise en concurrence administrée ou quasi‐marché où
les institutions se battent pour être les meilleures en termes d’indicateurs fixés par la puissance
publique et servant de clé à la distribution compétitive des fonds publics.
Le modèle anglais : le succès des réformes thatchériennes
Certains sociologues (Archer, 1979 ; Deer, 2002) ont mis l’accent sur l’importance de ce qu’ils
appellent les « structures élaboratives » (ou les fondations institutionnelles ; voir aussi Musselin,
2005) des systèmes d’enseignement dans le succès ou le blocage de transformations. Dans le cas
anglais, le point de départ à la fin des années 70 est un réseau d’universités certes financé
publiquement mais jouissant d’une large autonomie et d’un pouvoir d’influence certains. Il faut voir
qu’à l’époque l’Angleterre est quelque peu en retard par rapport au reste de l’Europe en matière de
massification. Le système d’enseignement supérieur après la seconde guerre mondiale y est resté
relativement élitiste (surtout dans ses bastions que sont les universités londoniennes et Oxford et
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Cambridge), ce qui implique deux choses : le système d’enseignement supérieur ne mobilise pas trop
de fonds et est donc source de relativement peu de soucis (financiers) pour le gouvernement anglais,
et la faible production de diplômés assure que ces derniers seront plus que probablement membres
de l’élite – assurant de facto un pouvoir d’influence certain de la part des mêmes universités. Ainsi,
longtemps, les universités avaient un accès aisé au financement (elles faisaient état de leurs besoins,
et en général le gouvernement y suppléait), même si dès 1963 avec la réforme Robbins elles ont dû
passer par l’intermédiaire d’un ministère spécifique. Le University Grant Committee (UGC) qui
s’occupait des questions de financement était relativement autonome et dominé par les intérêts des
professeurs. Bref, jusqu’à la fin des années 70, le pouvoir des académiques et leur degré d’influence
étaient importants. Comme dans la plupart des modèles de type humboldtien ils jouissaient d’une
liberté académique extrêmement importante, ils gouvernaient leurs université en pleine autonomie
et avaient un emploi à vie (« tenure »). Là où cependant cette apparente indépendance et fort degré
d’influence avait son point faible, c’était justement au niveau de la dépendance au financement
public. In fine, le degré d’autonomie des universités (très important pourtant sur le plan purement
formel) dépendait de la bonne volonté du gouvernement central.
Quand Margaret Thatcher arrive au pouvoir en 1979, elle ne s’intéresse pas de prime abord à
l’université. Elle a bien d’autres soucis : restaurer l’économie britannique selon une nouvelle
philosophie (non plus keynésienne mais monétariste et « supply‐side »), lutter contre l’inflation,
réduire les contre‐pouvoirs syndicaux, réintroduire la discipline de marché dans une série de
secteurs, ouvrir l’économie à la concurrence internationale, réduire la dépense publique et les
subsides, ainsi que la voilure de l’état‐providence. L’enseignement supérieur sera touché de façon
d’abord indirecte par ces mesures (même si Margaret Thatcher n’apprécie guère les milieux
académiques, qu’elle soupçonne au pire de marxisme au mieux d’indifférence aux besoins de
l’économie britannique et de distiller une culture anti‐business dans les futures élites) via
d’importantes coupes budgétaires et baisse du financement par tête d’étudiant (‐17% sur 3 ans
décidés en 1981, « year of the cut »). Ceci va se révéler fonctionnel, car dans un système
d’universités autonomes, c’est via le financement que le gouvernement central peut reprendre du
pouvoir. En ce sens la crise peut aussi parfois posséder une dimension fonctionnelle en termes de
reprise en mains par les autorités centrales du système d’enseignement supérieur.
A côté de ces coupes budgétaires importantes, le gouvernement de Thatcher va autoriser les
universités à charger le prix plein des études aux étudiants d’outre‐mer en provenance du
Commonwealth (qui jouissait jusque‐là de conditions favorables). Dans un contexte budgétairement
défavorable, ces étudiants vont apparaître fort intéressants pour les universités anglaises qui vont
commencer à développer des stratégies assez agressives pour les attirer. L’internationalisation du
système va devenir un élément‐clé. D’autre part, la diminution des moyens va peu à peu conduire
les universités à de voir se gérer de façon plus professionnelle. On va voir s’opérer au sein des
universités une montée en pouvoir des dirigeants et de l’administration aux dépens des professeurs.
Cette tendance se manifestera au travers de l’accroissement des pouvoirs et de la rémunération des
Vice‐Chancellors.
