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DOCUMENT DE TRAVAIL WORKING PAPER N°12-01.RS RESEARCH SERIES L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET LA CRISE EN EUROPE : QUELQUES REFLEXIONS Jean -Luc DEMEULEMEESTER Avenue F.D. Roosevelt, 50 - CP-140 l B-1050 Brussels l Belgium DULBEA l Université Libre de Bruxelles

L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET LA CRISE EN EUROPE : QUELQUES REFLEXIONS · 2015. 5. 28. · avant la crise (en 2008), pour la plupart des pays européens, le financement public de

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DOCUMENT DE TRAVAIL WORKING PAPER N°12-01.RS RESEARCH SERIES

L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ETLA CRISE EN EUROPE : QUELQUESREFLEXIONS Jean -Luc DEMEULEMEESTER

Avenue F.D. Roosevelt, 50 - CP-140 l B-1050 Brussels l Belgium

DULBEA l Université Libre de Bruxelles

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L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET LA CRISE EN EUROPE : QUELQUES REFLEXIONS 

Jean Luc DEMEULEMEESTER (professeur à l’Université Libre de Bruxelles) 

E‐mail : [email protected] 

JEL codes : I22, I23, I28 

Introduction 

La  crise  économique  et  financière  qui  frappe  le monde  depuis maintenant  plusieurs  années  ne 

pouvait  laisser  l’enseignement supérieur  indemne – pas plus en Europe qu’aux Etats‐Unis.   D’abord 

parce  que  la  crise  a  affecté  l’économie  réelle,  donc  les  débouchés  professionnels  –  et  donc  les 

demandes des  jeunes  face à  l’université et aux Hautes ou Grandes Ecoles.   Le désir d’échapper au 

chômage  peut  conduire  un  nombre  plus  considérable  de  jeunes  à  poursuivre  des  études 

universitaires ou supérieures, ainsi qu’à se soucier davantage de la qualité des formations prodiguées 

(en  termes  d’ouverture  professionnelle)  (Damme  et  Karkkainen,  2011).    Ensuite  parce  que  le 

sauvetage  des  banques  à  l’automne  2008  en  Europe  a  conduit  à  un  accroissement  important  de 

l’endettement  public.   On  a  vu  cette  année  comment  cet  accroissement  d’endettement  public  a 

nourri à son tour une spéculation qui mène les divers états à de brusques mesures d’économie.  Or, 

en Europe, l’enseignement supérieur dépend de façon massive du financement public, y compris au 

Royaume‐Uni.   Enfin,  la crise ne pouvait  laisser  l’enseignement  supérieur  indemne car même  sans 

elle celui‐ci était en voie de réforme radicale.   Dans un sens,  la crise n’a été qu’un révélateur et un 

accélérateur d’évolutions déjà bien présentes depuis deux décennies.   

Dans  ce  chapitre  nécessairement  assez  court,  nous  proposons  une  approche  comparative  et 

historique  de  l’évolution  des  grands  systèmes  d’enseignement  supérieur  européens.    Nous  nous 

proposons  tout  d’abord  de  passer  en  revue  l’impact  de  la  crise  sur  l’enseignement  supérieur  de 

divers  pays  européens,  en mettant  en  avant  certains  qui  ont  fait  le  choix  de  coupes massives  et 

d’économies budgétaires brutales dans  ce  secteur  (Angleterre1, Etats Baltes…)  tandis que d’autres 

(France,  Allemagne)  ont  préféré  « sanctuariser»  ce  secteur  considéré  comme  central  pour  la 

compétitivité,  la croissance et  l’employabilité par  le courant dominant de  la science économique et 

les divers « policy makers ».  Bien entendu, les réponses des divers pays à la crise furent directement 

liées  aux  conditions  socio‐économiques  propres  à  chacun,  ainsi  qu’à  leur  contexte  institutionnel.  

L’Angleterre  n’est ni  la  France, ni  l’Allemagne, que  ce  soit  en  termes d’endettement  (hausse  très 

élevée en Angleterre), de choix de politique monétaire (l’Angleterre est en dehors de  la zone euro) 

ou  de  secteur‐clé  de  la  compétitivité  du  pays  analysé  (les  services  financiers  sont  centraux  en 

Grande‐Bretagne depuis Thatcher, alors que l’Allemagne est un pays exportateur de biens industriels 

de qualité).   Les politiques menées peuvent néanmoins aussi s’interpréter au travers d’une analyse 

de moyenne  durée.    Depuis  la  fin  des  années  90  en  effet,  les  pays  européens  (principalement 

d’Europe  continentale  –  l’Angleterre  étant  largement  en  avance dans  ce domaine)  se  sont  lancés 

dans un vaste mouvement de  réforme de  leurs  systèmes d’enseignement  supérieur  (processus de 

Bologne,  1999)  en  lien  avec  une  ambitieuse  politique  visant  à  faire  de  l’Union  Européenne 

« l’économie de  la connaissance  la plus dynamique et  la plus compétitive du monde » (Stratégie de 

Lisbonne,  2000)  –  en  écho  aux  transformations  observées  dans  la  seconde  moitié  des  années 

                                                            1 C’est à dessein que nous parlons ici de l’Angleterre et non pas du Royaume‐Uni ou de la Grande‐Bretagne. Les politiques et le financement de l’enseignement supérieur ne sont en effet pas les mêmes en Ecosse. 

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nonante  aux  Etats‐Unis  (New  Economy,  Silicon  Valley, modèle  californien…  ‐  voir  Artus,  2001  et 

Finegold 1999).  Il est intéressant de noter qu’en 2010‐2011 la vision du futur des élites européennes 

n’a guère changé et que malgré (ou à cause de) la crise, les objectifs tant de Lisbonne que de Bologne 

ont été reconduits ou revus et approfondis.  Nous étudierons en détail cette stratégie.  Finalement, 

sans doute que pour  comprendre vers où  les  systèmes d’enseignement  supérieur en Europe vont 

s’orienter, il est bon de comprendre dans la longue durée l’évolution d’un modèle particulier mais à 

notre  sens  représentatif :  celui  de  l’Angleterre.    C’est  en  effet  ce  pays  qui  a  joué  un  vrai  rôle  de 

pionnier dans  la mise en place de réformes des systèmes d’enseignement supérieur dès  les années 

80.  Il a connu toutes les phases de transformation d’un modèle initialement relativement proche des 

autres modèles continentaux (universités relativement autonomes même si financées publiquement 

– cadre typiquement humboldtien, avec un certain élitisme) pour évoluer vers quelque chose d’autre 

où en  tous cas  le « centre »  (l’état via ses modes de  financement) contrôle  l’évolution du système 

dans  le  cadre  d’une  concurrence  administrée  (quasi‐marché  et  évaluations  systématiques).    On 

ignore  encore  à  l’heure  actuelle  vers  où  va  évoluer  le modèle  anglais  (privatisation  complète ou 

maintien d’une  concurrence administrée) mais  il est  certain que  les  réformes en  cours en Europe 

depuis les années 90 se calquent bien davantage sur ce modèle que sur celui des Etats‐Unis, malgré 

une certaine rhétorique.  On ne transforme en effet pas du jour au lendemain un système « public » 

en un modèle à  l’américaine hautement différencié  (l’objectif  tracé par  le Manifeste Ritzen de  juin 

2010) (Ritzen, 2009, 2010).   

Dans  la  section  suivante  nous  passons  rapidement  en  revue  les  réponses  politiques  à  la  crise 

économique et financière débutée en 2007 aux USA et frappant  l’Europe à  l’automne 2008.   Après 

avoir souligné  les grandes divergences entre pays européens en termes de politiques menées, nous 

abordons  dans  la  section  suivante  l’analyse  des  politiques  (des  institutions)  européennes 

d’enseignement  supérieur préconisées depuis  les années 90.   Nous  soulignerons  tant  la  référence 

quasi  constante  au  « modèle  américain »  que  le  caractère  plutôt  anglais  des  techniques  de 

gouvernance préconisées pour  tendre  vers  ce  résultat.   C’est pourquoi dans une dernière  section 

nous  abordons  plus  particulièrement  l’évolution  du  modèle  anglais  depuis  les  années  80.    En 

conclusion, nous chercherons à interpréter les évolutions en cours comme forme d’accélération des 

tendances lourdes existantes (en Europe), tandis que la référence au modèle anglais nous permettra 

de tenter quelques conjectures sur le point final éventuel de ces évolutions en Europe.   

I. IMPACTS DE LA CRISE SUR LES SYSTEMES D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EUROPEENS 

Ce n’est pas  le  lieu  ici d’analyser  les causes et  le déroulement de  la crise économique et financière 

qui a débuté en 2007 aux Etats‐Unis pour se diffuser ensuite au reste du monde, et en particulier en 

Europe.   Dans  le courant des années 2008 (seconde moitié) et 2009, on a assisté à une chute de  la 

croissance marquée, une baisse de  l’inflation (voire un risque de déflation) et une brusque montée 

du  chômage.    Si  la  croissance  économique  a  repris  dès  la  seconde  moitié  de  2009  (d’abord 

modérément,  puis  plus  intensément  en  2010  et  le  premier  trimestre  de  2011  –  les  prévisions 

semblant nettement plus sombres pour la suite), l’impact sur le chômage est resté sensible.  Selon le 

rapport de janvier 2011 de l’European University Association, le taux de chômage dans la zone Euro 

est resté de l’ordre de 10,1% en novembre 2010 contre 9,9% un an plus tôt.  Directement lié à notre 

problématique,  le chômage des  jeunes atteint des niveaux préoccupants : 20,7% (taux de chômage 

des moins de 25 ans) en novembre 2010 dans  la zone Euro, avec une énorme variance  (43,6% en 

Espagne, contre 8,4% aux Pays‐Bas et 8,6% en Allemagne).   La zone Euro elle‐même se caractérise 

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par  une  forte  hétérogénéité  de  ses  performances,  avec  une  zone  dynamique  et  dégageant  des 

excédents commerciaux autour de  l’Allemagne (qui connaît une croissance exceptionnelle au début 

de 2011), et une zone Sud en proie à une croissance atone et des déficits commerciaux et publics 

importants.    Les politiques menées pour  sauver  le  système bancaire  lors de  la  crise de  l’automne 

2008  ont  conduit  à  un  surcroît  d’endettement  public  dans  tous  les  pays.    Dès  que  la  reprise 

économique a semblé revenir, la majorité des états (poussés aussi par la Commission Européenne et 

les  agences  de  notation  préoccupées  par  la  soutenabilité  des  dettes  des  pays  de  la  zone  sud  et 

l’Irlande en ordre principal, mais avec un écho global sur  le maintien ou non de  l’Euro) a mené des 

politiques  de  réduction  des  déficits  parfois  extrêmement  drastiques.    Les  universités  et  écoles 

supérieures européennes,  financées publiquement pour  la plus grande part  (David, 2009),  se  sont 

retrouvées  en  première  ligne  dans  le  cadre  de  ces  mesures  d’économie  (d’autant  plus  que 

l’enseignement supérieur entre en conflit avec d’autres postes budgétaires comme les soins de santé 

– vus comme plus prioritaires peut‐être par des populations plus âgées).  Selon les chiffres de l’OCDE, 

avant  la  crise  (en  2008),  pour  la  plupart  des  pays  européens,  le  financement  public  de 

l’enseignement supérieur représente entre 75% et 95% du total.   

