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Critique du roman "Viktor Vavitch" de Boris Zhitkov
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Du 23 janvier au 6 février 200910 K O U LT O U R ALe Courrier de RussieLe Courrier de Russie
Terre des temples et jardinsArménie : trois lieux à visiter
Livres
«C'est le meilleur de ce qui a jamais été écritsur [la révolution de] 1905. Quelle honteque personne ne connaisse ce livre », disait
Boris Pasternak de Viktor Vavitch. Il ne croyait pas si
bien dire : ce roman de Boris Jitkov ne fut publié en
Russie qu'en 1999, plus de soixante ans après sa créa-
tion. Il n'aura fallu que dix années de plus pour que le
public français découvre ce grand roman russe qui
raconte les derniers jours d’une ville de province avant
les pogromes de 1905.
La réapparition de Viktor Vavitch sur la scène lit-
téraire soulève une question éternelle : comment un
livre devient-il un chef-d'oeuvre? Le fait qu'un roman
ait été condamné par le pouvoir soviétique comme
« inconvenant » et « inutile » atteste-t-il du génie de
son auteur ? Depuis la Perestroïka, nombreux ont été
les écrivains à rejoindre l'Olympe de la littérature, à
commencer par Grossman, Soljenitsyne ou
Chalamov. Mais qu'en est-il de Jitkov, connu surtout
pour ses livres pour enfants ? Ses biographies offi-
cielles ne mentionnent Viktor Vavitch que comme un
« roman pour adultes », comme s'il s’agissait d’une
erreur de parcours, d’une tache sur le CV de l'écrivain.
C'est pourtant grâce à ce roman que Jitkov entrera,
sans doute, dans la postérité.
En 1905, Jitkov a vingt-trois ans et tente de lutter
contre le déchaînement incontrôlable des pogromes
partout en Russie, et notamment à Odessa où il vit à
l’époque. De ces années noires où se réveille le nou-
veau siècle, il tire la matière d’un roman épique à l'an-
cienne, chronique de la vie du peuple à la veille de la
révolution avec des dizaines de personnages. Mais,
quand il se lance dans la rédaction dans les années
1930, la mode n'est plus aux grands romans. Les
écrivains privilégient les nouvelles, tandis que les
émois psychologiques des héros laissent la place aux
hommes d'action. C’est dans ce contexte que
l’écrivain entame cette entreprise immense qui lui
prendra cinq ans. Mais, au-delà de l’histoire, c’est son
style qui lui vaut une place dans les manuels de lit-
térature actuels. Car, avec la pâte du XIXe siècle,
Jitkov élabore un roman pour les lecteurs du XXe, en
traduisant les mouvements d’âme les plus complexes
des héros de l’époque révolue. Ce ne sont plus des
flots de pensées qu’il décrit, mais des actions, qui
paraissent parfois insignifiantes, mais dont l'ensemble
crée une image presque cinématographique. « Jour desoleil inondant la ville. Midi, les rues désertes pantellent.Voici que, dans la cour des Vavitch, le vent remue lapaille, puis renonce : flemme. Le chiot geint d’ennui, lagueule entre les pattes. Qu’il en bouge une et la poussières’élève. Flemme de voler, flemme de retomber, elle resteen suspens, or qui dort, clignant de soleil. » Ainsi com-
mence Viktor Vavitch, nous plongeant d’emblée dans
le style si particulier de Jitkov, admirablement traduit
par Anne Coldefy-Faucard et Jacques Catteau.
« On a peine à comprendre d’où naît le rythme quidéverse les mots et les images, pareils à ces gros caillouxqui émergent du sable », écrit Jitkov. Tel un orfèvre de
la langue, il travaille au plus près du mot, de la syllabe,
du rythme, en trouvant à la fois des sonorités origi-
nales et des métaphores fraîches, vivifiant la langue
russe telles des gouttes de rosée coulant sur l’écorce
rugueuse d’un arbre centenaire. Ce travail en filigrane
franchit les automatismes de la perception en trou-
vant, pour chaque geste quotidien, une image nou-
velle, inattendue. « Des nounous avec des enfants sontassises en rang d’oignons sur un banc et grignotent desgraines de tournesol. Derrière, leurs jupes à fronces mul-ticolores bouffent comme des ballons. » La subtilité de
ce langage véritablement cinématographique – si le
roman décrit le début du siècle, il fut créé pendant
l’âge d’or du cinéma soviétique – donne de l’épais-
seur à des personnages parfois trop exaltés, trop
engagés, trop amoureux ou simplement trop fous
pour les lecteurs rationnels que nous sommes… C’est
là le charme qu’opère la plume de Jitkov en nous rap-
prochant de ce monde disparu où l’on s’enflammait
encore pour défendre les intérêts d’autrui. Quant aux
lecteurs peu intéressés par le contenu historique, ils
apprécieront sans doute les histoires d’amour, plus ou
moins malheureuses, qui lient les personnages et
finissent par apporter une lueur d’espoir lorsque le
XIXe siècle meurt en couches, en donnant le jour au
XXe siècle.
Daria Moudrolioubova
Boris Jitkov, Viktor Vavitch, Paris, Calmann-Lévy, 2008. 745 p.
Traduit du russe par Anne Coldefy-Faucard et Jacques Catteau.
