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Pratiques et représentations de la relation migration - développement dans l'espace français - mémoire de fin d'étude à Sciences-Po Toulouse - Yvain Bon
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Institut d'Études Politiques de Toulouse
Les migrants dans le codéveloppement :
Pratiques et représentations
de la relation migration - développement
dans l'espace français
Mémoire de recherche présenté par Yvain Bon
Sous la direction de Jean Louis Guy
Année universitaire : 2012 / 2013
Avertissement
L'IEP de Toulouse n'entend donner aucune approbation, ni improbation dans les
mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.
Résumé
Dans un contexte international où les analyses sur les relations entre
migration et développement se multiplient, ce mémoire s'intéresse à la décli-
naison de ces problématiques au niveau de l'espace français. À travers l'étude
des acteurs de la coopération internationale française, il interroge la façon
dont sont combinées les perceptions et la compréhension du rôle des migrants
dans les processus de développement, avec les discours et pratiques des or-
ganismes français. Ces acteurs étudiés sont notamment les institutions liées
au gouvernement français, les ONG et réseaux d'Organisations de Solidarité
Internationale, le Forim et les collectivités territoriales.
Ce mémoire met en valeur la diversité des approches théoriques sur la
migration et le développement, ainsi que l'interprétation restrictive du gou-
vernement français qui a prévalue jusqu'au début des années 2000 (à travers
notamment le concept de codéveloppement). Il analyse ensuite les positions
des acteurs sus-cités vis à vis des enjeux de migration et de développement, à
travers l'analyse de leurs publications, discours et pratiques. Cette recherche
met en valeur le rôle de ces acteurs de l'espace français sur l'évolution de
la compréhension des liens unissant migration et développement. Cette évo-
lution se fait notamment vers une plus grande considération accordée aux
migrants dans les processus locaux de développement. Les conclusions de
ce mémoire mettent cependant l'accent sur les relations existantes entre les
stratégies et les activités des acteurs étudiés, avec les recommandations et
les positions qu'elles adoptent en faveur d'une nouvelle dé�nition du codé-
veloppement.
Table des matières
Introduction 4
I La mise en politique de la relation Migration - Déve-
loppement 13
1 Les recherches sur la migration et le développement : vers un plus
grand intérêt accordé aux migrants 14
1.1 Recon�guration des analyses Migration et Développement . . . . . 15
1.1.1 Les migrations dans le développement au �l des analyses
optimistes et pessimistes du développement . . . . . . . . . 15
1.1.2 Vers une vision plurielle des circuits migratoires . . . . . . . 17
1.2 Les migrants comme agents transnationaux du développement :
l'optimisme associé aux transferts et aux réseaux de la diaspora . . 21
1.2.1 Les remises des migrants : au c÷ur des ré�exions sur le dé-
veloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.2.2 Intérêt et limites des nouvelles approches . . . . . . . . . . . 25
2 L'invention et la déclinaison du concept de codéveloppement en
France : la mise en politique de préoccupations gouvernementales 28
2.1 L'invention du codéveloppement au sein du gouvernement français . 29
2.1.1 Le codéveloppement entre relations Nord - Sud et aide au
retour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.1.2 La mise en ministère du codéveloppement . . . . . . . . . . 30
2.2 La mise en politique du codéveloppement dans l'espace français . . 33
2.2.1 Le développement comme prévention des �ux migratoires . . 33
2.2.2 Le codéveloppement comme instrument de coopération in-
ternationale : entre instrumentalisations et expérimentations 36
2.2.3 La mobilisation des associations de migrants dans les poli-
tiques de codéveloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
1
II Vers une redé�nition du codéveloppement à travers les
pratiques et les discours de nouveaux acteurs 42
1 Les organismes o�ciels liés au gouvernement : de la réévaluation
à l'ouverture 43
1.1 Le Codéveloppement en question : une réévaluation interne des év-
idences du codéveloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
1.1.1 Les rapports d'évaluation de la politique française de codé-
veloppement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
1.1.2 Le Conseil Économique et Social et les institutions �nancières 46
1.1.3 l'AFD : des compétences à dispositions . . . . . . . . . . . . 47
1.2 La nouvelle administration : vers un désengagement du codévelop-
pement ou une redé�nition des méthodes d'actions ? . . . . . . . . . 49
1.2.1 Positionnements politiques autour du codéveloppement . . . 49
1.2.2 Stratégies et évolutions du MAE . . . . . . . . . . . . . . . 51
2 Le FORIM : entre fédération et mobilisation 58
2.1 La création du Forim au croisement des stratégies des acteurs français 59
2.2 Une organisation maintenant institutionnalisée au niveau national . 61
2.3 Un processus de mobilisation à l'échelle locale . . . . . . . . . . . . 63
3 Les ONG et les réseaux d'OSIM : au c÷ur de la redé�nition du
codéveloppement ? 69
3.1 Le codéveloppement comme pratique de coopération . . . . . . . . 70
3.2 Des activités de plaidoyer : une dé�nition alternative du codévelop-
pement dans l'espace public ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.3 La mise en réseau : un apport décisif à la ré�exion sur le codévelop-
pement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
4 Les collectivités territoriales : ouverture et nouvelles opportu-
nités ? 80
2
4.1 Des expériences isolées construites à l'échelle locale . . . . . . . . . 81
4.2 Vers un investissement plus prononcé des collectivités territoriales ? 84
Conclusion 87
Bibliographie 91
Annexes 94
Annexe 1 : Sources mobilisées pour l'étude des acteurs . . . . . . . . . . 94
Annexe 2 : Perspectives sur la politique de coopération au développement
du nouveau gouvernement : le compte rendu du CICID . . . . . . . 99
3
Introduction
L'année 2013 constitue une étape importante dans les ré�exions internationales
portant sur la migration et le développement. L'Assemblée Générale des Nations
Unies va en e�et consacrer en octobre prochain un Dialogue de Haut Niveau sur
les migrations internationales et le développement. Un premier événement similaire
avait eu lieu avec le dialogue de Haut Niveau de 2006 et avait permis d'inscrire
à l'agenda de la coopération internationale cette thématique, en consacrant la
relation migration - développement comme un potentiel à encourager 1.
Cette nouvelle série de consultations, mise en place aux Nations Unies avec
les di�érents organismes nationaux et internationaux qui traitent de ces prob-
lématiques, ne fait que re�éter la reconnaissance croissante des liens complexes
qui unissent les phénomènes de migration et de développement, et ce à tous les
niveaux. D'autre part, l'Initiative Conjointe pour la Migration et le Développement
met l'accent sur le fait que cette reconnaissance va de paire avec une diversi�cation
des acteurs qui s'investissent dans des actions ou des politiques soutenant l'impact
des �ux migratoires sur le développement 2.
La prise en compte de ces liens n'est cependant pas la même selon les pays ou
les acteurs en présence. La compréhension et l'analyse que fait un pays des actions
des migrants sur son territoire varie en e�et en fonction de son exposition aux
phénomènes migratoires. Cependant même chez des pays particulièrement sensibles
à l'impact des migrations, comme par exemple le Mexique ou les Philippines, le
potentiel de la migration n'est pas perçu de la même façon par les acteurs au sein
d'un même État, selon qu'il s'agisse des gouvernements, des collectivités locales
ou des organisations de la société civile. Les actions et positions prises autour de
la question des migrations et du développement sont donc étroitement corrélées à
l'histoire et aux rapports entretenus par les di�érents acteurs d'une société vis à
1. Philip Martin, Susan Martin et Sarah Cross. � High Level Dialogue on Migration and
Development �. Dans : International Migration 45.1 (mar. 2007), p. 7 �25.2. Joint Migration and Development Initiative. Mapping Local Authorities Practices
in the area of Migration and Development : a territorial approach to local strategies, initiatives
and needs. 2013, p6.
4
vis des activités des migrants sur leur territoire 3.
Le but de ce mémoire est de s'interroger sur la façon dont se manifeste cette
compréhension des relations Migration et Développement dans l'espace français.
Présentation du thème du mémoire
L'analyse de la thématique Migration - Développement recouvre de multi-
ples perspectives compte tenu de la diversité d'acteurs et d'approches qui y sont
consacrées. En e�et, l'étude des relations entre ces deux phénomènes n'est pas
l'apanage d'une discipline en particulier. Au contraire, on se rend compte que
plusieurs branches des sciences humaines ont étendu leurs analyses et théories aux
impacts de la migration sur le développement. Cela amène donc à une première
complexité du traitement de cette thématique, les angles d'approches étant très
variés sur la question, et évoluant en même temps que les disciplines qui y sont liées.
Par exemple, l'étude des impacts des �ux migratoires par l'économie internationale
a mobilisé plusieurs théories au �l du temps (depuis des analyses néo-classiques
en passant à une approche structuraliste, pour privilégier aujourd'hui une analyse
plus systémique de la question 4).
D'autre part, la ré�exion autour des relations Migrations - Développement
est une question éminemment politique. La recherche se fait souvent en réaction
aux préoccupations des sociétés et gouvernements vis à vis des �ux migratoires
(en fonction de l'actualité ou de leur exposition particulière aux �ux migratoires).
L'analyse des questions de migration et de développement est donc intrinsèque-
ment liée à l'agenda des politiques publiques cherchant à exploiter ou prendre en
compte ces problématiques. Lorsque qu'on se penche sur les actions des migrants
il faut donc les considérer par rapport aux orientations politiques d'un pays : on
considérera notamment les politiques d'aide au développement d'un pays, de régu-
lation des �ux migratoires ou des questions d'intégration des migrants et de leurs
associations dans la société.
3. Thomas Lacroix. Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels
discours. 2009.4. Hein de Haas. Migration and Development - A theoretical perspective. 2008.
5
Cette deuxième complexité (dans l'analyse des relations migrations - dévelop-
pement liées au pro�l des pays) est mise en évidence notamment dans le rapport
de synthèse de l'institut Panos qui analyse, à l'échelle européenne, les di�érences
d'approches de la recherche sur le sujet 5. La structuration de l'espace politique
et des acteurs qui traitent de cette thématique est donc essentielle pour rendre
compte de la politique d'un pays vis à vis des impacts de la migration sur le
développement.
Le concept de codéveloppement dans l'espace français
Lorsque l'on s'intéresse au contexte français, on constate rapidement que le
traitement de la relation migration - développement s'est établi depuis les années
1980 autour d'un concept spéci�que à l'espace francophone : le codéveloppement 6.
Au �l du temps, et selon les acteurs de l'espace français qui s'investissent,
cette notion de codéveloppement a recouvert plusieurs façons d'aborder la pro-
blématique Migration - Développement. Le chercheur Thomas Lacroix distingue
trois réalités di�érentes désignées à travers ce concept, qui nous serviront de base
à notre travail 7 :
� Le concept de codéveloppement peut d'abord servir à désigner l'ensemble
des pratiques spontanées des migrants (transferts individuels, collectifs, in-
vestissements productifs à destination du pays d'origine) et leurs impacts
sur les pays d'origine et d'accueil. Ces pratiques ont toujours eu lieu et sont
étudiées de longue date par les réseaux universitaires, donnant lieu à une
production scienti�que dense à ce sujet.
� Le codéveloppement désigne également l'ensemble des politiques liant déve-
loppement et contrôle des �ux. Cela regroupe notamment les actions mises en
÷uvre au niveau national et international pour gérer les déplacements des
5. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,
op. cit., p18.6. On retrouve ce terme orthographié indi�éremment codéveloppement ou co-développement.
Nous privilégierons dans ce travail la première orthographe7. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,
op. cit., p45.
6
migrants (recouvrant aussi bien leur circulation que leur inscription dans
le marché du travail ou leur intégration). Cette appréhension du codéve-
loppement par le contrôle des �ux migratoires correspond à un traitement
politique de la thématique très précis dans le temps en ce qui concerne l'es-
pace français. Émergente au début des années 1980, cette approche a atteint
son apogée sous le mandat du président Sarkozy lorsque le codéveloppement
était lié directement à des accords de gestion concertés avec les pays tiers
sur le contrôle des frontières et l'aide publique au développement.
� En�n, une troisième approche du codéveloppement désigne l'ensemble des
diverses politiques et actions destinées à soutenir les initiatives des migrants
en faveur du développement dans leur pays d'origine.
Cette distinction met en valeur la diversité des phénomènes que l'on peut
traiter en associant un simple pré�xe (co-) à la notion de développement. Selon
l'approche privilégiée, ce sont di�érentes modalités d'association des migrants qui
sont désignées. Cela amène à percevoir ou à leur attribuer des rôles di�érents dans
les relations de migration - développement. Par exemple, et en reprenant l'analyse
de M. Lacroix, la première approche perçoit les migrants comme une population
autonome évoluant et ayant un impact sur les territoires ou les économies. La
seconde considère davantage les migrants comme la cible de dispositifs d'action
publique (des individus en déplacement à contrôler) quand la troisième privilégie
davantage une approche par les partenariats et les modes d'association des mi-
grants.
Ces approches sont mobilisées di�éremment dans l'espace français en fonction
des acteurs qui traitent de ces problématiques. Or si le codéveloppement a été,
jusqu'au début des années 2000, une question essentiellement abordée par les or-
ganismes gouvernementaux (et bien documentée à travers les écrits scienti�ques),
on assiste depuis une décennie à une multiplication des acteurs qui se positionnent
sur cette thématique. Ces derniers, par leurs actions et leurs discours, prennent
des initiatives visant à mettre en valeur les activités des migrants ou incitent à
repenser les liens unissant migration ou développement. Il s'agit d'acteurs comme
des organisations de solidarité internationale, des associations de migrants, des
collectivités locales ou régionales, ou encore des organismes du secteur privé.
7
Or ces di�érents acteurs ont des pratiques, des obligations et des logiques
d'actions distinctes. Leur agenda et leurs préoccupations orientent la façon dont
ils vont aborder et traiter la question du rôle des migrants dans le développement.
On peut alors supposer que cette multiplication des acteurs, des initiatives et des
échanges autour du potentiel des migrants dans leur société d'origine et d'accueil
s'accompagne d'une évolution de la façon dont l'on appréhende le codéveloppement
dans l'espace français.
Mise en problématique
Depuis le début des années 2000, seules certaines études (principalement menées
par les chercheurs du Migrinter) ont étudié en détail les modes d'actions de
certains de ces nouveaux acteurs. Les principales contributions à ce sujet sont no-
tamment celles de Thomas Lacroix 8 et Patrick Gonin 9 sur le rôle des associations
dans l'espace français, et celle de l'Université de Genève 10 sur le rôle de la di-
aspora sénégalaise. Dans un même temps, les publications et les actions menées
dans l'espace public autour du codéveloppement se multiplient (colloques, événe-
ments, manifestations. . .), introduisant avec elles autant de nouveaux discours et
de nouveaux traitements politiques de la relation migration - développement.
L'enjeu de ce mémoire est donc de croiser les recherches et études de cas
disponibles avec les publications et les prises de paroles des di�érents acteurs qui
font aujourd'hui du codéveloppement. Il s'agit d'identi�er comment la compréhen-
sion de la relation migration-développement se manifeste dans l'espace français, et
quels enjeux sont associés au rôle des migrations dans le développement.
On cherchera donc à établir à travers ce mémoire comment sont pensés en-
semble d'une part les pratiques et les discours des di�érents acteurs de l'espace
8. Thomas Lacroix. Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational
et Politiques du Territorial. Les Presses de Sciences Po, 2005.9. Mohamed Charef et Patrick Gonin. � Place et rôle des Émigrés / Immigrés dans le
développement local �. Dans : Emigrés - immigrés dans le développement local. Sous la dir. de
Mohamed Charef et Patrick Gonin. Agadir : Editions Sud-Contact, 2005.10. JennyMaggi et al.Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement :
Le rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève. 15. Université de Genève -
Faculté des Sciences Économiques et Sociales - Département de Sociologie, 2013.
8
français vis à vis des migrants, et d'autre part les relations entre migration et
développement.
À travers cette problématique, ce mémoire vise à dresser un état des lieux de
la façon dont le concept de codéveloppement (ou plutôt la thématique migration
- développement) est déclinée en France, à travers un panorama des di�érents
acteurs qui développent des activités avec ou à destination des migrants.
Nous essaierons donc, à travers ce mémoire, de dé�nir ce concept de � codé-
veloppement � à partir des discours et des activités de di�érents types d'acteurs
de la coopération française. A�n de pouvoir situer plus précisément leurs posi-
tions vis à vis de la relation migration - développement, nous nous e�orcerons de
mettre en regard ces pratiques et discours, avec les connaissances académiques et
les recherches développées à l'échelle internationale sur la thématique. Nous insis-
terons particulièrement sur la dimension politique liée aux approches des questions
de migration et de développement au regard des enjeux qu'elles abordent.
L'hypothèse de départ de ce mémoire est qu'avec la multiplication des acteurs
qui travaillent et interagissent avec les populations migrantes françaises, il est
donné un rôle plus important et valorisant à ces populations dans les processus de
migration et de développement.
Méthodologie et terrain d'enquête
A�n de mener à bien ce mémoire, nous avons mobilisé d'une part les recherches
et rapports disponibles traitant de la relation migration - développement de façon
générale, et d'autre part les analyses consacrées aux politiques françaises de codé-
veloppement jusque dans les années 2000. La production académique étant su�-
samment dense sur le sujet, cela permettra de mettre en perspective les discours
et les activités des acteurs étudiés par rapport à l'état de la connaissance des sci-
ences humaines sur cette thématique. On mobilisera indi�éremment les recherches
académiques et les rapports d'organismes internationaux (comme l'Organisations
Internationales des Migrations, la Banque Mondiale ou le Programme des Na-
tions Unies pour le Développement) à ce sujet. Les recherches et analyses sur
les politiques françaises de codéveloppement permettront quant à elles de mettre
9
en perspective les positionnements des di�érents acteurs étudiés dans la société
française.
Pour étudier les acteurs qui traitent aujourd'hui de migration et de développe-
ment, les sources d'études mobilisées se concentrent sur les publications disponibles
et les études de cas existantes liées à leurs activités. Ce mémoire vise à donner
un aperçu général des discours sur la migration et le développement en France.
Nous nous concentrons donc sur les initiatives et les acteurs ayant le plus de
visibilité dans l'espace public français. Ces di�érentes sources (outre les études
de cas académiques et rapports d'enquête portant sur ces acteurs) sont assez di-
verses. Elles rassemblent des plaquettes de présentation, des rapports et évaluations
présentés par des associations ou des collectivités locales, des prises de positions
publiques, des comptes rendus ou des publications détaillant les activités pour-
suivies. Quand cela a été possible, nous avons également assisté sur le terrain à
des réunions des acteurs étudiés au cours d'événements ou de séminaires où ils font
valoir leurs positions.
Cette démarche possède ses limites. En e�et, en se concentrant sur le posi-
tionnement et les discours publics des acteurs étudiés, on s'éloigne en partie des
activités qu'ils mettent en place. Par exemple : malgré les positions publiques et le
soutien o�ciel du CCFD-Terre Solidaire 11, cela ne permet pas d'analyser dans le
détail les activités et leurs relations avec les migrants. Nous nous e�orcerons cepen-
dant d'analyser son action à travers la documentation disponible. Par ailleurs, une
part importante des activités qui relèvent de la migration et du développement
prennent place au niveau local : elles ne sont pas forcément associées à des prises
de parole dans l'espace public sur les action et les approches des associations sur
les liens migration - développement.
Cela tient particulièrement au fait que ce qu'on appelle codéveloppement est un
discours a posteriori porté sur les actions des migrants ou avec leurs associations,
ou sur les politiques les ciblant 12. Nous contournerons en partie cette di�culté en
sollicitant les études de terrain disponibles, et en mettant l'accent sur les ONG et
11. Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement12. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,
op. cit., p30.
10
fédérations d'associations de migrants qui sont en contact et travaillent avec les
migrants.
Cela nous a amené cependant à laisser hors de notre analyse certains acteurs :
de nombreux organismes du secteur privé (entreprises, fondations) développent
e�ectivement des partenariats et des projets de développement avec les migrants.
Cependant l'accès aux sources d'information à ce sujet est particulièrement di�-
cile, et il a donc été choisi de les laisser de coté. Les Organisations de Solidarité
Internationale issues de la Migration (OSIM) quant à elles, compte tenu de leur
nombre, de leur diversité et de leur di�culté d'accès seront principalement ap-
préhendées à travers les réseaux d'associations de solidarité internationale et les
chercheurs qui interagissent avec elles.
Cela nous a amené à considérer les acteurs suivants :
Les organismes o�ciels liés au gouvernement français : on mobilisera alors
les publications des di�érents ministères et institutions françaises, ainsi que
de l'Agence Française de Développement (AFD) en charge de la mise en place
de la politique d'Aide Publique au Développement (APD) de la France ;
Les autorités locales et régionales : compte tenu de leur nombre, on com-
plétera leurs publications o�cielles, avec les études qui leur sont consacrées
et les rapports sur les activités qu'elles mènent en matière de coopération et
d'intégration ;
Les organisations de la société civile comprenant
� L'organisation particulière du FORIM (Forum des OSIM) qui est une par-
ticularité de l'espace français ;
� Les Organisations de Solidarité Internationale (OSI) particulièrement ac-
tives et visibles dans l'espace français auprès des migrants (les capacités
de ces ONG leur permettant d'avoir un poids considérable dans l'espace
public) ;
� Les fédérations et les réseaux d'OSIM, ainsi que les OSI agissant en soutien
des initiatives des migrants et de leurs associations.
Pour chacun des acteurs étudiés, ce mémoire s'e�orce de dégager les grandes
tendances en termes de positionnements et de discours qui sont à l'÷uvre, vis à vis
11
des thématiques de migration et développement, et de les mettre en perspective
par rapport à l'état de la connaissance sur le sujet
Cette analyse nous permet donc de montrer premièrement la diversité des
approches liées à la migration et au développement. Les discours sur le codévelop-
pement dans l'espace français ont cependant longtemps été caractérisés par une
lecture restreinte de cette thématique, liée au contrôle des �ux migratoires (Partie
I). Depuis les années 2000, on assiste cependant à une diversi�cation des discours
portés sur le rôle des migrants dans les questions de coopération au développement,
à travers les actions et les discours d'acteurs comme le FORIM, les organisations
non-gouvernementales, les réseaux d'OSIM et les collectivités territoriales (Partie
II). Si les positions de ces acteurs permettent de faire évoluer la compréhension
des relations entre migrations et développement dans l'espace français, ces discours
restent cependant fortement liées aux pratiques et aux stratégies de ces mêmes ac-
teurs, en matière de coopération au développement.
12
Première partie
La mise en politique de la relation
Migration - Développement
Cette première partie vise à présenter les enjeux qui se posent en matière de mi-
gration et de développement en insistant sur la dimension politique du traitement
qui en est fait.
À travers l'analyse et la lecture du rôle des migrants dans les processus de
développement des pays, ce sont des choix de politiques publique des États qui
se font jour. La première section de cette partie présente les di�érentes approches
théoriques de la relation migration - développement à une échelle internationale.
Cette partie nous permettra d'identi�er les questions et des débats liés à l'aide au
développement ou aux problématiques d'intégration qui apparaissent à travers l'é-
tude des populations migrantes. Cela permettra d'analyser, lorsque nous étudierons
les positions des acteurs de la coopération française, d'analyser les positions qu'ils
adoptent au regard de ces grandes problématiques de la migration et du dévelop-
pement, et d'en souligner les spéci�cités.
