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LE REVE DE PTOLEMEE
REALISE
Francis JAMMIrem de Strasbourg
REPERES - IREM. N° 73 - octobre 2008
2) Comprendre les principes du systèmede Ptolémée et replacer ce dernier dansson contexte historique.
3) Passer du qualitatif au quantitatif. C’est-à-dire trouver les valeurs numériques quifont tourner le système de Ptolémée d’unefaçon qui corresponde aux observations.
4) Réaliser, grâce à la CAO, la « machine »imaginée par Ptolémée.
QUE VOIT-ON DANS LE CIEL ?
Nous savons que les planètes décrivent desorbites elliptiques dont le Soleil occupe un desfoyers. De plus la gravitation accélère les pla-nètes lorsqu’elles se rapprochent du Soleil.
Mais, vues depuis la Terre, les planèteszigzaguent dans le ciel, en formant parfois des
Depuis belle lurette l’astronomie n’estplus enseignée en cours de mathématiques ;l’homme a posé le pied sur la Lune et laconquête spatiale ne semble plus faire rêverles jeunes. Et pourtant cet article relate uneactivité pluridisciplinaire sur fond d’astro-nomie. Le point de départ est un TPE, enTerminale Sciences de l’Ingénieur, intitulé :Le rêve de Ptolémée réalisé. Il s’agit de modé-liser et de faire tourner (c’est le cas de ledire !) , grâce à la CAO, le système géocentriquede Ptolémée. Cet article est directement tirédes documents élaborés par les élèves.
Quel est le problème ?
1) Comprendre le mouvement réel des pla-nètes et leur mouvement apparent vu depuisla Terre.
« Il faut, autant qu’on le peut, adapter les hypothèses les plus simplesaux mouvements célestes ; mais si elles ne suffisent pas,
il faut en choisir d’autres qui les expliquent mieux »
Claude PTOLÉMÉE, Almageste, XII, 2
* Cet article est paru dans l'OUVERT :http://irem.u-strasbg.fr/irem/structure/frameouvligne.html
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boucles,avec des vitesses et un éclat variables.C’est le mouvement rétrograde. Cette illusions’explique facilement par le schéma ci-dessous.
LE CONTEXTE HISTORIQUE
Pythagore (VIème s. av. J.C.) La Terreest au centre de l’univers. Les cinq autresplanètes connues (Mercure, Vénus, Mars,Jupiter et Saturne), le Soleil et la Lune tour-nent autour de la Terre sur des orbites circulaireset à vitesse constante. Leurs distances à la Terresont proportionnelles à la longueur des cordesd’une lyre ; de façon à tourner en produisantune musique harmonieuse à l’oreille des dieux.
Philolaos (Vème s. av. J.C.) Elève dePythagore, il fait tourner les corps célestes,Terre comprise, autour d’un feu central, invi-sible depuis la Terre car masqué par unecontre-Terre.
Héraclide (Vème s. av. J.C.) La Terre estsituée au centre du monde et tourne sur son
axe, ce qui explique l’alternance jour-nuit.Les autres corps tournent autour de la Terre ;mais Vénus et Mars tournent autour du Soleil.
Aristarque (IIIème s. av. J.C.) Il décritun système héliocentrique animé de mouve-ments circulaires uniformes. Arsitarque estcontemporain d’Apollonios et de son traitésur les coniques. Pourtant son système ne futpas accepté. D’une part il heurtait des convic-tions philosophiques (Platon) puis religieuses(christianisme). D’autre part, on aurait dû, àsix mois d’intervalle observer un phénomènede parallaxe sur les étoiles (la sphère desfixes), or il n’en était rien (avec les mesures del’époque) et de plus on attendait une parallaxeimportante à cause d’une sous estimation dela distance de la Terre aux étoiles.
Le mouvement rétrogradecomme préoccupation majeure
Eudoxe (IVème s. av. J.C.) Il imagine unsystème de 27 sphères différentes ( 4 par
Le mouvement rétrograde de Mars
Ce que l’on observe
L’explication
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planète et 3 pour le Soleil et la Lune), imma-térielles, concentriques mais avec des axesde rotation différents. Leurs mouvementsentraînent les planètes et expliquent larétrogradation. Aristote perfectionnera cesystème avec 55 sphères. Mais ce sytème nerend pas compte de la variation de luminosi-té et de taille des planètes puisque leur dis-tance à la Terre reste constante.