La pénurie de moyens et l’absence (traditionnelle en Angleterre) de sentiments d’appartenance
collective à un « corps national » des professeurs d’université, en lien direct avec la très grande
autonomie des institutions (on est d’abord de son université – Oxford, Cambridge… ‐ et très peu
« professeur d’université » appartenant à un corps national comme en France) va conduire à une
11
compétition croissante entre les établissements. C’est un jeu non‐coopératif qui se met en place au
cours des années 80, pendant lesquelles les « bonnes universités » (Ox‐Bridge, Russel Group…) vont
imaginer divers moyens pour monopoliser une partie des fonds publics en baisse constante. C’est
ainsi que vers le milieu des années 80 l’idée d’un mécanisme d’évaluation de la qualité de la
recherche des universités naît, avec l’ambition d’y joindre un financement réellement concurrentiel.
C’est la naissance du Research Assessment Exercise (with selectivity), poussé en avant et au départ
contrôlé par les meilleures universités qui escomptaient par là se réserver au moins la part recherche
d’un financement public en baisse. Ce système sera vite « capturé » par les autorités publiques qui
comprendront tout l’intérêt qu’il y a à mettre les universités en concurrence pour atteindre des
objectifs chiffrés fixés par elles et sur base desquels le financement serait distribué. On verra dans la
décennie 90 comment par ce biais les autorités ont cherché (et souvent réussi) à pousser certains
objectifs comme la concentration de la recherche sur les meilleures institutions.
En 1988, un « Education Act » est promulgué (qui symbolise un mouvement de reconcentration du
pouvoir sur tout l’enseignement aux mains du pouvoir central et en dehors des mains des autorités
locales). Parmi les décisions prises à cette époque, une sera très importante : c’est la suppression de
la « tenure » (emploi à vie) pour toutes les nouvelles promotions. Ceci marque une rupture claire
avec l’ancien modèle humboldtien et une perte forte du pouvoir d’influence par les professeurs. La
montée en force de la managérialisation dans les universités, du pouvoir des vice‐chancellors et la fin
de l’emploi à vie des professeurs d’université, en relation avec l’instauration de mécanismes
systématiques d’évaluation qui servent de bases à l’attribution des financements, va complètement
modifier la donne dans l’enseignement supérieur anglais. Ces évolutions sanctionnent le
renforcement de la verticale du pouvoir, tant de l’Etat sur les universités que des autorités centrales
des universités sur les professeurs et chercheurs. Dès ce moment, l’autonomie des universités est
surtout une autonomie de moyens pour atteindre des objectifs fixés en dehors d’elles et
correspondant aux besoins économiques et sociaux tels que traduits par le pouvoir politique.
Après le départ de Thatcher en 1990, la tendance à la mise en concurrence et au développement
d’une philosophie de type « new public management » sera encore renforcée. En 1992, les
anciennes Polytechnics sont rebaptisées « universités » et peuvent se battre avec les universités
traditionnelles pour obtenir les fonds rares de recherche. Elles participent donc aussi au R.A.E. et
cela accroît par là le degré de concurrence. Parallèlement les années 90 connaissent une explosion
du nombre d’étudiants : de 1990 à 1996 celui‐ci double, mais il y a une baisse de 30% du
financement réel par étudiant (Barr et Crawford, 2005). Cela conduit les autorités à repenser le
modèle de financement public des institutions d’enseignement supérieur. Le Dearing Report (1996),
commandité par le gouvernement, proposera d’accroître la part du financement par les étudiants
eux‐mêmes. On introduit l’idée de droits d’inscription fixes remboursables après les études et
correspondant à 25% du coût moyen des études supérieures, soit 1000 livres. C’est le parti
travailliste qui arrive au pouvoir en 1997 qui va implémenter cette mesure.
Le modèle anglais sous les « néo‐travaillistes » (1997‐2010)
Le nouveau gouvernement de Tony Blair va suivre les prescriptions du rapport Dearing en allant
encore plus loin. Il va en effet obliger les étudiants à payer les frais d’inscription déjà pendant les
études (paiement à la fin de chaque année universitaire) et il va remplacer les bourses par des prêts
étudiants. Il faudra attendre 2004 pour qu’on révise ces mesures qui toucheront durement les
12
classes moyennes et qu’on décide de reporter le remboursement des droits à la fin des études. On
réintroduit également à nouveau des bourses d’études pour les plus pauvres.
