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7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
1/533
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
2/533
LES BELGES
DANS
L'AFRIQUE
CENTRALE
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
3/533
LES
BELGES
L'AFRIQUE
CENTRALE
VOYAGES,
A\^ E
X
IJ
R E S
ET
DCOUVERTES
d'aprks lks doci:mi:nts
et jol'rn^lx
dis explorateurs
LE
CONGO
ET
SES
AEFLUENTS
Ch.
deMARTRIN-DONOS
TOME
SIICONl)
>i^if^
4,-
il=
3
ILLUSTRE DE
1
40
ORAVUBES.
DE
-1 CARTES
ET DE
5
PLANCHES
EN COLXEL'RS
BRUXELLES
p.
M
A
E
S,
1-:
D I T E
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-
L I
B
R
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1886
TOUS
DROITS
RSERVS
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
4/533
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7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
5/533
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
6/533
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7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
7/533
'7.
I\
l-
'^ '^^r'
^
/v'/'
^^'
'H
i\
CHAPITRE
PREMIER
*-:
Le
7
dcembre
1882
Lopoldville.
Janssen sur le
Stanley-Pool.
De
l'le
Bamu au village
d'Enyari.
Msuata-Station
et Soii:^oii
M'Pemb.
WViere is
your
cano
?
Le
lac
Lopold
II
.
Stanley
et Hanssens Vivi.
r
^' \
CI nous
revenons
au
7
dcembre
1882,
date
laquelle
Stanley
vfVvT
lanait
sur les
eaux du Pool le steamer En
Avant,
dont le
1^^^
nom,
en
quelque
sorte
prophtique,
indiquait l'impulsion
'^i^
qu'allait recevoir l'exploration
de
l'Afrique
centrale.
^:^j|l>ta'e^^^
La route
de
Banana
Lopoldville
n'tait
dj
plus
l'tat de
projet
ou
d'bauche: les
premiers
explorateurs belges.
Braconnier,
Harou.
Janssen
et
Orban,
y
plantaient sur divers points des jalons
pour les
futures
stations
hospitalires.
LES
BELGES.
III.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
8/533
CHAPITRE
PREMIER
L'agent
suprieur
du
Comit
d'tudes prparait
de son
ct
celte
poque
une
srieuse
expdition
vers
le
haut
Congo et
appelait
son
aide
le
sous lieutenant
Janssen
qui donnait
Issanghila des preuves
clatantes
de
ses aptitudes
et de
son
dvouement
l'uvre
pacifique
de
la
conqute
africaine.
Le
8
mars,
Janssen
recevait
l'ordre
de
rejoindre
Stanley
Lopoldville.
Voil donc
comme cela
va,
crit
cette date
le
jeune
officier
;
je
commenais
tre plus
ou
moins install
Issanghila :
mon jardin
tait
un
petit
parc,
ma
maison
me
semblait
un
palais...
Je
dois quitter
le
tout...
Enfin,
je
me
console, car
je
serai l-bas sous
l'il du
grand
chef.
Le
lendemain,
Janssen
remettait
M.
Swinburne le commandement
de
la
station.
Le
voj'ageur bouclait
ses
valises, entassait
par
prcaution
des
botes
de
sardines
et
des biscuits dans
ses coffres,
et partait pour Lopoldville,
au
grand regret de
ceux
qu'il
laissait
Issanghila.
Le
19
avril,
six heures du
matin,
Stanley
et
Janssen,
embarqus
sur
VEn Avant
pavois
aux
multiples couleurs
des
nations
du monde civilis,
saluaient
de
la
voix
et
du
geste
le
capitaine
Braconnier
et les
travailleurs
noirs
de
la
station
de Lopolville
rangs
en
ligne
de
bataille sur
les
quais
naturels
du
futur
Gibi altar
de
l'Afrique
centrale.
Bientt
la
cloche du
steamer
jette dans
la
brume
vaporeuse
ses appels
ritrs,
appels
qu'enti'ecoupe
le
sifflet aigu de la
machine;
les nombreux
amis
accourus pour
assister
au
dpart de
Boula Matari
poussent
un vigou-
reux
hourra,
les ttes
se
dcouvrent, les chapeaux et les mouchoirs
s'agitent,
les
bras
se
tendent, un
dernier
salut est chang de part
et d'autre
et
l'Eu
Avant
vogue
vers
le
nord-est
en
remorquant
la
flottille
exploratrice.
A
quelques
encablures du
steamer
dont l'quipage est
de
vingt
hommes,
nage
une
allge
monte
par
dix rameurs
et
rattache par
un cble
de
rotang
l'arrire du vapeur; plus
loin,
galement
remorqus,
deux
grands
canots
indignes,
monts par trente hommes et portant un approvision-
nement
de
vivres
pour
dix
jours,
glissent
bord
a
bord sur les
eaux
du
Stanley-Pol.
Vers
sept
heures
VEn Avant,
suivant toujours
une
faible
distance
la rive
gauche
du
fleuve,
s'apprte
doubler la pointe
qui
sera
connue
plus
tard
sous
le
nom
de
Kallina.
Le
lger brouillard tal sur
la rive
s'efface
peu
peu
devant le soleil
qui
se lve
et
qui,
mesure qu'il
monte
sur
l'horizon, dore
de
ses
rayons
les
parties
encore
sombres et
indcises
du paysage.
et
l,
sur
les talus
gazonns
descendant
en pente
douce
jusqu'au
fleuve,
des
bouquets
d'arbres
au
feuillage
diapr laissaient
entrevoir
dans
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
9/533
LES DELGES DANS
L'AFRIQUE
CENTRALE
leur
ramure
des
miliers
de perroquets
gris
qui
font leur toilette du
matin.
Dans le
fouillis des
joncs, des rotangs,
des
roseaux
masss
sur
la
rive,
les
ibis labourent le sol
marcageux
de
leur bec
crochu,
les
buffles,
encore
mal
veills
jettent
autours
d'eux
un regard
lourd de sommeil;
au-dessus
de
ces animaux
voltige
une
foule
de
merles
qui
saluent l'aube
de
leurs notes
joyeuses.
Plus loin,
des femmes indignes
se livrent
des travaux
de culture
et de
charmants
oiseaux
(gareolx)
les suivent
et
volent autour d'elles.
Au
clapotis
des
eaux
troubles
par les pirogues,
ces
femmes s'inquitent
et
courent
en
tremblant
se
blottir
au
plus pais
des
grandes
herbes, d'o
s'chappent
par bonds
rapides des
antilopes
effrayes.
A
chaque
touffe d'euphorbe
sont
suspendus
des
nids
qui
se balancent
au
souffle
d'une
douce
brise comme autant de petites lanternes
vnitiennes.
La
scne
offre partout
le caractre
tropical;
une lumire
argente
relve
et repousse
vigoureusement les
teintes glauques ou
bronzes,
sombres
ou
vives,
de cette
nature
ravissante.
Aprs
avoir
doubl
la pointe de Kallina, les
passagers
de
VEn Avant
distinguent
les
huttes
de
Kinchassa,
au-dessus
desquelles
les
couleurs
du
drapeau
franais
se
dcoupent
crment
parmi les
gerbes
des
palmiers.
Le
sergent
Malamin
avait,
on
ne
l'a pas
oubli,
occup
ce village
sur
l'invitation du chef
indigne
Nchuvila.
En
apercevant le
steamer, le sergent
Malamin
se
hta d'excuter
les
saluts
de
pavillon
rglementaires.
Pour
la
premire fois,
au
centre de l'Afrique,
le
drapeau franais
saluait
l'tendard
du
Comit
d'tudes.
Stanlej'
rpondait
a
cotte
politesse
en
amenant
par
trois fois,
du
haut
en
bas
de
sa
hampe, le
pavillon
bleu
constell
d'or dploy
l'arrire
de
VEn
Avatit,
et
le
drapeau tout
de fantaisie qui
flottait comme une
immense
voile
bigarre
au
sommet du grand
mt.
Ce
pavillon
fantaisiste,
confectionn
grands renforts de
mouchoirs
de
couleurs,
comprenait
tous
les drapeaux des nations diverses;
son
auteur,
Stanley,
disait non
sans raison qu'il
tait
le vritable symbole
d'une
asso-
ciation
internationale.
Outre
sa
valeur
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
10/533
CHAPITRE PREMIER
bord
o l'eau ne prsentait
pas
une profondeur
suffisante, le
steamer
se
frayait
pniblement
une
route
travers
quelques
petits
lots
jusqu'
l'le
Bamu.