Apollonios (IIIème s. av. J.C.) Il intro-duit le système des épicycles qui explique lemouvement rétrograde et la variation de
vitesse. Ptolémée reprendra cette idée dansl’Almageste.
Ptolémée (IIème s. ap. J.C.) Il expose sonsystème du monde dans l’Almageste. Sontitre grec est Composition Mathématique.Mais il fut bientôt désigné par La très gran-de syntaxe ; « très grand » se dit meigistoV engrec, ce qui donna en arabe al-midjisti puisAlmageste. [Les élèves se procurent une ver-sion de l’Almageste (http://gallica.bnf.fr) . 800pages en version bilingue, dans une traduc-tion datant de 1813-1816.]
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La suite de l’histoire est connue, Coper-nic, et surtout Kepler et Newton...
LES PRINCIPES DU SYSTEME DE PTOLEMÉE
Le système cosmologique de Ptoléméerepose sur trois principes, les épicycles,l’excentrique et l’équant. Ils visent à conser-ver les deux dogmes du géocentrisme et du mou-vement circulaire uniforme tout en corres-pondant aux observations.
L’épicycle (cf. ci-contre)
La planète se déplace sur un petit cercle,l’épicycle, dont le centre M tourne lui-mêmesur la circonférence du grand cercle, dit défé-rent, centré sur la Terre. Cette constructionpermet d’expliquer le mouvement rétrogradedes planètes. Mais il n’explique pas les varia-tions de vitesse hors des boucles de rétro-gradation. [Sur les figures ci-contre : Enbas on a le mouvement apparent de la pla-nète, vu depuis la Terre, et en haut le sys-tème qui l’engendre.]
L’excentrique (cf. figures de la page suivante)
La terre est décalée du centre du déférent.Dans l’Almageste, le déférent sera ainsi nomméexcentrique. On remarque que ce principeest une entorse au dogme du géocentrisme.L’excentrique permet d’expliquer les variationsde vitesse linéaire, vues depuis la Terre, et com-plète ainsi l’épicycle.
L’équant (cf. verso de la page suivante)
Malgré la complexité de leurs propriétésconjuguées, déférent, excentrique et épi-cycles ne décrivent pas les mouvements pla-nétaires avec suffisamment de précision.
Ptolémée a donc ajouté à son système lanotion d’équant ; qui est le point par rapportauquel le mouvement de l’épicycle est uni-forme en vitesse angulaire.
Dans le système complet (cf. verso de lapage suivante), le centre de l’excentrique C,l’équant E et la Terre T sont donc distincts.La combinaison des propriétés de ces troisprincipes rend compte à la fois des variations
L’épicycle
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de vitesse et du mouvement rétrograde. Lessuccesseurs de Ptolémée rajouteront d’autresépicycles pour mieux coller aux observations(jusqu’à 20 par planète). Cette méthode pré-figure la décomposition en série de Fourrier.
QUE FAUT IL OBTENIR ?
Sur le site de l’Institut de MécaniqueCéleste et de Calcul des Ephémérides
(http://imcce.fr) les élèves utilisent un géné-rateur d’éphémérides. Ils choisissent des coor-données rectangulaires, écliptiques et géo-centriques. Ils ne tiennent pas compte de lacote, considérant ainsi les trajectoires desplanètes projetées sur le plan de l’écliptique.Ils prennent les positions des planètes desemaine en semaine pour les planètes procheset de quinzaine en quinzaine pour Jupiter etSaturne. Pour Saturne ils considèrent deux
L’excentrique
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révolutions, soient 59 ans terrestres, ce qui faitbeaucoup de quinzaines ! Il y a un gros tra-vail de saisie des données car ils ne trouventpas le moyen de les recopier automatique-ment. Le copier-coller a encore des progrès àfaire !
Ensuite ils font tracer les courbes cor-respondantes sous Excel.
Et ce sont ces trajectoires que doit repro-duire la machine de Ptolémée, qui reste àmodéliser.