Ce radicalisme montre bien que dans un sens le New Labour s’inscrit dans la continuité de la
philosophie thatchérienne. Il s’en détache néanmoins partiellement par son souci de mobiliser la
puissance publique pour atteindre des objectifs jugés désirables (il n’est pas en ce sens un ultra‐
libéralisme) et à imaginer des politiques économiques génératrices de croissance. Influencés par le
contexte américain (la nouvelle économie) mais aussi les experts (et notamment les leçons des
théories économiques néo‐classiques, notamment les théories de la croissance endogène), il
souhaite armer au mieux la Grande‐Bretagne pour affronter les défis de la nouvelle économie de la
connaissance où la compétitivité des nations comme l’employabilité des individus dépendrait de plus
en plus de leur capital humain et leur capacité à en faire bon usage (faciliter l’adaptation au
changement, innover, entreprendre…). On retrouve chez les néo‐travaillistes anglais une vision qui
aura un écho certain dans toute l’Europe : une vue à la fois quantitativiste d’expansion de
l’enseignement supérieur (le gouvernement de Tony Blair se donnera pour objectif de mener 50%
d’une classe d’âge à participer à l’enseignement supérieur) et une vision plus qualitative de volonté
de soutenir une recherche de pointe concentrée sur des centres d’excellence mondiale. Dans cette
vision, l’éducation est bien sûr au service de l’économie et se doit de donner aux jeunes britanniques
les outils pour faire face à la concurrence croissante. Le maître‐mot de Blair sera « éducation »
(« Education, education, education ! »). Pour la Grande‐Bretagne, c’est quand même une nouveauté,
car longtemps le pays a été considéré comme sous‐investissant en capital humain (notamment dans
la formation professionnelle et en matière de taux de participation à l’université ; voir Finegold et
Soskice, 1988). Certains auteurs (Demeulemeester et Deer, 2004) ont vu un lien entre cette stratégie
d’amélioration de la qualité de la main d’œuvre et donc des biens et services fournis un corollaire de
la volonté à l’époque d’ancrer davantage la Grande‐Bretagne dans l’Union Européenne voire la zone
Euro. Les anciennes recettes basées sur un coût faible de la main d’œuvre et une faible taxation
n’étaient alors plus jugés suffisants. On observe en tous cas un certain succès de cette politique.
Malgré l’introduction de droits d’inscription à l’université, on va assister au cours de la décennie 2000
à une forte croissance de l’accès à l’université (de 37% des 18‐23 ans en 2003 à 45% en 2010). Cette
expansion éducative est cependant coûteuse et le gouvernement anglais va en 2004 opter une
augmentation du niveau des frais d’inscription. Ils peuvent monter jusqu’à 3000 livres (ce que la
plupart des universités choisira de faire) – mais ce ne seront plus des frais payés pendant les études
mais après, sous condition d’un minimum de revenus. Le gouvernement va également prêter
attention au taux de participation des publics les plus défavorisés et sanctionner certaines universités
qui comme Oxford recrutent fort peu dans ce type de milieu. A côté de cette politique visant à
accroître la participation, le gouvernement New Labour va poursuivre la politique très élitiste de
concentration des moyens de recherche sur les universités les meilleures, par le biais du Research
Assessment Exercise. L’idée est ici par une intervention publique (qui n’exclut pas le recours à des
mécanismes de concurrence administrée et de financements conditionnels) de répliquer en Grande‐
Bretagne le succès du modèle californien (Finegold, 1999). L’université de Cambridge sera à ce
niveau une sorte de vitrine de ce type de politique. La politique du New Labour est donc bel et bien
une forme de Troisième Voie (Giddens, 1999) donnant un rôle certain à l’intervention publique et
notamment à un état‐stratège qui pilote la politique d’enseignement supérieur et de recherche dans
une optique utilitariste (maximiser la contribution à la croissance) et dans la totale acceptation de la
globalisation et du capitalisme.