La seconde section reviendra sur la déclinaison française des questions de mi-
gration et de développement à travers le concept de codéveloppement. Cette présen-
tation historique permettra d'une part d'illustrer la façon dont cette thématique
se lie aux problématiques nationales d'une société, et d'autre part comment ces
approches se sont traduites en politiques dans l'espace français. Cette partie per-
mettra ainsi de mettre en valeur comment cette mise en politique a structuré le
champs des acteurs agissant aux cotés des migrants jusque dans les années 1990.
Cette compréhension est essentielle pour analyser les positions qu'ont adoptées ces
dernières années les acteurs étudiés en deuxième partie de ce mémoire.
Cet état des lieux des connaissances liées au codéveloppement vise à mettre
en valeur d'une part le caractère évolutif et changeant des façons d'aborder le rôle
des migrants dans les questions de migration et développement. D'autre part, elle
13
illustre l'intrication de ces recherches et questionnements avec les problématiques
d'une société, telles que les politiques migratoires ou d'aide publique au dévelop-
pement (APD).
Le cas français permet ainsi de montrer que si l'étude des relations migrations
- développement semble accorder un intérêt de plus en plus prononcé au rôle des
migrants dans le développement local, la compréhension française reste jusqu'au
début des années 1990 dominée par les enjeux de contrôle des �ux migratoires.
1 Les recherches sur la migration et le développe-
ment : vers un plus grand intérêt accordé aux
migrants
Cette première partie va nous permettre d'exposer et de mettre en perspective
les di�érents types d'analyses sur les relations entre les migrations et le dévelop-
pement.
Lorsque l'on fait le bilan des recherches sur la migration et le développement, on
constate que l'appréhension de ces phénomènes par l'économie reste prédominante.
En e�et, même si l'analyse des migrations fait l'objet d'études par di�érentes disci-
plines (géographie, sociologie, anthropologie), ce sont les paradigmes de développe-
ment et les théories économiques qui semblent le plus in�uencer la compréhension
des liens migrations - développement. Nous verrons donc que jusqu'au début des
années 1990, les migrations sont ainsi marquées par l'optimisme allant avec les
théories de la modernisation, puis le pessimisme accompagnant les lectures struc-
turalistes des théories de la dépendance (dependency theory). Les analyses évoluent
ensuite vers une vision plus complexe des migrations, mais l'explication de la rela-
tion migration-développement aux travers des analyses néo-classiques marqueront
durablement la façon d'analyser le rôle et les comportements des migrants.
Dans un deuxième temps, nous analyserons les paradigmes dominants d'au-
jourd'hui visant à expliquer et soutenir le potentiel que représentent les migrants
dans les questions de développement, en soulignant toutefois leurs limites
14
1.1 Recon�guration des analyses Migration et Développe-
ment
1.1.1 Les migrations dans le développement au �l des analyses opti-
mistes et pessimistes du développement
Dans un premier temps, l'analyse qui est faite des migrations s'inscrit dans la
lignée de la théorie de la modernisation de Rostow 13. Ce paradigme dominant
au moment de l'après-guerre appréhende les États comme des entités distinctes,
dont le degré de développement est lié au décollage et à la maturité de son marché.
Dans cette perspective libérale, les �ux de migrants à l'échelle internationale sont
appréhendés comme des déplacements de la main d'÷uvre répondant aux règles
d'un marché international du travail : les migrations sont donc essentiellement
analysées comme des transferts de capital humain à travers les frontières depuis
les économies nationales ne permettant un bon équilibre entre l'o�re et la demande
vers des marchés plus matures assurant une o�re de travail.
Dans ce contexte, les déplacements des migrants sont analysés comme un prob-
lème marginal et une conséquence du sous-développement 14. Dans une perspective
fonctionnelle où les individus font des arbitrages micro-économiques rationnels, les
migrants se déplacent pour suivre les changements de la structure de l'économie et
du marché (des campagnes vers les villes, ou vers les économies plus développées)
et maximiser ainsi leur utilité. Cette analyse des modèles de développement linéaire
et anhistorique des pays a été accompagnée de modèles d'analyse comme celui de
Zelinsky où la migration constitue une mobilité de transition accompagnant les dif-
férentes phases de développement d'un pays 15. Un État passe donc par di�érentes
phases d'émigration de sa main d'÷uvre avant de devenir un importateur net de
travailleurs. Les migrants deviennent alors un facteur de développement pour le
13. Alessandro Monsutti. � Migration et développement : une histoire de brouilles et de
retrouvailles �. Dans : Annuaire Suisse de politique de développement 27.2 (2008), p28.14. Alejandro Portes. � Migration and Development : A Conceptual Review of the Evi-
dence. � Dans :Migration and Development - Perspectives from the South. Sous la dir. de Stephen
Castles et Raul Delgado Wise. 2007, p. 17�42, p37.15. Jérôme Audran. � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de
codéveloppement �. Dans : Annuaire Suisse de politique de développement 27.2 (2008), p108.
15
pays, puisque leur trajectoire les amènent à revenir au pays avec des compétences
et des capitaux béné�ciant au décollage de l'économie en question.
Dans un deuxième temps, les courants de la théorie de la dépendance vont
prendre le relais dans l'analyse du rôle des migrations dans le développement d'un
pays, s'accompagnant d'un scepticisme grandissant à leur encontre.
Les �ux de migrants sont alors vus comme un pillage des économies en dé-
veloppement par les économies industrialisées récupérant les capitaux et la main
d'÷uvre des pays. Cette spoliation des capitaux des pays à la périphérie les em-
pêchent alors de prendre en main leur développement, au pro�t des pays au centre
de la mondialisation. Cette analyse dépendantistes voit le jour à la �n des années
1960, au moment où les pays européens et les États-Unis attirent la main d'÷uvre
quali�ée comme non-quali�ée pour venir au renfort de leur économie. Ces théories
s'accompagnent d'expériences démontrant que la migration ne tend pas à béné-
�cier aux pays d'origine, les mouvements des migrants se rapprochant davantage
d'une fuite face à la misère 16. Ces théories vont durablement in�uencer les ré�ex-
ions sur le brain drain ou la fuite des cerveaux. La migration prend alors un pro�l
d'accentuation des déséquilibres à travers des cycles de migrations renforçant les
économies développées aux dépends des pays d'émigration (ces analyses font écho
à la cumulative causation theory du suédois Gunnar Myrdal qui met l'accent sur
les conséquences qu'a le développement d'un pays sur celui de pays tiers).
Le rôle des migrants dans le développement des pays passe alors au second
plan pendant une longue période. Les politiques des pays visant à réduire les �ux
migratoires en réaction à la crise économique font perdre de vue la contribution
des migrants à l'économie, celle-ci se limitant principalement aux politiques et
expériences d'aide au retour.
Ces deux analyses, qui ont dominé l'après-guerre jusque dans les années 1990,
présentent toutes deux une lecture de la relation migration-développement liée à la
croissance et au développement linéaire des pays. Dans cette perspective, les choix
des migrants sont vus comme des arbitrages isolés entre les facteurs d'un pays
les poussant à émigrer (facteur push) ou à immigrer dans un autre (facteur pull).
16. de Haas, Migration and Development - A theoretical perspective, op. cit., p25.
16
Cette vision des migrants comme des acteurs isolés autour d'un schéma push-pull
n'aide pas vraiment à comprendre la complexité des choix liés à la migration et
revient à mettre face à face des facteurs décrivant la situation macro-économique
d'un pays par rapport à un autre 17
L'analyse des relations migration - développement suit jusqu'ici les théories en
vigueur sur le développement économique des pays.
1.1.2 Vers une vision plurielle des circuits migratoires
À partir des années 1990, les analyses des impacts des migrations sur le déve-
loppement vont évoluer sensiblement. La multiplication des études sur les migrants
et les diasporas vont amener à développer une compréhension plus �ne des proces-
sus migratoires, et donc de leur in�uence sur le développement des pays. Cela va
également amener les théories économiques à évoluer et complexi�er leurs modèles
d'analyse.
La diversi�cation des approches doit en grande partie aux analyses de la so-
ciologie qui imposent les chaînes de migrations dans l'analyse des phénomènes
migratoires. Une meilleure compréhension des choix des migrants requiert ainsi
de se pencher à la fois sur les réseaux de migrations par lesquels transitent les
migrants et sur les contextes propres qui conditionnent le choix et les modalités
de la migration.
Des analyses en réseaux et en capitaux
Analyser les réseaux de migrants permet de dépasser la vision des parcours de
migration comme un arbitrage menant d'une économie fermée A à une économie
fermée B. Les réseaux sociaux que peuvent mobiliser des migrants à travers leur
communauté ou leurs relations permettent ainsi d'accéder à d'avantages d'infor-
mations et de facilités permettant de circuler d'un territoire à l'autre et d'intégrer
une société ou un marché du travail. Cela rentre en compte dans les stratégies mi-
gratoires. En mettant en évidence les stratégies et choix des migrants, on dépasse
alors une analyse de type push - pull pour s'intéresser à la migration comme un
processus, souvent en plusieurs étapes, comportant des allers, des retours et des
17. Ibid., p. 14.
17
migrations circulaires. À travers l'étude des parcours de migrants, c'est la diversité
des pro�ls des migrants qui est mise en évidence. Cela amène à voir dans la mo-
bilité des individus autre chose qu'un déplacement de main d'÷uvre, et de mettre
à jour les liens unissant deux territoires.
La compréhension des ces liens passe notamment par des analyses mettant l'ac-
cent sur les di�érents capitaux des migrants : en dehors de leur force de travail et
de leur productivité, les migrations ont aussi une dimension sociale et politique qui
rentre en compte pour comprendre les activités des migrants et les liens qui sub-
sistent entre les territoires d'émigration et d'immigration. On met alors en valeur
que la migration n'est pas simplement qu'un déplacement de main d'÷uvre à la
recherche de travail. À travers ces réseaux, on observe e�ectivement la mobilité
de capitaux �nanciers qui transitent en même temps ou après la migration des
individus. Ces derniers ont une in�uence, à travers les remises et transferts des mi-
grants, à la fois sur le territoire d'immigration et sur la communauté d'origine. Les
�ux �nanciers ne sont pas les seuls capitaux des migrants qui circulent. Avec eux,
transitent également des connaissances (l'éducation permise par les envois de fonds
ou la formation à l'étranger), des représentations (des modèles de vie, des aspira-
tions politiques par exemple), ou des rôles dans une communauté (par exemple sur
la division des tâches au sein d'une famille) 18. La mobilité est alors vue comme un
processus qui enrichit les migrants (en leur donnant de nouvelles compétences et
attitudes), mais a également une in�uence sur les évolutions socio-économiques des
pays de départ : les pratiques des communautés d'origine changent, leurs activités
économiques également ainsi que leurs structures d'organisation sociale.
Les migrations comme stratégies collectives localisées
Ces analyses amènent alors à analyser les contextes propres à la migration, en
établissant le pro�l des migrants et de leurs communautés à travers les contraintes
structurelles qui les amènent à émigrer : La migration dépasse alors l'individualisme
méthodologique qui était à la base des premières analyses économiques. Les activ-
ités des migrants se comprennent en tant que stratégies collectives : les décisions
18. Denise Efionayi-Mäder, Gérard Perroulaz et Catherine Schümperli-Younossian.
� Migration et développement : les enjeux d'une relation controversée �. Dans : Annuaire Suisse
de politique de développement 27.2 (2008), p14.
18
prises sont donc in�uencées par les communautés dans lesquelles les communautés
sont insérées. La migration se propose alors comme une stratégie à l'échelle du
ménage pour dépasser les contraintes locales : un membre du ménage migre par
exemple pour obtenir un revenu ou un capital qui permettra au reste du ménage
de conduire d'autres activités économiques.
Cette analyse plus �ne des migrations amène les analystes économiques à revoir
leurs modèles et à les faire évoluer a�n de couvrir cette complexité des stratégies mi-
gratoires. Un exemple de cette évolution est le courant de l'économie connu comme
la Nouvelle Économie des Migrations du Travail (New Economics of Labour Mi-
gration). Cette approche élargit notamment l'analyse des décisions des migrants
aux facteurs structurels d'une société : le marché du travail et les opportunités
d'emplois sont donc complétés par la prise en compte de facteurs comme les pos-
sibilités de communication, la mobilité des capitaux (via la structure du marché
bancaire ou les technologies accessibles pour faire transiter des revenus) ou les tra-
ditions et rapports familiaux. Cette compréhension élargie s'explique en économie
par les � stratégie de mode de vie � (en anglais : livelihood strategies) qui pren-
nent en compte les choix et les opportunités au niveau local. La migration devient
alors, à l'échelle du ménage, une possibilité de diversi�er les revenus et les activ-
ités économiques assurant sa subsistance, ou permet d'o�rir des garanties ou des
formes d'assurance pour les personnes du ménage ne migrant pas.
Ces choix à l'échelle local se complètent également par les représentations
qu'ont des individus de modèles et attitudes de vie. Une application de ce type
de choix s'illustre dans les analyses en termes de relative deprivation (privation
relative) : les choix des migrants ne se comprennent pas seulement à travers une
analyse coût-avantage du déplacement, mais aussi par rapport aux modèles et aux
conditions de vie des autres membres de la communauté qu'ils peuvent observer.
Les di�érences et inégalités de mode de vie, au sein même d'une communauté
peuvent alors pousser les individus à entreprendre des processus migratoires 19.
L'analyse de ces contextes locaux permet ainsi d'avoir une compréhension plus
�ne de ce qui amène, non pas des individus, mais des groupes d'individus à se lancer
19. Portes, � Migration and Development : A Conceptual Review of the Evidence. �, op. cit.,
p21.
19
dans des expériences de migration et à s'engager dans des parcours qui dépassent
le simple dépassement d'imperfections de marché.
Les objets d'études en migration et développement vont à partir de cette péri-
ode s'orienter vers la compréhension de l'in�uence des diasporas sur les commu-
nautés d'origine 20. La question qui se pose est alors sur les circuits migratoires
peuvent servir de levier au développement économique d'une région. Hors la plu-
part des recherches e�ectuées n'arrivent pas à établir de relation systématique en-
tre la migration et le développement des régions d'origine. L'ensemble des analyses
menées mettent notamment l'accent sur le fait que les contextes de la migration et
la façon dont s'organisent les réseaux in�uencent en grande partie les circulations
d'hommes et de capitaux prenant place dans un pays, mais avec des impacts très
di�érents d'une région à l'autre 21.
L'ensemble de ces analyses plus poussées sur le rôle des migrants amène pro-
gressivement à repenser les relations entre migration et développement, et à con-
sidérer les migrants comme des agents transnationaux du développement 22. La dé-
couverte du potentiel des migrants amène ainsi à mettre leurs activités au c÷ur de
beaucoup d'analyses tentant de comprendre et conceptualiser les liens entre le dé-
veloppement d'un territoire et la migration, ou l'in�uence des �ux migratoires sur
l'économie d'un pays. Selon plusieurs auteurs se penchant sur la question (notam-
ment Thomas Faist et Ernst de Haas), cette vision des migrants comme acteurs
transnationaux du développement constitue aujourd'hui le paradigme dominant
des études sur la relation migration - développement.
20. On peut lire par exemple cette analyse de Jean Schmitz qui montre comment la société
mauritanienne se recon�gure par rapport aux possibilités et choix de migration. Jean Schmitz.
� Migrants ouest-africains : miséreux, aventuriers ou notables ? � Dans : Politique africaine 109
(2008).21. On peut prendre l'exemple de cette perspective comparée des réseaux de migration en Asie
et en Afrique Sandra Palméro et René Teboulb. � Migrations & développement en Asie de
l'Est et sur le bassin méditerranéen �. Dans : Géographie, économie, société 6.1 (2004), p. 43�66.22. Thomas Faist. � Migrants as transnational developement agents : an inquiry into the
newest round of the migration and development nexus �. Dans : Population, Space and Place
14.1 (jan. 2008), p. 21�42.
20
1.2 Les migrants comme agents transnationaux du déve-
loppement : l'optimisme associé aux transferts et aux
réseaux de la diaspora
La multiplication des études qui s'intéresse aux activités transnationales des
migrants s'accompagne d'un optimisme renouvelé pour les liens entre migration et
développement. Cet enthousiasme est essentiellement lié à la prise en compte des
transferts �nanciers qui ont lieu entre les territoires d'émigration et d'immigra-
tion, dont les montants dépassent de loin ceux de l'Aide Publique au Développe-
ment 23.Cet intérêt pour les facteurs amenant les migrants à se constituer comme
agents de développement amène par ailleurs de plus en plus de rapports à insister
sur le rôle des associations de migrants et de la diaspora.
1.2.1 Les remises des migrants : au c÷ur des ré�exions sur le dévelop-
pement
Une majorité des recherches poursuivies aujourd'hui se focalise notamment sur
l'analyse des transferts �nanciers des migrants et leur in�uence sur le développe-
ment des pays d'origine. Cette ré�exion, motivée par la taille des communautés à
l'étranger et le volume des remises envoyées, amène de nombreux auteurs à réviser
les modèles économiques mobilisés dans l'étude du développement. Ce rôle cen-
tral associé aux transferts des migrants leur attribut ainsi une capacité à résorber
les di�cultés �nancières des économies en développement et à apporter aux so-
ciétés les ressources nécessaires pour un développement de long terme 24. Au �l
des rapports de di�érents institut de recherches et organisations internationales, la
question des transferts �nanciers des migrants semble devenir une nouvelle mantra
du développement 25.
23. Manolo Abella et Je�rey Ducanes. � Is Transnationalism a New Paradigm for Devel-
opment ? � Dans : Migration and Development - Perspectives from the South. Sous la dir. de
Stephen Castles et Raul Delgado Wise. 2007, p. 65�78, p. 82.24. Portes, � Migration and Development : A Conceptual Review of the Evidence. �, op. cit.,
p37.25. Cette expression a été popularisée par Devesh Kapur en 2004 dans son essaiRemittances :
The New Development Mantra ?' (Arjan de Haan. Migration in the development studies litter-
21
Faciliter la mobilité des transferts
Au centre du potentiel attribué aux transferts des migrants est la question
d'un e�et multiplicateur de ces �ux de capitaux sur l'économie locale étudiée. Le
secteur �nancier donnant dans de nombreux pays un faible accès au crédit ou
aux capitaux, les transferts sont alors appréhendés comme une solution possible
aux imperfections du marché, à travers les pratiques individuelles des migrants. Les
études enthousiastes butent cependant sur le caractère fragmenté de ces transferts.
Si le montant accumulé des remises des migrants est impressionnant, il consiste
en grande partie de transferts de faibles montant consacrés pour 80% d'entre eux
à la consommation des ménages 26. Les recherches statistiques qui portent sur la
question se multiplient cependant dans les di�érentes régions du monde. Sous l'im-
pulsion d'organismes comme la Banque Mondiale ou l'IFAD, les résultats agrégés
des transferts commencent à être bien documentés Les États prennent également
conscience de ces montants et des potentiels qu'ils représentent dans leurs relations
avec les pays du Sud.
La ré�exion s'engage alors à partir de ces transferts �nanciers sur di�érentes
thématiques. Un premier axe des recherches consiste à la ré�exion sur la facilita-
tion des transferts. En e�et, bien des migrants sont faiblement bancarisés et les
coûts de transaction entre les territoires force la plupart des transferts à transiter
par des voies informelles, ou restreignent les sommes transférées à cause de la com-
mission des transferts. Depuis 2005, ont ainsi lieux des global forum on remittances
consacrés aux échanges et solutions des di�érents acteurs étatiques et bancaires
internationaux visant à faciliter et encourager les transferts des migrants vers des
voies formelles. L'enjeu est ici d'encourager le volume des transactions pour décu-
pler les e�ets multiplicateurs des transferts des migrants.
Cela nous amène à un deuxième axe d'étude consacré à la captation de ces
transferts pour en faire un levier au développement des pays receveurs. En e�et, la
consommation directe des transferts ne rentre pas dans les cadres de compréhen-
sion du développement comme investissements productifs permettant le décollage
ature : has it come out of its marginality. 19. 2006, p8)26. Philippe Wanner. � L'apport des migrants au développement : une perspective
économique �. Dans : Annuaire Suisse de politique de développement 27.2 (2008), p127.
22
de l'économie. Les questions se posent alors sur les modalités permettant d'orienter
ces transferts vers des secteurs propices à la croissance d'un pays. L'exemple du
programme du Mexique � tres por uno � a particulièrement alimenté l'enthousi-
asme pour ces recherches. En e�et, les structures bancaires et les gouvernements
des USA et du Mexique se sont accordés pour que chaque dollars investis dans
un programme ou un secteur valorisé soit complétés par un investissement égal de
chacun des pays.
Faciliter la mobilité de la main d'÷uvre
Les e�orts dans la matière restent cependant limités, car les études n'ont
pas réussi à prouver de l'existence de mécanismes automatiques par lesquels les
remises des migrants permettent de sortir de la pauvreté. Cela a cependant inciter
les études à se pencher plus profondément sur les relations qui existent entre la
migration et le développement des pays d'origine. Parmi les objets d'études, on
trouve donc des ré�exions sur l'impact des migrations sur la capacité de choix
des migrants. Cette approche en économie du développement est populaire depuis
plusieurs années et s'inscrit dans la ré�exion sur les capacités initiée par Ana-
martya Sen. En favorisant la mobilité des individus, la migration permettrait alors
l'augmentation des possibilités de choix des migrants, notamment pour augmenter
leur accès à certains biens ou stratégies économiques. La migration est donc vu
comme un facteur possible de réduction des inégalités entre les territoires, donnant
la possibilité, via la circulation, de diversi�er ces choix de vie. Les analyses con-
sacrées à ces questions mettent cependant en cause des questions d'équité, l'accès
à la migration parmi les populations des pays pauvres étant fortement inégal 27.
Un autre groupe d'étude se penche les questions de circulation de la main
d'÷uvre. Les abondantes analyses sur la question cherchent en e�et des corrélations
entre les vagues d'émigrations d'un pays et les processus de développement. La
théorie du migration hump (� les bosses de migrations �) propose ainsi des schémas
où la migration d'une frange de la population permet le développement et enclenche
en retour d'autres groupes de la société à émigrer. Les conclusions sont qu'à long
27. Denis Requier-Desjardin. � Migration, transfert de migrants et équité : quels enseigne-
ments de la littérature ? � Dans : Actes du Colloque association Charles Gide, Toulouse. Juin
2011.
23
terme, faciliter la migration peut e�ectivement permettre le développement d'un
pays, mais qu'à court et moyen termes, elle accélère les processus de migration 28.
Ces relations restent cependant fortement dépendantes des contextes des pays 29
Ces recherches amènent un nombre considérable de ré�exion sur la question de
la mobilité de la main d'÷uvre et la circulation des cerveaux. Elles se traduisent
en politiques permettant de tirer au mieux parti de la mobilité de la main d'÷uvre
pour permettre le réinvestissement des compétences et revenus dans le pays d'orig-
ine. Au centre de ces recherches �gurent les migrations circulaires des travailleurs
peu quali�és, et celles de l'exportation des cerveaux 30. L'analyse des circuits migra-
toires sur la question des travailleurs quali�és amène à de nombreuses conclusions
sur la gestion du marché du travail en lien avec la mobilité des étrangers. Cela
a participé notamment à faire dépasser les discours de brain drain (� fuite des
cerveaux �) pour parler de brain gain : autrement dit, la façon de faciliter la mi-
gration pour que la formation des migrants au sud béné�cie aux pays d'émigration.