Selon  le  rapport  de  l’European  University  Association  (EUA)  de  janvier  2011,  les  systèmes 

d’enseignement supérieur des différents pays européens ont été affectés de façon très variée (EUA, 

2011).   Chaque pays  (ou groupe de pays) a en effet été  frappé différemment par  la crise et à des 

moments différents (certains plus tôt, d’autres plus tard).  La tendance globale dans l’ensemble des 

pays européens a été à la baisse des moyens (« budget cuts ») mais avec une intensité fort variable 

selon les pays.  Certains pays qui avaient été très fort touchés par la crise et souhaitaient opérer un 

effort très marqué ont opéré des coupes parfois très importantes dans le budget de l’enseignement 

supérieur  (cas de  la  Lettonie, de  l’Angleterre, de  l’Italie, de  la Grèce),  tandis que d’autres  se  sont 

contentés de postposer leurs engagements à accroître le financement public dans ce domaine.  Des 

pays  comme  la  France  et  l’Allemagne  ont  maintenu  leurs  engagements  et  ont  quelque  part 

« sanctuarisé »  les  dépenses  d’enseignement  supérieur  (mais  ont  néanmoins  accompli  un  certain 

nombre  de  réformes).    En  général,  lors  de  ces  réductions  budgétaires,  l’enseignement  a  été  plus 

touché  que  la  recherche  (nous  y  reviendrons  plus  loin  –  cela  se  comprend  dans  le  cadre  de  la 

tendance  lourde du processus de réforme des systèmes d’enseignement supérieur européens).   Ce 

fut ainsi  le cas en Angleterre  (seules  les  sciences dures –  les « STEM2 »  ‐ y ont été préservées des 

coupes massives dans  l’enseignement au niveau « undergraduate »), de  l’Estonie, de  la Lettonie, de 

la Hongrie et de la Belgique flamande. 

On va étudier maintenant ce qui se passe dans deux groupes extrêmes de pays – ceux qui coupent 

massivement dans les dépenses d’enseignement supérieur par rapport à ceux qui les maintiennent. 

Impacts dans les pays « budget cutters » 

Comme on  l’a souligné, on a assisté à des coupes budgétaires brutales dans quatre pays : Lettonie, 

Italie, Grèce et Grande‐Bretagne3.  La Hongrie, l’Islande et l’Irlande ont connu eux aussi (comme pays 

les  plus  tôt  touchés  par  la  crise)  des  baisses  dans  le  budget  central  affecté  à  l’enseignement 

supérieur  entre  2007  et  2010  (Damme  et  Karkkainen,  2011).    En  Lettonie,  une  première  coupe 

budgétaire de 48% au début 2009 a été suivie d’une autre de 18% en 2010 (sous la pression du FMI 

                                                            2 STEM, pour “Sciences, Technology, Engineering, Medicine and Mathematics.” 3  Nous nous fonderons ici sur le Rapport de l’EUA de janvier 2011. 

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et  de  la  Banque Mondiale),  avec  toutes  les  conséquences  « qualitatives »  que  l’on  peut  imaginer 

(fermeture  de  départements,  changements  structurels,  privatisation  partielle…).    En  Italie,  on 

anticipe une baisse des moyens budgétaires de  l’ordre de 20% d’ici 2013.   De par  la contrainte qui 

pèse sur  les droits d’inscription  (ceux‐ci ne peuvent excéder 20% de  leur  financement public  total) 

certaines  universités  sont  au  bord  de  la  banqueroute  (EUA,  2011).    La  Grande‐Bretagne  (plus 

exactement l’Angleterre) est un cas exemplaire sur lequel nous reviendrons en détail.  Il suffit ici de 

dire que le gouvernement conservateur en place (dans la lignée de ce que préconisait le rapport de 

Lord Browne of Madingley d’octobre 2010,  commandé par  le  gouvernement  travailliste ; Browne, 

2010) prévoit une baisse de 40% du budget de l’enseignement supérieur anglais d’ici 2014‐2015 ‐  la 

plus grosse partie affectant  l’enseignement  (le budget d’enseignement des universités est diminué 

de 79%) – principalement des sciences humaines et sociales (plus de financement public au niveau 

« undergraduate »).    Cette  baisse  drastique  des moyens  pour  l’enseignement  supérieur  doit  être 

compensée  par  une  hausse  drastique  des  droits  d’inscription  (entre  6,000  et  9,000  livres)  afin 

d’épargner le contribuable.   

Impact dans les pays qui sanctuarisent l’enseignement supérieur 

La France est un des pays au cœur de  la zone Euro et de  la construction européenne.   Fidèle à ses 

engagements pris dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, ainsi qu’à l’esprit de la recommandation 

au  Conseil  européen  sur  la  « modernisation  des  universités  européennes »,  elle  a  fait  de 

l’enseignement supérieur le seul secteur qui échappe aux coupes budgétaires.  Afin de financer entre 

autres les dépenses d’avenir, elle a lancé un « Grand Emprunt » qui va contribuer à un accroissement 

public  global  significatif de  l’enseignement  supérieur.   Ainsi pour  2010,  selon  le  rapport  de  l’EUA 

(EUA,  2011),  11 milliards  d’euros  sont  prévus  pour  des  investissements  destinés  à  améliorer  la 

qualité  globale  de  l’enseignement  supérieur,  8  milliards  destinés  à  financer  la  recherche,  et  8 

milliards  « sélectifs »  pour  créer  de  nouveaux  « campus  d’excellence »  ou  en  restructurer.    Pour 

2011, les perspectives restent positives avec un accroissement supplémentaire du budget de l’ordre 

de 4,7 milliards d’euros.   Ces  investissements  sont destinés à accroître  l’attractivité de  la  carrière 

d’enseignant‐chercheur, soutenir  la réforme de  l’université (voir plus  loin –  loi LRU « responsabilité 

des  universités »  du  10  août  2007  et  nouveau  statut  des  enseignants‐chercheurs  en  2009),  la 

politique sociale étudiante et accroître  les ressources pour  la recherche.   Le rapport de  l’EUA (EUA, 

2011) souligne cependant qu’une grande partie de ces  investissements consistent en contributions 

en  capital  et  dès  lors  les moyens  effectivement  reçus  par  les  universités  dépendront  donc  des 

marchés  financiers  avec  les  risques  que  cela  comporte  (montants  potentiellement  plus  faibles 

qu’anticipés – on observe depuis quelques mois une forte instabilité des marchés financiers).  Toutes 

ces mesures se prennent dans un cadre de réformes institutionnelles très importantes sur lesquelles 

nous  reviendrons plus  loin  (et marquées du  sceau d’un  certain  élitisme, de mise  en  concurrence, 

d’évaluations  systématiques  et  de  concentration  des  moyens  sur  des  laboratoires  et  campus 

« d’excellence »). 

L’Allemagne est  le pays central de  la zone Euro.    Il y a dans ce pays une  réflexion  sur  la  structure 

institutionnelle idéale de gouvernance du système.  Jusqu’ici les Länder (états fédérés) exerçaient le 

plus grand rôle en matière de  financement de  l’enseignement supérieur, mais  le Fédéral a  fait des 

efforts  afin  d’assurer  la  sécurité  financière  des  institutions  d’enseignement  supérieur  et  de 

recherche.    Toujours  selon  l’EUA,  un  « pacte  d’enseignement  supérieur »  renouvelé  prévoit  800 

millions d’euros pour  soutenir  la  croissance du nombre d’étudiants  jusque  2015.   Une  « initiative 

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allemande d’excellence » prévoit des  investissements de 2,7 milliards d’euros sur 2012‐2015  (EUA, 

2011).  Un « Pacte d’innovation et de recherche » prévoit un financement additionnel via une hausse 

de 5% par an.   D’autres  ressources  financières  sont garanties  sur  les 10 prochaines années via un 

« Pacte pour accroître  la qualité de  l’enseignement » ainsi qu’une augmentation de 2% des niveaux 

actuels de soutien aux étudiants (EUA, 2011).   Parallèlement,  l’Allemagne tend à aller dans un sens 

diamétralement  opposé  à  la  tendance  observée  en  Angleterre  en  supprimant  complètement  les 

droits  d’inscription  dans  les  universités.    Chaque  Land  tend  à  les  supprimer  (par  exemple  en 

Rhénanie‐du‐Nord‐Westphalie  récemment).    On  assiste  aussi  à  une  reprise  en  main  lente  mais 

certaine de  la part du niveau  fédéral  via  le biais  financier.    Les  états  fédérés opérant des  coupes 

budgétaires dès 2011, le Fédéral vient compenser et accroît son pouvoir.   