13
Le modèle anglais face à la crise
La crise qui frappe particulièrement la Grande‐Bretagne va exacerber la contrainte budgétaire. Dès
novembre 2009, lord Mandelston (secrétaire d’Etat New Labour aux entreprises, à l’innovation et à
l’apprentissage) demande à lord Browne of Madingley (un ex‐directeur général de BP) de réfléchir à
une nouvelle politique d’enseignement supérieur. Elle va s’inscrire dans la droite ligne du Dearing
Report en voulant en parallèle davantage concentrer les moyens publics sur l’essentiel (pour
préserver le contribuable anglais ‐ dans la philosophie qui domine actuellement il s’agit des
disciplines des sciences dures, les « STEM » ‐ « sciences, technology, engineering and mathematics »)
et en augmentant l’espace de choix laissé à l’étudiant. On y trouve une foi assez importante dans les
vertus d’une discipline de marché où l’offre devra s’ajuster à la demande de formation émanant des
jeunes. Le Browne Report paraît en octobre 2010 et promet de « garantir un avenir durable pour
l’enseignement supérieur »). D’une part il souhaite laisser les universités libres de décider du
montant de leurs droits d’inscription (de 6,000 à 9,000 £). On augmente donc clairement la part
payée par les étudiants pour préserver le contribuable mais on ne vise pas ici des droits payables
pendant les études mais après celles‐ci si les revenus gagnés dépassent un certain seuil. Les dettes
non remboursées seront annulées après 30 ans. On vise pour l’enseignement supérieur à la création
d’un marché (qui reste en partie administré). Cela passe non seulement par des droits d’inscription
qu’on espère différenciés par institution, mais aussi par des universités financées de façon moins
récurrente (block grants) mais bien plus en fonction de leur succès auprès des étudiants (en clair, en
termes de la demande pour les « produits » qu’elles offrent). L’objectif est ici clairement d’assurer
que les institutions et les types de cours et de curricula demandés prospèrent et se développent et
que les autres tendent plutôt à disparaître. Le rôle de la puissance publique sera de transmettre aux
étudiants l’information la plus transparente sur l’état présent et futur du marché du travail pour les
diplômés. Les étudiants étant supposés rationnels et faire le meilleur usage possible de cette
information, on escompte que le libre choix des étudiants ainsi responsabilisés devrait conduire à
une situation optimale en termes de rencontre des besoins du marché du travail (et d’adaptation des
institutions universitaires à ces besoins).
Le modèle anglais est confronté à une série de problèmes récurrents, aggravés par la crise à partir de
2008. Ce sont des problèmes qui trouvent un écho dans l’ensemble de l’Europe. Il y a tout d’abord
le problème de financement (jusqu’ici essentiellement public) des universités dans un cadre
d’expansion éducative mais aussi de concurrence croissante avec le reste du monde (surtout les USA)
en matière de recherche. Attirer les meilleurs professeurs (spécialement lorsqu’on est un pays
anglophone) comme financer les infrastructures de recherche coûte (de plus en plus) cher. La
concentration des moyens sur un réseau d’universités d’élite par la mécanique du R.A.E. ne suffit
plus (d’autant qu’il est arrivé au bout de sa logique, et que les meilleurs départements ne peuvent
plus être très récompensés faute de moyens à distribuer), et la Grande‐Bretagne, reconnaissant que
le financement public est insuffisant pour répondre adéquatement aux défis, et soucieuse de
préserver le contribuable anglais, a fait le choix de faire participer davantage (et de plus en plus) les
étudiants au financement de leurs études. C’est aussi un souci d’équité selon les protagonistes des
« top up fees », en ce que les bénéfices de l’enseignement supérieur seraient d’abord clairement
14
privés et que faire contribuer toute la population serait source de redistribution inverse. C’est un
argument que l’on commence aussi à entendre sur le reste du continent (Van Parijs, 2003). Les
grandes universités prestigieuses qui se sentent capables de rivaliser avec les meilleures institutions
américaines voient de moins en moins d’un mauvais œil l’idée d’une privatisation totale qui les
libèreraient d’un contrôle étatique étroit. Récemment, fin 2010, la L.S.E. a envisagé ce scénario sans
le retenir pour l’instant.
La logique utilitariste tend aussi à devenir prioritaire dans les décisions des décideurs politiques.
Face à la rareté des moyens publics (et la concurrence émanant d’autres postes budgétaires, peut‐
être davantage payant en termes électoraux), il y a un souhait de concentrer les moyens sur le plus
utile, à savoir les études qui contribueront le plus à la compétitivité de l’économie britannique et
l’employabilité des jeunes – et qui ne pourraient pas trouver à se financer par elles‐mêmes (comme
ce peut être le cas des business schools). Les économies budgétaires se font donc sentir davantage
sur l’enseignement que la recherche (la littérature économique donnant à cette dernière une place
plus centrale dans les capacités de croissance des nations) et au sein de l’enseignement sur les
sciences humaines. On a noté que depuis 2010, l’Angleterre ne finance plus publiquement
l’enseignement supérieur en sciences humaines au niveau « undergraduate ».
Le contre‐modèle français ?
