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Plaies cervicales
Pr Christian Adrien RIGHINI
Clinique ORL, Pôle tête et cou et Chirurgie réparatrice
CHU de Grenoble
Les Arcs / décembre 2011
définition
Plaie cervicale pénétrante
=
franchissement du muscle peaucier du cou
?
Généralités - 1
Hémorragies = 1 cas / 3
Plaies des VADS (larynx, trachée, pharynx-larynx) = 1 cas / 10
Lésions neurologiques = 1 cas / 30
Généralités - 2
Règles des tiers :
- 1/3 = aucune lésion majeure
- 1/3 = hémorragie et/ou plaie VADS et/ou lésions
neurologiques
- 1/3 = poly-traumatisme (lésions crânio-faciales,
lésions thoraco-abdominales)
Fabian TC. Neck: commentary. In: Ivatury RH, Cayten CG, editors. Textbook of penetrating trauma. Baltimore:
Williams and Wilkins; 1996. p. 271-2.
Généralités - 3
Mortalité en milieu civil entre 3 et 6%
Mortalité lié essentiellement aux lésions vasculaires
… Mais on estime que seulement 25% des patients avec plaie
cervicale pénétrante arrivent en milieu hospitalier, les autres
meurent sur place ou dans le transport
Brennan Ja et al., Am J Otolaryngol 1990; 11: 191-7.
Hersman G, et al., Int Surg 2001: 86: 82-9.
Diagnostic lésionnel
Le diagnostic lésionnel repose sur 2 faits d’observation clinique
simples :
- région anatomique du cou concernée
- état des fonctions vitales
Caractéristiques anatomo-fonctionnelles du cou - 1
1 = angle de la mandibule
2 = cricoïde
3 = clavicule
Il existe 3 zones anatomiques :
Caractéristiques anatomo-fonctionnelles du cou - 2
Zone I : structures vasculaires en provenance du thorax *
Zone II : partie antérieure la plus fragile (VADS, vaisseaux, nerfs) **
Zone III : structures vasculaires (carotides, artère cérébrale) ***
* = lésions intriquées, cervico-thoraciques
** = zone la plus exposée
*** = étroitesse, difficulté d’accès chirurgical
Caractéristiques anatomo-fonctionnelles du cou - 3
Nombreux
vaisseaux
Veines de gros calibre (VJI) avec potentiel hémorragique important
Artère qui vascularisent des organes majeurs
- le cerveau (carotide interne)
- la moelle épinière et le tronc cérébral (vertébrale)
Hémorragies extériorisées importantes et brutales
Hématome dans des loges aponévrotiques peu expansibles
Conséquences fonctionnelles majeures
- motrices et/ou cognitives
- respiratoires avec asphyxie
Caractéristiques anatomo-fonctionnelles du cou - 4
Les zones ou le risque vasculaire artériel est le plus important :
- zone II (partie postérieure et zone de jonction A-P)
- zone III
Caractéristiques anatomo-fonctionnelles du cou - 5
Le risque infectieux est élevé du fait de la mise en contact
- du LCR
- du médiastin
- de l’os rachidien
Avec les voies aréo-digestives supérieures, colonisées par
flore bactérienne commençale
Caractéristiques anatomo-fonctionnelles du cou - 6
En résumé…
4 risques majeurs en cas de plaie cervicale pénétrante :
1) hémorragique
2) neurologique
séquelles cognitives
séquelles motrices
3) asphyxique
4) infectieux
Diagnostic lésionnel - 1
Les éléments à prendre en compte sont :
- dysphonie *
- dyspnée laryngée *
- douleur à la déglutition *
- hémoptysie provoquée par la toux **
* = chez un patient conscient, non intubé
** = sang au travers de la sonde d’intubation si patient sédaté,
intubé
Diagnostic lésionnel - 2
En cas de plaie cervicale isolée, chez un patient conscient, sans signes
vitaux :
examiner la plaie sous anesthésie locale
- le muscle peaucier est il franchi ou pas ?
- existe-t-il un saignement (en nappe, pulsatile) ?