Quelques réflexions 

On voit bien qu’il n’y a pas de tendance commune à l’ensemble de l’Europe.  On observe qu’il existe 

un lien clair entre le type de capitalisme (pour reprendre cette thématique – cf. Michel Albert, 1991 ; 

Bruno Amable,  2005; André  Sapir,  2006)  et  le  type  de  réformes  d’enseignement  supérieur mené 

suite à la crise.  Les modèles de marché anglo‐saxon comme l’Angleterre ou les pays baltes tendent à 

mener des coupes budgétaires très importantes et tendre vers une forme de privatisation.  Les pays 

du  monde  capitalisme  méditerranéen  (décrié  tant  pour  son  inefficacité  que  pour  son  inéquité) 

tendent à faire de même – ce qui au vu de  leurs problèmes de compétitivité n’est peut‐être pas  la 

meilleure politique à suivre.  Ce sont les pays au cœur du « capitalisme rhénan » (aussi membres de 

la zone Euro,  imposant certaines contraintes sur  leur politique économique – comme  l’impossibilité 

de jouer de l’arme de la dévaluation compétitive et les poussant peut‐être à davantage sauvegarder 

la qualité de leurs produits – choix d’une voie « talents élevés – produits de qualité – main d’œuvre 

chèrement payée »,  la « high wage – high  skills  route » pour  suivre Finegold et Soskice, 1988) qui 

restent attachés au maintien de leur engagement budgétaire vis‐à‐vis des systèmes d’enseignement 

supérieur et de recherche.   Là,  la stratégie de Lisbonne et  la déclaration de Bologne sont prises au 

sérieux.   On  y  suit  les préceptes de  la nouvelle  théorie de  la  croissance « néo‐schumpétérienne » 

(Aghion et Cohen, 2004 ; Aghion et Howitt, 2005) pour  laquelle, en  se  rapprochant de  la  frontière 

technologique,  les  pays  européens  les  plus  avancés  doivent  miser  sur  l’innovation  plutôt  que 

l’imitation pour générer de  la  croissance.    Les  systèmes éducatifs  imaginés  juste après  la  seconde 

guerre mondiale pour répondre aux besoins d’économies en reconstruction et en voie de rattrapage 

technologique par rapport aux USA doivent être réformés.  Ces divergences entre groupes de pays en 

fonction des grandes stratégies économiques suivies avaient déjà été constatées par certains auteurs 

(Deer,  2002 ;  Demeulemeester  et  Deer,  2004)  dans  les  années  80  et  90  –  entre  l’Angleterre 

(spécialisée dans les services financiers, jouant de la flexibilité du marché du travail, de taxes faibles 

et du flottement de la livre – et investissant relativement peu dans l’éducation et la formation) et la 

France (intégrée dans la zone euro, obligée de miser davantage sur le capital humain, la recherche et 

la qualité de ses produits).  Nous reviendrons dans la suite de ce chapitre sur cette question.   

II. MISE EN PERSPECTIVE : LES TENDANCES LOURDES DES POLITIQUES D’ENSEIGNEMENT 

SUPERIEUR  PRONEES  PAR  L’UNION  EUROPEENNE  ET  LES  ETATS  DEPUIS  LA  FIN  DES 

ANNEES 90 

Pour  donner  du  sens  à  ces  différentes mesures,  parfois  extrêmement  drastiques,  prises  dans  les 

différents pays européens à  la suite de  la crise, et tenter de discerner  les  lignes d’évolution futures 

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probables des modèles européens d’enseignement supérieur, il y a lieu de replacer ces évènements 

récents  dans  le  trend  général  des  politiques  de  réforme  des  systèmes  d’enseignement  supérieur 

depuis la fin des années 90.  On peut en effet y observer une forme de « logiciel » commun et assez 

cohérent, ainsi qu’un modèle plus ou moins explicitement mis en avant (le modèle américain), ainsi 

qu’un  cheminement  pour  y  arriver  qui  requiert  en  fait  d’importer  dans  l’Europe  entière  les 

techniques  de  gouvernance  du  système  académique  imaginées  en  Angleterre  dès  les  années 80.  

C’est d’ailleurs pourquoi dans la section III nous étudierons plus avant cette évolution.   

La transformation des modèles européens d’enseignement supérieur : les tendances de fonds 

Le mouvement de réforme des systèmes d’enseignement supérieur a débuté dans un certain nombre 

de pays pionniers dès les années 80 (en Europe : Angleterre et Pays‐Bas).  Dès la fin des années 80, 

au niveau de  ce qui était encore  la Communauté économique européenne, on voit  se  former des 

groupes d’influence patronaux (par exemple l’ERT, European Roundtable of Industrialists, regroupant 

les représentants de très grandes entreprises européennes du moment) qui suggèrent des réformes 

qualitatives  importantes  au  niveau  des  curricula  (tous  niveaux  d’enseignement  confondus),  de  la 

structure  des  systèmes  d’éducation  et  de  la  culture  à  y  insuffler  (entrepreneuriale).    Les  firmes 

européennes  se  trouvent  en  effet  confrontées  à un  environnement de plus  en plus  concurrentiel 

avec  la mise  en  place  du Marché Unique  européen  (1986),  bientôt  suivie  de  la  libéralisation  des 

mouvements  de  capitaux  et  l’ouverture  croissante  des  économies  européennes  à  la  concurrence 

internationale.   Cette  tendance se marquera encore plus avec  l’effondrement du bloc de  l’Est  (dès 

novembre  1989),  la  tendance  vers  l’abaissement  généralisé  des  barrières  aux  échanges  (avec  la 

constitution  de  l’Organisation Mondiale du Commerce  en  1995),  et  le  changement  technologique 

avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.  Dans un 

univers  globalisé,  où  on  voit  de  plus  en  plus  émerger  un marché mondial  du  travail  (et  où  les 

travailleurs et  les diverses  régions du monde  sont mises en concurrence  les unes avec  les autres), 

l’idée est que  les Européens, qui ont développé un Etat social généreux et sont dès  lors plus chers 

que la plupart des autres pays (aussi parce qu’ils sont plus productifs), se doivent de compenser leur 

handicap de coût par une haute qualité de leurs productions et une capacité des systèmes productifs 

de  s’adapter constamment aux changements  (notamment des goûts des consommateurs et par  là 

des types de produits demandés).  La pression compétitive réduit d’autre part la possibilité pour les 

firmes  de  former  les  travailleurs  en  leur  sein  –  ce  qui  requiert  de  la  part  du  secteur  éducatif  de 

produire  des  diplômés  mieux  adaptés  –  et  adaptables  –  aux  modifications  de  l’environnement 

économique.   Les anciennes structures éducatives, fort rigides tant  institutionnellement (obligation 

de suivre un curriculum bien circonscrit selon un ordre bien spécifique, souvent assez théorique et 

éloigné  de  la  culture  d’entreprise ;  savoirs  certifiés  par  des  systèmes  de  diplômes  régis 

nationalement  et  publiquement)  que  pédagogiquement  (culture  livresque,  enseignement  ex 

cathedra qui ne donne pas à  l’étudiant un rôle actif et central, et qui  fait peu usage des nouvelles 

technologies  de  l’information  et  la  communication),  sont  fortement  décriées.    A  ce  propos,  la 

Commission  Européenne  va  jouer  un  rôle  important  dans  la  diffusion  de  ces  idées  initialement 

limitées au monde patronal.  La publication en 1995 du Livre Blanc Enseigner et Apprendre.  Vers la 

société cognitive est en ce sens exemplaire.  Il sera suivi par bien d’autres publications appelant à une 

réforme profonde des systèmes d’enseignement supérieur (et de plus en plus de recherche, au fur et 

à mesure que  les nouvelles  théories de  la croissance économique  influencées par  le monde  réel – 

notamment le succès fulgurant de l’économie américaine durant la seconde moitié des années 90 – 

lui donneront un rôle central).  Cependant, l’Union Européenne n’a que des pouvoirs assez faibles en 

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matière d’éducation et de  formation, et  c’est plutôt des Etats eux‐mêmes que viendra  l’impulsion 

décisive aux changements au niveau de l’Europe continentale : la déclaration de la Sorbonne (1998 ; 

portée par  les ministres français, anglais, allemands et  italien de  l’enseignement supérieur) bientôt 

suivie un  an plus  tard de  la déclaration de Bologne  (juin 1999,  contre‐signée par 27 pays ?  et  en 

regroupant aujourd’hui 46).  Le succès de cette déclaration n’est pas anodin et son adoption  par un 

nombre  toujours  croissant  de  pays  n’est  pas  un  hasard,  mais  la  réponse  à  des  contraintes 

fonctionnelles du capitalisme.   On ne doit pas  ici sous‐estimer  le  rôle de  la France et de ses élites 

dans la diffusion du système – un pays confronté au niveau national à de gros problèmes de blocage 

de réformes dures de l’enseignement supérieur analogues au cas anglais pour des raisons que nous 

expliquerons plus avant dans la dernière section.   

La déclaration de Bologne en  juin 1999 est une  initiative des états – et pas de  l’Union Européenne 

(même  si cette dernière cherchera à capturer  le processus au cours de  la décennie 2000).   Elle  se 

donne pour objectif d’accroître la visibilité et l’attractivité de l’enseignement supérieur européen par 

une  harmonisation  des  structures  (sur  le  modèle  anglo‐saxon  Bachelor‐Master‐Doctorat),  par  la 

facilitation de la mobilité des personnels et étudiants à l’intérieur de l’Union – ce qui passe à la fois 

par  la  systématisation  du  recours  aux  ECTS  (censés  mesurer  la  charge  de  travail  effective  de 

l’étudiant) et une évaluation transparente de  la qualité des  formations.   On glisse assez  facilement 

vers  l’idée  d’une  mise  en  concurrence  et  un  étalonnage  des  performances  des  universités, 

départements,  et  bientôt  professeurs  eux‐mêmes.    On  n’est  pas  loin  de  l’idée  de  marché  de 

l’enseignement  supérieur  européen  – mais  celui‐ci  reste  néanmoins  considéré  comme  un  « bien 

public ».   On recourt plutôt au concept d’Espace européen d’enseignement supérieur (et assez vite, 

une fois lancée la stratégie de Lisbonne, de la recherche).  L’objectif avoué est de renforcer la qualité 

et donc l’attractivité et la compétitivité de l’enseignement supérieur européen afin de faire en sorte 

qu’il  puisse  rivaliser  avec  le modèle  américain  et  être  capable  d’attirer  à  son  tour  les meilleurs 

cerveaux du monde – vus comme la ressource rare à attirer dans ce que l’on appelle l’économie de la 

connaissance.  A cet objectif extérieur s’ajoute un objectif intérieur de renforcer l’employabilité des 

jeunes européens en  stimulant  la mobilité,  l’apprentissage des  langues et un « esprit européen », 

ainsi que stimuler la qualité des institutions européennes par leur mise en concurrence induite par la 

stimulation de la mobilité et les mécanismes d’évaluation et d’accréditation promus par le processus 

de Bologne.  La « stratégie de Lisbonne » (2000) qui vise à faire de l’Union Européenne l’économie de 

la connaissance  la plus compétitive du monde d’ici 2010 va également donner une  impulsion à ce 

processus en donnant aux universités un rôle‐clé. 