L’équant
Système complet
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Trajectoire de Mercure sur 4 ans Trajectoire de Vénus sur 7 ans par rapport à la Terre terrestres par rapport à la Terre
Trajectoire de Mars sur 2 ans Trajectoire de Jupiter sur 12 anspar rapport à la Terre
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Ensuite pour se faire la main il simulentle mouvement apparent des planètes à l’aidede Cabri Géomètre. Cela leur permet de sefamiliariser avec les distances et les vitessesde révolution.
[cf. figures de la page ci-contre : A droi-te on a le système héliocentrique à l’échel-le pour les distances et les vitesses. Agauche on reporte le vecteur Terre-Pla-nète avec la Terre fixe.]
DISTANCES ET VITESSES CHEZ PTOLÉMÉE
Tout cela est très joli mais découle del’héliocentrisme. Il serait temps d’aborder lecœur du TPE. A savoir, dans le système géo-centrique de Ptolémée, quels sont les rap-ports entre les rayons du déférent et de l’épi-
cycle, idem pour l’excentrique et l’équant ; quellessont les vitesses de rotation de la planète surl’épicycle, et du centre de l’épicycle sur ledéférent ? C’est très facile il suffit de lirel’Almageste !
Les distances
Les élèves découvrent que lorsque Pto-lémée écrit :
Il faut comprendre que EL = (17 + ) ×
Sachant que EB est elle-même la 56p4’ par-tie d’une autre longueur.
EB––120
28––60
Trajectoire de Saturne sur un an saturnien (10752 jours) puis sur deux ans (21504jours), soient respectivement 29 ans terrestres et demi, et 59 ans terrestres
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Trajectoire de Mars pour un an martien (685 jours)
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Chaque chapitre de l’Almageste, consacré àune planète, se termine par la détermina-tion de la grandeur de l’épicycle.
Ils obtiennent le tableau suivant pour undéférent mesurant 60 parties :
Les vitesses
Ptolémée ignorait les notions de vitesseangulaire et radiale. Il se servait du zodiaquepour déterminer le mouvement des planètes.Voici ce que cela donne :
Trajectoire de Jupiter pour un an jupitérien (4330 jours)
Epicycle Excentrique et équant
Parties Rapport Parties Rapport
Mercure 22p30’ 0.375 3p 0.05
Vénus 43p10’ 0.7194 1p15’ 0.0208
Mars 39p30’ 0.6583 2p39’ 0.0442
Jupiter 11p30’ 0.19167 5p50’ 0.0972
Saturne 6p30’ 0.1083 6p50’ 0.1139
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Un tel texte étant incompréhensible auxélèves ils se sont débrouillés autrement. Ilsont constaté qu’en faisant tourner la planè-te n fois plus rapidement que le centre del’épicycle ils obtenaient n – 1 boucles.
En prenant un rapport non entier onobtient des boucles qui ne se referment pas.
Par exemple avec n = 10,5 on obtient deux sériesde 9 boucles alternées.
n = 4 n = 6
Expérimentalement, et en se référantaux trajectoires obtenues avec Excel, ils obtien-nent le rapport des vitesses angulaires entrel’épicycle et la planète. Ils supposent quetous les épicycles tournent à un tour parminute :
Planète Vitesse (tours.min – 1)
Mercure 4,1
Vénus 14/9 ≈ 1.55555556
Mars 2
Jupiter 12
Saturne 29,5
LA MODELISATION
Elle a été réalisée sous Solidworks etMéca3D. Elle était facile car ne demandantpas une multitude de mesures précises ni deformes complexes. Elle était difficile en l’absen-ce de plans ou documents auxquels les élèvessont habitués.
Le centre de l’épicycle se déplace surun cercle dont le centre n’est pas lecentre du mouvement, qui est l’équant.Ce problème a été résolu avec un vérinreliant l’équant au centre de l’épicycle,
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ce dernier se déplaçant sur un cylindrecorrespondant au déférent. La lecture del’Almageste montre que Ptolémée avait incli-né l’épicycle de façon à respecter les variationsangulaires des rétrogradations. Le problèmea été résolu en créant une pièce intermédiai-
re en liaison pivot. Puis un système de liai-sons glissières a été introduit pour contraindrecette nouvelle pièce par rapport à laquelletournait l’axe de la planète à ne pas tournersur elle-même. Et voici le système complet, pourune planète :
Planète et assemblage du centre de l’épicycle
Planète
Pièce cylindri-que en liaisonavec le cylin-dre déférent
Pièce supportde la planète
BrasEquant
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LA « MACHINE » DE PTOLÉMÉE EN ACTION
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On notera la grande variation de dis-tance entre Vénus et la Terre, de 0,3 à 1,7unités astronomiques. Il en va de même pourMars. Ceci montre que la variation de laluminosité des planètes est loin d’êtreanecdotique.