La France est longtemps apparue comme le pays des réformes bloquées (Deer, 2002). Ce n’est pas
un hasard, comme on le verra, si les élites françaises ont joué un rôle si important dans le lancement
des processus européens comme Bologne (façon détournée de circonvenir les blocages internes par
l’échelon européen ; voir le rapport Attali, 1998). Si l’on repart du début des années 80, il est clair
que le modèle français a des spécificités institutionnelles qui rendent tout à la fois les réformes
moins pressantes et plus difficiles à mettre en œuvre (Deer, 2002 ; Musselin, 2001). C’est en effet un
modèle public, mais très centralisé, où les académiques sont des fonctionnaires (« professeurs des
universités »), sujets aux mêmes règles sur tout le territoire et conscients d’appartenir à un corps
national. Cela signifie que tout changement est appelé à s’appliquer à l’ensemble des universitaires
sur tout le territoire – ce qui peut facilement entraîner des actions de blocage (d’autant que la
syndicalisation est bien présente et que souvent les étudiants sont instrumentalisés dans la défense
des avantages du corps académique). Le pouvoir de négociation des académiques (maîtres de
conférence, professeurs) est d’autant plus important que ceux‐ci sont des fonctionnaires nommés à
vie et jouissant d’un statut. Si ce système octroie aux académiques une grande liberté, il est aussi
générateur d’anomie (on ne se sent pas appartenir à une université particulière – et les universités
de province sont encore souvent considérées comme les marchepieds d’une carrière parisienne). Il
est aussi très centralisé, avec une structure top‐down très marquée. Le centre est peu au fait du
mécontentement qui peut s’accumuler et l’information circule mal. Finalement c’est aussi un
système assez pauvre car c’est lui qui accueille tous les mouvements de massification de
l’enseignement supérieur. Le modèle français est en effet aussi dual, et c’est le secteur des Grandes
Ecoles élitistes qui assure la reproduction des élites françaises (qui ne se sentent donc a priori pas
très concernées par les problèmes de l’université). C’est aussi un modèle où la recherche est
essentiellement menée dans des organismes relativement séparés de l’université, dont le CNRS.
Mitterand donnera dès le début des années 80 à ses agents un statut de fonctionnaire (également
nommé à vie). L’université française à l’orée des années 80 ne ressemble donc guère à ses paires
15
européennes : elle possède peu d’identité, elle ne forme pas les élites et la recherche de pointe ne
s’y exécute pas.
Au départ, quand Mitterand arrive au pouvoir, il semble que la France s’engage dans une voie
opposée à celle de l’Angleterre, en menant de 1981 à 1983 une politique de relance keynésienne, qui
se traduit par une croissance tirée par la consommation mais vite accompagnée de lourds déficits
commerciaux pesant sur la parité du franc avec le mark. La France doit décider si elle poursuit sa
« voie originale » ou si elle s’aligne sur ses partenaires européens et privilégié l’intégration (dont le
maintien de parités fixes avec le mark). C’est ce dernier choix qui est opéré en 1983, et à partir de là
la France fait le choix d’une politique de rigueur et de franc fort dans le cadre d’une Europe de plus
en plus intégrée. En 1986, ce sera l’Acte Unique qui réalise réellement un vrai marché commun à
l’ensemble de l’Europe (jusque là on était plutôt dans un modèle d’union douanière). Les secteurs
traditionnels français comme la sidérurgie et les mines ne peuvent survivre et on assiste à la
désindustrialisation de nombreuses régions (Nord‐Pas‐de‐Calais, Lorraine…) et à la montée en flèche
du chômage, notamment des jeunes. Tout cela va peser, car le gouvernement (surtout socialiste)
doit montrer qu’il fait quelque chose sur ces questions, alors même qu’il a abandonné les outils
classiques (les politiques budgétaires et monétaires actives de soutien à la conjoncture dans une
lignée keynésienne). Les politiques d’éducation et de formation vont à partir de la seconde moitié
des années 80 prendre une place croissante (Deer et Demeulemeester, 2004).
L’échec des politiques de changement radical sur le modèle anglo‐saxon ont montré leurs limites lors
de la première cohabitation (1985 : retrait du projet Devaquet qui aurait permis aux universités de
sélectionner les étudiants), ce sont des politiques des petits pas au niveau des réformes
institutionnelles qui se mèneront, parallèlement à des politiques d’expansion quantitative (en ligne
avec les messages des théories économiques d’alors ; voir la volonté de Chevènement de mener 80%
d’une classe d’âge au baccalauréat). La politique d’expansion quantitative de l’enseignement
secondaire (baccalauréat) et supérieur sera un succès, mais pas la volonté d’attirer les jeunes vers les
formations les plus directement professionnalisantes. Les politiques de réforme institutionnelles,
moins spectaculaires, ouvrent la voie à la création de véritables universités (avec une identité liée à
la nécessité de définir un projet d’établissement et une stratégie commune dans un climat de plus en
plus concurrentiel). En 1985, avec le C.N.E., on introduit le concept d’évaluation (mais qui sera
appliqué moins sévèrement qu’en Angleterre et auquel on ne couplera pas le financement). Dans la
seconde moitié des années 80 apparaît aussi la politique de contractualisation (dès 1989) entre l’Etat
et les universités (voir Musselin, 2001) : les universités doivent définir des objectifs et une
planification financière sur 4 ans. Les Présidents d’université négocient directement avec le
Ministère et on voit aussi apparaître (en parallèle de la décentralisation) un rôle de plus en plus
important des régions. Donc peu à peu on voit, par ces réformes, la lente émergence d’une
autonomie (encore très relative) des universités, une différenciation et de la concurrence (à très
petite échelle encore). A la fin des années 80, le bilan semble assez maigre : on garde intact le
système des Grandes Ecoles qui monopolisent la formation des élites, le CNRS concentre l’essentiel
des efforts de recherche, les droits d’inscription et la politique des personnels universitaires restent
extrêmement centralisés à Paris. Quant aux maigres initiatives pour enclencher une dynamique de
concurrence et d’évaluation, elles subissent le contre‐coup de la faiblesse des moyens mis à la
disposition de ces politiques et la volonté de ne pas s’engager dans une direction trop dure comme
en Angleterre. Le gouvernement sait que le milieu universitaire est volatile et ne veut pas s’y
attaquer frontalement.