Ces di�érentes analyses consacrées à la mobilité des travailleurs mettent en
leur centre les réseaux de diaspora. En e�et, à travers les communautés de con-
naissance qui se forment autour de la migration, on attribue à ces réseaux la
capacité d'orienter une mobilité des capitaux qui ne se limite pas aux transferts �-
nanciers et pro�tent au développement des communautés d'origine. Ces recherches
se traduisent en recommandations pour encourager et accompagner la création de
réseaux diasporiques 31. Le moteur du développement au départ associé aux re-
mittances passe ainsi (en raison de la di�culté de les capter) aux communautés
de migrants dont l'action est vue comme s'inscrivant dans des stratégies de long
terme, et reposant sur des structures sociales solidaires se traduisant en gain pour
les régions d'origine. On parle ainsi de social remittances qui sont caractérisées par
28. Jean-PierreGarson. � Migrations et développement : avantages partagés ? � Dans : Revue
d'économie du développement 21.2 (2007), p. 215�220, p218.29. Monsutti, � Migration et développement : une histoire de brouilles et de retrouvailles �,
op. cit., p33.30. voir notamment Robert Lucas. � Migrations internationales dans les pays à haut revenu :
quelles conséquences pour le développement économique dans les pays d'origine �. Dans : Revue
d'économie du développement 19.4 (2005), p. 123�171, p160.31. Abella et Ducanes, � Is Transnationalism a New Paradigm for Development ? �, op. cit.,
p70.
24
le pro�l transnational des migrants 32.
1.2.2 Intérêt et limites des nouvelles approches
Si l'ensemble de ces nouvelles thématiques de recherche renouvellent l'approche
des migrants, leur traduction en politiques reste cependant au c÷ur des interroga-
tions de bien des chercheurs. Ces analyses sur le pro�l transnational des migrants
vient au départ de la sociologie qui s'intéresse aux dynamiques de mobilisation de
la diaspora et à ses relations avec les communautés d'origine. La traduction de
l'étude de ces communautés transnationales en potentiel de développement pose
cependant des limites.
Un premier élément relevé par les chercheurs concerne l'optimisme associé à la
circulation des remises des migrants et l'omniprésence de la question des transferts
dans les discours sur la migration et le développement. Ernst de Haas explique
notamment que les analyses sur la contribution des migrations au développement
balancent depuis les années 1960 entre optimisme et pessimisme. Cette nouvelle
vague d'optimisme souvent � naïf � ignorerait ainsi toutes les analyses développées
et la valeur ajoutée des di�érentes sciences sociales, au pro�t des cadres d'analyse
économique qui se ferait que se réadapter 33. L'enthousiasme suscité par le potentiel
des remises laisserait passer l'idée d'une réaction mécanique entre migration et
développement. Selon l'auteur, la question serait plutôt celle des politiques qui
permettent d'activer le potentiel des activités des migrants. . .ou au contraire de
rendre leurs conditions de mise en place plus dures.
Cela nous amène à une autre réserve exprimée par les chercheurs sur la mise
en cohérence des politiques. En e�et, si la ré�exion théorique sur les liens entre
migration, marché du travail et mobilité de la main d'÷uvre s'enrichit, les impli-
cations politiques restent insu�samment développées. D'une part, elle nécessite
de développer une compréhension accrue des mécanismes de fonctionnement des
réseaux de diaspora en lien avec le marché du travail. La recherche à ce sujet reste
selon les chercheurs insu�samment développée, et fortement dépendante des con-
32. Faist, � Migrants as transnational developement agents : an inquiry into the newest round
of the migration and development nexus �, op. cit., p17.33. de Haas, Migration and Development - A theoretical perspective, op. cit., p49.
25
textes. D'autre part, l'encouragement des liens entre migration et développement
ne font pas la liaison entre les di�érentes implications en termes de politiques mi-
gratoires, politiques sociales et politiques de coopération et de développement En
e�et, selon les chercheurs de l'OCDE, si l'on veut encourager les liens entre mi-
grations et coopération au développement, cela nécessite de réaliser des arbitrages
et de faire dialoguer les ministères autour des questions de politiques de cohésion
sociale, de réduction de la pauvreté et d'équilibre du marché du travail 34. Les
recherches concernant les liens entre le fonctionnnement des réseaux de migration,
et le fonctionnement du marché du travail et des politiques sociales reste insu�-
isamment approfondies. L'analyse de ces arbitrages amènerait en e�et selon les
auteurs à donner un plus grand rôle aux questions de politiques d'intégration dans
ces processus.
On aborde ainsi la question de la thématique migration - développement à
travers le biais des approches en termes de politiques de coopération au dévelop-
pement. En e�et, les discours tenus mettent l'accent sur le fait que la contribution
des migrants permet un processus de développement par le bas. Or, les études sur
le transnationalisme des migrants attirent l'attention sur la nécessité d'analyser
les modalités de fonctionnement des réseaux de migrants plutôt que d'adopter une
lecture globale macro-économique du rôle des migrants. Cette dernière attitude,
héritée des modèles d'analyse économique, généraliserait alors des comportements
locaux en dynamiques de développement national 35.
Les nouvelles séries de recherches projetteraient ainsi des cadres d'analyse tra-
ditionnels de l'économie, c'est à dire analysant les activités des migrants comme
une réaction fonctionnelle à un déséquilibre de marché : elle négligerait alors toute
la composante traditionnelle et communautaire qui orientent ces actions. Il est ainsi
important de faire rentrer les concepts de mobilité et de migration, tels qu'étudiés
par la sociologie dans les schémas d'analyses du développement. Faire l'impasse sur
la compréhension de ce champ transnational amènerait les théories d'analyse du
34. voir à ce sujet Je� Dayton-Johnson et Theodora Xenogiani. � Immigration, dévelop-
pement et arbitrages entre politiques �. Dans : Revue d'économie du développement 21.2 (2007),
p. 97�138.35. Christophe Daum. � Le Codéveloppement : Grandeur et décadence d'une aspiration
généreuse �. Dans : Revue Internationale et Stratégique 68 (2007), p. 49�59, p50.
26
développement à transférer aux migrants la capacité d'initier un développement
par le bas de façon autonome qui béné�cie automatiquement à toute l'économie 36.
Il est intéressant de faire le lien entre ces critiques et les analyses de Gilbert Rist
dans Le Développement, histoire d'une croyance occidentale 37. L'auteur y dénonce
ici la tendance des analyses sur les mécanismes de développement comme se refor-
mulant au �l des théories à travers des référentiels nouveaux. Or, c'est référentiels
ne ferait que répèter une vision linéaire et endogène d'un développement, justi�ant
la con�ance des théories dans les mécanismes de marché et de coopération contem-
porain. Considérer les migrants comme les acteurs par qui passe le développement
revient ainsi à projeter sur eux la responsabilité d'initier un mécanisme de décol-
lage, ce qui nous ramène à une conception similaire à la théorie de la modernisation
de Rostow.
Conclusion
Pour conclure, les analyses sur la migration et le développement apparais-
sent comme liées aux angles d'analyses des di�érentes disciplines des sciences so-
ciales.Si les outils d'analyse théoriques progressent donc au fur et à mesure que la
compréhension des comportements migratoires s'a�ne, les chercheurs recensés à
travers ce mémoire mettent en évidence que les analyses en termes de développe-
ment peinent à changer : elles tendent à privilégier une vision globale et générale
du développement qui s'auto-entretient, les migrants ayant alors un rôle forcément
béné�que qu'il convient d'encourager. Cette partie met également en évidence les
di�cultés de l'appréhension des phénomènes de migration et développement, et de
leur traduction sous forme de politique.
Des évolutions dans l'appréhension des migrants semblent cependant à l'÷uvre
à travers les analyses économiques mettant l'accent sur le territoire. Les études sur
les �ux de migration mettent en e�et en valeur les connexions directes existant
entre di�érents territoires d'émigration et d'immigration, entre lesquels transitent
36. de Haan,Migration in the development studies litterature : has it come out of its marginal-
ity, op. cit., p. 15.37. Gilbert Rist. Le développement : histoire d'une croyance occidentale. Paris : Presses de
Sciences-Po, 2007.
27
particulièrement les capitaux des migrants. Leur contribution au développement
est ainsi abordée à l'échelle territoriale, et pose des questions sur l'impact des
migrants sur des questions comme l'économie résidentielle ou la gouvernance locale.
Ces analyses donnent plus de poids au rôle des associations de migrants, ainsi qu'au
contexte dans lesquels naissent leurs actions.
On retrouvera cette approche dans le discours de certains acteurs, lors de la
deuxième partie de ce mémoire.
2 L'invention et la déclinaison du concept de co-
développement en France : la mise en politique
de préoccupations gouvernementales
Cette section distingue les di�érentes étapes qui ont marquées la ré�exion sur
le codéveloppement dans l'espace français. Largement basé sur les études qui y
ont été consacrées, on essaiera de préciser les référentiels qui ont été mobilisés, et
l'in�uence que ce traitement politique a eu sur la structuration de l'espace de la
coopération avec les migrants.
La France est caractérisée par une longue histoire de politiques de migration
et d'intégration 38. La thématique migration - développement quant à elle, fait son
entrée dans l'espace des politiques françaises au début des années 1980, à travers
le concept de codéveloppement.
L'ensemble des chercheurs ayant analysé la politique de codéveloppement de la
France insiste sur la prédominance des orientations en termes de politiques migra-
toires sur le contenu donné au codéveloppement. Peu à peu, di�érentes idées font
leur chemin à travers les expérimentations politiques du gouvernement français qui
s'e�orcent d'ajouter une dimension � développement � à des orientations politiques
de contrôle des �ux migratoires. Le codéveloppement devient ainsi un concept in-
strumentalisé (section 2.1). Après Trente années d'expérimentations autour de ce
concept, on peut mettre en valeur les pratiques et options politiques qui sont priv-
38. Hein de Haas. Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can sup-
port diaspora involvement in the development of origin countries. Juin 2006, p67.
28
ilégiées (section 2.2) : la place des migrants dans ces dispositifs semble alors être
une déclinaison de l'état de la ré�exion et des arbitrages politiques développés en
matières de politiques migratoires ou de coopération au développement.
2.1 L'invention du codéveloppement au sein du gouverne-
ment français
Le cas de la France dans sa mise en politique de la relation Migration Dé-
veloppement est fortement in�uencé, malgré les idées qui naissent et enrichissent
le concept, par les préoccupations de l'État quand aux �ux des migrants qui ar-
rivent sur son territoire. Cela n'est pas vraiment un cas particulier en Europe
occidentale. Malgré des cheminements divers, la migration reste une préoccupa-
tions importante des gouvernements, en ce que ces �ux de migrations touchent aux
attributs régaliens de l'État, notamment à travers l'intégrité du territoire 39.
2.1.1 Le codéveloppement entre relations Nord - Sud et aide au retour
Le concept de codéveloppement, dans sa première acception, n'est cependant
pas un produit de l'agenda des politiques migratoires de la France. En e�et, le
terme apparaît dans les milieux de gauche au début des années 1980 (plus parti-
culièrement au sein du Centre d'Études, de Recherches et d'Éducation Socialiste
- CERES 40). Il s'agit alors d'une formule du ministre de la coopération Jean-
Pierre Cot utilisée en 1984 dans un discours aux in�uences tiers-mondistes sur le
partage des richesses à l'échelle mondiale (le Parti Socialiste est alors au pouvoir).
Le codéveloppement n'est alors pas lié aux questions migratoires et se propose
plutôt comme un partenariat entre la France et certains pays émergents pour
leur développement partagé. Au centre de la question : la mise en valeur con-
certée au niveau des États des synergies et des complémentarités dans un partage
équitable des richesses mondiales (autrement dit, des savoirs et technologies des
pays industrialisés contre la main d'÷uvre et les ressources naturelles des pays en
39. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-
tiques du Territorial, op. cit., p177.40. Ibid., p180.
29
développement) 41.
Le lien avec les questions migratoires se fait quelques années ensuite sous l'in-
�uence de Jean-Pierre Chevènement alors ministre de l'intérieur. Sous sa dé�nition,
le codéveloppement consiste à � valoriser les capacités intellectuelles des migrants
au pro�t de leur pays d'origine �. Dans la pratique, cette dé�nition est associée aux
politiques d'aide au retour qui prennent davantage d'importance dans un contexte
de crise 42. Les politiques d'aide au retour sont e�ectivement à l'agenda bien avant
l'utilisation du concept de codéveloppement. Ces dernières prennent des appel-
lations di�érentes (� aide au retour �, � aides à la réinsertion �). Ils consistent la
plupart du temps en bonus �nanciers ou en programmes de formation à destination
des migrants retournant volontairement au pays 43.
Ces premières expériences s'incarnent, outre dans des programmes proposés
aux migrants volontaires, dans des partenariats avec certains pays d'Afrique du
nord et subsaharienne (dans la vallée du �euve Sénégal notamment). Ces pro-
grammes thématiques visent notamment à accompagner l'insertion des migrants
à travers le soutien à leurs projets. Ces di�érentes expériences rencontrent cepen-
dant plusieurs réserves, car les accords se trouvent souvent de fait accompagnés
d'exigences sur la maîtrise des �ux migratoires.
2.1.2 La mise en ministère du codéveloppement
Le concept de codéveloppement prend un autre tournant dans les politiques du
gouvernement français entre 1998 et 2002 avec l'établissement d'une Mission In-
terministérielle au co-développement et aux migrations internationales (MICOMI)
41. Audran, � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de codéve-
loppement �, op. cit., p. 103.42. Cette acception du codéveloppement trouve également un écho dans les sphères de l'ex-
trême droite : dans ces milieux, la question des immigrés est également envisagée sous l'angle
du retour des étrangers dans leur pays d'origine. Les ré�exions qui prennent place à ce moment
insistent sur la nécessité de régler l'aide au développement sur le soutien direct aux migrants
retournant dans leurs pays, plutôt que de passer par des accords étatiques.43. Haas, Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can support di-
aspora involvement in the development of origin countries, op. cit., p67.
30
sous la tutelle du ministre des A�aires Sociales 44. Outre la prise en charge des
programmes et partenariats expérimentés auparavant, la mission est chargée de
procéder à des concertations avec di�érents acteurs (les pouvoirs publics, les ONG,
les OSIM) a�n d'évaluer les opportunités de programmes de développement liés à
la migration.
Ce ministère s'inscrit dans la prolongation d'un rapport commandé à l'univer-
sitaire Sami Nair alors député,intitulé � Rapport de Bilan et d'orientation sur la
politique de codéveloppement liée aux �ux migratoires � 45. Si ce rapport analyse
les synergies entre politiques migratoires et développement, il dépasse cependant
les questions de politiques de retours. Son rapport analyse les potentiels avantages
partagés pouvant être obtenus à travers une plus grande concertation des acteurs
de la coopération et de leurs besoins. Les propositions émises se veulent inclusives
des di�érents acteurs en contact avec les migrants, depuis les ministères jusqu'aux
associations de solidarité des migrants, en passant par les entreprises et universités.
Les propositions relativement nombreuses étendent le champs de ré�exion du
codéveloppement, en adoptant une dé�nition beaucoup plus large du concept qui
sera reprise dès lors par l'ensemble des acteurs : le codéveloppement désigne alors
� toute action d'aide au développement à laquelle participent des migrants vivant
en France � 46. La MICOMI s'inscrit alors dans cette démarche mais rencontre des
di�cultés dans l'établissement des relations avec les organisations des migrants 47.
Ces e�orts de concertation sont également associés aux politiques de retour con-
traintes des sans papiers (et à la gestion du Contrat de Réinsertion dans le Pays
d'Origine). Ces facteurs contribuent à la perte de crédibilité et de con�ance de la
MICOMI auprès de la société civile.
La MICOMI sera donc remplacée en 2002 par la nomination d'un ambassadeur
44. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le
rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p79.45. Sami Naïr. Rapport de Bilan et d'orientation sur la politique de codéveloppement liée aux
�ux migratoires. 1997.46. Daum, � Le Codéveloppement : Grandeur et décadence d'une aspiration généreuse �, op.
cit., p2.47. Lors des Assises de 1998, les OSIM ne sont en e�et par invitées aux consultations, amenant
dès lors les organisations de la société civile à protester et aborder de façon très critique ces
échanges
31
délégué au codéveloppement. 2002 voit cependant également la création du FORIM
qui se présente comme la première tentative de formaliser le dialogue avec les
organisations de solidarité internationale issues de la migration (nous reviendrons
sur cet organisme dans la deuxième partie du mémoire).
Sous la tutelle du Ministère des A�aires Étrangères, le codéveloppement est
toujours associé aux problématiques migratoires mais fait des e�orts pour adopter
une dé�nition plus précise de sa politique de codéveloppement. Ces e�orts de co-
hérence font suite à la déclaration du Ministre Délégué à la Coopération et la
Francophonie en 2003. Celui-ci admet que le codéveloppement reste pour l'instant
un concept trop largement dé�ni et associé aux politiques de retour et de réinser-
tion, alors que les migrants ont un rôle de constructeur de ponts entre la France
et les sociétés d'émigration qu'il convient d'encourager 48.
Les questions d'aides au retour partagent alors le devant de la scène avec
deux objectifs a�rmés par le Ministère : la canalisation de l'épargne des migrants
vers l'investissement productif des pays d'origine et la mobilisation de la diaspora
hautement quali�ée 49. L'équipe ministérielle en charge du développement tente
ainsi de rationaliser et de mettre en cohérence les di�érentes expériences liés au
codéveloppement. Elle conjugue dans son action et ses discours les programmes
avec les pays d'Afrique Subsaharienne, les aides à la réinsertion, à l'intégration des
migrants et à la circulation des diasporas scienti�ques, les concertations avec les
ONG et la société civile et la valorisation de leurs activités, ainsi que l'encourage-
ment des tentatives des collectivités locales. Un bon exemple de ces e�orts, ainsi
que de ces limites s'illustre dans la � Lettre du codéveloppement � émise en 2005 :
elle tente d'établir une communication régulière sur la question et d'ouvrir le con-
cept aux di�érents acteurs qu'elle vise 50. Cette série de Lettres du codéveloppement
ne comptera cependant qu'un seul numéro.
Avec 2007 et l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République, le
codéveloppement prend un nouveau tournant, passant sous la tutelle du Ministère
48. Haas, Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can support di-
aspora involvement in the development of origin countries, op. cit., p70.49. Christian Connan. Le Codéveloppement Présentation générale. Jan. 2005.50. Ministère des Affaires Étrangères. Lettre du Codéveloppement. Juil. 2005.
32
de l'Immigration, de l'intégration, de l'Identité Nationale et du Codéveloppement
(MIIINDS) nouvellement créé. Le discours du gouvernement de l'époque place alors
clairement la politique d'Aide Publique au Développement comme devant soutenir
les e�orts en termes de politiques migratoires. Le codéveloppement s'éloigne alors
de son rapprochement auprès des migrants pour privilégier une vision du codé-
veloppement où la France établit des accords cadres avec les pays d'émigration,
échangeant des engagements sur le contrôle des migrations contre les possibilités
d'accès à l'APD. Le contrôle migratoire devient alors l'objectif clairement identi-
�able d'une mise en cohérence des di�érents éléments éléments faisant jusqu'alors
parti du codéveloppement. Le contrôle des politiques de développement par le Min-
istère des A�aires Étrangères (supervisant traditionnellement l'APD) passant au
Ministère de l'Intégration est à ce sens emblématique. À l'occasion du remaniement
ministériel (18 mars 2008), le codéveloppement est alors remplacé dans le nom du
ministère par � Développement Solidaire � : la logique est alors d'adopter une
approche sectorielle de la coopération (en identi�ant les besoins des pays d'émi-
grations pour mieux les soutenir dans le contrôle des �ux migratoires) 51.
2.2 La mise en politique du codéveloppement dans l'espace
français
La section précédente nous a permis de présenter la façon dont le codévelop-
pement a été pris en charge au niveau du gouvernement français. À travers les
di�érents traitement politique de la question, les chercheurs proposent des lec-
tures sur la façon dont cette relation migration - développement se construit en-
tre tentative de dé�nition de l'Aide Publique au Développement, et sujétion aux
préoccupations des politiques migratoires.
2.2.1 Le développement comme prévention des �ux migratoires
Un premier angle d'analyse des politiques française consiste à mettre en valeur
la représentation du développement dans l'appréhension des problématiques mi-
51. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le
rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p82.
33
gratoires.
Jérôme Audran caractérise alors la politique de codéveloppement française
comme une politique migratoire sécuritaire qui s'ouvre progressivement aux enjeux
de développement 52.
L'APD est ainsi saisie par le gouvernement français comme un outil d'at-
ténuation de la politique migratoire : devant l'échec de l'endiguement des �ux,
les partenariats de développement sont alors une option pour compenser l'arrivée
non-contrôlée de travailleurs migrants. Dans sa première acception, le codévelop-
pement est un concept plaqué sur les politiques de retour : le soutien aux migrants
(formation, capitaux pour �nancer leur entreprise au pays) y constitue une carotte
de l'APD à la réinsertion d'une main d'÷uvre étrangère vue comme trop nom-
breuse par les pouvoirs publics. Il faut alors rappeler que les politiques migratoires
de retour sont liées à des arbitrages politiques en contexte de crise mettant l'accent
sur les di�cultés d'équilibre du marché du travail en termes de main d'÷uvre. Un
autre élément de contexte dans les années 1990 est la question de l'intégration
des sans-papiers et des expulsions, accompagnée d'une peur des migrations. Le
codéveloppement s'o�re alors comme une compensation au retour massifs 53.
Cette analyse du codéveloppement comme compensation des politiques de rac-
compagnement des migrants est importante, car elle est fortement mobilisée dans
les discours de la société civile sur lesquels nous reviendrons dans la seconde partie.
Par la suite, le gouvernement adopte une meilleure prise de conscience des ac-
tivités des migrants, notamment à travers ses partenariats d'accompagnement des
initiatives des migrants. Il cherche alors à exploiter l'impact des remises de fond
et des capitaux des migrants sur leur pays d'origine. Si les recherches académiques
que nous avons étudiées dans la première partie mettent l'accent sur les conditions
permettant un processus de développement local, les politiques françaises sem-
blent aborder la question par une autre entrée : Le potentiel associé aux remises
des migrants est ainsi fréquemment associé à la relation � plus de développement
= moins de migration �. Si cette relation n'a rien de mécanique et ne se véri�e
52. Audran, � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de codéve-
loppement �, op. cit.53. Ibid., p103.
34
que sur le long terme, elle présente un pro�l intéressant par rapport aux problé-
matiques migratoires françaises. En e�et, si plus de développement est à même
d'endiguer les �ux d'émigration, la réussite du pays de départ permet aussi d'of-
frir un modèle incitant les migrants présents sur le sol français à retourner dans
leur pays. Cette compréhension guide plusieurs des politiques proposées par le
gouvernement, notamment en ce qui concerne la circulation des cerveaux. Les pro-
grammes d'échanges à destination des diasporas diplômées visent précisément à
encourager le réinvestissement des compétences des migrants formés en France,
pour les réinvestir dans l'économie d'origine.