Ces transformations et ces actions politiques doivent se comprendre dans le contexte particulier des 

années  90  et  en  particulier  le  succès  qui  semble  fulgurant  de  l’économie  américaine  (ce  qu’on  a 

appelé  la  « New  Economy »,  Artus,  2001).    L’économie  américaine  connaît  alors  un  taux  de 

croissance double de celui de  l’économie européenne, portée par une économie  innovante  fondée 

sur un réseau d’universités de pointe mondiale, capables d’attirer les meilleurs cerveaux du monde, 

générant des  innovations très vite transformées en produits commercialisés par des diplômés aussi 

inventifs qu’entrepreneuriaux, soutenus par un éco‐système  favorable  (taxation  faible, marchés du 

travail et des produits très dérégulés, marché du capital ouvert et flexible).  Le modèle californien de 

la Silicon Valley s’impose tout particulièrement dans  les esprits (Finegold, 1999).   Ce qui est né plus 

ou moins spontanément aux USA (du moins, ce qui est le fruit d’une longue évolution endogène), les 

élites  européennes  veulent  le  reproduire  au  sein  de  l’UE  dans  un  contexte  tout  différent :  les 

marchés sont compartimentés,  les marchés du travail et des produits sont encore assez rigides,  les 

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universités  sont de petite  taille et peu présentes aux  sommets de  la hiérarchie des universités de 

recherche mondiale – et relativement peu attractives.   Les économistes néo‐classiques, notamment 

ce qu’on nomme  les théoriciens de  la croissance endogène, ont mis en avant dès  les années 80‐90 

toute  l’importance du capital humain  (son accumulation dans  les modèles à  la Lucas, 1988) ou de 

l’innovation (dans les modèles où la partie du stock de capital humain affecté à la croissance joue un 

rôle  central ;  Romer,  1990,  1993 ; Aghion  et Howitt,  1992)  dans  l’atteinte  d’une  croissance  auto‐

entretenue.   Ces modèles exerceront une  influence certaine au niveau des politiques économiques, 

notamment au sein de  l’Union Européenne au travers de Philippe Aghion dont  les travaux  irriguent 

en partie  la stratégie de Lisbonne et surtout  le rapport Sapir (2003).   Leur  idée centrale est que  les 

économies  européennes  en  se  développant  après  la  deuxième  guerre mondiale  via  une  stratégie 

d’accumulation et d’imitation, ont rattrapé le niveau technologique américain dès les années 80.  Les 

institutions qui étaient optimales pour générer de la croissance dans le cadre de la reconstruction et 

des  Golden  Sixties  se  révèlent  inadéquates  une  fois  que  l’on  se  rapproche  de  la  frontière 

technologique.  A ce niveau c’est l’innovation qui serait génératrice de croissance.  Pour la stimuler, 

ce sont les institutions qu’il faut modifier, et donc aussi les institutions éducatives.  D’un système qui 

porte des masses d’étudiants à des niveaux de diplôme  intermédiaires  (le secondaire supérieur),  il 

faut passer à un système qui pousse davantage l’enseignement supérieur, et en particulier certaines 

filières d’excellence.   Une différenciation du paysage d’enseignement supérieur s’impose, avec à  la 

fois une massification à un niveau plus élevé mais plus professionnalisé pour  la grande partie de  la 

jeunesse qui va s’intégrer dans un marché du travail de plus en plus dur, globalisé et mouvant – et un 

système d’institutions de  recherche et d’excellence mondiale  capables d’attirer  les meilleurs pour 

contribuer à  l’innovation.   Ces réformes s’insèrent dans un tissu d’autres  (Aghion et Howitt, 2005), 

qui grosso modo visent à  libéraliser les marchés, accroître la concurrence, favoriser un financement 

flexible  des  entreprises  innovantes  (plus  via  le  marché  des  capitaux  que  par  les  banques).  

Influençant  tant  les  réformes nationales  (voir  le  rapport Aghion et Cohen, 2004) qu’européennes, 

elles se sont traduits dans un vaste mouvement de réforme des systèmes européens d’enseignement 

supérieur. 

La nécessité  de  changement  va  se  traduire par un pilotage par  en haut du  système, même  si on 

utilise en parallèle la mise en concurrence (contrôlée) pour identifier les meilleurs institutions.  C’est 

ici  que  l’on  se  rend  compte  que  les  réformes menées  au  cours  des  années  2000  en  Europe  et 

singulièrement  accélérées  par  la  crise  (c’est  certainement  le  cas  en  France  avec  les  réformes 

Pécresse, la loi L.R.U. d’août 2007 et le nouveau statut des enseignants‐chercheurs en 2009) se sont 

inspirées directement des réformes menées en Angleterre.    Il s’agissait en effet de faire bouger  les 

systèmes  d’enseignement  supérieur  au  départ  publics  vers  une  direction  voulue  par  les  pouvoirs 

politiques – et c’est sans doute cela  là que  l’Angleterre a servi de modèle à suivre pour  le reste de 

l’Europe. 

III.  LES RÉFORMES ANGLAISES DES  SYSTÈMES D’ENSEIGNEMENT  SUPÉRIEUR DEPUIS  LES 

ANNÉES 80 : UN MODÈLE POUR LES PAYS EUROPÉENS DANS LES ANNÉES 2000 

Pour  bien  comprendre  le  sens  des  évolutions  en  cours  actuellement  en  Europe  continentale,  et 

notamment l’importance des réformes institutionnelles réalisées à la faveur de la crise en France et 

en  Allemagne  notamment,  il  faut  retourner  à  l’histoire  longue  d’un  modèle  particulier  dont  la 

transformation radicale sert à notre sens de modèle pour l’évolution future probable dans le reste de 

l’Europe : le cas anglais.  Il est clair qu’il semble a priori difficile de dessiner un portrait commun aux 

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réformes menées dans  les différents pays  européens,  tant  compte  la dépendance  à  la  trajectoire 

institutionnelle.   Même sur  la base de mêmes  injonctions  les réformes menées dépendent en effet 

fortement  de  la  base  institutionnelle  de  départ  (la  manière  dont  les  systèmes  d’enseignement 

supérieur ont  été organisés), qui diffère  fortement d’un pays  à  l’autre.   Cela ne  signifie pas pour 

autant qu’il n’y aura pas convergence sur le long terme.  La question que nous tentons d’élucider ici 

est de voir  si France et Allemagne, apparemment aujourd’hui éloignées de  l’évolution actuelle du 

modèle  anglais, ne  suivent néanmoins pas  la même évolution mais  retardée.   C’est un peu notre 

thèse : la crise a permis de faire sauter dans une série de pays les verrous qui empêchaient jusque‐là 

la  transformation  radicale des  systèmes d’enseignement  supérieur  selon  le modèle de ce qui  s’est 

passé en Angleterre depuis les années 80.  Pour bien le comprendre nous proposons ici une analyse 

de  l’évolution  de  ce  modèle  depuis  la  fin  des  années  70,  avec  en  contrepoint  une  approche 

comparative avec ce qui fut longtemps considéré comme le contre‐modèle (celui où les tentatives de 

réforme ont longtemps échoué pour des raisons que nous évoquerons), à savoir la France. 

Pourquoi une comparaison France‐Angleterre ? 

Ces  deux  pays  sont  de  taille  (en  termes  de  population)  comparable,  avec  un  niveau  de 

développement économique également semblable et des valeurs sociétales/politiques globalement 

proches.    Ils  sont  intéressants  à  étudier  en  termes d’évolution de  leurs  systèmes d’enseignement 

supérieur car à partir du début des années 80 ces deux sociétés feront des choix socio‐économico‐

politiques différents mais stables.  En France, à partir de l’élection de François Mitterand (mai 1981) 

jusque 1995 (et de 1997 à 2002), on suivra une voie sociale‐démocrate (ou socialiste selon les points 

de vue), avec quelques épisodes de cohabitation avec  la droite – suivie depuis  lors par une période 

où  la droite est au pouvoir.   En Grande‐Bretagne, de 1979 à 1997 on suivra une voie conservatrice 

avec Thatcher puis John Major comme premiers ministres – suivie d’une période « new  labour » de 

1997  à  2010.    L’enseignement  supérieur  sera  profondément  réformé  en  Angleterre,  alors  qu’en 

France un grand nombre de grandes  réformes  seront bloquées  (ce qui ne  signifie pas pour autant 

absence de  réformes).   On montrera dans  le  cas  anglais  (dans  la  lignée de Archer, 1979  et Deer, 

2002)  le  rôle‐clé  des  structures  institutionnelles  de  départ,  notamment  celui  de  l’autonomie  des 

institutions  (et  la  facilité  qui  s’ensuit  de  faire  jouer  entre  les  universités  une  concurrence 

administrée),  dans  le  succès  des  réformes.    C’est  ce  que  la ministre  française  de  l’enseignement 

supérieur sous Sarkozy, Valérie Pécresse, semble avoir bien compris.   Les réformes  institutionnelles 

sont centrales afin de préparer le terrain à une mise en concurrence administrée ou quasi‐marché où 

les  institutions  se  battent  pour  être  les meilleures  en  termes  d’indicateurs  fixés  par  la  puissance 

publique et servant de clé à la distribution compétitive des fonds publics.   