Bamu
est la plus considrable des
les
du Stanley-Pool.
Cette
le
occupe
au
centre
de l'expansion
lacustre
un
espace
prsentant
environ
cent
kilomtres
d'un
littoral
trs bas,
susceptible d'tre
aux
trois
quarts
inond
l'poque
des
crues du
fleuve.
La
partie
nord
est la plus basse, elle
est
presque
dserte;
la partie sud
est
couverte d'une
Ibrt
o
pntrent
seuls les buffles, les
lphants,
les
hippopotames
(.t
des
myriades
d'oiseaux.
Sur
ces
bords, nanmoins, d'intrpides
pcheurs
indignes ont
dress
et
l
quelques abris
de chaume pour se
garantir
des
brlants
rayons du
soleil.
L'le Bamu
spare le
courant
en
deux bras
trs
larges,
parsems
de bancs
de
sable
et
d'lots
rocheux.
Le
bras mridional
est
seul navigable
en toute saison.
Ce
fut
donc dans
ce
canal,
sparant
la
cote
sud de
l'le de la rive
gauche
du
fleuve,
que
la
flottille expditionnaire
essaya
de poursuivre
sa
route.
Un
obstacle
formidable
s'opposa
la rapidit de la
marche.
Des hippo-
potames,
masss
par
troupeaux,
formaient
comme
autant
de dangereux
rcifs
ambulants,
menaant
sans
cesse
de
culbuter
l'une ou
l'autre
des
embarcations.
Ces terribles monstres s'avanaient doucement
l'encontre des bateaux,
on
distinguait leurs
croupes
rugueuses
nageant
entre
deux
eaux;
parfois
l'un
d'eux,
stoppant
prs dune
pirogue,
montrait
son
norme
gueule
arme de
dents
brillantes,
vritable
gouffre
dans
lequel
l'homme
le
plus
robuste
et
t
englouti
aussi rapidement qu'un
moineau
disparat dans
la
gueule
d'un
chien.
Les
feux de 'peloton parvinrent
disperser
ces
troupeaux d'cueils
vivants. Les
animaux blesss par les
balles
plongeaient au
fond des
eaux;
leurs
cadavres,
le lendemain, servirentde
pture aux
noirs
gourmets de
Kinchassa.
L'un
d'eux,
tu par
Janssen,
fut l'emorqu
par le
steamer
jusqu' l'endroit
choisi
sur
la
rive
gauche
pour
tablir,
dans la nuit
du
19
au 20
avril,
un
bivouac
de
repos.
L,
il
lit tous
les frais du
repas
abondant
que
s'offrirent les
quipages
de
la
flottille
avant
de se livrer, sur
des
lits
d'herbe
sche,
aux
douceurs
du
sommeil.
Le bivouac
tait
install sur
les
bords
d'une
anse
profonde,
quelques
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
11/533
LES BELGES DANS L'AFRIQUE
CENTRALE
centaines
de
mtres
au
sud du
confluent
de la
Nsel, rivire qui
dverse
dans
le
Stanley-Pool,
par
une
double
embouchure,
des
eaux
noircies
par
les
racines des manguiers.
Une
jungle
paisse
recouvre partout le sol
et
s'tend sur
une
plaine
immense limite
au
sud par
une chane
de
montagnes
qui
s'lvent gra-
duellement de l'est
au
sud-ouest
jusqu'au
mont Mabengu, dont l'altitude
est d'environ sept cents mtres.
Ds
l'aube
du 20
avril,
un
violent
orage veilla les dormeurs;
la
pluie
tomba jusqu'
huit
heures
du
matin,
empchant les explorateurs
de
reprendre
leur
marche.
Maudite
pluie,
disait Stanley
Janssen;
elle
nous
occasionne un retard
prjudiciable.
Vous
n'ignorez pas, lieutenant,
que mon mule, ^L
de
Brazza.
ILE FLOTTA.NTi;
SUR LE
STA,N'LE-POOL.
tend vers
le
haut Congo le
rseau
de
ses dcouvertes.
Nous
devons
lutter
de vitesse
avec ce rival intrpide.
Le
ciel
exauce vos vux
;
voil prcisment
une
forte
bourrasque
soufflant
du
sud-ouest qui
poussera nos
embarcations
et nous
permettra
de
regagner le
temps perdu.
Une forte
brise
s'levait
en
effet
et
refoulait les
gros
nuages
noirs
vers
les
plateaux herbeux, pelouses
resplendissantes
qui
couronnent
les
Dover
cliffs.
Cette brise
vient
propos; vous
prendrez, lieutenant,
le
commande-
ment de
l'allge
que nous
pouvons livrer
ses voiles
et ses
rameurs.
J'embarque
sur
En Avant;
essayez
de
dpasser
le
vapeur, si
vous
tes un
pilote
habile.
Vingt minutes
plus
tard, VEn
Avant
remorquait
seulement
les
deux
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
12/533
CHAPITRE
PREMIER
pirogues de
l'expdition
et
fendait
les eaux
du
Pool,
en
amont
du
confluent
de
la
Nsel.
L'allj,'e,
battant toutes
voiles
et
pagayoc
par ses
dix
rameurs,
courait
paralllement
au
steamer,
en
passant
au
plus prs
de
la
rive.
Le
courant,
moins
fort
qu'en aval,
opposait
l'allge
une
rsistance
qui
paral3^sait les
efforts
de
ses
vaillants
rameurs et
l'envergure
de
ses
voiles.
L'En
Avant se
jouait
de
l'obstacle
et
remontait
le
fleuve
en
tirant
de droite
et
de
gauche
des
bordes
pour
viter
les
quelques
bancs
de sable
o
d'normes
alligators,
arrachs
au
sommeil
par
le vapeur,
ouvraient leurs
gueules
menaantes.
Au
bout
d'une heure,
le
steamer
avait
gagn sur
l'allge
une
distance
de
plusieurs
milles.
Janssen
apercevait
peine En
Avant
ctoyant
les
criques
sinueuses
de la
rive.
La
brise
n'avait
pas
molli, et
un
pilote
expriment
n'et pas perdu l'es-
poir
d'atteindre
le
steamer,
ou
tout au
moins
de
perdre honorablement
la
victoire
dans cette
rgate
ingale.
Mais
le
jeune
officier
maniait
le
gouvernail
en
apprenti marin. Une
fausse
manuvre
jeta
l'allge
presque
la rive
gauche
du
Congo,
o
des arbres
gigantesques
projetaient
sur le
fleuve
d'normes
et
vivaces rameaux.
Le
mt
de
l'allge
embarrass
dans
les
branches se
cassa
par suite
des
efforts
qui
furent
tents
pour
le
dgager.
On
emplo3'a
une demi-heure
le
rajuster
avec
des
lianes.
Puis
Janssen
se
ravisant
donna
l'ordre
du
dpart, en
ayant soin
de
gagner
le
milieu
du
fleuve.
La
barre du
gouvernail
porte
gauche imprima
la
direction
voulue
l'embarcation.
L'allge
vola
sur les eaux
la brise
gon-
flait
ses
voiles,
les
rameurs
excits
redoublaient
d'entrain
;
le
bruit
rgulier
des
rames
marquait
harmonieusement
la
cadence d'une
chanson
des
noirs
matelots.
A
midi,
l'allge
accostait
VEn
Avant stopp
dans
un chenal,
en
face du
village
de
Kimpoko.
La
chaleur
tait
intolrable;
les
quipages
noirs
se
plaignaient
mme
des
ardeurs
inusites
du
soleil. On
dcida
de
dbarquer,
pour
manger
d'abord,
et
pour
prendre
ensuite,
l'ombre
des
arbres
tutlaires
qui
abri-
taient
les
huttes
de
Kimpoko,
un
regain
de forces
et
de
fracheur.
Le
village
de
Kimpoko
s'tend
sur
la
rive
gauche,
entre
deux
petits
cours
d'eau
tributaires
du
Congo.
Sa
situation
est
dlicieuse,
il occupe
comme
le
premier
gradin
d'un
escalier
form
par
des
collines
trs
boises
dont
le
dernier
chelon
se
confond
avec
le
sommet
de
la
chane
de
montagnes
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15/533
LES
BELGES
DANS
L'AFRIQUE
CENTRALE
qui
court
en
forme
de croissant,
paralllement
la
rive
mridionale
du
Stanley-Pool.
Devant
les
huttes
le
fleuve,
resserr
entre
la rive et
les bords
d'une
le
couverte de vgtation,
constitue
un
canal
o
les
eaux
sont troubles
seu-
lement
par de
rares
hippopotames
et
par des
alligators
en
qute
de
gibier.