16
On a vu qu’en Angleterre le succès des réformes était intimement lié à la structure décentralisée du
système (pas de sentiment d’appartenance à un système national d’enseignement supérieur ; donc
peu d’actions coopératives des universités anglaises face au gouvernement), sur laquelle le
gouvernement a pu jouer en diminuant les financements publics et accroître la compétition entre
institutions en mettant en place la conditionnalité de ces derniers. La France avant la crise de 2007
est encore restée globalement avec le même système que dans les années 90. Mais cette fois, le
gouvernement français va se lancer dans une réforme structurelle majeure qui augure sans doute de
la possibilité dans le futur de mener avec succès des réformes plus rudes à l’anglo‐saxonne :
l’autonomie réelle des universités. Entre 2007 et 2009, Valérie Pécresse, malgré une violente
opposition, va réussir à faire passer deux décrets majeurs. Il y a d’abord le 10 août 2007 la loi
portant sur la liberté et responsabilité des universités (dite loi LRU), qui met fin au budget fléché en
central (75% du budget jusque‐là) et donne une réelle autonomie aux établissements en matière de
ressources humaines voire d’immobilier, qui réduit la taille des conseils d’administration (on passe de
30‐60 membres à 20‐30) et les ouvre sur l’extérieur (le monde socio‐économique : il faut au moins un
patron d’entreprise) et donne enfin des pouvoirs forts au président d’université (distribution de
primes, possibilités d’engagements en CDD pour des tâches d’enseignement et de recherche,
modulation du service des enseignants‐chercheurs). Il y a ensuite et en continuité le nouveau statut
des enseignants‐chercheurs (Journal Officiel du 25 avril 2009) qui permet une modulation du service
des personnels entre enseignement, recherche et activités de service, dans le cadre d’une
négociation avec le président d’université, et qui introduit le principe d’une évaluation systématique
tous les 4 ans de chaque agent par le C.N.U.
On a donc à la sortie de la crise 2007‐2010 en France les conditions institutionnelles qui ressemblent
beaucoup plus à celles de l’Angleterre des années 80 : les universités autonomes sont en
concurrence, et donc seront moins enclines à se coaliser contre le gouvernement ; et les personnels
académiques sont davantage soumis à la ligne hiérarchique (même si jusqu’ici on ne touche pas à
l’emploi à vie des enseignants‐chercheurs). Donc si la France a sanctuarisé l’enseignement supérieur
en matière de financements publics pendant la crise, elle a néanmoins opéré des changements
majeurs qui laissent augurer de futurs développements très proches de ceux observés en Grande‐
Bretagne dans les années 80‐90. En particulier, le principe de financements conditionnels pour la
recherche semble être acquis, de même que l’objectif de concentration de la recherche sur un
nombre limité de campus dits d’excellence. La France suivrait donc le modèle anglais avec 25 ans de
retard. Vers quel modèle débouchera‐t‐on à long terme ? Le fait que l’Angleterre semble dériver
lentement mais sûrement vers un modèle de privatisation de son enseignement supérieur pose
évidemment question sur le sens des réformes en cours dans les pays européens pendant et après la
crise. C’est à ce type de réflexion que nous nous attelons en conclusion.
CONCLUSIONS : QUEL FUTUR ?
Dans ce chapitre, nous avons cherché à identifier les conséquences de la crise économique et
financière qui a frappé l’Europe en 2008‐2009 (et qui semble connaître ces derniers mois de
nouvelles péripéties avec la crise des dettes souveraines et son impact sur le futur de l’Euro) sur
l’enseignement supérieur (principalement universitaire). Comme il n’y a pas de réel modèle
économique et social européen mais plutôt « des modèles », les réactions à la crise n’ont pas été
identiques. Nous avons distingué un certain nombre de pays (dont l’Angleterre) qui ont opéré des
coupes budgétaires très importantes dans ce secteur, principalement dans l’enseignement (surtout
17
les sciences humaines et sociales), moins dans la recherche. Ils ont préféré épargner le contribuable
moyen et faire porter l’effort de financement sur ceux qui sont censés bénéficier prioritairement des
investissements éducatifs, à savoir les étudiants (droits d’inscription portés de 6000 à 9000 livres).