Le discours de Brice Hortefeux, alors Ministre de l'Intégration réduit cette
relation supposée à sa plus simple acception 54 :
Le mécanisme est connu : la pression de l'immigration, qui s'exerce sur
le Nord,se nourrit des déséquilibres du Sud. [. . .] Et pour cause, plus
d'un tiers des 900 millions d'Africains vivent avec moins de 1 euro par
jour. . .
Autrement dit : la misère des pays du Sud est responsable des migrations en
France. L'APD doit donc se mettre au service de la politique migratoire pour
réduire les sources d'émigration. Cette conception simpli�ée à l'extrême renvoie
aux premières théories de la migration analysant cette dernière comme un dif-
férentiel entre une économie A et une économie B. L'ensemble des stratégies et
comportements migratoires, ainsi que les dispositifs de coopération au développe-
ment, doivent donc s'articuler à cet objectif de réduire la pression migratoire.
Outre le fait que cette assertion est fausse à court terme, les modalités d'appli-
cations telles qu'elles sont mise en ÷uvre par le Ministère de l'intégration semblent
peu adéquates. D'une part, une politique visant à réduire la pauvreté (telle que
présentée dans les objectifs de l'AFD) devrait d'abord cibler les pays les plus pau-
vres. Or ce ne sont pas les ménages les plus pauvres qui émigrent, ni les pays
d'émigration dont la population sous le seuil le pauvreté est la plus importante.
D'autre part, les nombreuses études consacrées à la question insistent sur l'im-
54. Brice Hortefeux. � Le Codéveloppement : un enjeu majeur pour la France �. Dans : Les
Échos 19994 (2007), p. 13.
35
portance des investissements politiques permettant aux transferts et aux capitaux
des migrants d'initier un processus de développement soutenable sur le long terme.
Or, au regard des faibles budgets associés au chapitre codéveloppement (5% du
budget du Ministère de l'Immigration), cette politique se montre peu crédible.
Ce constat ne se limite pas qu'à la politique instituée par le gouvernement de N.
Sarkozy. Elle se retrouve également dans les expériences précédentes tentant, à
travers des expérimentations faiblement subventionnés, d'atteindre des objectifs
de long terme.
Cette écart entre les analyses et les tentatives isolées d'accompagnement des
migrants met en valeur la prépondérance des agendas des politiques migratoires
sur la dimension développement comprise dans la politique de codéveloppement.
C'est ce qu'a�rme Christophe Daum en expliquant que les ambiguïtés du co-
développement tiennent principalement aux orientations relevant du contrôle de
l'immigration 55. Charles Condamines pointe quant à lui une di�culté de conceptu-
alisation de la relation migration développement. Ernst de Haas explique quant à
lui la faiblesse de l'inscription d'une politique de codéveloppement par un manque
de vision (dans les thématiques et objectifs poursuivis), d'un manque de moyens
(concernant les fonds attribués à ces programme) et par un manque de crédibilité
(à l'égard des acteurs associatifs et associations de migrants) 56
2.2.2 Le codéveloppement comme instrument de coopération interna-
tionale : entre instrumentalisations et expérimentations
Par delà les discours sur la relation migration - développement des pouvoirs
publics, il convient de s'interroger sur la façon dont ces politiques dépassent leurs
ambiguïtés pour se former en tant que politique.
Le chercheur Thomas Lacroix, analyse les programmes d'aide au retour mis
en place au �l des années comme suivant un schéma régulier : sélection, incitation,
coopération 57. Dans un premier temps, les personnes en charge de l'action publique
55. Daum, � Le Codéveloppement : Grandeur et décadence d'une aspiration généreuse �, op.
cit., p. 58.56. Haas, Engaging Diasporas : How Governments and developing Agencies can support di-
aspora involvement in the development of origin countries, op. cit., p67.57. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-
36
repèrent une catégorie de population (par exemple : les travailleurs issus de l'im-
migration sénégalaise dans l'industrie). Dans un deuxième temps, les politiques
cherchent à inciter les populations sélectionnées à rentrer par elles-même dans leur
pays, avec des dispositifs de formation ou des aides �nancières à la réinsertion.
Cette phase est souvent suivie de coopération entre les di�érents ministères ou les
pays tiers pour soutenir et élargir ces expérimentations dans un cadre plus large,
articulant alors ces programmes à des enjeux plus globaux de développement.
En ce qui concerne les programmes de codéveloppement à proprement parler,
ils consistent jusque dans les années 2000 en di�érentes collaborations élaborées à
partir du constat de l'in�uence ou de l'expérience d'une diaspora sur le dévelop-
pement de régions spéci�ques. Di�érents programmes thématiques de collaboration
régionale ont ainsi vu le jour, en marge des aides au retour, comme le � Pro-
gramme pour le Développement local et la migration � ou le � Programme Migra-
tion Internationale Économique �. À travers le soutien à l'action d'ONG, d'asso-
ciations de migrants et d'entreprises, le gouvernement français tente de prodiguer
un cadre plus général aux actions des migrants. Ces cadres d'actions impulsés
par le gouvernement sont élaborés avec ses homologues dans les pays d'Afrique
sub-saharienne, tout en tentant de coordonner l'action de plusieurs ministères et
acteurs économiques 58.
Une autre modalité d'action, privilégiée lors de l'intégration du codéveloppe-
ment à l'action du MIIINDS consiste en l'établissement d'accords cadres de gestion
partagés : ces derniers rassemblent à la fois des accords avec les gouvernements des
pays d'émigration concernant les attentes quant à la maîtrise des �ux migratoires
et des programmes ciblés pour faciliter la migration légale.
Dans la pratique, ces di�érentes formes de soutien rassemblées sous le concept
de codéveloppement recouvrent di�érents types d'actions 59 :
� les mesures visant à mobiliser les compétences des élites de la diaspora ;
� les projets d'aménagement locaux, à partir des activités des associations de
tiques du Territorial, op. cit., p. 179.58. Ibid., p187.59. Audran, � Gestion des �ux migratoires : ré�exions sur la politique française de codéve-
loppement �, op. cit., p. 105.
37
migrants ;
� les aides à la réinsertion (locution préférée à celle d'� aide au retour �, plus
péjorative, autrefois utilisée) ;
� les investissements productifs dans les pays à l'origine des �ux migratoires.
2.2.3 La mobilisation des associations de migrants dans les politiques
de codéveloppement
Face à ces mises en application des politiques, on voit que les migrants sont
avant tout une cible de politiques visant à la maîtrise des �ux migratoires. Les
di�érents projets d'aide au retour et de circulation des cerveaux reposent sur une
approche individuelle des migrants, comme béné�ciaires des programmes. Les or-
ganisations de migrants ou s'engageant auprès des migrants sont l'objet de dif-
férents modes d'association aux actions du gouvernement. Plusieurs programmes
reposent sur l'existence de leur dynamisme et leurs activités dans certaines régions
cibles. Il semble cependant qu'elles fonctionnent jusqu'ici comme des relais aux
di�érentes priorités des politiques migratoires et des orientations visant à donner
au codéveloppement un contenu en termes de coopération pour le développement.
Cette attitude vis à vis des migrants et surtout la proximité avec les objectifs
de contrôle des �ux migratoires a instauré beaucoup de réserves de la part des
associations de migrants. La majorité d'entre elles n'adhèrent pas aux politiques
tentant de les mobiliser 60.
Cependant, la prise en compte progressive des activités des associations de
migrants a permis de faire valoir leurs compétences. Cela est du également à l'in-
termédiation d'ONG comme le CCFD qui sont inscrites depuis longtemps dans la
mise en ÷uvre de programmes de coopération de l'État français. Les associations
de migrants arrivent ainsi à agir comme des acteurs de la coopération interna-
tionale dans certains projets gouvernementaux à dimension locale. À travers la
recherche de mobilisation par l'État français des réseaux de migrants, ces derniers
ont peu à peu fait leur entrée dans un espace de coopération plus institutionnel.
60. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-
tiques du Territorial, op. cit., p192.
38
Si la plupart de ces réseaux et associations étaient déjà actifs dans l'établisse-
ment de liens de solidarité avec leur pays d'origine, nombre d'entre eux se voient
cependant reconnaître une certaine légitimité. Leur expertise se trouve en e�et
mobilisée à travers plusieurs programmes et initiatives. Un exemple dans ce cadre
est le Programme Concerté Maroc, qui ne fait pas parti de la politique de codéve-
loppement de la France. Il s'agit d'un programme de coopération du Ministère des
A�aires Étrangères visant à renforcer les rapports Nord-Sud à travers les Organisa-
tions de Solidarité Internationale (OSI) 61. Le coordinateur général du programme
est le CCFD et, dans la pratique, sollicite et met à pro�t l'expertise et l'action des
OSIM.
Un autre programme mis en place en 2009 s'intitule le � Programme d'Appui
aux Initiatives de Solidarité pour le Développement � (PAISD). Cette collabora-
tion étatique entre le Sénégal et la France s'inscrit dans les politiques de soutien
aux initiatives de développement de la diaspora datant des années 2000 et aux
diverses conventions de codéveloppement signées en 2006 et 2008. Le programme
se concentre cependant sur le soutien aux initiatives et activités de la diaspora
Sénégalaise et permet de multiplier les liens de coopération avec l'État Sénégalais,
des entreprises privées les accompagnant dans leur projet et les autorités locales.
Les OSIM trouvent alors ici un espace favorisant leurs activités et leur permettant
de faire valoir leur expertise. Elles sont alors déliées des accords direct d'aide a
retour.
Malgré les priorités du gouvernement, les associations issues de la migration
commencent donc via ces programmes à sortir des relations purement associatives.
À partir des �nancements de l'État français, elles se constituent une visibilité
dans l'espace public.Les migrants passent alors de cibles des politiques publiques
à des acteurs de la coopération au développement. Bien que les associations de
migrants ne soient pas engagées à coté de l'État (elles ne sont pas considérées
comme partenaires), ces pratiques font passer les politiques de développement par
leurs activités
D'autre part, des institutions comme le FORIM ou les ONG, mobilisées à l'o-
rigine pour faire la liaison avec les programmes gouvernementaux, trouvent peu à
61. Ibid., p. 216.
39
peu un nouveau rôle dans l'espace français : leurs actions s'orientent alors vers la
transformant des pratiques des associations de migrants vers davantage de profes-
sionnalisme, comme nous allons le voir dans la seconde partie.
Conclusion de la première partie
À travers cette première partie, on voit donc que la relation migration - déve-
loppement telle qu'elle est déclinée dans l'espace français jusqu'au début des années
2000 est très spéci�que et orientée sur la mise en cohérence des politiques migra-
toires. Elle s'accompagne d'une instrumentalisation de l'aide au développement
pour des politiques de maîtrise des �ux, et des partenariats bi-latéraux autour de
la présence des diasporas dans les pays d'origine.
À travers les discours et les expérimentations du gouvernement français, on
voit se dessiner au fur et à mesure la présence des organisations de solidarité
internationale : leur participation semble de plus en plus recherchée et elles se
trouvent associées à l'élaboration de di�érents programmes. On se situe en cela
dans une progression semblable, bien que par un cheminement di�érent de celui
e�ectué dans la recherche et les analyses économiques : Peu à peu, on découvre et on
met l'accent sur le rôle des migrants comme agents du développement de leur pays,
plutôt que les conséquences de déséquilibres économiques internationaux à l'origine
de migrations. Jusque dans les années 2000, le discours sur le codéveloppement est
aussi principalement mené par le gouvernement.
Il convient alors de questionner dans la seconde parte de ce mémoire, la façon
dont les di�érents acteurs de la coopération internationale se positionnent et ont
fait évoluer ces dernières années la thématique migration et développement dans
l'espace français. Cela permettra alors de véri�er si le codéveloppement tel qu'il
est présenté en France reste bloqué sur son assimilation aux objectifs de maîtrise
des �ux migratoires. À contrario, nous nous rendrons compte si les enjeux contem-
porains soulignés par la recherche quant au potentiel et aux actions des migrants,
ont des chances de progresser et de diversi�er l'approche. Comme le souligne Arjan
de Haan, il convient de se demander si la relation migration - développement vont
sortir de leurs analyses marginales, pour arriver à des politiques plus conséquentes
40
et structurées mettant les migrants à contribution du développement 62.
62. de Haan,Migration in the development studies litterature : has it come out of its marginal-
ity, op. cit.
41
Deuxième partie
Vers une redé�nition du
codéveloppement à travers les
pratiques et les discours de
nouveaux acteurs
La première partie nous a permis de mettre en évidence que les études portant
sur la relation migration - développement est en évolution, amenant à porter da-
vantage d'attention au rôle des organisations de migrants. Par rapport à cet état
des recherches, la mise en politique de la relation migration - développement par
le gouvernement français apparaît au début des années 2000 assez restreinte de ce
point de vue, limitant l'implication des migrants comme un relais d'une politique
migratoire restrictive et en ayant bien du mal à intégrer le volet développement.
Cette seconde partie rend compte des recherches e�ectuées sur di�érents ac-
teurs de l'espace français lors de cette dernière décennie à travers leurs publications
et prises de position. En déclinant notre problématique aux types de pratiques,
d'activités et de stratégies mises en place par chacun des acteurs, il semble alors que
la ré�exion sur la relation migration - développement semble également accorder
une plus grande place au rôle des migrants dans la coopération internationale.
Cela se manifeste par un certain désengagement et une réévaluation de la re-
lation migration - développement au niveau du gouvernement français (section 1),
par une entreprise de mobilisation des actions des migrants au niveau du FORIM
(section 2), par un rôle actif des ONG et réseaux d'associations de la société civile
autour de la redé�nition du codéveloppement (section 3), et en�n par des ex-
périences éparses des collectivités territoriales allant dans le sens de davantage de
mobilisation des organisations de solidarité internationale issues de la migration
(section 4).
42
1 Les organismes o�ciels liés au gouvernement :
de la réévaluation à l'ouverture
Nous allons dans un premier temps nous intéresser aux évolutions les plus
récentes intervenues sur la thématique migration - développement au niveau du
gouvernement français. Si la composition d'un nouveau gouvernement en 2012 sem-
ble vouloir de désengager des politiques de codéveloppement telles que pratiquées
jusqu'ici, les institutions entourant la politique de coopération au développement
de l'État français semblent elles aussi participer à la redé�nition de la thématique
migration - développement.
1.1 Le Codéveloppement en question : une réévaluation in-
terne des évidences du codéveloppement
La première partie a permis de mettre notamment en évidence les tendances
des politiques mises en ÷uvre par le gouvernement français à travers ses di�érents
programmes et ses cadres de gestion concertés jusque sous le mandat de Nicolas
Sarkozy. Si cette période a vu l'annexion presque totale de la politique de codéve-
loppement et de sa dé�nition par le Ministères de l'Immigration, de l'Intégration
et de l'Identité Nationale, ces décisions n'ont pas eu lieu dans un cadre de ré�exion
laissé vide.
En e�et, plusieurs des organes associés à la politiques de coopération de la
France ont durant cette période émis et proposé des rapports sur la relation migra-
tion - développement. Si ces institutions ont bien conscience de la prépondérance
des orientations migratoires, leurs recherches et propositions vont cependant dans
le sens d'une plus grande �nesse d'analyse dans les options politiques liées à la
migration - développement.
43
1.1.1 Les rapports d'évaluation de la politique française de codévelop-
pement
En e�et, au moment de l'élection à la présidence de N. Sarkozy, deux rapports
sur le codéveloppement sont publiés, l'un pour le Ministère des A�aires Étrangères
en janvier 2007 63, et le second à l'initiative du Sénat, rendu public juste après la
prise de fonction du nouveau gouvernement 64.
Le rapport commandé par le précédent gouvernement aux députés
Jacques Godfrain et Richard Cazenave s'inscrit dans la lignée du gouvernement
depuis 2002 : il met l'accent sur la circulation de la diaspora hautement quali�ée
et la mobilisation des transferts �nanciers des migrants. Il aborde cependant la
question du codéveloppement sous l'angle de la coopération au développement de
la France (en dressant un tableau de l'e�cacité et des limites de l'APD française)
plutôt que sous l'angle de la régulation migratoire. Ce rapport insiste ainsi d'entrée
de jeu sur l'importance de la circulation plutôt que sur la maîtrise et les quotas
d'émigration :
Sans renoncer à la maîtrise des �ux migratoires, il apparaît évident
que le problème ne pourra être résolue par un verrouillage des fron-
tières. [. . .] La politique migratoire doit donc être repensée a�n d'être
davantage axée sur le partenariat et la mobilité 65.
Il acte également de la prépondérance de l'aide au retour dans la dé�nition du
codéveloppement mais invite à l'envisager en donnant la priorité aux question de
coopération au développement :
Le codéveloppement relève pleinement d'une logique de coopération
pour le développement, même si cela ne signi�e pas que le codévelop-
pement ne puisse contribuer à la maîtrise des �ux migratoires. [. . .] Le
codéveloppement ne peut être compris comme un moyen détourné de
renvoyer les migrants dans leur pays d'origine. [. . .] L'impact du codé-
veloppement sur la maîtrise des �ux migratoires est donc indirect et ne
pourra être réellement envisagé qu'à long terme. Il serait donc illusoire
63. Jacques Godfran et Richard Cazenave. Rapport sur le codéveloppement. Jan. 2007.64. Senat. Rapport d'information 417 : le Co-développement à l'essai. Juin 2007.65. Godfran et Cazenave, Rapport sur le codéveloppement, op. cit., p10.
44
d'attendre du 66.
La suite du rapport con�rme ainsi l'intérêt des expériences et programmes
de coopération au développement expérimentés jusqu'ici au Maroc et au Mali
en invitant à reproduire ces expériences de façon plus cohérente au sein de la
politique d'APD. Au niveau domestique, le rapport dresse un panorama des limites
et opportunités d'accès des migrants aux services �nanciers. Il insiste aussi sur la
nécessaire participation des organisations de migrants, des collectivités territoriales
et des acteurs privés, dans le cadre d'une politique cohérente de codéveloppement.
Le rapport de la commission constituée au sein du Sénat sur la ques-
tion du codéveloppement s'intitule � Le Co-développement à l'essai � et parvient à
des conclusions similaires sur l'importance du développement du secteur �nancier
à destination des migrants 67. Elle procède cependant d'une autre analyse en dé-
gageant d'abord l'importance des questions de développement qui peuvent être
couvertes à travers les questions de migration à l'échelle globale. La commission
dé�nit ainsi le codéveloppement à travers l'intérêt que représentent les transferts
des migrants pour les bailleurs bilatéraux et internationaux : ces remises ont donc
une capacité à être soutenue par des co-�nancements publics a�n de mieux les
structurer et les orienter 68.
Cette approche globale des questions de migrations amène ainsi la Commission
à établir des objectifs de politiques migratoires en partenariat avec les partenaires
européens et des États d'émigration en fonction de ces nouveaux enjeux de dé-
veloppement (notamment la question de la circulation des personnes et des capi-
taux). D'autre part, il invite à rationaliser la cohérence des actions des di�érents
ministères dans la dé�nition des enjeux de développement liés à la migration.
Ces deux rapports se rejoignent en ce qu'ils condamnent la réduction du codé-
veloppement aux problématiques migratoires et développent une analyse plus �ne
des enjeux et des comportements liés à la migration. Les deux décrivent ainsi la
66. Ibid., p11.67. La Commission constituée est nommée Commission des A�aires étrangères, de la défense
et des forces armées sur le co-développement et les relations entre politique de développement et
politique de gestion des �ux migratoires.68. Senat, Rapport d'information 417 : le Co-développement à l'essai, op. cit., p16.
45
migration comme un phénomène réversible nécessitant un soutien à la mobilité des
personnes. On se trouve ici dans une compréhension des migrants comme acteurs
de développement pouvant être mobilisés par l'APD pour le développement des
pays d'origine, mais pas encore comme partenaires directs de l'État.
1.1.2 Le Conseil Économique et Social et les institutions �nancières
Ces analyses sont complétées d'autre part par les rapport du Conseil Économique
et Social de la France. En 2001 69 et 2008 70 des dossiers sont consacrés à l'analyse
des populations migrantes dans la perspective d'un � co-développement � Le pre-
mier rapport consistait en une analyse des pro�ls des migrants en France, notam-
ment des choix de stratégie migratoire qu'ils adoptent en fonction des possibilités
de circulation et d'insertion sur le marché du travail. Il se concluait en insistant no-
tamment sur l'enjeu de parvenir à une gestion concertée de la migration associant
les capacités à la fois de l'État en tant qu'employeur et puissance publique, ainsi
que des di�érents acteurs de la société civile (depuis les entreprises et syndicats
jusqu'aux associations, collectivités et ONG).
Le rapport de 2008 est plus particulièrement dédié à la question de l'épargne
des migrants en analysant les besoins spéci�ques de ces populations en termes d'ac-
cès aux services �nanciers. Tout comme le premier rapport, il appelle outre à une
plus grande accessibilité du secteur �nancier, à une meilleure coordination entre
les acteurs nationaux et locaux ; la �nalité est de permettre aux investissements
et emplois des migrants de trouver une meilleure insertion et un meilleur impact
dans l'économie locale des pays d'origine.
Ces analyses sur le sujet ne sont pas des exceptions puisque d'autres institu-
tions comme la Banque de France participent dans leurs études à renforcer l'accent
mis sur le potentiel des transferts comme source de développement 71. Si l'approche
uniquement �nancière de la question migration - développement par la Banque
69. Conseil Économique et Social. De l'exode à la mobilisation des compétences dans le
cadre d'un véritable co-développement. 2001.70. Conseil Économique et Social. Comment mobiliser l'épargne des migrants en faveur
du codéveloppement. 2008.71. Emmanuel Rocher et Adeline Pelletier. Les transferts de revenus des migrants : quel
impact sur le développement économique et �nancier des pays d'Afrique Subsaharienne. Mai 2008.
46
de France est assez réductrice de la complexité des pratiques des migrants, elle
souligne tout de même les dé�s en matière d'accès au crédit des migrants. La
compréhension des relations migrations - développement mobilise cependant des
approches macro-économiques classiques se traduisant en politiques de � moderni-
sation � et de � réforme structurelle � pour stimuler la croissance.
1.1.3 l'AFD : des compétences à dispositions
En�n, un troisième acteur proche du gouvernement est actif dans la ré�exion
sur les pratiques de codéveloppement : il s'agit de l'Agence Française de Dévelop-
pement (AFD).
En tant qu'organisme de recherche, l'AFD participe à la ré�exion globale sur
les relations migrations - développement aux cotés d'autres organismes interna-
tionaux. On peut prendre pour exemple la conférence qu'elle a organisé aux cotés
du Réseau Européen de Recherche sur le Développement (EUDN - European Devel-
opment Research Network) et qui alimente les ré�exions sur la thématiques 72. Ces
discussions restent cependant déconnectées de l'analyse des politiques françaises
et se consacre à approfondir les analyses théoriques sur le sujet.