Kimpoko
dpend
du
district
de
Nfumu-Nguma,
habite par la
tribu
des
Banfunu,
ngres qui
excellent
dans
le
mtier
de
bcherons
et
de
char-
bonniers.
Des
sentiers
indignes
serpentent
en tous
sens
travers
ce
district
lores-
tier;
ils
sont
frquents surtout
par
les
W'abuma,
porteurs
d'ivoire,
dont
les
nombreux villages sont
perches
comme
autant
de
nids
d'aigles
sur
les
pentes abruptes,
mais
boises,
de
montagnes
encaissant
le lit
du
Congo
l'entre
en
amont
du
Pool.
L'accueil
sympathique fait
aux
vo3-ageurs
par
les
habitants
du
village
de Kimpoko
impressionna
favorablement
Stanley,
qui
conut
le
projet
d'installer
plus tard une station
dans
ces
parages.
Aprs une halte
de deux
heures,
la
flottille
quitta
Kimpoko
et
passa
quatre
heures
et
demie
en
vue
de
la
pointe
d'Inga,
promontoire
crayeux
auprs
duquel
s'lvent deux
ou trois
colonnes
de mme
formation et
qui
ferme
au
nord l'tang
de
Stanley.
En
amont
de
ce
promontoire,
la
largeur
du
Congo
n'est plus
que
de
mille mtres
;
la
profondeur est
trs
considrable
;
le
courant
a
une
vitesse
de
trois nuds l'heure.
Une
bourrasque
habituelle du
sud-ouest
rend
trs
dangereuse
pour les
embarcations bordage
peu
lev
la navigation
du
fleuve.
L'En
Avant,
remorquant
toujours
les
deux
pirogues
indignes s'engagea
rsolument
dans
le lit encaiss
du Congo.
Stanley
avait
pralablement
recommand
Janssen,
pilote
dsormais excellent
de l'allge, dmnager
Jes bras de ses
rameurs
et
de
ne
courir prs
du
vapeur
qu'en
cas
d'appel.
Le
hros de la
dcouverte
du
fleuve
africain
se
souvenait
de
son dernier
combat,
le
trente-deuxime,
soutenu
et gagn par
lui contre les indignes
riverains
de
cette portion
du
Congo.
Ainsi
prvenu,
Janssen
toujours,
aux
coutes,
avait
peu
de loisirs
pour
dtailler
les
merveilles
que
la
flore
et
la
faune
africaine
talent
sur
les
rives.
On nageait
silencieusement
une
faible
distance de
la
rive
droite
;
dou-
blant
de petites anses
dcoupes
au
pied de
falaises
d'un grs de
couleur
grise
et
trs
dur,
reposant sur des couches
d'un grs
tendre
et
rougetre.
Parfois
ces
falaises
s'abaissaient
et
laissaient
deviner des
valles
boises.
LES BELGES. III.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
16/533
lo
CHAPITRE PREMIER
o les
dmes
vert-noir
du gaac
estompaient
les
bouquets ravissants
des
acacias
mimosas
aux
fleurs
d'or, pousss
entre
les
troncs
gris
d'argent, res-
semblant
des
colonnes
marmorennes, des majestueux
cotonniers
au
feuillage vert
tendre.
Au
bord
de l'eau,
sous
les votes impntrables
de
ces
gants
de
la
flore,
pullulaient des joncs,
des rotangs,
des lianes
grimpantes
et
des milliers de
plantes aquatiques
formant comme
un filet
mailles inextricables empri-
sonnant des
fleurs
de
toutes couleurs
et
des
baies de
toutes
sortes.
De petites
antilopes abondaient
sur
la
rive droite;
plusieurs de
ces gra-
cieux animaux,
interrompus
dans
leurs
bats
par le
clapotis
des
rames,
tombaient
en arrt
et
suivaient
d'un regard tonn, hsitant,
les mouve-
ments
saccads
de
l'allge
enleve
sur les eaux
lgrement
moutonneuses.
Dans
la crainte
de pousser
quelque
indigne frntique
jeter
son
cri
de
guerre,
ce
qui aurait
rpandu l'alarme parmi
les
quipages
de la
flottille,
Janssen
s'abstint
regret
d'enrichir ses
provisions
de
bouche de quelques
pices
de ce
gibier dlicieux.
D'ailleurs
la famine
n'tait pas
imminente, et les
cartouches
des winches-
ters
constituaient des
richesses
trop
prcieuses
pour
qu'elles
fussent
aussi
lgrement
prodigues.
Les
rives
du
Congo
semblaient inhabites
au
sortir
du
Stanlcy-Pool.
On
ne
rencontrait pas,
sur
un parcours
de plusieurs milles,
une
seule
agglo-
mration
de huttes
indignes
pouvant prtendre au nom de
village:
de,
del,
quelques
abris
btis par
des pcheurs rvlaient nanmoins
la
pr-
sence
d'tres
humains.
Le
fleuve
court
du
nord
au sud,
en venant
de
l'Equateur:
entre
le troi-
sime
et
le
quatrime
degr
de
latitude mridionale il
baigne,
droite,
le
territoire
appartenant
encore
la nombreuse
tribu
des
Batek, riverains
nord
du
Pool;
gauche,
les terres du district des Banfunu.
A
la
nuit
tombante, les
embarcations de la
flottille s'arrtaient
quelques
mtres
en
aval
du
confluent de
la rivire
Wampoko, entrant
dans
le
Congo
par
la
rive
gauche.
Les
eaux
de
cet
affluent
ont
la
couleur
d'une
dcoction
de
th;
elles
sont
beaucoup plus
fraches
que
celles
du Congo.
La
plaine
qu'elles
arrosent
semble la
terre
privilgie
des
palmiers hyphne,
des
laset
des
bananiers.
Ces
plantes
tropicales
s'y
groupent
en bosquets
splen-
dides
fixant
le
regard des voyageurs
par l'harmonieux
ple-mle
du
feuil-
lase,
et
veillant
l'apptit par
le
velout
allchant de
leurs
rgimes
de
fruits.
Mais
tout
explorateur
doit
au
centime
africain
prouver
bien
des
fois
le
supplice
de
Tanta'e;
il sait voir sans
avoir,
car
son
dsir
de possder
les
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LES
BELGES
DANS
L'AFRIQUE
CENTRALE
ir
fruits
qui
s'offrent
sa
vue
et
parfois
sa
faim
s'efface
ncessairement
devant
l'apprhension
de
dchaner
la
fureur des
hordes
sauvages
propri-
taires
du
sol.
Drober
le fruit
mri sur
une
plante
qui
s'est
dveloppe,
mme
l'tat
sauvage,
dans
le
domaine
d'un
chef
ngre,
c'est bnvolement
s'ex-
poser
des
revendications
excessives
de la
part du
noir, sinon
encourir
les
plus
mauvais
traitements,
voire mme
la mort,
de la
part
de ftichistes
pres
l'assassinat.
Un
petit
village
ngre situ
deux
kilomtres
au
nord du confluent
du
PAYSAGE
Df HAUT
CONGO.
'Wampoko
offrait
abondamment
contre
monnaie locale,
et
bon
march,
des
poules,
des ufs, des
fruits,
des lgumes
et du
poisson
frais.
Sa population,
facile
amadouer
avec
des
cadeaux,
fit
aux
marchandises des
explorateurs
un
accueil
sympathique;
il
n'et
tenu
qu'
Stanley
d'abandonner
aux natifs
en
change
de toutes leurs
denres
le chargement
en
toffes et en
bibelots
de ses
embarcations,
y
compris
les drapeaux
et la
voilure.
Sur
la
rive
droite,
en
face de
ce
petit
march
indigne,
s'tagent
fantas-
tiquement
d'normes
blocs
de
rochers gristres;
en amont, sur la rive
gau-
che, le lit
du
fleuve
dessine
une
crique barre
par
de
hautes falaises
de
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18/533
12 CHAPITRE PREMIER
grs
projetant
dnns le
courant plus
rapide qu'en
aval
une
srie de rcifs.
Plus
loin la
scne
change,
les
rochers et les falaises des rives
disparais-
sent
pour
faire
place
des
massifs
de
palmiers
hyphnc; le
cours
se
spare
en deux
bras pour
former
les deux Iles boises de Dualla et
Pururu;
cette
dernire
est
trs
longue, on
emploie
une
demi-heure
pour la doubler.