- existe-t-il des bulles d’air spontanément ou en
pressant les berges de la plaie ?
examiner de façon attentive les zones frontières
Diagnostic lésionnel - 3
Le reste de l’examen clinique doit rechercher :
- Emphysème sous cutané
- Hématome (expansion, pulsatilité)
- Présence ou disparition du pouls carotidien ; présence d’un
souffle ou thrill carotidien
- Présence ou disparition du pouls radial
- Atteinte des paires crâniennes
- Déficit neurologique
. central (hémiplégie)
. medullaire (para ou tétraplégie, priapisme, hypotonie
anale)
Diagnostic lésionnel - 4
L’examen doit être répété régulièrement tant que imagerie
et exploration chirurgicale (si nécessaires) n’ont pas été faites
car …
… les lésions peuvent se révéler ou s’aggraver secondairement
Diagnostic lésionnel - 5
Au terme de ce bilan clinique, 3 situations :
1) plaie non pénétrante, examen lésionnel normal
par ailleurs fermeture de la plaie
2) plaie pénétrante, hématome expansif ou pulsatile,
hémorragie extériorisée, effraction laryngo-trachéale
ou pharyngée bloc opératoire immédiat
3) plaie pénétrante, sans que le pronostic vital soit
engagé imagerie
Imagerie - 1
En dehors du cas où circonstances et mécanismes lésionnels sont bien
déterminés (traumatisme direct avec plaie cervicale isolée) …
… il faut toujours envisager la possibilité d’une urgence vitale d’origine
thoracique et/ou abdominale
Dans le second cas :
- RX pulmonaire de face
- échographie abdominale …
…dès que possible, avec le moins de retard possible :
- TDM injectée cervicale (partie molles, rachis)
- coupes cérébrale et thoracique *
* Évite de méconnaître d’éventuelles lésions des zones frontières (I, III)
Imagerie - 2
Imagerie - 3
Imagerie - 4
Artériographie par abord fémoral ou angio-scanner hélicoïdal si :
- plaie en zone I, partie antérieure *
- plaie en zone II, partie postérieure **
- plaie en zone III ***
* inutile si examen clinique artériel est normal
** pour explorer les artères vertébrales
*** exploration chirurgicale difficile
Kendall JL, et al., Emerg Med Clin North am 1998; 16: 85-105.
Eddy VA. J Trauma 2000; 48: 208-14.
Demetriades D. Br J Surg 1996; 83: 83-6.
Atteberry LR et al., J Am Coll Surg 1994; 179: 657-62
Munera F, et al., Radiology 2002; 224: 366-72.
Imagerie - 5
Plaies situées en zone III
Demetriades et collaborateurs:
- préconisent écho-doppler pulsé (VPP 100%, VPN 98%)
- reconnaissent le caractère opérateur dépendant de l’examen
- explorations angiographiques autres inutiles si
pouls présents
absence d’hématome et/ou saignement
- risque de méconnaissance de lésions vasculaires minimes avec
complications secondaires (rupture partielle, anévrysme)
Imagerie - 6
Demetriades D, et al., World J Surg 1997; 21: 41-8.
Imagerie – 7
Munera et collaborateurs :
- préconisent un angio-scanner hélicoïdal de façon quasi-systématique
exploration des parties molles
proximité plaies des gros vaisseaux très fréquente
- réservent artériographie conventionnelle si artéfact métallique (1%)
ou lorsque thérapeutique vasculaire indiquée (vertébrale, carotide
basi-crânienne ou intra-pétreuse)
Munera F, et al., Radiology 2002; 224: 366-72.
Imagerie – 8
Imagerie – 9
Imagerie – 10
Imagerie – 11
Existe-t-il un intérêt à opacifier systématiquement l’œsophage ?
- TOGD, TDM + ingestion de baryte
Indication d’opacification repose sur :
- diagnostic clinique de plaie difficile
- diagnostic doit être fait ≤ 24 h
pour limiter risque médiastinite
Aucun intérêt si patient asymptomatique
De plus :
- TDM « classique » peut faire le
diagnostic
- endoscopie au tube souple est
très efficace en terme de diagnostic
(spécificité 100%, sensibilité 92%)
Asensio JA, et al., J Trauma 2001; 50: 289-96.
Srinivasan R, et al., Am J Gastroenterol 2000; 95: 1725-9.
Imagerie – 12
Imagerie – 13
Endoscopie
Dès que signes d’atteinte des VADS :
- Endoscopie sous AL au nasofibroscope
(patient conscient, sans signes vitaux)
- Endoscopie sous AG,
pharyngo-laryngée, trachéo-oesophagienne
- 1er temps opératoire si pas d’urgence
vitale immédiate
- dès que voies aériennes sécurisées
et saignement contrôlé
Prise en charge pratique - 1
Cas simple = plaie cervicale isolée dont les circonstances
et le mécanisme lésionnel sont connus
Plaie non pénétrante
suture cervicale simple avec ou sans drainage
vérification des vaccinations
sortie après 24 heures de surveillance
Prise en charge pratique - 2
Plaie cervical isolée
Hémorragie franche extériorisée
Hématome pulsatile, expansif
Plaie laryngo-trachéale
Bloc opératoire
urgences
Sur place :
- point de compression
- position latérale de sécurité
- si plaie laryngo-trachéale, intubation au travers plaie
- si inconscient ou état de mort apparente, intubation O-T
- dans tous les autres cas, l’intubation est dictée par
état de conscience et signes vitaux
- Si intubation impossible, laryngotomie)
Mandavia DP, et al., Am Emerg Med 2000; 35: 221-5.