Les ré�exions stratégies appliquées à l'espace français ne font cependant pas dé-
faut lorsque l'on s'intéresse aux documents stratégiques émis par l'AFD. À travers
sont Cadre d'Action Transversal - Migrations Internes et Internationales, l'Agence
fait par exemple le lien entre les connaissances disponibles sur la thématique et
les actions qu'elle mène. Il faut noter à ce sujet une perspective beaucoup plus
vaste adoptée par l'Agence, qui lie les migrations à l'ensemble des dé�s de déve-
loppement. Elle s'éloigne alors des politiques de coopération réduites au soutien
au développement économique des pays d'origine, comme tendent à le faire la ma-
jorité des organismes de recherche. L'analyse que fait l'AFD de ses projets dans la
perspective migration et développement met notamment en valeur l'avance prise
par l'organisme : la conduite de ses projets met déjà en ÷uvre une prise en compte
importante de la dimension territoriale de ses projets. Les actions exposées tien-
72. Agence Française de Développement. Migration and Development - Mutual bene-
�ts ? 2006.
47
nent compte par exemple de de la mobilité des migrants dans la conduite de projets
de développement, et l'inclusion des di�érents acteurs locaux dans les actions ren-
forçant l'attractivité des territoiresAgence Française de Développement.
Migration and Development - Mutual bene�ts ? 2006, p27. En�n, l'AFD identi�e
les di�érents acteurs de l'espace français pouvant s'inscrire dans ce cadre d'action
(Ministère, partenaires européens, OSIM. . .). Elle appelle les organismes o�ciels à
solliciter son soutien dans les domaines de compétences qui sont les siens : l'appui
technique et opérationnel, la prise en compte des accords de gestion concertés ou
l'animation du débat sur les migrations et le développement.
Le document de stratégie de l'AFD établit en 2011 insiste en�n sur la nécessité
de renforcer le lien entre migration et développement à travers la coordination des
di�érents ministères.
Au regard des positions prises par ces di�érentes institutions on remarque
alors que si les politiques françaises de codéveloppement restent focalisées sur la
maîtrise des �ux migratoires, la prise en compte du potentiel sur la migration et
le développement n'est pas absente des sphères institutionnelles.
Au contraire, elles o�rent une analyse qui contrebalance les positions du gou-
vernements en insistant sur les questions de circulation et de mise en cohérence des
politiques. Leur objectif est d'atteindre des enjeux globaux de développement re-
posant sur une coordination entre États, Ministères et acteurs de la société civile.
Au niveau des thématiques favorisées par ces institutions la mise en valeur des
transferts �nanciers reste au centre des interrogations : elles se concentrent sur les
façons de réformer le secteur bancaire à la fois en France et dans les pays d'origine
pour parvenir à un meilleur impact des capitaux des migrants.
La place des réseaux de la diaspora est quant à elle bien présente dans ces
cadres d'actions, en insistant sur le rôle d'agent de développement dont l'expertise
est à intégrer pour exploiter au mieux les remises des migrants.
Si les politiques du gouvernement semblent s'intéresser davantage aux analyses
des migrations en termes de quotas et de contrôle, en leur associant le quali�catif
de � solidaire � 73, des analyses sont disponibles dans l'espace français concernant
73. voir par exemple : Pierre Mazeaud. Pour une politique des migrations transparente,
48
les arbitrages qu'impliquent la relation migration et développement et le pro�l des
migrants dans l'espace français.
1.2 La nouvelle administration : vers un désengagement du
codéveloppement ou une redé�nition des méthodes d'ac-
tions ?
Avec la nouvelle équipe à la présidence de la République, les discours sur le
codéveloppement se sont fait jusqu'alors très discrets. Cela n'a pas été le cas lors
de la campagne présidentielle, et l'on peut toutefois repérer certaines dynamiques
à travers la mise en place de la nouvelle politique de coopération.
1.2.1 Positionnements politiques autour du codéveloppement
Lors du gouvernement de M. Sarkozy, une des politiques les plus vivement cri-
tiquée est la constitution et l'action du MIIINDS. L'instrumentalisation du codé-
veloppement comme outils de contrôle des �ux migratoires ne passe pas inaperçue,
et plusieurs articles dans la presse mettent en débat le codéveloppement. Un texte
fréquemment repris à cet endroit est la tribune de Jean-François Bayard intitulée
En �nir avec le Codéveloppement 74. Dans ce texte, le chercheur reconnu, après être
revenu brièvement sur les présupposés et objectifs idéaux placés dans le codéve-
loppement, dénonce violemment le concept de codéveloppement comme un outils
d'exclusion et de stigmatisation des populations migrantes en France.
[Le codéveloppement] met à distance les migrants en leur assignant un
espace, celui du développement de leur village, et en leur interdisant
d'autres espaces, ceux de la citoyenneté dans leur société d'accueil et de
l'accumulation dans l'économie globale. Elle � indigénise � l'Afrique :
on parlera de codéveloppement à propos du Malien émigré en France,
mais non de l'Ardéchois expatrié aux États-Unies 75.
simple et solidaire. 2008.74. Jean-François Bayart. � En �nir avec le codéveloppement �. Dans : Alternatives
Economique 257 (avr. 2007).75. Ibid.
49
Cette analyse qui met en lumière les sous-entendus du codéveloppement est
peu reprise dans les discours. Le titre cependant, va être abondamment réutilisé
par la société civile et dans le discours politique comme base de questionnement :
après les vives controverses liées au MIIINDS les discours se multiplient sur la
nécessité de oui ou non � en �nir avec le codéveloppement �.
La campagne de 2012 abordera de tant à autre la question, notamment à
travers les think tank qui leurs sont associés. Dans le cadre de ce mémoire, on
prendra à titre d'exemple le rapport de Terra Nova Refonder l'approche politique
du co-développement 76, etelui de l'Institut Montaigne Afrique - France : réinventer
le co-développement 77.
L'auteur du rapport de Terra Nova, Samuel Pommeret, fait parti de l'équipe de
gestion du CCFD qui, comme nous le verrons dans la section suivante, est engagée
de longue date auprès des associations issues de la migration 78. Le texte dénonce
le codéveloppement comme une � notion fourre-tout pour des dirigeants politiques
souvent mal inspirés dès que l'on traite des migrations internationales �. Il détaille
alors les assimilations courantes liées au codéveloppement (recherche d'impact mé-
caniques entre développement et réduction des migrations, l'utilisation productive
automatique des transferts �nanciers des migrants et la recherche d'impacts sur
le développement à court terme). Le rapport appelle ainsi engager un nouveau
dialogue sur les dispositifs à destination des migrants, à réorganiser les rapports
avec la société civile à travers une coopération inter-ministérielle, et à donner un
rôle plus importants aux partenariats développés par les régions.
Quelques mois après, l'Institut Montaigne réplique avec la publication de son
rapport. Celui-ci est construit à partir de la consultations de nombreux acteurs du
secteur privé. Il adopte une dé�nition du codéveloppement construite à partir de
sa première acception (développée dans les cercles socialistes au début des années
1980) : celle d'un partenariat entre pays riches et pays en développement : dans
cette perspective, il s'agit de mettre à pro�t les atouts et potentiels des migrants
76. Samuel Pommeret. Refonder l'approche Politique du Co-developpement. Mar. 2010.77. Institut Montaigne. Afrique - France réinventer le Co-développement. Juin 2010.78. L'auteur est cependant présenté dans le rapport comme � Doctorant en géographie, mem-
bre d'une ONG en charge de projets relatifs aux migrations internationales �
50
comme entrepreneurs pouvant développer les échanges économiques, en partenariat
avec le secteur privé.
Le rapport s'e�orce de remplacer le discours politique du codéveloppement
(en termes de choix de politiques publiques vis à vis des migrants) par un discours
économique présentant le codéveloppement comme � avant tout une méthode, une
entraide, un nouveau partenariat pour la croissance � 79. Dans une analyse où � dé-
veloppement � signi�e � croissance �, le rapport met l'accent sur le rôle du secteur
privé français en concurrence avec les � stratégies prédatrices des économies émer-
gentes �. Le codéveloppement est alors présenté comme un ensemble de mesures
soutenant l'épargne et l'investissement des entrepreneurs français et migrants. Il
doit permettre de valoriser l'expertise française d'un coté, et de développer la pro-
ductivité des régions d'origine de l'autre.
Ces deux rapports relèvent d'approches radicalement di�érente de la relation
migration - développement : l'approche du think tank socialiste s'inscrit dans une
perspective critique axée sur la gestion des migrations et des espaces de partici-
pation réservés à la diaspora.L'institut libéral développe quant à lui une approche
s'appuyant sur l'économie internationale : ici les migrants sont vus sur une base in-
dividuelle comme des entrepreneurs potentiels qu'il s'agit d'insérer dans l'économie
formelle a�n d'augmenter leur contribution à la croissance du pays en général.
1.2.2 Stratégies et évolutions du MAE
Avec l'arrivée d'une nouvelle administration en mai 2012, le MIIINDS se trouve
dissous et la politique de codéveloppement disparaît des compétences des min-
istères. Cela ne veut pas dire que la ré�exion et les politiques alliant migration et
développement se trouve également dissolue.
Le Ministère des A�aires Étrangères, via la Direction Générale de la Mondiali-
sation du développement et du partenariat se montre à ce point de vue active : cela
se manifeste à travers les rapports qu'elle émet, la conduite des Assises du Dévelop-
pement et de la Solidarité Internationale et de sa nouvelle politique de coopération.
À travers ces di�érentes prises de positions, on peut distinguer certaines tendances
79. Institut Montaigne, Afrique - France réinventer le Co-développement, op. cit., p4.
51
et actions qui se dessinent en matière de migration - développement.
Quelques mois après la prise de fonction du gouvernement, le MAE publie en
e�et un rapport intitulé Mobiliser les compétences des Migrants et de la Diaspora
en faveur du développement : quelques pistes stratégiques 80. L'originalité du rap-
port tient dans le choix qu'elle fait de ne pas traiter de la question des transferts
�nanciers � bien documentés par ailleurs �. Il privilégie la valorisation des compé-
tences des migrants et de la diaspora � tant d'un point de vue économique que
social � 81. Associer ainsi l'utilisation conjointe des termes migrants et diaspora
révèle une évolution de l'approche des migrants : en e�et, le rapport élaboré en
partenariat avec l'AFD et l'OCDE procède à une amélioration des données statis-
tiques pour une meilleure connaissance des réseaux et liens entretenus avec les pays
d'origine. À travers les di�érentes rubriques le rapport insiste sur la question des
informations que possèdent les migrants, qui permettent ou incitent à la circula-
tion et la mobilité. On se trouve bien ici dans une analyse des comportements des
migrants en réseaux, appliquée tant aux migrations du travail, qu'aux migrations
hautement quali�ées, ainsi qu'aux deuxièmes et troisièmes générations de migrants
intégrées en France, et qui conservent des liens avec les pays d'origine. En termes
de politiques intérieures, le MAE insiste alors sur une meilleure compréhension et
concertation des processus permettant la mobilité des personnes et des capitaux,
liés aux comportements, aux activités et aux choix des migrants. La question des
politiques de coopération au développement alors déclinée insiste alors non pas sur
le contrôle des �ux migratoires, mais sur le renforcement de l'accès à l'information,
le soutien aux initiatives des migrants et la concertation plus grande entre acteurs
de niveaux décentralisés.
À travers les recommandations a�chées par ce rapport ce dessine tout d'abord
l'abandon d'une politique maîtrisant tous les circuits de migration. En e�et, ces
mesures politiques vont davantage dans le sens de l'accompagnement de dynamiques
déjà à l'÷uvre (les migrations temporaires et cycliques, les migrants venant se for-
mer en France, et les initiatives déjà présentes de solidarité internationale). L'idée
80. OCDE/Ministère des Affaires Étrangères. Mobiliser les compétences des Migrants
et de la Diaspora en faveur du développement : quelques pistes stratégiques. Sept. 2012.81. Ibid., p5.
52
de relations bilatérale et de gestion concertée des �ux migratoires n'est pas non
plus exposée, au pro�t d'une meilleure articulation de politiques publiques autour
de dynamiques migratoires.
L'extrait suivant souligne par ailleurs la compréhension du rôle des migrants
comme acteurs transnationaux du développement, qui dépasse la simple appréhen-
sion de leur transferts �nanciers :
L'apport de la diaspora ne doit pas seulement se mesurer à l'aune de sa
contribution �nancière et de son apport en main d'÷uvre quali�ée, mais
plus généralement dans sa capacité à dresser des ponts entre les pays
d'origine et de destination par lesquels transitent à la fois des échanges
économiques, mais également des transferts sociaux ou de normes. En
ce sens, les migrants et leur descendants sont susceptibles d'agir en tant
qu'acteurs du changement y compris sur les aspects sociaux, politiques
et environnementaux.
Ces options politiques exposées n'engagent cependant aucunement la politique
de coopération. Lors de la conférence qui a suivi la publication de ce rapport Con-
naître et mobiliser les compétences des migrants en faveur du développement en
octobre 2012, les représentants français 82 ont accompagné leur présentation des
recherches du MAE d'un simple rappel des sommes investies dans les programmes
de migration et de développement d'environ 25 millions d'euros (on notera la
distinction entre les deux termes programmes de migration et programme de déve-
loppement). Les objectifs énoncés de ces programmes restent cependant les mêmes
que ceux a�chés précédemment :
� soutenir les projets de développe- ment local impliquant les diaspo-
ras ;
� appuyer la création d'entreprises et l'investissement productif des
migrants ;
� renforcer la capacité des États du Sud à faire face aux dé�s migra-
toires 83.
82. Jean-Marc Châtaignier, directeur adjoint de la mondialisation, du développement et des
partenariats, et Philippe Meunier, directeur des biens publics mondiaux au MAE.83. Voir le compte rendu de la réunion : Ministère des Affaires Étrangères. Connaître
53
Au regard de ces engagements, les objectifs associés à la migration et au dé-
veloppement restent les mêmes que dans les politiques de codéveloppement : les
modalités de coopération et les orientations privilégiées devraient quant à elles
démontrer ou nom si une évolution est e�ectivement en marche dans la politique
du ministère, par delà la compréhension a�née des phénomènes de mobilité.
Ces modalités de coopération et orientations privilégiées peuvent se distinguer
à travers les manifestations publiques mises en place par le MAE dans le cadre de
sa coopération au développement.
Les Assises du Développement et de la Solidarité Internationale or-
ganisées au premier semestre 2013 peuvent nous renseigner à cet égard. Cette série
de consultation avec les acteurs de la société civile a été accompagnée de notes
de cadrages et �ches de présentation donnant des indications sur la façon dont la
coopération dans le domaine de la migration et le développement est amenée à
être menée.
Ces documents prennent tout d'abord leur distance par rapport aux positions
de l'ancien gouvernement. le MAE a�rme ainsi :
La politique de développement vise à renforcer la compréhension et
promouvoir une approche intégrée des interactions entre la migration
et le développement des pays et territoires d'origine et de destination.
Elle est déliée de la politique de gestion des �ux migratoires, mise en
÷uvre par le ministère de l'intérieur 84.
Les documents accompagnant les assises marquent également une évolution
quant à l'appréhension des relations migration - développement en rappelant no-
tamment que � l'existence d'une relation mécanique de causalité directe entre
développement des pays d'origine et tarissement de l'émigration reste encore à
et mobiliser les compétences des migrants en faveur du développement. Le Point Sur..., Octobre
2012, No 67. Oct. 2012.84. Assises du Développement et de la Solidarité Internationale. Note de cadrage :
Table ronde du 22 février 2013 sur migrations, mobilités, développement. Assises du Développe-
ment et de la Solidarité Internationale - CHANTIER 4 : Comment renforcer les partenariats avec
les acteurs non-gouvernementaux du développement et de la solidarité internationale ? - Table
ronde du 22 février 2013 : migrations, mobilités, développement. Fév. 2013.
54
prouver �. Ces assises se placent résolument dans une approche privilégiant les
activités et enjeux liés aux développement en soulignant l'importance de faciliter
les transferts des migrants 85 et de mieux intégrer la migration dans les stratégies
de développement des partenaires � qui en sont demandeurs �.
Les discussions liées à la migration et au développement donnent l'opportu-
nité aux organisations de la société civile d'exposer leur action au cours d'une ta-
ble ronde intitulée � Migrations, Mobilité et développement � au sein du chantier
� Comment renforcer les partenariats avec les acteurs non-gouvernementaux du
développement et de la solidarité internationale ? �.
Les axes de discussions, s'ils mettent l'accent sur le rôle des diaspora, s'éloigne
du rôle et des responsabilités de l'État pour privilégier les questions de renforce-
ment des droits des migrants, des modalités de partenariats avec les acteurs locaux
encourageant les liens transnationaux et des cadres de concertations (à l'échelle
européenne et territoriale) à mettre en place. À travers ces assises, le discours sur
la migration et le développement passe donc ostensiblement de l'action de l'État
comme gestionnaire des �ux migratoires et acteur de développement au rôle de
facilitateur. Il laisse les discours sur les pratiques de codéveloppement à la charge
des organisations de la société civile et renvoie les politiques liées aux questions de
mobilité au niveau européen 86.
Cette impression de désengagement de l'État au pro�t de la société civile
se retrouve dans d'autres événements comme la conférence sur le rôle de la
diaspora malienne pour la paix et le développement au Mali . Organisée
par le MAE dans le contexte de la dé�nition du processus de sortie de crise au
Mali, et présentée par le ministre délégué chargé du développement Pascal Can�n,
ce séminaire a lieu à la mairie de Montreuil 87. Les tables rondes mettent une fois
85. Assises du Développement et de la Solidarité Internationale. Fiche Technique :
Les transferts de fonds des migrants. Assises du Développement et de la Solidarité Internationale
- CHANTIER 4 : Comment renforcer les partenariats avec les acteurs non-gouvernementaux du
développement et de la solidarité internationale ? - Table ronde du 22 février 2013 : migrations,
mobilités, développement. Fév. 2013.86. Voir à ce sujet : idem, Note de cadrage : Table ronde du 22 février 2013 sur migrations,
mobilités, développement, op. cit.87. Ce choix dans le lieu n'est pas neutre, la mairie de Montreuil étant une collectivité parmi
55
de plus l'accent se rôle de la diaspora malienne comme � potentiel de solidarité � 88
et réservoir d'expertise. Le ministre des Maliens de l'extérieur et de l'Intégration
africaine avec Pascal Can�n appellent ainsi les actions de la diaspora à � dépasser
les projets d'infrastructures villageoises voire communales, essentiellement �nancés
jusqu'à présent � pour s'investir dans deux orientations : renforcer l'impact sur le
développement économique de la diaspora malienne et soutenir la gouvernance
locale.
Ces positions s'inscrivent dans la vision d'un développement grâce au migrants
par le bas, tel que nous l'avons exposé dans la première partie. Dans ces incitations,
les gouvernements maliens participent directement à transformer les migrants en
acteurs transnationaux du développement, dont l'action peut permettre, à travers
leur solidarité, à devenir un facteur de croissance économique. À travers ce discours,
les migrants ont donc la charge de � relever le dé� des investissements productifs �
et développer leur � potentiel encore sous-exploité � pour la création d'entreprise
par la diaspora. Cependant, par delà les discours, les pratiques de coopération
de l'État français évoluent d'une appréhension des migrants comme des acteurs
de développement à encourager, à de potentiels partenaires dans des objectifs de
plani�cation nationale et/ou local.
Conclusion
O�ciellement, la direction de la politique de la France dans le cadre du codé-
veloppement reste encore à dé�nir. À travers les prises de positions des discours
dans la sphère du gouvernement, l'action du gouvernement pointe cependant dans
la direction d'un désistement de l'État de la politique de codéveloppement jusque
là mise en ÷uvre. La thématique migration - développement se voit ainsi intégrée
dans le cahier des charges des actions d'aide publique au développement, au même
titre que l'environnement ou la question du genre. La question du développement
par les actions des migrants semble ainsi se détacher de programmes étatiques pour
être transférée aux initiatives des organisations des migrants, ONG et collectivités
les plus actives dans les relations avec les migrants.88. Ministère des Affaires Étrangères. La Diaspora Malienne pour la Paix et le déve-
loppement au Mali - Dossier de Présentation. Avr. 2013.
56
territoriales.
En ce qui concerne la question de la mobilité des migrants, la prise en compte
de la circulation des capitaux des migrants reste à être traduite sous forme de
politiques. Or, la question de la mobilité se voit presque systématiquement rejeté
hors de la sphère d'intervention du gouvernement : la mobilité des capitaux devient
la charge du secteur �nanciers (celui doit se � rendre accessible � aux pratiques
des migrants). En ce qui concerne la mobilité humaine, on assiste à un renvoi
quasi-systématique de ces questions à l'échelon de décision européen. Or, à travers
des processus de concertation autour des �ux migratoires de l'Europe de Tampere
ne lie pas vraiment l'État à des engagements en la matière 89.La redé�nition de la
politique de coopération au développement de la France le 31 juillet 2013 semble de
son coté maintenir la gestion des �ux migratoires dans la lignée des orientations du
gouvernement précédent (voir à ce sujet l'Annexe 2 : perspectives sur la politique
de coopération au développement du nouveau gouvernement : le compte-rendu du
CICID)
Il est clair que la politique migration - développement de la France s'enrichit
et intègre progressivement une compréhension des actions des migrants plus �ne,
liée aux liens qu'ils conservent entre leurs territoires, et aux circulations qui exis-
tent. On s'inscrit en cela dans les études les plus récentes sur le transnationalisme
des migrants. Les cadres de d'action de l'AFD et l'encouragement de l'action des
collectivités territoriales permettent également d'insister sur les coordinations qui
ont lieu en termes de gouvernances locales. L'enthousiasme ayant caractérisé la
vision des migrants comme la solution aux processus de développement semble
ainsi évoluer comme des agents de développement pouvant contribuer au succès
de politiques de développement. En termes de mises en politique de la thématique
migration - développement semble abandonner l'idée d'institutions et de budgets
dédiés à l'exploitation de ces relations.
La ré�exion et les discours du nouveau gouvernement sur la relation migration
89. La politique européenne se caractérise jusqu'ici comme stratégie de maîtrise des �ux. Si les
cadres d'actions invitent simplement à favoriser les actions des migrants pour le développement
a�n de faire des politiques migratoires des partenariats � gagnant-gagnant �. Cela reste encore à
l'état de recommandation.
57
- développement et le rôle des migrants semblent évoluer et s'a�ner dans l'espace
public. La traduction en politiques de développement reste encore embryonnaire,
les politiques de gestions migratoires sujettes à une forte inertie, et les moyens
investis dans le soutien aux migrants limités.
2 Le FORIM : entre fédération et mobilisation
Lorsqu'il a été créé en 2002, rien ne prédisposait le Forum des Organisations
de solidarité internationale Issues de la Migration (Forim) à avoir une durée de
vie supérieure à la plupart des institutions dédiées au codéveloppement. Les con-
ditions de sa création étaient en e�et assez instables pour un organisme en charge
de faire la liaison entre les di�érents acteurs impliqués dans des activités de codé-
veloppement. Sa constitution est donc une expérience originale spéci�que à l'es-
pace français, qui est le produit de di�érentes dynamiques stratégiques des acteurs
français (section 2.1). Le Forim a cependant réussi à s'institutionnaliser dans l'es-
pace français au milieu des di�érents acteurs nationaux en liens avec la migration
et le développement (section 2.2). Cette implication réussie dans la thématique
migration - développement s'explique notamment par les initiatives de mobilisa-
tion des OSIM qu'il met en place au niveau local (section 3). Sur ce dernier point,
nous mobiliserons des observations que nous avons e�ectuées en Midi-Pyrénées à
deux reprises aux cotés des membres du Forim.