Ds
lors,
des
villages
indignes
s'entrevoient sur les
flancs des
collines
peu
pittoresques
qui
limitent
l'ouest la
valle
du
Congo.
Ils
portent les
noms
de
Makann's,
Ejani, Hali,
et
appartiennent encore
la
tribu
des
Banfunu.
La
rive
droite est
depuis
le Stanley-Pool
dpourvue
de
villages
;
en
amont
de l'le Pururu,
elle
offre une
succession de
sites
plus
pittoresques
que
ceux
de
la
rive
oppose.
La
chane
de
collines
qui court paralllement
au
rivage,
dtache
une
srie
de
terrasses
descendant
par gradation
jusqu'au bord
de
l'eau,
et
dont
la
plupart couvertes
de
vgtation
semblent
avoir t
disposes
arti-
ficiellement
et
plantes
de
jeunes
arbres
splendides.
Les
lions,
les
lphants,
les
buffles, sont
les
farouches
htes
de
ces
bois.
Dans
l'aprs-midi du
25,
YE)i Avj?it, aprs avoir
crois un grand
nombre
de
criques
tortueuses,
parvenait
entre deux
villages
construits
face
face,
l'un
Mbula
sur la rive
gauche, l'autre
Enyari.
premier centre
populeux
rencontr
sur
la
rive droite
depuis le
Pool.
Janssen
avec
l'allge voguait
auprs
du
steamer.
Continuez
votre route,
cria
Stanley
au
sous-lieutenant.
J'ai
l'intention
de
rendre
visite
aux
bandits
de
ces
rives
qui
me
reurent
jadis
coups
de
mousquet.
Si
vous
entendez
des
dtonations,
virez de bord,
et
accourez
mon
aide.
L'ordre
de
Stanley
donnait
rflchir,
mais il
fut
fidlement
excut
par
Janssen.
L'allge
mollement berce
par la brise,
glissa
ct
des
pirogues
qui
remontaient
le
courant force de
rames,
tandis que
i''n/liu/,
gouvern
par
Stanley,
allait
aborder
au
village
d'Enyari.
Soudain
vingt
coups
de
feu, signal de mauvais
augure,
font
rsonner
les
chos
du
Congo et
vibrer le cur de
Janssen.
Allge et
pirogues voluent
prestement
:
sur
l'ordre
de
Janssen,
les
noirs
se
courbent
sur les
rames; les
embarcations, aides par
le courant,
volent
vers
Enyari, stoppent et sont
amarres
aux
abords
du
village;
en
moins
de
temps
qu'il
n'en faut pour
l'crire,
les
quipages
du
canot, forms
en
peloton
derrire
l'oficier, lancent
leurs
sinistres cris de guerre
et par-
viennent
au pas
de charge sur
la place de
la
localit.
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LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE
13
Stanley,
cerne par
des
indignes anims plus
par la curiosit
que
par
des
sentiments
hostiles,
y
fume
tranquillement son
cig-are
en
causant amicale-
ment avec son entourage.
Jansscn
et son
peloton
en
cro3'aient
peine
leurs yeux.
La
stupfaction du
lieutenant
s'accrut encore
la vue du
drapeau fran-
ais qui
fut
dploy
la
branche
d'un
arbre,
unique
ornement de
la
place
d'Enyari.
De
Brazza est-il
ici
?
demanda
Janssen.
L'explorateur
franais n'y
est
pas,
et il
n'y
est mme pas
venu. Au
pre-
mier abord les natifs
m'ont
pris
pour
de Brazza;
ils
ont
ft
mon
arrive
par
une salve
de
mousqueterie.
L'histoire
du drapeau
est fort simple,
con-
tinua Stanley; de
Brazza
est
pass,
il
y
a
prs de
deux
mois,
plusieurs
milles du village, chez
un
chef
batek nomm
Ganchu.
Il
a fait
ce
chef
don
de
nombreux
drapeaux,
en
le
chargeant
de les
distribuer aux
mfoums
des
villages
environnants,
avec
recommandation
de
les
exhiber
si
un
blanc
venait
se
montrer.
Nous
viterons de
relater
dans
notre
ouvrage
les
rumeurs plus
ou
moins
fondes relatives
l'antagonisme des deux explorateurs,
rumeurs col-
portes
dans les
derniers
mois de
l'anne
18S2
par divers
organes de
la
presse
europenne.
Comme Stanley,
le
vaillant
officier
de la
marine
franaise
tait
un
de
la
civilisation cherchant
pntrer
dans les
rgions
encore
inconnues
du
continent noir.
C'est
tort
que
quelques-uns de
ces
journaux ont
pos
la
mission
de
M.
de
Brazza
comme
rivale de
celle
que
dirigeait
Stanley.
Peut-tre
ignoraient-ils
que
S.
^\.
Lopold
II,
jaloux
d'encourager
toutes
les entreprises
humanitaires
ayant pour
but
le centre ducontinentafricain.
avait
aid de
ses
propres
deniers l'expdition
de de Brazza,
dont
l'action
s'tait
tendue
jusqu'au
del
du
Stanley-Pool par l'Ogou
et
l'Ali
ma.
Sans
mme essayer
de pousser
les indignes
d'Enyari
renier le
drapeau
qu'ils
tenaient de la
libralit
de
Ganchu, Stanle}-
quitta,
le
lendemain
26
avril,
cette localit, pour
aller s'installer plus au
nord, sur
la
rive
gauche,
au
village
de Msuata ( latitude
3 28'),
trente kilomtres
en
amont
de
l'entre
du
Stanley-Pool.
Les
quipages
de la
flottille,
dbarqus
sur
le
rivage,
se
mlrent
aux
habitants
de
Msuata venus
pour
les
examiner.
Entre-temps,
Stanley et
Janssen,
accapars par
les
notables
du
village,
taient
amens
devant
le chef
Gobila, ngre
remarquable par
sa
corpu-
lence
et
surtout
par
sa
toilette
indigne d'un haut et
puissant personnage.
Gobila
avait
grand
besoin
d'une
pice
d'toffe pour
couvrir
dcemment
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
20/533
M
CHAPITRE
PREMIER
SCS
hideux
tatouages.
Ce fut
aussi par
un
cadeau
de ce
genre
que
Stanley
entama
avec
lui
les
ngociations
que
ncessitaient
l'achat de
terrains
et
l'obtention
de
droits
de
sjour pour les agents
du
Comit
d'tudes.
Gobila accepta
avec
empressement tous
les
prsents
en
espces qu'on
voulut
bien
lui
octroyer;
mais
il n'avait
pas,
disait-il,
le
pouvoir
de
contrac-
ter avec
les
trangers
des engagements
relatifs
la cession
d'un
seul arpent
de terre.
Le
village
de
Msuata
tait un fief
vassal
du
roi
des
Banfunu
:
ce
roi avait
nom
Gandelay.
On
dut
aller
quern-
cette
majest
noire au
fin
fond de ses
domaines.
Le i
mai
seulement
Gandelay
se
rendit prs des exp.
orateurs
blancs,
prcd d'une
file inter-
minable
de guerriers,
de
musi-
ciens,
de femmes et
d'enfants. Le
dfil de
son
excentrique escorte
gaya
fort
le sous
-
lieutenant
Janssen
. Le
jeune
explorateur
avait assist
bien
des
fois
des
parades
ngres,
aucune
ne lui
avait
paru
d'un
aussi haut
comique.
Toute
la
population
valide
de
Msuata
s'tait porte
au-devant du
souverain .
Une
houle
humaine,
exhalant des
odeurs
nausabondes
d'huile
de
palme
et
de sueur,
em-
plissait
les
espaces
libres entre
les
cabanes:
c'tait
un
ple-mle de
jambes
et
de
bras
s'agitant,
re-
muant
l'air
empest,
avec
accompagnement
infernal de
tambours, de
trompes
d'ivoire,
de
fifres, de
musettes
et
de
guitares
d'un modle
parti-
culier,
sur
lesquelles des
fragments
de
roseaux
tenaient
lieu de
cordes.
Lorsque
Stanley
put enfin
se
trouver
en face
de
Gandelay,
la foule
des
assistantsse
prcipita vers
la rive du
fleuve.
Trois
canots
batek venaient
de
dbarquer
le
clbre
Ganchu, l'homme
aux
drapeaux
franais,
et
une
nombreuse suite.
jamais
Msuata
n'avait
vu
grouiller
entre
ses
huttes
une
affluence d'tran-
gers
aussi
considrable.