Le modèle anglais : le succès des réformes thatchériennes 

Certains  sociologues  (Archer,  1979 ;  Deer,  2002)  ont  mis  l’accent  sur  l’importance  de  ce  qu’ils 

appellent  les  « structures  élaboratives »  (ou  les  fondations  institutionnelles ;  voir  aussi Musselin, 

2005) des systèmes d’enseignement dans  le succès ou  le blocage de  transformations.   Dans  le cas 

anglais,  le  point  de  départ  à  la  fin  des  années  70  est  un  réseau  d’universités  certes  financé 

publiquement mais jouissant d’une large autonomie et d’un pouvoir d’influence certains.  Il faut voir 

qu’à l’époque l’Angleterre est quelque peu en retard par rapport au reste de l’Europe en matière de 

massification.   Le système d’enseignement supérieur après  la seconde guerre mondiale y est  resté 

relativement élitiste  (surtout dans  ses bastions que  sont  les universités  londoniennes et Oxford et 

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Cambridge), ce qui implique deux choses : le système d’enseignement supérieur ne mobilise pas trop 

de fonds et est donc source de relativement peu de soucis (financiers) pour le gouvernement anglais, 

et la faible production de diplômés assure que ces derniers seront plus que probablement membres 

de l’élite – assurant de facto un pouvoir d’influence certain de la part des mêmes universités.  Ainsi, 

longtemps, les universités avaient un accès aisé au financement (elles faisaient état de leurs besoins, 

et en général le gouvernement y suppléait), même si dès 1963 avec la réforme Robbins elles ont dû 

passer  par  l’intermédiaire  d’un  ministère  spécifique.    Le  University  Grant  Committee  (UGC)  qui 

s’occupait des questions de financement était relativement autonome et dominé par les intérêts des 

professeurs.  Bref, jusqu’à la fin des années 70, le pouvoir des académiques et leur degré d’influence 

étaient  importants.   Comme dans  la plupart des modèles de type humboldtien  ils  jouissaient d’une 

liberté académique extrêmement importante, ils gouvernaient leurs université en pleine autonomie 

et avaient un emploi à vie (« tenure »).  Là où cependant cette apparente indépendance et fort degré 

d’influence  avait  son  point  faible,  c’était  justement  au  niveau  de  la  dépendance  au  financement 

public.   In fine,  le degré d’autonomie des universités (très  important pourtant sur  le plan purement 

formel) dépendait de la bonne volonté du gouvernement central. 

Quand Margaret  Thatcher  arrive  au  pouvoir  en  1979,  elle  ne  s’intéresse  pas  de  prime  abord  à 

l’université.    Elle  a  bien  d’autres  soucis :  restaurer  l’économie  britannique  selon  une  nouvelle 

philosophie  (non  plus  keynésienne mais monétariste  et  « supply‐side »),  lutter  contre  l’inflation, 

réduire  les  contre‐pouvoirs  syndicaux,  réintroduire  la  discipline  de  marché  dans  une  série  de 

secteurs,  ouvrir  l’économie  à  la  concurrence  internationale,  réduire  la  dépense  publique  et  les 

subsides, ainsi que  la voilure de  l’état‐providence.   L’enseignement supérieur sera touché de façon 

d’abord  indirecte  par  ces  mesures  (même  si  Margaret  Thatcher  n’apprécie  guère  les  milieux 

académiques,  qu’elle  soupçonne  au  pire  de  marxisme  au  mieux  d’indifférence  aux  besoins  de 

l’économie  britannique  et  de  distiller  une  culture  anti‐business  dans  les  futures  élites)  via 

d’importantes  coupes  budgétaires  et  baisse  du  financement  par  tête  d’étudiant  (‐17%  sur  3  ans 

décidés  en  1981,  « year  of  the  cut »).    Ceci  va  se  révéler  fonctionnel,  car  dans  un  système 

d’universités autonomes, c’est via  le  financement que  le gouvernement central peut  reprendre du 

pouvoir.   En ce sens  la crise peut aussi parfois posséder une dimension fonctionnelle en termes de 

reprise en mains par les autorités centrales du système d’enseignement supérieur.   

A  côté  de  ces  coupes  budgétaires  importantes,  le  gouvernement  de  Thatcher  va  autoriser  les 

universités  à  charger  le  prix  plein  des  études  aux  étudiants  d’outre‐mer  en  provenance  du 

Commonwealth (qui jouissait jusque‐là de conditions favorables).  Dans un contexte budgétairement 

défavorable, ces étudiants vont apparaître  fort  intéressants pour  les universités anglaises qui vont 

commencer à développer des stratégies assez agressives pour  les attirer.   L’internationalisation du 

système va devenir un élément‐clé.   D’autre part,  la diminution des moyens va peu à peu conduire 

les  universités  à  de  voir  se  gérer  de  façon  plus  professionnelle.   On  va  voir  s’opérer  au  sein  des 

universités une montée en pouvoir des dirigeants et de l’administration aux dépens des professeurs.  

Cette tendance se manifestera au travers de l’accroissement des pouvoirs et de la rémunération des 

Vice‐Chancellors.   

La  pénurie  de moyens  et  l’absence  (traditionnelle  en  Angleterre)  de  sentiments  d’appartenance 

collective  à  un  « corps  national »  des  professeurs  d’université,  en  lien  direct  avec  la  très  grande 

autonomie des  institutions  (on  est d’abord de  son université  – Oxford, Cambridge…  ‐  et  très peu 

« professeur d’université »  appartenant  à un  corps national  comme en  France)  va  conduire  à une 

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compétition croissante entre les établissements.  C’est un jeu non‐coopératif qui se met en place au 

cours des années 80, pendant lesquelles les « bonnes universités » (Ox‐Bridge, Russel Group…) vont 

imaginer divers moyens pour monopoliser une partie des  fonds publics en baisse constante.   C’est 

ainsi  que  vers  le  milieu  des  années  80  l’idée  d’un  mécanisme  d’évaluation  de  la  qualité  de  la 

recherche des universités naît, avec l’ambition d’y joindre un financement réellement concurrentiel.  

C’est  la naissance du Research Assessment Exercise (with selectivity), poussé en avant et au départ 

contrôlé par les meilleures universités qui escomptaient par là se réserver au moins la part recherche 

d’un financement public en baisse.   Ce système sera vite « capturé » par  les autorités publiques qui 

comprendront  tout  l’intérêt  qu’il  y  a  à mettre  les  universités  en  concurrence  pour  atteindre  des 

objectifs chiffrés fixés par elles et sur base desquels le financement serait distribué.  On verra dans la 

décennie 90 comment par ce biais  les autorités ont cherché  (et souvent  réussi) à pousser certains 

objectifs comme la concentration de la recherche sur les meilleures institutions. 

En 1988, un « Education Act » est promulgué (qui symbolise un mouvement de reconcentration du 

pouvoir sur tout l’enseignement aux mains du pouvoir central et en dehors des mains des autorités 

locales).  Parmi les décisions prises à cette époque, une sera très importante : c’est la suppression de 

la « tenure »  (emploi à vie) pour  toutes  les nouvelles promotions.   Ceci marque une  rupture claire 

avec l’ancien modèle humboldtien et une perte forte du pouvoir d’influence par les professeurs.  La 

montée en force de la managérialisation dans les universités, du pouvoir des vice‐chancellors et la fin 

de  l’emploi  à  vie  des  professeurs  d’université,  en  relation  avec  l’instauration  de  mécanismes 

systématiques d’évaluation qui servent de bases à  l’attribution des financements, va complètement 

modifier  la  donne  dans  l’enseignement  supérieur  anglais.    Ces  évolutions  sanctionnent  le 

renforcement de la verticale du pouvoir, tant de l’Etat sur les universités que des autorités centrales 

des universités sur  les professeurs et chercheurs.   Dès ce moment,  l’autonomie des universités est 

surtout  une  autonomie  de  moyens  pour  atteindre  des  objectifs  fixés  en  dehors  d’elles  et 

correspondant aux besoins économiques et sociaux tels que traduits par le pouvoir politique.   

Après  le départ de Thatcher en 1990,  la  tendance à  la mise en concurrence et au développement 

d’une  philosophie  de  type  « new  public  management »  sera  encore  renforcée.    En  1992,  les 

anciennes  Polytechnics  sont  rebaptisées  « universités »  et  peuvent  se  battre  avec  les  universités 

traditionnelles pour obtenir  les  fonds  rares de  recherche.   Elles participent donc aussi au R.A.E. et 

cela accroît par  là  le degré de concurrence.   Parallèlement  les années 90 connaissent une explosion 

du  nombre  d’étudiants :  de  1990  à  1996  celui‐ci  double,  mais  il  y  a  une  baisse  de  30%  du 

financement  réel  par  étudiant  (Barr  et  Crawford,  2005).    Cela  conduit  les  autorités  à  repenser  le 

modèle de financement public des institutions d’enseignement supérieur.  Le Dearing Report (1996), 

commandité par  le gouvernement, proposera d’accroître  la part du  financement par  les étudiants 

eux‐mêmes.    On  introduit  l’idée  de  droits  d’inscription  fixes  remboursables  après  les  études  et 

correspondant  à  25%  du  coût  moyen  des  études  supérieures,  soit  1000  livres.    C’est  le  parti 

travailliste qui arrive au pouvoir en 1997 qui va implémenter cette mesure.   

Le modèle anglais sous les « néo‐travaillistes » (1997‐2010) 

Le  nouveau  gouvernement  de  Tony  Blair  va  suivre  les  prescriptions  du  rapport Dearing  en  allant 

encore plus  loin.    Il va en effet obliger  les étudiants à payer  les  frais d’inscription déjà pendant  les 

études (paiement à la fin de chaque année universitaire) et il va remplacer les bourses par des prêts 

étudiants.    Il  faudra  attendre  2004  pour  qu’on  révise  ces mesures  qui  toucheront  durement  les 

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classes moyennes et qu’on décide de reporter  le remboursement des droits à  la fin des études. On 

réintroduit également à nouveau des bourses d’études pour les plus pauvres. 

