Le bonheur et la souffrance en formation, approche … · totalement (burn-out). •Le travail...

Preview:

Citation preview

1

Le bonheur et la souffrance en formation, approche éthique

Philippe SVANDRA : Cadre supérieur de santé, Formateur consultant au pôle formation du centre hospitalier

Sainte Anne (Paris)

Une question éthique

• Héraclite (penseur présocratique) voyait dans l’éthos « la manière pour l’homme d’habiter le monde ».

• êthos signifiait « séjour », « lieu habituel »

• éthos se rapportait à l’habitude, par extension aux coutumes de la cité.

• « C’est parce qu’on se construit une demeure, un lieu de bien vivre (êthos), qu’on acquiert des habitudes (éthos) » Peter KEMP2

La transmission d’un éthos !

• L’habitude (éthos) en question ne relève donc pas d’une pure répétition mécanique mais bien d’une vertu obtenue par transmission proprement humaine, et n’est pas naturellement acquise (D. Folscheid)

• L’éthos professionnel renvoie aux traits communs qu’un groupe social partage (par exemple : éthos des médecins, des infirmières, des directeurs d’hôpitaux pour rester dans la sphère hospitalière).

• A quoi sert un formateur en institut de formation, comme sur le terrain ? … Sinon à transmettre un éthos - une manière d’habiter son métier !

3

4

Un dispositif de transmission d’habitus ?

• L’habitus (selon P. Bourdieu) résulte de l’intériorisation des apprentissages passés lors du processus de socialisation (un point de vue sur le monde)

• Les instituts de Formation peuvent vus comme des dispositifs, au sens qu’en donne Michel Foucault : « un ensemble […] hétérogène comportant des discours, des institutions, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, des modes d’emploi aussi. »

« Former » et « soigner » des métiers impossibles ?

• Freud pensait qu’il existait trois métiers impossibles : éduquer, psychanalyser, gouverner

• Avec ces métiers - soignants et formateurs - « On peut être sûr d’un succès insuffisant »

• Aspirer à n’être que des formateurs ou des soignants justes suffisamment bons (good enough/ Winnicott)

5

Une question de désir ?

• La souffrance et le plaisir sont liés (du moins en partie) aux conditions d’acquisition de ce fameux éthos !

• On ne désire pas une seule chose mais un ensemble de choses / « le désir d’être se réalise toujours comme manière d’être » J.-P. Sartre

• Ce désir de devenir infirmière (comme agencement d’un désir jamais isolé d’un contexte) constitue une forme de mythe personnel, d’utopie intime.

6

Le principe de réalité !

• La réalité ne correspond que fort rarement à cet idéal imaginé.

• Face à la difficulté de faire le deuil de son idéal, le sujet a alors deux possibilités : imputer la faute aux autres ou à lui-même. • Dans le premier cas, le sentiment

d’incompréhension et d’isolement peut conduire à la résignation, au renoncement et au retrait.

• Dans le second cas, cette remise en cause personnelle peut se traduire en termes de blessure narcissique et être à l’origine d’une forme de syndrome dépressif communément appelé burn-out

7

De l’idéal… à la pratique … avec un idéal

• Si le désir est notre carburant, il s’agit qu’il ne nous enflamme pas au risque de nous consumer totalement (burn-out).

• Le travail d’accompagnement vise à clarifier les représentations que l’étudiant se fait de ce que serait pour lui un soignant modèle.

• Pour y parvenir, on ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les représentations que les étudiants ont de leur future profession,… et les représentations que nous avons, formateurs, de nos étudiants.

8

9

Des représentations……

…. qui demeurent

• L’éthos comme forme d’idéal professionnel est affaire de représentations mais aussi d’émotions.

• La formation qui intervient à un moment particulier pour les étudiants (qu’ils soient jeunes ou moins jeunes), les place en situation de vulnérabilité.

• Cette réalité d’une certaine vulnérabilité se heurte à une représentation d’un soignant qui doit maitriser les situations et donc maitriser ses émotions

10

11

Défendre son métier !

• La meilleure façon de défendre un métier, c’est encore de s’y attaquer en cultivant les affects, les techniques et les émotions qui le gardent vivant.