Deux
longues
heures
s'coulrent
avant
qu'il ft
possible
aux
blancs
d'entamer une
conversation
avec
les
chefs
indignes.
HACHE
DE
GAXCHU.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
21/533
LES
BliLGES
DANS
L
AFRIQUE
CENTRALE
Entrans par l'exemple
de
leurs
sujets,
Gandelay,
Ganchu,
Gobila
lui-
mme
malgr
son
embonpoint
excessif,
se livraient
une
danse
des
plus
chevelees.
Vers quatre
heures du soir
le
calme commena
s'tabir.
Stanley et
Janssen
s'assirent
assez
commodment
sur des nattes
de
gazon,
en
face
des potentats ngres, sous un bombax dont la
frondaison
formait
un
plafond
de
salle
d'audience
convenable
avant
le
coucher
du
soleil.
Pendant
que
Stanley captivait
l'attention
de
ses auditeurs noirs,
Janssen
observait
la physionomie
et
laccoutrement
de chacun.
Ganchu
reprsentait,
phj^siquement
parlant,
le
moins
laid
des
trois
chefs
runis. Ce
personnage remplissait
les
fonctions de
collecteur
de taxes pour
compte
de Sa
Majest
Mpumu Ntaba,
le
plus
grand
makoko
des
rives du
Congo moyen,
souverain omnipotent
du royaume desBatek.
11
tenait
fi-
rement
dans sa
main
droite l'insigne
de sa dignit,
sorte
de hache
dont
la
lame
en
l'oi^me
de
croissant tait relie
au
manche
cannel par
une
longue
tige
en
fer
forg.
Son
plus bel
ornement
consistait
dans la disposition architecturale
de
sa
chevelure
empenne,
tresse
et
maintenue
horizontalement
l'aide
d'un
filet de
fibres
de
palmier.
La
plupart
de
ses
sujets
s'taient
pars
de
plumes
de
plican.
Mais
Gandelay clipsait
par son faste
le
luxueux accoutrement
de
Ganchu.
Indpendamment
des
peaux
de lopard jetes sur ses
paules,
le
chef
des
Banfunu,
grimaant
sans
cesse
un sourire
disgracieux qui
s'efforait
d'tre
aimable, tageait
sur
sa
poitrine
une
srie de
colliers
de
dents de
singe
et
de rongeurs, et
par un mouvement
assez
coquet
de
l'avant-bras
il
invi-
tait
le
regard
s'arrter
sur
de magnifiques
anneaux
de
cuivre
auxquels
taient
appendues des
divinits
portatives, becs d'oiseaux,
arrtes
de
pois-
sons,
cailloux,
morceaux de bois coloris sculpts au
couteau.
Sa
cour au grand
complet
l'avait accompagn. Prs
de
lui
quelques
femmes
demi-nues fontroflRce
de chasse-mouches, des musiciens
semblent
attendre
son
signal pour arracher les
sons
les
plus
tranges
de
non
moins
tranges
instruments.
Mand auprs d'un
mundel,
Gandelay a eu le soin de
se munir
des
pr-
sents
qu'il
lui
destine;
il
offre
a
Stanley
trois
chvres,
une
corbeille
d'ara-
chides,
une
calebasse
d'huile de
palme,
un pot de miel, une
demi-douzaine
de
poulets
et
de
nombreux rgimes de bananes.
Ces
gnreux
arguments valurent
Gandelay
une
rponse
non
moins
gnreuse.
L'loquence
de Stanley,
renforce
par
la
munificence
de
l'agent suprieur
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
22/533
i6
CHAPITRE
PREMIER
du
Comit
d'tudes,
triompha
aisment des craintes puriles
que
manifes-
tait le
chef des Banfunu
au sujet de
l'tablissement des
blancs
sur
ses
domaines.
Comme tous les makokos
ftichistes, Gandelay attribuait aux
mundels
un
rayonnement
nfaste, le mauvais il.
Nanmoins,
en
monarque
peu autoritaire, Gandelay s'en remit
la dci-
sion de
Gobila,
pour
accorder
Boula
Matari les terrains
sollicits
aux
environs
de
Msuata.
Gobila, tmoin
des
libralits
de
Stan'ey, se
dclara enchant
d'avoir
dans son
voisinage
une
sorte
de poule
aux
ufs
d'or,
une maison
o les
fils
du
mpoutou
entasseraient
les merveilleux
trsors de
leur
industrie.
On
rgla,
sance tenante, le
montant
de
l'annuit
payer pour
la
cession
d'un
terrain sis
quatre
minutes
du village,
sur une
minence peu
leve,
dont
la base se
baignait
dans
les
eaux
du
fleuve.
janssen
fut
aussitt prsent aux
chefs
indignes
en
qualit
de futur
com-
mandant
du
poste
tablir.
Le
lendemain,
le
sous-lieutcnant
plantait
sur
la hauteur concde
le
dra-
peau
bleu
du Comit
d'tudes et
y
installait
en
mme
temps une
escouade
de
travailleurs.
Ce
mme
jour,
un
missaire de
de
Brazza, aj^ant nom Giral,
quartier-
matre
de
la
marine franaise,
survivant
glorieux des bataillons
du
Bourget.
se
prsentait
Msuata
pour remettre
Gobila le
pavillon
tricolore. Cet
agent
de la
mission
franaise arrivait trop
tard; il n'avait pourtant
pas
mnag
en
chemin ses forces
et sa sant.
Ce
messager fidle avait aban-
donn
aux
ronces
du
chemin le
cuir
de
ses
chaussures;
il
arrivait pieds
nus
destination.
.Avec
cent
jeunes
gens
de
la trempe de Giral, a
crit depuis
Stanley,
on
fonderait
aisment
un
empire
en
Afrique.
Giral,
devanc
par les agents du Comit d'tudes,
accepta
pour
une nuit
leur
cordiale
hospitalit
;
il
quitta,
le
27,
le village
de
Msuata
en
compagnie
de
Ganchu
qui s'tait charg de le
conduire prs du
grand
makoko
Mpuma
Ntaba.
A
la
date
du
5
mai, le terrain
de
la
station
tait entirement dblay.
Janssen
y
transporta sa tente
et
commena
la
construction
d'une
maison
d'habitation.
Le
sol
contenait en abondance du grs rouge propre
fabriquer
des
briques;
les
environs de
Msuata
offraient
en quantits
prodigieuses
le
bois
de
charpente et le loango
utilisable
pour
les toitures.
L'effectif
de
Janssen,
rduit
le
7
mai,
par
le dpart
de
Stanley, a
vingt Zanzibarites
et
dix
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r.-i'T^r
ci'j;
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7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
25/533
LES DELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE
Kroomen,
pouvait, selon
les
calculs de
l'officier, difier en
trois
mois
les
btiments
indispensables
de
la
station
de
Msuata.
Janssen
avait
compt sur les bonnes
dispositions
de la
population
indi-
gne.
Il ne
ngligea rien
pour
obtenir
l'appui efficace
des habitants
de
Msuata.
Pendant
son
sjour Issanghila,
l'officier
belge
avait
acquis les connais-
L'NE
LEON
DE
KIBUMA
PAR
GODILA.
sanccs
rudimentaires
de
l'idiome fiot;
plusieurs
semaines
de
pratique
l'amenrent
comprendre le langage
kibiima
usit
par les
peuplades
banfunu
du
district
de Msuata,
et
diffrant
fort
peu
de
la
langue
parle sur
les
bords du
Congo
inierieur.
Une
leon
de kibuma par
Gobila
ou
par
tout
autre
personnage
du
village
rompait
la
monotonie des heures
inoccupes
du
chcl
de la
station.
LES
EELCE5.
III.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
26/533
i8
CHAPITRE
PREMIER
Les
professeurs
improviss s'merveillaient
des progrs
rapides
de
leur
lve
qu'ils
avaient
baptis
du
sobriquet
de
Zoiizou
M'Peinb
(coq
blanc),
cause, parat-il,
des
vtements de tricot
blanc
ports par
Janssen.
En revanche, les Zanzibarites
de
la
garnison
de
Msuata
appelaient
aigle
leur
commandant.
Janssen
tmoignait
aux
natifs
la
plus
grande
bont
possible :
traitant
d'gal
k
gal avec
les
notables
du village,
il
acceptait,
en
appelant
Gobila
son
papa
,
le
titre
de fils de
ce
chef ngre,
et
se
laissait
interpeller
par
les femmes
mme vieilles
sous
le
nom
de moulum
(
mari), titre
auquel, bien
entendu,
il
n'avait
aucun
droit,
mais
qui
lui
valait
d'tre
nomm
papa
blanc
par les enfants de la
localit.