Ce  radicalisme montre  bien  que  dans  un  sens  le  New  Labour  s’inscrit  dans  la  continuité  de  la 

philosophie  thatchérienne.    Il  s’en détache néanmoins partiellement par  son  souci de mobiliser  la 

puissance publique pour  atteindre des objectifs  jugés désirables  (il n’est pas  en  ce  sens un ultra‐

libéralisme) et à  imaginer des politiques économiques génératrices de croissance.   Influencés par  le 

contexte  américain  (la  nouvelle  économie) mais  aussi  les  experts  (et  notamment  les  leçons  des 

théories  économiques  néo‐classiques,  notamment  les  théories  de  la  croissance  endogène),  il 

souhaite armer au mieux  la Grande‐Bretagne pour affronter  les défis de  la nouvelle économie de  la 

connaissance où la compétitivité des nations comme l’employabilité des individus dépendrait de plus 

en  plus  de  leur  capital  humain  et  leur  capacité  à  en  faire  bon  usage  (faciliter  l’adaptation  au 

changement, innover, entreprendre…).   On retrouve chez les néo‐travaillistes anglais une vision qui 

aura  un  écho  certain  dans  toute  l’Europe :  une  vue  à  la  fois  quantitativiste  d’expansion  de 

l’enseignement  supérieur  (le gouvernement de Tony Blair  se donnera pour objectif de mener 50% 

d’une classe d’âge à participer à l’enseignement supérieur) et une vision plus qualitative de volonté 

de soutenir une recherche de pointe concentrée sur des centres d’excellence mondiale.  Dans cette 

vision, l’éducation est bien sûr au service de l’économie et se doit de donner aux jeunes britanniques 

les  outils  pour  faire  face  à  la  concurrence  croissante.    Le maître‐mot  de  Blair  sera  « éducation » 

(« Education, education, education ! »).  Pour la Grande‐Bretagne, c’est quand même une nouveauté, 

car longtemps le pays a été considéré comme sous‐investissant en capital humain (notamment dans 

la  formation professionnelle et en matière de  taux de participation à  l’université ; voir Finegold et 

Soskice, 1988).  Certains auteurs (Demeulemeester et Deer, 2004) ont vu un lien entre cette stratégie 

d’amélioration de la qualité de la main d’œuvre et donc des biens et services fournis un corollaire de 

la volonté à l’époque d’ancrer davantage la Grande‐Bretagne dans l’Union Européenne voire la zone 

Euro.    Les anciennes  recettes basées  sur un  coût  faible de  la main d’œuvre et une  faible  taxation 

n’étaient alors plus  jugés  suffisants.   On observe en  tous  cas un certain  succès de  cette politique.  

Malgré l’introduction de droits d’inscription à l’université, on va assister au cours de la décennie 2000 

à une forte croissance de l’accès à l’université (de 37% des 18‐23 ans en 2003 à 45% en 2010).  Cette 

expansion  éducative  est  cependant  coûteuse  et  le  gouvernement  anglais  va  en  2004  opter  une 

augmentation du niveau des  frais d’inscription.    Ils peuvent monter  jusqu’à 3000  livres  (ce que  la 

plupart des universités choisira de faire) – mais ce ne seront plus des frais payés pendant les études 

mais  après,  sous  condition  d’un  minimum  de  revenus.    Le  gouvernement  va  également  prêter 

attention au taux de participation des publics les plus défavorisés et sanctionner certaines universités 

qui  comme Oxford  recrutent  fort peu dans  ce  type de milieu.   A  côté de  cette politique  visant  à 

accroître  la  participation,  le  gouvernement New  Labour  va  poursuivre  la  politique  très  élitiste  de 

concentration des moyens de  recherche sur  les universités  les meilleures, par  le biais du Research 

Assessment Exercise.   L’idée est  ici par une  intervention publique (qui n’exclut pas  le recours à des 

mécanismes de concurrence administrée et de financements conditionnels) de répliquer en Grande‐

Bretagne  le  succès  du modèle  californien  (Finegold,  1999).    L’université  de  Cambridge  sera  à  ce 

niveau une sorte de vitrine de ce type de politique.  La politique du New Labour est donc bel et bien 

une  forme de Troisième Voie  (Giddens, 1999) donnant un  rôle certain à  l’intervention publique et 

notamment à un état‐stratège qui pilote la politique d’enseignement supérieur et de recherche dans 

une optique utilitariste (maximiser la contribution à la croissance) et dans la totale acceptation de la 

globalisation et du capitalisme.   

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Le modèle anglais face à la crise 

La crise qui frappe particulièrement  la Grande‐Bretagne va exacerber  la contrainte budgétaire.   Dès 

novembre 2009,  lord Mandelston (secrétaire d’Etat New Labour aux entreprises, à  l’innovation et à 

l’apprentissage) demande à lord Browne of Madingley (un ex‐directeur général de BP) de réfléchir à 

une nouvelle politique d’enseignement supérieur.   Elle va s’inscrire dans  la droite  ligne du Dearing 

Report  en  voulant  en  parallèle  davantage  concentrer  les  moyens  publics  sur  l’essentiel  (pour 

préserver  le  contribuable  anglais  ‐    dans  la  philosophie  qui  domine  actuellement  il  s’agit  des 

disciplines des sciences dures, les « STEM » ‐ « sciences, technology, engineering and mathematics ») 

et en augmentant l’espace de choix laissé à l’étudiant.  On y trouve une foi assez importante dans les 

vertus d’une discipline de marché où l’offre devra s’ajuster à la demande de formation émanant des 

jeunes.   Le Browne Report paraît en octobre 2010 et promet de « garantir un avenir durable pour 

l’enseignement  supérieur »).    D’une  part  il  souhaite  laisser  les  universités  libres  de  décider  du 

montant de  leurs droits d’inscription  (de 6,000 à 9,000 £).   On augmente donc  clairement  la part 

payée par  les étudiants pour préserver  le contribuable mais on ne vise pas  ici des droits payables 

pendant  les études mais après celles‐ci si  les revenus gagnés dépassent un certain seuil.   Les dettes 

non remboursées seront annulées après 30 ans.  On vise pour l’enseignement supérieur à la création 

d’un marché (qui reste en partie administré).  Cela passe non seulement par des droits d’inscription 

qu’on espère différenciés par  institution, mais  aussi par des universités  financées de  façon moins 

récurrente (block grants) mais bien plus en fonction de leur succès auprès des étudiants (en clair, en 

termes de  la demande pour  les « produits » qu’elles offrent).   L’objectif est  ici clairement d’assurer 

que  les  institutions et  les types de cours et de curricula demandés prospèrent et se développent et 

que les autres tendent plutôt à disparaître.  Le rôle de la puissance publique sera de transmettre aux 

étudiants l’information la plus transparente sur l’état présent et futur du marché du travail pour les 

diplômés.    Les  étudiants  étant  supposés  rationnels  et  faire  le meilleur  usage  possible  de  cette 

information, on escompte que  le  libre  choix des étudiants ainsi  responsabilisés devrait  conduire à 

une situation optimale en termes de rencontre des besoins du marché du travail (et d’adaptation des 

institutions universitaires à ces besoins).    

Le modèle anglais est confronté à une série de problèmes récurrents, aggravés par la crise à partir de 

2008.  Ce sont des problèmes qui trouvent un écho dans l’ensemble de l’Europe.  Il y a tout d’abord 

le  problème  de  financement  (jusqu’ici  essentiellement  public)  des  universités  dans  un  cadre 

d’expansion éducative mais aussi de concurrence croissante avec le reste du monde (surtout les USA) 

en matière  de  recherche.    Attirer  les meilleurs  professeurs  (spécialement  lorsqu’on  est  un  pays 

anglophone)  comme  financer  les  infrastructures  de  recherche  coûte  (de  plus  en  plus)  cher.    La 

concentration des moyens  sur un  réseau d’universités d’élite par  la mécanique du R.A.E. ne  suffit 

plus (d’autant qu’il est arrivé au bout de sa  logique, et que  les meilleurs départements ne peuvent 

plus être très récompensés faute de moyens à distribuer), et la Grande‐Bretagne, reconnaissant que 

le  financement  public  est  insuffisant  pour  répondre  adéquatement  aux  défis,  et  soucieuse  de 

préserver le contribuable anglais, a fait le choix de faire participer davantage (et de plus en plus) les 

étudiants au financement de leurs études.  C’est aussi un souci d’équité selon  les protagonistes des 

« top up  fees », en  ce que  les bénéfices de  l’enseignement  supérieur  seraient d’abord  clairement 

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privés et que  faire contribuer  toute  la population serait source de  redistribution  inverse.   C’est un 

argument  que  l’on  commence  aussi  à  entendre  sur  le  reste  du  continent  (Van  Parijs,  2003).    Les 

grandes universités prestigieuses qui se sentent capables de rivaliser avec les meilleures institutions 

américaines  voient  de moins  en moins  d’un mauvais œil  l’idée  d’une  privatisation  totale  qui  les 

libèreraient d’un contrôle étatique étroit.  Récemment, fin 2010, la L.S.E. a envisagé ce scénario sans 

le retenir pour l’instant.   

La  logique  utilitariste  tend  aussi  à  devenir  prioritaire  dans  les  décisions  des  décideurs  politiques.  

Face à  la rareté des moyens publics  (et  la concurrence émanant d’autres postes budgétaires, peut‐

être davantage payant en termes électoraux), il y a un souhait de concentrer les moyens sur le plus 

utile, à  savoir  les études qui  contribueront  le plus à  la  compétitivité de  l’économie britannique et 

l’employabilité des jeunes – et qui ne pourraient pas trouver à se financer par elles‐mêmes (comme 

ce peut être  le cas des business schools).   Les économies budgétaires se font donc sentir davantage 

sur  l’enseignement que  la recherche (la  littérature économique donnant à cette dernière une place 

plus  centrale  dans  les  capacités  de  croissance  des  nations)  et  au  sein  de  l’enseignement  sur  les 

sciences  humaines.    On  a  noté  que  depuis  2010,  l’Angleterre  ne  finance  plus  publiquement 

l’enseignement supérieur en sciences humaines au niveau « undergraduate ».   

Le contre‐modèle français ? 

La France est  longtemps apparue comme  le pays des réformes bloquées (Deer, 2002).   Ce n’est pas 

un hasard, comme on le verra, si les élites françaises ont joué un rôle si important dans le lancement 

des processus européens comme Bologne (façon détournée de circonvenir les blocages internes par 

l’échelon européen ; voir  le rapport Attali, 1998).   Si  l’on repart du début des années 80,  il est clair 

que  le modèle  français  a  des  spécificités  institutionnelles  qui  rendent  tout  à  la  fois  les  réformes 

moins pressantes et plus difficiles à mettre en œuvre (Deer, 2002 ; Musselin, 2001).  C’est en effet un 

modèle public, mais  très centralisé, où  les académiques sont des  fonctionnaires  (« professeurs des 

universités »),  sujets aux mêmes  règles  sur  tout  le  territoire et  conscients d’appartenir à un  corps 

national.  Cela signifie que tout changement est appelé à s’appliquer à l’ensemble des universitaires 

sur  tout  le  territoire  –  ce  qui  peut  facilement  entraîner  des  actions  de  blocage  (d’autant  que  la 

syndicalisation est bien présente et que souvent les étudiants sont instrumentalisés dans la défense 

des  avantages  du  corps  académique).    Le  pouvoir  de  négociation  des  académiques  (maîtres  de 

conférence, professeurs) est d’autant plus important que ceux‐ci sont des fonctionnaires nommés à 

vie et  jouissant d’un statut.   Si ce système octroie aux académiques une grande  liberté,  il est aussi 

générateur d’anomie (on ne se sent pas appartenir à une université particulière – et  les universités 

de province sont encore souvent considérées comme les marchepieds d’une carrière parisienne).   Il 

est aussi  très centralisé, avec une  structure  top‐down  très marquée.   Le centre est peu au  fait du 

mécontentement  qui  peut  s’accumuler  et  l’information  circule  mal.    Finalement  c’est  aussi  un 

système  assez  pauvre  car  c’est  lui  qui  accueille  tous  les  mouvements  de  massification  de 

l’enseignement supérieur.  Le modèle français est en effet aussi dual, et c’est le secteur des Grandes 

Ecoles élitistes qui assure  la reproduction des élites  françaises  (qui ne se sentent donc a priori pas 

très  concernées  par  les  problèmes  de  l’université).    C’est  aussi  un modèle  où  la  recherche  est 

essentiellement menée  dans  des  organismes  relativement  séparés  de  l’université,  dont  le  CNRS.  