« Chez nous sont nés le christianismeet... l’abricot ! » En bon Arménien,Serge Navasardian ne manque pasde patriotisme ni... de sens de l’hu-mour. « Vous savez, dans mon pays,avec notre histoire de martyres, nousavons développé une fierté aiguë. LesTurcs nous ont volé le mont Ararat.Mais, de presque partout en Arménie,nous continuons à admirer sa cimeenneigée, perdue de l’autre côté de lafrontière. C’est sans doute de cettefrustration que vient notre tendance àfantasmer et à tout exagérer ! Alors,tout ce que vous entendrez ici, il fautle diviser par deux ou trois... »
Serge Navasardian lance cette franche
affirmation alors que, simple citoyen ren-
contré au hasard d’une visite, il est venu
en famille flâner dans un lieu sacré entre
tous pour les Arméniens : les jardins de la
cathédrale de Sainte-Etchmiadzin. « Onne pardonnera pas à un touriste étranger dene pas commencer ici sa visite du pays ! »,
prévient Serge. Car, une des plus anci-
ennes civilisations au monde, l’Arménie
s’enorgueillit d’avoir été la première
nation à adopter le christianisme comme
religion officielle. C’était en 301, même si
la date exacte est toujours discutée. Et à
Etchmiadzin, située à une vingtaine de
kilomètres de Erevan, la cathédrale est le
plus ancien édifice chrétien du pays, sa
première construction remontant à 303.
Elle est au centre d’un monastère qui est
aujourd’hui le siège et coeur de l’Eglise
apostolique arménienne. Un lieu à la fois
vivant et paisible où, entre deux prome-
nades, il fait bon suivre les rituels du quo-
tidien. Écouter les chants des moines, les
murmures de leurs discussions. Croiser le
regard timide d’enfants prêts à être bap-
tisés et le regard fier de parents parés de
leurs plus beaux habits. Répondre au
sourire d’une jeune femme penchée sur
un balcon et grignotant... un abricot.
Nature apprivoisée
Car le petit fruit orange est vraiment
fierté nationale. Quittez la foule
d’Etchmiadzin pour vous aventurer sur
les routes de l’arrière-pays et montez
jusqu’à Garni. Curieux endroit. Au
milieu du vide, un champ d’abricots y a
été planté sur un îlot de terre. « Le travailest dur mais nous n’avons pas peur... »,
glisse Artour, le guide local. Il est intaris-
sable. Sur la beauté de la nature environ-
nante et sur « les oligarques étrangers ou lesArméniens expatriés rêvant de retour aupays à l’âge de la retraite » qui, en haut de
cette impressionnante falaise, se font
construire presque sauvagement des villas
de luxe. Sacrilège ? Artour finit par s’en
moquer. Car s’il peut parler de longues
heures, ce n’est pas à propos des erre-
ments humains, présents ou futurs. C’est
le passé qui le rend loquace. Devant lui se
dresse un temple tout droit sorti des livres
de légendes grecques. Païen, ce temple
est en effet le seul monument helléniste
sur tout le territoire d’Arménie. Un saut
historique, une surprise architecturale,
un coup de coeur touristique ; et une vi-
site à terminer sur la terrasse du café
voisin. La vue, tout comme le kebab mai-
son, y sont mémorables.
À l’autre bout de l’Arménie (mais le
pays est petit), un autre festin attend le vi-
siteur curieux. Pour les yeux : Sevan, l’un
des plus vastes lacs d’altitude au monde.
Pour le palais : les truites pêchées dans ses
eaux claires. « Ce n’est pas surprenant quenotre président ait choisi de nicher sa datchaici ! », plaisantent un couple de restaura-
teurs qui, sur les rives de ce lac situé à près
de 1900 mètres, ont installé leur modeste
cuisine sur la presqu’île proche de la ville
de Sevan. Des infrastructures rudimen-
taires, des plages plus ou moins propres,
mais un accueil chaleureux et une vue
superbe sur les eaux aux reflets turquoise
par temps ensoleillé. Entouré de multiples
monastères (Sevanavank notamment et sa
mystérieuse église datant du Xème siècle),
le lac est un lieu d’histoire. Mais c’est
avant tout un réservoir naturel qui, sous le
régime soviétique, a été largement mis à
contribution pour l’irrigation et pompé
pour satisfaire les besoins en énergie
hydroélectrique. Face à la catastrophe
écologique, un plan de restauration a été
initié. « Aujourd’hui, cela va mieux... »,
assure le restaurateur de Sevan, à demi
convaincant et convaincu. « Regardezautour de vous. L’eau, les montagnes ! C’estmieux et moins cher que la Suisse.... Avecun lac qui fait trois fois le Léman ! »,
plaisante-t-il avant de servir fièrement
une assiette de fruits secs ou confits. Avec,
au centre, le « roi Abricot ».
Benjamin Quénelle
« Regardezautour de
vous. L’eau, les
montagnes !C’est mieux
et moins cherque la
Suisse....Avec un lac
qui fait trois fois leLéman ! »
Itar-Tass Itar-Tass
Les Grecs sont allés jusqu’en Arménie Lac Sevan
Le dernier grand roman russe
Itar-Tass
La cathédrale de Sainte-Etchmiadzin.
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