Cette
familiarit occasionnait
parfois
des
dsagrments
au chef de
la station. Pas
un habitant du village
ne
passait devant
la demeure de
Janssen
sans
y
pntrer
effrontment pour
aller
serrer
la
main
de son
ami
et
l'asommer de
questions
naves.
Un
matin,
trois
ou quatre de
ces fcheu.x
amis venaient
distran-e
l'agent
du
Comit
d'tudes occup
rdiger
son
courrier
et
voulaient
tout
prix
s'approprier
son
encrier
pour
se
barbouiller
le
visage.
Les natifs
de .Msuata ont la
manie
du
maquillage
:
les uns tracent sur leur
visage
les
dessins
les plus
informes
l'aide
d'une
couleur blanche et
de
l'ocre
rouge; les autres
se
font
comme
des pince-nez bicolores
autour
des
yeux;
presque
tous
renforcent
le noir
de
leur
teint
par
une
couche de
char-
bon de
bois dlaj' dans
l'huile
de
palme.
Bien entendu,
Janssen
n'encourageait
pas
leur
passion
du
peinturlurage
en
leur
abandonnant
sa
provision
d'encre. Il
dut
donner
la
plupart
de
ses
visiteurs
d'interminables
explications
relativement
l'usage qu'il
fai-
sait
de cette
matire noire;
chaque fois qu'il
crivait
en
prsence
des
natifs,
il
se
pliait
bnvolement
aux lantaisies
de
certains,
dsireux de
tracer
des
barres
sur
le
papier.
Les plus
habiles de
ces
apprentis
crivains
russissaient
toujours
gcher
les
feuilles
blanches
qu'ils
couvraient de larges
pts
provoquant
leurs
plus
bru3-antes
exclamations.
Le lendemain, de
nouveaux visiteurs
envahissaient
par bande
la
chambre
de
l'officier
et
y
mettait
le
mobilier
au
pillage.
Les
uns
se
disputaient
pour carresser le
tigre magnifique
biod
sur la
couverture de
vo3'agefon(i
rouge,
achete
par
Janssen
dans
un
magasin
de
Bruxelles; d'autres
s'ex-
tasiaient
non
sans
effroi devant
le
remontoir
nickel
qui scandait
les
minutes
avec son tic-tac
habituel.
La
mimique exjDressive
de
chaque
ngre
dcouvrant
un objet
nouveau
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
27/533
LES BELGES
DAXS
L'AFRIQUE
CENTP^ALE
19
pour lui divertissait
quelque
peu le chef blanc qui tait
nanmoins
oblig
de
mettre
brusquement un
terme
a
la
curiosit
de
ses
nafs amis.
Il
fallait
alors
avec ces
envahisseurs miportuns
recourir
la
svrit qu'exerce
un
pion
sur
une troupe de
bambins conduits
dans
un bazar
dix
centimes,
le
jour
de
la
Saint-Nicolas.
Au demeurant,
Janssen
ne
pouvait
point
trop
se
plaindre
de
ses
com-
plaisances
envers
les sujets de
Gobila;
il
eut plus
souvent
maille
partir
avec
des
visiteurs
ba3'arizi,
tribu dont le
territo-rc s'tend
en
amont
de
.Msuata, le
long de la
rive gauche du
Congo, au
del du
continent du
Koango,
l'un
des
plus
importants
tributaires
du
grand
cours
d'eau
de
l'Afrique
centrale.
Ces
Bayanzi,
intrpides
porteurs
d'ivoii^e, traversaient
frquemment
le
district de
Msuata et se montraient assidus auprjs
de
Janssen
au
point
d'veiller
la jalousie de
Gobila
et de
ses
surbordonns.
Dans la
nuit
du
g
au 10 mai, une
nombreuse
caravane bayanzi. quittant
la
station
aprs une altercation
assez vive
avec
des natifs
de
Msuata. dro-
bait le
seul canot
possde
par
Janssen.
A
l'aube
du
lendemain,
l'oticier,
veill
par
des
rumeurs
insolites,
cou-
rait
a
la rive
du fleuve
o
la
populace guerrire
de
Msuata,
embarque
sur
une vingtaine de pirogues immenses, hurlait
tue-tte
le sinistre
cri
de
guerre
local.
Janssen
chercha vainement
son canot pour se rapprocher de
l'embarca-
tion monte par Gobila.
Ce
dernier
vint
gracieusement
donner
au
mun-
del
les explications relatives
la prise d'armes.
Les
Bayanzi ont
dclar
hier qu'ils
nous enlveraient
Souzou
M'Pemb
j,
notre
bon
ftiche...
Nous
allons
brler
leurs
villages,
emmener
en
capti-
vit
leurs
femmes,
leurs
enfants,
leurs
esclaves,
piller
leurs
troupeaux
et
ravager
leurs
champs
de
manioc.
Les Bayanzi
sont
mchants;
venez
avec
nous, votre
seule
prsence assurera la victoire.
Janssen
n'en
pouvait croire
ses oreilles en
apprenant le motif
de
cette
guerre imminente
qu'il
dsapprouvait et
a
laquelle, bien
entendu,
il
refu-
sait de
prendre
part.
D'ailleurs
les Bayanzi ne m'enlveront
pas,
affirma-t-il
Gobila
;
ils
ont
bien
peu prouv
leur intention
de
rester
mes
amis,
puisqu'ils
m'ont
vol,
cette
nuit, le seul canot
que
je possdais.
Ils ont
drob
votre pirogue
s'cria Gobila
indign; raison
de plus
pour
les chtier;
nous
allons
leur
faire la
gueixe,
et demain nous
vous
ramnerons
votre embarcation.
>
Tout
discours fut
inutile
pour
empcher le mfoum de Msuata de se
vcn-
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
28/533
20
CHAPITRE
PREMIER
ger des procds
censment
dloyaux des
Bayanzi.
Du
reste
l'obose Gobila
et
t
impuissant
rprimer
les
lans
belliqueux manifests
par son
arme
navale.
Les
quipages
de sa
flottille,
qu'impatientait
la
longueur
du
dialogue
entre les chefs blanc et
noir,
profraient
des
paroles
malveillantes
l'gard
de
Janssen
qui
tourna
le
dos
son
interlocuteur
et
regagna
la station.
Le
II,
Gobila
revint, assez
confus, dire
au
sous-lieutenant qu'il avait
bien reconnu
le
canot
en question parmi les embarcations
de
la
flottille
bayanzi
et
qu'il avait
tent
par
tous
les
moyens
de
s'en
emparer,
sans
pouvoir y
russir.
Dans
l'aprs-midi,
les Bayanzi revenaient eux-mmes
pour restituer,
moyennant six
cents
mitakos,
la pirogue drobe,
qu'ils
affirmaient
avoir
trouve
nageant
la drive sur
la
rive
droite.
Janssen,
refusant de rcompenser
d'hypocrites
voleurs,
offrit
nanmoins
trente mitakos
pour rentrer
pacifiquement
en possession
de
l'objet
qui lui
avait t
vol.
Son
offre
fut
rejete; les Bayanzi filrent
avec son canot.
Ladite
embarcation,
creuse
dans
le
tronc d'un
gigantesque
teck,
pouvait
aisment contenir vingt-cinq hommes; c'tait
une
des deux
pirogues
remorques
par l'En avant
lors
du dpart de Lopold ville; elle
avait
t
achete
aux indignes
par
Stanley,
au
prix
de trois
cents
mitakos.
Stanley,
remontant le fleuve,
apparaissait
prcisment le
12
mai
devant
Msuata-Station.
A la vue inopine
du
steamer qui amenait
l'agent
suprieur
du
Comit
d'tudes,
Janssen
s'tait prcipit vers le
rivage, dans
l'espoir
d'obtenir
plus
tt
son
courrier
et
de
revoir
un
visage
blanc.
L'Eu
avant
tait
encore
une
distance de
dix
minutes
du
dbarcadre,
que
Stanley,
appuy sur le bordage
l'avant
du navire,
scrutait
de
son
il
de
lynx
les herbes et les
criques
tortueuses
de la
rive,
et criait
Janssen
d'une voix
inquite
:
ft
Whcre is yoiir
canoet?
(o
est votre canot?)
Vol
rpliqua
laconiquement
Janssen.
VEn
avant
stoppa.
Stanley
sauta
prestement
terre
et,
sans
serrer
la
main
que
lui
tendait
l'officier,
il
exigea
le
rcit
immdiat
des
circonstances
du
vol.