Cette structure qui fait la liaison entre di�érents acteurs de l'espace français
nous permet d'une part d'aborder sous un autre angle la façon dont se décline le
volet développement de la politique de codéveloppement, et d'autre part d'intro-
duire les autres acteurs de l'espace français s'investissant dans le codéveloppement.
On remarquera alors que les discours sur la migration et le développement s'au-
tonomisent à travers les activités du Forim, des discours du codéveloppement
menés gouvernement.
58
2.1 La création du Forim au croisement des stratégies des
acteurs français
Le Forim est le produit de dynamiques de di�érents acteurs de la coopéra-
tion internationale dans l'espace français à la �n des années 1990. Le contexte
de l'époque marquait, comme nous l'avons vu, un regain d'intérêt au niveau du
gouvernement pour les questions de migration et de développement, avec notam-
ment la Mission Interministérielle au co-développement et aux migrations interna-
tionales (MICOMI). Di�érents ministères cherchent alors à associer les associations
de migrants aux programmes de codéveloppement mis en place au niveau du gou-
vernement.
Parallèlement les organisations issues de la migration commencent à se struc-
turer et à s'exprimer dans l'espace public. Malgré le fait que leurs structures asso-
cient aussi bien des migrants que des français, les associations sont toujours label-
lisées comme des � associations de ressortissants étrangers résidant en France � 90.
Cela leur limite notamment l'accès aux �nancements, les obligeant ainsi à s'associer
aux ONG françaises.
On aborde alors le rôle des ONG dans la mobilisation des OSIM. En e�et, si
les migrants et leurs associations mobilisent des fonds et des compétences via leurs
actions de solidarité, nombre d'entre elles éprouvent alors des di�cultés dans leurs
rapports avec les administrations et la mise en place de leurs projets. Certaines
ONG comme le CCFD ont alors eu un rôle décisif pour permettre le développement
des projets des migrants et leur autonomisation. L'association marocaineMigration
et Développement, qui est sans doute la structure de solidarité des migrants en
France la plus importante, a par exemple réussi son inscription et sa mise en réseau
grâce à son partenariat avec le CCFD 91. Sans se substituer à la mise en ÷uvre des
projets, ces dernières permettent de faire la liaison entre les associations et d'autres
structures (gouvernementales, du secteur privé ou de la société civile) s'associant
à la réussite des projets. Ce rôle des ONG se retrouve également dans la mise en
90. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le
rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p80.91. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-
tiques du Territorial, op. cit., p108.
59
÷uvre des programmes gouvernementaux comme le Programme Concerté Maroc,
où le CCFD agit comme coordinateur du projet pour le gouvernement et mobilise
les réseaux de migrants dans la réalisation des activités. Le chercheur Thomas
Lacroix qui a analysé les liens entre le développement des OSIM marocaines et les
Organisations de Solidarités Internationales parle alors des ONG comme ayant un
rôle à la fois d'entremetteur et de garant de l'action des OSIM 92.
Ces interactions et médiations entre les ONG, les pouvoirs publics et les as-
sociations de migrants amènent à di�érentes expériences pour faciliter la com-
munication avec les OSIM. L'une d'entre elle est une commission mise en place
par l'administration avec des collectivités territoriales et des OSI en juin 2000,
qui eu pour mission de rechercher des modalités d'organisation interne des OSIM,
en procédant à des auditions de ces structures 93. Parallèlement, les Assises de la
coopération permettent de faire valoir et revendiquer les activités des OSIM. Cela
passe à la fois par les Organisations Non Gouvernementales, et par les associations
de migrants, bien que celles-ci aient été exclues des consultations des Assises. Le
besoin de davantage d'implication des OSIM et de concertation débouchera alors,
en 2002, par la création du Forim.
Le Forum des OSIM a donc pour mission de structurer le paysage des OSIM
ainsi que des fédérations et associations d'OSIM (FOSIM) en France 94. Il sera
associé à un dispositif du Ministère des A�aires Étrangères et du Ministère des
A�aires Sociales : le Programme d'Appui aux OSIM (PRA/OSIM) comprenant
un renforcement des capacités des OSIM, le �nancement de projets d'OSIM, et la
mise en place du Forim en tant que tel.
La mise en place d'une telle structure n'allait pas de soit : tout d'abord, dépen-
dante des �nancement de l'État, cela rend le Forim tributaire de la politique gou-
vernementale. D'autre part son association au gouvernement avait de quoi ques-
tionner son indépendance et sa position par rapport aux politiques migratoires
restrictives, rendant les relations avec les OSIM périlleuses. En�n, une autre ten-
92. Ibid., p216.93. Jean-Charles Ahomadegbe. Discours de Jean-Charles Ahomadegbe, Président du FORIM
pour les 10 ans du Forim le 20 avril 2012. 2012, p2.94. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-
tiques du Territorial, op. cit., p208.
60
sion concernait les rapports avec les ONG qui jusque là se positionnaient comme
partenaires et interlocuteurs des OSIM. En créant cette structure faisant la liaison
entre les OSIM et le gouvernement, le monopole traditionnel des ONG dans le
champs de la coopération au développement se trouvait concurrencé 95.
2.2 Une organisation maintenant institutionnalisée au niveau
national
Plus de dix ans après sa création, le Forim semble cependant avoir trouvé
son équilibre et sa place dans le champ de la coopération avec les migrants. Tout
d'abord, il a réussi à assurer la liaison entre les di�érentes associations de migrants,
notamment à travers l'assistance du programme PRA/OSIM. En accompagnant
les OSIM dans le remplissage des dossiers de co�nancement, et en capitalisant
sur leurs expériences, le Forim réussit ainsi à accompagner les associations sans
se substituer à leurs activités ou remettre en cause leurs manières de faire. Son
rôle en la matière est non-négligeable : l'appui apporté aux associations a permis
de démocratiser largement leur participation aux possibilités de co�nancement du
programme PRA/OSIM, comme en témoigne l'augmentation des dossiers instru-
its 96.
D'autre part, la réussite du Forim s'explique également par sa capacité pren-
dre l'initiative d'étendre son champ d'action en ne se limitant pas au rôle de facil-
itateur des appels à co�nancement gouvernementaux. Plusieurs de ses actions, à
partir de 2008 permettent de renforcer sa représentativité auprès des OSIM : une
réorganisation interne et la redé�nition de ses orientations stratégiques en 2008
permet en outre de diversi�er ses activités auprès des OSIM. Son action s'étend
également géographiquement grâce à la constitution de collectifs d'OSIM (COSIM)
dans certaines régions 97. D'une organisation essentiellement parisienne, le Forim
95. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le
rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p81.96. À titre d'exemple : le nombre de dossier instruits de demande de subvention est passé de
48 à 129 entre 2010 et 2011Ahomadegbe, Discours de Jean-Charles Ahomadegbe, Président du
FORIM pour les 10 ans du Forim le 20 avril 2012, op. cit.97. On trouve ainsi des COSIM en Région Rhône-Alpes, Nord Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées,
61
arrive aujourd'hui, par l'intermédiaire de ces organismes régionaux qui lui sont liés
statutairement, à atteindre de nombreuses OSIM en Province.
En outre, ses compétences en accompagnement des associations issues de la
migration et de liaison avec elles ont permis au Forim d'être associé à d'autres
programmes de dimension nationale et européenne : depuis juin 2010, le Forim
est la Cellule Relais du Projet d'Appui au Codéveloppement Mali en France (lancé
par le Ministère des A�aires étrangères et le Ministère des Maliens de l'extérieur
et de l'intégration africaine du Mali 98). Il se trouve également impliqué dans des
programmes d'échanges au niveau européen sur le dialogue avec les diasporas,
ou pour mobiliser et sensibiliser les autorités locales sur le rôle des OSIM dans
l'intégration (le programme ELCI). Le soutien que reçoit le Forim de l'AFD l'aide
également à renforcer ses capacités à développer la capitalisation et la collecte
d'information auprès des activités des OSIM. On le trouve également comme un
interlocuteur des collectivités territoriales (on le retrouvera dans la politique de
codéveloppement de la ville de Paris)
L'apport du Forim à la relation Migration et Développement tient
particulièrement à la thématique intégration qui lui est liée. Sa création, à la fois
par le MAE et par le Ministère des a�aires sociales inscrivait déjà le Développe-
ment et l'Intégration comme deux volets essentiels de son activité (bien que par
la suite, le MIIINDS ne �nance plus que le volet développement). Le Forim se
montre tout particulièrement actif autour de cette double relation. Cela s'explique
principalement par l'importance pour les associations de migrants de valoriser leur
action ici et là-bas. Le Forim se fait donc porte-parole du rôle citoyen joué par
les OSIM en renforçant la visibilité et la prise de conscience du rôle mobilisateur
tenu par ces associations.
Cela se manifeste dans l'espace public par des événements thématiques sur
les femmes migrantes et la jeunesse issue de la migration. Depuis 2010, le Forim
établit chaque année les RENAICODE : ces Rencontres Nationales de l'Intégration
et du Codéveloppement sollicitent à la fois l'échelle locale (à travers les événements
Normandie, Aquitaine et Bretagne.98. Ahomadegbe, Discours de Jean-Charles Ahomadegbe, Président du FORIM pour les 10
ans du Forim le 20 avril 2012, op. cit., p7.
62
de communication et de visibilité) et l'échelle nationale (en rassemblant les reven-
dications des associations et les actions de sensibilisation des autorités publiques).
Cela permet notamment au Forim de prendre position publiquement, par exemple
à l'occasion de son dixième anniversaire et des élections présidentielles de 2012,
sur les enjeux de l'intégration et la situation des migrants en France.
Pour résumer, le Forim a réussi à s'insérer au niveau national avec succès
dans les structures de coopération internationale, en capitalisant sur les relations
et l'expertise qu'il accumule au contact de ses associations membres. Il se construit
par ailleurs son image propre en poussant très loin son rôle de mobilisation de la
diaspora : il en met e�ectivement en valeur auprès des partenaires publics et des
collectivités territoriales le � double espace � d'action des migrants, autrement dit :
l'apport de leur pro�l transnational aussi bien aux pays d'origine qu'en France. Un
exemple révélateur à cet e�et est la charte adoptée en 2012 par les membres du
Forim où la double appartenance apparaît en tête du document 99 et est liée
clairement à la solidarité envers les pays d'origine, mais également sur le territoire
français.
Le Forim participe donc à l'évolution de la relation migration - développement
dans l'espace français vers une plus grande prise en compte du pro�l transnational
des migrants et du rôle des politiques d'intégration aux questions de codéveloppe-
ment.
2.3 Un processus de mobilisation à l'échelle locale
Si ces prises de position dans l'espace français sont importantes, le travail de
mobilisation du Forim au niveau local auprès des associations l'est tout autant. Il
illustre le rôle d'articulation que fait le Forim entre les discours et agendas tenus
au niveau national sur la migration et le développement, et les préoccupations et
activités des OSIM. Nous allons pour cela nous intéresser aux activités du Cosimip
99. � Migrant(e)s femmes et hommes, rassemblé(e)s au sein de fédérations, de regroupements,
de réseaux et de collectifs de personnes issues des migrations internationales dont le c÷ur et
l'esprit occupent à la fois deux espaces de vie que constituent le pays de résidence et le pays
d'origine. Nous nous reconnaissons autant dans notre culture d'origine que dans celle du pays
d'accueil. � (FORIM. Charte du Forim. 2013)
63
(le collectif des Organisations de Solidarité Internationales Issues des Migrations de
la Région Midi-Pyrénées). Statutairement lié au Forim et géré par trois personnes,
il rassemble 15 associations de Midi-Pyrénées et agit comme relais régional des
activités du Forim. Nous nous appuyons pour cette partie sur les observations
rassemblées à Toulouse le 17 novembre 2012, lors de la session de présentation
du PRA/OSIM par le Cosimip, et sur le forum régional de Midi-Pyrénées des
RENAICODE (Rencontres Nationales de l'Intégration et du Codéveloppement)
qui ont eu lieu le 1er décembre 2012.
La session de présentation du PRA/OSIM permet de voir les écarts qui
existent entre les modalités de la coopération française et les pratiques des or-
ganisations de solidarité des migrants. La réunion réunit ainsi les responsables
du Cosimip qui prennent ici le rôle d'Opérateur d'Appui pour le programme
PRA/OSIM, expliquent l'action du Forim et le programme dans lequel il s'in-
sère. Un chargé de mission de l'Université du Mirail a le rôle d'animer les sessions
de formation et de présenter l'importance et les détails techniques des dossiers de
subvention. Les participants, quant à eux, rassemblent aussi bien des représentants
d'associations locales à vocation culturelle ou de solidarité agissant à Toulouse et
en Afrique, et des représentants de communautés ou de pays d'origine.
Le dialogue s'établit facilement autour de la question des dossiers de montage
de projet, les membres des associations reconnaissant un besoin de comprendre et
maîtriser les façons de présenter les projets pour les dossiers. Les points de débats
concernent la nécessité de valoriser la composante � développement � du projet.
Il est en e�et très important pour les participants d'insister sur l'histoire des liens
entre leur association et/ou leur communauté et leur projet, sur leur connaissance
des enjeux présents là-bas et sur l'importance de la dimension � culturelle � du
projet. Ce dernier aspect recouvre notamment dans les discours la transmission du
patrimoine aux communautés résidant en France, et les liens de solidarité noués
au �l des aller-retours dans les pays d'origine.
Il apparaît ainsi que derrière la vision des OSIM comme agent transnationaux
de développement, ces dernières se représentant davantage comme un espace asso-
ciatif de mise en commun des solidarités et des vécus : si le montage des dossiers
64
implique d'insister sur la � valeur ajoutée au développement � de la région d'o-
rigine, cet aspect n'est qu'une dimension des actions des OSIM et un élément
stratégique de valorisation institutionnelle des projet.
Ces aspects se retrouvent également dans les revendications des participants
auprès du Cosimip, transformant la réunion en un espace de ré�exion sur les ac-
tions du Forim. Les programmes du Forim s'avèrent donc bien être davantage
qu'un simple relais auprès des OSIM. Celles-ci émettent ainsi des réserves et propo-
sitions sur les modes de sélection des projets 100, proposant à ce que les porteurs
de projet aient la possibilité de soutenir en personne leurs projets lors de la sélec-
tion, faisant des remarques sur la faiblesse du nombre de co�nancements 101, pour
arriver ensuite à des remarques plus générales sur la reconnaissance de la diversité
du rôle des OSIM 102.
Ainsi, les dispositifs d'appui fonctionnent bien comme des espaces de débats à
double sens. Si les actions du Cosimip ne mobilisent les OSIM de Midi-Pyrénées
qu'à l'occasion de la préparation des projets et des RENAICODE, les associations
font tout de même de ces rencontres un espace de discussion alliant l'acquisition
de compétences technique (le montage des dossiers de �nancement) aux échanges
autour de leurs actions et de leurs rôle.
Le déroulement des RENAICODE qui eurent lieu peu de temps après cette
réunion nous permet de compléter ces observations. Celles-ci s'adressent à un pub-
lic plus large, rassemblant aussi bien des représentants et membres d'OSIM, que
des OSI locales ou des citoyens non engagés. La journée se déroule autour de dif-
férents moments de rencontres (accueil, bu�ets), de débats (autour de conférences)
et de représentations culturelles (contes, exposition photo, pièce de théâtre). Cha-
cun de ces moments montre l'importance que prend la dimension intégration dans
100. Rappelons que le Forim participe également au Comité d'Examen Paritaire des projets
déposés pour co�nancement101. � Plutôt que d'augmenter les plafonds des co�nancements disponibles par projet pour les
projets, il faudrait mieux augmenter le nombre de projets subventionnés : ce sont les associations
les plus professionnelles qui arrivent le mieux à avoir leur dossier validé �102. � Ne pas réduire les associations juste à leur pro�l de migrants. Certains d'entre nous
sommes là depuis des années, nous agissons avec des associations françaises de Toulouse depuis
longtemps �
65
le codéveloppement.
Ainsi, les conférences proposent à la fois des présentations des dispositifs du
Forim, mais aussi des rétrospectives sur l'histoire de l'immigration en France, ou
sur le vécu et les liens qui se créent au �l de l'immigration. Ces tables rondes font
ainsi la liaison entre les activités d'associations de la diaspora, les interventions
des chercheurs (sous l'angle des sciences politiques, du droit ou de la sociologie) et
les témoignages des membres du public (à titre individuel ou d'associations). Les
discussions ne sont pas compartimentées mais mettent au contraire en dialogue les
actions, engagements et vécus de chacun autour de questions générales de l'immi-
gration ou de l'intégration. Les scénettes de théâtre, contes et exposition de photo
permettent également d'illustrer ou de faire rebondir les conversations 103 .
Les conférences fonctionnent en exposant certaines di�cultés rencontrées par
les migrants (accès aux papiers, déracinement, conciliation des identités, di�cultés
d'accès à l'emploi ou à monter leur entreprise. . .). Les discussions qui s'engagent
alors insistent sur l'intérêt des activités des immigrés et associations sur le terrain
pour y faire face. Les solutions proposées mettent en valeur le rôle crucial joué
par ces rencontres sur les thématiques de l'intégration : renforcer les services et
l'accompagnement des primo-arrivants, transformer le déracinement en richesse,
dépasser la stigmatisation des populations migrantes pour les valoriser en tant
qu'acteurs locaux, renforcer les espaces d'échanges et de concertation pour per-
mettre aux populations immigrées de prendre compte des discriminations qu'elles
subissent et de l'aide dont elles ont besoin. . .
Le �l des discussions assez libre donne ainsi un autre visage au codéveloppe-
ment : Tout d'abord, il permet de mettre en valeur la justesse des analyses sur
le transnationalisme : en e�et, les actions des migrants s'ancrent dans le vécu à
l'échelle locale, vers les régions d'origine et autour des liens conservés avec le terri-
toire d'origine. Il faut noter que les discussions qui s'engagent allient l'engagement
individuel à la critique des politiques gouvernementales. Chaque échange sur les
actions et attitudes des gouvernements vis à vis des immigrés s'accompagne de
ré�exions et de témoignages sur des engagements individuels, associatifs et sur les
103. Les scénettes proposent ainsi des représentations du vécu des immigrés sans-papiers et les
espaces photos illustrent des parcours d'intégration d'immigrés à la société toulousaine
66
parcours de chacun. Les conclusions de chaque échange amènent le plus souvent
au constat de nécessaire mobilisation des acteurs issus de la migration pour faire
valoir leur présence légitime dans la société française et faire valoir leurs positions
auprès des acteurs locaux et nationaux.
On touche alors au c÷ur de problématiques d'intégration qui rajoutent un
dimension à l'engagement ici et là-bas. À travers ces échanges, ce sont surtout des
volontés de reconnaissance de l'action des migrants qui se font jour, que ce soient
à titre individuel, au nom d'associations, ou en termes d'association à la vie de la
cité.
Ces événements du Forim amènent donc les participants à conceptualiser leur
action, tant en tant qu'immigré mais aussi que citoyen, et d'exprimer leur point
de vue sur la façon dont leurs actions sont considérées. Si ces revendications, en
présence des membres du Cosimip et du Forim, permettent de faire remonter
les revendications au niveau national, elles permettent aussi aux di�érents acteurs
locaux de se rencontrer pour concerter leurs actions (les di�érentes activités des
participants soulignent en e�et un certain éclatement associatif).
C'est donc une mise en réseau local qui se met en place, et qui dépasse le
cadre des OSIM. En e�et, d'autres associations de solidarité sont présentes, les
RENAICODES amènent à donner plus de visibilité aux actions des migrants dans
l'espace public. Certains responsables des collectivités locales participent ainsi aux
rencontres, en a�rmant leur positionnement politique local vis à vis des gouverne-
ment (ici aussi, les discours sur le codéveloppement s'enrichissent d'une dimension
intégration). Le cadre convivial des rencontres permet également à des pro�ls très
di�érents de se côtoyer, tant en termes d'engagement que de générations ou de
pro�ls socio-professionnel).
Conclusion
Cette section nous a donc permis de mettre en valeur un acteur qui se trouve
à l'interface entre les discours gouvernementaux et les dynamiques locales. Le
parcours du Forim souligne que les ré�exions sur la migration et le développement
peuvent se décliner de façons tout à fait di�érentes tant au niveau national que
67
local. Cela tient d'une part aux programmes d'appels à projets et de fédération
des OSIM : il s'agit de la base sur laquelle a été construit le Forim, comme un
structure de coopération internationale dans l'espace français. À partir de cette
base se bâtissent cependant d'autres logiques de mobilisation : celles-ci reposent
sur le contact et les relations au contact des OSIM. En appuyant la reconnaissance
du rôle des migrants tant au niveau local que national, le Forim enrichit et fait
évoluer le discours sur la relation migration - développement, vers des enjeux en
termes d'intégration de l'action des migrants, à la fois aux réseaux de coopération,
et dans la société française. Il répond ainsi à la fois aux attentes du gouvernement
(en intégrant l'action des migrants aux politiques publiques) et aux OSIM (en
intégrant leur action dans l'espace public)
Même si le Forim dépend toujours des budgets débloqués par la coopération
française, il s'est cependant institutionnalisé avec succès et s'autonomise dans ses
discours. Cette structure est encore en évolution : elle tente en e�et de développer
davantage son professionnalisme pour prolonger et multiplier ses partenariats avec
les acteurs de la coopération internationale française, et de développer plus avant
cette mobilisation des OSIM au niveau local (la création d'une Maison des As-
sociations des OSIM est en projet). Malgré ses moyens limités, le Forim montre
que le codéveloppement s'enrichit dans ses contenus, à travers ses pratiques et ses
discours. Il a également un rôle important dans le développement la capacité des
associations de migrants à agir dans l'espace public (en gagnant en visibilité, en
accédant aux programmes institutionnels, en multipliant les espaces d'échanges et
de concertation).
Nous allons voir que ces dynamiques ne sont pas si di�érentes lorsque l'on se
penche sur les réseaux d'ONG.
68
3 Les ONG et les réseaux d'OSIM : au c÷ur de la
redé�nition du codéveloppement ?
Nous avons pu voir à travers la section précédente que les OSIM et les organi-
sations de solidarité impliquant les migrants sont caractérisées par leur dynamique
associative ultra localisée. Or, si le forim, les COSIM et les fédérations de mi-
grants permettent une forme d'interface entre leurs activités et les politiques du
gouvernement, leur capacité à se faire entendre et investir le débat sans intermédi-
aires (tant dans les circuits de coopération que dans l'espace public) semble encore
limitée.
Cette partie vise donc à étudier le rôle joué par les Organisations Non-Gouvernementales
et les réseaux d'OSIM qui s'investissent pour représenter, mobiliser et défendre la
contribution des migrants et de leurs associations dans l'espace français. Cela va
nous amener à découvrir de nouveaux discours et de nouvelles positions autour du
codéveloppement. Ces acteurs de la société civile ont e�ectivement des pratiques et
des stratégies di�érentes de celle du forim, et participent activement à redé�nir et
prendre parti autour du rôle des migrants dans la migration et le développement.