Mitterand donnera dès  le début des années 80 à ses agents un statut de fonctionnaire (également 

nommé à vie).   L’université  française à  l’orée des années 80 ne  ressemble donc guère à ses paires 

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européennes : elle possède peu d’identité, elle ne forme pas  les élites et  la recherche de pointe ne 

s’y exécute pas.   

Au  départ,  quand Mitterand  arrive  au  pouvoir,  il  semble  que  la  France  s’engage  dans  une  voie 

opposée à celle de l’Angleterre, en menant de 1981 à 1983 une politique de relance keynésienne, qui 

se  traduit par une croissance  tirée par  la consommation mais vite accompagnée de  lourds déficits 

commerciaux pesant sur  la parité du  franc avec  le mark.   La France doit décider si elle poursuit sa 

« voie originale » ou si elle s’aligne sur ses partenaires européens et privilégié  l’intégration (dont  le 

maintien de parités fixes avec le mark).  C’est ce dernier choix qui est opéré en 1983, et à partir de là 

la France fait le choix d’une politique de rigueur et de franc fort dans le cadre d’une Europe de plus 

en plus  intégrée.   En 1986, ce sera  l’Acte Unique qui réalise réellement un vrai marché commun à 

l’ensemble de  l’Europe  (jusque  là on était plutôt dans un modèle d’union douanière).   Les secteurs 

traditionnels  français  comme  la  sidérurgie  et  les  mines  ne  peuvent  survivre  et  on  assiste  à  la 

désindustrialisation de nombreuses régions (Nord‐Pas‐de‐Calais, Lorraine…) et à la montée en flèche 

du chômage, notamment des  jeunes.   Tout cela va peser, car  le gouvernement  (surtout  socialiste) 

doit montrer  qu’il  fait  quelque  chose  sur  ces  questions,  alors même  qu’il  a  abandonné  les  outils 

classiques  (les  politiques  budgétaires  et monétaires  actives  de  soutien  à  la  conjoncture  dans  une 

lignée keynésienne).   Les politiques d’éducation et de formation vont à partir de  la seconde moitié 

des années 80 prendre une place croissante (Deer et Demeulemeester, 2004). 

L’échec des politiques de changement radical sur le modèle anglo‐saxon ont montré leurs limites lors 

de  la première cohabitation  (1985 : retrait du projet Devaquet qui aurait permis aux universités de 

sélectionner  les  étudiants),  ce  sont  des  politiques  des  petits  pas  au  niveau  des  réformes 

institutionnelles qui se mèneront, parallèlement à des politiques d’expansion quantitative  (en  ligne 

avec les messages des théories économiques d’alors ; voir la volonté de Chevènement de mener 80% 

d’une  classe  d’âge  au  baccalauréat).    La  politique  d’expansion  quantitative  de  l’enseignement 

secondaire (baccalauréat) et supérieur sera un succès, mais pas la volonté d’attirer les jeunes vers les 

formations  les  plus  directement  professionnalisantes.    Les  politiques  de  réforme  institutionnelles, 

moins spectaculaires, ouvrent la voie à la création de véritables universités (avec une identité liée à 

la nécessité de définir un projet d’établissement et une stratégie commune dans un climat de plus en 

plus  concurrentiel).    En  1985,  avec  le  C.N.E.,  on  introduit  le  concept  d’évaluation  (mais  qui  sera 

appliqué moins sévèrement qu’en Angleterre et auquel on ne couplera pas le financement).  Dans la 

seconde moitié des années 80 apparaît aussi la politique de contractualisation (dès 1989) entre l’Etat 

et  les  universités  (voir  Musselin,  2001) :  les  universités  doivent  définir  des  objectifs  et  une 

planification  financière  sur  4  ans.    Les  Présidents  d’université  négocient  directement  avec  le 

Ministère  et  on  voit  aussi  apparaître  (en parallèle  de  la décentralisation) un  rôle de  plus  en  plus 

important  des  régions.    Donc  peu  à  peu  on  voit,  par  ces  réformes,  la  lente  émergence  d’une 

autonomie  (encore  très  relative)  des  universités,  une  différenciation  et  de  la  concurrence  (à  très 

petite  échelle  encore).   A  la  fin  des  années  80,  le  bilan  semble  assez maigre :  on  garde  intact  le 

système des Grandes Ecoles qui monopolisent  la formation des élites,  le CNRS concentre  l’essentiel 

des efforts de recherche,  les droits d’inscription et  la politique des personnels universitaires restent 

extrêmement centralisés à Paris.   Quant aux maigres  initiatives pour enclencher une dynamique de 

concurrence  et  d’évaluation,  elles  subissent  le  contre‐coup  de  la  faiblesse  des moyens mis  à  la 

disposition de ces politiques et la volonté de ne pas s’engager dans une direction trop dure comme 

en  Angleterre.    Le  gouvernement  sait  que  le milieu  universitaire  est  volatile  et  ne  veut  pas  s’y 

attaquer frontalement.   

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On a vu qu’en Angleterre le succès des réformes était intimement lié à la structure décentralisée du 

système (pas de sentiment d’appartenance à un système national d’enseignement supérieur ; donc 

peu  d’actions  coopératives  des  universités  anglaises  face  au  gouvernement),  sur  laquelle  le 

gouvernement a pu  jouer en diminuant  les  financements publics et accroître  la compétition entre 

institutions en mettant en place la conditionnalité de ces derniers.  La France avant la crise de 2007 

est encore  restée globalement avec  le même système que dans  les années 90.   Mais cette  fois,  le 

gouvernement français va se lancer dans une réforme structurelle majeure qui augure sans doute de 

la  possibilité  dans  le  futur  de  mener  avec  succès  des  réformes  plus  rudes  à  l’anglo‐saxonne : 

l’autonomie  réelle  des  universités.    Entre  2007  et  2009,  Valérie  Pécresse,  malgré  une  violente 

opposition,  va  réussir  à  faire  passer  deux  décrets majeurs.    Il  y  a  d’abord  le  10  août  2007  la  loi 

portant sur la liberté et responsabilité des universités (dite loi LRU), qui met fin au budget fléché en 

central (75% du budget jusque‐là) et donne une réelle autonomie aux établissements en matière de 

ressources humaines voire d’immobilier, qui réduit la taille des conseils d’administration (on passe de 

30‐60 membres à 20‐30) et les ouvre sur l’extérieur (le monde socio‐économique : il faut au moins un 

patron  d’entreprise)  et  donne  enfin  des  pouvoirs  forts  au  président  d’université  (distribution  de 

primes,  possibilités  d’engagements  en  CDD  pour  des  tâches  d’enseignement  et  de  recherche, 

modulation du service des enseignants‐chercheurs).  Il y a ensuite et en continuité le nouveau statut 

des enseignants‐chercheurs (Journal Officiel du 25 avril 2009) qui permet une modulation du service 

des  personnels  entre  enseignement,  recherche  et  activités  de  service,  dans  le  cadre  d’une 

négociation avec le président d’université, et qui introduit le principe d’une évaluation systématique 

tous les 4 ans de chaque agent par le C.N.U. 

On a donc à la sortie de la crise 2007‐2010 en France les conditions institutionnelles qui ressemblent 

beaucoup  plus  à  celles  de  l’Angleterre  des  années  80 :  les  universités  autonomes  sont  en 

concurrence, et donc seront moins enclines à se coaliser contre le gouvernement ; et les personnels 

académiques sont davantage soumis à  la  ligne hiérarchique  (même si  jusqu’ici on ne  touche pas à 

l’emploi à vie des enseignants‐chercheurs).  Donc si la France a sanctuarisé l’enseignement supérieur 

en matière  de  financements  publics  pendant  la  crise,  elle  a  néanmoins  opéré  des  changements 

majeurs qui  laissent augurer de  futurs développements  très proches de ceux observés en Grande‐

Bretagne dans  les années 80‐90.   En particulier,  le principe de  financements conditionnels pour  la 

recherche  semble  être  acquis,  de même  que  l’objectif  de  concentration  de  la  recherche  sur  un 

nombre limité de campus dits d’excellence.  La France suivrait donc le modèle anglais avec 25 ans de 

retard.   Vers quel modèle débouchera‐t‐on à  long  terme ?   Le  fait que  l’Angleterre semble dériver 

lentement mais  sûrement  vers  un modèle  de  privatisation  de  son  enseignement  supérieur  pose 

évidemment question sur le sens des réformes en cours dans les pays européens pendant et après la 

crise.  C’est à ce type de réflexion que nous nous attelons en conclusion. 

CONCLUSIONS : QUEL FUTUR ? 

Dans  ce  chapitre,  nous  avons  cherché  à  identifier  les  conséquences  de  la  crise  économique  et 

financière  qui  a  frappé  l’Europe  en  2008‐2009  (et  qui  semble  connaître  ces  derniers  mois  de 

nouvelles péripéties  avec  la  crise des dettes  souveraines et  son  impact  sur  le  futur de  l’Euro)  sur 

l’enseignement  supérieur  (principalement  universitaire).    Comme  il  n’y  a  pas  de  réel  modèle 

économique et  social européen mais plutôt « des modèles »,  les  réactions à  la  crise n’ont pas été 

identiques.   Nous avons distingué un certain nombre de pays (dont  l’Angleterre) qui ont opéré des 

coupes budgétaires très  importantes dans ce secteur, principalement dans  l’enseignement  (surtout 

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les sciences humaines et sociales), moins dans la recherche.  Ils ont préféré épargner le contribuable 

moyen et faire porter l’effort de financement sur ceux qui sont censés bénéficier prioritairement des 

investissements éducatifs, à savoir  les étudiants  (droits d’inscription portés de 6000 à 9000  livres).  