Les
paroles de
Janssen
jetrent
dans
une violente
colre
le loyal
admi-
nistrateur des
biens du
Comit
d'tudes.
Stanley,
une
fois
le
rcit
termin,
brusqua
tout
son
personnel,
activa
le
dchargement
du
navire,
donna
fivreusement
des
ordres
au chef
de
la
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
29/533
LES
BELGES DANS
L'AFRIQUE
CENTRALE
21
Station
et fit
chouft'er VEn avant,
trois
lieures
du
matin
pour voler chez
les
coupables
Bayanzi.
Sur
ces
entrefaites,
on
annona
l'approche
de
pirogues descendant le
fleuve. C'tait
justement
la
flottille des
porteurs
d'ivoire,
grossie
du
canot
en litige.
Stanley fit
distribuer
les
armes et
des
munitions
tous
les
hommes
dont
il
disposait; En
avant,
menaant
de
sombrer sous le
poids du
nombre
considrable de
ses
passagers
arms, se
mit
en travers
de
la route des
Bayanzi.
Ces
derniers
n'en
persistrent
pas
moinsavancer.
Arrivs prs
du
steamer,
porte
de la
voix,
ils
dclarrent
leur intention de restituer le
canot,
sans
mme
exiger
le
moindre
mitako.
Cette
promesse
aussitt
ralise
fit
disparatre
la
som-
bre
fureur
laquelle
Stanley
tait
en
proie.
Le
lendemain,
12
mai,
le
canot de
la
station
de .Msuata,
solidement
amarr,
se
balanait
de
nou-
veau
dans
la
crique
protge par
la
ban-
nire
bleue
du Co-
mit
d'tudes.
Ce
mme jour,
Stanley
recrutait
parmi les
sujets
de
Gobila des
guides
volontaires,
qui
l'accompagnaientle
iq
dans
son exploration vers le Nord.
Assez
mal
reu
par
les
indignes des
rives du
Congo, Stanle)^
s'engagea
sur
YEn
avant
dans
les
eaux
du
Kwa
ou
Koango.
11 remonta
cet
affluent
jusqu'
l'endroit
o
il
se
divise en
deux larges
rivires courant l'une
vers
le
sud,
sous
le
nom
de
Mbiheh,
l'autre
vers
le
nord-est,
sous
le
nom
de
Mfini.
L,
Stanley,
poursuivant
ses
dcouvertes,
explora
la
rivire
Mfini
et
atteignit
l'expansion
lacustre
forme par
ce
cours d'eau,
vritable
lac
connu
depuis
(26
mai
1SS2) sous le
nom de lac Lopoid
II.
Le
7
juin, Stanley,
gravement malade,
rentrait .Msuata,
o il
infor-
PANIER (collection
DE .M.
FLEMINg).
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
30/533
CHAPITRE
PREMIER
mait
Janssen
de
son projet de
retourner
en
Europe
pour
y
recouvrer
la
sant.
Le 8
juillet
1882,
l'agent suprieur
arrivait Vivi.
Voici
en
quels termes
le
capitaine Hanssens
raconte,
dans
une
lettre
date
de
Vivi
11 juillet, l'arrive
de
Stanley
dans
cette
station
:
Vendredi
dernier,
nous
avons
vu apparatre,
au sommet d'une des mon-
tagnes
qui
bornent
l'est
l'horizon
de
Vivi,
une
caravane
prcde du
dra-
peau
de
l'Association.
De tous
les
blancs
qui
se trouvaient
la station,
j'tais le
seul
qui
ft
prt
se
porter
la
rencontre
du
chef
de
l'expdition
:
tous
les
autres
taient
en ce
moment
dans des
costumes impossibles.
Je
me dirigeai
donc
vers la
caravane,
que
je rejoignis
a
quelques
cen-
taines
de
mtres nos
constructions.
Je
m'approchai
du
hamac dans
lequel
tait
couch
Stanley,
et j'eus de la
peine
a
retenir
des exclamations
de
sur-
prise en
apercevant les
ravages
produits par
l'horrible
fivre
d'Afrique
dans
cette
organisation
de
fer.
Lafigure avait
une
teinte
cadavrique:
les yeux
profondment
enfoncs-
dans
les
orbites
n'avaient
pour
ainsi
dire
plus
de
regards.
Stanley
prouva
toutes
les
peines
du monde
sortir
de
dessous
sa
cou-
verture
de
voyage
la
main qu'il
voulait
me tendre
lorsque
je me prsentais
lui;
sa
voix
n'tait qu'un
soufle lorsqu'il
rpondit
mon
speech d'intro-
duction
:
Bonjour,
mon
cher
capitaine,
je suis
heureux
de
vous
voir
en bonne
sant.
Je
marchai
ct de
son hamac,
jusqu'au
moment de
notre
arrive
sur
le
plateau
de
la
station.
En ce point, le
malade sembla
se
ranimer;
en revoyant
cette ville
nais-
sante
qui
tait
son uvre,
sa cration, et
qui
avait
marqu
ses premiers
pas
dans la mission
d'agent
en chef du
Comit
d'tudes,
ses j'eux
prirent
une
expression
de
contentement
et sa
figure
rayonna
de joie.
Il
se
sentait
chez lui; il
savait qu'il
y
trouverait
tous
les
soins
dvous
qu'exigeait son tat.
Entre-temps, les
autres blancs
taient
venus lui
prsenter
leurs compli-
ments
de bienvenue.
Porte
prs du pavillon
qui
sert
de
logement
aux
autorits
de
l'expdi-
tion,
et
qui renferme
sa chambre
et sa
bibliothque,
Stanley
sortit de
son
hamac :
Lindner (chef actuel
de \'ivi)
et moi,
nous
le
prmes
chacun
sous un bras,
et
l'aidmes
monter
l'escalier
qui conduit
ses
apparte-
ments.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
31/533
LES
BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE
23
Une lgre
collation
et
quelques
rconfortants
le ranimrent
bientt
compltement.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
32/533
24
CHAPITRE
PREMIER
de beaucoup au service relativement sdentaire qu'il aurait
eu
remplir
en
acceptant
le
commandement
d'une
station.
La
vie
agite de
bivouacs, de
marches, d'aventures,
de
luttes
imprvues
et
de
dcouvertes,
tait plus conforme
aux
aspirations
du
vaillant
pion-
nier.
Il dsirait
le bruit, les motions, le
mouvement,
un
gnreux
reten-
tissement
de son
nom
en Europe
:
son vu le plus
cher
s'accomplissait.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
33/533
CHAPITRE
II
Hanssens
agent
suprieur
de
l'Association.
Voyage
d'exploration
de
Vclaircur.
Les
Wabouma.
Bolobo.
Ibaka
et
son chapeau.
Relation
ethnographique
sur
les
peu-
plades
B-U'anzi.
Funrailles
de
Mpoki.
^^^^^s^^^u
jour
oii
Hanssens
fut investi
du
commandement
effectif
de
l'expdition
du
Congo, il
se
cra
une besogne
sa
taille:
il
tenta
rsolument
vers
l'intrieur
une
entreprise
dans
laquelle
Stanley
lui-mme
avait prcdemment
chou.
^J^SvSii^Ss^
Aprs
avoir
assur
l'tablissement
d'une route
suivant
la
rive
mridionale
du
Congo
entre
Manyanga
et le Stanley-Pool,
pacifi
les
territoires
riverains
situs entre
ces deux points, conclu
de,
del,
grce
l'loquence
de sa
parole
persuasive
ou
au
triomphe
de
ses
armes,
LES BELGES.
III.
4
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
34/533
26
CHAPITRE DEUXIME
des
traits
d'alliance et
d'amiti
avec les
chefs
des
tribus qui habitent cette
partie
de la
lijine
d'oprations de
la
Socit
internationale,
Hanssens
s'ap-
prtait, en octobre
1SS2,
visiter les domaines
des sauvages Bayanzi.
Le 6
octobre,
le
capitaine
transmettait
Janssen
l'ordre de rechercher
dans son district des
ngres
capables
de servir
de
guides
et
d'interprtes
une
expdition
dirige
vers
le Nord.
Janssen
connaissait les murs
peu hospitalires des
Ba3'anzi,
et
d'autre
part
il
savait
que
Gobila
tait
oppos
l'tablissement d'une
succursale
des
blancs
en
amont
de
Msuata, succursale qu'il
considrait
comme
nui-
sible
ses
propres intrts.