Dans le cadre de ce mémoire, nous avons donc étudié les publications et les
pratiques par lesquelles ces ONG et réseaux s'imposent et participent à la ré�exion
sur la migration et le développement. Nous avons étudié une dizaine d'associations
et réseaux qui ont à la fois une capacité d'intervention et un investissement actif
dans la question. Nous allons montrer que le codéveloppement se redé�nit à travers
leurs projets de développement (Section 3.1), à travers leurs critiques et prises de
position dans l'espace public (section 3.2) et à travers les mises en réseau qu'elles
opèrent entre les OSIM et OSI (Section 3.3) 104.
104. Les organismes dont les publications ont été étudiées sont : Migration et et Développe-
ment,l'ADER, Touiza Solidarité, le SIAD, ID Méditerranée, le GRDR, ENDA-Diapol, la Cimade
et le CCFD. Les réseaux et collectifs étudiés sont le réseau Eunomad, le CRID et le réseau IDD.
Ces organisations �gurent parmi les plus actives et les plus visibles dans l'espace public sur la
relation Migration - Développement. Les documents s'y rapportant sont listées en Annexe 1.
69
3.1 Le codéveloppement comme pratique de coopération
Les ONG et réseaux d'ONG retenus nous o�rent un aperçu des types de
coopération qui sont mis en place aux cotés des migrants. Par leur durée d'ex-
istence et le nombre de projets soutenus, les organisations étudiées permettent
d'avoir une idée des types de partenariats qui sont mis en place dans le cadre de
projets alliant migration et développement, et des types de stratégies et de vision
qui s'en dégagent.
Ces ONG ont des pro�ls di�érents. On trouve des ONG spécialisées dans l'ac-
compagnement des projets de développement des migrants (le GRDR, le CCFD),
d'autres qui font de l'accompagnement des migrants ou de leurs projets une des
thématiques qu'elles traitent (Touiza Solidarité, ENDA, le SIAD, l'ADER, la
CIMADE) et des réseaux d'ONG (Eunomad, le CRID, IDD). Nous avons choisir
d'inclure également l'ONG franco-marocaine Migration et Développement car son
pro�l dans le champ des OSIM est particulier.
Selon leur taille, leur capacité et les types de structure, certains types d'ac-
tivités seront privilégiées. Nos recherches nous ont cependant permis d'identi�er
un certain nombre de types d'accompagnements mis en place pour soutenir les
activités des migrants que l'on retrouve dans la plupart des cas. À travers les ac-
compagnements des migrants, nous pouvons ainsi repérer quelles dimensions des
activités des migrants dans les pays d'origine sont mises en valeur par les ONG,
et donc quelle compréhension de leur rôle en tant qu'agent de développement elles
véhiculent.
Les actions identi�ées sont :
Développer une meilleure connaissance de la diaspora : Plusieurs projets
s'inscrivent dans une logique de codéveloppement consistant à recenser et connaître
les OSIM et leurs projets. Bien que les migrants ne soient pas toujours les béné�ci-
aires directs des projets, ces expertises sont adressées à l'ensemble des acteurs de la
coopération (ant les associations de migrants, que les ONG, le secteur privé ou les
organismes gouvernementaux). Le but est de faire connaître et rendre disponible
un répertoire des actions déjà entreprises par les migrants. Les informations créées
70
permettent alors de développer des projets dans un cadre d'intervention connu,
soulignant ainsi le rôle actif que prennent déjà les migrants dans une région par-
ticulière, ou dans un champs d'activité précis. Ces types d'activités se retrouvent
aussi bien dans des Organisations de Solidarité Internationales s'investissant spo-
radiquement dans la question des migrations 105 , que des organismes comme le
GRDR accompagnant de longue date les communautés de migrants 106. Ces pro-
grammes de type recherche - action sont souvent menés en collaboration avec des
instances gouvernementales ou des collectivités locales et visent explicitement à
faire rentrer la contribution des migrants dans les cadres d'action de ces acteurs
publics 107.
Formation et accompagnement des migrants : Une autre pratique large-
ment répandue chez les ONG est la prise en charge ou le �nancement de sessions
de formation pour les migrants. Ces actions ciblent les migrants de façon individu-
elle dans le cadre de projets qu'ils ont construits, ou d'activités qu'ils établissent
en s'établissant dans leurs territoires d'origine. Leur objectif est de permettre la
viabilité des projets et des entreprises menées par les migrants de retour, ou le pro-
fessionnalisme de leur contribution auprès d'une communauté d'origine. Ces types
d'actions réclamant moins de capacité �nancières, on les retrouve le plus souvent
dans des ONG de petites tailles ayant un volet d'accompagnement des initiatives
des migrants (les ONG mieux dotées en capacité �nancière tendent à privilégier
les actions collectives, l'accompagnement au retour prenant une moindre part dans
105. On peut citer à titre d'exemple les programmes de l'ONG ENDA-Diapol : MAFE (Pro-
jet Migration Afrique Europe) visant à créer des données statistiques sur les déplacements des
migrants ou Diapode (Diaspora pour le Développement) ciblant les activités de la diaspora et la
façon des les associer dans des projets de développement local (Enda - Diapol. Cohérence des
politiques et e�cacité des actions de développement - Migrations, Diasporas et Développement,
voir.106. Voir par exemple le recensement des actions de la diaspora en Guinée Bissau : GRDR.
Les pratiques de Co-développement entre la France et la Région de Cacheu - Guinée Bissau - état
des lieux et �ches techniques.107. Voir par exemple un autre programme du GRDR en Ile de France : PICRI http://www.
grdr.org/PICRI-Programme-Recherche-Action,345.html
71
leurs projets 108. Ces accompagnements sont généralement associés à des partenar-
iats avec des organismes privés de formation professionnelle ou des organismes de
formation, ainsi que de mise en réseau d'organismes professionnels entre la France
et les pays d'origine 109. En termes d'activités concernées, ces projets consistent
souvent en renforcement d'expertise dans le domaine des infrastructures rurales,
ou en création de compétence pour la gestion de coopérative ou d'entreprises lo-
cales (l'appui à l'entrepreneuriat des migrants constitue par exemple la façon dont
le SIAD (Service International d'Appui au Développement) associe les diasporas
à ses actions de solidarité 110)
Structurer la vie associative : Le renforcement des capacités des OSIM est
une activité historiquement très présente dans l'engagement des ONG. Ces ac-
tivités consistent à notamment à aider les associations de migrants à remplir les
dossiers de demande de �nancement, leur permettant ainsi d'accéder aux subven-
tions et programmes public français, européen ou des pays d'origine. Les ONG
agissent ainsi comme Opérateurs d'Appui de façon similaire aux structures lo-
cales du forim 111. Elles permettent de mieux implanter localement les OSIM et
de les inciter à développer des partenariats avec d'autres structures locales (OSI,
collectivités territoriales) en France a�n de renforcer et compléter leurs actions.
Les ONG concernées par ce type d'activité sont généralement très bien implan-
tées localement ce qui leur permet de suivre et d'accompagner les OSIM, ainsi
que de rentrer en contact avec d'autres acteurs locaux pour faciliter les prises
108. On peut se rendre compte de ces di�érence dans les choix des options à travers l'évaluation
de la stratégie du GRDR dans le bassin du Fleuve Sénégal : Bernard Husson et Babacar Sall.
Evaluation de la stratégie du GRDR dans le bassin du Fleuve Sénégal. Avr. 2001.109. Un exemple emblématique est l'action du Groupe d'Appui à la Micro-Entreprise (GAME).
Ce programme lié au réseau professionnel de solidarité internationale PSEAU créé des réseaux de
structure coordonnées pour renforcer les capacités des migrants porteur de projet ou de création
d'entreprise en France et en Afrique Eunomad. Présentation du GAME sous l'angle Migration
- développement. Fiche Pro�l Acteur-eunomad France. Mar. 2010.110. SIAD. Rapport d'activité 2011. 2012.111. Voir par exemple le rapport de la Maison Internationale de Rennes qui étudie la façon
dont les migrants s'associent localement pour monter leurs projets de développement Maison
Internationale de Rennes. Participation des migrants au développement local et international
- Résultats, propositions et actions. 2008.
72
de contact 112. Cette structuration de la vie associative est un axe important que
l'on retrouvera dans les discours des ONG qui insistent pour que les OSIM soient
impliquées et �ables dans les réseaux de coopération au développement 113
Mise en réseaux et connaissance des acteurs locaux des régions d'orig-
ine : Parmi les activités menées en partenariats avec les associations de migrants,
le renforcement des interactions entre les migrants et les institutions locales des
pays d'origine est sans doute le type d'implication des ONG qui suscite le plus
de dynamisme de leur part. En e�et, à partir des actions et des liens existants
entre les associations de migrants et les territoires d'origine, les ONG encoura-
gent et suscitent vivement les échanges et les débats sur la gouvernance locale.
Ces programmes sont axés autour de la question du développement local et
visent encourager les migrants à inscrire leurs actions dans le contexte local. Ces
accompagnements permettent ainsi de forcer les associations à un dialogue avec
les habitants et communautés des pays d'origine, a�n d'identi�er l'impact réel de
leurs actions sur la région et les conditions de vie des populations (l'action de
l'ONG Touiza-Solidarité est intéressante à cet égard, à la fois à travers les rencon-
tres qu'elle organise avec les acteurs locaux, mais aussi ses formations qui visent
à la fois les collectivités territoriales, et les associations de migrants 114). D'autre
part, elles incitent aussi aux interactions avec les institutions locales et territoriales
en charge du développement. Ces di�érentes activités ne prennent pas forcément
la forme de consultations supplémentaires au montage de projet, mais souvent
à des séminaires ou rencontres entre autorités et migrants autour de la question
du développement local. Compte-tenu du nombre de malentendus pouvant naître
de l'implication des migrants, les activités des ONG consistent ainsi à inciter les
OSIM à devenir des passerelles entre les enjeux de développement locaux et leur
112. Voir à cet égard les conclusions du réseau IDD dans ces relations avec les OSIM de l'est de
la France IDD. Le poids de l'engagement, La force du réseau,IDD pôle Grand Est de la France.
Étude du réseau. 2010, p63.113. Cimade. Le Co-dev : Kezako ? 2007.114. F3E. Évaluation du programme de formation de cadres et élus des collectivités territori-
ales (Algérie/Maroc). Rapport d'Évaluation F3E de Touiza Solidarité. Oct. 2004 ; F3E. Gestion
participative territoriale : Formation / action d'experts du développement local. Rapport d'Éval-
uation F3E de Touiza Solidarité. Mar. 2007.
73
connaissance des besoins des populations locales 115.
À travers ces di�érents types de soutien, on peut distinguer deux tendances
dans les pratiques d'assistance aux migrants qui sont mises en place. Tout d'abord,
on se situe bien dans une perspective de construction des migrants comme acteurs
transnationaux du développement. Le renforcement des compétences des migrants
permet de développer leurs capacité à agir dans des cadres de coopération struc-
turés, et en partenariats avec d'autres acteurs de la coopération.
D'autre part, la façon dont sont structurés les projets, lorsque soutenus par les
ONG, va dans le sens d'une plus grande approche territoriale du développement :
même si les ONG ne se substituent pas aux actions des migrants (la plupart in-
sistent bien sur cette composante de leur assistance), elle permet de mettre les
activités en cohérence avec les autres acteurs territoriaux impliqués dans la gou-
vernance de la région d'origine. L'action des migrants ici et là-bas s'inscrit donc
de plus en plus dans une logique multi-acteurs : si la communauté d'origine reste
béné�ciaire, des synergies et des partenariats sont recherchées et mis en place. Cela
permet de dépasser la relation transnationale directe qui unit les migrants aux pop-
ulations concernées, pour en faire des acteurs qui participent aux dialogues et aux
politiques de développement. Ces positions sont variées (les migrants et leurs asso-
ciations peuvent ainsi être maître d'÷uvre, exécuter le projet, superviser le projet,
ou venir en appui à des activités particulières.
Ces pratiques ne font donc pas du migrant l'acteur unique du développement
comme tendent à le promouvoir les analyses mobilisées en première partie. On
peut noter d'ailleurs que ces programmes et projets soulignés mettent rarement les
migrants dans la position d'� entrepreneur � dont les � investissements productifs �
sont encouragés. Cela n'empêche pas bien sûr les rapports directs entre les migrants
et la communauté d'origine, ou des échanges économiques ou �nanciers d'avoir lieu
sans intermédiaire lors de la conduite de ces projets. Les approches développées
avec les ONG se se veulent cependant professionnalisantes, inscrivant les migrants
dans des cercles de participation plus large et insistant sur la dimension collective
115. Ce rôle est notamment mis en évidence dans l'évaluation de la stratégie du GRDR Husson
et Sall, Evaluation de la stratégie du GRDR dans le bassin du Fleuve Sénégal, op. cit.
74
des contributions des migrants 116.
3.2 Des activités de plaidoyer : une dé�nition alternative du
codéveloppement dans l'espace public ?
Si les ONG et réseaux d'ONG se veulent respectueuses de l'indépendance, de
l'autonomie et de l'apport des migrants et de leurs organisations, les discours que
ces organismes tiennent sur le rôle des migrants dans l'espace public français a
tout de même un fort impact sur la dé�nition du codéveloppement. De part leurs
moyens et leur expérience, ces acteurs qui se mobilisent auprès des migrants ont
e�ectivement la capacité de prendre position et di�user des représentations sur les
relations migration - développement alternatives à celles construites à travers les
politiques gouvernementales.
Nous avons déjà décrit dans la section précédente le rôle d'intermédiaire qu'elles
avaient eu lors des concertations gouvernementales à la �n des années 1990 (qui
avait mené entre autres à une plus grande prise en compte des OSIM et à la créa-
tion du forim). Nous allons donc étudier ces positions à travers les interventions
des plus actives d'entre elles ces dernières années vis à vis du gouvernement, ainsi
qu'au cours de leurs activités de mise en réseau.
La prise de position face au gouvernement fait partie intégrante des activités
des ONG et réseaux d'OSI. Le réseau EUNOMAD présente par exemple chaque
année un rapport sur l'État de la Migration, de l'intégration et du développement
en Europe analysant les politiques mises en place par les gouvernements 117 et la
plate-forme pays établit sa stratégie de lobbying auprès des pouvoirs publics 118.
2007 nous présente un bel exemple de l'investissement de l'espace public par les
116. Patrick Gonin. � Des voix sur la solidarité internationale - Voyage au coeur d'une associ-
ation, Entretien avec les salariés du GRDR �. Dans : Hommes & Migrations 4 (2010), p. 16�23,
L'étude sur les positions du GRDR nous renseigne notamment sur les di�érentes dimensions qui
rentrent en compte dans les partenariats avec les migrants.117. Eunomad. Rapport Eunomad 2012 - Migration, Développement et intégration en Europe.
2013.118. Eunomad. Document provisoire présentant une stratégie de concertation avec les pouvoirs
publics au niveaux national et européen. 2012.
75
ONG, avec la création du Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité
Nationale et du Codéveloppement. Les associations décrivent en e�et minutieuse-
ment les instrumentalisations du développement avec l'aide au retour et les poli-
tiques migratoires restrictives 119. D'autres organisations se livrent à des exercices
pédagogiques sur l'impact du développement et sa relation avec les décisions à mi-
grer 120. En�n, c'est l'occasion pour les associations de faire valoir leur expérience
et de distinguer la mise en ministère du codéveloppement des di�érents autres sens
que peut avoir cette notion, au regard de leur expérience et de leurs pratiques 121.
Au c÷ur des discours �gure surtout la question de la mobilité. En e�et, toutes
les positions prises par les ONG insistent sur l'importance de la liberté de cir-
culation et la facilitation de la mobilité des migrants, a�n de rendre pro�table
la migration, avoir une approche respectueuse des droits des migrants, et libérer
l'impact de leurs activités sur le développement et l'intégration. Les revendications
principales des ONG sur cette période sont la déconnexion des crédits d'APD de
la gestion des �ux migratoires, et une mise en cohérence des politiques entre les
actions de codéveloppement des migrants et les politiques d'intégration, condition
essentielle du succès des initiatives des migrants 122.
Les positions des ONG ne se font pas que dans l'opposition. En e�et, elles
di�usent leur expertise et sont force de proposition auprès des gouvernements 123.
Les Assises du Développement et de la Solidarité Internationale sont de ce point de
vue assez parlantes. Les réseaux d'ONG et le forim se mobilisent pour partager
leur expérience et proposer des directions sur la politique de coopération au dé-
119. La Cimade propose ainsi une analyse détaillée des accords de codéveloppement passés
par la France Cimade. Les accords relatifs à la gestion concertée des Flux Migratoires et au
codéveloppement. publié le 20 octobre 2009. 2009.120. CCFD. Le co-développement, ligne Maginot des migrations internationales ? publié le 19
jui 2007. 2007. url : http://ccfd-terresolidaire.org/projets/europe/france/doc_1098.121. GRDR. Le Codéveloppement a-t-il un seul sens. Jan. 2009.122. La position de la Cimade a cet égard est particulièrement parlante Cimade, Le Co-dev :
Kezako ?, op. cit.123. En témoigne cette note du collectif Des Ponts et pas des murs présentant une dé�nition
alternative du codéveloppement CRID / Collectif Des Ponts et Pas Des Murs. Les
migrations internationales, une richesse pour le développement : à quelles conditions ? Note des
associations françaises du réseau des Ponts pas des Murs (DPPDM) à l'attention de M. Pascal
Can�n, Ministre délégué chargé du développement publié en septembre 2012. 2012.
76
veloppement du gouvernement. Les di�érents arguments qui reviennent sont les
suivants :
La position des migrants dans le codéveloppement Les ONG prenant la pa-
role insistent sur le fait que les migrants ont un rôle de � passerelles � avec
les sociétés d'origine, mais n'ont pas d'� assignation à développer � 124. Plutôt
qu'une mobilisation des migrants, les pouvoirs publics devraient plutôt chercher
à s'appuyer sur leurs expériences bénévoles pour améliorer l'e�cacité des
politiques de développement et d'intégration
L'approche multi-acteurs et la dimension territoriale Cette autre dimen-
sion des discours insiste sur la concertation des di�érents acteurs de la
coopération pour des actions mutuellement béné�que. Cela implique notam-
ment que les migrants et les autorités locales et nationales doivent être im-
pliquées dans les négociations de tous les partenariats qui voient le jour.
Associer les migrants aux projets de coopération est une valeur ajoutée con-
sidérable aux processus de coopération décentralisée 125.
À travers ces prises de position, il faut surtout retenir l'importance de la mo-
bilité et de l'intégration qui font évoluer les perspectives sur le codéveloppement de
la relation � développement - �ux migratoires �, vers les conditions de circulations
des activités des migrants, en tant qu'acteurs transnationaux.
124. Annie Takarli. E�cacité de l'aide et co-développement. Intervention du 10/02/2013 au
nom de la plate-forme France du réseau Eunomad lors des Assises du Développement et de
la Solidarité Internationale. 2013 ; Mireille Alphonse. Migrants, acteurs du développement.
Intervention du 8/02/2013 au nom du réseau Eunomad lors des Assises du Développement et de
la Solidarité Internationale. 2013.125. Guillaume Top. De la nécessité d'une démarche multi acteurs pour traiter la thématique
'Migration et Développement'. Intervention du 9/02/2013 au nom du réseau Eunomad lors des
Assises du Développement et de la Solidarité Internationale. 2013 ; FORIM. Une piste inno-
vante : les projets CD. Intervention du 21/01/2013 lors des Assises du Développement et de la
Solidarité Internationale. 2013.
77
3.3 La mise en réseau : un apport décisif à la ré�exion sur
le codéveloppement
Les prises de position dans l'espace public ne sont qu'une dimension visible du
travail des ONG autour de la thématique Migration Développement. En e�et, un
aspect essentiel de l'action se trouve dans les rencontres que font les ONG et les
réseaux de migrants.
Les ONG et réseaux de migrants tiennent en e�et fréquemment des séminaires
et conférences réunissant les membres de leurs réseaux, mais aussi des entités
publique et territoriale. Ces actions sont de véritables moments de fédérations
des ONG 126. En e�et, elles permettent aux di�érents participants d'exposer leur
action et leur valeur ajoutée, permettant ainsi d'approfondir la compréhension de
leurs contexte d'actions. À travers les échanges sur les projets de coopération, les
parcours des membres, les analyses des sociétés d'émigration, c'est également une
compréhension plus �ne des stratégies des migrants qui est soulignée, et qui permet
aux ONG et OSIM de mieux cadrer leur action. Ces événements associent en e�et
à la fois des chercheurs, des membres des antennes locales des OSIM et ONG,
des universités, des institutions des pays d'origine et des collectivités territoriales,
toutes impliquées dans des processus d'échanges et de partenariats transfrontaliers.
Ces rassemblements suivent souvent la même structure : une première étape
consiste à mettre en perspective le concept de codéveloppement. Souvent animée
par des chercheurs 127, celle-ci consiste à dresser un historique des politiques de
codéveloppement et de les opposer et les mettre en perspectives des pratiques des
migrants. Dans un deuxième temps, des conférenciers expliquent l'implication de
126. Pour cette partie, nous nous appuyons notamment sur les actes de 4 de ces collo-
ques/rencontres : CRID. Enjeux et pièges du codéveloppement - actes du colloque. 2008 ; GRDR.
Mobilités humaines et développement : regards croisés, échanges, débats et propositions. Actes
du Forum de Nouakchott - novembre 2010 - Université de Noukchott. 2010 ; IDD. Séminaire
international : Migration - développement - Une dynamique Sud/Sud/Nord. Actes de colloque.
2011 ; Initiatives.Migrations et développement des territoires : Quels enjeux pour nos pratiques
de coopération ? Initiatives, 2009.127. Ces chercheurs proviennent principalement du laboratoire Migrinter de l'Université de
Poitiers. Cette équipe, avec à sa tête Patrick Gonin est spécialisée dans les questions des migra-
tions transnationales en France.
78
leur association ou de leur institution dans leurs relations avec les migrants et des
politiques de développement, soulignant les enjeux et les dé�s lier à la coopération.
En�n, un troisième temps permets aux participants d'échanger sur leur stratégies
et la façon de proposer, à travers leurs actions, des alternatives au politiques de
développement et de la valorisation des migrants.
Tout comme dans leurs interventions publiques, ces moments ne se posent pas
en opposition radicale au gouvernements. Si la perspective critique est de mise,
les politiques publiques sont davantage des horizons à convaincre par une � mobil-
isation par les bas �. Elle valorise par ailleurs l'approche territoriale qui permet,
à travers la concertation avec les pouvoirs publics, d'ancrer la participation des
migrants dans la gouvernance locale et de la faire progresser 128. En�n, à travers
l'échange et la mise en valeur des résultats obtenus et de l'engagement des acteurs,
ces mises en réseaux permettent de fédérer les e�orts des di�érents acteurs au-
tour d'un discours commun, alliant aussi bien l'expérience pratique, les stratégies
politiques et les analyses scienti�ques.
Conclusion
À travers ces regroupements et ces échanges riches en arguments, la vision de
la migration - développement se trouve articulée entre les approches générales et
critique, et les observations locales. Le codéveloppement se dé�nit alors par le bas, à
travers les pratiques et stratégies d'acteurs locaux, territoriaux et transnationaux,
plutôt que par des �ux macro-économiques.