Nous avons noté que cette politique se situe en continuité directe des politiques menées par le New
Labour de 1997 à 2010 – le rapport qui a mené d’ailleurs aux récentes politiques a encore été
commandité par le dernier gouvernement travailliste. L’évolution sur la longue durée du modèle
d’enseignement supérieur anglais montre cependant que l’accumulation des réformes a sans doute
conduit à un point de non‐retour et à une transformation radicale du système, peut‐être proche
d’une privatisation partielle ou totale et d’une convergence avec le modèle américain. Si à l’origine
le modèle anglais ressemblait étroitement aux modèles européens (universités financées par les
pouvoirs publics, qui leur assurent une forte autonomie et un financement en fonction du nombre
d’étudiants inscrits), avec cependant un certain élitisme (existence d’un réseau d’universités
prestigieuses et participation globalement plus faible à l’enseignement supérieur que dans le reste
de l’Europe jusque dans les années 80), les réformes thatchériennes ont considérablement changé la
donne. Le financement public est resté prépondérant mais sa distribution s’est modifiée par
l’introduction de mécanismes de concurrence administrée, notamment pour ce qui est de la
recherche. Le financement global par tête d’étudiant a lui aussi baissé, tandis que le recrutement
d’étudiants d’outre‐mer se révélait financièrement de plus en plus intéressant pour les universités.
On a ainsi assisté pendant les années 80 et 90 à l’introduction croissante des techniques et de l’esprit
de la gestion du secteur privé dans l’université. Les dirigeants des universités (vice‐chancellors) ont
vu leur pouvoir et leurs émoluments grossir fortement tandis que la situation des professeurs s’est
quant à elle détériorée (fin de l’emploi à vie dès 1988). Les universités ont perdu de leur autonomie
pour être de plus en plus considérées comme de simples outils de la politique économique et sociale
du gouvernement, mobilisées pour renforcer la compétitivité de l’économie britannique et
l’employabilité des jeunes. Les financements publics devenus strictement conditionnels ont aussi eu
tendance à ne plus suffire face à l’accroissement de la participation des étudiants à l’enseignement
supérieur dans les années 90, menant le gouvernement à opter de plus en plus pour une
participation toujours plus forte des étudiants à leurs frais d’étude. Dans un cadre où le
gouvernement contrôle de plus en plus étroitement les universités et leur prodigue (sur base
concurrentielle) un financement de plus en plus insuffisant, nombreuses sont les institutions (surtout
parmi les plus prestigieuses) qui envisagent maintenant une option de totale privatisation. Déjà à
Londres un New College of the Humanities va s’ouvrir en toute indépendance de l’Etat et va réclamer
des droits d’inscription de 18 000 livres.
Nous avons mis en évidence qu’au cœur de la zone Euro, la France et l’Allemagne ont opté pour la
« sanctuarisation » du budget de l’enseignement supérieur. Ces deux pays tendent à prendre au
sérieux la Stratégie de Lisbonne et considérer que l’investissement dans l’enseignement supérieur
aura des retombées économiques et sociales (lutte contre le chômage des jeunes) positives pour
l’ensemble de la collectivité. Cela ne signifie pas pour autant que des réformes dures ne sont pas
menées. Il s’agit ici plutôt de réformes des modes de financement et des structures institutionnelles
et cadres réglementaires. On assiste dans les deux pays à une reprise en mains par le pouvoir central
(l’échelon fédéral en Allemagne qui compense les coupes budgétaires des Länder ; l’état central en
France qui au travers de l’ »autonomie des universités » vise en fait une mise en concurrence
administrée des institutions sur base de critères fixés au niveau central), à la montée de la
conditionnalité des financements (surtout en recherche) et à un désir de renforcer l’élitisme (pick up
18
the winners : pôles d’excellence, campus d’excellence, « labex » en France ; Elite‐Unis en Allemagne).
Ces deux pays cherchent à suivre la stratégie européenne en visant à un accroissement de la
participation aux échelons inférieurs de l’enseignement supérieur (davantage professionnalisés via
les réformes de Bologne et leur suivi propre à chaque pays) et à un élitisme au niveau le plus
supérieur et noble du système (création de véritables universités de recherche dotées de moyens
renforcés qui doivent devenir des pôles d’innovation pour favoriser la compétitivité économique).