Le lecteur remarquera les anneaux deSaturne, qui n’ont pas été sans poser des pro-blèmes techniques. Dans le cas général lemouvement apparent d’une planète est défi-ni par :
a = distance de l’équant, et de la Terre, aucentre du déférentR = rayon du déférent, r = rayon de l’épi-cycleΩ = vitesse angulaire du centre de l’épi-cycle par rapport à l’équantω = vitesse angulaire de la planète par rap-port au centre de l’épicycle
Le Soleil décrit une ellipse, sans rétro-gradation. Elle est obtenue en faisant tournerle Soleil et le centre de l’épicycle à la mêmevitesse mais dans le sens opposé. Pour faireface aux questions vicieuses du jury les élèvesavaient appris à démontrer que si Ω = – ω alorson obtenait une ellipse.
Faut il rappeler que l’étude des courbesparamétrées n’est plus au programme deslycées ?
ET APRES ?
Le TPE fini les élèves ont décidé de pré-senter leur travail au concours Exposcience.Cette préparation s’est faite dans le cadre
+Ω=+Ω+=
)sin()sin()(
)cos()cos(2)(
trtRty
trtRatx
ωω
d’un club scientifique où se sont rajoutésd’autres élèves.
Dans un premier temps ils ont réaliséune vidéo. Le final montrait le mouvement ,selon le système de Ptolémée, de la totalité dusystème solaire, Soleil compris. Le rêve de Pto-lémée était enfin réalisé !
Dans un deuxième temps ils ont réaliséune maquette illustrant le principe des épi-cycles. Au début c’était du bricolage de bricet de broc ; un cercle de tonneau pour le défé-rent, un moteur Légo pour faire tourner la pla-nète, une tringle de rideau coulissante pourle bras reliant l’équant au centre de l’épicycleetc. Les choses se sont corsées pour l’alimen-tation du moteur qui, à partir de l’équant, fai-sait tourner l’épicycle. En effet les frotte-ments étaient importants. Après avoir essayéplusieurs solutions, dont un moteur de bar-becue, ils ont du se résoudre à prendre unealimentation en 220 V. Se posait alors le pro-blème de la sécurité de l’installation en vued’Exposcience. Après avoir tutoyé l’astrono-mie, l’histoire, les mathématiques, la méca-nique, l’informatique ils allaient se plonger dansle génie électrique pour mettre leur installa-tion aux normes de sécurité.
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Leur travail fut primé à Exposcience puisprésenté à d’autres manifestations( Fête dela Science, Rencontres de Clubs d’Astronomiedu Nord Est).
Il va sans dire que le TPE fût noté 20. L’undes protagonistes a commencé des étudesd’histoire, peut-être de la future graine d’his-torien des sciences ?
Les informations pour le colloque Espace Mathématique Francophone 2009 sontmaintenant disponibles sur le site du colloque :
http://fastef.ucad.sn/emf2009/presentation_emf2009.htm
Ce congrès se tiendra à Dakar du 6 au 10 avril 2009.
GT 1 : Formation mathématique des enseignants : contenus et pratiques
GT2 : Analyse de dispositifs de formation initiale et continue des enseignants
GT3 : Rôle et place de l’arithmétique et de la géométrie dans la formationdes élèves et des professeurs
GT4 : Dimensions linguistique, historique et culturelle dans l’enseigne-ment des mathématiques
GT5 : Interactions entre mathématiques et autres disciplines dans les for-mations générale et professionnelle
GT6 : Technologie et enjeux de développement : formation à distance, res-sources numériques, plate-forme, multimedia…
GT7 : Enseignement des mathématiques dans l’enseignement supérieur etpost-secondaire
GT8 : Adaptation de l’enseignement des mathématiques en fonction desspécificités des publics et des contextes
GT9 : Pratiques d’enseignants dans les classes et apprentissage mathéma-tique des élèves
GT10 : Les différentes pensées mathématiques et leur développement
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