En conjuguant ces di�érentes approches et pratiques, c'est donc un discours
autonome qui émerge dans l'espace français, et autour desquels peuvent se re-
grouper les acteurs de la société civile et les collectivités territoriales. C'est une
approche radicalement di�érentes des discours qui ont lieu au niveau des institu-
tions gouvernementales, mais en aucun cas opposées : en e�et, comme nous l'avons
vu, les acteurs qui s'impliquent dans ces dialogues de la société civile participent à
la déclinaison des programmes gouvernementaux (à travers la mise en ÷uvre par
128. C'est d'ailleurs cet échelon qui est choisi comme angle d'analyse dans la conférence du
groupe Initiatives Initiatives, Migrations et développement des territoires : Quels enjeux pour
nos pratiques de coopération ?, op. cit.
79
les ONG) et aux sphères gouvernementales (ONG et chercheurs sont fréquemment
sollicitées pour apporter leur expérience aux rapports gouvernementaux ou à des
consultations 129).
À travers ces dialogues, l'accent mis sur les modalités de soutien aux activités
collectives des migrants et l'échelon territorial prennent davantage de visibilité.
Cela participe de la construction de la vision des migrants comme des acteurs
transnationaux de développement impliqués dans des dynamiques de réseau, et
des processus de gouvernance locales. La migration et le développement sont des
contextes caractérisant leurs activités et leur plus-value, mais ne les assigne ni dans
une position de migrant ni dans une position d'entrepreneur du développement :
la présentation des immigrés comme citoyens d'un � double espace � fait d'eux des
citoyens parfaitement intégrés dans les pays d'accueil. La dimension traditionnelle
et collective de leurs activités se présente en outre plus comme une contribution
aux territoires où ils s'investissent qu'un devoir vis à vis de l'État d'origine.
Cela nous amène à la question des collectivités territoriales qui confortent ces
positions.
4 Les collectivités territoriales : ouverture et nou-
velles opportunités ?
Les collectivités territoriales sont les acteurs �naux que nous étudions dans
ce mémoire. À travers notre étude, on les a retrouvées dans les discours de la
plupart des acteurs investis dans les questions de migration et développement.
Les institutions gouvernementales appellent ces dernières à s'impliquer dans le
codéveloppement. Le FORIM et les organisations de la société civiles insistent
quant à elles sur la valeur ajoutée qui existe de les impliquer dans les projets des
migrants et sur le potentiel que représente la coopération décentralisée pour établir
des partenariats.
129. L'investissement des ONG et du Forim dans les Assises du Développement et de la Soli-
darité Internationale est un exemple. Les plate-formes françaises sont également présentes dans
les circuits de ré�exions européens
80
Leur présence dans les questions de Migration et Développement se montre
encore discrète en raison du caractère isolé de leurs expériences (Section 4.1), mais
leur position au niveau local leur donne un potentiel considérable dans la relation
des liens avec les migrants (Section 4.2).
4.1 Des expériences isolées construites à l'échelle locale
L'engagement des collectivités territoriales auprès des territoires d'origine trouve
son origine dans les accords de jumelage qui se sont développés après la deuxième
guerre mondiale. Bien que ces rapprochements (visant au départ à encourager la
paix entre les pays) ne soient pas forcément bâtis sur l'action de la diaspora, il
re�ète dans certaines collectivités, les liens qui existent entre les deux territoires et
qui se sont développés via les �ux migratoires 130. Dans certains cas, cette présence
a amené les collectivités territoriales à transposer ces liens d'amitiés en partenari-
ats de coopération décentralisée à partir des années 1980 131. C'est e�ectivement à
ce moment que se développent les cadres juridiques permettant aux entités locales
de développer une action internationale sur une base contractuelle (comme des
actions de coopération ou des échanges de compétences entre les administrations).
Les accords de coopération décentralisée (consistant en di�érents processus
d'aide au développement) se sont généralisés au cours des dernières années. Cepen-
dant, le degré d'activité et d'investissement dans les actions de coopération dé-
centralisée �uctue énormément d'une entité territoriale à l'autre. Deux facteurs
peuvent être identi�és pour l'expliquer :
Premièrement, le degré d'ouverture des régions ou des collectivités locales à la
société civile est fortement corrélé aux partenariats et échanges qui ont lieu avec
130. Rappelons à cet égard que les dynamiques des �ux migratoires amènent les communautés
venant d'une même région d'origine à se concentrer vers des mêmes régions d'immigration (Joint
Migration and Development Initiative, Mapping Local Authorities Practices in the area
of Migration and Development : a territorial approach to local strategies, initiatives and needs,
op. cit., p6)131. Dans son intervention au séminaire du réseau Eunomad du 13 mai 2013, la maire ad-
jointe d'Aubervilliers, Yacinne Diakite, décrit la coopération à l'internationale comme une porte
d'entrée pour les partenariats locaux avec les migrants.
81
les communautés migrantes. En e�et, l'intérêt porté par un Conseil Régional aux
organisations de solidarité internationale permet de prendre compte de l'activité
des OSIM sur leur territoire, et d'évaluer les opportunités d'échanges et de col-
laboration entre les associations. Les activités de beaucoup d'OSIM comme nous
l'avons vu, relèvent d'une dynamique associative fortement localisée et souvent
communautaire. Les inclure dans les consultations d'une collectivité territoriale
leur apportent une forme de reconnaissance encourageant leur participation aux
concertations publiques et peut poser les bases de partenariats futurs.
Les études mises en place au niveau des régions recensent donc les activités
des migrants et établissent les besoins et capacités présentes. On peut citer entre
autres les études menées en région Rhônes Alpes, Bretagne, et Centre, ainsi que les
recommandations du Président du Conseil Régional de l'Essonne. Toutes indiquent
un potentiel à travers les activités des migrants de développer les liens établis
avec les territoires d'origine et les possibilités de coopération 132. On remarquera
également que ces études peuvent provenir directement des Conseil Régionaux
(comme le CR de l'Essonne), des assemblées et fédérations consultatives associées
à l'action de la région (Centreaider en Région Centre, le Conseil économique, social
et environnemental régional en Rhône-Alpes) ou des réseaux d'OSI travaillant
avec la région (Resacoop en RhôneAlpes, la Maison Internationale de Rennes en
Bretagne). Le niveau de dialogue des entités régionales avec la société civile est
donc essentiel à la considération de l'apport des migrants.
Un deuxième facteur d'activité se trouve dans les politiques d'intégration des
villes : les plus volontaristes accompagnent et soulignent depuis longtemps le rôle
des associations de migrant dans les dynamiques d'intégration. Cela est renforcé
par le pro�l international des populations des villes. Ainsi, les villes ayant développé
132. Conseil Économique Social et Environnemental régional Rhône Alpes. Pour
un nouveau modèle de coopération internationale. Juin 2013 ; Resacoop. Panorama des Actions
des organisations issues de l'immigration en région Rhône alpes. Juin 2003 ; Maison Inter-
nationale de Rennes. Participation des migrants au développement local et international -
Résultats, propositions et actions. 2008 ; Centraider / Elise Tauvin. Les Organisation de
Solidarité Internationales issues de la migration en Région Centre. 2004 ; Conseil Général
de l'Essonne. Orientations Stratégiques 2008-2010 de la politique de coopération internationale.
Rapport du Président au Conseil Régional - Séance du 28 janvier 2008. 2008.
82
les relations les plus denses avec les associations de migrants sont celles ayant
des politiques d'intégration proactive et inclusive. On recense particulièrement ces
villes au sein de la région parisienne. La ville de Paris o�re un exemple intéressant :
elle est en e�et dotée d'une Direction à la Politique de la Ville et à l'Intégration
(DPVI) particulièrement active depuis une dizaine d'année dans le soutien aux
activités d'intégration et citoyennes des immigrés. Cela s'est traduit par un intérêt
certain de la ville pour les actions de solidarité du tissu associatif ici et là-bas,
faisant rentrer la dimension transnationale dans les politiques de la ville 133.
La densité des réseaux de diaspora augmente également la représentativité des
migrants, à travers les di�érentes mobilisations qu'elles e�ectuent dans l'espace
public : la mairie de Montreuil en Seine Saint-Denis ou Evry en Essonne ont par
exemple une longue histoire de collaboration et d'intégration de son importante
diaspora malienne, qui se traduit par le soutien à de nombreuses initiatives dans la
ville de Yélimané pour Montreuil, et Kayes pour Evry 134. L'activité de la diaspora
Figuig en Seine Saint-Denis a également amené plusieurs collectivités territoriales
a faire de même avec cette ville du Maroc 135.
Ces initiatives restent cependant déconnectées les unes des autres 136. On s'aperçoit
qu'elles prennent leur racine en contact direct avec les populations migrantes,
plutôt que sous une impulsion gouvernementale. Ces relations sont construites et
ne vont pas de soit. Elles ne dépendent pas de la simple volonté politiques des
entités publiques, mais naissent des relations et rapport tant des collectivités vers
les associations de migrants que vice-versa. L'évolution des cadres de coopération
décentralisée donne cependant les moyens aux collectivités de traduire ce dialogue
avec les immigrés en soutien aux activités de codéveloppement 137.
133. Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le
rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit., p76.134. Initiatives,Migrations et développement des territoires : Quels enjeux pour nos pratiques
de coopération ?, op. cit., p41.135. Ibid., p34.136. Cimade, Le Co-dev : Kezako ?, op. cit., p1.137. Joint Migration and Development Initiative, Mapping Local Authorities Practices
in the area of Migration and Development : a territorial approach to local strategies, initiatives
and needs, op. cit., p25.
83
4.2 Vers un investissement plus prononcé des collectivités
territoriales ?
La prise en compte des liens et des possibilités de partenariats entre le niveau
décentralisé et les migrants tend cependant à augmenter.On peut le remarquer tout
d'abord au niveau des réseaux soutenant l'action à l'international des collectivités.
L'association Cités Unies France fédère par exemple les collectivités territoriales
autour de leurs expériences de coopération internationale décentralisée. Elle con-
sacre ainsi une importante ré�exion à l'intégration des OSIM dans les processus
de coopération.
Cela se manifeste pas un répertoire des partenariats engagés avec les mi-
grants 138, ainsi que par des journées d'échanges avec ses membres 139. Ces concer-
tations font intervenir à la fois des cas pratiques, des ré�exions sur les politiques
qui peuvent être mises en place à l'échelle locale, les politiques gouvernementales
(à travers la participation du MIIINDS) et l'approche des chercheurs (on retrouve
une fois de plus une intervention de Patrick Gonin du Migrinter). D'autres
publications et rencontres de Cités Unies France abordent également la question
de l'intégration des migrants sous l'angle des relations internationales des entités
décentralisées avec les pays du Sud 140.
D'autre part, on assiste à un investissement plus actif des collectivités qui
mènent déjà des partenariats avec les populations migrantes. La ville de Paris
o�re là encore un exemple, avec son label Paris Co-développement Sud depuis
2006. Géré depuis sa Délégation générale aux relations internationales l'approche
de la mairie de Paris est originale : À travers le �nancement de projets portés
par des associations de migrants, le label révèle en fait une politique mettant en
138. Cités Unies France ;Migrants et collectivités territoriales : la coopération décentralisée, une
réponse à la question du codéveloppement ? (2008)139. Cité Unies France. Journée de la coopération décentralisée - migrants, co-développement
et coopération décentralisées. Compte rendu de Réunion le 24 juin 2009 à l'Institut catholique de
Paris. 2009.140. Voir par exemple : Abdelkader Djeflat. � La coopération décentralisée face aux chox ex-
ogènes �. Dans : Cahier de la Coopération Décentralisée : l'action internationale des collectivités
1 (juin 2009), p. 31�47.
84
contact à la fois les OSIM (qui animent leurs projets), les ONG et le FORIM
(qui ont participé aux concertations et à la mise en place du programme), les
collectivités territoriales (qui doivent avoir un rôle actif dans les projets menés au
Sud) et les pouvoirs publics (devant être partie-prenante des initiatives menées à
Paris.
Cette interconnexion des di�érents acteurs s'accompagne d'une obligation pour
les projets de présenter à la fois un objectif de développement durable dans les pays
d'intervention, et d'intégration sur le territoire parisien. En mobilisant plusieurs
acteurs di�érents, la ville de Paris inscrit donc une forme de reconnaissance des
pays d'origine des immigrants, associés à leur intégration. Intégration et dévelop-
pement prennent sont donc compris comme complémentaires, et présente l'impli-
cation dans leurs pays d'origine sous un angle favorable déconnectée d'une gestion
des �ux migratoires 141.
En�n, l'implication des collectivité locales se manifeste également par leur
participation à des forums et séminaires internationaux. La ville de Paris a par
exemple accueillie le colloque � Migrations et développement :enjeux et pièges
du co-développement � du CRID en 2012, soulignant ainsi son soutien aux regards
critiques et alternatifs sur les politiques de codéveloppement 142. On retrouve égale-
ment certaines collectivités locales lors d'événements européens où se développent
des interactions avec d'autres ONG et collectivités européennes soutenant les ac-
tivités des migrants (la mairie d'Aubervilliers participe par exemple au séminaire
d'Eunomad de 2013. Certaines villes (Nantes, Rennes, lyon) s'inscrivent également
dans des réseaux européens (comme le réseau de Eurocities Integrating Cities) por-
tant sur la migration et l'intégration.
Conclusion
On retiendra de cette section que l'investissement progressif des collectivités
territoriales ne va pas de soit et émerge sous l'in�uence de ses relations avec les
141. Pour plus de détails, lire : Maggi et al., Migrations transnationales sénégalaises, intégra-
tion et développement : Le rôle des associations de la diaspora à Milan, Paris et Génève, op. cit.,
p86.142. CRID, Enjeux et pièges du codéveloppement - actes du colloque, op. cit.
85
populations migrantes et les organisations de la société civile. Si la coopération
décentralisée constitue l'outil le plus prometteur de collaboration pour les Organ-
isations de la Société Civile, c'est bien à partir des questions d'intégration que les
collectivités territoriales font leur entrée dans les discours du codéveloppement.
Ces pratiques restent cependant isolées et déconnectées, malgré leur poten-
tiel de mise en réseau. Elles sont cependant des alliés de poids pour la mise en
÷uvre des projets des OSIM : elles donnent à la fois de la visibilité et de la re-
connaissance à l'implication des migrants. Elles ont en outre la capacité d'intégrer
la contribution des migrants dans une perspective de gouvernance territoriale plus
large, favorisant les échanges et la concertations autour de projets de coopération
au développement.
86
Conclusion et perspectives : quelle place pour les
OSIM dans les débats sur le codéveloppement
À travers les documents analysés dans ce mémoire et les observations présen-
tées, il semble bien que la thématique migration - développement soit en pleine
évolution dans l'espace français.
La première partie nous a permis de montrer que, alors que les études sur
les relations migration et développement sont très vastes et riches (diversi�ant
ses angles d'approches pour une compréhension plus complexe des activités des
migrants), la ré�exion dans l'espace français a longtemps été limitée aux positions
prises par le gouvernement français, en lien avec sa politique de contrôle des �ux
migratoires.
Depuis une dizaine d'année, nous avons pu mettre en évidence que la partici-
pation active de di�érents acteurs à la coopération internationale contribue à faire
évoluer la ré�exion. Les institutions gouvernementales développent de nouvelles
perspectives invitant à des politiques qui favorisent l'accompagnement des activ-
ités des migrants et leur circulation. Elles prennent des distances avec les politiques
de contrôle des �ux de migrants via l'APD. Le Forim béné�cie d'un ancrage grâce
à l'accompagnement du programme PRA/OSIM qui lui permet de prendre position
au niveau national, en relayant les préoccupations des OSIM, tout en e�ectuant un
travail de mobilisation auprès de celle-ci (contribuant ainsi à assurer son expertise
dans les réseaux de coopération nationaux et internationaux). Les ONG et réseaux
d'ONG favorisent quant à eux la ré�exion et la mise en commun des expériences
des acteurs locaux. Ils mettent en valeur la façon dont les parcours et les activités
transnationales des migrants s'associent aux questions de développement territo-
rial. En�n, les collectivités territoriales développent peu à peu des expériences et
des partenariats avec les communautés de migrants, donnant une forte visibilité à
la valeur ajoutée des immigrés dans les sociétés d'accueil.
Au �l de ces discours et pratiques variées, le concept de codéveloppement
se révèle comme un discours a posteriori sur les pratiques des acteurs. Comme
l'a�rme le chercheur Thomas Lacroix : � le codéveloppement n'est pas un terme
87
�gé : il est fonction de la diversité des référentiels et des intervenants � 143.
Or, ces référentiels évoluent : d'une approche spéci�que à l'espace français et
concentrée sur la question des circulations migratoires, la ré�exion sur la migra-
tion et le développement se déplace : on assiste à une concentration des discours
sur l'apport des communautés migrantes, tant dans les pays d'accueil que d'orig-
ine. Cette in�uence des analyses sur pro�l transnational des migrants favorise les
recherches et les dialogues sur les meilleures façon d'accompagner les initiatives.
Di�érents programmes et structures d'accompagnement apparaissent et tentent
de lier l'action des OSIM aux pratiques des di�érents acteurs de la coopération
internationale française.
À travers ces mobilisations, la question des politiques d'intégration devient
plus saillante ici et la gouvernance multi-acteurs au niveau territorial gagne en im-
portance dans les projets de développement qui sont créés là-bas. Cette meilleure
compréhension des OSIM et les liens créés avec elles permettent d'autre part à l'es-
pace français de se détacher de l'e�ervescence des discours voyant le développement
par les migrants et leurs transferts comme la nouvelle solution aux problèmes de
développement des pays. En e�et, les positions étudiées privilégient davantage une
approche en termes de partenariats avec les migrants dont il s'agit d'accompagner
les initiatives.
Cependant, si l'apport de ces perspectives sous l'in�uence des la société civile
et des instituts de recherche permet une meilleure compréhension du rôle des mi-
grants, il faut souligner les limites qui accompagnent cette augmentation de l'in-
térêt porté aux associations de migrants : cela concerne d'une part les politiques
mises en place au niveau national, et d'autres part, le champs associatif des OSIM.
Tout d'abord, si le codéveloppement donne aujourd'hui un plus grand rôle aux
migrants, les liens entre migration et développement semblent quant à eux prendre
des orientations politiques di�érentes au niveau national. À travers les politiques
publiques, la contribution des migrants au développement semble en e�et renvoyée
par l'État à l'échelon local. Le codéveloppement semble devenir l'attribution des
143. Lacroix, Les résaux marocains du développement : Géographie du Transnational et Poli-
tiques du Territorial, op. cit., p219.
88
acteurs locaux (collectivités, OSIM, ONG) sous l'÷il bienveillant du gouvernement
qui encourage ces pratiques avec une part du budget de l'APD des plus limitées : le
programme PRA/OSIM et les quelques programmes de développement nationaux
incluant les migrants ne semblent pas engager de vision stratégique de la coopéra-
tion française, laissant le codéveloppement comme un volet mineur des politiques
domestiques.
D'autre part, les politiques migratoires, malgré leur déliement de l'aide au dé-
veloppement, ne semblent pas évoluer vers une plus grande prise en compte des
migrants. L'inscription de la politique migratoire française dans les accords eu-
ropéens de Tampere privilégie e�ectivement une gestion concertée des �ux migra-
toires, où les activités des migrants restent des � partenariats gagnant-gagnant �
à � encourager �. Le codéveloppement reste donc à être traduit en tant que poli-
tique au niveau national, sous peine d'être simplement transféré à l'attention des
niveaux de coopération décentralisés.
Ces discours et pratiques ont une autre limite au niveau local. Les acteurs
que nous avons étudiés valorisent en e�et les activités des OSIM et tentent de les
inscrire dans des dispositifs plus généraux (gouvernance territoriale, intégration).
Cependant, les recherches sur les diasporas rappellent à notre attention que les dy-
namiques associatives des OSIM restent à étudier en profondeur. Les associations
de la diaspora restent en e�et très diverses : associations de village, associations de
jeune, associations de femmes, associations d'intellectuels ou fédération de la dias-
pora sont autant de types d'OSIM qui ont des attentes, des revendications et des
pratiques très variées 144. Si les référentiels sur le développement et l'intégration
sont plaqués sur les activités et les partenariats des OSIM, les relations d'échanges
avec les communautés d'origine préexistent largement les discours et les partenar-
iats sur la migration et le développement. De ce point de vue, le codéveloppement
n'est qu'un référentiel mobilisé et instrumentalisé par ces associations pour obtenir
une reconnaissance de leur investissement 145.
144. Voir notamment l'étude de la diaspora sénégalaise en France Maggi et al., Migrations
transnationales sénégalaises, intégration et développement : Le rôle des associations de la diaspora
à Milan, Paris et Génève, op. cit., p90.145. Lacroix,Migration, Développement, Codéveloppement : quels acteurs pour quels discours,
89
Au regard de ces enjeux, on peut conclure que la migration et le développement
dans l'espace français n'est pas tant une question de stratégie des politiques migra-
toires ou de développement. Il s'agirait plutôt, comme le dit Antoine Dumont 146,
d'accompagner la reconnaissance des migrants dans di�érents espaces : nationaux,
transnationaux (au niveau des territoires locaux où ils s'insèrent) et associatifs.
op. cit., p38.146. Antoine Dumont. � Les conditions d'émergence de projets de développement local au
sein des associations d'immigrés marocains en France �. Dans : Emigrés - immigrés dans le
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Annexe 4 : perspectives sur la politique de coopéra-
tion au développement du nouveau gouvernement :
le compte rendu du CICID
Le 31 juillet 2013 a vu la réunion du CICID : Le Comité Interministériel de
la Coopération internationale et du Développement dé�nit les axes prioritaires
de la politique de développement de la France en concertation avec les di�érents
Ministères du gouvernement. Celui-ci ne s'était pas réuni depuis cinq ans, et la
� rénovation de la politique de développement � telle qu'elle est présentée privilégie
l'action auprès des pays les plus pauvres et les enjeux liés à l'environnement. Le
rôle des migrants dans ce contexte ne semble trouver sa place qu'à travers la
création d'un Conseil National du Développement et de la Solidarité Internationale
(CNDSI) qui a pour but de coordonner les activités des acteurs locaux et européens
de la Solidarité. En revanche, dans sa décision numéro 15, le gouvernement ne
semble pas s'éloigner dans la pratiques des mécanismes de gestion concertés des
migrations, telle qu'elle était pratiquée par les précédents gouvernements :
Le Gouvernement relève que politique de développement et politique
migratoire doivent être en cohérence. Il reconnaît le rôle des migra-
tions pour le développement des pays partenaires. Les migrants sont
des acteurs du développement. Ils y contribuent par leurs apports �-
nanciers, techniques et culturels. L'articulation entre politique migra-
toire et politique de développement s'inscrit dans l'approche globale des
migrations adoptée par le Conseil européen en 2005 et mise en ÷uvre
par l'Union européenne. Cette méthodologie a vocation à s'appliquer
à tous les pays concernés 147.
147. Comité interministériel de la coopération internationale et du développe-
ment du 31 juillet 2013. Relevé des décisions. 2013, p6.
99
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