• La performance réalisée peut perdre son attrait si on ne s’y reconnait pas

Yves Clot, Le travail à cœur

Quelles émotions ?• Les émotions sont des réactions conçues « pour

aider les individus à s’adapter et à faire face à des événements qui ont des implications pour leur survie et leur bien-être » (Ekman 1982)

• Jacqueline Burton dans un travail de master (sciences cliniques en soins infirmiers) montre qu’ « être étudiant » c’est vivre au quotidien des émotions fortes.

• Elle va s’arrêter sur les émotions fondamentales que sont la colère, la peur, la joie, la tristesse et le dégout (Les émotions plus complexes proviendraient d’un mélange de ces émotions de base) 12

La joie

• Apparait souvent sous des formes dérivées comme le contentement ou la satisfaction.

• Elle est liée le plus souvent aux patient, plus rarement aux professionnels.

• Il s’agit de participer à des moments forts.

• Elle se manifeste lorsqu’on se sent reconnu et appartenir à un groupe professionnel

13

La tristesse

• Elle est déclenché par une perte

• Evidemment la mort d’un patient (au travers de phénomène d’attachement et/ou d’identification).

• Parfois elle dérive en nostalgie, par exemple lors de la fin de leur cursus.

14

La peur

• Elle est nommée souvent sous la forme de l’inquiétude et comme générateur de stress.

• Elle peut être déclenchée par la violence d’un patient, mais aussi par l’erreur possible qui entraine le jugement des pairs.

• Elle existe évidemment lors des stages mais aussi lors des groupes d’analyse de pratique (la prise de parole est alors jugée dangereuse car elle expose au regard des autres)

• Elle peut s’exprime parfois sous la forme de la crainte

15

La colère

• Liée à une frustration, une non-reconnaissance, une injustice.

• Elle est présente et ressentie mais peu exprimée directement du fait de la position de l’étudiant.

• Elle se transforme alors en tristesse

16

Le dégout

• Comme réaction de répugnance, c’est le rejet de ce qui peut nous salir (défaut d’hygiène corporelle par ex).

• Elle est identifiée souvent a postériori

• Elle est difficile à exprimer car en contradiction avec l’attitude attendue d’un soignant.

17

Des expressions différentes

• Jacqueline Burton peut ainsi montrer que la joie et la tristesse sont largement exprimées, comme d’ailleurs si l’une venait contrebalancer l’autre.

• La peur est exprimée sous la forme du jugement de l’autre et du risque de sanction (par exemple par la non-validation d’une UE).

• En revanche la colère et le dégout sont souvent censurés.

• De ce point de vue, il semble que les étudiants ont bien intégrés les normes professionnelles, l’éthos infirmier !

18

Une écoute bienveillante

• Elle remarque que si l’on veut que les étudiants arrivent à exprimer leurs émotions, leurs difficultés ou inquiétudes, il faut qu’en face d’eux ils trouvent non jugement, écoute bienveillante.

• Or, le risque est alors de considérer l’étudiant comme fragile, peu adapté à exercer sa fonction.

• Ainsi, tout est en place pour que ceux-ci évitent d’exprimer (et donc de reconnaitre) leurs émotions.

19

Former des soignants : un double engagement

• « Nous sommes engagés dans deux relations asymétriques, l’une engendrant l’autre. Nous sommes ainsi responsable deux fois : une première fois directement, envers le jeune adulte qu’est l’étudiant, qui a besoin d’apprendre et de se construire en humanité à travers l’apprentissage, jamais sans épreuves, d’un métier difficile ; et une deuxième fois, indirectement, envers le patient qui a besoin de soignants compétents et attentifs »

Karin Parent20

Pour conclure : reconnaitre les capacités de l’autre

• Le chemin est long pour l’homme « agissant et souffrant » jusqu’à la reconnaissance de ce qu’il est en vérité, un homme « capable » de certains accomplissements. Cette reconnaissance de soi requiert, à chaque étape, l’aide d’autrui […] qui fera de chacun des partenaires un être reconnu.

Parcours de la reconnaissance, Paul Ricœur.

21