En examinant de près les réformes notamment françaises (par exemple les réformes de la ministre
de l’enseignement supérieur Valérie Pécresse, avec la loi L.R.U. de 2007 et la réforme du statut des
enseignants‐chercheurs en 2009, avec l’introduction de la logique de l’évaluation individuelle tous les
4 ans), on ne peut que constater de fortes similitudes avec le début des réformes anglaises dans les
années 80‐90. Plus précisément, la réalisation de l’autonomie des universités dans un cadre de
financement public conditionnel et d’évaluations tous azimuts semble créer toutes les conditions
d’un nouveau modèle où chaque institution va se battre pour ses propres intérêts, facilitant par là
l’introduction de réformes toujours plus radicales. Dans le passé, l’existence d’un statut national pour
les personnels universitaires et d’un financement très centralisé (et fléché à 75%) depuis Paris
rendait de facto très difficile la réalisation en France d’un modèle plus anglo‐saxon. Le risque
permanent était de voir se former une opposition nationale aux projets de réforme universitaires (ce
que l’histoire a confirmé). Les réformes Pécresse cassent cette possibilité de front commun et
permettent également de mener des réformes plus ou moins approfondies selon les régions ou
universités. La France (et plus largement l’Europe continentale qui suit la même philosophie) semble
donc prête pour suivre avec retard l’évolution du modèle anglais. On a vu que ce dernier évoluait lui
vers une possible privatisation et une convergence vers le modèle américain. Il n’est pas impossible
que ce soit le chemin que suivra sous peu l’ensemble du modèle universitaire européen. Ce ne serait
certainement pas une erreur pour les élites qui ont poussé à ces changements, car elles sont
convaincues que le modèle américain d’enseignement supérieur est le meilleur du monde
(universités d’élite qui attirent les meilleurs cerveaux du monde, qui mèneront des recherches de
pointe débouchant sur des innovations aisément transformées en nouveaux produits grâce à un
contexte institutionnel, juridique et financier favorable). La Stratégie de Lisbonne (2000) comme le
rapport Sapir (2003) ont été en effet inspirés par les analyses des économistes néo‐classiques néo‐
schumpétériens (Aghion et Howitt, 2005), eux‐mêmes inspirés par le succès de l’économie
américaine pendant la deuxième partie des années 1990. Les problèmes rencontrés par l’économie
américaine depuis 2007 ne semblent pas modifier drastiquement la foi des élites européennes dans
la nécessité de transformer radicalement le modèle universitaire et plus largement institutionnel
européen pour le rapprocher davantage du modèle américain. Si un tel projet est politiquement
soutenable est une question à laquelle les années qui viennent donneront sans doute une réponse.
Les tensions au sein de la zone Euro et les doutes d’une partie des élites allemandes sur le projet
européen mèneront peut‐être à un échec de l’intégration européenne au profit d’autres options plus
centrées sur les pays entourant le cœur économique allemand de l’Europe. A notre sens, les
politiques d’enseignement supérieur elles‐mêmes ne devraient pas subir d’altérations profondes par
rapport à la tendance actuelle tant le consensus est fort sur une vision strictement utilitariste de
l’enseignement supérieur. In fine la crise n’aura été que le révélateur et l’accélérateur de tendances
en marche depuis au moins trois décennies.
19
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N° 05-03.RS Thibault Biebuyck, Ariane Chapelle et Ariane Szafarz « Les leviers de contrôle
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N° 05-02.RS Pierre-Guillaume Méon « Voting and Turning Out for Monetary Integration:
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N° 05-01.RS Brenda Gannon, Robert Plasman, Ilan Tojerow, and François Rycx «
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Apart from its working papers series, DULBEA also publishes the Brussels Economic Review-Cahiers Economiques de Bruxelles. Aims and scope First published in 1958, Brussels Economic Review-Cahiers Economiques de Bruxelles is one of the oldest economic reviews in Belgium. Since the beginning, it publishes quarterly the Brussels statistical series. The aim of the Brussels Economic Review is to publish unsolicited manuscripts in all areas of applied economics. Contributions that place emphasis on the policy relevance of their substantive results, propose new data sources and research methods, or evaluate existing economic theory are particularly encouraged. Theoretical contributions are also welcomed but attention should be drawn on their implications for policy recommendations and/or empirical investigation. Regularly the review publishes special issues edited by guest editors.
Authors wishing to submit a paper to be considered for publication in the Brussels Economic Review should send an e-mail to Michele Cincera: mcincera@ulb.ac.be, with their manuscript as an attachment. An anonymous refereeing process is guaranteed.
Additional instructions for authors and subscription information may be found on the Brussels
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