Nous avons noté que cette politique se situe en continuité directe des politiques menées par le New 

Labour  de  1997  à  2010  –  le  rapport  qui  a mené  d’ailleurs  aux  récentes  politiques  a  encore  été 

commandité par  le dernier gouvernement  travailliste.    L’évolution  sur  la  longue durée du modèle 

d’enseignement supérieur anglais montre cependant que  l’accumulation des réformes a sans doute 

conduit  à  un point de non‐retour  et  à une  transformation  radicale du  système, peut‐être proche 

d’une privatisation partielle ou totale et d’une convergence avec le modèle américain.  Si à l’origine 

le modèle  anglais  ressemblait  étroitement  aux modèles  européens  (universités  financées  par  les 

pouvoirs publics, qui  leur assurent une  forte autonomie et un  financement en  fonction du nombre 

d’étudiants  inscrits),  avec  cependant  un  certain  élitisme  (existence  d’un  réseau  d’universités 

prestigieuses et participation globalement plus  faible à  l’enseignement supérieur que dans  le reste 

de l’Europe jusque dans les années 80), les réformes thatchériennes ont considérablement changé la 

donne.    Le  financement  public  est  resté  prépondérant  mais  sa  distribution  s’est  modifiée  par 

l’introduction  de  mécanismes  de  concurrence  administrée,  notamment  pour  ce  qui  est  de  la 

recherche.   Le  financement global par  tête d’étudiant a  lui aussi baissé,  tandis que  le  recrutement 

d’étudiants d’outre‐mer se révélait financièrement de plus en plus  intéressant pour  les universités.  

On a ainsi assisté pendant les années 80 et 90 à l’introduction croissante des techniques et de l’esprit 

de la gestion du secteur privé dans l’université.  Les dirigeants des universités (vice‐chancellors) ont 

vu  leur pouvoir et  leurs émoluments grossir fortement tandis que  la situation des professeurs s’est 

quant à elle détériorée (fin de l’emploi à vie dès 1988).   Les universités ont perdu de leur autonomie 

pour être de plus en plus considérées comme de simples outils de la politique économique et sociale 

du  gouvernement,  mobilisées  pour  renforcer  la  compétitivité  de  l’économie  britannique  et 

l’employabilité des jeunes.  Les financements publics devenus strictement conditionnels ont aussi eu 

tendance à ne plus suffire face à  l’accroissement de  la participation des étudiants à  l’enseignement 

supérieur  dans  les  années  90,  menant  le  gouvernement  à  opter  de  plus  en  plus  pour  une 

participation  toujours  plus  forte  des  étudiants  à  leurs  frais  d’étude.    Dans  un  cadre  où  le 

gouvernement  contrôle  de  plus  en  plus  étroitement  les  universités  et  leur  prodigue  (sur  base 

concurrentielle) un financement de plus en plus insuffisant, nombreuses sont les institutions (surtout 

parmi  les plus prestigieuses) qui envisagent maintenant une option de  totale privatisation.   Déjà à 

Londres un New College of the Humanities va s’ouvrir en toute indépendance de l’Etat et va réclamer 

des droits d’inscription de 18 000 livres. 

Nous avons mis en évidence qu’au cœur de  la zone Euro,  la France et  l’Allemagne ont opté pour  la 

« sanctuarisation » du budget de  l’enseignement  supérieur.   Ces deux pays  tendent  à prendre  au 

sérieux  la Stratégie de  Lisbonne et  considérer que  l’investissement dans  l’enseignement  supérieur 

aura des  retombées  économiques  et  sociales  (lutte  contre  le  chômage des  jeunes) positives pour 

l’ensemble de  la collectivité.   Cela ne signifie pas pour autant que des réformes dures ne sont pas 

menées.  Il s’agit ici plutôt de réformes des modes de financement et des structures institutionnelles 

et cadres réglementaires.  On assiste dans les deux pays à une reprise en mains par le pouvoir central 

(l’échelon fédéral en Allemagne qui compense  les coupes budgétaires des Länder ;  l’état central en 

France  qui  au  travers  de  l’ »autonomie  des  universités »  vise  en  fait  une  mise  en  concurrence 

administrée  des  institutions  sur  base  de  critères  fixés  au  niveau  central),  à  la  montée  de  la 

conditionnalité des financements (surtout en recherche) et à un désir de renforcer l’élitisme (pick up 

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the winners : pôles d’excellence, campus d’excellence, « labex » en France ; Elite‐Unis en Allemagne).  

Ces  deux  pays  cherchent  à  suivre  la  stratégie  européenne  en  visant  à  un  accroissement  de  la 

participation aux échelons  inférieurs de  l’enseignement  supérieur  (davantage professionnalisés via 

les  réformes  de  Bologne  et  leur  suivi  propre  à  chaque  pays)  et  à  un  élitisme  au  niveau  le  plus 

supérieur et noble du  système  (création de véritables universités de  recherche dotées de moyens 

renforcés qui doivent devenir des pôles d’innovation pour  favoriser  la  compétitivité économique).  

En examinant de près  les réformes notamment françaises (par exemple  les réformes de  la ministre 

de  l’enseignement supérieur Valérie Pécresse, avec  la  loi L.R.U. de 2007 et  la réforme du statut des 

enseignants‐chercheurs en 2009, avec l’introduction de la logique de l’évaluation individuelle tous les 

4 ans), on ne peut que constater de fortes similitudes avec le début des réformes anglaises dans les 

années  80‐90.    Plus  précisément,  la  réalisation  de  l’autonomie  des  universités  dans  un  cadre  de 

financement  public  conditionnel  et  d’évaluations  tous  azimuts  semble  créer  toutes  les  conditions 

d’un nouveau modèle où chaque  institution va se battre pour ses propres  intérêts,  facilitant par  là 

l’introduction de réformes toujours plus radicales. Dans le passé, l’existence d’un statut national pour 

les  personnels  universitaires  et  d’un  financement  très  centralisé (et  fléché  à  75%)  depuis  Paris 

rendait  de  facto  très  difficile  la  réalisation  en  France  d’un modèle  plus  anglo‐saxon.    Le  risque 

permanent était de voir se former une opposition nationale aux projets de réforme universitaires (ce 

que  l’histoire  a  confirmé).    Les  réformes  Pécresse  cassent  cette  possibilité  de  front  commun  et 

permettent  également  de mener  des  réformes  plus  ou moins  approfondies  selon  les  régions  ou 

universités.  La France (et plus largement l’Europe continentale qui suit la même philosophie) semble 

donc prête pour suivre avec retard l’évolution du modèle anglais. On a vu que ce dernier évoluait lui 

vers une possible privatisation et une convergence vers le modèle américain.  Il n’est pas impossible 

que ce soit le chemin que suivra sous peu l’ensemble du modèle universitaire européen.  Ce ne serait 

certainement  pas  une  erreur  pour  les  élites  qui  ont  poussé  à  ces  changements,  car  elles  sont 

convaincues  que  le  modèle  américain  d’enseignement  supérieur  est  le  meilleur  du  monde 

(universités d’élite qui attirent  les meilleurs  cerveaux du monde, qui mèneront des  recherches de 

pointe  débouchant  sur  des  innovations  aisément  transformées  en  nouveaux  produits  grâce  à  un 

contexte  institutionnel,  juridique et financier favorable).   La Stratégie de Lisbonne (2000) comme  le 

rapport Sapir (2003) ont été en effet  inspirés par  les analyses des économistes néo‐classiques néo‐

schumpétériens  (Aghion  et  Howitt,  2005),  eux‐mêmes  inspirés  par  le  succès  de  l’économie 

américaine pendant la deuxième partie des années 1990.  Les problèmes rencontrés par l’économie 

américaine depuis 2007 ne semblent pas modifier drastiquement la foi des élites européennes dans 

la  nécessité  de  transformer  radicalement  le modèle  universitaire  et  plus  largement  institutionnel 

européen pour  le  rapprocher davantage du modèle  américain.    Si un  tel projet est politiquement 

soutenable est une question à  laquelle  les années qui viennent donneront sans doute une réponse.  

Les  tensions au sein de  la zone Euro et  les doutes d’une partie des élites allemandes sur  le projet 

européen mèneront peut‐être à un échec de l’intégration européenne au profit d’autres options plus 

centrées  sur  les  pays  entourant  le  cœur  économique  allemand  de  l’Europe.    A  notre  sens,  les 

politiques d’enseignement supérieur elles‐mêmes ne devraient pas subir d’altérations profondes par 

rapport  à  la  tendance  actuelle  tant  le  consensus est  fort  sur une  vision  strictement utilitariste de 

l’enseignement supérieur.  In fine la crise n’aura été que le révélateur et l’accélérateur de tendances 

en marche depuis au moins trois décennies.   

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ANNEXES 

 

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Apart from its working papers series, DULBEA also publishes the Brussels Economic Review-Cahiers Economiques de Bruxelles. Aims and scope First published in 1958, Brussels Economic Review-Cahiers Economiques de Bruxelles is one of the oldest economic reviews in Belgium. Since the beginning, it publishes quarterly the Brussels statistical series. The aim of the Brussels Economic Review is to publish unsolicited manuscripts in all areas of applied economics. Contributions that place emphasis on the policy relevance of their substantive results, propose new data sources and research methods, or evaluate existing economic theory are particularly encouraged. Theoretical contributions are also welcomed but attention should be drawn on their implications for policy recommendations and/or empirical investigation. Regularly the review publishes special issues edited by guest editors.

Authors wishing to submit a paper to be considered for publication in the Brussels Economic Review should send an e-mail to Michele Cincera: [email protected], with their manuscript as an attachment. An anonymous refereeing process is guaranteed.

Additional instructions for authors and subscription information may be found on the Brussels

Economic Review’s website at the following address:

http://homepages.vub.ac.be/~mcincera/BER/BER.html

Brussels Economic Review

University of Brussels DULBEA, CP140

Avenue F.D. Roosevelt, 50 B-1050 Brussels

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ISSN 0008-0195