Incapable
cependant de
reculer
devant
l'excution
d'un ordre
reu,
Janssen se
mit en
qute
de
recrues indignes.
Il manda Gobila
et
les notables
du village,
et
leur
exposa dans
une
pala-
bra
mouvante
les projets d'un
nouveau Boula
Matari,
dont
le nom
et les
aventures
audacieuses
danslebisetlemoyen
Congo
servaient dj de
thme
de merveilleuses
lgendes
parmi les ngres.
La
confrence
eut
lieu
dans
la
soire du
8 octobre.
Gobila
et
sa suite, reus
avec plus
d'honneui's
et d'affabilit
encore
que
d'habitude,
taient
runis dans
la
chambre
coucher du chef
de la station.
Un temps
pouvantable
avait
empch
de tenir
la
palabra
l'extrieur.
Le
vent
soufflait
draciner
les arbres
et
couvrait de
sa
voix
puissante
les roulements ininterrompus
du tonnerre.
On
tait
alors
en pleine
saison
des
grandes pluies.
Janssen,
assis
sur une
caisse
bagages en
face
de
Gobila
accroupi
la
turque sur la
magnifique
couverture de voyage
au
tigre
brod,
emplo3-ait
depuis
une
demi-heure
toutes
les
ressources
du
langage
persuasif
pour
dterminer l'assistance
lui prter son
appui dans
la
conjoncture
prsente.
Ses
meilleurs
arguments
taient
successivement
combattus
par
les
divers
orateurs
de
la
suite
de
Gobila
:
Nous
ne
connaissons pas Boula
Matari II, disait
l'un;
comme
vous,
il
est
peut-tre
bon;
peut-tre
aussi
comme vous veut-il notre
bonheur,
mais
son intention n'est-elle
pas
d'aller
btir une
ville
chez
les
Ba\'auzi,
nos
traditionnels
ennemis
? N'ira-t il
pas
vendre
lui-mme
aux
tribus
de
notre
voisinage
les
marchandises
du mpoutou
que
nous obtenons
directe-
ment
de
vous
aujourd'hui,
et
que nous leur
revendons avec de gros
bn-
fices.^
Toutes
ces
suppositions
sont
craindre;
aussi
nous
dfendrons
nos
amis,
nos
frres,
nos
enfants,
nos
esclaves, de
guider
le
nouveau
mundel sur
les
terres
des
Bavanzi.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
35/533
LES BELGES
DANS L'AFRIQUE
CENTRALE
27
Eh
bien,
rpliqua
Janssen,
j'admets
vos
tisitations
accorder
des
guides
Boula
Matari II; mais je vous
demande
en
mon nom
personnel
de me confier
une
escorte.
Vous
me
connaissez; je suis
pour
vous
tous
le.
bon Souzou M'Pemb,
le fils de votre
mlou
Gobila;
je vous
promets de
suivre vers le
Nord
mon frre blanc
et
d'user
auprs
de lui de toute
mon
influence
pour
qu'il ne prenne
avec
les Bayanzi aucun arrangement
prju-
diciable
vos
droits
et
vos
intrts.
Vous avez
bien parl, exclama
Gobila.
Je
tiendrai
votre
disposition
mes
interprtes les plus fidles.
Ils
vous
conduiront auprs de mon
confrre
de
Tchoumbiri,
le
roi Monkouala;
et
plus loin,
l'endroit
o
le grand
fleuve
s'largit,
dans les domaines
d'Ibaka,
fier
makoko
de
Bolobo.
La
palabra
se
termina
sur ces bonnes promesses.
Janssen,
fidle
aux
traditions,
fit
verser
aux
assistants
des rasades de
gin;
on
buta
l'amiti,
la fraternit de Gobila
et
de
Janssen,
on continua
sans
toaster
faire de
copieuses
libations
;
puis un membre de
l'assistance
improvisa sur
le rythme
monotone des reirains africains
une
ballade
en
l'honneur
de Souzou
M'Pemb.
Au
dehors
l'orage
continuait
avec
une
violence inoue;
le
crpuscule
qui
commenait,
rendait
plus
vives
et
plus
terribles les incessantes
lueurs
des
clairs.
Janssen
alluma une bougie,
supporte par le traditionnel
bougeoir de
l'explorateur
africain ;
le
goulot d'une bouteille vide.
Pendant
ce temps, le
noir
improvisateur
emplissait
des clats
de
sa
voix
l'troite
chambre
o les
confrenciers
ronflaient, cuvant
leur gin, dans
les
pauses
les plus
diverses
et
les
plus
imprvues.
Janssen
maudissait
dans
son
for
intrieurl'idequ'ilavaiteuedeprocurer
ces
fieffs
ivrognes
le moyen
de
s'alcooliser dans son appartement
priv.
Il
songea
un
moment
appeler ses
serviteurs
pour
emporter
un un les
htes
encombrants
de sa chambre
coucher, mais
il
faisait
un
temps
ne
pas
mettre
un
chien
la porte.
Janssen
laissa
donc le champ
libre
Gobila et
ses
conseillers
engourdis
par
l'ivresse,
prit
son
bougeoir
et
s'installa pour le reste de la
nuit
dans
la
pice
voisine.
Dormir
n'tant
pas
possible avec le
concert
infernal
excut
par
les
ronfleurs,
le
jeune
pionnier,
que
n'inquitaient
pas
les
nuits
blanches,
disposa
sur
le
semblant
de table
manger
faisant
au besoin
fonc-
tion
de bureau,
tout
ce qu'il fallait pour
crire.
Depuis
plusieurs
jours,
ses
occupations
absorbantes
ne lui
avaient
pas
laiss
le
loisir
de
causer
avec
les siens.
Mais
l'extrieur
l'orage
tait loin
de se
calmer;
la pluie
tombait
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
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CHAPITRE DEUXILME
bru3'amment
en
larges
gouttes sur
la
toiture de
paille
. le vent s'engouffra
violemment
a
travers
les
volets mal
joints
des fentres
et
teignit la lumire
du
veilleur.
Dcidment
Janssen
devait
cette
nuit-
l passer par
toutes
les
petites mi-
sres rserves
aux
voyageurs
dans l'Afrique centrale.
Faisant
nanmoins
contre
vilaine
nuit
bon
cur, le sous-lieutenant
laissa,
en dpit
du
vacarme, courir
son
imagination
travers
les
mirages
de
l'avenir.
7/25/2019 Les Belges Dans l'Afrique Centrale Tome III
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LES
BELGES DANS
L'AFRIQUE CENTRALE
deux
engins, indispensables
la locomotion
du
bateau
et
qu'il tait
impos-
sible
de
fabriquer dans
l'Afrique centrale,
il
fallait attendre
plus
de trois
mois pour
pouvoir les
remplacer.
Hanssens
avait
dispos
d'une
allge fond
plat, mise en
mouvement
par
huit rameurs. Cette
embarcation, lourdement
charge,
contrarie
par
le vent
et
par le
courant,
avait difficilement accompli
le
trajet.
En
maints
passages
du
fleuve
o la violence
du
courant
prsentait un
obstacle
insurmontable
aux
huit
rameurs, les
hommes
de l'quipage
avaient
t
obligs de se jeter
l'eau,
pour
aller
attacher un
fort
cble
l'un
des gros
arbres de la rive,
et
haler ainsi
l'embarcation. Ce
mange
frquemment
renouvel occasionna
une
perte
de temps
considrable.
Dans
ce voj'age,
le
capitaine
Hanssens
tait
accompagn de AL
Boulanger,
un
Franais, agent
de
l'Association internationale.
Ds
son
arrive
Msuata,
le
capitaine Hanssens
accomplit spontanment
une
partie des
rves
de
Janssen
:
M.
Boulanger fut dsign pour
remplacer
par
intrim le
suus-lieutenant dans
le
commandement
de la
station;
Janssen
accompagnerait le capitaine
au pays d'amont.
Le
dpart
des
explorateurs fut retard jusqu'au
23
octobre.
Le
18,
Hanssens utilisa son
sjour
Msuata
en
inspectant
minutieuse-
ment
la
station, dont
l'installation
lui
parut
merveilleuse.
Il
Rien
ne
vous manque
ici.
disait-il
son
jeune
compatriote;
cuisines,
fourneaux,
fours, magasins,
arsenal, et
voire
mme,
luxe
inconnu
jusqu'ici
dans
les
stations
africaines,
des water-closets
btis
en
torchis.
Comment
avez-vous
fait
pour
arriver ces
surprenants
rsultats,
en si
peu
de
mois
et
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