Prise en charge pratique - 3
Quelques règles de bon sens … Ce qu’il ne faut pas faire en dehors du bloc :
- extraire un corps étranger au risque de déclencher une hémorragie
incontrôlable
- ne pas clamper un vaisseau
- tenter une intubation (sauf si asphyxie)
- ventiler au masque
- poser une SNG
- injecter à fortes doses des corticoïdes
- rétablir la tension artérielle
Pour le médecin réanimateur, au bloc opératoire :
- compromis entre remplissage vasculaire et saignement
- sécuriser les voies aériennes supérieures
- antibiothérapie à large spectre
Jacobson LE. Neck. In: Ivatury RH, Cayten CG, editors. Textbook of penetrating trauma. Baltimore: Williams and Wilkins;
1996.p.258-61.
Minard G, et al., Am Surg 1992; 58: 181-7.
Heary RF, et al., Neurosurgery 1997; 41: 576-83.
Prise en charge pratique - 4
Pour le chirurgien :
- préparation du menton à l’ombilic (extension thoracique)
- garder libre un site donneur de veine sapheine interne
Prise en charge pratique - 5
Cas intermédiaire = plaie cervicale pénétrante mais absence de signes
de gravité
Conditionnement avant le bloc opératoire
- oxygénothérapie
- VVP
- scope
- antalgiques
- antibiothérapie
Nasofibroscopie
Bilan imagerie
Au bloc opératoire :
- endoscopie première si nécessaire
- trachéotomie première si besoin
- exploration de la plaie et traitements appropriés
Problèmes chirurgicaux - 1
Toute lésion carotidienne identifiée, avec ou sans conséquence neurologique
doit être réparée
Une ligature de la carotide commune ou interne doit être évitée, sauf en cas
de coma profond (Glasgow coma score < 9)
Des études ont démontré que le pronostic vital et fonctionnel est bien meilleur
en cas de réparation de la carotide même si signes neurologiques
Ramadan F, et al., J Vasc surg 1995; 21: 46-56.
Teehan EP, et al., Cardiovasc Surg 1997; 5: 196-200.
Problèmes chirurgicaux - 2
En cas d’atteinte carotidienne inaccessible chirurgicalement :
- carotide juxta-basi-crânienne
- carotide intra-pétreuse
radiologie interventionnelle
Certains auteurs onté également démontré la faisabilité et la
Fiabilité des pontages veineux CI – artère cérébrale moyenne
D’Alise MD, et al., J Trauma 1996; 40: 452-5.
Rostomily RC, J Trauma 1997; 42: 123-32.
Problèmes chirurgicaux - 3
En cas d’atteinte de l’artère vertébrale, privilégier la
radiologie interventionnelle
En cas d’atteinte des vaisseaux sous claviers :
- soit réaliser une sternotomie
- soit privilégier radiologie interventionnelle
Chaara M, et al., Ann Fr Anest Réanim 2001; 20: 853-6.
Du Toit DF, et al., Eur J Vasc Endovasc Surg 2000; 19: 489-95.
Problèmes chirurgicaux - 4
Il n’est pas indispensable de fixer les fractures du rachis le plus
tôt possible dans l’espoir d’améliorer le pourcentage de
récupération
Si pas de signes neurologiques, en l’absence d’esquille osseuse,
d’éclat osseux ou d’hématome compressif de la moelle, les dégâts
osseux peuvent être réparés « à froid » dans les 72 heures
Croce MA, et al., Ann Surg 2001; 233: 851-8.
Problèmes chirurgicaux - 5
Les plaies pharyngées et laryngo-trachéales doivent faire
l’objet d’une réparation spécifique
Conclusions
Il existe 2 types de plaies cervicales :
- non pénétrantes
- pénétrantes
Toute plaie pénétrante nécessite une évaluation des lésions selon protocole
établi
La prise en charge médico-chirurgicale est dictée par les signes cliniques
constatés lors du bilan lésionnel
- sur le lieu de la prise en charge
- en milieu hospitalier
En milieu hospitalier : collaboration chirurgien, anesthésiste-réanimateur et
radiologue interventionnel
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